4.3.3.3. La phytomasse herbacée et la
capacité de charge
Il faut noter d'emblée que les évaluations de
phytomasse épigée qui sont conduites en milieu réel,
c'est-à-dire en libre accès, ne représentent que des
valeurs par défaut de la production potentielle dont une partie est
consommée par le bétail. Pour avoir cette production potentielle,
il est nécessaire que le pâturage considéré soit
soustrait de la pâture animale par un dispositif de mise en défens
(Boudet, 1975). La grande majorité des données
disponibles dans la littérature ont cependant
été acquises dans les mêmes conditions que les nôtres
et la comparaison paraît donc pertinente. Par ailleurs, pour des besoins
d'analyse de la pression saisonnière du bétail nous avons
recherché la capacité de charge de saison sèche pour les
unités dont l'exploitation est impossible (UPP1 & UPP2) ou
très modérée (UPP5) en saison pluvieuse. Les
capacités de charge des unités de l'aire protégée
n'ont pas été calculées, ces unités étant
légalement interdites au bétail domestique.
Les phytomasses (6,5 tMS.ha-1) et, en
conséquence, les capacités de charge annuelle les plus fortes
(1,06 UBT/ha/an) correspondent aux savanes arborées et boisées
à pérennes sur sols profonds du Parc (UPw3) (tableau IV-10). En
dehors de l'aire protégée, les valeurs de phytomasse (de
même que celles de capacité de charge) les plus
élevées sont observées sur les sols les plus profonds et
les plus humides (UPP1 & UPP2). La phytomasse et la capacité de
charge (en UBT à l'hectare ou en nombre jours pour un UBT) apparaissent
d'autant plus faibles que le sol est plus mince et plus sec.
Tableau IV-10. Biomasse herbacée (moyenne #177;
écart-type) et capacité de charge moyenne dans les
différentes unités paysagères
Unités paysagères Pastorales
|
Biomasse (tMS.ha-1)
|
|
Capacité de charge
|
|
En saison sèche
|
Toute l'année
|
(UBT.ha-1)
|
(nb jour /
UBT.ha-1)
|
(UBT.ha-1)
|
(nb jour /
UBT.ha-1)
|
UPP1* UPP2*
UPP3
UPP4 UPP5* UPP6 UPw3** UPw4** UPw1**
|
4,78 #177; 0,43c 4,59 #177; 0,53c 3,42
#177; 0,58bc 3,27 #177; 0,50b 1,41 #177; 0,50a
1,84 #177; 0,85a 6,50 #177; 0,63d 4,32 #177;
1,27c 2,55 #177; 0,56a
|
1,03 #177; 0,09b 0,99 #177;
0,11b ---- ---- 0,30 #177;
0,10a ---- ---- ---- ----
|
152, 30 #177; 13,70b 146,24 #177;
16,89b ---- ----
44,92 #177; 15,93a ----
---- ---- ----
|
---- ---- 0,52 #177; 0,09 b 0,50 #177; 0,08
b ---- 0,28 #177; 0,13 a ---- ---- ----
|
---- ---- 81 #177; 14 b 77 #177; 12
b ----
43 #177; 21a ----
---- ----
|
Sur la même colonne, les valeurs portant les mêmes
lettres ne sont pas significativement différentes au seuil de 5%.
* Unités paysagères pastorales peu ou pas
exploitées en saison pluvieuse
** Unités paysagères de l'aire
protégée à accès illégal.
nb, nombre
Il importe de noter qu'en étant évitées
ou peu pâturées en saison de pluies les unités UPP1, UPP2
et UPP5 voient leur potentiel de phytomasse mieux préservé et
leur capacité de charge plus importante que si elles n'étaient
pas épargnées.
Les tendances observées dans nos données de
phytomasse tout comme dans celles de capacité de charge en dehors de
l'aire protégée ont déjà été
enregistrées dans le même terroir (Zouri, 2003) ou ailleurs
(Boudet, 1978 ; Zoungrana, 1991 ; Sawadogo, 1996 et Kagoné, 2000)
(tableau IV11). Boudet (1975) notamment, à partir de travaux conduits
dans la bande soudanienne d'Afrique de l'Ouest, obtient une valeur de
phytomasse allant de 0,8 tMS.ha-1sur
les sols cuirassés à 2,5 tMS.ha-1pour
les terrasses colluviales ou savanes inondables en zone nord-soudanienne. Par
ailleurs, les plus fortes valeurs de phytomasse sont enregistrées dans
les sites ombragés non embroussaillés (3 tMS.ha-1),
toutefois les valeurs de phytomasse observées à Kotchari (y
compris dans l'aire protégée) sont plus élevées que
celles enregistrées par Boudet (1975). Elles sont, en outre, assez
proches mais plus variées que celles obtenues par Kagoné (2000)
et Zoungrana (1991) en zone nord-soudanienne du Burkina Faso. Par contre nos
données sont légèrement supérieures à celles
de Tiogo (Sawadogo, 1996), bien meilleures que celles enregistrées plus
au Nord dans la Tapoa (Barpoa, Botou et Kanlayenou) mais plus faibles que
celles de sites plus méridionaux (Nikki Kalalé au
Nord-Bénin et la province du Kénédougou à l'Ouest
du Burkina Faso). Ceci est une indication que la quantité de biomasse
produite suit le gradient climatique. Plus on va vers le sud, horizon plus
humide, plus celle-ci est importante. Par ailleurs, les données de
l'aire protégée enregistrées sont légèrement
plus faibles que celles enregistrées dans des aires
protégées voisines, la réserve de faune de Pama-Nord et le
ranch de gibier du Singou (2,84 à 7,25 tMS.ha-1, Savadogo,
2004). Si on revient aux données de Zouri (2003) obtenues dans le
même terroir de Kotchari, on peut observer, relativement à nos
données, que les capacités de charge des unités
paysagères ont depuis connu une baisse, cette baisse est notamment plus
importante sur les unités les moins productives.
