EPIGRAPHE
Le travail, après le travail, l'indépendance.
N'être à la charge de personne :
Telle doit être la devise de votre
génération.
Bénard Dadié.
DEDICACES
A la famille Baku Lukeni : Orvy et Hervé Baku
et à Nkololo Aimé Fabrice, je dédie ce
travail.
AVANT-PROPOS
Ce travail dont l'aboutissement met fin à notre
formation d'ingénieur agronome à l'Université de Kinshasa,
n'aurait été possible sans une longue chaîne de
bienveillance et d'efforts désintéressés de la part des
nombreuses personnes aux quelles nous avons le plaisir de présenter ici
nos remerciements et l'expression de notre reconnaissance :
Le professeur Mafuka Mbe-mpie Paul qui a
bien voulu diriger ce travail et dont les explications ont été
déterminantes à son aboutissement.
Le professeur Lema Albert qui nous a
conseillé et dont les encouragements ont contribué
significativement à la réalisation de ce travail.
Le professeur Kizungu Roger qui
a accepté de prendre sur son temps et nous a toujours accueilli
comme si nos visites d'échanges scientifiques étaient
désirées et à travers lui, tous les professeurs, chefs des
travaux et assistants de la Faculté des Sciences Agronomiques de
l'Université de Kinshasa.
Madame l'assistante Nsombo Blandine, dont les
explications et les conseils nous ont permis, dès le début de
notre premier entretien de comprendre beaucoup de ce que nous savons
aujourd'hui.
Enfin, nos parents, nos oncles, nos tantes, nos frères
et soeurs, nos amis et collègues, ainsi que tous ceux qui nous ont fait
le grand honneur d'exprimer leur point de vue sur ce travail. A tous, nous
disons merci.
Ngombo Vangu Chrispin
Résumé :
Ce travail fait suite à une série des travaux
sur les données climatiques de la station de recherche agronomique de
Luki. Certains de ces travaux ont eu pour objectif : le
réajustement du calendrier agricole de la région de Luki et ses
environs face aux changements climatiques. Le présent travail s'est
intéressé à élucider l'influence des changements
climatiques sur la prolifération de charançons du bananier.
La réalisation de ce travail a
nécessité : la compilation des données climatiques de
quatre dernières décennies à la station de recherche de
l'INERA /Luki ; leur interprétation pour la mise en évidence
des changements climatiques et son influence sur le charançon ;
enfin l'extrapolation de ces données pour les 20 années
suivantes.
Les données des paramètres climatiques
régulièrement enregistrées à la station de l'INERA
à Luki de 1960 à 1999, ont permis d'établir les courbes de
l'évolution de la température, la pluviométrie et
l'humidité relative. L'extrapolation des données a
été faites par la méthode des moyennes mobiles.
Pour le premier objectif du travail, il s'est
avéré que le climat a changé. En effet, les
résultats obtenus montrent une variation vers la hausse pour les trois
paramètres sous étude. En ce qui concerne l'influence de ces
résultats sur le charançon du bananier, ils montrent à
suffisance que le charançon du bananier se trouve à Luki et ses
environs dans des conditions climatiques favorables en ce qui concerne la
température, la pluviométrie et l'humidité. Et il va
l'être encore pendant les deux décennies à venir,
c'est-à-dire jusqu'en 2020.
Avec des températures moyennes autour de 25°C, une
pluviométrie croissante et une humidité relative
supérieure à 80% en saison humide à Luki, les changements
climatiques de ces dernières décennies expliquent la
prolifération des populations de charançon du bananier ce qui
est probablement à l'origine de la recrudescence des dégâts
récemment constatés sur le bananier dans la région de
Luki.
Mots clés : changements
climatiques, dégâts, charançon du bananier, Luki.
Abstract
This work follows a series of
work on climate data from the agricultural research station Luki. Some of this
work has been to aim: the readjustment of the agricultural calendar of the
region of Luki and the surrounding climate change. This work has focused on
elucidating the influence of climate change on the spread of banana weevil.
The completion of this work required: compiling climate data
from four decades at the research station INERA / Luki and their interpretation
for the detection of climate change and its influence on the weevil and finally
the extrapolation such data for 20 years. The data of regular climatic
parameters recorded at the station to INERA Luki from 1960 to 1999, have
established the curves of changes in temperature, rainfall and relative
humidity. Extrapolation of the data was made by the method of moving averages.
For the first objective of the work, it turned out that the
climate has changed. Indeed, the results show a variation to increase for the
three parameters under study. Regarding the influence of these results on the
banana weevil, they show sufficiently that the banana weevil is Luki and its
surroundings in favorable weather conditions in terms of temperature, rainfall
and humidity . And it will be even during the next two decades that is to say
until 2020.
With average temperatures around 25 ° C, increasing
rainfall and relative humidity above 80% during the wet season to Luki, climate
change in recent decades explain the proliferation of banana weevil populations
in what is probably the origin of the recently observed increase in damage on
banana in the region of Luki.
Keywords: climate change, damage, banana
weevil, Luki.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 8
1. Problématique 8
2. Hypothèses 9
3. But et Objectifs 10
4. Choix et intérêt du sujet
10
5. Contextes et Méthodologie 11
6. Délimitation et canevas 11
CHAPITRE I : GENERALITES SUR LE MILIEU D'ETUDE
ET LES CHANGEMENTS
CLIMATIQUES 12
I .1. LE MILIEU D'ETUDE 12
I. 1 .1 GENERALITES 12
I. 1 .2. CLIMAT 12
I.1. 3. SOL ET VEGETATION 13
I. 1. 4 AGRICULTURE 13
I. 2. CHANGEMENTS CLIMATIQUES 13
1. 2 .1 GENERALITES 13
I .2 . 2. CHANGEMENTS NATURELS DU CLIMAT
13
I. 2. 3. INFLUENCE DE L'HOMME SUR LE CLIMAT
14
I.2.4. CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET
L'AGRICULTURE 15
CHAPITRE II : APERÇU SUR LE
BANANIER ET LE CHARANÇON 16
II. 1. LE BANANIER 16
II.1.1. ORIGINE ET BOTANIQUE
16
II. 1. 2 EXIGEANCES ECOLOGIQUES ET
RENDEMENTS 17
II. 1. 3. UTILISATION 17
II.1.7. MALADIES ET RAVAGEURS
18
II.2. LE CHARANÇON DU BANANIER
19
II.2.1. ORIGINE 19
II. 2 .2. DESCRIPTION ET BIOLOGIE
19
II. 2. 3. ECOLOGIE 19
II. 2.4. DEGATS 20
II.3. INFLUENCE DES FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX SUR
LE CHARANÇON 21
II.3.1. GENERALITES 21
II.3.2. INFLUENCE DE LA TEMPERATURE SUR LE
CHARANÇON 21
II.3.3. INFLUENCE DE L'HYGROMETRIE SUR LE
CHARANÇON 22
II.3.4. INFLUENCE DE L'ATTRACTION
ALIMENTAIRE 22
CHAPITRE III : APPROCHE METHODOLOGIQUE
23
III.1. INTRODUCTION 23
III.2. ANALYSE DES DONNEES CLIMATIQUES
23
III.3. INTERPRETATION DES DONNEES CLIMATIQUES
23
III.4. EXTRAPOLATION DE LA TEMPERATURE
23
III.5. VALIDITE ET LIMITES DU
MODELE.........................................................25
CHAPITRE IV: RESULTATS ET DISCUSSION 26
IV.1. EVOLUTION DES PRINCIPAUX FACTEURS
CLIMATIQUES 26
IV.1.1. INTRODUCTION 26
IV.1.2. EVOLUTION DE LA TEMPERATURE
ANNUELLE 26
IV.1.3. EVOLUTION DE LA PLUVIOMETRIE
ANNUELLE 27
IV.1.4. EVOLUTION DE L'HUMIDITE ANNUELLE
28
IV. 2. COMPARAISON DES FACTEURS PAR DECENNIES
28
IV. 2. 1. LA TEMPERATURE 29
IV. 2. 2. LA PLUVIOMETRIE 29
IV. 2. 3. L'HUMIDITE RELATIVE
30
IV. 3. IMPACT DES VARIATIONS DES FACTEURS
CLIMATIQUES SUR LE CHARANÇON 30
IV. 3. 1. IMPACT DE LA TEMPERATURE
30
IV. 3. 2. IMPACT DE LA PLUVIOMETRIE
31
IV. 3. 3. IMPACT DE L'HUMIDITE
31
IV. 4. DETERMINATION DE LA PERIODE PROPICE AU
DEVELOPPEMENT DU CHARANÇON 31
III. 4. 1. SAISON SECHE 31
IV. 4. 2. SAISON HUMIDE 32
IV. 4. 3. LES MOIS LES PLUS FAVORABLES
33
IV. 5 EXTRAPOLATION ET PERSPECTIVES 34
IV. 5. 1 EXTRAPOLATIONS DES
TEMPERATURES 34
CONCLUSION ET SUGGETIONS 36
BIBLIOGRAPHIE 40
INTRODUCTION
1. Problématique
Nourrir les hommes a
toujours été la préoccupation essentielle
de l'humanité dans l'histoire. Il résulte de cette
évidence qu'à l'exception des produits de la pêche et de la
chasse, l'homme a tiré sa subsistance de la culture du sol et de
l'élevage. L'objectif a toujours été d'assurer une
production aussi bien végétale qu'animale, accordée aux
besoins alimentaires d'une population globalement en progression (PHYTOMA,
1998).
