INTRODUCTION
La naissance, le mariage et la mort constituent
généralement les trois événements majeurs dans la
vie des personnes. Un seul cependant, relève d'un choix: le mariage. Ce
dernier est l'union d'un homme et d'une femme c'est-à-dire la
création d'une nouvelle communauté de vie appelée famille
ou foyer ou encore ménage, qui a le plus souvent pour finalité
d'élever des enfants. Depuis quelques années, il existe aussi
d'autres formes de mariage l'exemple ici est le mariage entre des personnes de
même sexe: homosexuel ou lesbien ce qui a conduit à élargir
sa définition. En redéfinissant le mariage comme une union entre
personnes de sexe différent mais également une union entre
personnes de même sexe dans certains pays surtout occidentaux, qui ont
des ordres juridiques différents de celui du Sénégal. Le
mariage est une institution qui a pris de multiples formes selon les peuples et
au cours de l'histoire. Il régit la formation et les règles de
fonctionnement d'une communauté de vie. Cette institution a initialement
pour but de fournir un cadre social et légal au développement de
la famille, mais aussi, selon les époques et les lieux, une
manière d'établir des alliances entre tribus ou familles, de
transférer des biens, de sceller une alliance ou la paix,
réclamer une position de pouvoir, obtenir un capital. Aujourd'hui, le
mariage peut prendre essentiellement deux formes: le mariage civil, qui ne doit
pas être confondu avec un contrat de mariage et le mariage religieux qui
nécessite souvent au préalable un mariage civil. Le mariage
religieux est un sacrement pour les religions, mais un sacrement que se donnent
les futurs époux de par leur engagement. L'acte de mariage donne un
statut avantageux aux époux et aux enfants et crée des
obligations légales entre eux, relativement à leurs enfants et
à leurs familles plus ou moins élargies. Si les époux ne
peuvent contracter un nouveau mariage tant que le premier est valide, alors le
système juridique est dit monogame. Ce type d'union est actuellement
prescrit par le christianisme, le judaïsme de plus en droit
sénégalais il est possible d'opter pour la monogamie. La
polygamie permet à un homme de contracter plusieurs mariages en
même temps c'est le cas au Sénégal et dans un certain
nombre de pays, notamment africains et arabes de culture musulmane. La
polyandrie désigne le mariage d'une femme avec
plusieurs hommes ; ce type d'union est pratiqué dans certains pays
d'Asie1.
Par ailleurs, il est important de rappeler que, dans le
système juridique sénégalais, le consentement au mariage
est l'une des conditions de fond avec celui du sexe et de l'âge des
futurs époux. Dans le monde entier le mariage est
considéré comme un jour de fête et une étape
importante dans la vie d'adulte. Hélas, comme le démontre la
pratique du mariage ne respectant pas l'âge minimal légal n'offre
nulle raison de se réjouir. Le mariage précoce prive une fille de
son adolescence. L'idée d'une période d'adolescence allant de la
puberté à l'âge adulte est étrangère à
beaucoup de sociétés traditionnelles. Une fille pubère
peut concevoir un enfant, elle est donc une femme c'est ce qui est à
l'origine de la violation des droits humains en particulier ceux de la femme et
des enfants. Cependant, il est important de veiller au respect des conventions
internationales et leur insertion dans l'ordonnancement juridique
sénégalais et l'application du principe de la hiérarchie
des normes mais également il ne faut pas perdre de vue les textes
relatifs à l'âge minimal légal du mariage ce qui nous
mène à notre sujet: "l'âge légal du mariage:
approche législative, jurisprudentielle et doctrinale.»
Ainsi l'âge légal peut être entendu comme
l'âge minimal exigé par la loi pour se marier. Au
Sénégal cet âge est fixé par l'article 111 du Code
de la famille qui dispose que: "le mariage ne peut être contracté
qu'entre un homme âgé de plus de 18ans et une femme
âgée de plus de 16ans. .» Le mariage est quant à lui
une union légitime d'un homme et d'une femme en vue de vivre en commun
et de fonder une famille, un foyer. Cette union peut être
célébrée, au Sénégal, soit civilement soit
être célébrée de façon coutumière ou
religieuse, en vue de leur constatation pour les deux derniers cas. Mais
également nous avons trois approches à savoir législative,
jurisprudentielle et doctrinale. D'abord le concept d'approche
législative, qui renvoie à la notion de loi, qui est un texte
formel, écrit et contenant la volonté du pouvoir
législatif. Ensuite, vient la jurisprudence, qui est l'ensemble des
décisions, solutions rendues par les juridictions. Autrement dit, les
juridictions ont pour mission d'appliquer la règle de
1www.lemariage.fr
(Les genres et formes de mariage dans le monde.)
droit. Au cours de cette application, elles sont
amenées à interpréter cette règle. C'est cette
interprétation qui donne naissance à de nouvelles règles
de droit ce qui constitue la jurisprudence2. Enfin, la doctrine est
l'ensemble des écrits des auteurs, des spécialistes, des
juristes. C'est l'ensemble des ouvrages et publications, qui sont faits sur le
droit. Ces écrits émanent des professeurs, des magistrats et des
spécialistes du droit3.
Même si nous avons voulu étendre notre
étude hors de nos frontières afin qu'elle soit comparative
cependant la rareté, au Sénégal, de la jurisprudence pour
ne pas dire son inexistence, et celle de la doctrine relative à
l'âge légal du mariage nous ont obligé à nous
limiter au Sénégal.
Ainsi, nous ne dirons jamais assez l'importance et
l'actualité de ce sujet dans la mesure où il est
nécessaire de voir d'abord, la portée des lois qui
réglementent l'âge du mariage. Ensuite, comment les juges
appliquent ces lois. Font- ils une interprétation restrictive ou une
interprétation extensive de ces textes de loi afin de mieux
protéger les victimes de ce phénomène qu'est la violation
des normes, qui exigent un âge minimum légal pour pouvoir se
marier? Et enfin, quelle est la position de la doctrine par rapport à la
pertinence juridique de ces lois et aussi sur l'application et
l'interprétation qu'en font les juges? Après la loi nationale et
ses applications, il faut noter qu'en dépit de l'existence de nombreuses
conventions internationales et régionales sur les droits humains qui
combattent cette pratique, on note que cette dernière n'est pas pour
autant éradiquée au Sénégal. Il est clair que les
instruments internationaux sur les droits humains relatifs au mariage d'enfant
restent, au mieux de la pure rhétorique ou de simples
déclarations générales de principes, sans aucune politique
nationale ou mécanisme efficace pour les mettre en oeuvre et les faire
appliquer à travers la législation nationale4. Ce
sujet est actuel parce que, d'une part, il n'est pas rare de voir dans la
presse la dénonciation de la violation du
2-SIDIME (Lamine), maitre-assistant ; Cours
d'introduction à l'étude du droit ; Faculté des sciences
juridiques et économiques. 1982.
3 Op cit.
4-www.unicef-icdc.org
Le mariage précoce ; digest Innocentie n°7, 2001.
texte relatif à l'âge légal du mariage,
qui est synonyme de mariage précoce. D'autre part, nous notons au
quotidien l'implication des ONG et de la société civile
nationale, qui tirent sur la sonnette d'alarme pour demander aux pouvoirs
publics de prendre leur responsabilité afin de mettre un terme à
ce phénomène de mariage d'enfant. Mais également, elles
sensibilisent la population à travers des plaidoyers, des publications
et conférences sur les conséquences néfastes de ce
phénomène sur la santé des populations et le
développement.
Par ailleurs, il convient de voir quelles sont les
implications juridiques et pratiques relatives à l'âge
légal du mariage? Autrement dit, les incidences juridiques et pratiques
du mariage précoce.
Etant donné que les mariages précoces ont
forcément des conséquences, on étudiera dans une
première partie les implications juridiques relatives à
l'âge légal du mariage (1ère partie) afin de
terminer dans une seconde partie par voir les incidences pratiques relatives
à l'âge légal du mariage (2ème
partie).
Au Sénégal si la pratique des mariages
précoces est un phénomène récurrent c'est parce que
tout simplement que soit la législation relative à l'âge
légal du mariage n'est plus adaptée soit qu'elle ne reçoit
pas une application rigoureuse. De ce fait il convient de noter que cela a
d'une part, des incidences législatives (chapitre I) et d'autre part,
des incidences jurisprudentielles et doctrinales (chapitre II).
Chapitre I : Les incidences législatives et
conventionnelles.
Il faut préciser ici que si le constat unanime est
qu'il y a une résistance de la pratique des mariages précoces,
celle-ci peut être liée à la façon dont on applique
les normes nationales et internationales et du fait que les Etats n'appliquent
pas la législation nationale conformément aux normes
universelles. Il est important de voir, d'une part, la loi nationale (section
I) et d'autre part, les instruments internationaux et régionaux de
droits humains (section II).
Section I : La loi nationale.
S'il n'y a pas de doute que l'un des rôles de la loi est
de rendre la société stable. Il convient de voir si l'impact de
la loi nationale (paragraphe I) et la nature de la sanction civile et
pénale (paragraphe II) nous permettent de dire que la loi nationale joue
véritablement son rôle, qui est de stabiliser la
société sénégalaise. Relativement à la
résistance de ce phénomène qu'est le mariage d'enfant,
autrement dit, le non-respect de l'âge légal pour se marier.
Paragraphe I : L'impact de la loi nationale.
« Le mariage précoce est tout mariage
contracté avant l'âge de 18 ans, avant que la jeune fille ne soit
physiquement, physiologiquement et psychologiquement prête à
assumer les responsabilités du mariage et de la reproduction
».5 En vérité, si
5 Op. cit
on prend en considération cette définition du
mariage précoce on peut dire que le législateur
sénégalais a donné une base légale au mariage
d'enfant à travers l'article 111 du Code de la famille qui dispose que :
« le mariage ne peut être contracté qu'entre un homme
âgé de plus de 18 ans et une femme âgée de plus de 16
ans sauf dispense d'âge accordée pour motif grave par le
Président du tribunal régional après enquête ».
Même si, par ailleurs, on se félicite qu'au Sénégal
il y a une législation relative à la réglementation de
l'âge du mariage, ce qui n'est pas le cas dans beaucoup d'autres pays.
Cependant, il est important de se demander si à l'époque
où le Code de la famille du Sénégal était
élaboré la législation relative à l'âge
minimal du mariage n'était pas conforme avec les réalités
de notre société de l'époque. En revanche cela ne dispense
pas le législateur de tout critique, car ce qui n'est pas
tolérable et constitue une véritable atténuation à
l'impact qu'aurait dü avoir la loi nationale relative à la
réglementation de l'âge du mariage c'est la lenteur dans la
procédure de correction des incohérences des lois, qui sont
inadaptées relativement à l'évolution de la
société. De plus, ce qui est également regrettable et
constitue une atténuation à l'impact de la loi nationale sur la
pratique du mariage précoce est qu'on observe l'existence de ce dernier,
cependant, on note aussi l'existence d'une loi qui le prohibe ce qui
n'empêche pas les individus de se marier à un âge
précoce. Par conséquent, nous soulignons une persistance de ce
phénomène. A notre avis cette situation appelle de multiples
questions à savoir : si la loi nationale a un impact réel sur les
mariages d'enfant? Si l'Etat du Sénégal est capable de faire
application des lois existantes et de corriger les incohérences entre
les lois nationales relatives à l'âge du mariage et les coutumes
et pratiques religieuses enracinées? Si l'Etat a la volonté
politique de résoudre le problème relatif à la pratique du
mariage précoce ? Il convient de préciser que toutes ces
questions constituent un indicateur qui nous permettra de mesurer l'impact de
la loi nationale relative au mariage précoce, si toutefois nous
parvenons à y répondre convenablement.
