1.3- Politiques agricoles
Après l'indépendance, les politiques de
développement rural au Sénégal ont suivi pendant plusieurs
années les grandes lignes préconisées dans les plans de
développement économique et social. Ces derniers
définissent " des grandes orientations qui déterminent, pour
un horizon de moyen terme, les stratégies, les objectifs et les
programmes à mettre en oeuvre pour développer l'économie
aussi bien au niveau national que sectoriel ».
La première période de politique agricole est
marquée par la production arachidière qui a
représenté 87% des exportations jusqu'en 1965. En effet, durant
toute cette période, " l'arachide a exercé sur toute
l'économie du Sénégal une écrasante
souveraineté ». Le monde rural vivait au rythme de la «
traite » de l'arachide qui " a été la seule qui ait
donné lieu à des échanges massifs et organisés.
.Elle a été le moteur de toute la circulation monétaire
intéressant la paysannerie ». (VERHAEGEN E., 1984).
Mais la volatilité de son cours a entraîné
une récession au niveau de l'activité du secteur primaire. Les
2è et 3è plans de développement
économique et social ont mis l'accent sur la « diversification de
la production » pour résorber le déficit vivrier et
réduire le déficit du commerce extérieur. A la suite de la
sécheresse et son corollaire de baisse des principales productions
(arachide, mil, riz), l'état s'est appuyé sur ses relais
d'intervention que sont les
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Mémoire Master Amadiane DIALLO
structures d'encadrement pour sensibiliser et encadrer les
paysans sur les thèmes techniques relatifs à la diversification
et à l'amélioration de la productivité. Ce fut la
création des sociétés régionales de
développement rural (SRDR) privilégiant ainsi l'approche
régionale sur l'approche filière (TOURE, 2002). L'Etat poursuit
ainsi des objectifs contradictoires en voulant préserver les recettes
tirées de l'arachide tout en visant l'autosuffisance alimentaire. Les
producteurs sont encouragés à accroître leurs superficies
allouées à l'arachide et les intrants y afférents. Ceci a
accentué leur endettement.
La seconde période coïncide avec l'ère des
politiques d'ajustement structurel qui marque une rupture d'avec les
formulations de plans de développement économique et social. A
cause de la baisse des recettes d'exportation, l'état ne peut plus
supporter les charges financières nécessaires pour assumer le
rôle d'intermédiaire en amont et en aval des productions
agricoles. Les attentes des paysans deviennent inadéquates
vis-à-vis des possibilités de l'état (GAYE D., 1992). Ce
fut la suppression progressive de l'encadrement. L'approche filière
s'est imposée dans la formulation de la Nouvelle Politique Agricole (NPA
de 1984 à 1994) et du Programme d'Ajustement Sectoriel de l'Agriculture
(PASA de 1994 à 1997). C'est le début du désengagement de
l'état et de la responsabilisation progressive des paysans avec une
redynamisation de l'action coopérative. La politique d'interventionniste
de l'état cède la place au mécanisme du marché avec
notamment la suppression des monopoles et la libéralisation des
importations de riz, principale céréale de consommation au
Sénégal.
Le retrait brutal de l'état a fragilisé le monde
rural qui n'a plus droit aux subventions d'intrants et de matériels
agricoles. Selon GAYE (1992), « en privilégiant le milieu
urbain, l'Etat accentue le poids démographique de la ville et, en
conséquence, son déficit alimentaire ».
A partir de 1998, l'état, avec l'appui de la banque
mondiale, met en oeuvre le Programme des Services Agricoles et Organisations de
Producteurs (PSAOP) dont l'objectif principal est de mettre en place un nouveau
système d'appui au monde rural comprenant cinq (5) composantes : la
Recherche agricole et agroalimentaire, les Organisations de Producteurs, le
Conseil agricole et rural, le Fonds national de recherche
agricole et agroalimentaire et le Ministère de l'Agriculture et de
l'élevage.
Cependant, toutes ces réformes politiques n'ont pas
donné les résultats escomptés. L'agriculture n'arrive
toujours pas à assurer une sécurité alimentaire. Le
Sénégal fait face à une dépendance aux importations
de denrées alimentaires.