Cet objectif ne sera atteint qu'à la faveur de
l'évolution du progrès technique en agriculture. Parmi les
composantes de ce progrès, la protection des plantes doit occuper une
place primordiale, les systèmes de protection des cultures devant
être considérés comme des composants à part
entière des agrosystèmes.
Les ressources alimentaires de 90% de la population
mondiale reposent essentiellement sur la culture de quinze espèces
végétales et sur l'élevage de sept espèces
animales, qu'il est vital de protéger. Malheureusement, en dépit
de tous les efforts, parasites et ravageurs détruisent chaque
année environ 35% des cultures sur pied. Après la récolte,
insectes, micro-organismes, rongeurs et oiseaux occasionnent une perte
supplémentaire de 15%, ce qui porte la destruction totale à plus
ou moins 50 % (FAO, 2001).
En plus, malgré les graves
déficits alimentaires dont pâtissent de nombreuses régions
du monde, le développement industriel en particulier réduit
continuellement la superficie des terres cultivables. Dans ces conditions, la
lutte antiravageur est l'un des moyens pouvant permettre une utilisation plus
intensive des terres arables encore disponibles. C'est ainsi que l'explosion
démographique et l'évolution contemporaine des
sociétés accroissent la nécessité de disposer des
données techniques simples et fiables sur les fléaux qui menacent
l'existence humaine (KALONJI, 2006).
Les changements climatiques de ces dernières
décennies sur la surface de la terre et ses conséquences sur la
prolifération des certains ravageurs des plantes cultivées pour
l'alimentation humaine est l'un des fléaux auquel l'humanité doit
faire face car l'un des problèmes majeur de l'agriculture a toujours
été l'existence de ravageurs et de parasites.
En effet, les modifications du climat peuvent orienter
différemment le développement des dégâts dus aux
insectes sur les plantes. Leur incidence et gravité sont de ce fait
influencées par l'ensemble des facteurs qui agissent sur la croissance
et le développement du ravageur et de la plante hôte (PNUD,
2006).
En ce qui concerne la culture du bananier, le charançon
(Cosmopolites sordidus) est considéré comme le plus nuisible de
tous les ravageurs qui attaquent le bananier en République
Démocratique du Congo, occasionnant des pertes énormes
(SEBASIGARI, 1983 ;GATSINGI, 1987). Cela constitue un réel
problème social car la banane est une culture importante en RDC, elle
entre dans l'alimentation de base de nombreuses populations de la zone
forestière constituant ainsi leur deuxième source
énergétique après le manioc (VAN DEN PUT, 1981).
L'Institut National pour l'Etude et la Recherche Agronomique
(INERA), dispose d'une station de recherche dans la région
forestière de Luki qui s'occupe de la recherche sur la Sylviculture et
des cultures comme le bananier. Cette station a dans sa collection un grand
nombre de variétés de banane dessert et plantain
différentes par leur précocité, le nombre de mains par
régime, la nature du fruit, etc.
Dans cette station, le bananier doit faire face à une
recrudescence des dégâts dus au charançon, alors qu'il est
la principale culture pratiquée par les agriculteurs dans cette
région forestière, bien avant le manioc qui est partiellement
remplacé par le taro dans l'alimentation dans le Mayombe. Il est donc
important de disposer des données sur l'évolution de ce ravageur
et surtout d'élucider l'influence des changements climatiques sur sa
prolifération.
2. Hypothèses
Les facteurs
environnementaux étant influencés par le climat, ils
évolueraient au rythme des changements des principaux paramètres
climatiques de ces dernières décennies.
Au couple hôte-parasite, il faut ajouter un
autre facteur non de moindre importance qui est le milieu, qui se
définit ici par les éléments météorologiques
et le sol (sa biologie, sa chimie et sa physique) (KALONJI, 2006).
Cela suppose qu'une évolution du climat introduirait un
changement dans les relations entre les ravageurs et leur hôte, ce qui
peut aboutir à l'augmentation des populations des ravageurs, avec pour
conséquence, l'augmentation des dégâts sur la culture du
bananier, ou au contraire à leur diminution.
Les conditions climatiques prévalant actuellement et
dans un future relativement proche à la station de l'INERA/Luki et ses
environs, seraient favorables à la prolifération des populations
de charançon du bananier, ce qui serait à la base de
l'augmentation des dégâts constatés récemment sur la
culture du bananier dans cette région.
3. But et Objectifs
L'intégration des
paramètres liés aux peuplements de plantes-hôtes, à
ceux des populations de ravageurs et aux conditions environnementales
crée une gamme variée de situations, de contraintes
phytosanitaires et complique quelque peu la détermination des
priorités de recherche à l'égard des faibles ressources
généralement disponibles. C'est ainsi que le but assigné
à ce travail est d'aboutir à un éveil de conscience sur
l'orientation de la recherche destinée à trouver les moyens de
lutte efficaces contre le charançon du bananier.
Ce travail a comme objectifs :
1. D'élucider les changements climatiques à la
station de l'INERA/Luki et ses environs;
2. D'analyser la corrélation entre l'augmentation des
dégâts dus au charançon sur le bananier et les changements
climatiques probables;
3. De simuler l'évolution éventuelle du climat
à la station de l'INERA/Luki dans un futur plus ou moins proche.
4. Choix et intérêt du sujet
La diversité
variétale du bananier n'est plus à démontrer en RDC; en
effet, même si les variétés actuelles proviennent des
bananiers sauvages à graines présents en Asie du Sud-Est,
l'Afrique centrale et particulièrement la RDC est citée parmi les
centres secondaires de diversification. De Langhe (1979) a parlé de 56
variétés de plantain présentes au Congo.
Malheureusement à cette diversité
variétale, s'ajoute une diversité des ravageurs qui
réduisent sérieusement l'expansion de cette culture. Une
étude effectuée dans la province du Bas - Congo, a montré
qu'il y a depuis un certain temps une recrudescence des dégâts dus
au charançon sur le bananier (BAKELANA, 2006).
Les changements climatiques constituent ce qui pourraient
être une menace sans précédent pour le développement
de l'agriculture. L'essentiel de cette menace se manifestera par des
modifications des relations plante hote-parasites-environnement
(physico-chimique et biologique) (PNUD, 2006).
L'action dévastatrice du charançon est capable
de provoquer des famines et d'éprouver les économies des
ménages déjà pauvres de la région forestière
de Luki. Il faut retenir que la lutte contre les insectes ou mieux, la gestion
des ravageurs des cultures est fondamentalement un problème
d'écologie appliquée. Car l'insecte se trouve dans un
environnement qui l'affecte positivement ou négativement selon le cas.
L'étude des facteurs environnementaux qui ont une
influence directe sur la survie d'un ravageur constitue un pas important vers
la recherche des moyens de lutte (LEMA, 2005). Musabyimana (1988) rapporte que
la dynamique des populations de charançon du bananier résulte de
plusieurs facteurs de l'environnement biotique et abiotique. Pour mieux
organiser la lutte avec des méthodes nouvelles (culturales et
biologiques) et plus performantes, une meilleure connaissance de cet
environnement s'impose.
5. Contextes et Méthodologie
Ce travail est une suite d'une série des travaux
initiés sur les données climatiques de la station de recherche
agronomique de Luki. Certains de ces travaux ont eu pour objectifs : le
réajustement du calendrier agricole de la région de Luki et ses
environs, face aux changements climatiques. Celui-ci s'intéresse
à élucider l'influence des changements climatiques sur la
prolifération du charançon du bananier. C'est ainsi qu'il a
été utilisé dans ce travail des données
décadaires regroupées par Molima Ekeke dans son travail
intitulé : Etablissement du calendrier agricole de Luki (Bas-congo)
sur base des paramètres climatiques de 1959 à 2004.
