2.3 Revue de littérature
Le CAO permet d'identifier et de choisir les meilleures
stratégies, actions ou mesures parmi celles existantes et/ou mises en
oeuvre pour l'atteinte effective d'une cible donnée dans le très
court terme. Plusieurs travaux ont abordé la question de
l'amélioration de la marche vers l'atteinte des OMD en
général. A cet effet, les différentes méthodologies
utilisées pour identifier les besoins et évaluer leurs
coûts pour l'accélération de la marche vers la
réalisation des OMD seront passées en revue, en vue de retenir la
méthodologie adaptée pour vérifier les hypothèses
sur lesquelles repose le présent travail.
Les OMD étant des objectifs retenus par la
communauté internationale, la question de savoir comment les atteindre
s'est posée aux dirigeants. Cette question se justifiait par le souci
permanant des dirigeants d'opérer des choix stratégiques
efficaces et efficients en matière de développement. Plusieurs
outils ont ainsi été élaborés pour identifier
ces
choix et évaluer les besoins en ressources
nécessaires pour la réalisation des OMD. Ainsi, quatre
instruments prédominent de nos jours tous les instruments de
planification opérationnelle.
En juin 2001, un groupe de haut niveau composé de hauts
responsables de la finance et présidé par l'ancien
président mexicain Ernesto Zedillo, a rendu public son rapport sur le
financement des OMD. La mission de ce groupe était, entre autres, de
déterminer une estimation des coûts supplémentaires annuels
de la réalisation des OMD. Cette estimation s'est faite par addition des
coûts de la réalisation des objectifs de façon
individuelle. Ce panel de spécialistes s'était basé sur
les travaux de Collier et Dollar (2000) qui ont montré à l'aide
de cinq (5) différents scénarios les potentiels impacts d'une
aide au développement efficace accompagnée de politiques
conséquentes sur la réduction de la pauvreté. Coller et
Dollar (2000) se sont rendus compte que les pays qui disposaient d'un bon cadre
de politique enregistraient non seulement un accroissement rapide des revenus
des pauvres mais réalisaient aussi de bon progrès dans le domaine
de l'éducation primaire et de la réduction de la mortalité
infantile. Cependant, à l'opposé de l'étude
réalisée la Conférence des Nations-Unies pour le Commerce
et le Développement (CNUCED) 29 , le groupe Zedillo a
réalisé des estimations qui ne tiennent pas compte de
l'hypothèse selon laquelle un accroissement de l'aide au
développement se traduirait par une fuite des capitaux et une
accumulation des réserves.
Les estimations réalisées par le groupe Zedillo
étaient globales et ne permettaient pas de voir plus clair en
matière d'atteinte des OMD.
Certains auteurs ont alors apporté leur contribution
pour pallier à cette imprécision des estimations du groupe
Zedillo. C'est le cas de Devarajan et al (2002) qui sont partis du constat que
si les progrès existants vers les OMD se maintenaient tels, plusieurs
pays ne seraient pas en mesure d'atteindre les objectifs de
développement fixés deux ans plus tôt. Selon eux, il
fallait non seulement que les pays en développement surtout prennent des
initiatives pour améliorer leurs politiques mais également qu'un
financement additionnel soit mobilisé, pour que des progrès
significatifs se fassent
29 La CNUCED a réalisé en 2000 une
étude sur les flux de capitaux et la croissance en Afrique
Réalisé par Hamis O. Alladé
BADAROU & Ruben B. DJOBGENOU | ENEAM, 2011
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ressentir. Ils ont alors produit deux séries
d'estimations des financements additionnels nécessaires pour l'atteinte
des OMD. La première estimation se rapportait aux ressources
additionnelles nécessaires à accroitre le taux de croissance
économique en vue de réduire la pauvreté monétaire.
Les auteurs ont ainsi calculé l'assistance supplémentaire requise
pour atteindre l'objectif de réduction de moitié de la
pauvreté. Pour ce faire, ils ont dans un premier temps estimé le
niveau de croissance supplémentaire nécessaire à
l'accroissement du revenu moyen des populations. Ils calculent ensuite
l'assistance nécessaire pour atteindre ce niveau de croissance. Selon
eux, en considérant le niveau courant de pauvreté et la
distribution des revenus, le taux moyen de croissance nécessaire pour
réduire de moitié la pauvreté conditionne le montant
d'investissements supplémentaires requis. La deuxième estimation
se rapportait aux coûts de la réalisation des objectifs
spécifiques de santé, d'éducation et d'environnement.