A la faveur de l'alternance politique de 2000, le nouveau
président a voulu marquer son passage en mettant en oeuvre des
programmes spéciaux tout azimut pour faire face à des
difficultés conjoncturelles. C'est ainsi que les programmes de relance
des filières maïs, manioc, bissap ont été
déroulés de 2004 à 2008.
Face à l'émigration clandestine et à
l'exode rural galopant, le Plan de Retour Vers l'Agriculture (Plan REVA) a
été mise en oeuvre par les pouvoirs publics appuyés par
des partenaires extérieurs. Ce plan ambitionne de développer
l'agro-industrie avec des fermes pilotes comme base des productions et
d'impulser la commercialisation et la transformation de la production agricole,
animale et halieutique.
A la suite du renchérissement des prix des
céréales au niveau mondial en 2008, le président lance le
programme GOANA (Grande Offensive pour l'Agriculture, la Nourriture et
l'Abondance) qui avait pour objectif global « d'assurer une production
suffisante en nourriture afin d'assurer la souveraineté alimentaire du
pays en ce qui concerne tout au moins les principaux produits agricoles
consommés par les sénégalais et en s'appuyant sur les
potentialités de chaque région ».
La dernière trouvaille de ces programmes
spéciaux est celui des biocarburants qui a été
lancé durant la campagne agricole 2007-2008. Le Président
sénégalais, Abdoulaye WADE a convoqué en 2006 à
Dakar une conférence internationale des Pays Non Producteurs de
Pétrole (PANPP) en vue de définir une stratégie commune
face à la flambée des prix du pétrole et de ses
conséquences négatives sur leurs économies. C'est ainsi
qu'un comité pluridisciplinaire chargé de la promotion des
biocarburants a été mise en place. En novembre 2006, le
Sénégal a créé un Ministère chargé
des Biocarburants. En conséquence, il s'est lancé dans la
production de biocarburants en mettant l'accent sur la promotion du Jatropha
curcas (Pourghère en Français et Tabanani en wolof) qui est une
espèce poussant naturellement dans le pays.
Malgré tout, le secteur agricole souffre de beaucoup de
maux. Selon la publication de la situation économique du
Sénégal de l'Agence Nationale de la Statistique et de la
Démographie de 2008, la production agricole nationale demeure
limitée par : la dépendance à un régime
pluviométrique marqué par son irrégularité
impliquant une faible activité saisonnière en milieu rural
(quatre mois) ; la faible productivité des systèmes de production
dominés par une agriculture de subsistance ; la vétusté et
l'insuffisance du parc de matériel agricole ; la faible qualité
du capital semencier ; sa désarticulation par rapport au régime
alimentaire national (riz, légumes, autres céréales)
largement dépendant des importations.
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Mémoire Master Amadiane DIALLO
Une étude sur le profil sécurité alimentaire
du Sénégal (CSAO-CILSS, 2008) a permis de faire les constats
suivants :
? la production agricole assure de moins en moins la
couverture des besoins nationaux : le taux de couverture est passé de
64% pour la campagne agricole 1987/88 à 43% en 2006/2007 du fait surtout
du désengagement de l'état par rapport aux ressources
allouées (semences, engrais) durant le plan d'ajustement structurel. En
outre, il faut remarquer la diminution des superficies par actif agricole qui a
chuté de moitié entre 1960 et 1998 suite à la
multiplication des micro-exploitations agricoles.
? par conséquent, le pays fait un recours croissant aux
importations commerciales pour combler le déficit : le
Sénégal importe plus de 600.000 tonnes de riz par an
? dès lors, la pauvreté gagne du terrain en
milieu rural et touche davantage les ménages dépendant
strictement des activités agricoles, une situation qui les expose
à une insécurité alimentaire.
Cet état de fait maintient le Sénégal
dans une dépendance inquiétante des importations de vivres. Pour
renverser cette tendance, les politiques agricoles doivent mettre plus
l'accent, dans leurs orientations, sur la dynamisation de la production, de la
transformation et de la commercialisation des produits agricoles afin
d'améliorer la sécurité alimentaire des populations.
Au final, il est clair que la priorité du
Sénégal en matière de développement agricole et
rural est le renforcement de la sécurité alimentaire par le biais
d'un secteur primaire productif, assurant des revenus substantiels aux
ruraux.
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