DEDICACE
Nous dédions ce mémoire a tous ceux qui a travers
le monde, luttent inlassablement pour la sauvegarde de la démocratie et
pour le respect des droits fondamentaux et inaliénables de la personne
humaine.
REMERCIEMENTS
Nous remercions et félicitons notre directeur de
mémoire, Monsieur TRAORE Etienne pour sa constante disponibilité,
sa clairvoyance et son esprit critique, qui nous ont permis de réaliser
ce travail.
Nous remercions aussi notre pere Sahirou Tchida, notre
regrettée mere Fatima Ibrahim et notre tante Hadjia Habsatou Ibrahim,
qui ont guidé nos premiers pas vers l'école et pour nous avoir
apporté le soutien matériel et moral nécessaire pour etre
là oil nous sommes actuellement.
Nous ne saurions non plus oublier tous les autres parents,
freres et sceurs, amis et connaissances qui, a un moment ou a un autre, nous
ont appuyé dans notre parcours scolaire et universitaire.
Enfin, nos remerciements vont a l'endroit de tous les
enseignants qui, du primaire a l'université en passant par le
secondaire, nous ont transmis les connaissances nécessaires pour notre
formation intellectuelle et morale.
INTRODUCTION
Au regard de la vie politique en Afrique, sans que cela ne
soit generalise a toutes les nations, nous constatons que la politique est
consideree comme un incessant travail de conquête et de gestion de
pouvoir politique. Elle est a ce titre, le lieu des luttes sans merci, le lieu
ou tous les coups sont permis, elle constitue un moyen d'enrichissement sur le
dos des paisibles contribuables. Et dans certaines contrees, la gestion du
pouvoir politique engendre la creation des foyers de tension, animes par des
conflits fratricides, faisant d'innombrables victimes innocentes, des refugies
et exiles ayant tout perdu a cause de la folie et de l'orgueil individuel des
politiciens.
Par rapport donc a cette situation, qui est l'expression d'un
veritable manquement au devoir, d'une inconsequence et d'une irresponsabilite
de ceux qui ont en charge la destinee des peuples, un retour a la raison et aux
valeurs morales s'impose. Cela permettra une certaine humanisation de
l'exercice du pouvoir politique, un assainissement du clivage politique afin
que la politique reste et demeure au service de l'homme pour la realisation de
son epanouissement materiel et spirituel.
Telles sont donc les motivations qui nous ont conduit au choix
de ce theme pour qu'enfin nous ayons une pratique politique a « visage
humain ». Il sera donc question pour nous de jeter le pont entre la morale
qui recherche le bien et la politique qui vise l'organisation de la cite en vue
de l'epanouissement de tous. A cet effet, l'accent sera mis sur la notion de
responsabilite du citoyen au sens large du terme a la lumiere des concepts de
liberte et de devoir, chers a l'eminent philosophe de l'Aufklariing, Emmanuel
Kant.
En se referant aux objets de la morale et de la politique
definis precedemment, nous constatons que, de par leur finalite, elles ne sont
pas veritablement antinomiques. Mais, la question de leurs interactions
engendre des divergences quant a la nature du systeme politique compatible avec
la morale.
Il se trouve aussi que ces divergences resultent de la
conception que les uns et les autres ont de la nature humaine : si d'aucuns la
considèrent mauvaise, d'autres la jugent bonne. En l'occurrence, nous
pouvons nous referer respectivement ici a Hobbes et a Rousseau. Le premier fait
de l'homme un être naturellement mechant, soumis a des instincts
irresistibles et incompatibles avec l'idee de liberte. Par contre, pour
Rousseau, l'homme est ne bon et est capable d'elevation d'esprit et de sagesse
et sait concilier ses interêts personnels avec l'interêt
general.
