Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Depuis la fin des années 1980, le système
international est modelé par des dynamiques d'intégration
régionale actives sur tous les continents. Ce regain
d'intérêt vers le régionalisme se caractérise par le
nombre de plus en plus accru d'accords d'intégration régionale
conclus dans le monde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale1.
Cet accroissement des accords de coopération s'explique par
l'augmentation des échanges économiques et culturels
résultant du phénomène de la mondialisation. Ainsi, outre
l'Europe, il n'est pas aujourd'hui une région du monde qui ne se trouve
pas prise dans un ou plusieurs processus d'intégration2.
Le continent africain n'est pas resté en marge de cette
dynamique. L'historique du processus d'intégration régionale en
Afrique remonte au lendemain de l'accession à l'indépendance des
anciens territoires colonisés. Ces derniers sont sortis de la
colonisation avec de lourds handicaps comme leur dimension modeste sur le plan
démographique, territorial et économique. En raison de ces
handicaps, ces nouveaux Etats ne parviennent pas assumer pleinement les
obligations découlant de leur statut d'Etats indépendants. Dans
le but de relever ces défis, la réalisation de l'unité
à travers l'intégration régionale apparaît comme la
réponse la plus adéquate. Ainsi, plusieurs initiatives de
regroupement verront le jour sur tout le continent africain.
En Afrique de l'Ouest, deux principaux projets
d'intégration ont retenu notre attention du fait de leur ambition
politique avérée pour l'unité de la sous-région. Le
Dahomey, la Haute Volta, le Sénégal et le Mali vont d'abord
initier un projet de constitution d'une fédération. Cependant,
sous la pression des présidents français et ivoirien, le
Général De Gaulle et Félix Houphouët BOIGNY, le
Dahomey et la Haute Volta se retirent du projet. L'Union est alors
réduite à un tête à tête entre le
Sénégal et le Mali. Le 4 avril 1960, l'Assemblée
fédérale élit son président en la personne de
Léopold Sédar Senghor et un chef de gouvernement, Modibo Keita,
futur président du Mali. La Fédération du Mali
était née. Mais très vite, des désaccords
subsistèrent entre les leaders de la fédération
nouvellement constituée. Dans la nuit du 19 au 20 Aout 1960, la
fédération va connaître son éclatement
irréversible. D'autres expériences de ce type vont être
tentées sans grands succès. Il s'agit de l'Union
Ghana-Guinée créée le 1er
1 Rapport de l'OMC, le régionalisme et le
système commercial mondial, Genève, Avril 1995.
2 A titre illustratif, nous pouvons citer l'Accord de
libre échange nord-américain (ALENA), l'Association des Nations
du Sud Est Asiatique (ANASE en français), le Marché Commun du Sud
(MERCOSUR), etc.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
I ll
mai 1959 entre deux pays sans frontière. Le 24
décembre 1960, le Mali rejoint cette union qui devient
Ghana-Guinée-Mali. Cette union qui n'a jamais fonctionné,
paraissait plus symbolique que réelle.
Tout ce balbutiement aboutit en 1975 à la
création d'une organisation régionale d'une plus grande envergure
: la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Elle vise
à «promouvoir la coopération et l'intégration dans la
perspective d'une union économique de l'Afrique de l'ouest en vue
d'élever le niveau de vie de ses peuples, de maintenir et
d'accroître la stabilité économique, de renforcer la
stabilité entre les Etats membres et de contribuer au progrès et
au développement du continent africain»3.
Composée depuis 1976 de quinze Etats membres, la CEDEAO constitue un
vaste espace économique de près de 5,1 millions de km2 avec une
population avoisinant les 261,13 millions d'habitants4. Depuis sa
création, la CEDEAO à travers son traité constitutif a
toujours oeuvré dans une logique économique recherchant la
construction d'un vaste marché avec une libre circulation des biens et
des personnes dans l'espace ouest-africain. Avec de telles ambitions, la CEDEAO
apparaît a priori comme un modèle en matière
d'organisations d'intégration qu'a connu la sous-région. C'est
pour cette raison que nous avons choisi de réfléchir sur
l'efficacité du cadre d'intégration régionale
institué par la CEDEAO. Il s'agira de rendre compte des avancées
et des insuffisances du cadre institutionnel de la CEDEAO. Cette approche
institutionnelle nous a amené à retenir comme thème :
«Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO». A travers ce thème, nous démontrerons
en quoi la CEDEAO, en raison de son cadre institutionnel, peut constituer un
modèle d'intégration régionale en Afrique de l'Ouest.
L'intérêt d'une telle analyse peut se démontrer sous un
double angle. D'une part, la CEDEAO étant une organisation à
vocation économique, les approches sur l'intégration qu'elle
réalise ont rarement été institutionnelles. Il serait
alors intéressant d'étudier la CEDEAO selon une approche
institutionnelle afin d'oeuvrer modestement au comblement de cette lacune.
D'autre part, ce travail s'inscrit dans la dynamique de l'évolution du
droit de l'intégration, un droit en nette métamorphose du fait de
la restructuration actuelle du système international fondée sur
les regroupements
3
Article 3, traité révisé de la CEDEAO.
4
Rapport, Atelier de formation en vue du renforcement des
capacités pour les pays de l'Afrique de l'Ouest sur les
stratégies et les plans d'actions nationaux sur la biodiversité,
Octobre 2008.
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Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
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régionaux. Mais il convient au préalable de
préciser le sens de l'expression «intégration
régionale» qui constitue le pivot même de ce travail. Pour
les juristes, l'intégration régionale est un processus par lequel
un ensemble d'Etats décident, par des accords et traités,
d'établir des règles communes et de créer des institutions
auxquelles sont déléguées une partie de la
souveraineté de chacun. Les économistes quant à eux,
considèrent que l'intégration régionale est le processus
par lequel plusieurs pays réduisent puis suppriment les obstacles aux
échanges entre eux ainsi que des disparités entre leurs
économies, de manière à constituer à terme un
espace économique homogène. A la lumière de ces
définitions, l'on peut constater que l'intégration
réalisée par la GEDEAO ne concerne davantage que la dimension
économique. Gela se justifie par le fait que les institutions de la
GEDEAO ne bénéficient pas d'un transfert conséquent de
souveraineté. C'est là toute la problématique de ce
travail.
Gelui-ci ambitionne donc d'examiner les mécanismes
institutionnels de la CEDEAO à savoir les organes mis en place, les
processus décisionnels, la nomenclature de l'organisation
régionale. Get examen devra permettre de mesurer l'efficacité de
ces mécanismes institutionnels, d'en identifier les insuffisances et de
proposer des solutions pouvant combler ces insuffisances et permettre ainsi
d'attribuer une dimension politique au processus d'intégration
régionale en Afrique de l'ouest.