Cette approche des auteurs était néanmoins entachée d'une
insuffisance de données empiriques au niveau de plusieurs des pays
étudiés. De plus, ces auteurs ont fait certaines
hypothèses qui se trouvaient être irréalistes au vu de
travaux antérieurs. C'est l'exemple de l'hypothèse selon laquelle
la répartition des revenus reste inchangée dans les pays
étudiés, ce qui contredisait les travaux de certains auteurs
(voir par exemple les travaux de Cornia et Kiishi (2001)).
La Banque Mondiale adopte par ailleurs une méthodologie
à peu près semblable à celle de Devarajan et al (2002).
C'est l'approche par les élasticités. Elle se base sur l'atteinte
de la cible 1A de l'objectif n°1 : « réduire de moitié
la pauvreté». Quatre étapes sont nécessaires pour
évaluer les coûts avec cette méthodologie.
Dans un premier temps, il faut calculer
l'élasticité de la pauvreté par rapport à la
croissance. En fait, il s'agit de chercher la variation du niveau de
pauvreté induite par une variation de 1% de la croissance
économique. Une fois l'élasticité connue, il faut en
déduire le niveau de croissance requis pour atteindre la cible de
réduction de moitié de la pauvreté à l'horizon
2015. Ensuite, il faut déterminer le niveau d'investissement
nécessaire pour atteindre un (1) point croissance. Cette étape
est capitale car elle conditionne l'étape suivante de la
détermination du niveau d'investissement nécessaire pour
l'atteinte de la cible de réduction de moitié de la
pauvreté. Cette méthodologie a
été longtemps employée pour
évaluer les coûts de la réalisation des OMD. Elle avait
l'avantage d'être facile à réaliser mais souffrait de
certaines contraintes qui en limitaient la précision. En effet, avec
cette méthodologie, les investissements ne sont ni définis, ni
ciblés. En conséquence, un investissement quelconque, pourvu
qu'il contribue à booster la croissance dans les proportions voulues,
contribue à la réduction de la pauvreté. Ceci limite en
conséquence le ciblage des investissements et les rend parfois
inopérants pour la réduction de la pauvreté. Par ailleurs
un manque d'informations sur les ressources humaines et en infrastructures
limite énormément l'utilisation d'une telle méthodologie.
C'est ce qui a conduit à l'élaboration de la méthodologie
du Millenium Project. Cette méthodologie ne prend racine dans aucun OMD
spécifique. En effet, avec cette méthodologie, la
détermination des coûts de la réalisation des OMD se fait
pour chaque OMD. Les coûts globaux se déterminent alors par simple
agrégation des coûts unitaires. Trois questions fondamentales sont
posées dans l'application de cette méthodologie : Qui et
où sont les pauvres?30Qu'est-ce qui
doit être fait?31Combien cela va-t-il
coûter et quelles sont les conséquences sur le plan des ressources
humaines?
Cette méthode est basée sur la
détermination des interventions nécessaires et des cibles
associées pour réaliser les OMD (ou costing des OMD). Cette
méthodologie règle tout de suite le problème posé
par la méthodologie des élasticités, celui de non
spécification des investissements. Ces interventions sont des
investissements en bien (livres, médicament etc.), services et
infrastructures (salles de classes, routes, etc.) ou des investissements en
ressources humaines (médecins, enseignants, etc.). Très tôt
donc, on est fixé sur les intrants spécifiques nécessaires
pour obtenir le résultat escompté32. Il faut ensuite
définir les cibles pour chacune des interventions identifiées. Un
exemple de cible est : « réduire de moitié
l'insécurité alimentaire des petits producteurs vivriers
».
30 La réponse à cette question permet
d'identifier la population qui est dans le besoin.
31 La réponse à cette question permet
d'évaluer les besoins (biens, services, infrastructures) jusqu'en2015
32 Ici, il n'est pas nécessaire de se baser sur
un OMD particulier. Cette méthodologie s'applique quelle que soit l'OMD
considéré
L'étape suivante est l'estimation des ressources
nécessaires pour la mise en oeuvre des interventions identifiées.
A cette étape, il faut définir la portée des actions et
estimer tous les apports requis, puis ensuite estimer le coût total.
Enfin, il faut vérifier les résultats. Cela passe par
l'estimation des synergies (externalités entre secteurs) entre les
interventions. L'avantage de cette méthodologie par rapport celle des
élasticités est qu'elle permet dès le départ de
connaître la nature des investissements à réaliser.
Cependant, elle requiert l'existence de données suffisamment
précises pour assurer une bonne qualité des estimations faites.