D'abord, il convient de dire que la législation
nationale relative à l'âge légal du mariage n'a pas eu
l'effet escompté sur la pratique du mariage précoce malgré
une législation claire, on observe la persistance du
phénomène. Il est important de noter
que cette persistance du mariage précoce est
favorisée en partie par une carence dans l'application de la loi ou bien
parce que les praticiens du droit n'ont pas souvent eu l'occasion de statuer
sur la question, car on note qu'au niveau de nos juridictions rares sont les
cas de contentieux, relatifs au mariage précoce, qui atterrissent devant
le prétoire. En réalité cette situation est
favorisée du fait que les mariages précoces sont
célébrés de façon religieuse ou coutumière
sans que les époux n'aillent, par la suite, le faire constater devant
l'officier de l'état civil soit ils persistent dans cette situation
jusqu'à ce que la femme ait conçu ou atteint l'âge requis
pour se marier. Et en cas de problème dans le couple pour divorcer ils
sont obligés d'aller devant le juge qui, malheureusement, ne pourra que
régulariser le mariage pour ensuite prononcer le divorce demandé
par les époux et tout cela sous le couvert de l'article 142
alinéa 4 du Code de la famille6 qui dispose que : «
lorsque l'un des époux n'avait pas l'âge requis, la nullité
ne peut être invoquée après qu'il ait atteint cet âge
ou lorsque la femme a conçu, à moins que l'action ne soit
intentée par la femme elle-même ». L'autre aspect du
problème consiste en ce que les futurs époux se marient de
façon coutumière ou religieuse précocement sans
constatation ni régularisation. Ainsi, une fois le mariage
consommé avec la personne encore mineure et que cette consommation
précoce du mariage occasionne pour cette dernière des
problèmes de santé très graves du fait que l'épouse
n'était pas physiologiquement mature pour entretenir des rapports
sexuels. Le problème sera résolu dans la famille, parce que
très souvent ce sont des mariages entre parents (cousin et cousine), ce
qui exclut l'option de saisir les tribunaux.7
Ensuite, il convient d'expliciter la position de l'Etat,
autrement dit, si celui-ci a la volonté politique de mettre un terme aux
mariages précoces ; car il faut préciser que la volonté
politique réside dans les actes et nullement dans les paroles. Par
ailleurs on ne manque pas de constater l'abondance des programmes, des
études et des séminaires, pour ne citer que cela, afin d'exprimer
théoriquement la volonté de l'Etat pour lutter contre la pratique
des mariages précoces mais tout cela finira au
6 Entretien avec le Président du tribunal
départemental de Tambacounda. 7Entretien avec le
Président du tribunal départemental de Kanel (Matam).
mieux par être consigné dans des rapports, qui
seront oubliés au fond des tiroirs. La volonté politique de
l'Etat doit résider dans la mise en oeuvre des actions concrètes
à savoir un cadre juridique efficace, appuyé par des ressources
et des mécanismes d'application de la loi ce qui pourra constituer une
garantie de la volonté politique de nos gouvernants en faveur de la
lutte contre le mariage d'enfant.
Enfin, il serait intéressant de voir la capacité
de l'Etat à faire appliquer les lois existantes et de corriger les
incohérences entre les lois nationales relatives à l'âge du
mariage et les coutumes et pratiques religieuses. La capacité de l'Etat
à corriger les incohérences est plus facilement concevable, car
il s'agira sur le plan organisationnel de mettre en place une commission qui
étudie et relève les incohérences notées afin de
proposer des réformes, qui seront mises à la disposition du
parlement qui se chargera de traduire ces propositions en lois de la
République qui seront applicables dans l'ordre juridique
sénégalais. Mais, il va de soi que toutes ces réformes
seront accompagnées d'un budget, l'Etat doit prévoir cela et y
mettre les moyens qu'il faut. L'autre problème qui mérite une
attention particulière, car très délicat, est
l'application de la loi nationale qui n'est pas toujours conforme avec les
aspirations coutumières et religieuses de la population. Il faut dire
que c'est là le noeud du problème que l'Etat doit résoudre
avec fermeté, car si chacun se prévaut de l'application de ses
propres règles coutumières ou religieuses on risque de voir la
continuation de la pratique du mariage précoce, qui est un
problème sensible et tabou mais cela ne doit pas constituer un obstacle
pour les autorités publiques afin qu'elles prennent leurs
responsabilités en abrogeant toutes les lois et pratiques
coutumières et religieuses qui ne sont pas conformes aux normes
nationales et internationales, du reste, il nous faut un Etat fort dont les
convictions vont dans le sens de mettre en place une législation
garantissant les droits humains et plus particulièrement ceux des femmes
et des enfants qui se trouvent être les catégories les plus
vulnérables.
Par ailleurs, s'il est vrai que la pratique du mariage
précoce est sanctionnée clairement au civil, il convient de noter
que ce n'est pas le cas au pénal. Donc, il est intéressant de
voir la nature de la sanction civile et pénale.
Paragraphe II : La nature de la sanction civile et
pénale.
Nous pouvons affirmer sans nous tromper que
l'efficacité et le respect d'une règle de droit résident
dans le fait qu'elle soit accompagnée de sanction civile et/ou
pénale. Il est important de préciser que même les
règles de droit accompagnées de sanction ne sont pas toujours
respectées, par un certain nombre d'individus de notre
société, à plus forte raison que celles dont la sanction
n'est pas proportionnée ou même inexistante. Du reste, il est
important de voir ce qu'il en est des dispositions de l'ordre juridictionnel
sénégalais relatives à la sanction civile et/ou
pénale des mariages d'enfant.
D'abord, la sanction civile, qui est la nullité absolue
du mariage si toutefois un des époux n'avait pas l'âge requis pour
contracter mariage est une exigence posée par le législateur
à l'article 111 du Code de la famille (plus 18 ans pour les hommes et
plus 16 ans pour les femmes). Il est important de montrer que la seule sanction
civile, dans le Code de la famille, à ce jour, afin de sanctionner la
pratique du mariage précoce, est la nullité absolue qui est
posée par l'article 141 du Code de la famille qui dispose que : «
quelque soit la forme du mariage, sa nullité doit être
prononcée : ~ Lorsque l'un des époux n'avait pas l'âge
requis, en l'absence de dispense... » A notre avis cette sanction civile
qu'est la nullité absolue du mariage ne décourage pas
suffisamment ceux qui s'adonnent à cette pratique, car ils ne risquent
que la nullité du mariage. Il est important de souligner ici que le
législateur sénégalais a manqué l'occasion de punir
proportionnellement ceux qui pratiquent le mariage précoce parce que
tout simplement même si la nullité du mariage met un terme
à la situation qui a occasionné la souffrance de la jeune fille,
elle ne répare en aucune manière le préjudice qu'elle a
déjà subi et que les coupables vaquent librement à leurs
préoccupations sans avoir à dédommager la victime. Plus
grave encore si nous faisons la combinaison de l'article 141 du Code de la
famille avec l'article 142 du même Code à son aliéna 4 qui
dispose que : « lorsque l'un des époux n'avait pas l'âge
requis, la nullité ne peut être invoquée après qu'il
est atteint cet age ou lorsque la femme a conçu, à moins que
l'action ne soit intentée par la femme elle-même. » Si
on s'étonnait que la sanction civile ne soit pas aussi
rigoureuse ni proportionnée par rapport à la gravité du
phénomène de la pratique du mariage précoce ; une fois
qu'on met en oeuvre les dispositions de l'article 142 alinéa 4 du Code
de la famille on se rend compte qu'il annule le moyen que le législateur
avait mis en place pour permettre aux juridictions sénégalaises
de prononcer la nullité absolue en cas de mariage précoce. En
d'autres termes si la femme a conçu ou que l'époux qui n'avait
pas l'âge requis l'a atteint le juge ne pourra plus faire application de
la nullité absolue du mariage sauf si c'est la femme qui est
demanderesse à l'action pour la nullité de son mariage (art. 142
al. 4 CF). Autrement dit l'article 142 alinéa 4 du Code de la famille
permet de valider les mariages précoces une fois que la femme a
conçu ou que l'époux qui n'avait pas l'âge requis l'a
atteint ; les juges ne peuvent user de la rétroactivité pour
punir les individus qui s'étaient mariés précocement.
C'est dans ce sens que le Président du tribunal départemental de
Tambacounda disait que : « dans les cas cités par l'article 142 du
Code de la famille ils (les juges) sont sous le couvert de la loi pour
régulariser les mariages précoces. »
Enfin, relativement à la sanction pénale afin de
réprimer le mariage précoce seul l'article 300 du Code
pénal en fait état et de quelle manière ? Ce dernier en
ses alinéas 1 et 2 dispose que : « quiconque, lorsqu'il s'agit de
la consommation d'un mariage célébré selon la coutume,
aura accompli ou tenté d'accomplir l'acte sexuel sur la personne d'un
enfant au-dessous de 13 ans accomplis, sera puni de deux à cinq ans
d'emprisonnement. »
S'il en est résulté pour l'enfant des blessures
graves, une infirmité, même temporaire, ou si les rapports ont
entrainé la mort de l'enfant ou s'ils ont été
accompagnés de violences, le coupable sera puni d'un emprisonnement de
cinq à dix ans. » Ce qui a amené une juriste à dire
que « On entend partout « les mariages précoces sont
interdits, l'âge légal du mariage est de 16 ans pour la fille (et
de 18 ans pour le garçon, art. 111 CF), mais c'est un interdit non
accompagné de sanctions. Aucune disposition pénale ne
réprime le mariage précoce en tant que tel.
»8Ainsi, il
8-www.raddho.africa-bew.org
( « LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET AUX PERSONNES VULNERABLES
AU SENEGAL - LES REFORMES QUI S'IMPOSENT. »
Par Fatou Kiné CAMARA, Docteure d'Etat en Droit,
Chargée d'enseignement, Faculté des Sciences Juridiques et
Politiques, Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
convient de noter qu'il nous sera très difficile
d'être en désaccord avec les propos pertinents de cette
éminente juriste quand elle affirme que " Aucune disposition
pénale ne réprime le mariage précoce en tant que tel.
» Par ailleurs, nos points de vue divergent sur cette affirmation " c'est
un interdit non accompagné de sanctions. » Tout simplement parce
que même si ce sont " des sanctions imparfaites et incohérentes
» il y a quand même des sanctions à cet interdit civilement
nous avons comme sanction la nullité absolue du mariage même si
c'est insuffisant et au pénal le mariage précoce est
réprimé s'il est consommé sur un enfant de moins de 13 ans
le coupable sera puni de deux à cinq ans d'emprisonnement (article 300
du Code pénal). Mais cela ne peut être pris comme une excuse pour
le législateur sénégalais eu égard à
l'incohérence notoire dont il a fait preuve relativement à la
sanction de la pratique du mariage d'enfant qui a des conséquences
désastreuses sur la santé, l'économie, l'éducation
et le développement de notre pays. Le législateur
sénégalais n'a pas pu saisir la balle au rebond avec la loi
n°99-05 du 29 janvier 1999 afin d'apporter des corrections par rapport aux
dispositions relatives à l'âge du mariage ; comment peuton fixer
l'âge du mariage à 16 ans pour les filles, pour ne sanctionner
pénalement que les mariages consommés sur l'enfant de moins de 13
ans. Par ailleurs l'article 300 du Code pénal légalise la
pédophilie sur les enfants âgés entre 13 et 16 ans qui se
trouveraient dans les liens du mariage ; la conséquence qu'on en tire
est que le pédophile qui consomme son mariage avec un enfant de plus de
13 ans et n'ayant pas encore 16 ans n'encourt pas une sanction pénale
mais seulement civile à savoir la nullité absolue du mariage.
Puisqu'on ne trouve pas de dispositions pénales relatives à la
sanction de la consommation du mariage précoce sur un enfant de plus de
13 ans donc les coupables de ces actes échappent à la loi du fait
que le législateur sénégalais n'a pas prévu de
dispositions en ce sens et que l'article 4 du Code pénal dispose : " Nul
crime, nul délit, nulle contravention ne peuvent être punis de
peines qui n'étaient pas prévues par la loi ou le
règlement avant qu'ils fussent commis . » Avec l'article 4 du Code
pénal on note la mise en oeuvre du principe de la légalité
qui
Table ronde du décembre 2008 à la Résidence
Le Ndiambour.)
semble couvrir, en l'absence de dispositions, les coupables
d'avoir consommé un mariage sur un enfant de plus de 13 ans. Cependant,
il est important de dire qu'on ne peut pas imputer cette situation à la
mise en oeuvre du principe de la légalité mais du seul fait que
le législateur sénégalais a mal
légiféré concernant la sanction de la pratique du mariage
d'enfant. Plus grave encore, l'article 4 du Code pénal où l'on
trouve le principe de la légalité et l'article 300 du même
Code qui est mal rédigé, car ne sanctionnant pas ceux qui
consomment leur mariage sur une jeune fille âgée de plus de 13 ans
et n'ayant pas encore atteint l'âge requis pour se marier, sont issus
d'une même loi c'est-à-dire la loi n°99-05 du 29 janvier 1999
; ainsi en aucun moment du processus où une loi passe jusqu'à sa
promulgation ; on n'a pas pu déceler cette incohérence qui
aboutit à la couverture de ceux qui ont consommé leur mariage
précoce sur un enfant de plus de 13 ans.
En vérité, il faut noter qu'une réforme
s'impose afin d'amener une correction à ces incohérences et
d'adapter la législation sénégalaise aux instruments
internationaux et régionaux des droits de l'homme pour mettre un terme
à la pratique du mariage précoce.
Section II : Les instruments internationaux et
régionaux des droits humains. (Protocoles, Conventions, Chartes et
Déclarations)
Il est important de souligner que pour mieux lutter contre la
pratique du mariage précoce il faudra adapter les législations
nationales aux instruments universels des droits humains (paragraphe I) mais
également aux instruments régionaux des droits humains
(paragraphe II).
Paragraphe I : Les instruments internationaux des droits
humains.