La compilation des données climatiques de quatre
dernières décennies à la station de recherche de l'INERA
à Luki, leur interprétation pour la mise en évidence des
changements climatiques et leur influence sur le charançon et enfin
l'extrapolation de ces données pour 20 années avenir, constitue
le cheminement poursuivi dans ce travail. Les données des
paramètres climatiques régulièrement enregistrées
à la station de l'INERA à Luki de 1960 à 1999, ont permis
d'établir les courbes de l'évolution de la température, la
pluviométrie et l'humidité relative. L'extrapolation des
données a été faite par la méthode des moyennes
mobiles.
6. Délimitation et canevas
Ce travail concerne l'influence des changements climatiques
sur la prolifération de charançon du bananier à la station
de Luki et ses environs. Les données, analyses ainsi que les
résultats qui y sont disponibles ne sont d'application qu'aux conditions
agroclimatiques de cette station.
Le présent travail comporte : une introduction
générale et quatre chapitres dont le premier s'appesantit sur le
milieu d'étude et le concept changements climatiques ; le
deuxième présente le matériel biologique (bananier et
charançon) ; le troisième décrit la
méthodologie utilisée et le quatrième propose l'analyse
des résultats et la discussion. Enfin, une conclusion et des suggestions
le clôture.
CHAPITRE I : GENERALITES SUR LE MILIEU D'ETUDE ET
LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
I .1.
MILIEU D'ETUDE
I. 1 .1
GENERALITES
Située à
5° 37' de latitude Sud et 13° 06' de longitude Est, dans la province
du Bas-congo, district du Bas-Fleuve, à cheval entre trois territoires
(Lukula, Seke-Banza et Moanda), à 160 m d'altitude, la station de
l'INERA Luki fut créée en 1937, soit quatre ans après la
création de l'Institut National pour l'Etude Agronomique au Congo (INEAC
en sigle), actuellement, Institut National pour l'Etude et la Recherche
Agronomiques (INERA).
L'INERA dans son ensemble compte 15 programmes repartis dans
ses différents centres. Le bananier est étudié dans le
cadre du programme Fruits et banane de l'INERA dont la direction se trouve au
centre de recherche de M'vuazi, alors qu'une antenne est installée
à la station de Luki.
Dès sa création, la station de Luki s'est
occupée principalement de la recherche sur les essences
forestières locales et exotiques ainsi que la recherche sur le
système d'association entre les essences forestières ; les
cultures vivrières comme le bananier, le taro, l'igname et les cultures
industrielles comme le caféier, le cacaoyer, le palmier à huile
(LUBINI, 1988).
La station de Luki a la spécificité de se
trouver dans une réserve forestière. La réserve de
biosphère de Luki constitue la pointe extrême de la forêt
guinéenne du Mayombe. Elle possède, une station
métrologique qui enregistre régulièrement les
données climatiques. Ce sont ces données qui ont servi à
la réalisation de ce travail.
En ce qui concerne la banane, cette station avait une
importance particulière en ce sens qu'elle fournissait des rejets aux
agriculteurs et aux exploitants de la région du Mayombe qui jadis
exportaient la banane vers l'Europe. La station continue de jouer ce rôle
mais uniquement pour les paysans ; car, la plupart d'exploitations
industrielles ne sont plus opérationnelles.
I. 1 .2. CLIMAT
Luki se trouve en zone tropicale humide avec un climat chaud
et humide du type Aw4 selon la classification de Köppen. C'est un climat
caractérisé par deux saisons dont, une saison des pluies qui dure
7 mois et une saison sèche de 5 mois (mi-Mai à mi-Octobre). La
pluviométrie moyenne annuelle est de 1.230 mm alors que la
température moyenne annuelle oscille au tour de 25°C. En saison
sèche, elle est de 23°C ; contre 27°C en saison
pluvieuse. L'humidité relative est supérieure à 80%.
I.1. 3. SOL ET VEGETATION
La station de Luki est caractérisée par un sol
argilo-sablonneux et une végétation forestière dont les
genres dominants sont : Gosseweilerodendron, Gilletiodendron,
Terminalia, Hymenostegia et Musanga. Les systèmes sylvo-bananier,
sylvo-cafeier, sylvo-cacaoyer qui consistent à planter des essences
forestières dans les plantations des bananiers, des caféiers, des
cacaoyers sont pratiqués par certains opérateurs.
I. 1. 4 AGRICULTURE
La quasi-totalité de
la population locale (90%) pratique l'agriculture sur brûlis de type
itinérant avec des périodes de jachère raccourcies de deux
à trois ans. Les cultures sont souvent en associations (banane-taro,
banane-manioc, manioc- taro,...) rarement en monoculture. Les cultures
vivrières comprennent : le bananier, le manioc, le taro, le
haricot, le maïs, le riz, l'arachide et l'igname.
La culture de bananier est la principale culture de la
région ; car, la banane est l'aliment de base de la population
locale. Les trois cultivars les plus exploités sont : le gros
Michel, le bananier nain et surtout le plantain. En général, la
culture du bananier se fait dans la vallée ou sous l'ombrage des Limba
et la production est vendue à Boma, Matadi, Tshela et Kinshasa. Les
arbres fruitiers les plus représentés sont : les agrumes,
l'avocatier, le manguier et le safoutier (MOLIMA, 2005).
I. 2. CHANGEMENTS CLIMATIQUES
I. 2 .1
GENERALITES
Le climat est tributaire des notions du temps et de l'espace.
Les changements climatiques planétaires ont deux
origines : Les changements liés aux phénomènes
naturels et les changements liés aux activités humaines. Mais,
à l'aube du XXIème siècle,
les modifications observées sortent du cadre purement naturel, compte
tenu du rôle non négligeable des activités humaines dans le
système climatique. La terminologie de « changements
climatiques » se réfère désormais à ces
changements rapides et intenses d'origine anthropique (GIEC, 2001).
I .2 . 2. CHANGEMENTS NATURELS DU CLIMAT
Les changements du climat sont en premier lieu
liés à des événements purement naturels. En effet,
le climat dépend d'abord des variations des paramètres de
l'orbite terrestre, qui influent sur le rayonnement solaire qui arrive à
la surface terrestre.
Par conséquent, les climats n'ont cessé
d'évoluer à travers les paléoclimats successifs depuis la
formation de la terre. La planète terre a connu alternativement de
longues périodes glaciaires ponctuées par de plus courtes
périodes interglaciaires. De manière générale, le
climat est finalement resté assez stable dans l'histoire de la terre
pour permettre l'existence et l'évolution de la vie (PNUD, 2006).
Ces variations se sont toutefois produites avec une
extrême lenteur, sur des périodes de plusieurs milliers
d'années que leurs conséquences n'ont qu'une influence mineur sur
la survie immédiate des Hommes et l'Homme n'a aucune influence sur cette
évolution naturelle du climat (GIEC, 2001).
I. 2. 3. INFLUENCE DE L'HOMME SUR LE CLIMAT
Depuis un demi-siècle,
l'activité humaine entraîne des modifications de l'environnement
à grande échelle. Il en va ainsi de l'urbanisation et de
l'industrialisation intensive, les déchets issus de ces dernières
se déversant peu à peu dans les sols, les rivières, les
nappes phréatiques, etc. Les activités humaines
perturbent le climat. Les rejets atmosphériques anthropiques sont la
principale cause d'accentuation de l'effet de serre, qui tend à
augmenter significativement la température moyenne terrestre.
L'hypothèse mettant en jeu un effet anthropique sur le
climat remonte historiquement au début du
XIXe siècle. Après la mise en évidence de
l'effet de serre par le mathématicien français Joseph Fourier en
1827, le chimiste suédois Svante Arrhenius avance en 1896 qu'une
augmentation des rejets anthropiques de gaz carbonique (CO2)
dans l'atmosphère serait susceptible d'entraîner un
réchauffement à l'échelle de la planète (GIEC,
2001).
Mais ce n'est finalement que dans les
années 1980 que les scientifiques mettent réellement en
évidence ce problème environnemental majeur à
l'échelle du globe. Il est dès lors peu à peu admis que le
climat tend à se réchauffer, compte tenu de l'accentuation du
processus d'effet de serre par l'augmentation du rejet de certains gaz dits
« gaz à effet de serre » : principalement le
dioxyde de carbone (CO2), le
méthane (CH4) et le protoxyde
d'azote (N2O) (PNUD, 2006).
L'ensemble des constatations tend à
établir que les activités humaines ont induit un
réchauffement climatique, puisque la seule variabilité naturelle
du climat ne peut expliquer de telles augmentations de température. En
plus, ces modifications coïncident exactement avec le début de
l'ère industrielle.
