3.5. Les autres activités socio-
économiques
3.5.1. Les activités agricoles
L'agriculture est la première occupation en milieu
rural dans la Tapoa (DREP-Est, 2010) où elle occuperait environ 93,7% de
la population rurale (Sanou, 2005). A l'instar de l'élevage, c'est une
activité conduite de manière itinérante et sur
brûlis. Jusqu'en 1997, période de retour du coton dans la zone,
cette agriculture était essentiellement orientée vers la
subsistance. Les principales spéculations agricoles sont le sorgho, le
mil, le maïs (qui a pris un grand essor avec la
généralisation de la cotonculture). Le riz est en essor avec
l'aménagement des bas-fonds entrepris par les projets (PADL/T, PICOFA).
Les spéculations de rente sont
35 Pendant tout le temps de nos enquêtes nous
n'avons rencontré que deux troupeaux d'éleveurs
gourmantché venant de la commune de Botou.
65
l'arachide, le coton, le niébé, la patate, le
soja, le sésame et le manioc. D'autres spéculations plutôt
marginales et maraîchères (pastèque, choux, oignon, pomme
de terre, tomate, aubergine) sont conduites par endroits (ACRA, 2009).
Le retour du coton dans la région pendant la campagne
1996/97 a occasionné de grands bouleversements dans le paysage agricole
et dans l'économie rurale. La pression sur l'espace a été
accrue avec l'arrivée de migrants agricoles et l'installation de grandes
exploitations qui ont accéléré le taux d'occupation des
sols dans toutes les communes cotonnières comme celle de Tansarga. La
corrélation entre la cotonculture et l'accélération de
l'occupation de l'espace est si forte que lorsqu'en 2007 l'engouement pour
cette culture a baissé, faute de prix rémunérateur
(Renaudin, 2007)36, on a observé une déprise agricole
après une longue période de forte progression du front agricole ;
cette déprise semble se poursuivre actuellement (figure
III-5)37. Il faut signaler que, dans cette partie du Burkina Faso,
seule la commune de Botou, où l'élevage représente la
première activité économique et qui présente des
traits physiques soudano-sahéliens, ne connaît pas la culture du
coton.
Figure III-5 : Évolution des superficies totales
emblavées (1999 à 2008) et des superficies en coton (2004
à 2008) dans la commune de Tansarga (Données:
DPAHRH/Tapoa38, 2008 ; SOCOMA39, 2010).
3.5.2. Les activités extractives : la chasse et la
pêche.
La province de la Tapoa dispose d'un réseau
hydrographique assez important. Trois plans d'eau d'importance, la Tapoa, la
Boudieri et l'Arly, peuvent être signalés. Ils offrent un
potentiel halieutique assez important, dont l'exploitation reste cependant au
stade rudimentaire (Sanou, 2005). Les acteurs du secteur sont en effet
très peu organisés et les
36 A l'échelle du pays, selon l'auteure, ce
recul a occasionné une baisse de production du coton graine de l'ordre
de 10% (de 715000 à 660000 tonnes).
37 Les données sur les superficies totales
emblavées avant 2003/2004 n'étaient pas exploitables.
38 Direction provinciale de l'agriculture, de
l'hydraulique et des ressources halieutiques de la Tapoa
39 Société cotonnière du
Gourma.
produits issus de cette activité sont destinés
essentiellement à l'autoconsommation et au marché local (Zouri,
2003).
La province dispose, par ailleurs, d'un potentiel faunique
très important dû à la concentration en aires
protégées et surtout de leur structuration en réseau. Un
recensement aérien conduit par Bouché et al. (2003) en
2002 avait donné les statistiques suivantes pour l'ensemble du complexe
WAPOK (ensemble d'aires protégées W, Arly, Pendjari, et
OtiKéran): 442 éléphants, 399 buffles et 421 hippotragues.
La présence du buffle (Syncerus caffer), du bubale
(Alcelaphus buselaphus), du cobe defassa (Kobus defassa), du
phacochère (Phacochoerus africanus), etc., témoigne
d'une faune sauvage assez riche qui attire chaque année beaucoup de
touristes en période de chasse. Par ailleurs, quatre espèces de
primates s'y rencontrent: le cynocéphale ou babouin (Papio
hamadryas), le singe rouge (Erythrocebus patas), le singe vert ou
vervet (Chlorocebus aethiops) et le galago du Sénégal
(Galago senegalensis). Notons en outre que le parc W est classé
zone d'importance pour les oiseaux et qu'on y a dénombré en 1979,
278 espèces d'oiseaux. Quelques rapaces comme l'oricou, le gyps
africain, le gyps de Rüppel, le percnoptère brun, le vautour
huppé, l'aigle martial, le messager serpentaire, le bateleur, ainsi que
de nombreux échassiers et passereaux ont été
enregistrés. Certains estiment même que plus de 70% des ressources
fauniques du Burkina Faso se trouvent dans le complexe d'aires
protégées de la région (Tankoano et al. 2010).
Ce potentiel faunique permet l'émergence d'un secteur
touristique qui commence à être dynamique. De nombreuses
réserves partielles de faune ont, en effet, été
concédées à des particuliers (exemple de la réserve
partielle de faune de la Kourtiagou)40 et chaque année la
saison de chasse draine de nombreux touristes pour la chasse sportive et la
vision. Par ailleurs, pour aller dans le sens des recommandations de la
Convention sur la biodiversité (CBD) et des différentes
conventions internationales et programmes (notamment le programme MAB (Man And
Biosphere) de l'UNESCO de 1971) qui suggèrent que, dans un souci
d'équité et de développement durable, les
communautés riveraines soient associées dans la gestion des
ressources naturelles (concept de gestion participative ou inclusive),
l'État et ses partenaires promeuvent localement la mise en place de
zones villageoises d'intérêt cynégétique (ZOVIC).