Sur le plan international on remarque l'existence de nombreux
traités, afin de préserver les droits de la femme et de l'enfant
et également de lutter contre la pratique du mariage précoce,
dont le Sénégal est soit signataire soit adhérent. Par
conséquent, il convient de noter qu'en ratifiant les
Conventions internationales ou en y adhérant, les Etats parties
acceptent la responsabilité légale de respecter ces
dernières et, par là même, se trouvent obligés de
prendre des mesures pour protéger l'exercice et la jouissance des droits
humains, mener des enquêtes sur leurs violations et assurer aux victimes
de ces violations des recours efficaces.9 Au demeurant, il faut
préciser que nous ne ferons état que de quelques-uns de ces
traités internationaux à savoir : la Convention sur le
consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement des
mariages entrée en vigueur le 9 décembre 1964 ; la Convention sur
l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard
des femmes de 1979, qui est ratifiée par les gouvernements de 165 pays
dont le Sénégal qui le cite dans le préambule de sa
Constitution, et la Convention relative aux droits de enfant de 1989, qui est
ratifiée par 191 gouvernements dont le Sénégal et qui l'a
également cité dans le préambule de sa Constitution ;
seuls deux pays ne l'ont pas ratifié à savoir les Etats-Unis
d'Amérique et la Somalie.
D'abord, la Convention sur le consentement au mariage,
l'âge minimum du mariage et l'enregistrement des mariages de 1964 ;
dispose en son article 2 que : "les Etats parties à la présente
Convention prendront les mesures législatives nécessaires pour
spécifier un âge minimum pour le mariage. Ne pourront contracter
légalement mariage les personnes qui n'auront pas atteint cet âge,
à moins d'une dispense d'âge accordée par l'autorité
compétente pour des motifs graves et dans l'intérêt des
futurs époux. » Cette disposition indique aux Etats signataires, la
voie à suivre c'est-à-dire de " prendre les mesures
législatives nécessaires pour spécifier un âge
minimum pour le mariage » certes fixer un âge minimum pour le
mariage est un avancé juridique non négligeable mais faudrait-il
encore que cet âge ne soit pas en-dessous de 18 ans, car de nos jours le
combat primordial relatif à la lutte contre le mariage précoce
est d'inciter toutes les législations aussi bien nationale
qu'internationale à relever l'âge minimum du mariage à 18
ans aussi bien pour l'homme que pour la femme. Mais le constat que nous avons
fait nous oblige à nous rendre compte que tel n'est pas le cas parce que
même si les instruments universels des droits humains fixent
l'âge
9www.ippf.org
(« En finir avec le mariage d'enfant » ; Fédération
internationale pour la planification familiale ; Sep 2006).
minimum du mariage à 18 ans ils laissent toujours une
échappatoire aux législations nationales qui en profitent pour
mettre en place des dispositions qui instituent un âge minimum pour se
marier très bas. Au Sénégal cet âge est fixé
à plus 16 ans pour la femme et plus de 18 ans pour l'homme (art.111 CF).
Mais dans certains pays il est plus bas et dans d'autres pays on ne fixe
même pas d'âge minimum pour se marier.
Ensuite, il convient de voir la Convention sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes de 1979, qui dispose à son article 16.2 que
« les fiançailles et les mariages d'enfants n'ont pas d'effets
juridiques et toutes les mesures nécessaires, y compris des dispositions
législatives, doivent être prises afin de fixer un âge
minimal pour le mariage. » Cette Convention condamne le mariage d'enfants
et fixe à 18 ans l'âge minimum du mariage pour les femmes et les
hommes. C'est à cet age que la jeune personne atteint « pleine
maturité et pleine capacité d'agir ».10 Au
demeurant, il est important de préciser que la Convention sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes de 1979 ; a clairement rejeté le mariage
précoce et a fixé sans ambiguïté l'âge minimum
du mariage à 18 ans pour l'homme et la femme. Cette Convention a
échappé à la critique qui consistait à dire que
certaines Conventions ouvraient toujours des brèches juridiques ou
échappatoires aux Etats pour qu'ils puissent légiférer,
relativement à l'âge du mariage, à leur convenance.
Cependant, elle n'échappe pas à la critique qui est presque
commune à toutes les Conventions internationales c'est-à-dire que
les interdits contenus dans leurs dispositions ne sont pas accompagnés
de sanctions afin de contraindre les Etats signataires ou adhérents
à respecter leurs engagements vis-à-vis des traités
internationaux.
Enfin, la Convention relative aux droits de l'enfant de 1989 ;
qui définit à son article 1, l'enfant comme « tout
être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la
majorité est atteint plus tôt en vertu de la législation
qui lui est applicable ». Dans sa Recommandation générale
no 21, le groupe d'experts chargé de superviser la Convention
pour l'élimination de toutes formes de discrimination à
l'égard des femmes (CEDEF) condamne le mariage d'enfant et fixe à
18 ans l'âge minimum du
10 Op. cit
mariage pour les hommes et les femmes. C'est à cet
âge que la jeune fille devient mature et est capable d'agir. C'est la
preuve que, du point de vue des droits de l'enfant et de
l'équité, le mariage ne doit pas être autorisé avant
18 ans. Même si l'adolescente peut atteindre la maturité sexuelle
à un age plus précoce, elle n'est souvent pas suffisamment
mûre physiquement pour concevoir un enfant, pas plus qu'elle n'est
suffisamment mûre au plan cognitif ou psychologique pour se marier et
assumer les responsabilités inhérentes à l'état
d'épouse et de mère.11Pratiquement toutes les
dispositions de la CDE se rapportent de quelque façon à la
question du mariage précoce, c'est ainsi que son article 19 dispose que
: « l'enfant a le droit d'être protégé contre toutes
formes de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales,
de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle,
pendant qu'il est sous la garde de ses parents, de son tuteur ou de toute autre
personne. » A regarder cette disposition de près elle
énumère toutes les formes de souffrances qu'endurent les enfants
mariés à savoir : les brutalités physiques ou mentales,
les mauvais traitements l'exploitation ou la violence sexuelle. On ne peut
dépasser un seuil de brutalités physiques et mentales plus
élevé que celui de consommer un mariage sur un enfant encore
immature sur le plan physique et psychologique ; l'exploitation se situe
à deux niveaux ; d'abord, les parents qui donnent leur enfant en mariage
précocement afin de recevoir de l'argent ou des faveurs en contrepartie.
Et enfin, quand l'enfant marié prend la place de la « bonne »
pour les travaux domestiques. Et l'article 24 de la même Convention de
disposer que : « l'enfant a le droit à la santé et à
l'accès aux services sanitaires ; il a également le droit
d'être protégé des pratiques traditionnelles nuisibles.
» Affirmer que l'enfant a droit à la santé ne signifie pas
seulement le soigner quand il est malade mais c'est également
éviter de le mettre dans des situations qui détériorent sa
santé comme le cas du mariage précoce dont les
conséquences comme le fustile sont un véritable problème
de santé publique. Du reste, parmi les pratiques traditionnelles
nuisibles on peut citer l'excision et le mariage précoce qui sont des
pratiques courantes au Sénégal
11 Op. cit
mais l'excision a fait l'objet d'une législation claire
qui la sanctionne contrairement au mariage précoce.
Par suite, l'analyse des instruments universels des droits
humains il convient de voir les instruments régionaux africains des
droits humains.
Paragraphe II : Les instruments régionaux africains
des droits humains.
Il convient de souligner ici que nous ne ferons état
que de deux instruments africains des droits humains à savoir la Charte
Africaine des Droits et du Bien Etre de l'Enfant de 1990 et le Protocole
à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples relatif aux
Doits des Femmes en Afrique (encore appelé Protocole de Maputo du 11
juillet 2003).
D'abord, la Charte Africaine des Droits et du Bien Etre de
l'Enfant de 1990 dispose en son article 1 paragraphe 1 que : « Les Etats
membres de l'Organisation de I' Unité Africaine, parties à la
présente Charte, reconnaissent les droits, libertés et devoirs
consacrés dans la présente Charte et s'engagent à prendre
toutes les mesures nécessaires, conformément à leurs
procédures constitutionnelles et aux dispositions de la présente
Charte, pour adopter toutes les mesures 1égislatives ou autres
nécessaires pour donner effet aux dispositions de la présente
Charte. » A la lecture de cet article on ne sent pas trop une
volonté de contraindre les Etats parties à respecter leurs
engagements vis-à-vis de ses dispositions relatives aux pratiques
traditionnelles nuisibles à l'instar du mariage précoce, qui a
des effets néfastes sur la société et sur les femmes et
les enfants en particulier. Car le mariage d'enfants a toujours comme
corollaires la violation des droits fondamentaux et primaires de ces derniers.
Il est donc important de préciser que cette Charte n'échappe pas
à la critique qui frappe presque tous les traités internationaux
à savoir l'absence de contrainte afin d'obliger les Etats parties
à respecter leurs engagements. Par ailleurs même si on nous
opposera l'application du principe de Droit International Public qui voudrait
qu'on n'oblige pas les Etats à exécuter leurs engagements
relatifs aux Conventions internationales contre leur gré ; mais force
est de reconnaitre que ce principe est une entrave à
l'efficacité
des traités universels et régionaux des droits
humains. Ainsi à travers l'article 1 paragraphe 1, de cette Charte on
retrouve des recommandations pertinentes mais qu'en est il si toutefois les
Etats parties ne les appliquent pas ou les violent ce qui est très
souvent le cas surtout en matière de respect des droits de la femme et
de l'enfant en l'occurrence la violation des dispositions régionales
relatives aux pratiques traditionnelles nuisibles dont le mariage
précoce. Nos gouvernements sont confrontés à une
application qui n'est pas conforme aux dispositions qui émanent des
instruments régionaux des droits humains soit parce
qu'ils n'ont pas la volontépolitique ou qu'ils n'ont pas les
moyens et la logistique nécessaires, soit c'est la forte
pression de la tradition et de la religion qui constitue un
obstacle à l'application des Conventions internationales. Au demeurant,
vue la gravité des conséquences du mariage précoce sur les
femmes, les enfants, l'économie, l'éducation et le
développement du Sénégal les instruments internationaux
des droits humains devraient jouer un rôle important en incitant nos
Etats à être forts pour l'application des mesures prises au niveau
international. Mais au paravent il faudra gagner le pari de la lutte contre ce
qui est convenu d'appeler les obstacles à l'application des normes
universelles dans l'ordre juridique national. Il est important de souligner que
l'application parfaite des normes internationales des doits humains pourra
être le déclencheur d'une lutte efficace afin de mettre un terme
à la pratique du mariage précoce si toutefois nous nous fions par
exemple à l'article 21, paragraphe 1 et 2 dispose que : « Les
mariages d'enfants et la promesse de jeunes filles et garçons en mariage
sont interdits et des mesures effectives, y compris des lois, sont prises pour
spécifier que l'âge minimal requis pour le mariage est de 18 ans
et pour rendre obligatoire 1'enregistrement de tous les mariages dans un
registre officiel.
Les Etats parties à la présente Charte prennent
toutes les mesures appropriées pour abolir les coutumes et les pratiques
négatives, culturelles et sociales qui sont au détriment du
Bien-être, de la dignité, de la croissance et du
développement normal de 1'enfant, en particulier. » La lecture de
cet article nous permettra d'affirmer sans risque de se tromper que si on
parvient à faire respecter ces dispositions de droit international on
aura fait un pas important du point de vue juridique afin de mettre un
terme au phénomène de la pratique du mariage
précoce.
Enfin nous avons également le Protocole à la
Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples relatif aux Doits des
Femmes en Afrique (encore appelé Protocole de Maputo du 11 juillet
2003), qui dispose respectivement en ses articles 5- d et 6-b que : «...
Protéger les femmes qui courent le risque de subir les pratiques
néfastes ou toutes autres formes de violence, d'abus et
d'intolérance. » (art.5-d)
« ...L'âge minimum du mariage pour la fille est de
18 ans. » (art.6-b). En revanche, les dispositions de l'article 5-d n'ont
pas expressément nommé le terme générique de
mariage précoce mais partout où l'on parle de violence et de
pratiques traditionnelles nuisibles à l'égard des femmes et des
enfants on ne pourra pas faire abstraction de l'excision et du mariage
précoce. Par conséquent, les Etas signataires ou adhérents
au Protocole de Maputo sont tenus de lutter par la voie législative
contre ces pratiques nuisibles en particulier contre le mariage précoce.