I.2.4. CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET
L'AGRICULTURE
Diverses tentatives ont été faite en vue
d'évaluer l'impact quantitatif des changements climatiques sur la
sécurité alimentaire. Inévitablement, les projections sont
hasardeuses, car les changements climatiques eux-mêmes sont soumis
à des variations considérables. Pourtant les signes
avant-coureurs apparaissent clairement dans les résultats des exercices
de modélisation
La plupart d'entre-eux suggèrent que les changements
climatiques pourraient accroître la malnutrition mondiale de 15 à
26% ce qui augmenterait le nombre absolu de personnes souffrant de malnutrition
de 75 à 125 millions d'ici l'an 2080 par la modification des relations
entre la plante et son environnement.
Plusieurs tendances ont déjà été
observées en qui concerne l'agriculture à savoir :
Ø l'augmentation de la croissance de certains
végétaux nuisibles pour la plupart ;
Ø la précocité de la floraison et des
divers stades phrénologiques ;
Ø la modification du calendrier agricole pour les
cultures annuelles ;
Ø l'extension géographique des
phytopathogènes et des ravageurs, etc.
Si ces hypothèses se vérifient,
l'agriculture, secteur largement touché, connaîtrait une baisse
significative de ses rendements. Les pertes de production dans le secteur
agricole auront des effets multiplicateurs qui s'étendront à des
économies entières transmettant la pauvreté des zones
rurales vers les zones urbaines (PNUD, 2006).
Les principales questions sont de connaître
avec précision le degré d'augmentation de la température
qui entraînerait des conséquences d'ampleur différente,
ainsi que la réaction du système climatique qui tendra rapidement
vers un équilibre ou au contraire continuera à diverger de sa
position actuelle. Si l'augmentation de l'effet de serre et le
réchauffement du climat peuvent être bénéfiques pour
la croissance à moyen terme des forêts, les pluies acides et les
attaques des insectes peuvent entraîner une disparition totale de
certains agrosystèmes (ENCARTA, 2006).
Dans tous les cas, le
« déséquilibre » engendré par les
activités humaines ne fait que débuter. Cette modification se
poursuivra sur une durée inconnue mais sans doute relativement longue,
et ceci même si les rejets anthropiques étaient stoppés
rapidement, ce qui ne sera probablement pas le cas dans un proche avenir (GIEC,
2001).
CHAPITRE II : APERÇU SUR LE BANANIER
ET LE CHARANÇON
II. 1. BANANIER
II.1.1. ORIGINE ET BOTANIQUE
Le bananier est originaire
des régions tropicales de l'ancien monde (Asie et Afrique), mais les
espèces comestibles ont leur berceau en Asie Sud Orientale, l'Archipel
malais et les Iles philippines. La taxonomie du bananier est assez complexe.
Les bananiers appartiennent à l'embranchement des Spermaphytes,
à la classe des angiospermes, l'ordre des
Zingiberales, famille de Musaceae, au genre Musa dont les
espèces fréquemment rencontrées sont: Musa
paradisiaca et Musa sapientum (KATANGA, 2004)
Les variétés des bananes actuellement
cultivées (cultivars) dérivent de deux espèces
sauvages : Musa acuminata et Musa balbisiana
possédant respectivement les génomes AA et BB. La parthenocarpie
et la stérilité résulteraient des mutations diverses que
ces espèces ont subies au fil du temps (TEZENAS de MONTCEL, 1979).
VANDEN PUT (1981), rapporte que la culture du bananier serait
introduite au Congo (RDC) au XIVe siècle. Les explorateurs la
trouvèrent chez les riverains du fleuve Congo. Le deux espèces de
bananier les plus cultivées au Congo sont : la banane plantain ou
Musa paradisiaca et la banane de table ou Musa
sapientum.
Le « tronc » du bananier
est formé par les gaines de feuilles imbriquées les unes dans les
autres. À maturité, ce pseudo-tronc atteint une hauteur de 3
à 12 m. Il est surmonté d'une couronne de grandes feuilles
à épaisse nervure centrale ; celles-ci peuvent atteindre
3 m de long. Les fleurs sont groupées autour de la tige florale,
qui prend naissance au centre de la couronne de feuilles. Les fleurs femelles
se trouvent à la base de la tige florale, les fleurs mâles au
sommet.
Le bananier est une plante vivace tropicale de
la taille d'un arbre, cultivée pour son fruit (la banane), ses fibres ou
son feuillage. Le bananier est une des plantes les plus précieuses des
pays tropicaux. Les fruits ne contiennent pas de graines, la
reproduction de la plante se fait par multiplication végétative.
La longueur des fruits varie de 10 à 40 cm selon les
espèces ; les plus gros étant ceux des bananiers plantains.
Le poids moyen d'un régime est de10 kg, mais certains
régimes peuvent peser jusqu'à 70 kg (VANDENPUT, 1981).
II. 1. 2 EXIGEANCES ECOLOGIQUES ET
RENDEMENTS
Le bananier est une plante
exigeante en eau, sensible aux basses températures et aux vents. Le sol
doit être sain, aéré, riche et suffisamment pourvu en eau,
les racines n'absorbant aisément que le tiers de la tranche dite utile.
En climat chaud et humide les besoins en eau sont évalués
à 125 à 150 mm par mois. L'optimum thermique est voisin de
28°C. Au-de là de 35°C, les anomalies surviennent, en dessous
de 24°C, la vitesse de croissance baisse pratiquement de manière
linéaire avec la température jusqu'à15-16°C et elle
s'annule vers 10-11°C (CIRAD-GRET, 2002).
La moitié de la récolte
mondiale de bananes est produite en Afrique, où une grande partie est
consommée localement. Les principales régions exportatrices de
bananes sont l'Amérique centrale et le nord de l'Amérique du Sud.
En Afrique, les cultivars d'exploitation ont un rendement moyen de 30
Tonnes/ha, ceci pour le poids des mains coupées et non pour les
régimes entiers, alors que ce rendement est de 45 Tonnes /ha en
Amérique centrale. La production Africaine est presque exclusivement
destinée aux consommations locales (CIRAD-GRET, 2002).
II. 1. 3. UTILISATION
Certains bananiers fournissent les bananes
sucrées ; le bananier plantain produit
des bananes à cuire moins sucrées que les
précédentes. Les autres espèces sont cultivées pour
les fibres de leurs feuilles, utilisées pour fabriquer du papier et des
cordages ; une espèce produit les cordes d'abaca (VANDENPUT, 1981).
II.1.4. MALADIES ET RAVAGEURS
Exception faite de la
cercosporiose jaune du bananier qui ne touche que le bananier à
fruits de dessert, ce sont les mêmes maladies et ravageurs que l'ont
trouve sur tous les types de bananiers. La sensibilité de bananiers
plantain, bananiers de dessert et bananiers d'altitude peut néanmoins
être différente. Les principales maladies qui causent les pertes
les plus importantes sont celles reprises au tableau 1:
Tableau 1 : Principales maladies du
bananier
Maladies
|
Agent causal
|
Contamination
|
Symptômes
|
Traitement
|
Cercosporiose
|
Mycosphaerella musicola
|
Par contact avec le champignon
|
-Tâches foliaires jaunes ou noires
- raies foliaires noires
|
Fongicides de contact et systémiques
|
fusariose
|
Fusarium oxysporum
|
Par contact avec le champignon
|
- jaunissement des feuilles
- flétrissement des feuilles
|
Variétés résistantes ou jachère
|
bunchy top
|
Virus
|
Vecteur (pucerons)
|
- feuilles en bouquet serré
- feuilles naines et étroites
|
Eradication des pieds et rejets atteints
|
Mosaïque
en tirets
|
Virus
|
Vecteurs
|
- stries chlorotiques
- mort des feuilles dès l'émergence
|
Eradication des pieds et rejets atteints
|
stries
du bananier
|
Virus
|
Vecteurs
|
- stries jaunes sur les feuilles
- stries noires
|
Eradication des pieds et rejets atteints
|
Source : Raemaekers,
2001.
En ce qui concerne les ravageurs, outre les nématodes,
le seul insecte causant des dégâts significatifs aux bananiers en
Afrique est le charançon (C. sordidus). On estime que 50% de
tous les bananiers sont infectés en Afrique de l'Ouest, 75% en Afrique
centrale et 100% en Afrique de l'Est. Les plantains sont plus sensibles que
les bananiers à fruits de dessert (RAEMAEKERS, 2001).
II.2. CHARANÇON DU BANANIER
II.2.1. ORIGINE
Originaire de l'Asie du
Sud-est, le charançon s'est diffusé dans toutes les
régions tropicales et subtropicales productrices de bananes dessert et
plantain. En Afrique, Le charançon du bananier a été
signalé pour la première fois dans la région du Mayombe au
Bas - Congo (RDC), en 1916. Il serait d'après diverses publications, le
plus nuisibles de tous les ravageurs qui attaquent le bananier (SEBASIGARI,
1983 ; GATSINGI, 1987).
II. 2 .2. DESCRIPTION ET
BIOLOGIE
Le charançon adulte
est noir brillant, et mesure 9 à 10 mm de long. Les pattes sont robustes
avec des fémurs élargis. Les adultes sont nocturnes et peu
résistants à la sécheresse. Les femelles déposent
les oeufs isolement dans des cavités qu'elles creusent à la base
des pseudo-troncs, généralement au niveau du collet (bulbe), et
dans les stipes tombés sur le sol. Les larves qui sont du type
curculionidé sont blanchâtres et molles (LEMA, 2006).
La nymphose se passe dans le pseudo-tronc dans une logette
faite au bout d'une galerie larvaire. La nymphe est d'abord blanchâtre,
mais devient brunâtre avant l'éclosion. Le cycle vital, de l'oeuf
à l'adulte dure 4-9 semaines selon la température et le
développement de l'insecte est favorisé par une humidité
supérieure à 80% et une température d'environ 25°C.
En dessous de 24°C, la vitesse de croissance baisse pratiquement de
manière linéaire avec la température jusqu'à
s'annuler vers 12-13°C. Le charançon adulte peut vivre
jusqu'à quatre ans (FOGAIN, 2001).
II. 2. 3. ECOLOGIE
Le nombre de stades larvaires, forme nuisible de
l'espèce, varie selon la température et l'alimentation. Vers
25°C, le stade nymphal est atteint en 30 jours contre 40 jours à
22°C. L'adulte est sédentaire et se nourrit de déchets
végétaux. Les élevages au laboratoire fournissent
l'essentiel des données disponibles sur la biologie du charançon.
Le seuil thermique de développement serait de 12°C pour les oeufs,
et d'environ 9°C pour la larve. Le développement embryonnaire et
les taux d'éclosion les meilleurs sont observés entre 25 et
30°C (FRUITS, 1997).
Les trois facteurs qui influent sur le développement
des foyers d'infection sont : la température, l'hygrométrie
et l'attraction alimentaire. L'insecte recherche les endroits humides à
atmosphère saturée en eau, et où l'eau libre est
présente. Les températures trop faibles, inférieures
à 12°C ou trop élevées, supérieures à
35°C ainsi que des variations thermiques importantes semblent perturber la
biologie de l'insecte (ARLEU et AL, 1984 ; MESQUITA et ALVES, 1986).
II. 2.4. DEGATS
En principe les charançons du bananier sont lucifuges;
d'habitude ils fuient la lumière et sont actifs la nuit. La
présence des charançons ne se manifeste pas toujours par des
symptômes apparents d'attaque. Souvent même leurs
dégâts peuvent se confondre avec la pauvreté du sol,
l'attaque de taupes ou la destruction des tissus vasculaires par les
micro-organismes divers. Ainsi, ce n'est que par des observations minutieuses
que l'on peut s'assurer de la présence du charançon.
(VANDERWEYEN, 1962)
Les femelles creusent des cavités de ponte dans les
stipes, mais les dégâts les plus importants sont causés par
les larves qui font des galeries dans les bulbes et dans les rhizomes. On
constate alors un étiolement des feuilles périphériques.
Les plantes sévèrement attaquées semblent souffrir de
sécheresse et produisent des régimes de petite taille. Puisque le
système racinaire est détruit, ces plantes sont facilement
déracinées par les vents violents. Les charançons du
bananier sont des insectes plutôt sédentaires qui volent
très peu, mais se déplacent facilement à la surface du sol
(LEMA, 2006).
Une mesure du risque que représentent les ravageurs des
cultures est constituée par les pertes de rendement qu'ils peuvent
occasionner. En ce qui concerne le charançon du bananier, les
estimations effectuées en Côte d'Ivoire et au Cameroun font
état de baisse de rendements pouvant atteindre 20% en premier cycle de
production, 60% en deuxième cycle et 90% en troisième cycle
(FOGAIN, 2001).
VANDERWEYEN (1962) a démontré qu'il existe une
relation entre le nombre d'insectes sur pied, le coefficient d'infestation et
le pourcentage de pertes ; comme consigné au tableau (2) :
Tableau 2 : Relations entre le nombre d'insectes,
le coefficient d'infestation et le pourcentage des pertes.
Nombre d'insectes
|
Coefficient d'infestation (%)
|
Pourcentage de perte
|
0 - 1
|
0 - 5
|
0 - 5
|
1 -1,5
|
10
|
10
|
1,5 - 2
|
20
|
20
|
> 2
|
>25
|
>30
|
Source : Vanderweyen,
1962.
II.3. INFLUENCE DES FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX SUR LE
CHARANÇON
II.3.1. GENERALITES
Les facteurs
environnementaux qui ont une influence directe sur le charançon comme
sur tous les insectes sont de deux ordres ; il s'agit des facteurs
abiotiques et des facteurs biotiques. Dans le cadre de ce travail, les facteurs
abiotiques considérés sont des facteurs climatiques ; il
s'agit de : la température, l'humidité relative et la
pluviométrie. Alors que le seul facteur biotique pris en compte est
l'attraction alimentaire.
L'activité biologique du charançon
est très dépendante des conditions climatiques. Deux
données climatiques fondamentales caractérisent la zone
tropicale : la constance de la chaleur et l'abondance des
précipitations. En plus, du fait de la couverture nuageuse
fréquente, l'humidité atmosphérique moyenne y est
très élevée. Le charançon du bananier trouve en
zone tropicale des basses altitudes des conditions optimales de croissance
(SEBASIGARI, 1983).
Des travaux réalisés sur l'écologie du
charançon (C. sordidus), ont montré que les trois facteurs les
plus importants influant sur le développement des foyers d'infestation
et sur la prolifération de l'insecte sont : la température,
l'hygrométrie et l'attraction alimentaire (ARLEU et AL, 1984 ;
ARLEU et COLL, 1987).
II.3.2. INFLUENCE DE LA TEMPERATURE SUR
LE CHARANÇON
La température est
en somme une mesure de l'état thermique déterminé par les
rayons calorifiques provenant principalement du soleil. Ainsi les
températures élevées traduisent l'abondance des
rayonnements calorifiques tandis que les températures basses traduisent
l'insuffisance de ces rayonnements. On observe que les températures sont
élevées de manière régulière au cours de
l'année, particulièrement dans les climats dits tropicaux
(KATANGA, 2006).
En effet, la température influence la vitesse du
développement, la durée de la vie et la fécondité
du charançon. Il existe une limite supérieure et une limite
inférieure au-delà desquelles la température produit les
effets létaux sur les insectes. En d'autres termes, pour une
espèce d'insecte donnée, il existe une zone létale
supérieure et une zone létale inférieure entre lesquelles
se trouvent un intervalle de température tolérable. La chance
pour la survie et la reproduction augmente dans cet intervalle où se
trouve aussi une zone de température préférée
appelée le préférendum thermique (LEMA, 2005).
L'étude, à cinq températures
échelonnées de 16 à 30°C, du développement
postembryonnaire du charançon du bananier, a révélé
l'existence de six stades larvaires, dont les durées diminuent en
général avec l'augmentation de la température. Le cycle
vital du charançon du bananier dure 4 à 9 semaines selon la
température et le développement de l'insecte est favorisé
par un intervalle des températures d'environ 25 à 30°C,
conditions rencontrées dans les régions tropicales des basses
altitudes (FRUITS, 1997).
Des travaux de recherche réalisés ont
montré que : l'activité déprédatrice des C.
sordidus est très intense à une altitude
inférieure à 1000 m. Cette activité diminue selon un
gradient régulier de 1000 m à 1500 m et devient nulle au dessus
de 1500 m ceci s'expliquerait par le fait que la température diminue
inversement avec l'augmentation de l'altitude et le charançon ne
supporte pas des températures inférieures à 13°C
(SEBASIGARI, 1983 ; MESQUITA et ALVES 1986 ; GATSINGI, 1987).
II.3.3. INFLUENCE DE L'HYGROMETRIE SUR LE
CHARANÇON
Si la température est le facteur déterminant les
activités vitales de l'insecte, l'humidité est le facteur le plus
sensible du fait qu'il dépend d'autres facteurs comme : la
température et les précipitations. L'humidité exerce un
effet direct sur la survie et la reproduction des insectes, il existe les deux
zones extrêmes et une zone préférée. En outre,
l'humidité exerce des effets indirects sur les insectes par son
influence directe sur la végétation limitant ainsi la
distribution des insectes.
D'ailleurs C. sordidus recherche constamment les
endroits humides, à atmosphère saturée en eau, et
où l'eau libre est présente dans le sol, sur les
végétaux et d'autres débris (CUILLE, 1950).
II.3.4. INFLUENCE DE L'ATTRACTION
ALIMENTAIRE
Le bananier est
cultivé sur toute la ceinture tropicale où les conditions
éco-climatiques sont favorables à cette culture. Les oeufs du
charançon sont pondus en raison d'un oeuf par semaine en moyenne selon
la disponibilité de la nourriture. Cosmopolites
sordidus se nourrit presque exclusivement de bulbes de bananier,
l'abondance de la culture du bananier permet une multiplication rapide des
populations de l'insecte (FRUITS, 1997).
CHAPITRE III : APPROCHE
METHODOLOGIQUE
III.1. INTRODUCTION
Les principales
opérations réalisées pour élucider l'influence des
changements climatiques sur la prolifération de charançon du
bananier sont celles reprises ci-après:
1. L'analyse des données climatiques de quatre
dernières décennies à la station de recherche de l'INERA
à LUKI ;
2. L'interprétation de ces données pour la mise
en évidence du changement climatique et son influence sur le
charançon ;
3. L'extrapolation de ces données pour les 20
années avenir à partir de 2000.
III.2. ANALYSE DES DONNEES CLIMATIQUES
L'analyse des
données climatiques de la station de LUKI a été faite
à partir des données décadaires situées en annexes
de ce travail. Du fait de l'influence prépondérante de la
température, l'humidité et la pluviométrie sur le
charançon, ce sont ces trois paramètres qui ont fait l'objet des
analyses.
Les analyses ont consisté à regrouper les
données décadaires en données mensuelles, celles-ci en
données annuelles pour ensuite obtenir les données
décennales.
III.3. INTERPRETATION DES DONNEES
CLIMATIQUES
L'interprétation a été faite
paramètre par paramètre par rapport à l'importance
relative de chaque paramètre sur le charançon du bananier.
Les courbes d'évolution des paramètres obtenues
après analyse sur tableur ont été comparées aux
exigences spécifiques du charançon pour en déterminer
l'influence. C'est ainsi que la température a été
comparée à l'intervalle des températures optimales
favorables à cet insecte et aux extrémités en dessous
desquelles ou au-delà desquelles le cycle vital du charançon
s'arrête.
III.4. EXTRAPOLATION DE LA TEMPERATURE
Diverses méthodes existent pour faire l'extrapolation
des données climatiques. Parmi ces méthodes, les principales
sont :
*La méthode des moindres carrés ;
*La méthode des moyennes mobiles ;
*La méthode graphique ;
*La méthode des semi-moyennes.
Par principe, les moyennes des paramètres doivent
être prises par décennies ou d'avantage pour être
considérées valables. En plus l'évolution d'un
paramètre climatique ne peut être démontrée qu'en
considérant des valeurs prises sur une durée d'au moins 30
années successives. Les données prises sur une durée de
quatre décennies successives répondent bien à cette
exigence.
En outre, les données à extrapoler doivent
couvrir une période plus longue que la période à estimer
ce qui a été parfaitement le cas dans ce travail car la
période à estimer est de 20 ans alors que les données
à extrapoler couvrent une période de 40 années. Dans le
cadre de ce travail, il a été utilisé la méthode
des moyennes mobiles pour effectuer les estimations. Cette méthode a
consisté à calculer la variation moyenne de la température
mensuelle pour les quatre décennies. Cette variation a été
additionnée à chaque température mensuelle dont on voulait
estimer la valeur dix ans plus tard.
Y= x + Ät
Avec : Y : Température mensuelle estimée
x : Température mensuelle
à extrapoler
Ät : Variation moyenne totale du
mois concerné
Pour ce faire, il a fallu :
1. Regrouper les valeurs décadaires en valeurs
mensuelles et les valeurs mensuelles en valeurs annuelles et celles-ci en
valeurs décennales ;
2. Calculer la variation moyenne des valeurs mensuelles pour
chaque décennie ;
3. Calculer la variation moyenne des valeurs mensuelles pour
les quatre décennies, pour obtenir la variation moyenne totale pour
chaque mois ;
4. Additionner à chaque valeur mensuelle dont on veut
exprimer la variation dix ans plus tard la variation moyenne qui correspond
à ce mois et ainsi de suite.
III. 5. VALIDITE ET LIMITES DU MODELE
Le test de validité de cette méthode a
consisté en premier lieu à générer les valeurs
annuelles déjà disponibles de la décennie 1990 à
partir des données des trois autres décennies. En second lieu, ce
test a consisté à générer les valeurs annuelles
déjà disponibles de la décennie 1960 à partir des
données des trois autres décennies. Les résultats
comparés du premier test sont consignés dans la figure1:
Fig. 1 : Vérification
de la validité du modèle
Dans ces deux cas, la similitude évaluée par
l'analyse de la concordance sur tableur entre valeurs disponibles et valeurs
générées a été respectivement de 92% pour le
premier test et 89% pour le second soit une moyenne de fiabilité de
90,5%. Cette méthode est fiable à un peu moins de 10% près
et a été jugée acceptable.
Les limites dans l'utilisation de cette méthode sont
dues aux faits suivants :
1. elle ne prend pas en compte les composantes cycliques et
saisonnières ;
2. elle n'intègre pas les composantes
irrégulières ;
3. elle ne conserve que l'effet de la tendance.
CHAPITRE IV: RESULTATS ET DISCUSSION
IV.1. EVOLUTION DES PRINCIPAUX FACTEURS
CLIMATIQUES
IV.1.1. INTRODUCTION
La température, la
pluviométrie et l'humidité relative sont les facteurs les plus
importants dans la survie et la distribution des insectes. Les données
climatiques en annexes, régulièrement enregistrées
à la station de recherche de l'INERA/Luki, de 1960 jusqu'en 1999 ont
servi pour établir les courbes de comportement des principaux facteurs
climatiques qui ont une influence directe sur la prolifération des
populations de charançon du bananier.
IV.1.2. EVOLUTION DE LA TEMPERATURE
ANNUELLE
La température
moyenne annuelle a variée dans le sens de l'augmentation telle que
illustrée dans la figure 2.
Fig. 2 : Evolution de la
température moyenne annuelle
D'après les données climatiques
analysées, la température moyenne annuelle à Luki varie
dans le sens de l'augmentation. En effet, les températures qui
étaient en majorité entre 24°C et 25°C, sans jamais
franchir la barre de 25°C de 1960 à 1977 ont variées
jusqu'à dépasser plusieurs fois les 25°C de 1978 à
2000. A la fin du siècle dernier, la température a atteint une
valeur décennale de 24,8°C jamais atteinte au paravent.
L'augmentation de la température telle
qu'illustrée à la figure 2 n'est pas régulière,
mais plutôt en dents de scie avec une tendance générale
à la hausse. Cette élévation constatée va dans le
même sens que les observations des experts internationaux qui stipulent
que le climat général change dans le sens d'un
réchauffement de la planète (GIEC, 2001).
IV.1.3. EVOLUTION DE LA PLUVIOMETRIE ANNUELLE
Comme la température moyenne annuelle, la
pluviométrie a aussi variée dans le sens de l'augmentation telle
que le montre la figure 3.
Fig.3 : Evolution de la
pluviométrie annuelle
La figure 3 montre que le volume des pluies qui tombent
annuellement à Luki a varié dans le sens de l'augmentation. En
effet, la pluviométrie annuelle qui oscillait autour de 1150 mm à
la fin de la décennie 1960, est passée à 1230 mm à
la fin de la décennie 1990.
L'allure de la courbe des précipitations annuelles
évolue aussi en dents de scie comme celle des températures
moyennes annuelles mais, ici aussi la tendance générale va dans
le sens de l'augmentation. Les années 1990 sont les plus pluvieuses avec
un pic de 1600 mm de hauteur des pluies en 1995, alors que cette hauteur
n'avait jamais été atteinte auparavant.
IV.1.4. EVOLUTION DE L'HUMIDITE
ANNUELLE
La figure 4 montre une
variation nette vers l'augmentation de l'humidité relative au cours des
années considérées.
Fig. 4 :
Evolution de l'humidité moyenne
annuelle
Au regard de la figure 4, l'humidité moyenne annuelle
à la station de l'INERA/Luki est au tour de 82%. L'humidité
relative montre aussi une variation nette au cours des années et n'est
plus descendue en dessous de 80% depuis 1978.
Le fait que l'humidité relative dépende de la
température et de la pluviométrie, et que celles-ci ont
variées dans le sens de l'augmentation, il n'est donc pas
étonnant que l'humidité varie tant soit peu. Malheureusement la
complexité des relations qui lient les trois facteurs ne permet pas de
déterminer le supplément de l'humidité qui peut être
due à une variation donnée de la température et de la
pluviométrie.