Pour mener à bien cette étude, nous nous sommes
inspirés d'ouvrages, de revues et autres rapports ayant traité de
la question. Par ailleurs, certains textes fondamentaux de l'organisation
régionale à savoir son traité constitutif (la version
originale de 1975 et celle révisée de 1993), les
différents protocoles additionnels ainsi que les rapports
d'activités menées par l'organisation nous ont également
été des sources d'inspiration.
Pour atteindre les objectifs visés à travers
cette étude, nous présenterons d'abord un état des lieux
du processus d'intégration régionale en Afrique de l'Ouest
(Partie 1). Ensuite, nous démontrerons en quoi la
GEDEAO est mise à l'épreuve du fait de ses insuffisances
institutionnelles (Partie 2). Gette étude se terminera
par une ébauche de
perspectives pouvant permettre la redynamisation du processus
d'intégration régionale en Afrique de l'Ouest.
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Etat des lieux du processus d'intégration
régionale en Afrique de
l'Ouest
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Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
A qui s'intéresse à la question du regroupement
des Etats en Afrique de l'Ouest, c'est l'histoire qui fournit de la
matière. Afin d'analyser la question du regroupement des Etats d'Afrique
de l'ouest, il est donc nécessaire de revenir sur l'histoire.
Contrairement à d'autres parties du continent, l'Afrique de l'Ouest a
expérimenté tôt des formules
fédératrices5, ce qui a ainsi facilité les
entreprises d'intégration postcoloniales. Ces nombreuses organisations
d'intégration ouest africaines, quoiqu' ayant vu le jour sous l'ombre
tutélaire des ex puissances coloniales6, ont à
certains égards réussi à instaurer une intégration
économique entre les Etats de cette partie du continent africain.
L'option de l'intégration économique se justifiait par la
nécessité pour les Etats ouest africains de renforcer au
lendemain des indépendances leurs relations interétatiques.
L'instauration d'échanges économiques constituait le premier pas
vers la création d'organisations supranationales pouvant réaliser
leur intégration politique.
C'est dans ces contextes que naissent respectivement en 1973
et 1975, la CEAO et la CEDEAO, premiers témoins de la mise en marche du
processus d'intégration régionale en Afrique de l'Ouest. Le
statut de pionnier de ces organisations peut se justifier non seulement par les
remarquables avancées en termes de coopération et
d'intégration qu'elles ont permis entre les Etats ouest-africains mais
aussi par les bases institutionnelles qu'elles ont jeté dans le
processus d'intégration en Afrique de l'Ouest.
Dans cette partie, il s'agira d'abord de présenter
à travers la création de la CEAO et de la CEDEAO les
débuts du processus d'intégration régionale en Afrique de
l'Ouest
(Chapitre 1). Ensuite, dans une approche
institutionnelle, une analyse approfondie sera portée sur l'organisation
et le fonctionnement de la CEDEAO, principal objet de ce travail
(Chapitre 2).
5 E. MBOKOLO, L'Afrique au XXème Siècle.
Le continent convoité, Seuil, 1985, p.131.
6 Ceci peut se justifier par le rôle actif
qu'a joué la France dans la création des organisations comme
l'Union Africaine et Malgache (UAM), l'Organisation Commune Malgache et
Africaine (OCAM) et la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest
(CEAO). Cf. Alioune SALL, Les mutations de l'intégration des Etats en
Afrique de l'Ouest, L'Harmattan, Paris, 2007, p.17.
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De la CEAO à la CEDEAO : un processus
d'intégration régionale en
marche
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
En règle générale, toute organisation
internationale se fixe des buts, s'assigne des objectifs. Ainsi, selon le
caractère plus ou moins ambitieux de ceux-ci, c'est-à-dire
suivant l'ampleur des transferts de souveraineté consentis par les
Etats, on parlera d'organisation de coopération ou d'organisation
d'intégration, d'organisation interétatique ou d'organisation
supranationale. A ce niveau, une brève clarification terminologique
d'impose. Selon la théorie des organisations
internationales7, une organisation d'intégration
résulte d'une démarche volontaire de deux ou plusieurs ensembles
de partenaires appartenant à des Etats différents en vue d'une
mise en commun d'une partie de leurs ressources. Ce processus a pour
finalité l'émergence et le renforcement des relations techniques
et économiques d'interdépendance structurelle dans le but
d'augmenter leurs revenus.
Pour ce qui est d'une organisation de coopération, elle
désigne une entreprise concertée entre deux ou plusieurs
partenaires dont les intérêts convergent sur une question
donnée. De ce fait, elle ne peut concerner qu'un dossier ou un secteur
en particulier. A la différence de l'intégration, la
coopération est contractuelle et donc limitée temporellement. En
outre, elle n'implique pas forcément un rapport d'égalité
entre les partenaires8. On peut en conclure que la CEAO et la CEDEAO
d'après leurs traités constitutifs9, qu'elles visaient
beaucoup plus à réaliser une coopération économique
entre les Etats de l'Afrique de l'Ouest.
Cette option de la coopération économique peut
se traduire à travers l'adoption de deux principales conventions visant
à renforcer les échanges économiques entre les Etats
ouest-africains. Il s'agit des Conventions de 1959 et de 1966
(Section 1) qui ont constitué
les instruments juridiques précurseurs de la CEAO
créée en 1973. Plus tard, en 1975, les Etats
ouest-africains
se sont rendus compte de la nécessité d'élargir le champ
de cette coopération
économique, ils vont alors décider de la
création de la CEDEAO (Section 2).
7 ROCHE J.M, Théorie des organisations
internationales cité par BACH Daniel in Les dynamiques paradoxales de
l'intégration en Afrique Subsaharienne : le mythe du hors-jeu, Revue
française de science politique, 45ème année,
n°6, 1996, p7.
8 N. BOUREMANE in R. LAVERGNE, Intégration et
Coopération régionales en Afrique de l'Ouest, Ed Khartala et
CRDI, 1996, p 40.
9 En ce qui concerne la CEDEAO, il s'agit du
Traité du 28 Mai 1975.
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Section 1 : be la Convention de 1959 à celle de
1966.
L'histoire de l'intégration régionale en Afrique
de l'Ouest remonte à l'époque coloniale notamment à la
dislocation de l'Afrique Occidentale Française (AOF). La fin de la
domination coloniale et l'accession à la souveraineté
internationale des Etats francophones de l'Afrique de l'Ouest, consacre la
rupture du pouvoir central et une volonté d'autonomie par rapport aux
mécanismes commerciaux organisés par la puissance de tutelle.