L'article 6-b est plus précis même s'il n'emploie pas le terme
mariage précoce il a énoncé l'essentiel si non le plus
important c'est-à-dire le fait de fixer l'âge minimum requis pour
se marier à 18 ans pour la femme et par conséquent si on
parvenait à ce que toutes les filles se marient désormais
à partir de 18 ans les mariages précoces ne seront plus que de
mauvais souvenirs lointains. Et contrairement à d'autres traités
internationaux le Protocole de Maputo dans son préambule a
déclaré : «...Le Protocole exige des gouvernements africains
l'élimination de toutes formes de discrimination et de violence à
l'égard des femmes... » Du reste, pour nous le terme exige
a bien sa signification par rapport à d'autres termes comme :
reconnaissance, permet, assure, s'engage et respecte que l'on retrouve dans
d'autres traités à l'instar de la Charte Africaine des Droits et
du Bien Etre de l'Enfant de 1990. Le Protocole de Maputo a le mérite
d'exiger des Etats parties le respect de leurs engagements relatifs à ce
Protocole, qui déclare également : « En outre, il les
contraint à les intégrer à leurs décisions
politiques, à leur législation... » Le Protocole de Maputo
n'entent pas seulement exiger mais est allé même jusqu'à
contraindre les Etats parties au respect et à l'application de ses
dispositions surtout celles relatives au mariage d'enfants. Par ailleurs
même si ce Protocole n'est pas parvenu à mettre en place des
mécanismes
juridiques afin d'obliger les Etats parties à tenir
leurs engagements, il a eu le mérite d'utiliser les termes
exiger et contraindre ce
qui n'est pas toujours le cas dans les Conventions internationales. Il est
important de préciser que pour une lutte efficace contre les pratiques
traditionnelles nuisibles surtout aux femmes et aux enfants et plus
précisément contre le mariage précoce, ne faudrait-il pas
avoir le courage d'incorporer dans les Conventions internationales des
mécanismes sanctionnant économiquement les Etats parties
récalcitrants à l'application et au respect des normes
internationales relatives au mariage d'enfants ?
En effet, après l'analyse de la loi nationale et des
Conventions universelles et régionales, il serait opportun de voir les
incidences jurisprudentielles et doctrinales.
Chapitre II : Les incidences jurisprudentielles et
doctrinales.
Après avoir fait l'analyse de la loi nationale et des
instruments universels et régionaux des droits humains relatifs au
mariage d'enfants, il convient maintenant de voir comment est ce que les juges
appliquent la loi en d'autres termes quelle interprétation ils en font,
restrictive ou extensive et quel en sera le point de vue de la doctrine ? Ce
qui nous amène à voir d'une part, les incidences
jurisprudentielles (section I) et de l'autre, les incidences doctrinales
(section II).
Section I : Les incidences jurisprudentielles.
Même si nous étions confrontés à
une difficulté liée à la rareté de la jurisprudence
(paragraphe I) par ailleurs, nous avons finalement pu en trouver, même si
le nombre de décisions n'est pas assez consistant, ce qui nous permettra
de faire l'analyse de la position des juges (paragraphe II).
Paragraphe I : Les difficultés pour trouver la
jurisprudence.
Les difficultés liées à la rareté
de la jurisprudence résultent de deux situations qui ont
été relevées par les praticiens du droit autrement dit les
magistrats euxmêmes, mais malgré ce constat, ils sont impuissants
pour apporter des solutions à ces difficultés, car en tant que
magistrat du siège la loi n'a pas mis à leur disposition des
moyens juridiques pour pallier à ces situations.
D'une part, la situation liée à la rareté
de la jurisprudence est favorisée du fait que dans la
société sénégalaise les individus n'ont pas la
culture de saisir les juridictions pour le règlement des contentieux.
Surtout si ceux-ci portent sur des situations taboues et risquent de
créer des malaises dans les relations parentales ce qui est le cas ici,
des problèmes qui résultent des mariages précoces, car le
plus souvent ces mariages sont conclus entre proches parents d'une même
famille (mariage entre cousin et cousine) ou entre les descendants d'amis qui
veulent prolonger leur lien
d'amitié à travers ce mariage, qui est souvent
conclu de manière précoce. Par suite, l'entretien que nous avons
eu avec le Président du Tribunal départemental de Kanel ;
12le constat fait chez nos parents « Hall Pulaar
»13dont la tradition est de marier leurs filles à un
âge très bas et ils continuent encore à perpétuer
cette tradition nuisible. Et quelle que soit la gravité des
difficultés qui peuvent résulter de ces mariages précoces
même s'il y a décès de la fille à la suite des
relations sexuelles précoces qu'elle a eu à entretenir avec son
mari ils ne saisiront jamais les juridictions. Si cette situation est
combinée avec le fait que le juge ne peut pas s'autosaisir et que le
parquet et ses services de recherche n'ont pas pu faire correctement leur
travail ; il sera très difficile d'avoir des décisions relatives
aux mariages précoces au Sénégal.
Et d'autre part, il est important de souligner que cette
situation est également favorisée par le constat que nous avons
fait après avoir eu un entretien avec le Président du Tribunal
départemental de Tambacounda.14 Il faut préciser que
la situation est différente de celle que nous venons de voir plus haut.
Ici la principale cause qui favorise les difficultés relatives à
la rareté de la jurisprudence est toute simple, les individus se marient
de manière religieuse ou coutumière précocement et ces
mariages ne sont pas constatés devant l'autorité
compétente à savoir l'officier de l'état civil. Par
ailleurs, puisque la répudiation est interdite en droit
sénégalais quand des problèmes surviennent au sein du
couple et qu'ils veulent divorcer les époux sont obligés d'aller
devant le juge qui régularise d'abord le mariage afin de pouvoir
prononcer le divorce entre eux, qui avaient célébré leur
mariage précocement. Il existe des situations où des
époux qui s'étaient mariés précocement vont devant
les juridictions afin de régulariser leur mariage après que la
femme ait conçu ou a atteint l'âge requis pour se marier en
l'absence de contentieux dans le couple. Dans la majeure partie des situations
les époux vont devant les juridictions à cause des
difficultés conjugales ; afin que le juge régularise le mariage
et prononce le divorce. Au demeurant, il est important de rappeler le contenu
de l'article 142 alinéa 4 du Code de la famille qui dispose que : «
lorsque l'un des époux n'avait pas l'âge requis,
12 Le juge Oumar Sall.
13 Ethnie qui habite le long du fleuve
Sénégal.
14 Le juge Kane.
la nullité ne peut être invoquée
après qu'il ait atteint cet âge ou lorsque la femme a
conçu, à moins que l'action ne soit intentée par la femme
elle-même. » La mise en oeuvre de cette disposition oblige le juge
à régulariser les mariages même s'ils étaient
célébrés de manière précoce chaque fois que
l'on se trouve dans l'une des situations décrite à l'article 142,
alinéa 4 du Code de la famille. Ce qui avait amené le
Président du Tribunal départemental de Tambacounda à
affirmer que : « dans les cas cités par l'article 142 alinéa
4 du Code de la famille ils (les juges) sont sous le couvert de la loi pour
régulariser les mariages précoces. »
Après avoir surmonté les difficultés
liées à la rareté de la jurisprudence, à notre
avis, il est important d'analyser la position des juges à travers les
quelques arrêts que nous avons pu obtenir.
Paragraphe II : L'analyse de la position des juges.
Ce qui est intéressant dans l'analyse de la position
des juges, relativement aux mariages d'enfants, est que cela nous permet de
vérifier de quelle manière ces derniers appliquent la loi. Quelle
interprétation ils font des lois, une interprétation extensive ou
restrictive. Ainsi, il convient de préciser qu'il serait
intéressant d'observer et d'analyser la position qu'ont adoptée
les juges à travers nos deux décisions à savoir le
jugement rendu par la Justice de Paix de Tambacounda en date du 06
décembre 1974 et le jugement no 5012 ; Djariatou CAMARA et
autres contre la SOTRAM, LA NATIONALE ; rendu par le Tribunal de
Première Instance de Dakar, le 15 novembre 1980.
D'une part, le jugement rendu par la Justice de Paix de
Tambacounda en date du 06 décembre 1974 ; il s'agit en l'espèce
du sieur Dioulanké Wagne et Sira Awa Gadjigo, alors âgés
respectivement de 44 ans et 13 ans, ont contracté mariage selon la
coutume laobé islamisée. Sira Awa Gadjigo ayant quitté le
domicile conjugal, son mari l'assigne en justice afin qu'elle
réintègre le domicile conjugal ou qu'elle lui rembourse toutes
les dépenses-dot et autres frais effectués à l'occasion de
la célébration du mariage. Par ailleurs, la dame Gadjigo demande
l'annulation pure et
simple de son mariage au motif qu'elle est impubère.
Avant d'arriver à la solution il serait intéressant de reproduire
le raisonnement qu'a suivi le juge à travers son Attendu : «
Attendu que l'union matrimoniale du sieur Dioulanké Wagne et de la dame
Sira Awa Gadjigo a été célébrée alors que
celle-ci n'avait pas encore atteint l'âge requis par l'article 111 du
Code de la famille, qui dispose que la femme doit être âgée
de plus de 16 ans ; que selon l'article 141 dudit Code, le défaut de
l'âge requis est un empêchement dirimant au mariage et toute union
célébrée en violation de cette disposition légale
est entachée de nullité absolue ; d'après l'article 142 du
Code de la famille, la nullité absolue qui frappe son mariage ne peut
être couverte que si l'épouse a atteint l'âge requis ou
lorsque la femme a conçu ; qu'aucune de ces circonstances ne s'est
produite ; la dame Sira Awa Gadjigo n'a pas encore atteint l'âge requis
et elle n'a pas conçu puisque le mariage litigieux n'a jamais
été consommé. » Par suite ce qui
précède, on peut dire que le juge a fait une bonne application de
la loi à travers cette décision, qui devait apporter une
réponse à la question de savoir s'il est possible d'annuler un
mariage célébré, selon la coutume laobé
islamisée alors que l'épouse n'avait pas encore l'âge
requis pour se marier. On note d'abord que le juge, après avoir
constaté les faits, qui se rapportent à la
célébration d'un mariage dont l'un des époux n'avait pas
encore l'âge requis pour se marier (la fille n'avait que 13 ans), a
conclu qu'il y a eu violation de l'article 111 du Code de la famille qui fixe
l'âge du mariage à plus de 16 ans pour la fille. Suite à ce
constat de la violation de l'article 111 du Code de la famille, le juge
évoque l'article 141 du Code de la famille, qui prévoit la
sanction en cas de méconnaissance des dispositions de l'article 111 du
Code de la famille. Ainsi, l'article 141 du Code de la famille dispose que :
«quelque soit la forme du mariage, sa nullité doit être
prononcée : ... Lorsque l'un des époux n'avait pas l'âge
requis... » Etant donné que les faits ont été
rangés dans une catégorie juridique bien
déterminée, pour nommer l'opération de qualification des
faits mais également la sanction à appliquer en l'espèce
est déterminée. Enfin, avant de donner la solution le juge s'est
assuré que les faits de l'espèce ne sont pas couverts par
l'article 142 du Code de la famille, dans certains cas cet article ordonne aux
juges à régulariser les mariages célébrés
même
précocement. Par ailleurs tel n'est pas le cas de cette
décision si toutefois on se refaire à cette partie de l'attendu
du juge : « la dame Sira Awa Gadjigo n'a pas encore atteint l'âge
requis et elle n'a pas conçu puisque le mariage litigieux n'a jamais
été consommé. » Le reproche qu'on peut adresser
à ce jugement est qu'en l'espèce quelque soit la situation
puisque c'est la femme qui est à l'origine de la demande d'annulation de
son mariage même si elle avait atteint l'âge requis ou avait
conçu la nullité absolue du mariage devrait être
prononcée afin de se conformer à la dernière partie de
l'alinéa 4 de l'article 142 du Code de la famille qui dispose que :
« lorsque l'un des époux n'avait pas l'âge requis, la
nullité ne peut être invoquée après qu'il ait
atteint cet age ou lorsque la femme a conçu, à moins que l'action
ne soit intentée par la femme elle-même. » Il est important
de noter que c'est après ce raisonnement d'une logique juridique
certaine que le juge donne sa solution dans un autre Attendu : « Attendu
en conséquence, qu'il y a lieu d'accéder à la demande
d'annulation présentée par la dame Sira Awa Gadjigo. » Au
demeurant, il importe de noter que cette solution est claire et le juge a fait
une application conforme des dispositions du Code de la famille relatives
à l'âge du mariage.
Et de l'autre, nous avons le jugement no 5012 ;
Djariatou CAMARA et autres contre la SOTRAM, LA NATIONALE ; rendu par le
Tribunal de Première Instance de Dakar, le 15 novembre 1980. En
l'espèce, il s'agit de la dame Djariatou CAMARA qui est née le 5
janvier 1964 a contracté mariage le 7 mars 1979 sous la coutume
toucouleur islamisée avec Alpha Amadou LY né le 15 avril 1948. Le
5 décembre 1979, Alpha Amadou LY décède des suites d'un
accident de la circulation et, par acte servis le 7 et 10 janvier 1980, la dame
CAMARA assigne l'auteur de l'accident en responsabilité et en paiement
en sa qualité d'épouse sur le fondement des dispositions de
l'article 137 du Code des Obligations Civiles et Commerciales. Le
défendeur à l'action fait plaider l'irrecevabilité de
l'action au motif que ce mariage est nul pour avoir été
contracté à un moment où la dame n'avait pas l'âge
requis par la loi.
Le problème qui se posait au juge était de
savoir si la dame CAMARA avait la qualité d'épouse afin de
prétendre à la réparation d'un préjudice qu'elle
a
certainement subi. En effet, la juridiction devait se
prononcer sur un problème de recevabilité d'une action en
justice. Le juge de Dakar a répondu par l'affirmative. En effet,
après avoir déclaré le mariage nul, de nullité
absolue il a, par des attendus qu'il serait intéressant de reproduire,
déclaré ladite nullité couverte en se fondant sur
l'article 142 alinéa 4 du Code de la famille :
« Attendu toutefois, qu'exceptionnellement, cette
nullité d'ordre public peut être couverte lorsque l'époux
qui n'avait pas l'âge requis a atteint cet age ;
Attendu que l'interprétation de ce texte de loi (art.