IV. 2. COMPARAISON DES FACTEURS PAR
DECENNIES
Les changements climatiques
sont aussi employés dans un sens plus restreint pour désigner un
changement significatif des valeurs moyennes d'un élément
météorologique au court d'une période donnée, les
moyennes sont prises sur des durées de l'ordre de la décennie ou
d'avantage pour souligner un changement significatif (GIEC, 2001).
Les comparaisons suivantes concernent : les moyennes des
données de la température, la hauteur des pluies et
l'humidité relative prises par décennie.
IV. 2. 1. TEMPERATURE
La température
moyenne décennale a variée dans le sens de l'augmentation comme
la température moyenne annuelle dont elle dérive, telle
qu'illustrée par la figure 5.
Fig. 5 : Températures moyennes
décennales
Comme la température annuelle, la température
décennale a évolué également avec une nette
tendance à la hausse. Au regard de la figure 5, la température
décennale n'a cessée d'évoluer pendant les quatre
décennies. En effet la température moyenne décennale qui
était de 24,11°C à la décennie 1960 est passée
à 24,3°C à la décennie 1970, puis à
24,7°C à de la décennie 1980, pour atteindre 24,77°C
à de la décennie 1990.
IV. 2. 2. PLUVIOMETRIE
Comme la température moyenne décennale, la
pluviométrie décennale a aussi variée dans le sens de
l'augmentation, telle que le montre la figure 6.
Fig. 6: Pluviométrie
décennale
La pluviométrie décennale a varié vers la
hausse au cours de quatre décennies. Mais contrairement à la
température décennale, la pluviométrie décennale
montre une variation moins marquée et en dents de scie. En effet, au
regard de la figure 6, la décennie 1970 est la moins pluvieuse avec
seulement 1111,4 mm des pluies, moins que les autres décennies. Ce
là s'explique par le fait qu'il y avait eu sècheresse au cours de
la saison B de 1978, jusqu'à la saison A de 1979 sur toute
l'étendue du district du Bas-fleuve. Cette baisse de la
pluviométrie est donc un cas particulier n'entrant pas en compte dans le
cas d'une décennie pluvieuse normale, c'est-à-dire sans
sécheresse comme les autres.
IV. 2. 3. HUMIDITE RELATIVE
La variation de l'humidité relative vers la hausse est
nette comme elle est présentée à la figure 7 :
Fig. 7 : Humidité moyenne
décennale
La variation de l'humidité relative décennale
est aussi en dents de scie comme celle de la hauteur des pluies. Cette
humidité a varié de 82,9% au cours de la décennie 1960
pour atteindre 84,03 % au cours de la décennie 1990.
IV. 3. IMPACT DES VARIATIONS DES FACTEURS CLIMATIQUES
SUR LE CHARANÇON
IV. 3. 1. IMPACT DE LA
TEMPERATURE
Du fait de l'influence
directe de la température sur le charançon du bananier, une
variation dans le sens de l'augmentation comme établie à la
figure 2, ne peut qu'entraîner un changement dans la vitesse de
croissance, la prolifération et la distribution de l'insecte. La
température moyenne annuelle qui était autour de 24,1°C les
années 1960 est passée autour de 24,3°C au cours de la
décennie 1970 ; puis atteindre 24,7°C en 1984, une
température moyenne jamais atteinte auparavant ; pour se stabiliser
autour de 24,8°C au cours de la décennie 1990.
Etant donné que le thermopreferendum du
charançon du bananier va de 25 à 30°C, le charançon
du bananier s'est retrouvé dans des conditions thermiques idéales
de croissance particulièrement à la fin des années 1990.
Car la température de 24,8°C est proche de l'intervalle thermique
favorable au charançon.
IV. 3. 2. IMPACT DE LA
PLUVIOMETRIE
Le charançon ne
supporte pas la sécheresse, même de courte durée. Pour sa
survie, l'eau libre doit être présente sur les débris
végétaux qui l'entourent. L'augmentation de la
pluviométrie annuelle comme élucidée à la figure 6,
va dans le sens d'optimisation des conditions de vie favorable au
charançon du bananier.
D'après Lemaire (1996), l'irrigation localisée
commencée en 1992 s'est accompagnée par des fortes attaques de
Cosmopolites sordidus. Cela serait du à l'apport de l'eau
favorable à la prolifération de cet insecte, car le
charançon adulte est capable de résister pendant des mois sans se
nourrir s'il est entouré des débris végétaux
humides. C'est ainsi qu'on affirme que charançon aime une
atmosphère saturée en eau. Bien que la
pluviométrie optimale favorable au charançon ne soit pas connue,
une augmentation de la pluviométrie lui est supposée
favorable.
IV. 3. 3. IMPACT DE L'HUMIDITE
La teneur en humidité qui était autour de 80% de
1960 jusqu'en 1970, a atteint 85% à la fin de la décennie 1990.
Cette humidité proche de la saturation est favorable au
développement du charançon du bananier qui peut vivre ainsi
plusieurs mois sans se nourrir.
IV. 4. DETERMINATION DE LA PERIODE PROPICE AU
DEVELOPPEMENT DU CHARANÇON
III. 4. 1. SAISON SECHE
Les conditions climatiques
optimales propices à la prolifération des populations de
charançon du bananier, ne sont pas compatibles avec les conditions
climatiques qui règnent en saison sèche à la station de
recherche de l'INERA/Luki et ses environs. Comme le montre la figure 8.
Fig. 8: Températures
moyennes quinquennales en saison sèche
En effet, si la température moyenne quinquennale de
23,1°C observée en saison sèche au dernier
quinquennat du siècle passé est
compatible à la vie du charançon, il n'en est pas ainsi pour la
pluviométrie. En effet les mois de Juin, Juillet et Août sont secs
à Luki avec une pluviométrie mensuelle inférieure au
double de la température.
Le charançon du bananier qui aime l'eau et une
humidité proche de la saturation se retrouve en saison sèche,
dépourvue de l'eau, avec des amplitudes thermiques très
importantes jusqu'à 6°C de différence entre les
températures diurnes et les températures nocturnes. Or selon
GATSINGI (1987), le charançon est très sensible à des
variations importantes d'amplitudes thermiques et à la présence
des conditions de sécheresse même modérées, ce qui
expliquerait son absence à des altitudes supérieures à
1500 m en région tropicale. Car, à ces altitudes, la
température nocturne est inférieure à 13°C et
l'humidité ne dépasse guère les 75%.
IV. 4. 2. SAISON HUMIDE
Les conditions climatiques rencontrées à la
station de Luki en saison humide sont plus proches des conditions climatiques
optimales pour la croissance et la prolifération du charançon du
bananier. D'après la figure 9 :
Fig. 9 : Températures
moyennes quinquennales en saison humide
La température moyenne autour de 26°C, la
présence des pluies et une humidité supérieure à
80%, observées lors du dernier quinquennat en saison humide, sont
favorables au charançon pour sa prolifération.
Selon Mesquita et Alves (1983), les températures
proches mais légèrement supérieures à
la température optimale, ont pour effet de raccourcir le
cycle de ponte du charançon et on atteint plus d'un oeuf par semaine et
la durée d'incubation des oeufs passe de plus de 40 à 30
jours. Ainsi, il en résulte l'accroissement de la
fécondité, la réduction de la durée de croissance
au détriment de la qualité de vie. C'est-à-dire qu'une
température moyenne de 26°C est favorable à la
multiplication du charançon tout en étant défavorable
à la longévité de sa vie.
IV. 4. 3. MOIS LES PLUS
FAVORABLES
La courbe ombrothermique de
la station de Luki montre que les mois de Janvier, Février, Mars, Avril,
Novembre et Décembre réunissent les conditions requises pour la
prolifération de populations de charançon du bananier.
Fig 10: Courbe ombrothermique de Luki
(1960-1999)
Du fait d'une humidité proche de la saturation, des
températures situées dans l'intervalle thermique favorable au
charançon et de la présence des pluies, les mois de la saison
humide sont les mois de multiplication intense du charançon à
Luki. Pendant ces mois, le stade nymphal nuisible au bananier est atteint en 30
jours au lieu de plus de 40 jours pendant les mois de saison sèche
où la température est inférieure à 22°C et la
présence des conditions de sècheresse même
modérée.
En plus les taux d'éclosion et le développement
embryonnaire les meilleurs se passent pendant les mois de Janvier,
Février, Mars, Avril, Novembre et Décembre qui présentent
des températures comprises entre 25 et 27°C ; une
pluviométrie abondante et une humidité relative supérieure
à 80%.
Néanmoins, l'humidité relative varie peu pendant
l'année suite au brouillard matinal qui caractérise la
région de Luki en saison sèche. Selon LUBINI (1988), ce
phénomène serait responsable de la présence de la
forêt ombrophile à Luki et ses environs au regard de la faible
pluviosité dont bénéficie toute la région du
Mayombe.
