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Exploitations agricoles familiales et projets d'agrocarburants de proximité au Sénégal. Cas du projet Jatropha dans le département de Foundiougne

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par Amadiane DIALLO
Université catholique de Louvain - Master 2 en politique économique et sociale 2011
  

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5- Controverses autour des agrocarburants

5.1- De l'historique des politiques agricoles mondiales aux enjeux et logiques globales

des agrocarburants

Selon Jean-Philippe PEEMANS, les politiques agricoles dominantes actuelles " sont le résultat de stratégies d'acteurs qui systématiquement depuis des générations ont cherché à remodeler la pluralité des modèles de développement préexistants selon une logique unique qui impulse leurs seuls intérêts et impose leur pouvoir de décision. ». Citant LANG et HEASMAN (2004), il précise que "la marchandisation-commodification du monde, et son impact destructeur sur l'agriculture et la paysannerie est la manifestation la plus visible de l'extrême violence de ce modèle dominant ». En outre, " du point de vue environnemental cette logique repose sur une instrumentalisation sans limite de la nature et des espèces végétales et animales, tandis que du point de vue social, elle provoque une marginalisation et une destruction systématiques de la paysannerie (MC MICHAEL P., 2000) ».

Dans le cadre du cours intitulé « Acteurs et territoire » (DVLP2335, 2010) qu'il a dispensé avec Etienne VERHAEGEN, un survol historique de l'évolution des politiques agricoles dominantes a été réalisé. Les paragraphes qui suivent en sont une synthèse.

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Mémoire Master Amadiane DIALLO

Tout d'abord, il faut souligner que les politiques agricoles dans le monde ont été longtemps influencées par le modèle dominant des grandes puissances. Depuis la seconde guerre mondiale, les résultats spectaculaires du New Deal7 aux Etats unis d'Amérique, notamment les surplus agricoles exportables dégagés, ont fortement orienté toutes les politiques agricoles de modernisation. Les puissants investisseurs de l'agro-alimentaire, en quête de conditions de rentabilité de leurs activités, se ruent dans les pays du sud.

Pendant la décolonisation et la guerre froide, le paradigme de développement fut la modernisation avec un rôle central de l'Etat. Le développement est ainsi vu comme « un processus de rattrapage et les paysanneries perçues comme figées dans les traditions ». La production agricole et le travail paysan étaient alors les ressources pour le développement industriel et la consolidation des Etat-Nations.

Dans les années 1970, les limites de ce modèle mènent à l'ouverture au commerce international. Des réformes agraires et foncières vont faciliter les politiques patrimoniales étatiques des ressources naturelles et les grands projets communément appelés « éléphants blancs ». Dans les pays sahéliens, des grosses sociétés d'encadrement et commerciales orientées vers les cultures de rente ont été mises en place.

C'est à partir des années 1980 que le rôle des Etats-Nations dans le développement a été redéfini. Désormais le développement doit répondre au processus continu d'adaptation aux exigences de la libéralisation et de la globalisation des marchés. Le Consensus de Washington assigne désormais aux Etats le rôle de facilitateurs de l'intégration des populations aux marchés et logiques globaux. Les espaces locaux deviennent alors les supports des « pôles de performances » pour répondre aux exigences de la demande et des conditions des marchés globaux.

Les Plans d'Ajustement Structurel (P.A.S.) ont été imposés aux états au début des années 80 en contrepartie de 1'octroi de nouveaux préts ou de l'échelonnement d'anciens préts par le FMI et la Banque mondiale. Cette période qui s'étend de 1980 à 2000, coïncide avec la montée des grandes préoccupations environnementales globales (Conférences des Nations Unies sur l'Environnement., la Biodiversité, le Climat). Les grands projets ont été abandonnés au profit de projets locaux. Les maîtres mots deviennent : Décentralisation/Bonne gouvernance/Développement participatif. Les acteurs locaux sont devenus «les partenaires » du développement. Toutefois, les territoires locaux sont toujours intégrés à l'espace global.

7 Terme désignant la politique anti-crise de Franklin Roosevelt menée entre 1933 et 1935 notamment le soutien aux prix agricoles

Les politiques d'appui à la privatisation de la terre sont encouragées sous le prétexte de sécuriser les investissements pour améliorer la productivité. C'est ainsi que l'accès aux ressources aux " out-growners » ou " agri-businessmen » a été facilité et élargi.

A partir des années 2000, le contexte des changements climatiques, de la pénurie des ressources renouvelables notamment le pétrole sont en-tête de tous les agendas politiques sans oublier les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) qui stipulent dans ses objectifs 7 et 8 respectivement : Assurer un environnement durable et Mettre en place un partenariat mondial pour le Développement.

A cette période, le grand casse-tête qui se pose à l'humanité reste l'alternative à l'" or noir » dont elle a été habituée et a construit son modèle de développement. L'urgence de l'adaptation aux changements climatiques et de l'atténuation de ses effets négatifs par la réduction des émissions des gaz à effet de serre (GES) a favorisé une orientation vers des énergies renouvelables. Dans cette optique, la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques a adopté en 1997 le protocole de KYOTO signé par 183 pays mais non encore ratifié par tous (les Etats-Unis par exemple). Il dispose que les pays développés doivent réduire leurs émissions de CO2; ils peuvent acheter et vendre des permis négociables pour maîtriser les émissions là où leurs réductions sont les moins coûteuses ; ils peuvent aussi investir dans des projets dans les pays en développement à travers le mécanisme de développement propre8. Les agrocarburants, entrant dans cette famille des énergies renouvelables, deviennent des éléments centraux dans la nouvelle orientation de l'agriculture à côté de la percée des OGM (Organismes Génétiquement Modifiés) qui sont destinés à booster les productions et satisfaire l'agro-industrie et par conséquent la grande distribution.