C'est dans ce contexte que les Conventions de 1959 et celle de 1966 inaugurant
les initiatives de regroupement entre les Etats de l'Afrique de l'Ouest ont mis
un accent particulier sur l'option
de la coopération (Paragraphe 1). Cette
volonté politique de s'orienter vers la
coopération s'est matérialisée par la
naissance de nombreuses organisations coopératives dans
cette partie
du continent10. Mais de toutes ces organisations, la CEAO a
été celle qui, à
plusieurs égards, a su
vraisemblablement réaliser une coopération économique
entre les Etats
de l'Afrique de l'Ouest (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'option de la coopération.
Cette option de la coopération se traduisait par la
création de deux unions douanières :
l'Union Douanière
de l'Afrique de l'Ouest ou l'UDAO en 1959 (A) et l'Union
Douanière
des Etats de l'Afrique de l'Ouest en 1966
(B).
A. La création de l'UDAO
L'option de la coopération a été d'abord
consacrée par la Convention de 1959 qui avait été
signée le 9 Juin 1959 à Paris entre la Côte d'Ivoire, le
Dahomey (actuel Bénin), la Haute volta (actuel Burkina Faso), la
Mauritanie, le Niger et la Fédération du Mali (République
du mali et le Sénégal). Selon l'article 1er de cette
convention, celle-ci avait pour objectif « d'instituer entre les Etats
signataires une union douanière totale qui s'étend aux droits
d'entrée et de sortie perçus sur les produits et marchandises en
provenance ou à destination desdits Etats ».
10 A titre illustratif, nous pouvons citer le Conseil
de l'entente ou encore l'Union du fleuve Mano qui sont aussi des organisations
coopératives en activité en Afrique de l'Ouest.
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Cette convention a ainsi créé l'Union
Douanière de l'Afrique de l'Ouest (UDAO). Cette convention se
singularise par son caractère succinct. En effet la convention ne compte
que sept articles qui énoncent sommairement les principes suivants :
La liberté totale dans la circulation des produits entre
les Etats membres de l'Union ;
Le tarif unique à l'entrée des produits dans
l'Union et reparti entre les Etats membres par une instance de l'Union.
Quoiqu'ayant constitué une initiative louable dans la
politique de coopération économique entre les Etats membres de
l'Union, le mécanisme mis en place par cette convention s'est
avéré inefficace. En effet, une Union Douanière totale ne
peut se fonder sur des bases fragiles à l'époque et entre des
pays encore en construction. Cette convention n'a donc jamais connu une
application réelle car les entraves à la libre circulation des
marchandises furent fréquentes et les nombreuses violations ont fini par
rendre inopérant l'article 1er de cette convention.
B. La réforme de l'UDAO ou naissance de
l'UDEAO
Après sept années de fonctionnement de l'UDAO,
les Etats membres de la CEDEAO ne pouvaient que constater la baisse de leur
coopération économique du fait des contreperformances de l'UDAO.
Ils décidèrent alors le 6 Juin 1966 à Abidjan de remplacer
la convention de 1959 créant l'UDAO par une autre convention. Cette
convention UDAO « new look » (deuxième
génération) a ainsi créé l'UDEAO. Il innove en
effet par :
La création de nouvelles structures dont le
Secrétariat Général, le Comité des experts et le
Conseil des Ministres ;
La mise en place d'un système de
préférence tarifaire qui ne taxe les marchandises originaires de
l'UDEAO qu'à concurrence de 50% du taux global de la fiscalité la
plus favorable appliqué à un produit similaire importé
d'un pays tiers ;
La définition des produits originaires de l'UDEAO.
Bien que mieux élaborée que la convention de 1959,
la convention du 6 Juin 1966 ne connaîtra pas un sort meilleur et
l'insuffisance de ses dispositions conduira à des pratiques
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anti-unionistes en matière
douanière11. Les Etats signataires nouvellement sortis d'une
déception et pressés de s'unir n'ont pas entrepris les
études nécessaires et préalables à la mise en place
d'une coopération économique plus adaptée à leur
réalité. De ce fait, une fois encore, la volonté politique
a supplanté la réalité économique.
C'est ainsi qu'au début des années 1970,
certains Etats membres de l'union douanière ont entrepris en
collaboration avec la Gommunauté Economique Européenne (GEE) de
promouvoir une nouvelle organisation qui prenne en compte non seulement les
aspects commerciaux de la coopération mais aussi les aspects relatifs au
développement économique régional.
Paragraphe 2 : L'émergence de la CEAO.
C'est l'expérience tirée de la convention du 9
Juin 1959 et celle du 6 Juin 1966 qui a permis d'asseoir les fondements de
regroupement, la communauté économique de l'Afrique de l'Ouest
(CEAO). Elle se distingue de l'UDEAO par sa configuration, ses objectifs et ses
moyens d'action.
A. La configuration de la CEAO
La CEAO regroupe les Etats de l'Afrique de l'Ouest qui en 1972
à Bamako et en 1973 à Abidjan, ont signé respectivement
les protocoles d'application instituant une zone harmonisée
d'échanges commerciaux et d'intégration économique. Il
s'agit d'un regroupement de six Etats liés par l'histoire, la
géographie, la langue officielle, la monnaie à savoir la
Côte d'Ivoire, la Haute Volta, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le
Sénégal. Le traité de la GEAO signé le 17 Avril
1973 et entré en vigueur le 1er Janvier 1974, est
fondé d'une part sur une « volonté politique consciente et
réfléchie des chefs d'Etats qui se sont engagés
11 Les Etats ont commencé à manipuler
de manière autonome leurs tarifs douaniers et leurs législations
fiscales. La conséquence en a été qu'en 1969, le commerce
entre les Etats de l'UDEAO, évalué a 22 milliards de francs CFA
ne représente qu'à peine 10% du commerce extérieur de ces
Etats estimé a 233,6 milliards. CF. SANA Abdoul AZIZ, les entraves au
développement du commerce entre les Etats de la CEDEAO, Mémoire
de fin d'étude pour l'obtention de diplôme d'administrateur des
services financiers, Ecole Nationale des Régies Financières, Mars
2008.
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Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
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dans une solidarité de destin et d'autre part, une
organisation bien structurée, caractérisée par des
instances bien fonctionnelles et permanentes ".