D'autre part, cette méthodologie soulève un problème de
fond. Celui-ci est relatif au fait qu'il existe une ambigüité quant
à la définition du coût de réalisation d'un OMD. Le
fait est que, des interventions qui contribuent à l'atteinte d'un OMD
peuvent également contribuer à atteindre un autre OMD. C'est le
cas d'une intervention sur l'amélioration de la nutrition des enfants de
moins de cinq ans. Une telle intervention a une implication non seulement sur
la réduction du taux de mortalité des enfants de moins de cinq
ans (OMD 4), mais également sur l'amélioration des aptitudes de
ces derniers pour l'apprentissage (OMD 2). Dans ce cas, il est un peu difficile
de déterminer, sans réserves, le coût de la
réalisation d'objectifs relatifs à la santé et à
l'éducation. Ces possibles chevauchements limitent la précision
des estimations individuelles faites et par conséquent limitent la
précision des estimations globales.
Toutes ces méthodologies d'estimation des coûts
de la réalisation des OMD ont été longtemps
appliquées. Elles ont certes permis de faire de grandes avancées
en termes d'actions pour la réalisation des OMD. Mais, la situation
toujours préoccupante et stagnante des progrès de certains pays
vers les OMD a conduit le PNUD à élaborer une nouvelle
méthodologie basée sur les interventions : c'est le Cadre
d'Accélération des OMD (CAO). Compte tenu de la lenteur des
progrès malgré les batteries d'actions et d'initiatives mises en
oeuvre, et malgré l'importance des ressources (humaines,
matérielles et financières) mises à contribution, il
fallait chercher à apprécier la qualité des interventions
et comprendre ce qui limitait l'efficacité et l'efficience de ces
derniers. Cette méthodologie permet alors de déterminer les
interventions efficientes et les obstacles qui limitent leur mise en oeuvre
efficiente et efficace (qui pourtant peuvent donner de bons résultats)
pour la réalisation des OMD. Elle part de la
priorisation des interventions nécessaires pour la
réalisation des OMD. Elle s'inspire des stratégies et politiques
locales mises en oeuvre. Ensuite, elle identifie les goulots
d'étranglement qui sont des obstacles qui entravent la bonne mise en
oeuvre des interventions retenues au niveau des pays, et qui par
conséquent ralentissent les progrès du pays vers les OMD. Une
fois les goulots identifiés, le CAO propose des solutions localement ou
internationalement éprouvées pour venir à bout de ces
goulots. Cette méthodologie s'inspire non seulement de
l'expérience du pays en matière d'actions rapides et à
impact dans le court terme, mais également des expériences des
autres pays. Elle fournit enfin un plan d'action qui attribue à tous les
acteurs du secteur concerné un rôle dans la mise en oeuvre des
interventions pour la réalisation des OMD concernés. L'approche
CAO, à la différence de la précédente
méthodologie, priorise les interventions à retenir en tenant
compte de la levée possible, dans le court terme, de leurs goulots
d'étranglement.
Plusieurs pays ont expérimenté cette nouvelle
méthodologie dans le but d'améliorer la marche vers la
réalisation de certaines cibles ou objectifs en retard. C'est le cas du
Togo, qui, en raison de la forte incidence de la pauvreté rurale, a
appliqué la méthodologie du CAO dans le but d'accroitre la
productivité des petits agriculteurs. En effet, plusieurs domaines
d'interventions ont été retenus pour atteindre les objectifs
fixés. Il s'agit notamment de la facilitation de l'accès des
petits producteurs aux intrants, l'amélioration de la gestion des
ressources en eau à petite échelle, l'établissement
d'infrastructures de stockage et de transformation de base, etc. Au Togo, ce
cadre a contribué à l'obtention de gains rapides sur le terrain
en matière de productivité des petits agriculteurs. Le Ghana,
l'Ouganda ont eux aussi appliqué le CAO pour l'amélioration de la
santé maternelle. Plusieurs autres pays ont adopté la
méthodologie du CAO, et les résultats positifs de la mise en
oeuvre de cet outil font l'unanimité au sein de la communauté
internationale. C'est donc une méthodologie, dont les résultats
de l'application se remarquent dans le court terme, pour le bien-être des
populations. Au Bénin, la question de la sécurité
alimentaire et nutritionnelle se pose chaque année. Pour y pallier, il
importe d'élaborer et de mettre en oeuvre un instrument efficace et
efficient permettant d'accélérer la marche vers la
réduction de moitié la proportion de la population
béninoise souffrant de faim. Pour y parvenir, le
CAO couplé avec la planification des besoins basés
sur les OMD ou costing des OMD conviendrait.
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