143 alinéa 3 du Code de la famille) ne peut prêter à
controverse quant au moment où l'on doit considérer que
l'époux a atteint l'âge pour se marier ;
Qu'en effet, aux termes de l'article 135 du Code des
Obligations Civiles et Commerciales, l'évaluation de dommage se fait au
jour du jugement et non au jour de la demande ou celui du fait dommageable ;
Qu'ainsi, à la date du présent jugement (15
novembre 1980) Djariatou CAMARA qui née le 5 janvier 1964 a largement
atteint l'âge de 16 ans, ce qui a pour effet de couvrir la nullité
dont était entachée originellement son mariage » ;
En définitive, le raisonnement du juge de Dakar
à travers ces attendus mérite d'être discuté. Au
demeurant, la particularité en matière de mariage provient du
souci du législateur de sauvegarder autant que possible cette
institution. C'est la raison pour laquelle le mariage entaché de
nullité peut être couvert dans deux cas seulement aux termes de
l'article 142 du Code la famille.
1° lorsque l'époux qui n'avait pas
atteint l'âge requis a atteint cet âge,
2° lorsque la femme a conçu.
En ce qui concerne le second cas relatif à la
conception, le problème est relativement simple car il y a là un
renversement de la présomption selon laquelle l'aptitude à la
procréation n'existe pas avant 16 ans. Le problème se pose
autrement lorsque l'époux qui n'avait pas l'âge requis a atteint
cet âge. Effet, deux situations peuvent être envisagées :
la première est celle où l'époux mineur a
atteint l'âge requis alors que son conjoint est encore vivant. C'est
l'hypothèse la plus simple à résoudre et les dispositions
de
l'article 142 du Code de la famille s'appliquent normalement.
La seconde est celle où l'époux n'avait atteint
l'âge requis au moment où son conjoint est
décédé. C'est le problème que soulève ce
jugement. Il convient ainsi de se demander à quel moment doit-on se
situer pour déterminer l'âge du conjoint survivant encore mineur ?
La réponse à cette question est déterminante pour la
déclaration de validité ou de nullité de ce mariage. Le
tribunal de Dakar a entendu résoudre ce problème en se fondant
sur les dispositions de l'article 135 du Code des Obligations Civiles et
Commerciales aux termes duquel, nous le rappelons, « l'évaluation
du dommage se fait au jour du jugement ». A notre avis, le problème
qui se pose est moins celui de l'évaluation du dommage subi par
Djariatou CAMARA qui relève d'une question sur le fond de l'affaire, que
celui du moment de la détermination de l'âge de la demanderesse,
donc la recevabilité de son action. Il faut préciser qu'en
réalité « évaluer un dommage » suppose
nécessairement au préalable l'existence de ce dommage ;
l'existence dudit dommage appelle les notions de responsabilité et
d'imputabilité, et pour qu'il puisse y avoir réparation, il faut
que la victime du fait dommageable qui doit être évalué
plus tard ou ses ayants droit remplissent les conditions d'exercice de l'action
en justice. La demanderesse avaitelle la qualité d'épouse de la
victime et la capacité d'ester en justice pour prétendre à
la réparation qu'elle a réclamé ? La réponse est
juridiquement négative pour deux raisons :
la première est qu'on admettra difficilement, comme la
soutenu le juge du tribunal de Dakar que « l'interprétation de ce
texte de loi (art. 142 du Code de la famille) ne peut prêter à
controverse quant au moment où l'on doit considérer que
l'époux a atteint l'âge requis » pour la raison bien simple
qu'il n'est contenu nulle part dans le Code de la famille une disposition qui
détermine ce moment ; d'autre part le recours à l'article 135 du
Code des Obligations Civiles et Commerciales n'est pas à proprement
parler opportun, car cette disposition est prévue dans la section IV qui
traite des dommages et intérêts, section elle-même contenue
dans le chapitre 1° du titre II du Code relatif au droit commun
de la responsabilité, alors que dans le cas d'espèce il est
plutôt question d'aborder de la validité d'un mariage et de la
recevabilité d'une
action en justice.
La seconde raison est tirée de l'application de
l'article 222 du Code des Obligations Civiles et Commerciales et un exemple
pourrait asseoir notre démarche. Une fillette de 11 ans est
donnée en mariage par ses parents comme il est fréquent de le
constater dans certaines de nos coutumes. Son époux décède
des suites d'accident une année après cette union. Le mariage est
en principe nul car, une condition de fond du mariage (l'age) n'est pas
remplie. Mais l'application de la jurisprudence du tribunal de Dakar,
conduirait aisément à déclarer la nullité de ce
mariage couverte. En définitive, il suffirait à la demanderesse,
compte tenu de la prescription décennale de l'action civile de l'article
222 du Code des Obligations Civiles et Commerciales, d'attendre quatre
années après la mort de son conjoint, pour assigner l'auteur de
l'accident en sa qualité d'épouse, car au jour du prononcé
du jugement, elle aurait en tout cas plus de 16 ans. Il convient dès
lors de noter que la combinaison des articles 135 et 222 du Code des
Obligations Civiles et Commerciales pourrait entraîner des solutions
contraires à l'esprit du législateur dans ses efforts de
protection des conditions de fond du mariage dont le respect de l'âge
légal du mariage.15
A la suite, la position des juridictions
sénégalaises, nous verrons la position de la doctrine sur la
pratique du mariage précoce.
Section II : Les incidences doctrinales.
En réalité il est très difficile d'avoir
des données relatives au mariage précoce. Par ailleurs cette
difficulté ne se limite pas seulement à la jurisprudence, elle
s'étend également à la doctrine juridique ce qui nous a
conduit à nous rabattre d'une part, sur la position des organismes
internationaux (paragraphe I) et d'autre part sur la position de la
société civile nationale et des organisations non
gouvernementales (ONG) (paragraphe II).
15 Entretien avec le juge Séne du tribunal de
première Instance de Dakar.
Paragraphe I : La position des organismes
internationaux.
En vérité il est fondamentalement important de
voir la position des organismes internationaux du point de vue juridique
relativement au mariage précoce. En effet, nous nous contenterons du
point de vue de l'un d'entre eux et qui se trouve être le plus diligent
en matière de lutte contre la pratique du mariage d'enfants à
savoir l'Unicef.
L'Unicef cherche, en général, à
contribuer le mieux possible au respect du droit des enfants et des femmes,
d'une part, grâce à une approche fondée sur les droits de
l'homme, qui sont violés à travers la pratique des mariages
précoces, d'autre part, à une planification et une gestion
fondées sur les résultats. Pour l'Unicef, une approche de la
programmation fondée sur les droits de l'homme signifie que : toutes les
activités soutenues par l'Unicef ont pour objectif ultime la
reconnaissance des droits des enfants et des femmes vulnérables aux
pratiques traditionnelles nuisibles à l'instar des mariages d'enfants,
comme le stipulent la Convention relative aux droits de l'enfant et la
Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes. Les principes inhérents aux droits
de l'homme et aux droits de l'enfant guident leur travail dans tous les
secteurs; l'intérêt supérieur des enfants, le droit
à la survie et au développement, l'indivisibilité et
l'interdépendance des droits de l'homme. Les programmes de
coopération de l'Unicef appuient tous ceux qui doivent respecter,
protéger et réaliser les droits humains surtout ceux liés
au respect de l'âge du mariage, en les aidants à développer
leurs capacités juridiques afin d'y parvenir. En outre, l'Unicef aide
les détenteurs de droits à développer leurs
capacités à les revendiquer. Les droits des enfants et des femmes
seront reconnus lorsque nous parviendrons à instaurer une
conformité entre les législations nationales et les normes
internationales issues des Conventions universelles relatives aux pratiques
traditionnelles nuisibles à l'égard des femmes et des enfants
comme l'excision et les mariages précoces.
L'Unicef a, en particulier, affiché une position
très claire par rapport au mariage d'enfants et regrette, d'abord, le
fait que dans les pays où la loi sur l'âge
minimum du mariage est méconnue, la carence des
systèmes d'enregistrement des naissances renforce la pratique du mariage
précoce. De plus l'action des gouvernants est nécessaire pour
revoir le droit coutumier et civil à la lumière des normes
matrimoniales internationalement reconnues en matière de droits humains.
Les lois existantes devraient être appliquées, et une culture de
respect des lois devrait être encouragée en dispensant une
formation appropriée aux magistrats, aux législateurs et à
la police.16Au niveau international les comités de la CEDEF
et de la CDE devraient continuer à mettre l'accent sur l'âge du
mariage et insister pour que les lois interdisant le mariage précoce
soient appliquées. Les organisations internationales, les organisations
intergouvernementales et les ONG, peuvent soutenir et soutiennent ces
programmes sur le plan financier et technique dans les différents
domaines. Par ailleurs, les organes officiels de la CDE et de la CEDEF
devraient surveiller systématiquement la pratique du mariage
précoce, de sorte que les organisations qui utilisent ces traités
comme références pour leurs programmes et leurs politiques
puissent lutter efficacement contre la pratique de celui-ci.
L'Unicef déplore, enfin, que dans certains pays
où le mariage est juridiquement réglementé il arrive que
la législation nationale ne tienne nullement compte de l'âge
auquel les parents peuvent marier leurs enfants dans la pratique. Par
conséquent changer la législation constitue un pas important. La
législation proprement dite n'a peut être qu'un impact
limité, mais le fait même de la revoir et de la réformer,
s'il s'accompagne d'initiatives appropriées, est une étape
essentielle vers un changement durable afin d'éradiquer le mariage
précoce. Il est important que les gouvernements modifient ou imposent la
législation concernant l'âge minimum du mariage. Cela inclut un
examen approfondi des mariages traditionnels qui contreviennent à la
législation en place. Trop souvent, sont tolérées les
pratiques traditionnelles nuisibles en dépit des lois qui les
interdisent. La législation doit être reconsidérée
et appliquée dans l'intérêt des droits et de la
santé des femmes et des enfants. Les textes internationaux relatifs
à la réglementation de l'âge du mariage proviennent de
deux
16
www.unicef-icdc.org
Le mariage précoce ; digest Innocenti n° 7, 2001.
traités fondamentaux en matière de droits
humains : la Convention relative aux droits de l'enfant, ratifiée par
191 gouvernements et la Convention sur l'élimination de toutes les
formes de discrimination à l'égard des femmes, ratifiée
par 165 pays17. Tous les pays qui ont ratifié ces
traités sont tenus de modifier leurs lois en conséquence. Au
demeurant, il est important de soutenir la position qu'à adopter
l'Unicef par rapport à la persistance de la pratique du mariage
d'enfants ; puisque ce phénomène à lui seul constitue une
violation à l'égard de nombreuses Conventions internationales
parmi lesquelles la Convention supplémentaire relative à
l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves, et des institutions et
pratiques analogues à l'esclavage de 1956 ; la Convention sur le
consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement du
mariage de 1964 ; le Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils
politiques de 1966 ; la Convention sur l'élimination de toutes les
formes de discrimination à l'égard des femmes de 1979 ; la
Convention relative aux droits de l'enfant ; la Charte africaine des droits et
du bien être de l'enfant de 1990 et enfin le Protocole à la Charte
Africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux doits des femmes en
Afrique (encore appelé Protocole de Maputo du 11 juillet 2003). En
réalité, il faut préciser que c'est cette position de
l'Unicef qui appréhende la pratique du mariage précoce
relativement aux droits humains, qui faisait défaut dans la lutte contre
ce phénomène. A notre avis, il faut désormais que les
instruments juridiques aussi bien internationaux, régionaux que
nationaux puissent occuper une place primordiale dans la lutte contre les
pratiques traditionnelles nuisibles faites aux femmes et aux enfants à
l'instar de la pratique du mariage d'enfants.
En vérité, vu l'importance de l'action des
organismes internationaux la lutte contre les mariages d'enfant, il convient de
voir également la position de la société civile nationale
et des ONG.
17 Op. cit
Paragraphe II : La position de la société
nationale civile et des ONG.
Les organisations non gouvernementales (ONG) et la
société civile nationale (SCN) peuvent se comporter d'une part,
comme des groupes de pression vis-à-vis de l'Etat et d'autres parts,
comme des partenaires au développement et au respect des droits humains.
En effet, nous nous contenterons de donner la vision, du point de vue
juridique, de la Raddho et du Tostan relativement au mariage précoce.