B. Les objectifs et les moyens d'action de la
CEAO
Les objectifs de la CEAO en matière de
coopération - nombreux et nobles - apparaissent difficiles. En effet,
à la fois la plupart des Etats membres appartiennent à la
catégorie des pays les moins avancés (PMA). En outre, à
une exception près, celle de la Côte d'ivoire, tous les Etats font
partie de la zone sahélienne dont les difficultés sont connues et
communes à tous les Etats membres. Les objectifs sont clairement
énoncés dans le traité à l'article 3 qui dispose
que « la communauté a pour mission de favoriser le
développement harmonisé et équilibré des
activités économiques des Etats membres en vue de parvenir
à une amélioration aussi rapide que possible du niveau de vie de
leur population ". Ainsi, pour réaliser ces objectifs, l'article 30
crée quatre institutions à savoir :
Les institutions exécutives : la Conférence des
chefs d'Etats et le Conseil des ministres dont les décisions sont prises
à l'unanimité ;
Une institution de gestion dont le Secrétariat
exécutif auquel sont rattachés tous les services et organismes
techniques et administratifs ;
Une institution arbitrale chargée de régler tous
les différends relatifs à l'interprétation et à
l'application du traité et de ses protocoles annexes.
Mais très vite, la CEAO sera concurrencée dans
ses domaines de compétences par une autre organisation régionale.
Il s'agit de la Mano River Union (MRU) créée en 1974 par le
Libéria, la Sierra Léone et la Guinée. Cette nouvelle
organisation sous régionale a pour but non seulement la gestion du
fleuve Mano que partageaient ses Etats membres mais aussi le
développement économique de ceux-ci. Dès lors, le
chevauchement et la coexistence de ces deux organisations dans la même
région engendrent des difficultés dans le développement
des échanges entre les pays de la région ouest africaine.
C'est dans ce contexte qu'une nouvelle organisation
économique africaine, la Communauté économique des Etats
de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est créée par le
Les initiatives d'intégration régionale en
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Traité du 28 Mai 1975 à Lagos au Nigéria.
Sa création constituera une avancée importante dans le processus
d'intégration des Etats de l'Afrique de l'Ouest et esquisse un cadre
plus élargi de coopération entre ces derniers.
Section 2 : La création de la CEDEAO
A travers l'expérience des regroupements de
coopération régionale, les Etats de l'Afrique de l'Ouest ont
témoigné de beaucoup de solidarité et d'esprit
communautaire. Ces liens se sont ainsi peu à peu soudés entre les
Etats de l'Afrique de l'Ouest divisés depuis les indépendances
par leurs différentes expériences coloniales, les clivages
linguistiques et culturels ainsi que des systèmes juridiques et
administratifs différenciés. La création de la CEDEAO
vient dans la méme logique renforcer cette volonté de s'unir.
Ainsi, créée par le Traité de Lagos le 28 Mai 1975, la
CEDEAO regroupe à l'origine seize Etats à savoir : le
Bénin, le Burkina Faso, le Cap Vert, la Côte d'Ivoire, la Gambie,
le Ghana, la Guinée, la Guinée Bissau, le Libéria, le
Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigéria, le Sénégal, la
Sierra Léone et le Togo12. Le nombre des Etats est à
présent ramené à quinze suite au retrait de la Mauritanie
en 200113. Aussi faut-il signaler que les Etats membres de la CEDEAO
occupent une superficie de 5,1 millions de km2 soit 17% de la
superficie totale du continent et avec une population estimée en 2006
à 261, 13 millions d'habitants14.
Dans ce vaste espace, la CEDEAO a pour mission de promouvoir
la coopération et le développement dans tous les domaines de
l'activité économique, d'abolir, à cette fin, les
restrictions au commerce, de supprimer les obstacles à la libre
circulation des personnes, des biens et des services, et d'harmoniser les
politiques les politiques sectorielles régionales. A travers la
création de la CEDEAO et plus particulièrement la
définition de ses objectifs, les Etats de l'Afrique de l'Ouest ont su
dépasser leurs différences idéologiques quant à la
manière de penser et de réaliser l'intégration
régionale. Pour rendre compte de ce débat, il convient de
12 V. Annexe 1 : Carte de la CEDEAO
13 Géographiquement, la Mauritanie se situe
a la fois a l'Ouest et au Nord de l'Afrique. Culturellement, cette nation
arabo-berbère est partagée entre les nations du Maghreb que
celles de l'Afrique noire. Membre de la CEDEAO et de l'Union du Maghreb Arabe
(UMA), la Mauritanie a finalement décidé de se retirer de
l'organisation Ouest-africaine. V. Alioune SALL, Les mutations de
l'intégration régionale des Etats de l'Afrique de l'Afrique de
l'Ouest, L'Harmattan, 2007, p.45-46
14 Rapport, Atelier régional de renforcement
des capacités pour les pays de l'Afrique de l'Ouest sur les
stratégies et les plans d'action nationaux sur la biodiversité,
2008.
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rappeler d'abord le contexte d'adoption du traité de 1975
(Paragraphe 1). C'est à ce titre
que d'aucuns considèrent que ces controverses
idéologiques sont à l'origine du caractère
«
limité » des buts et objectifs de l'organisation internationale
tels que définis par le traité de
1975 (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le contexte d'adoption du
Traité de 1975. A. Les querelles de leadership sous-régional
En dépit des efforts de regroupement
déployés par les Etats ouest-africains dans le domaine de la
coopération économique, il faut dire qu'au moment de la
création de la CEDEAO, certaines réticences pesaient encore dans
la volonté politique des Etats quant à la formule
d'intégration à adopter. A cet effet, deux tendances
idéologiques peuvent être distinguées. D'une part, les
partisans d'une intégration « totale », politique
prônent un transfert important de souveraineté pour la future
organisation. Les principaux tenants de cette formule sont le
Sénégal, le Ghana et à certains égards le
Nigéria. Et d'autre part, le courant mené par la Côte
d'Ivoire se caractérise par un certain scepticisme à
l'égard des formes de regroupement ambitieuses, c'est-à-dire
celles qui impliquent le plus de transferts de souveraineté.
D'une certaine manière, cette divergence de points de
vue sur la modalité de réalisation de l'intégration trouve
ses origines dans une querelle de leadership entre les quatre plus grands
promoteurs de l'intégration dans la région15. Le
Sénégal, nostalgique d'une position prestigieuse qu'il occupait
dans l'ex Afrique occidentale française, veut s'imposer comme leader
dans le processus de regroupement dans la région avec la création
de la Fédération du Mali. Le Président Senghor avait ainsi
voulu « la réalisation d'une unité africaine dans le cadre
d'une République Fédérale dont la Fédération
du Mali constitue la première étape16.