IV. 5 EXTRAPOLATION ET PERSPECTIVES
Les problèmes
agronomiques, quoique considérés quelques fois sous un angle
purement technique, font intervenir de très nombreuses variables aussi
bien d'ordre climatique, édaphique que celles qui se rapportent au
matériel végétal. Une solution globale permettant de les
appréhender à l'échelle régionale ne peut
qu'être présentée en acceptant quelques
simplifications représentant l'aspect moyen du territoire sous
étude (DUPRIEZ, 1954).
IV. 5. 1 EXTRAPOLATIONS DES
TEMPERATURES
Du fait de son influence
relativement plus grande sur les insectes en général et le
charançon du bananier en particulier ; et aussi du fait qu'elle
conditionne l'impact des autres paramètres sous étude
(pluviométrie et humidité), la température est le seul
paramètre qui a fait l'objet des estimations futures. Les
résultats obtenus pour une extrapolation des températures
moyennes annuelles jusqu'en 2020 se présente comme suit :
Fig 11: Extrapolation de la température
moyenne annuelle.
D' après les résultats des estimations obtenus
à la figure 11, la température va encore augmenter au cours de
deux décennies obtenues par extrapolation. En effet, la majorité
de valeurs se situe entre 25 et 26°C. Alors qu'elles oscillaient entre
23,5 et 24,5°C de 1960 jusqu'au début des années 1980 et
entre 24 et 25°C de 1982 à 1999.
Les valeurs moyennes comprises entre 25 et 26°C telles
que obtenues après extrapolations des températures moyennes
annuelles sont favorables au charançon du bananier.
Si ces hypothèses se vérifient, c'est
précisément au cours de la décennie 2000-2009 que les
températures moyennes décennales basculent dans l'intervalle des
températures optimales favorables au charançon du bananier, tel
que le montre les résultats obtenus à la figure 12.
Fig. 12: Prévision de la tendance
décennale de la température (2000-2020).
Au regard de la figure 12, les valeurs estimées de la
température moyenne décennale lors des décennies 2000-2009
et 2010-2019 sont respectivement de 25 et 25,2°C. La tendance est à
la hausse avec une augmentation moyenne de l'ordre de 0,2 °C par
décennie. Il s'avère que les amplitudes thermiques sont faibles
à Luki, particulièrement en saison des pluies inférieures
à 2,5°C. Ce qui conduit à penser que les températures
moyennes annuelles au cours de ces décennies oscilleront au tour des
valeurs décennales obtenues.
CONCLUSION ET SUGGETIONS
Ce travail effectué
sur l'influence des changements climatiques sur le charançon du bananier
dans la région de Luki et ses environs a poursuivi trois objectifs:
élucider les changements climatiques à Luki et ses environs,
analyser la corrélation entre la recrudescence des dégâts
dus au charançon et les changements climatiques ; enfin simuler
l'évolution du climat jusqu'en 2020.
Pour le premier objectif, il s'est avéré que le
climat a effectivement changé. En effet les résultats obtenus
dans les figures 2 à 4 montrent une évolution
nette pour les trois paramètres sous étude ; de 24,4°C
en 1960 à 26°C en 1999 pour la température, soit une
augmentation de 1,6°C ; de 1131,5 mm en 1960 à 1412,4 mm en
1999 pour la pluviométrie, soit une augmentation de 319 mm et de 82,1%
à 85,1% pour l'humidité relative, soit une augmentation de 3%.
En ce qui concerne l'influence de ces changements sur le
charançon du bananier, les résultats obtenus dans les
figures 2 à 10 et ceux obtenus
après extrapolation dans les figures 11 et 12 montrent
que le charançon du bananier se trouve à Luki et ses environs
dans des conditions climatiques favorables en ce qui concerne la
température, la pluviométrie et l'humidité. Et il va
l'être encore pendant les deux décennies à venir,
c'est-à-dire jusqu'en 2020.
Avec des températures moyennes mensuelles comprises
entre 25 et 27°C ; une pluviométrie croissante et une
humidité relative supérieure à 80% en saison humide
à Luki et ses environs, les changements climatiques de ces
dernières décennies expliquent la prolifération des
populations de charançon du bananier ; ce qui est probablement
à l'origine de la recrudescence des dégâts récemment
constatés sur le bananier dans la région de Luki.
En effet, la reproduction et le développement de
charançon du bananier étant plus rapides à une
température qui se situe entre 25°C et 30 °C et que les
températures pendant la saison humide à Luki oscillent autour des
ces valeurs. Il en résulte que cet insecte se trouve dans des conditions
adéquates pour sa prolifération particulièrement en saison
humide. Les températures moyennes annuelles en saison humide de 1960
à 1999, sont comprises entre 25°C et 27°C, cela place Luki et
ses environs dans l'intervalle des températures favorables au
charançon.
Si l'allure d'une augmentation moyenne de 0,2 par
décennie se confirme, la région de Luki va présenter
encore pour long temps des conditions climatiques favorables au
charançon, à moins qu'il n'arrive un autre facteur perturbateur.
L'intégration des paramètres liés aux peuplements des
plantes-hôtes, à ceux des populations des ravageurs et aux
conditions environnementales crée une gamme variée des situations
de contraintes phytosanitaires, et complique quelque peu la
détermination des priorités de recherche à l'égard
des faibles ressources généralement disponibles (Foko, 1994).
Il était donc important de s'intéresser à
ce ravageur et d'essayer d'élucider, l'impact qu'a eu dans un
passé récent, aujourd'hui et quel rôle auront dans l'avenir
les changements des principaux facteurs climatiques sur la prolifération
des populations de charançon du bananier. S'il est possible d'influer
au niveau international sur l'ampleur du futur changement climatique, au niveau
local, il faut développer des stratégies de soutien à
l'adaptation aux modifications inévitables du climat, car d'après
le Groupe Intergouvernemental d'Experts sur l'Evolution du Climat, le point de
non retour est d'ores et déjà atteint, c'est-à-dire qu'un
changement climatique dangereux pour l'agriculture sous toutes ses formes est
désormais inévitable (GIEC, 2001)
Un fait important à rappeler est que : les
insectes ravageurs des cultures comme le charançon vivent dans un
écosystème. Ils ne sont pas seulement dépendants des
facteurs abiotiques essentiellement climatiques mais aussi des facteurs
biotiques tels que la prédation, le parasitisme, Etc.
Ce la dit, outre le climat, d'autres facteurs tels que :
la résistance acquise contre ses agents pathogènes (Bacillus
thuringiensis, Beauveria bassiana,...), voir même l'inadaptation
d'un ou de plusieurs prédateurs naturels du charançon à la
station de Luki et ses environs peuvent être aussi à l'origine de
la prolifération de C. sordidus ce qui peut aussi expliquer en
partie la recrudescence des dégâts constatée ces
dernières années .
C'est ainsi que, les méthodes de lutte à mettre
à la disposition des paysans doivent être : efficaces,
disponibles, bon marché, rentables et durables. Très souvent,
c'est parce qu'ils ne font pas intervenir d'intrants extérieurs que les
systèmes de protection traditionnelle des cultures sont perçus,
d'une manière un peu romantique
comme « durables ». Ils ne le sont pas en
réalité, parce qu'incapables de protéger efficacement et
durablement les cultures.
Effectué dans l'esprit d'éveiller la conscience
des chercheurs sur la recrudescence des dégâts dus au
charançon du bananier à la station agronomique de Luki et ses
environs, ce travail aura atteint son but si la recherche permet de mettre au
point, des méthodes efficaces et durables de lutte contre cet insecte
dans cette région.
Ainsi comme suggestions :
1. Aux chercheurs
Ø Qu'un système d'avertissement climatique soit
développé pour être utilisé dans la lutte contre le
charançon. Ce système devra se baser sur l'évolution des
dégâts en fonction des conditions climatiques ;
Ø Que des études soient effectuées sur la
dynamique spatiale du charançon, l'évolution des
dégâts en fonction de l'âge de la bananeraie et se
penchent sur les ennemis éventuels de charançon du bananier et
l'influence des facteurs climatiques sur leur prolifération ;
Ø Que des études similaires soient faites pour
d'autres cultures avec d'autres ravageurs et dans d'autres localités ou
pour la même culture et le même ravageur mais, dans d'autres
régions bananières de la République Démocratique du
Congo.
2. Aux agriculteurs
concernés
Ø D'installer les plantations avec du matériel
exempt des ravageurs et de faire chaque fois la propreté des plantations
par des sarclages réguliers ;
Ø D'enterrer au tant que possible les résidus de
la récolte et d'éclairer les alentours des pieds des
bananiers ;
Ø En cas d'infestation, butter les pieds et utiliser
les pièges fabriqués à l'aide des pseudo-troncs.
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