Dès lors, les agrocarburants, émettant potentiellement moins de gaz à effet de serre que les hydrocarbures issus du pétrole, ont été ciblés, entre autres, comme axes stratégiques de cette nouvelle politique. De nos jours, les projets de cultures d'agrocarburants se développent d'une manière spectaculaire bien que les énergies dérivées ne représentent qu'environ 3% de la consommation mondiale de carburants. Toutefois cette tendance sera forcément renversée quand on sait que les grandes puissances à l'image de l'Union Européenne livrent un combat stratégique contre le changement climatique par les énergies renouvelables. En effet, lors du 20è congrès mondial de l'énergie en novembre 2007, le président de la commission de l'UE,

en l'occurrence, José Manuel BARROSO affirmait " l'histoire nous jugera sur notre capacitéà affronter le défi de l'énergie ainsi que sur la mitigation des effets du changement

8 Voir infra

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climatique». Ceci s'est matérialisé par l'adoption en décembre 2008 du plan « Trois fois 20 » pour l'horizon 2020: réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre, diminution de 20% de la consommation d'énergie et production de 20% d'énergie renouvelable (avec une utilisation de 10% d'agrocarburants pour les transports). Pour atteindre cet objectif, l'UE sera obligée d'importer une grande partie de sa consommation d'agrocarburants dans les pays du sud où il est annoncé des terres non encore exploitées.

Toutefois, les organisations du Sud réunies en Equateur en 2007 pour débattre sur les agrocarburants et le défi du « développement » dans une société post-pétrolière ont essayé de répondre à la question : pourquoi et pour qui ce mot d'ordre international de la promotion de l'agro-énergie est indispensable ? Selon eux, il est clair que les hydrocarbures constituent le fer de lance de l'économie mondialisée. L'extraction et le contrôle des carburants fossiles sont des enjeux majeurs de pouvoir. Les grandes puissances gouvernent le monde en contrôlant l'énergie. Le mode de vie occidentale devenu, au nom de la globalisation, un modèle universel pour l'humanité est entretenu par une forte demande en énergie et en matières premières (alimentation, santé, vêtements, logement, mobilité...). C'est pourquoi, pour anticiper sur la fin des énergies fossiles, le capitalisme cherche désespérément de nouvelles formes de production d'énergie. La mise en oeuvre des projets d'agrocarburants constitue ainsi une nouvelle géopolitique mondiale. A ce titre, ils renforcent le modèle de l'agrobusiness et de l'agriculture industrielle et sont soumis à la logique de la dette et de l'exportation. Dans cette optique, toujours selon ces organisations du Sud, les agrocarburants sont destinés à remplacer progressivement le pétrole afin de servir de levier au « paradigme de la croissance ».

En Afrique, Il y a un grand nombre d'acteurs impliqués dans la promotion des agrocarburants. Le Brésil connu pour son rôle précurseur dans la production de biocarburant s'est tourné vers le continent africain pour assouvir son ambition de créer un marché mondial pour l'éthanol. Il a réussi déjà à obtenir l'appui d'une quinzaine de pays à travers des accords bilatéraux. Par l'intermédiaire du Forum International des "Bio"carburants, le Brésil et ses associés (la Chine, l'Inde, l'Afrique du Sud, les Etats-Unis et l'Union Européenne), organisent un marché international pour les agrocarburants. Pour alimenter ce marché, plusieurs multinationales de l'énergie comme BP, D1 Engrasa et Petrobras ont financé des projets d'agrocarburants en Afrique. Sous l'égide des institutions internationales, des lois ont été taillées sur mesure pour favoriser cette production à grande échelle des agrocarburants.

François HOUTART dans son livre « L'agro-énergie : solution pour le climat ou sortie de crise pour le capital ? », après avoir jeté un regard critique sur la question, propose de changer tout bonnement le modèle de développement actuel en passant à une logique post-capitaliste de l'économie. Pour lui, " le modèle économique en jeu est nettement orienté vers l'exportation..» au détriment d'un modèle basé sur l'initiative paysanne. Il a mis en exergue les implications et les alliances qui se nouent autour des agrocarburants entre les sociétés pétrolières d'une part et des industries de l'automobile d'autre part. Parlant des motivations des premières, il précise qu' " il s'agit de conserver les monopoles établis sur les ressources énergétiques et dans le second, de garder le contrôle des nouveaux carburants en les adaptant au rythme exigé par les technologies appliquées aux moteurs ». Pour renforcer les agrocarburants comme des éléments de la reproduction du système capitaliste, les multinationales s'activent pour contrôler la production et la distribution afin de diversifier leur source d'accumulation. Il défend la même position que les organisations du Sud qui estiment que " les initiatives dans le domaine des agrocarburants doivent répondre en ordre prioritaire aux besoins locaux et régionaux, plutôt qu'à l'exportation et que la production doit être décentralisée, sur base de l'agriculture paysanne ». Dans le cas des mégaprojets où les investisseurs privés font systématiquement de la monoculture, c'est la logique du profit car dit-il " les plantations représentent bien plus de valeur ajoutée que l'agriculture paysanne et contribuent ainsi à l'accumulation du capital ». Le paysannat est " alors transformé en prolétariat rural ».

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe