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La norme conventionnelle en droit international de l'environnement : "l'exemple de la diversité biologique"

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par Aviol FLEURANT
Université de Limoges / Faculté de droit et des sciences économiques de Limoges - Master 2 Droit international et comparé de l'environnement 2008
  

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CHAPITRE II : VERS UN REGIME JURIDIQUE, INSTITUTIONNEL ET FINANCIER EFFICACE

La biodiversité est le poumon de l'humanité. A ce titre, le régime juridique qui la définit et les mécanismes institutionnels qui la confortent doivent absolument être efficaces. Ce régime ne peut reposer que sur des approches et principes juridiques efficients. Les principes généraux qui l'alimentent doivent être élevés au rang de règles coutumières internationales. Aussi, la norme conventionnelle y relative se devra-t-elle être susceptible d'effectivité. Il est désormais impérieux que l'on n'inscrive plus ladite norme dans un cadre juridique programmatoire et sans valeur obligatoire réelle. Les engagements pris par les Etats en ce qui concerne la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique doivent aller au delà de simples engagements politiques. Aux approches utilitaristes et anthropocentriques, on va devoir substituer les approches intégrées, socle fondamental du développement durable. Partant de la radiographie de la norme conventionnelle existante et du constat de son inefficacité, nous optons pour un régime juridique, institutionnel et financier efficace. Ainsi, nous sera-t-il donné de définir les conditions du renforcement du cadre juridique (section 1) et celles du cadre institutionnel et financier (section 2).

Section 1 : Renforcement du régime juridique et juridictionnel existant

Le Professeur Claude Imperiali pose la question de l'effectivité des Conventions internationales comme une des « préoccupations essentielles actuelles de la doctrine »99(*). Comment s'attendre en effet à ce que les objectifs de conservation et d'utilisation de la diversité biologique soient réalisés si la norme conventionnelle ne peut être appliquée, du moins, n'est pas susceptible d'effectivité ? Voilà une question cruciale à laquelle nous allons répondre dans la présente section. A ce propos, nous traiterons de la nécessité d'un cadre juridique anticipatif et sanctionnateur (A) et de l'utilité d'un recours international en la matière (B).

A. Un cadre juridique anticipatif et sanctionnateur

Le cadre juridique susceptible d'efficacité sera anticipatif en ce sens qu'il s'articulera inconditionnellement et fondamentalement autour des principes de prévention et de précaution. Ainsi, va-t-il falloir redéfinir ces principes et les mesurer à l'aune du droit de la responsabilité pour dommage écologique. Ce cadre sera également sanctionnateur puisque, par la redéfinition du droit de la responsabilité pour dommage écologique, aucun brevet d'impunité ne sera accordé aux pollueurs et ces derniers tomberont certainement sous le coup de l'application de règles obligatoires et contraignantes. Aussi, le contrôle de la mise en oeuvre de ces règles justifiera-t-il l'efficacité du cadre juridique à élaborer.

1. Redéfinition des principes de prévention et de précaution

Les principes de prévention et de précaution, tels que conçus et « juridicifiés » en droit international de l'environnement sont, comme tous les autres principes, dénués d'effectivité. Ils relèvent en grande partie d'instruments non conventionnels sans portée juridique réelle. Rappelons que le doctrinaire AMEGANKPOE les a qualifiés de « produits d'une morale écologique (...) ayant un rang de simples engagements politiques »100(*). Rappelons également que si, en revanche, ces principes ont été consacrés dans des conventions, il ne s'agit néanmoins que de Conventions à caractère programmatoire qui ne relèvent que de la prospective. Ainsi, va-t-il falloir redéfinir l'enveloppe qui contient les principes de prévention et de précaution, à savoir le moule conventionnel, élever ces principes au rang de règles à valeur positive, et oeuvrer finalement à leur reconnaissance sur le plan international comme normes impératives ayant au moins rang de règles coutumières internationales, donc, contraignantes et insusceptibles de dérogations. Ainsi, par la redéfinition et la mise en oeuvre des principes de prévention et de précaution on évitera tant de dommages à la diversité biologique peu importe que le risque encouru soit connu et certain, d'une part, non encore identifié ou incertain d'autre part.

2. Redéfinition du principe de la responsabilité pour dommage écologique

La radiographie de la Convention sur la Diversité Biologique nous a permis de noter l'absence des principes « pollueur-payeur » et de la « responsabilité pour dommage écologique » dans cet instrument de référence universelle et de portée globale. Rappelons à ce propos qu'un grand doctrinaire a écrit « concernant la responsabilité et la réparation des dommages causés à la diversité biologique, la CDB est particulièrement floue et ne prévoit aucune obligation même conditionnelle »101(*). L'omission de cette balise dissuasive ne va pas pourtant sans conséquence sur le système normatif en général. Il serait illusoire de s'attendre au respect des obligations souscrites, à la réalisation des objectifs poursuivis, au rendement d'un système en termes de prévention et de réparation des dommages à la biodiversité si le caractère sanctionnateur de la norme fait défaut. L'état actuel du droit international de la biodiversité en appelle à une réforme substantielle.

Ainsi, le cadre juridique à définir devra inclure les principes fondamentaux du droit international de l'environnement, notamment celui de la responsabilité pour dommage écologique. Ce principe, par son caractère sanctionnateur, dissuadera les acteurs à ne pas causer de dommages transfrontières et préviendra, par la menace qu'il aura brandie, toute atteinte à la diversité biologique. Sa redéfinition, non en termes conditionnels, contribuera à rendre efficace le régime juridique à définir. Ainsi, on sauvegardera la santé humaine, on préservera les écosystèmes, on luttera contre les pollutions d'origine diverse. On conservera de manière durable la biodiversité.

3. Ediction de règles obligatoires et contraignantes

Ici, nous ne voulons que rappeler la nécessité d'élaborer une règle impérative, qui ne sera pas pure expression de la soft Law, ni ne relèvera de conventions à caractère programmatoire, une règle qui ne sera pas supplantée par les règles du Commerce international et de la propriété intellectuelle ou par toute autre règle transversale en cas de conflit. Une règle dure et favorable au développement durable.

4. Redéfinition du principe de coopération

Rappelons que le principe de coopération semble aujourd'hui acquérir la valeur d'une règle coutumière puisque « consacrée formellement par l'ordonnance relative à l'affaire de l'usine Mox »102(*) et figurée dans nombre d'instruments conventionnels. Ce principe, soulignons-le, implique une obligation conjointe et solidaire pour les Etats d'oeuvrer à la réalisation des objectifs de protection globale de l'environnement. C'est à cet égard que la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques a souligné qu' «en raison du caractère planétaire des changements climatiques les Etats ont le devoir de coopérer et de participer à une action internationale, efficace et appropriée»103(*). «Une action internationale efficace», voilà un but qui parait pourtant hors d'atteinte à cause de certains enjeux économiques, à cause de l'inefficience du cadre normatif et surtout du caractère imperméable de la souveraineté des Etats.

Nous avons plus haut démontré que le cadre normatif régissant la diversité biologique souffre d'une grande insuffisance et qu'en raison de l'effacement du principe de la responsabilité pour dommage écologique un brevet d'impunité a été accordé aux pollueurs. Pourquoi, nous avions proposé le renforcement du cadre juridique et juridictionnel existant, notamment par l'édiction de règles capables de dissuader les Etats à oeuvrer à la protection de l'environnement. Toutefois, ces normes ne seront que des lettres mortes et la conservation de la biodiversité un leurre si on ne fonde pas la coopération internationale sur l'intérêt supérieur de l'humanité.

Il est en effet sans conteste que le droit international de l'environnement relève du consensualisme. Ainsi, vu l'inefficience du cadre normatif et l'absence d'une juridiction obligatoire, on ne peut rien attendre des modes de règlement des différends. Or, par crainte d'être mis sur la sellette, les Etats hésiteront à s'ouvrir au processus de refonte du régime juridique. On ne peut alors que les convier à ce sursaut et trouver un consensus autour de l'effectivité de la norme pour une meilleure conservation de la biodiversité. A ce titre, la redéfinition du principe de coopération parait la panacée.

B. Institution de mécanismes de recours

La question de l'utilité du recours international en droit de l'environnement a préoccupé plus d'un doctrinaire. A ce propos, IMPERIALI écrit « Le contentieux international serait conçu comme un moyen d'obtenir le respect des obligations conventionnelles, la conformité du comportement des Etats aux engagements pris »104(*). A notre avis, il s'avère impérieux d'instituer formellement des voies internationales de recours tant pour les Etats que pour les acteurs non étatiques. Aussi, va-t-il falloir définir le recours étatique et celui offert aux autres acteurs du droit de l'environnement.

1. Les juridictions internationales de droit de l'environnement

Il importe à ce stade de souligner le rôle joué par les organes conventionnels - Secrétariats, Conférences des Parties, Conseils scientifiques - dans la mise en oeuvre des traités. Ils apprécient les plaintes et prennent des mesures à l'encontre des Etats contrevenants. A ce titre, ces organes semblent s'attribuer des fonctions juridictionnelles. Faut-il également rappeler qu'aux termes de la Convention de Bâle, les parties ont accepté la compétence de la Cour Internationale de Justice ou d'une juridiction arbitrale en cas de litige d'interprétation ou de non-conformité au traité. Aussi, la Convention de Montego Bay a-t-elle institué le Tribunal international du droit de la mer dans le cadre du règlement de différends. Autant d'exemples qui traduisent la tendance actuelle vers l'institution de juridictions internationales de recours.

En fait, le recours international parait nécessaire. Il se justifie également par l'inefficacité des voies nationales de recours. A ce propos, IMPERIALI écrit « la voie internationale est apparue utile puisqu'en cas de difficultés d'interprétation et d'application des Conventions, les voies de recours nationales étaient fort diverses, inégales et n'assuraient pas une pleine efficacité aux dispositions en cause105(*). En revanche devra-t-on penser à une juridiction universelle puisque le foisonnement de juridictions conventionnelles pourra davantage alourdir le cadre institutionnel existant ?

2. Le recours étatique

La procédure de non-conformité instituée par le Protocole de Montréal de 1987 est un exemple typique du recours interétatique. Il s'agit en fait d'un « suivi du respect des engagements internationaux » selon lequel « toute partie qui suspecte un non respect de ses obligations par une autre partie peut formuler ses griefs auprès du Secrétariat de la Convention qui en saisit un Comité de mise en oeuvre »106(*). Ce comité procède à l'examen de l'affaire, envisage tout règlement amiable, saisit la Conférence des Parties qui décide des mesures à prendre à l'encontre de l'Etat contrevenant.

A ce propos, la Commission du Développement Durable, lors de sa 4ème session en 1996, a défini des modalités pour un suivi efficace du respect des engagements internationaux. A ce titre, il a été établi l'obligation pour les Etats de se soumettre à un contrôle collectif de conformité, le devoir de communiquer l'information utile, d'admettre la vérification et l'inspection, de favoriser la mise en oeuvre de procédures de surveillance multilatérales107(*). Aujourd'hui, la convention sur les changements climatiques (1992), celle sur les armes chimiques (1992), celle de New-York de 1995 sur la conservation des poissons chevauchants, admettent la procédure de non-conformité. Voilà, un contrôle - d'orientation plutôt que de sanction - qu'il conviendra de renforcer et d'intégrer dans les conventions de droit de l'environnement.

Si ce contrôle est d'orientation en ce qu'il fait appel aux méthodes souples de résolution des conflits - discussion, négociation - des sanctions sont pourtant possibles. Elles peuvent être juridiques en ce qui a trait à la suppression des droits et prérogatives de l'Etat défaillant au sein de la communauté conventionnelle ou matérielles en ce qu'elles entrainent le retrait des avantages techniques et financiers du traité. Ces mesures sont dissuasives. Selon IMPERIALI, ces éléments illustrent comment la procédure de non compliance peut être un élément pivot d'un contrôle international renforcé de la mise en oeuvre des conventions sur l'environnement108(*).

3. Le recours des acteurs non étatiques

Si la participation des citoyens au choix et aux décisions est dite consubstantielle au développement durable109(*), il s'avère nécessaire, outre l'accès aux tribunaux nationaux, de leur ouvrir des voies internationales de recours, ce, pour une meilleure protection de la diversité biologique et de l'environnement en général. Ainsi, comme en droit international des droits de l'homme, les grands groupes sociaux - les femmes, les jeunes, les populations autochtones, les travailleurs, les syndicats, les agriculteurs, les communautés scientifiques et techniques - pourvu qu'on leur reconnaisse la personnalité juridique et la capacité d'agir sur le plan international, pourront saisir les juridictions internationales du droit de l'environnement. A ce titre, les acteurs non étatiques auront comme les Etats la qualité de sujets de droit international de l'environnement et s'en prévaudront contre tous Etats violateurs des normes et qui, comme de violents prédateurs, causeront de graves dommages à la biodiversité.

Nous avons pris la précaution de parler de « groupes sociaux » au lieu de nous référer à « l'individu » en ce qui concerne la qualité de sujets de droit international de l'environnement pour des raisons précises. D'abord, dans le cadre de l'information, la participation et l'évaluation environnementale, les principaux instruments juridiques relatifs à la matière - Action 21, Déclaration de Rio, Convention d'Aarhus - en parlant du « public », réfère à un ensemble de citoyens et non à un individu. Ensuite, le droit à un environnement sain, fondement de la qualité de sujets de droit international à accorder aux acteurs non étatiques, est un droit de solidarité en ce qu'il traduirait une conception de la vie en communauté et ne pourrait à ce titre être réalisé que par la conjonction des efforts de tous les partenaires sociaux110(*). Tout compte fait, l'accès des acteurs non étatiques aux juridictions internationales confortera ce que Prieur appelle la démocratie environnementale et participera de l'effectivité de la norme conventionnelle.

* 99 IMPERIALI Claude, L'Effectivité du Droit International de l'Environnement, Ed. Economica, 1998, p. 7

* 100 AMEGANKPOE et AVODE, op. cit., 2003, pp. 337, 338.

* 101 Nicolas de Sadeleer, Charles-Hubert Born, op. cit. p. 110

* 102 AMEGANKPOE et AVODE, op. cit. p. 340

* 103 Arbour Jean Maurice & Lavallée Sophie, op. cit. p. 45

* 104 IMPERIALI Claude, op. cit. p. 19

* 105 IMPERIALI Claude, op. cit. p. 19

* 106 IMPERIALI Claude, op. cit. p. 14

* 107 Rapport du Groupe d'experts sur l'identification des principes du droit international pour le développement durable, Genève, 26-28 Septembre 1996 (division Nations Unies pour le Développement durable, doc. Travail no : 3, Avril 1996, paragraphes 155 à 160)

* 108 IMPERIALI Claude, op. cit. p. 15

* 109 DOUMBE-BILLE Stéphane, Les Acteurs du droit international de l'environnement, Master DICE, Tronc commun, cours no : 2, p. 2

* 110 Sudre Frédéric, Droit européen et international des droits de l'homme, 6ème édition refondue, puf, 2003, p. 105

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon