CONCLUSION
L'étude de la recherche du premier principe dans la
pensée d'Aristote et de Plotin qui a été l'objet de notre
investigation tout au long de ce travail nous a permis de comprendre comment
l'unité provient-elle de la multiplicité. Notre travail se
voulait une analyse philosophique et comparative des points de vue d'Aristote
et ceux de Plotin au sujet de ce qui serait l'élément premier
dans l'ordre des choses. Ceci nous a conduit à la mise en relief des
motivations de Plotin qui ont accompagné sa critique du Premier moteur
d'Aristote dans la recherche du premier principe.
Dans un premier moment, nous nous sommes attardés
à expliciter la conception du Premier moteur d'Aristote. Avec lui, nous
constatons que c'est à partir de l'idée du mouvement qu'il faudra
poser l'existence d'un être premier qu'il nomme le "Premier
moteur" en vertu de son immobilité. Mais pour lui, cet être
premier dans l'ordre de la connaissance est non seulement une substance
immobile et éternelle, il est également une pensée qui ne
pense qu'à ses propres idées qui sont intelligibles. A cet effet,
ce Premier moteur devient une substance séparée du monde
sensible, mais il demeure nécessaire à toute la vie puisque le
bonheur de l'homme consiste à le contempler.
Dans la seconde partie, il a été question
d'étudier le premier principe chez Plotin qu'est l'Un. Dans ce chapitre,
l'accent est mis sur la critique plotinienne du Premier moteur d'Aristote.
Convaincu du fait que tout ce qui pense est déjà composé,
Plotin s'attaque à la "pensée qui se pense" d'Aristote.
Pour lui, il n'est de principe que ce qui est absolument simple,
c'est-à-dire ce qui n'a rien besoin pour sa propre existence. Et, pour
juger insuffisante cette théorie aristotélicienne du Premier
moteur, Plotin s'est inscrit dans une problématique de la procession du
multiple à partir d'un principe unique, simple et autosuffisant.
Contrairement à cette théorie d'Aristote, la recherche du
principe chez Plotin aboutit à un principe universel voire absolu,
puisqu'il est à la fois cause génératrice et finale, ce
dont tout provient et ce que tout désire. En plus, c'est en raison de
son indétermination qu'il est nécessairement origine de toutes
les réalités. Il les engendre toutes par l'intermédiaire
de deux réalités divines ou intelligibles que sont l'Intellect
divin et l'Âme.
Outre sa critique d'Aristote, Plotin s'attache au premier
principe en vue de ramener toutes choses vers l'unité. Il pense que le
meilleur moyen pour y parvenir reste le détachement de l'âme
à tout ce qui est susceptible d'être sensible. De même
qu'Aristote, Plotin propose pour ainsi dire la contemplation comme moyen
d'accéder au premier principe. Mais, chez lui, cette contemplation ne
consiste pas seulement en l'ascension de l'âme, mais beaucoup plus en un
éternel retour vers le principe. Plotin fait de cette contemplation le
but propre de l'activité philosophique comme découverte du
principe et l'accomplissement de la destinée de tout être.
La troisième partie de notre travail a consisté
en une appréciation critique de l'entreprise de nos deux auteurs. Il
s'agissait, d'une part, de faire ressortir des éléments
permettant d'affirmer la pertinence philosophique de leur système de
pensée et conduisant ainsi à leur influence vis-à-vis de
la postérité. Tout compte fait, il ressort que ce système
a contribué à mieux comprendre et à rendre intelligible
l'activité de la recherche du principe premier et unique, une recherche
initiée dès l'Antiquité grecque. D'autre part, nous avons
remarqué et présenté quelques points de convergences et de
divergences au sujet de cette recherche. Par conséquent, c'est ici que
nous apercevons non seulement le dépassement qu'opère Plotin par
rapport à Aristote, mais aussi comment la recherche d'un tel principe
s'est toujours imposée comme l'exigence de tout projet philosophique.
Enfin de compte, nous avons pu comprendre que le
dépassement du Premier moteur comme premier principe entrepris par
Plotin au cours de sa recherche de l'absolu a été une grande
rénovation dans le projet philosophique de la Grèce antique.
Toutefois, comme tout système de connaissance, la théorie de
Plotin a connu aussi ses difficultés qui témoignent qu'une telle
démarche ne peut se réduire à un système
dogmatique. La théorie plotinienne de l'Un comme principe unique et
premier ne saurait donc pas être exhaustive, elle reste plutôt une
recherche que la philosophie grecque a léguée à la
postérité.
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