Le leadership ghanéen se manifeste par les visions
panafricanistes de son président Kwame N'KRUMAH. La vision politique de
ce dernier est exprimée dans son ouvrage au
15 Sénégal, Ghana, Nigéria et
Côte d'Ivoire.
16 Paul DECRAENE cité par Alioune SALL, op.
Cit... p.33
Les initiatives d'intégration régionale en
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CEDEAO
titre si révélateur : « Africa must be
united » ou « L'Afrique doit s'unir ». Au demeurant, le
Ghana peut aussi revendiquer la paternité de la première
initiative de regroupement d'Etats souverains dans la sous région,
l'Union des Etats de l'Afrique de l'Ouest (UEAO) créée en
Novembre 1958.
Le Nigéria quant à lui s'appuie tout simplement
sur sa puissance économique et démographique pour s'attribuer un
rôle de leader dans le processus d'intégration dans la
sousrégion. C'est surtout l'occasion en 1975 pour lui d'intégrer
véritablement une organisation ouest africaine. En effet, les
précédents regroupements à savoir l'UMOA ou la CEAO
essentiellement francophones avaient pour vocation de sauvegarder le
pré-carré français et surtout de contrer le poids du
Nigéria dans la région.
Ainsi donc, le Sénégal, le Ghana et le
Nigéria favorables à une intégration très
poussée ont fait front au leadership ivoirien hostile à un tel
processus. En réalité, l'attitude ivoirienne peut s'expliquer par
le comportement en général de certains Etats relativement bien
pourvus par la nature qui refusent à se joindre à des
communautés inégalitaires et nécessairement
redistributrices. Pour faire échec aux ambitions du
Sénégal et du Ghana, la Côte d'Ivoire initie l' «
Union Sahel - Bénin » et le « Conseil de l'Entente » pour
concrétiser ses réticences à l'égard de toute
construction supranationale.
B. L'historique de l'adoption du traité de 1975
Le concept de la création d'une communauté de
l'Afrique de l'Ouest remonte à 1964 et au président
libérien William Tubman qui en a lancé l'idée. Un accord a
été signé entre le Libéria, la Côte d'Ivoire,
la Guinée et la Sierra Leone en février 1965, mais celui-ci n'a
pas abouti. En 1972, le général Gowon du Nigéria et le
général Eyadema ont relancé ce projet, et ont rendu visite
à douze pays, leur demandant leurs contributions pour la
réalisation du projet. Une réunion a été
organisée à Lomé en vue d'étudier une proposition
de traité. Une réunion d'experts et de juristes s'est tenue
à Accra en janvier 1974 ainsi qu'une réunion de ministres
à Monrovia en janvier 1975. Ces deux conférences ont
examiné soigneusement la proposition de traité. Finalement,
quinze pays d'Afrique de l'Ouest ont signé le traité pour une
communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest le 28 mai
1975 à Lagos. Les protocoles établissant la CEDEAO ont
été signés à Lomé au Togo le 5 novembre
1976.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
A la suite de l'UDAO et de l'UDEAO, la CEDEAO vient poursuivre
l'oeuvre d'intégration économique de la sous-région comme
le témoignent les buts et objectifs de la CEDEAO.
Paragraphe 2 : Les objectifs et missions de la
CEDEAO. A. Les buts et objectifs de la CEDEAO
Les buts et objectifs de la CEDEAO tels que définis par
le Traité de 1975 sont essentiellement de l'ordre de la
coopération. C'est ce qui ressort des dispositions de l'article de 2 du
Traité de 1975 qui dispose que « le but de la communauté est
de promouvoir la coopération et le développement dans tous les
domaines de l'activité économique »17. Par
conséquent, si donc le Traité de 1975 fait
référence à la coopération, cela signifie que les
Etats membres ont décidé de mettre en oeuvre une politique
destinée à rendre plus intimes leurs relations dans le domaine
économique grâce à des mécanismes permanents sans
renoncer pour autant à leur souveraineté et à leur
indépendance. C'est donc à juste titre que l'alinéa 3 du
Préambule du Traité de 1975 met un accent particulier sur «
l'intégration économique »18.
Etant essentiellement une organisation d' «
intégration économique », la CEDEAO vise en vertu de
l'article 3 de son traité constitutif à «promouvoir la
coopération et l'intégration dans la perspective d'une Union
économique de l'Afrique de l'Ouest en vue d'élever le niveau de
vie de ses peuples, de maintenir et d'accroître la stabilité
économique, de renforcer les relations entre les Etats membres et de
contribuer au progrès et au développement du continent africain.
»19.
B. Les missions de la CEDEAO
A travers ces objectifs, il se dégage plusieurs missions
devant être assumées par l'organisation régionale et qui
peuvent être présentées de la manière suivante :
17 Article 2, Traité de Lagos de 1975.
18 L'alinéa 3 du Préambule du
Traité de Lagos de 1975 déclare que les chefs d'Etats et de
gouvernement reconnaissent que « l'intégration progressive des
économies des pays de la sous-région exige une analyse objective
et la prise en considération du potentiel économique et des
intérêts de chaque Etat. »
19 Article 3, Traité révisé.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
- Coordonner les stratégies de développement dans
les pays membres ;
- Favoriser la libre circulation des biens et des personnes entre
les pays membres ; - Eliminer progressivement les droits de douanes entre les
pays membres ;
- Construire les infrastructures régionales de transport
et de communication pour permettre la libre circulation des personnes et des
biens ;
- Doter la communauté d'une monnaie unique à long
terme ;
- Promouvoir la coopération et le développement
dans tous les domaines ;
- Créer une union économique et monétaire et
promouvoir le secteur privé ;
- Elaborer une politique économique commune et
développer les communications ainsi que l'énergie et la recherche
agro-industrielle.
Dans la poursuite de ces objectifs, les Etats membres
déclarent solennellement leur adhésion aux principes fondamentaux
de l'organisation tels que :
- L'égalité et l'indépendance des Etats
membres ; - La solidarité et l'autosuffisance collective ;
- La coopération inter-Etats, l'harmonisation des
politiques et l'intégration des programmes ;
- La non-agression entre les Etats membres ;
- Le maintien de la paix, de la sécurité et de la
stabilité régionales par la promotion et le renforcement des
relations de bon voisinage20 ;
Pour la réalisation de ces objectifs, l'organisation
s'est dotée de moyens financiers, humains et techniques. Notre
étude s'inscrivant dans une approche institutionnelle, il importe
à présent de s'intéresser à la structure
organisationnelle de la CEDEAO afin de démontrer comment les Etats
membres s'y impliquent.