De ces positions antagoniques, decoulent le pacte de
soumission de Hobbes et celui d'association de Rousseau qui sont respectivement
les fondements originels du totalitarisme et de la democratie comme doctrines
politiques. Le totalitarisme est la conception politique selon laquelle les
hommes sont soumis a toute puissance des instances sociales et politiques qui
exercent un controle autoritaire sur les personnes et les activites des
individus au mepris de leurs droits individuels. Quant a la democratie, elle
est la doctrine politique qui prone l'exercice de la souverainete par le
peuple, c'est-A-dire l'ensemble des citoyens, au moyen principalement du
suffrage universel. Elle exprime donc la volonte generale des citoyens qui sont
a la fois auteurs et sujets des lois.
Mais la difference de fond qui existe entre ces deux doctrines
reside dans le respect des libertes individuelles et collectives et des droits
essentiels de la personne humaine. C'est a ce niveau que toute la problematique
du rapport entre la morale et la politique prend son sens, car c'est en
fonction de la nature du statut des individus dans une communaute politique
donnee (citoyens ou sujets) et en fonction du mode de leur participation a la
gestion de la chose publique que l'on peut voir en quoi un système
politique peut faire des hommes des citoyens pleinement responsables.
En effet, le domaine du politique est celui de l'action
publique dans le double sens de l'Etat vers les citoyens et des citoyens vers
l'Etat ; de l'action publique des citoyens entre eux dans leur gestion de la
chose publique. Ainsi pour HANS JONAS, la Respublica est "l'objet de la
responsabilite qui, dans une Republique est potentiellement l'affaire de tous,
mais qui n'est actuelle qu'à l'interieur des limites qu'impose
l'observation des obligations generales du citoyen"1. En d'autres
termes, la chose publique etant un bien commun a tous les citoyens, nous sommes
tenus a ceuvrer pour sa sauvegarde, sans que cela nous soit impose par une
force exterieure etant entendu que nous sommes conscients de notre devoir de
l'entourer de toute notre affection.
La chose publique est ainsi le domaine de mediation entre
gouvernants et gouvernes, elle est ce par quoi les droits et devoirs de chacun
sont determines en vue d'une gestion juste et equitable. Or, une telle gestion
ne saurait s'effectuer que dans un climat de paix et de serenite entre
citoyens, dans un esprit de concorde et de cohesion sociale et dans un espace
de libertes qui donne a chacun l'opportunite de participer pleinement a la
bonne marche des affaires publiques.
Il apparait ainsi, au regard de ce qui precède, sans
anticiper sur la conclusion generale que le totalitarisme, ne considerant pas
l'homme dans la plenitude de son humanite, ne reconnaissant pas a l'homme la
possibilite de
1
Hans Jonas. Le principe de Responsabilite. Ed CERF 1991,
p.19
jouir consequemment de sa liberte et concevant la politique
comme simple rapport de commandement a obeissance, ne saurait realiser la
relation entre morale et politique. Autrement dit, il ne peut favoriser
l'accord entre les principes pratiques d'une action bonne avec la gestion des
affaires publiques.
Il decoule pour Hobbes et Machiavel, les principaux
theoriciens du totalitarisme en general et de l'absolutisme en particulier, que
les fins justifient les moyens en tant que ces fins ne sont rien d'autres que
les interets particuliers du souverain en ce qui concerne la sauvegarde et la
conservation de son pouvoir. Par contre la democratie, en reconnaissant
l'individu comme capable d'elevation d'esprit et de sagesse, par la liberte
qu'elle promeut, retablit celui-ci dans la plenitude de sa personne et lui
donne l'opportunite de faire preuve d'objectivite et de responsabilite dans les
actes qu'il pose.
La democratie, reposant sur cette approche republicaine de
l'Etat, est avant tout "un consensus moral, voire un acte de foi"2
auquel on souscrit parce qu'on croit aux valeurs universelles de liberte,
d'egalite et de justice qu'elle proclame. Il resulte de ce fait que la
democratie, en reconnaissant au citoyen la pleine jouissance de ses droits et
de sa liberte, realise toute proportion gardee, l'accord entre morale et
politique.