Puisqu'on ne peut pas séparer le point de vue de ces
deux entités à savoir la Raddho et le Tostan parce qu'ils font
presque le même travail et exercent leurs actions sur le terrain. En
vérité, il est rare de ne pas les entendre s'il y a violation des
droits humains, aussi bien par l'Etat que par la population. Et dans ces deux
cas ils prennent l'Etat pour responsable, car considérant que l'Etat,
étant détenteur de la puissance publique, doit veiller au respect
des droits humains violés à travers les pratiques traditionnelles
nuisibles c'est-à-dire l'excision et le mariage précoce. Au
demeurant, il faut préciser que même si la Raddho étend ses
activités dans tous les secteurs de la vie on les entend souvent mettre
la pression sur l'Etat pour que ce dernier rétablisse les victimes d'une
violation des droits humains dans leurs droits. L'ONG Tostan est plus active
concernant le développement mais également elle veille au respect
des droits humains. Par conséquent ces deux entités sont pour
l'abandon des mariages précoces et sur le terrain l'ONG Tostan
sensibilise les populations sur les méfaits du phénomène
des mariages précoces en mettant en scène des pièces de
théâtre sur le thème, en organisant des conférences,
des projections de films et des plaidoyers dans les différentes langues
nationales. Ils y incluent aussi des enseignements portant sur les droits des
femmes et des enfants. La Raddho en plus de ces activités met aussi
l'accent sur la lutte pour le respect des droits des groupes les plus
vulnérables aux pratiques traditionnelles nuisibles en particulier la
pratique du mariage précoce. Pour cela, elle dénonce la violation
des droits de l'homme afin d'alerter l'opinion nationale et internationale et
la dernière en date est la dénonciation du décès
d'une mineure victime d'un mariage précoce à Matam, suite
à une hémorragie causée par des rapports sexuels
précoces. Par ailleurs la Raddho et le
Tostan ont déploré l'inertie des
autorités locales et nationales à cette situation et demandent
à l'Etat du Sénégal de réfléchir sur des
projets de réforme sur la législation nationale qui est soit
dépassée soit incohérente ou qu'elle n'est pas conforme
aux normes internationales.
En vérité, après avoir vu dans la
première partie les incidences juridiques relatives à l'âge
légal du mariage ; à notre avis il est fondamental de voir dans
une deuxième partie les implications pratiques relatives à
l'âge légal du mariage.
Les conséquences du mariage précoce n'ont pas
seulement un impact sur les seuls enfants concernés par ce
phénomène. Le mariage d'enfant à des effets
négatifs sur la santé (Chapitre I) mais également sur
l'éducation et l'économie (Chapitre II). Par ailleurs, les effets
de la pratique du mariage précoce sont aussi ressentis par la
société au niveau des domaines suivants : sur la santé
publique, sur la santé de la mère et de l'enfant.
Chapitre I : Les implications sur la santé.
Parmi les implications pratiques relatives à
l'âge légal du mariage, nous pouvons citer les effets sur la
santé, à savoir l'infection au VIH- SIDA, à la fistule
obstétricale mais également concernant la santé de
mère et de l'enfant, qui sont les plus graves ou parmi les plus graves.
Ainsi il est important de souligner les effets sur la santé publique
(section I) et sur la santé de la mère et de l'enfant (section
II).
Section I : La santé publique.
Contrairement à ce que croit, en général,
la mémoire collective de nos sociétés que le mariage
précoce est un moyen de prévention contre la pandémie que
constitue le VIH-SIDA. Une étude récente a prouvé
scientifiquement que les filles données précocement en mariage
sont plus vulnérables au VIH-SIDA (paragraphe I) mais également
les mariages précoces constituent un facteur favorisant les fustiles
obstétricales (paragraphe II).
Paragraphe I : Le VIH-Sida.
En réalité, les données remettent en
question la croyance profondément enracinée selon laquelle le
mariage protège la jeune femme contre le VIH du fait qu'elle n'aura des
rapports sexuels qu'avec son futur mari si elle est mariée
précocement. D'abord pour de nombreuses adolescentes, et plus
particulièrement les
épouses les plus jeunes, le mariage accroît
considérablement l'exposition potentielle au virus, parce que le mariage
devient une transition de la virginité à la pratique de rapports
sexuels sans protection. Au demeurant, en dépit des récents
acquis dans l'élargissement de l'accès à la
prévention et au traitement du VIH, l'épidémie se propage
davantage chez les jeunes femmes. La croyance générale,
même chez les décideurs et les communautés, selon laquelle
le mariage protège les jeunes filles contre l'infection du VIH est une
excellente excuse afin de continuer la pratique du mariage précoce en
plus des justifications traditionnelles de ce phénomène.
Cependant, une récente recherche menée par Population Council
révèle que les filles épouses courent davantage le risque
de contracter le VIH, surtout en cas d'épidémie
généralisé. En vérité, les zones sensibles
au mariage précoce sont devenues celles où le taux national de
prévalence du VIH est plus élevé chez les jeunes filles
mariées. Les facteurs favorisant sont, entre autres, la fréquence
de l'activité sexuelle non protégé, l'accès
limité à l'information et le manque de pouvoir de
négociation de rapports sexuels protégés du fait de leur
jeune âge. Le mariage accroît souvent l'activité sexuelle,
l'exposition et les risques notamment. De nombreuses mineures mariées ne
peuvent pas négocier des rapports sexuels sans risque, même
lorsqu'elles savent comment se protéger, car elles sont sous la
constante pression sociale de donner la preuve de leur fertilité.
L'équipe spéciale des Nations Unies sur les
femmes, les jeunes filles et le VIHSIDA en Afrique a identifié trois (3)
facteurs clé qui aggravent la vulnérabilité des femmes et
des jeunes filles à l'infection du VIH. La culture
générale du silence qui entoure la chose sexuelle, l'exploitation
sexuelle le trafic du sexe et la sexualité entre
générations. Ce dernier facteur qui favorise la
vulnérabilité des jeunes filles à l'infection du VIH-SIDA
est celui qui attire notre attention ici, car étant le facteur qui a
trait au mariage précoce. Dans la plupart des mariages précoces
le mari est, en général, de génération
supérieure que celle de son épouse, il convient, pour illustrer
nos propos de voir le jugement rendu par la Justice de Paix de Tambacounda en
date du 06 décembre 1974. Au moment du mariage le sieur Dioulanké
Wagne était âgé de 44 ans alors que sa future épouse
Sira Awa Gadjigo n'était âgée que de 13 ans
seulement.
Par ailleurs, en plus de ces souffrances et de ces
traumatismes que subit la jeune fille mariée précocement, elle
court également le risque à l'infection du VIHSIDA. Ne serait-ce
que pour cette raison il urge de mettre un terme à la pratique du
mariage précoce dans le monde et en Afrique en particulier.
En effet, il faut souligner que si les jeunes filles victimes du
mariage précoce sont vulnérables au VIH-SIDA, elles le sont
également aux fistules obstétricales.
Paragraphe II : Les fistules obstétricales.
Il semble que les fistules obstétricales sont plus
fréquentes en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud Est. Par
ailleurs, il convient de souligner que c'est dans les parties du monde
où on retrouve le taux le plus élevé de mariage
précoce que l'on retrouve également le taux le plus
élevé de fistules. Donc il y a forcément un lien entre
le taux de prévalence du mariage précoce et celui des fistules,
en réalité les fistules sont une des néfastes
conséquences du mariage précoce. Mais il est important de dire
que les fistules ne sont pas occasionnées par les mariages d'enfant
seulement. Les fistules sont donc favorisées par le jeune âge
de la mariée, dont le développement insuffisant du bassin de
cette dernière ne permet pas le passage aisé du nouveau
né disproportion marquée entre la tête du
bébé et le bassin. L'accouchement requiert alors une
césarienne mais cette intervention n'est pas toujours disponible dans
certaines parties du monde. L'accouchement peut durer alors cinq jours ou
plus, contre quelques heures normalement, sans que la femme
ne reçoive d'aide médicale. La pression prolongée
qu'exerce la tête du bébé contre le bassin de la
mère interrompt l'afflux du sang dans les tissus mous qui
entourent la vessie, le rectum et le vagin, entraînant la
nécrose du tissu. Dans les cas non fatals pour la mère, le
foetus décède lors de cet accouchement prolongé. Il se
ramollit et parvient à être expulsé au bout de quelques
jours. Une escarre se forme au niveau du tissu nécrosé et la
fistule se forme secondairement, après la chute de celle-ci. Elle
se différencie des fistules post-chirurgicales qui ne sont pas elles
favorisées par les
mariages précoces.
Si la fistule est située entre le vagin et la vessie on
parle de fistule vésicovaginale, l'urine s'écoule en permanence,
et si elle est située entre le vagin et le rectum on parle de fistule
recto-vaginale, la femme ne peut plus contrôler le mouvement de ses
intestins.18
Dans la plupart des cas, une incontinence permanente en
résulte tant que la fistule n'est pas traitée.
La fistule n'est qu'une partie des conséquences
possibles d'un accouchement, d'une fille impubère dont le bassin n'a pas
encore fini de se développer, sans césarienne. L'accouchement des
jeunes filles précocement mariées peut se compliquer
également d'un rétrécissement du vagin, d'une insuffisance
rénale, d'une stérilité, de troubles de la marche
secondaire à la lésion des nerfs moteurs comprimés.
Incapables de rester sèches, beaucoup de femmes fistuleuses souffrent
l'humiliation constante de dégager une odeur d'urine et/ou
d'excréments. Il peut aussi leur être difficile de marcher parce
que les nerfs des membres inférieurs sont atteints. Elles sont souvent
rejetées par leur époux ou leur partenaire, évitées
par leur communauté et blâmées dans leur état. Les
femmes non soignées non seulement peuvent s'attendre à une vie de
honte et d'isolement, mais risquent aussi de connaître une mort lente et
prématurée pour cause d'infection et d'insuffisance
rénale. Par ailleurs puisque les fistules sont dans la plupart des cas
favorisées par le mariage précoce leurs conséquences sont
nuisibles en grande partie aux femmes mais également à la
société, même si elles ne sont pas directement liées
au mariage d'enfant on ne peut ne pas l'imputer à ce
phénomène.
Il convient de noter que si le constat général
est que la pratique du mariage précoce a des effets néfastes sur
la santé publique, elle n'en a pas moins sur la santé de la
mère et de l'enfant.
18
www.ippf.org (Les fistules, un
problème de santé publique.)
Section II : La santé de la mère et de
l'enfant.
En réalité nous convenons que les effets du
mariage précoce sont multiples, et ils ne sont pas tous au même
niveau de gravité et d'urgence. Ainsi même s'il urge de faire des
réformes dans le domaine juridique vous conviendrez avec nous qu'il est
plus pressant de prendre des mesures dans le domaine de la santé, car
celui qui souffre ne peut point attendre qu'on finalise des études et
des programmes. Par conséquent, il est temps de prendre en charge le
domaine de la santé de la mère (paragraphe I) et de l'enfant
(paragraphe II).
Paragraphe I : La santé de la mère.
La notion de bonne santé génésique couvre
tous les aspects du processus de procréation, y compris
l'expérience satisfaisante et sans danger des rapports sexuels, la
faculté de procréer, et la liberté d'avoir ou non un
enfant et quand. Le droit de ne pas avoir de rapports sexuels et le droit de
contrôle sur la procréation peuvent tous être violées
par la pratique du mariage précoce qui prive, en général,
les jeunes filles mariées de liberté d'expression et de
décision. Les mariages précoces sont généralement
suivis de grossesses précoces, les adolescentes qui en sont victimes
passent souvent une maternité très difficile à cause de
leur immaturité physique c'està-dire que leur corps et en
particulier leur bassin n'a pas encore fini de se développer ce qui peut
favoriser un accouchement très difficile. Par conséquent il est
important de souligner que pour chaque femme qui meurt durant l'accouchement,
environ 15 à 30 survivent mais souffrent d'infirmités chroniques,
dont la plus fréquente est la fistule obstétricale. Cette
dernière est une lésion du vagin qui rend une femme incapable de
contrôler l'écoulement de l'urine et/ou des excréments. Les
jeunes femmes de moins de 20 ans sont particulièrement exposées
à l'apparition d'une fistule si elles ne peuvent pas obtenir une
césarienne durant un accouchement prolongé. La prévalence
en est la plus élevé dans les communautés pauvres
d'Afrique et d'Asie où le pourcentage de la pratique du mariage
précoce est très élevé. Le
mariage d'enfant, est souvent associé à de
multiples risques de santé liés aux grossesses précoces
qui résultent dans la plupart des cas des mariages précoces. Une
grande partie de jeunes filles mariées est exposée à la
pratique de rapports sexuels précoces et fréquents, à des
grossesses et accouchements répétés avant même
d'être physiquement mûres et psychologiquement prêtes. La
fistule est l'une des conséquences les plus dévastatrices de
cette précocité du mariage, et plus de deux millions de jeunes
filles et de jeunes femmes sont touchées par cette complication
évitable si toutefois on s'abstient à la pratique du mariage
précoce. Les décès dus à la grossesse sont
également la principale cause de mortalité chez les jeunes filles
âgées de 15 à 19 ans, et celles âgées de moins
de 15 ans sont cinq fois plus exposées à la mort que celles
âgées de plus de 20 ans si l'on considère que les mariages
précoces concernent surtout les jeunes filles de la tranche d'âge
en-dessous de 20 ans. Par suite tous ces constats nous pouvons bien affirmer
que la pratique du mariage précoce, en plus, des décès
qu'elle occasionne, elle cause de sérieux problèmes de
santé aux jeunes filles qui en sont victimes et de leurs
éventuels enfants.