20 Article 4, Traité révisé. A ce
sujet, il faut préciser que la dimension sécuritaire
relevée par l'alinéa 4 de cet article, ne figure pas dans le
Traité de 1975.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Du cadre institutionnel et du fonctionnement de la CEDEAO
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
S'il est vrai que la CEDEAO est une organisation à
vocation économique, cela ne justifie pas pour autant que les
études portées sur cette organisation ne se limitent qu'à
cette seule dimension économique. Or, il est apparu que l'analyse
institutionnelle d'une organisation peut aussi contribuer à
l'amélioration de ses rendements. C'est à ce titre que Soldatos
considère que la mécanique institutionnelle devrait être en
relation directe et proportionnelle avec la nature, l'ampleur et la
portée des matières à intégrer. Autant un cadre
institutionnel fort, compte tenu de la finalité intégrative
ultérieure, peut-il jouer le rôle de levier, autant un
système institutionnel et décisionnel faible ou d'un niveau moyen
ne peut-il que difficilement entretenir une dynamique intégrative
ascendante21.
En la matière, la CEDEAO présente une multitude
d'institutions (Section 1) qui assure d'une manière ou
d'une autre l'intégration des différents Etats membres et avec un
mécanisme de fonctionnement singulier (Section 2).
Section 1 : tine multitude d'organes institutionnels
Le traité de 1975 ainsi que la version
révisée de 1993 distinguent essentiellement deux
catégories d'institutions. Nous pouvons évoquer d'une part les
institutions politiques et
judiciaires (Paragraphe 1) et d''autre part les
institutions économiques et les commissions techniques
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1: Les institutions politiques et
judiciaires
La conférence des chefs d'Etats et de gouvernement, le
conseil des ministres, le secrétariat exécutif ainsi que le
parlement constituent les principaux organes politiques de la
communauté (A). Par contre, la cour de
justice de la CEDEAO représente le seul organe judiciaire de la
communauté (B).
21 Luaba Lumu NTUMBA in Real LAVERGNE,
Intégration et Coopération en Afrique de l'Ouest, Ed Khartala et
CRDI, 1994, p.225.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
A. Les organes politiques
La Conférence des chefs d'Etat et de
gouvernemei
Elle est l'organe « suprême » de la
communauté. Selon Omoniyi ADEWOYE, cette qualification « d'organe
suprême » rend compte de la philosophie politique des Etats membres
de la CEDEAO caractérisée par un manque de «
constitutionnalisme »22. En règle
générale, les Etats constitutionnalistes, habitués
à la séparation des pouvoirs, acceptent plus facilement de
transférer une partie de leur souveraineté à des
institutions régionales. L'exemple de l'UE est assez éloquent
à ce propos. Ce qui n'est pas forcement le cas pour les Etats africains.
De ce fait, la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement constitue
l'institution souveraine dans laquelle se concentrent tous les pouvoirs
essentiels et importants de la communauté. Selon l'expression de
ADEWOYE, elle est la seule instance de « Policy making power ». A ce
titre elle est chargée au titre de l'article 7 du Traité
Révisé, de déterminer la politique générale
et les principales orientations de la Communauté, de donner des
directives, d'harmoniser et de coordonner les politiques économique,
scientifique, technique, culturelle et sociale des Etats membres, d'assurer le
contrôle du fonctionnement des institutions de la Communauté,
ainsi que de suivre la réalisation des objectifs de celles-ci ~ ».
Elle se réunit au moins une fois par an et sa présidence est
assurée chaque année par un Etat membre élu par la
Conférence.
|
Le Conseil des ministres :
|
Il occupe le deuxième échelon dans la pyramide
institutionnelle de la Communauté. Il est composé de
délégués gouvernementaux notamment des ministres des
affaires de la CEDEAO et d'un ministre désigné par chaque
Etat23. L'énoncé de l'alinéa 3 de l'article 10
relatif aux fonctions du conseil des ministres révèle qu'il est
chargé de veiller au fonctionnement et au développement de la
Communauté. A cet effet, il donne des directives aux autres institutions
communautaires relevant de son autorité et oriente ainsi les
activités du Secrétariat ainsi que des organismes techniques et
spécialisés. En outre, le conseil des
22 Voir ADEWOYE in Constitutionnalisme et
Intégration économique, cité par Real LAVERGNE.
23 Article 10, alinéa 2 du Traité
Révisé.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
ministres constitue à la fois un organe de
décision et d'exécution. Ainsi, le conseil des ministres peut
prendre à l'unanimité ou à la majorité des deux
tiers de ses membres des « règlements »24.
Le Secrétariat
exécutif
Il figure à la fois dans le Traité de 1975 et
celui de 1993. Principal organe exécutif de l'organisation, le
Secrétariat exécutif est dirigé par un secrétaire
exécutif assisté de secrétaires exécutifs adjoints.
Ainsi, le Secrétaire exécutif est le premier responsable
administratif de la communauté. Il est chargé à cet effet,
de l'administration courante de la communauté et de toutes ses
institutions. Nommé par la Conférence des chefs d'Etats et de
gouvernement pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois, le
secrétaire exécutif ne peut être démis de ses
fonctions que par la conférence des Chefs d'Etats sur recommandation du
conseil des ministres.
Cependant, il faudrait relever une dernière
évolution sur la place qu'occupe cet organe dans la pyramide
institutionnelle de l'organisation régionale. En effet, lors du Sommet
d'Abuja de 2006, les chefs d'Etats et de Gouvernement ont approuvé une
modification des institutions de l'organisation. Ainsi, le Secrétariat
exécutif est remplacé par une Commission25. Nous
reviendrons dans les prochains développements sur l'opportunité
de la création de cette nouvelle institution.
|
Le Parlement de la
Communauté
|
De prime abord, la création de cette institution
parlementaire est révélatrice de la volonté d'incarner
l'intégration et de l'ancrer dans l'existence quotidienne des Etats et
des citoyens. L'existence des parlements suppose en effet l'effacement des
frontières par l'unité de la représentation des peuples.
Elle peut de même attester du désir d'intégration
au-delà de la simple coopération. Mais s'il est vrai que la
création du parlement peut traduire une logique supranationale, en
pratique, cette assemblée n'a aucun pouvoir de décision. Il ne
peut que faire des recommandations en matière de droits de l'Homme et
émettre des avis sur certains
24 Article 12, Al 1.
25 Rapport du Conseil des Ministres adoptés le
23 Mars 2006, Abuja, Nigéria.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
sujets26. En outre, comme tout autre parlement,
celui de la CEDEAO est chargé de voter les lois de la Communauté.