Une ZOVIC est définie comme "une partie du terroir d'une
communauté de base, affectée par elle à l'exploitation des
ressources cynégétiques" (article 99 ; code forestier) ou comme
"une aire de protection faunique créée sur le terroir d'une
communauté de base" (article 4 ; décret 2008-312). Selon
Kaboré (2010) « l'idée de ZOVIC a été
introduite dans la législation forestière nationale comme mesure
d'accompagnement des nouvelles décisions de concéder les
réserves de chasse aux opérateurs privés ». Les
ZOVIC sont régies à la fois par le code forestier (loi 006/97/ADP
du 31 janvier 1997), le décret 2008- 312/PRES/PM/MECV/MATD/MEF portant
conditions de création et de gestion et par la loi 055-2004/AN portant
code général des collectivités territoriales (CGCT).
Ces zones de chasse, lorsqu'elles sont adossées aux aires
fauniques, peuvent jouer le rôle de zones tampons
40 Cela à la faveur des nouvelles
orientations (à partir de 1987 puis de 1996) en matière de
politique de gestion des aires fauniques (Baillon & Sournia, 1987 ;
Kaboré, 2010) qui veut que, pour mieux assurer leur surveillance,
celles-ci soient confiées à des opérateurs privés
(guides de chasse puis concessionnaires).
67
pour celles-ci41, et permettre ainsi de les
sécuriser en réduisant la pression anthropique sur leur noyau
central. Elles permettent la valorisation du petit gibier local qui procure des
revenus, peu importants pour l'instant42, aux populations. Dans le
terroir de Kotchari, quatre ZOVIC sont enregistrés (Gnimboama :
162 ha ; Lada : 279 ha ; Nangbanli : 221 ha et
Pielgou) mais elles sont à des stades différents de
développement et certaines comme celle de Pielgou sont d'ailleurs
contestées alors que celle de Lada attend d'être consensuellement
délimitée (Sawadogo, 2011)43. La contestation des
ZOVIC, qui s'inscrit dans la continuité de celle des aires fauniques
elles-mêmes44, est généralement du fait
d'agriculteurs faisant face à un besoin crucial en terres ou devant
déguerpir ou alors d'éleveurs qui craignent que les ZOVIC ne
constituent une astuce supplémentaire des agriculteurs pour les exclure
de certaines portions du terroir45. La majorité des
agriculteurs locaux (plus de 89%) (Zombra, 2008 ; Kaboré, 2009)
montrent, quant à eux, un grand intérêt à la mise en
place de ces entités de gestion et de valorisation de la petite faune
villageoise.
Il faut signaler par ailleurs, qu'une grande portion du
terroir (423 ha) située dans le secteur sud du côté du
village de Gnimboama (Sawadogo, 2004 ; Sawadogo, 2011) constituant initialement
la ZOVIC dudit village est passée depuis une dizaine d'années
sous la gestion de l'ONG Nature et Vie46. C'est une zone assez
particulière en ce qu'elle regorge une importante diversité
faunique, notamment aviaire et végétale.
41 L'état encourage en effet qu'autour des
aires fauniques, soient mises en place des zones tampons, définies comme
des bandes ceinturant les aires et dans lesquelles les aménagements
socioculturels et économiques doivent être compatibles avec les
objectifs de l'aire protégée (article 79, code forestier). Les
ZOVIC, en tant que zones tampons, sont un compromis efficace en ce qu'elles
permettent de répondre à ces objectifs tout en mobilisant les
communautés qui tirent profit de leur gestion (il y a alors une sorte de
compensation face aux interdictions d'accès au noyau central des
réserves); ce qui rejoint l'esprit du programme MAB (Man And Biosphere)
de l'UNESCO de 1971.
42 Kaboré (2010) note par exemple qu'au titre de la
campagne de chasse 2006-2007 seulement une somme de 50000 FCFA à 200000
FCFA ont été redistribués à chacun des villages
bénéficiaires dans la zone de la réserve de Pama Nord
(province du Gourma)
43 Selon les dispositions réglementaires en
la matière (code forestier, décret 2008-312, CGCT), la ZOVIC est
mise en place et gérée par le CGF « Commission de gestion de
la faune » (article 6, décret 2008-312) sous le contrôle du
conseil villageois de développement (CVD) et du Conseil communal
(article 11, décret 2008-312) et qui doit, avec l'appui technique des
services étatiques de gestion faunique (article 3, décret
2008-312), assurer la gestion de la zone à travers des actions
d'aménagement comme la surveillance, l'ouverture des pistes, les
reboisements.
44 Kaboré (2010) montre que le rejet des
aires fauniques n'est pas seulement mû par la seule considération
de l'accès aux ressources qu'elles regorgent. Des considérations
comme le désir d'exercer un droit de contrôle ou de la poursuite
de la pratique des rites sacrificiels sont causes aussi des revendications.
45 La loi dispose que c'est le CGF (représentant les
communautés de base) qui définit les activités
autorisées (article 101, code forestier du 31 janvier 1997) avec l'appui
des services techniques. On peut craindre alors qu'il ne naisse des
velléités tendant à soustraire ces zones à
l'exploitation animale.
46 La cession de cette zone à l'ONG ne s'est
pas faite par consentement. Les villageois, se sont vus obligés de le
faire car la promotrice est l'épouse du premier Ministre de
l'époque qui est par ailleurs, natif de Tansarga, chef-lieu de la
commune.
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