Les capacités de charge enregistrées par
Kagoné (2000), en saison pluvieuse sont nettement supérieures aux
nôtres, mais l'auteur a utilisé un coefficient de 75% pour cette
saison.
Tableau IV-11. Différentes valeurs de phytomasse et de
capacité de charge en zone soudanienne
Lieux
|
phytomasse (tMS.ha-1)
|
Capacité de charge annuelle
(UBT.ha-1)
|
Sources
|
Kotchari (hors aires protégées)
|
1,41 - 4,78
|
0,28 - 0,99
|
Présente étude
|
Kotchari (aires protégées)
|
2,55 - 6,50
|
----
|
Présente étude
|
Kotchari
|
2,92 - 4,92
|
0,43 - 0,72
|
Zouri, 2003
|
Botou
|
1,87 - 2,8
|
0,27 - 0,41
|
Zouri, 2003
|
Kanlayenou (Botou)
|
0,32 - 2,07
|
0,05 - 0,32
|
Bambara, 2010
|
Barpoa (Diapaga)
|
0,73 - 2,36
|
0,11 - 0,36
|
Bambara, 2010
|
Réserve de faune de Pama-Nord
|
2,84 - 7,25
|
0,41 - 5,4
|
Savadogo, 2004
|
Luili-Nobéré
|
1,94 - 3,87
|
0,6 - 1,6*
|
Kagoné, 2000
|
Luili-Nobéré
|
1,94 - 3,87
|
0,2 - 0,4**
|
Kagoné, 2000
|
Nikki-Kalalé (Nord Bénin)
|
1,98 - 12,4
|
----
|
Oloulotan, 1988
|
Secteur nord-soudanien
|
0,8 - 3
|
0,11 - 0,37
|
Boudet, 1975
|
Secteur nord-soudanien
|
2,68 - 4,58
|
0,77 - 1,11
|
Zoungrana, 1991
|
Secteur Sud-soudanien
|
2,4 - 8,13
|
----
|
Zoungrana, 1991
|
Tiogo (Centre- ouest)
|
1 - 4,30
|
----
|
Sawadogo, 1996
|
Sidi, Banfoulaguè, Guèna
|
2,98 - 4,78
|
0,45 - 0,73
|
Yanra, 2004
|
(Kénédougou, Ouest)
|
|
|
|
* Capacité de charge de saison pluvieuse avec un
coefficient d'utilisation de 75% ; ** Capacité de charge de saison
sèche.
98
Les moindres phytomasses et capacités de charge
mesurées en dehors de l'aire protégée sont une
conséquence de la pâture animale et de la pauvreté en
nutriments des sols (Fournier, 1994), qui résultent toutes deux de la
pression d'exploitation (pastorale et agricole) dans ce secteur.
Cette situation d'inégale distribution de biomasse
entre la partie accessible du terroir et sa partie incluse dans l'aire
protégée, en dehors de la différence dans la
disponibilité immédiate pour le bétail, a une
conséquence sur les feux de brousse dont on connait le rôle majeur
dans l'entretien de ces milieux (César, 1991 & 1994 ; Hoffmann et
al. 2003) et dans les repousses d'arrière saison pluvieuse en
particulier pour les unités à herbacées pérennes
(Fournier, 1991 ; Kièma S., 2007). Une conséquence de cette
relative faiblesse de phytomasse herbacée hors de l'aire
protégée est que les feux de végétation y sont
moins violents que dans le Parc lui-même. Les aires
protégées de la région dans lesquelles se maintiennent les
écosystèmes de savane soudanienne sont ainsi plus
régulièrement et plus intensément parcourues par les feux
que les zones extérieures agricoles et pastorales à
végétation modifiée (Clerici 2006, Clerici et al.
2007, Devineau et al. 2010). Il faut rappeler que, du point de vue de
la gestion pastorale, le brûlage des parcours à annuelles est tout
à fait contre-productif (César, 1992 ; Kièma S., 2007)
alors que le brûlage des parcours à herbes pérennes
présente un intérêt fourrager en favorisant des repousses.
En fin de saison des pluies et début de saison sèche les pailles
sèches des pérennes sont relativement pauvres en matières
azotées et riches en silice et donc peu digestibles. En revanche leurs
repousses immédiatement après le passage du feu, s'il existe une
réserve en eau dans le sol, ou à défaut après les
premières pluies, sont très riches en nutriments et très
appétibles ; elles constituent un apport alimentaire précieux
à ces périodes difficiles « de soudure » (Fournier
1996).
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