Paragraphe II : La santé de l'enfant.
Les problèmes sanitaires liés au mariage
précoce n'affectent pas la future mère et le foetus, mais se
prolongent également après la naissance. Il est prouvé que
la mortalité infantile est plus élevée, deux fois plus
élevée dans certains cas, parmi les enfants nés de
mères très jeunes que parmi ceux de mères plus
âgées. Les bébés de mères adolescentes sont
davantage susceptibles de souffrir d'insuffisance pondérale, laquelle
est le plus souvent liée à une nutrition maternelle
déficiente, ce qui corrobore la thèse de l'impréparation
des adolescentes à la maternité. Le risque de mortalité
est de 5 à 30 fois plus élevé pour les bébés
souffrant d'insuffisance pondérale que ceux dont le poids est normal. Si
une mère a moins de 18 ans la possibilité que son enfant meurt au
cours de sa première année est 60 fois plus élevé
que chez un enfant né d'une mère de plus 19 ans. Par
conséquent, il est important de souligner que la
détérioration de la santé de la mère d'un nouveau
né issu d'un mariage précoce influe
énormément sur la santé de ce dernier. Un
enfant né d'une mère immature est plus exposé au
décès ou bien aux problèmes sanitaires du fait que sa
mère n'a pas encore le bassin complètement
développé ce qui risque d'accroître des accouchements
difficiles. Et si toutefois, elle parvient à accoucher, aussi bien la
mère que l'enfant risque de trainer des séquelles sanitaires
résultantes de l'accouchement difficile qui sont les conséquences
d'un mariage précoce. Ce qui nous amène donc à dire que
ces problèmes de santé sont par ricochet issus du mariage
d'enfant. De plus, la plupart des bébés dont la mère est
décédé lors de l'accouchement, parce qu'elle
n'était pas mftre physiquement afin de porter et de supporter une
grossesse jusqu'à sa terme, ont moins de chance de survivre
au-delà de leur première année. Mais également les
jeunes filles mères mettent souvent au monde de nouveaux nés
prématurés qui sont vulnérables à de nombreuses
maladies. D'abord, nous avons la luxation de la hanche du bébé
favorisé parfois parce que le nouveau né n'a pas atteint le poids
normal. Enfin, la surdité des nouveaux nés peut également
avoir comme facteur aggravant un accouchement prématuré. La
presque totalité des problèmes sanitaires que risque un nouveau
né dépend de sa mère : sa maturité physique, sa
bonne santé elle-même et sa survie à l'accouchement. Les
trois (3) situations que nous venons d'énumérer sont
favorisées par les mariages précoces. Donc pour limiter la
mortalité maternelle et infantile nous avons intérêt
à mettre un terme à la pratique du mariage précoce.
En effets, les conséquences sanitaires du mariage
précoce peuvent avoir des implications sur l'éducation et
l'économie, puisqu'il est évident que si on n'a pas une bonne
santé on ne pourra ni étudier ni participer au
développement de l'économie.
Chapitre II : Les implications sur l'éducation
et l'économie.
Les répercutions du mariage précoce se font
ressentir sur la société de façon générale.
Les filles étant membre de la société, tout ce qui affecte
leur bien être va également affecter le bien être de la
société. L'impact du mariage précoce dans la
société se fait d'autant plus ressentir que les filles qui en
sont victimes manquent d'instruction, sont mal préparées à
leur rôle de mère et de participante à la
société. Les filles ainsi victimes de mariage précoce sont
privées d'éducation ce qui se répercute sur la
société. Sur le plan économique leur manque de formation
fait qu'elles sont improductives ce qui a des conséquences
négatives sur la famille et sur la société. Ce qui
amène a voir d'abord les implications sur l'éducation (section I)
avant de voir les implications sur l'économie (section II).
Section I : Les implications sur
l'éducation.
Le mariage précoce prive immanquablement les filles en
âge scolaire du droit à l'éducation nécessaire
à leur développement personnel et à leur
préparation à la vie d'adulte. Afin de mieux comprendre ces
répercutions nous étudierons d'une part l'éducation de
l'enfant mariée (paragraphe I) et de l'autre l'éducation sur la
société (paragraphe II).
Paragraphe I : Les implications sur l'éducation de
l'enfant mariée.
En réalité, il faut noter que nous pouvons nous
faire une idée du préjudice social que les filles victimes de
mariage précoce et privées d'éducation transmettent
à leurs descendances par le biais de l'éducation. Ces filles
mères ne peuvent pas prétendre donner une bonne éducation
à leurs enfants puisqu'elles n'ont pas fini d'être
éduquées elles-mêmes. Par ailleurs, la corrélation
entre la durée de la scolarité d'une fille et le report du
mariage est clairement établie par les enquêtes sur la population
et la fécondité. Les femmes ayant bénéficié
d'une éducation de sept (7)
ans ou plus se marient en moyenne quatre (4) ans plus tard et
ont 2,2 fois moins d'enfants que les femmes n'ayant pas reçu
d'éducation.19 La nature précise de l'interaction
entre l'éducation et le mariage des jeunes filles n'est cependant pas
toujours évidente. Les filles sont-elles retirées de
l'école pour se marier ou leur scolarisation défectueuse
appartient-elle au modèle des perspectives et des rôles
traditionnels ? Bien que l'attitude à l'égard de
l'éducation des filles ait commencé à changer, même
dans les sociétés traditionnelles, de nombreux parents
considèrent comme un gaspillage d'investir dans l'éducation des
filles, destinées de toute façon à se marier et à
travailler dans une autre famille. Le coût élevé de
l'éducation renforce la tendance à retirer les filles de
l'école et à les marier très tôt. Dans les zones
rurales l'éducation secondaire signifie souvent le départ de la
maison pour le pensionnat. Les parents craignent que leurs filles soient ainsi
exposées à des risques tels que les rapports sexuels et la
grossesse avant le mariage. Le retrait d'une fille jeune de l'école pour
la marier, ou la faire travailler chez elle ou dans un autre foyer afin de la
préparer à la vie conjugale, réduit ses chances de
développement intellectuel, de socialisation, d'éventuelles
amitiés hors du cercle familial et de nombreux apprentissages utiles.
Cela diminue ses possibilités de se forger une identité propre.
La conséquence majeure de cette privation d'éducation est que les
filles grandissent dans l'ignorance de leur droit de faire entendre leur
opinion et dans la quasiincapacité de l'exprimer. Ces
éléments constituent des facteurs, qui rendent les jeunes filles
encore plus vulnérables au mariage précoce.
Les jeunes filles victimes de mariage précoce font
partie intégrante de la société, par conséquent les
implications du mariage précoce sur leur éducation a
forcément une influence sur celui de la société.
19 FNUAP State of the World's Population, 1990, New
York, FNUAP 1990.
Paragraphe II : Les implications sur l'éducation de
la société.
En réalité il est important de souligner que les
effets négatifs du mariage précoce sur l'éducation de la
société ne sont plus à démontrer du fait que ce
phénomène prive les sociétés de la contribution
intellectuelle et financière en moyens de subsistances des jeunes filles
et de leur progéniture. La recherche dans le domaine des droits humains
a révélé que les plus grands obstacles à
l'éducation des jeunes filles, tels qu'identifiés dans de
nombreux rapports gouvernementaux soumis aux organismes de surveillance des
droits humains, sont le mariage précoce, les grossesses et les
corvées domestiques.20Cette limitation de l'instruction des
jeunes filles constitue une entrave directe aux efforts fournis sur le plan
national et international pour atteindre les objectifs de scolarisation et
d'égalité des sexes en matière de scolarisation. Les bas
niveaux d'alphabétisation entraînent, à terme, la
réduction des options d'emploi ou de génération de revenus
et compromettent la capacité des mineures mariées à
consommer et à utiliser l'information. Cela tend à affecter
l'autonomie dans la prise de décisions essentielles, et notamment des
décisions concernant leur santé génésique et le
bien être de leurs enfants. Les jeunes filles privées
d'instruction scolaire sont aussi invariablement privées de l'exposition
à tout environnement extérieur à leur domicile, ce qui
réduit chez elles la confiance en soi, et perpétue davantage
l'impuissance et la vulnérabilité à la pauvreté et
au mariage précoce.
Au demeurant, les objectifs internationaux de
développement actuels, plus connus sous l'appellation des OMD, et plus
particulièrement ceux relatifs à la pauvreté, à
l'enseignement primaire universel, à la mortalité maternelle et
infantile et au VIH-SIDA, n'ont pas été atteints dans de nombreux
pays d'Afrique. Le mariage précoce annihile directement tout effort
fourni afin d'atteindre les OMD. Il est important de rappeler que lorsque les
études des jeunes filles sont perturbées par le mariage
précoce, elles manquent également des opportunités
précieuses à d'autres avantages d'éducation formelle. Cela
compromet gravement, chez la plupart des
20
www.ippf.org (« En finir avec le
mariage d'enfant » ; Fédération internationale pour la
planification familiale ; Sep 2006).
jeunes filles mariées, la transition en douceur de
l'adolescence à l'âge adulte. Lorsque cette transition est bien
gérée et canalisée, la majorité des jeunes femmes
et jeunes filles disposent des outils nécessaires pour jouer
efficacement leur futur rôle de femmes, de mères,
d'épouses, de salariées et de citoyennes actives dans nos pays
dits en développement et qui ont besoin de toutes leurs ressources
surtout humaines. L'instruction scolaire on le sait, joue un rôle vital
dans cette transition. Pourtant les jeunes filles de l'âge du cours
primaire sont non seulement privées d'école mais également
perdent leurs droits d'enfant. Le mariage précoce transforme une
écolière en femme adulte même si elle n'est
âgée que de moins de moins 13 ans, l'âge à laquelle
le Code pénal du Sénégal punit toute consommation de
mariage.
Par ailleurs, il convient de noter que les implications
négatives du mariage précoce sur l'éducation ne laisse pas
indifférentes l'économie de nos pays en voie de
développement. En d'autres termes, celles-ci se ressentent aussi de
manière négative sur l'économie de la famille et celle de
la société.
Section II : Les implications sur
l'économie.
En vérité, si les jeunes filles mariées
précocement font partie intégrante de la société,
avec les conséquences et les séquelles causées par les
mariages précoces, elles constituent une charge pour la
société sur le plan économique. Ainsi, il est important de
voir les implications sur l'économie de la famille (paragraphe I) avant
de voir les implications sur l'économie de la société
(paragraphe II).
Paragraphe I : Les implications sur l'économie la
famille.
Les filles mères ont souvent des aptitudes, un niveau
d'étude et un accès limité aux biens économiques et
aux pouvoirs de décision nécessaire afin de nourrir correctement
leur progéniture, et risquent de perpétuer la pauvreté.
Les jeunes filles épouses ont tendance à avoir un plus grand
nombre d'enfants et un nombre plus limité d'options indépendantes
de revenus. Mais il est important de souligner que le
mariage précoce peut entraîner la fragmentation
de la cellule familiale, soit en raison du veuvage précoce, lorsque les
époux plus âgés des mineures décèdent, soit
en raison de la grande fréquence des divorces. La majorité des
jeunes filles concernées sont condamnées à
l'insécurité financière et sociale du fait que leur
instruction ou leur formation ont été écourtés afin
qu'elles soient mariées. Une fois dans cette situation et sans
qualification professionnelle au lieu d'être une source de revenues pour
la famille, elles deviennent une charge supplémentaire avec leurs
éventuels enfants. Il convient de noter là qu'il s'agit d'un
véritable paradoxe pour de nombreux parents, parce qu'ils donnent leurs
filles en mariage à un jeune age dans l'espoir que cela
améliorerait la sécurité financière de la jeune
fille et de la famille. La pauvreté augmente la fréquence de la
pratique du mariage précoce qui, à son tour, perpétue la
féminisation de la pauvreté. Ainsi on se retrouve dans un cercle
vicieux du fait que l'un des facteurs traditionnels qui augmente la
fréquence de la pratique du mariage précoce est la
pauvreté ; puisque les mariages précoces accentuent la
pauvreté et affaiblissent l'économie de la famille.
Cette situation n'épargne pas les garçons
contraints de se marier à un âge précoce peuvent
également souffrir financièrement. Les responsabilités
économiques peuvent constituer un réel fardeau pour eux et peut
les amener à arrêter leurs études plus tôt qu'ils ne
le souhaitent. Cependant en ce moment précis ils sont sans qualification
professionnelle, ce qui nous amène à deux (2) situations dans nos
pays en voie de développement. A notre avis l'exemple du
Sénégal pourra illustrer nos propos, si toutefois c'est en milieu
urbain le garçon pourra se débrouiller et faire le petit commerce
ou les petits métiers ce qui, dans la plupart du temps, ne leur permet
pas de subvenir aux besoins de la famille. Et si c'est en milieu rural le
garçon ne pourra s'adonner qu'à l'agriculture avec de maigres
ressources et avec l'absence de matériel agricole adéquat
puisqu'ils n'ont comme outils de travail que la daba qui ne permet pas de
labourer de grandes surfaces de terre afin de subvenir convenablement aux
besoins de la famille.