Dans le cadre d'un Etat de droit, administre et gere par des
citoyens responsables, conscients de leurs devoirs civiques, le pouvoir
politique ne saurait s'affirmer comme oppresseur en ce sens que "le citoyen n'a
d'abord de rapports qu'avec sa conscience et la morale, s'il oublie, il a ce
rapport avec la loi ; s'il meprise la loi, il n'est plus citoyen : la commence
son rapport avec le pouvoir"3.
Par consequent, le citoyen en tant qu'etre raisonnable ne peut
s'epanouir que dans un regime democratique qui lui offre les possibilites de
son affirmation, en tant qu'etre moral, agissant independamment de toute
contrainte exterieure, agissant sous l'autorite de sa volonte autonome.
La liberte n'est pas la faculte de faire n'importe quoi, mais
le pouvoir d'ordonner ses penchants en s'arrachant a la causalite mecanique des
choses pour devenir des centres d'initiatives. Cela semble delicat quand on se
situe dans le contexte d'un gouvernement totalitaire oil comme le souligne
Hobbes "la puissance souveraine a raison même de sa generation, est
puissance de centralisation et d'unification, si bien que dans l'espace et le
temps, rien n'est laisse aux initiatives privees"4. Or, si chacun
dans la sphere de ses competences
2 Hans Jonas, op. Cit. p.19
3 Saint Just, L'esprit de la revolution, ed 101
8, 1963, p 146.
4 Hobbes, Le citoyen, Flammarion 1963, p 42.
ne jouit d'une certaine liberte d'action, gage d'engagement
responsable du citoyen vis-à-vis de ses obligations envers l'Etat, il ne
peut y avoir eclosion d'initiatives.
Face a l'Etat, nul n'est plus que l'autre et chaque citoyen
doit mettre tout son pouvoir en vue du bien general et du salut de la chose
publique. Par un retour a Kant donc, nous estimons que l'imperatif categorique
peut constituer de nos jours le fondement ethique ou moral du politique. Nous
sommes en effet, tous tenus d'agir en tant que citoyens, en nous eloignant
autant que faire se peut de toute idee d'interet egoiste pour ne considerer que
l'interet general.
A cet egard, seul le respect strict de nos devoirs
vis-à-vis de l'Etat et de nos concitoyens, determine veritablement le
sens de responsabilite. Nous devons nous convaincre avec Hallowell que : "le
citoyen est celui qui place ses actes sous l'autorite de sa conscience et
n'obeit qu'a la loi non comme un ordre venant de l'exterieur, mais comme
l'expression du meilleur de lui-meme, qui le pousse a agir en accord avec la
loi dont sa raison a reconnu la necessite."5
Pour y parvenir, l'agir humain, dans le contexte politique
devrait etre subsume a des maximes, comme celle que propose Hans Jonas en
s'inspirant de Kant et qui s'enonce en ces termes : "agis de facon que les
effets de tes actes soient compatibles avec la permanence d'une vie
authentiquement humaine sur terre"6.
Ce travail que nous nous proposons de realiser s'articulera
autour de trois axes essentiels : le premier traite d'un rappel des debats
philosophiques sur le rapport entre politique et moral a la lumière du
totalitarisme et de la democratie ; le second traitera de la pensee morale et
politique de Kant, pour en degager son rapport specifique dans le debat ;
enfin,, le troisième axe cernera l'actualite possible des idees
kantiennes en faisant ressortir dans la pratique politique, la notion de
responsabilite, comme expression du libre engagement de chacun a respecter ses
devoirs et a ceuvrer en vue du salut de la chose publique dans une
atmosphère de paix, de quietude social et de respect mutuel.
5 John Hallowell, Fondements de la democratie, ed
Nouveaux Horizons 1970, p 105.
6 Hans Jonas, op cit, p.30
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