Ayant son siège à Abuja au Nigéria, il est composé
des députés des différents Etats membres et plus
précisément de cent vingt membres désignés au sein
des parlements respectifs des Etats membres, à raison de cinq
sièges au minimum par Etat, les quarante-cinq autres étant
répartis entre les Etats en fonction de leur population27. Le
bureau du parlement est composé de cinq membres au minimum et de dix
membres au maximum dont un président et quatre vices présidents.
Ses plénières sont dirigées selon les dispositions du
traité, du protocole, des décisions et règlements de la
communauté notamment le Protocole du 6 Aout 1994 relatif au Parlement de
la CEDEAO.
B. L'organe judiciaire de la
communauté
La cour de justice de la communauté
représente l'organe judiciaire de la communauté. Elle a
pour rôle d'assurer le respect du droit et du principe
d'équité dans l'application et l'interprétation du
traité constitutif de la communauté ainsi que les protocoles et
conventions annexes. A cet effet, elle est compétente pour connaitre de
tout différend soumis par les Etats membres ou les institutions de la
communauté. Son statut, sa composition et ses compétences sont
définis par le Protocole AP du 1er Juillet 1991, relatif
à la Cour de Justice de la CEDEAO.
En dehors de ces instances de décision ou de conception
consacrées aussi bien par le Traité de 1975 que par sa version
révisée de 1993, nous pouvons remarquer d'autres institutions
à caractère économique et technique.
Paragraphe 2 : Les institutions économiques et
techniques
Dans l'ordre des institutions économiques, nous pouvons
énumérer le conseil économique et social, et le Fond de
Coopération, de Compensation et de Développement et la
26 Article 6 du Protocole relatif au parlement de la
CEDEAO.
27 Le Togo, le Libéria, le Cap Vert, la
Guinée Conakry, la Guinée Bissau, le Bénin, la Gambie et
la Sierra Leone ont chacun 5 députés ; le Mali, le Niger et le
Sénégal ont chacun 6 députés ; la Cote d'Ivoire a
droit a 7 députés ; le Ghana en a 8 et le Nigéria 35.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Banque d'Investissement et de Développement
(A). Cependant, les institutions techniques sont
spécialisées selon leur domaine d'activités
(B).
A. Les institutions économiques
Le Conseil économique et social de la
Communauté
Il est institué par l'article 14 du traité
révisé qui prévoit que le Conseil Economique et Social a
un rôle consultatif et est composé des représentants des
différentes catégories d'activités économiques et
sociales.
Le Fond de Coopération, de Compensation et de
Développement (FCCD)
Il est chargé de financer les projets de
développement et de fournir des compensations et indemnités aux
Etats ayant subi des pertes dues aux dispositions du Traité de la
communauté.
|
La Banque d'investissement et de
développement de la CEDEAO
|
La Banque d'investissement et de développement de la
CEDEAO (BDIC) est une société holding28 qui
détient des participations majoritaires dans ses deux filiales
originelles à savoir la banque régionale d'investissement de la
BCEAO (BRIC) et le fonds régional de la CEDEAO (FRDC). Issue de la
transformation du Fonds de la BCEAO en 1999, la BDIC a pour vocation de
financer l'intégration et le développement des quinze Etats
membres de la Communauté dans les secteurs tels que les infrastructures,
le développement économique mais aussi le domaine social,
l'éducation, la santé, la bonne gouvernance, les conseils en
matière de négociation avec les bailleurs de fonds, tout en
impliquant le secteur privé.
28 Holding : Société financière
dont l'activité consiste a gérer des actions, des valeurs
mobilières, qu'elle possède dans d'autres sociétés
qui sont placées sous son contrôle.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
B. Les institutions techniques
Pour ce qui est des commissions techniques, il faut
dire qu'elles ont été intégralement reprises par le
traité révisé de 1993. Leur rôle est essentiellement
de préparer des projets et programmes communautaires et de les soumettre
à l'approbation du conseil des ministres et d'assurer l'harmonisation et
la coordination des projets et programmes de la communauté. Il s'agit
des commissions techniques pour :
v' L'alimentation et l'agriculture ;
v' L'industrie, science et technologie et énergie ; v'
L'environnement et les ressources naturelles ;
1' Les transports, télécommunications et tourisme
;
v' Le commerce, douane, fiscalité, statistique, monnaie et
paiement ;
v' Les ressources humaines, information, affaires sociales et
culturelles ;
v' L'administration et les finances29 ;
Aussi, faut-il signaler qu'en matière de commission, le
traité révisé de 1993 a apporté une innovation non
négligeable. La révision du traité a été
l'occasion de mettre sur pied une commission technique « affaires
politique, judiciaire et juridique, sécurité régionale et
immigration » ; le volet « juridique » et « judiciaire
» n'existant pas dans le traité de 1975.
Toutes ces institutions politiques, économiques et
techniques constituent l'arsenal institutionnel de la GEDEAO.
L'efficacité de cet appareil institutionnel peut se vérifier
à l'aune des réalisations effectuées par l'organisation
régionale depuis sa création. Get essai de perfectionnement
organique peut aussi se justifier à travers le fonctionnement même
de l'organisation.
29 Article 4, Traité de 1975 ; Article 22,
Traité révisé de 1993.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Section 2 : Le fonctionnement de la CEDEAO
Les principes du fonctionnement de la CEDEAO, ayant
déjà été évoqués dans le chapitre
précédent30, nous nous intéresserons ici
d'abord aux sessions et au personnel de la
CEDEAO (Paragraphe 1). Ensuite, nous
analyserons de façon pratique l'efficacité du cadre
institutionnel de la CEDEAO depuis sa création jusqu'à nos jours
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les sessions et le personnel de la
CEDEAO A. Les sessions ordinaires de la CEDEAO
En ce qui concerne les sessions, il s'agira ici d'analyser
seulement celles des instances décisionnelles de la Communauté
à savoir la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement et le
Conseil des Ministres. Le choix de n'étudier que les instances
décisionnelles de la Communauté se justifie par le fait que les
principes commandant le fonctionnement de ces deux organes sont définis
dans le traité constitutif. Ainsi, selon l'alinéa 1 de l'article
8, « la Conférence se réunit en session ordinaire au moins
une fois par an. Elle peut être convoquée en session
extraordinaire sur l'initiative de son président ou à la demande
d'un Etat membre, sous réserve de l'approbation de cette demande par la
majorité simple des Etats membres. ». Conformément à
cette disposition, la CEDEAO a tenu sa trentième
(30ème) session ordinaire en 2006. Mais depuis 2007, la
CEDEAO tient désormais deux sessions ordinaires : la première en
janvier et la seconde en Juin. Cependant, aucune disposition formelle ne
définit le profil du pays d'accueil des sessions ordinaires. Toutefois,
il est de tradition dans la pratique de l'organisation que le pays qui assure
la présidence de l'organisation accueille la session ordinaire.