Le mariage précoce ayant des effets négatifs sur le
plan économique, ceux-ci ont forcément des répercutions
sur les implications sur l'économie de la société.
Paragraphe II : Les implications sur l'économie de
la société.
Au demeurant, il est important de souligner que s'il est vrai
que ce sont les individus qui constituent la cellule familiale, il faut dire
que c'est à partir de ces cellules familiales que se fonde la
société. Ce qui fait que quel que soit le comportement ou
l'état des individus la société ne pourra pas y
échapper que ce soit une qualité ou un vice. En
réalité, les implications négatives du mariage
précoce sur l'économie de la famille influent forcément
sur celle de la société. C'est dire que les effets
négatifs de ce phénomène à savoir l'appauvrissement
des familles paralysent par là même l'économie de la
société. Cette situation est corroborée par les
indicateurs économiques de nos pays pour mesurer la santé de
l'économie de la société. En effet, plusieurs pays
à faible produit intérieur brut (PIB) sont ceux où le taux
de mariage précoce est le plus élevé. Ce dernier prive les
sociétés de la contribution non seulement intellectuelle mais
également économique, car les jeunes filles victimes de la
pratique du mariage précoce sont souvent retirées de
l'école et ne bénéficient pas d'une formation afin de
contribuer à l'économie et au développement de la
société. Sur le plan sanitaire elles ne sont pas
épargnées, soit après les premiers rapports sexuels
précoces qui leur causent des blessures soit ce sont les
problèmes de santé liés aux grossesses précoces et
à la maternité mais également elles sont laissées,
psychologiquement, à elles mêmes. Ainsi, tous ces facteurs font
qu'au lieu que ces jeunes filles épouses et mères ne jouent,
pleinement leur rôle économique dans la société
elles deviennent une charge pour celle-ci et constituent également une
entrave aux objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
L'abolition du mariage précoce aura un impact direct sur la
réalisation des OMD, qui constituent les priorités essentielles
de développement jusqu'à l'an 2015, adoptés par les
gouvernements et la communauté internationale en septembre 2000. Les
filles mères ont souvent un accès limité aux biens
économiques, aux opportunités d'emplois et aux pouvoirs de
décision nécessaires afin de participer au développement
économique de la famille et de la société. Il convient de
souligner que cela ne se limite pas seulement aux jeunes filles, si nous
prenons l'exemple de ce monsieur né en 1977, qui a cinq (5) enfants
et
a eu le premier lorsqu'il était en classe de CM2. Il a
été obligé de marier la mère de son enfant et
arrêter les études afin de pouvoir entretenir son épouse et
son fils. En réalité, n'ayant aucune qualification et habitant le
monde rural, il n'avait pas le choix que de devenir cultivateur avec des
instruments de travail rudimentaires ce qui n'encourage nullement une
production importante ; cela se traduit ainsi par un faible niveau de revenus
qui souvent n'est pas utilisé à bon escient, ce qui constitue
inéluctablement un manque à gagner pour la société
sur le plan économique.
CONCLUSION
En vérité, il est plus que jamais
nécessaire de mener des initiatives stratégiques, contre cette
violation flagrante de droits, parce que les jeunes filles mariées sont
de plus en plus vulnérables à l'infection du VIH. Dans les
milieux où il est pratiqué, le mariage précoce est
présenté comme une action positive, mais dans bien des cas, ce
type de mariage se résume à des abus sexuels et l'exploitation
des enfants officiellement autorisés par la société, non
seulement selon la perception des droits humains mais également selon
celle de la loi nationale, de la jurisprudence et de la doctrine. De plus il
est très important à notre avis de dire l'importance du
rôle que joue la société civile nationale, les ONG et les
Organismes internationaux. Le fait que cet arrangement soit socialement
accepté n'atténue pas la réalité selon laquelle une
mineure est délibérément exposée aux abus et
à l'exploitation sexuelle, le plus souvent, par ses parents et sa
famille.
Un silence entoure le calvaire de ces mineures mariées,
notamment en raison des preuves de plus en plus tangibles que le mariage
d'enfant est un facteur de risque d'infection du VIH. Le jeune age de ces
enfants, leur pouvoir de décision limité en matière de
sexualité et le peu d'opportunités économiques qui
s'offrent à eux aggravent leur vulnérabilité.
De nombreuses raisons sont données par les parents et
les tuteurs pour justifier le mariage d'enfant. La décision de marier
un(e) enfant est souvent sous-tendue par des raisons économiques
directement liées à la pauvreté de ces jeunes filles.
Celles-ci sont soit considérées comme un fardeau
économique, soit valorisées comme capital en raison de la
possibilité de les échanger contre des biens, de l'argent ou du
bétail. La peur et la stigmatisation liées à la
sexualité avant le mariage et à la procréation hors des
liens du mariage, et l'honneur familial qui s'y rapporte sont souvent
considérées comme raisons pour justifier les actes posés
par les familles. Enfin, de nombreux parents ont tendance à
écourter l'éducation de leurs filles et à les donner en
mariage par crainte des risques élevés de
violence et d'abus sexuels auxquels elles sont exposées sur le chemin de
l'école ou à l'école. Mais dans la majorité des
mariages de mineurs, on assiste souvent à quelque coercition : les
parents, les tuteurs ou les familles exercent des pressions, s'associent ou
contraignent les enfants à se marier.
Les conséquences du mariage précoce sont
souvent, de loin, plus graves que l'impact sur les seuls enfants
concernés. Le mariage des enfants a des effets négatifs sur les
familles et les sociétés. C'est une pratique qui aggrave la
pauvreté et qui a un impact négatif sur l'économie, sur
les secteurs de la santé et de l'éducation de tout pays. Pourtant
les enfants mariés et les filles mères sont partout
négligés et ignorés dans les débats nationaux sur
les politiques et les programmes, en dépit de leur situation et de leur
vulnérabilité exceptionnelle.
La lutte contre le mariage d'enfant est une tâche
monumentale mais possible, qui requiert de la volonté politique et des
stratégies préventives et multiformes au niveau international,
national et communautaire.
BIBLIOGRAPHIE
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( « LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET AUX PERSONNES VULNERABLES
AU SENEGAL -- LES REFORMES QUI S'IMPOSENT. »
Par Fatou Kiné CAMARA, Docteure d'Etat en Droit,
Chargée d'enseignement, Faculté des Sciences Juridiques et
Politiques, Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Table ronde du
décembre 2008 à la Résidence Le Ndiambour).
UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR
*-*-*-*-*-
Faculté des Sciences Juridiques et
Politiques DEPARTEMENT DROIT PRIVE
OPTION :
JUDICIAIRE *-*-*-*-*- Mémoire de MAITRISE
SUJET :
Présenté par :
SLAT LE ET DOCTRINALE
Sous la direction de :
Aguibou LY Mme Fatou Kiné CAMARA
Docteure d'Etat en Droit
Année universitaire : 2009/2010
« L'UCAD n'entend donner aucune approbation ou
improbation aux opinions émises dans les thèses et
mémoires. Ces opinions doivent être considérées
comme propres à leurs auteurs. »
DEDICACES
Après avoir loué ALLAH le tout Puissant et
prié sur son Prophète MOUHAMAD
(PSL)
Je dédie ce travail :
- à mon défunt père Mamadou Samba LY
- à ma mère Aminata SY grâce à qui, je
suis arrivé à ce niveau d'étude.
Mes dédicaces vont également à l'endroit de
toute ma famille sans exception, à tous mes frères et soeurs,
neveux et nièces.
REMERCIEMENTS
Je remercie d'abord, mon directeur de mémoire Fatou
Kiné CAMARA, Docteure d'Etat en Droit, Chargée d'enseignement,
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université Cheikh
Anta Diop de Dakar, qui n'a ménagé aucun effort pour la
réussite de ce travail.
Mes remerciements vont également à l'endroit de
toute ma famille : ma mère Aminata SY, ma tante Dieynaba Dème,
Farmata LY, Maimouna LY, Dieynaba LY, Djiblil LY, Athia Kane, Malick LY, Hawa
LY, Mamoudou Dème, Papa Dème, Ablaye LY, Aminata LY, Moussa LY,
Aissata LY, Amadou LY, Souleymane LY, Hamzatou LY, Bineta Dème et Oumar
LY et toute la famille du coté de Usine Béne Talli.
Mais également mes amis et frères : Abou Dia,
Maham Ba, Ousmane Dia, Abou Dème, Siradiou Ba, Prospère Diabone,
Mansour Mbaye, Mamadou Bocoum, Saip Dieng, Mor Talla Dieng, Maham Sidi Ba,
Cheikh Omar Ba, Anssoumana Sané.
De plus, mes remerciements vont également à
toute la promotion de la Maîtrise de 2010 et plus particulièrement
l'option judiciaire en l'occurrence Nafi Diop, Assoumana Sané et
Débo Mbodj.
J e n'oublie pas également Mamadou SY, son
collègue Monsieur Sow et Maître Moussa guèye, greffier au
tribunal départemental de Pikine.
Et mention spéciale à ma chère Yaye Astou
Fall, qui m'a beaucoup soutenu. A ces amies Marème Kane, Ndèye
Yacine Diop, Awa Ndiaye Faye, Assa Cissé Yacine Cissé et Maguette
guèye.
A mes soeurs : Niouma Ba, Fatima Niang, Khouradia Badiane,
Mame Fatou Coréa, Khadidja Dabo, Aissatou Assé Baldé,
Bigué Ndiaye, Marième Seck Maimouna Ndiaye, Astou Mbaye et
Alimatou Sadya Camara.
SIGLES ET ABREVIATIONS
CEDEF : Convention pour
l'Elimination de toutes formes de
Discrimination à l'Egard
des Femmes
CDE : Convention relative aux
Droits des Enfants
CF : Code de la Famille
CP : Code Pénal
OMD : Objectifs du
Millénaire pour le
Développement
RADDHO : Rencontre Africaine
des Droits De l'Homme
SOMMAIRE
Premiere Partie : LES INCIDENCES JURIDIQUES RELATIVES A
L'AGE LEGAL DU MARIAGE.
Chapitre I: Les incidences législatives et
conventionnelles.
Section I: La loi nationale.
Section II : Les instruments internationaux et régionaux
des droits humains.
Chapitre II: Les incidences jurisprudentielles et doctrinales.
Section I: Les incidences jurisprudentielles.
Section II: Les incidences doctrinales.
Deuxième Partie : LES IMPLICATIONS PRATIQUES
RELATIVES A L'AGE
LEGAL DU MARIAGE.
Chapitre I: Les implications sur la santé.
Section I: La santé publique.
Section II: La santé de la mère et de l'enfant.
Chapitre II: Les implications sur l'éducation et
l'économie.
Section I: Les implications sur l'éducation.
Section II: Les implications sur l'économie.
TABLE DES MATIERES
Dédicaces Remerciements
Abréviations
Sommaire
Table des matières Introduction 1
PREMIERE PARTIE : LES INCIDENCES JURIDIQUES RELATIVES A
L'AGE LEGAL DU MARIAGE 5
Chapitre I : Les incidences législatives et
conventionnelles 6
Section I : La loi nationale 6
Paragraphe I : L'impact de la loi nationale 6
Paragraphe II : La nature de la sanction civile et pénale
10
Section II : Les instruments internationaux et régionaux
des droits humains 13
Paragraphe I : Les instruments internationaux des droits humains
13
Paragraphe II : Les instruments régionaux africains des
droits humains 17
Chapitre II : Les incidences jurisprudentielles et doctrinales
21
Section I : Les incidences jurisprudentielles 21
Paragraphe I : Les difficultés pour trouver la
jurisprudence 21
Paragraphe II : L'analyse de la position des juges 23
Section II : Les incidences doctrinales 28
Paragraphe I : La position des organismes internationaux 29
Paragraphe II : La position de la société nationale
civile et des ONG 32
DEUXIEME PARTIE : LES IMPLICATIONS RELATIVES A L'AGE
LEGAL DU MARIAGE 34
Chapitre I : Les implications sur la santé 35
Section I : La santé publique 35
Paragraphe I : Le VIH-Sida 35
Paragraphe II : Les fistules obstétricales 37
Section II : La santé de la mère et de l'enfant
39
Paragraphe I : La santé de la mère- 39
Paragraphe II : La santé de l'enfant 40
Chapitre II : Les implications sur l'éducation et
l'économie 41
Section I : Les implications sur l'éducation 42
Paragraphe I : Les implications sur l'éducation de
l'enfant mariée 42
Paragraphe II : Les implications sur l'éducation de la
société 44
Section II : Les implications sur l'économie 45
Paragraphe I : Les implications sur l'économie la famille
45
Paragraphe II : Les implications sur l'économie de la
société 47
CONCLUSION 49
BIBLIOGRAPHIE 51
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