Conformément à l'alinéa 1 de l'article 9 du Traité
révisé, la Conférence des chefs d'Etats peut prendre des
décisions31. Toutefois, les deux textes ne précisent
pas la définition de la notion de décision, acte de la
conférence des chefs d'Etats. Mais la constance en Droit
30 Voir Partie 1, Chapitre 1, Section 2, Paragraphe
2
31 Le Traité révisé innove aussi
sur ce point car en ce qui concerne le pouvoir normatif de l'organisation, le
Traité de 1975 prévoyait qu'elle pouvait prendre des «
décisions » et des « directives ».
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
international est que la décision est un acte
essentiellement impératif, c'est-à-dire ayant une portée
contraignante, obligatoire. A l'évidence, la Conférence des Chefs
d'Etat et de Gouvernement ne peut ou ne doit agir que selon un mode
autoritaire.
Le conseil des ministres, quant à lui, se réunit
aux termes de l'article 11 du Traité révisé « ... au
moins deux fois par an en session ordinaire. L'une de ses sessions
précède immédiatement la session ordinaire de la
Conférence. Il peut être convoqué en session extraordinaire
à l'initiative de son président ou à la demande d'un Etat
membre, sous réserve de l'approbation de cette demande par la
majorité simple des Etats membres. ». En outre, faudrait-il retenir
que le conseil des ministres est chargé de formuler des recommandations
à la conférence des chefs d'Etats et de gouvernement sur les
questions visant la réalisation des objectifs de la communauté.
Il émet des directives pour les affaires concernant la coordination et
l'harmonisation des politiques d'intégration économique et peut
demander des avis à la cour de justice sur des questions relatives
à la légalité des actes des institutions
spécialisées.
Dans le cadre de la présentation des mécanismes
de fonctionnement de la CEDEAO, il importe de rappeler aussi le statut du
personnel de l'organisation régionale.
B. Le personnel de la CEDEAO
Pour ce qui est du personnel de la CEDEAO, celui-ci est
composé des fonctionnaires ressortissants des Etats membres. Ceux-ci
sont recrutés suivant des critères techniques par avis d'appel
d'offre et selon une répartition géographique équitable
entre tous les Etats membres. C'est du moins ce qui ressort de l'alinéa
4 de l'article 18 du traité révisé qui dispose que «
... lors de la nomination du personnel professionnel de la communauté,
il sera düment tenu compte en plus des conditions d'efficacité et
de compétences techniques, d'une répartition géographique
équitable des postes entre les ressortissants de tous les Etats membres
».
Cependant, le Secrétaire Exécutif, qui est le
principal fonctionnaire de la communauté, est nommé par la
Conférence pour une durée de quatre ans renouvelables une
fois.
Au-delà de la présentation du cadre institutionnel
de l'organisation régionale, il apparaît aussi nécessaire
de s'interroger sur le rendement des institutions étudiées.
Ainsi,
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
trente-cinq ans après la création de la CEDEAO,
quel bilan pouvons-nous faire dans le domaine de la réalisation des
objectifs de la communauté ?
Paragraphe 2 : Analyse sur l'efficacité du
cadre institutionnel de la CEDEAO
Pour prendre la mesure de l'efficacité du cadre
institutionnel de la CEDEAO, il faudrait se référer d'une part
aux réalisations accomplies par l'organisation depuis sa
création
(A) et d'autre part à ses chantiers
futurs (B).
A. Les réalisations de la CEDEAO
Dans le cadre des réalisations de la CEDEAO, il
faudrait retenir que beaucoup d'efforts ont été
déployés dans la poursuite des objectifs de la communauté.
Ces réalisations remontent surtout à la décennie 1990
pendant laquelle le traité constitutif de l'organisation a connu une
révision. Les réformes institutionnelles apportées par le
Traité révisé ont permis certaines réalisations
pratiques des objectifs de la communauté. Le schéma de
libération des échanges de la CEDEAO a connu un démarrage
d'application à partir de cette décennie. C'est ainsi qu'à
ce jour, 2627 produits industriels fabriqués par 897 entreprises de la
communauté ont été agréés au schéma
de libéralisation des échanges. En plus, les chefs d'Etat et de
gouvernement ont décidé de l'extension du tarif extérieur
commun (TEC) de l'UEMOA à l'ensemble de la CEDEAO. Cela implique que
même les Etats qui ne sont pas membres de l'UEMOA devront appliquer cette
norme afin de parvenir à une uniformisation de la législation
douanière dans toute la sous-région. Dans le cadre de la mise en
application de cette décision, des mesures nécessaires ont
été prises pour parvenir à l'adoption d'un tarif
extérieur commun (UEMOA/CEDEAO) au cours de la période 2005-2008.
En outre, des mécanismes de financement de la communauté ont
été établis notamment par le biais d'un
prélèvement sur la valeur totale des importations des pays tiers.
Aussi, la coopération entreprise par la communauté avec de
nombreux bailleurs de fonds (Union Européenne, France, les institutions
de Bretton Woods, USAID, Club du Sahel, etc.) a-t-elle permis le financement et
la réalisation de nombreux projets multisectoriels. En outre, il a
été prévu de
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
mettre en place ou de renforcer les mécanismes de
prévention et de résolution des conflits intra-étatiques
ou interétatiques. A titre illustratif, nous pouvons évoquer la
mise en place d'une force d'interposition, le groupe de contrôle de la
communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (ECOMOG)
et les nombreuses opérations de maintien ou d'instauration de la paix
réalisées par cette force au Libéria (1990-1999), en
Sierra-Léone (1997-2000) et en Guinée (1998-2000).
B. Les chantiers de la CEDEAO
Nonobstant ces efforts, il faudrait dire que certains
obstacles subsistent encore dans certains secteurs d'intervention de la CEDEAO.
Le programme communautaire en matière de liberté de circulation,
de résidence et d'établissement des citoyens de la CEDEAO a subi
une succession de revers depuis son lancement et faute de ratifications
nécessaires, son entrée en vigueur demeure parcellaire dans la
communauté. Mais sur les routes inter-Etat, d'innombrables postes de
douanes et de gendarmeries sont apparues et participent à une grande
corruption. Les pays enclavés, comme le Niger ou le Burkina Faso en font
les frais. La route nationale Cotonou --Niamey, longue de 1 036 km,
empruntée par les camions de transit, est jonchée d'une trentaine
de postes de contrôle. Entre le port de Lomé et Ouagadougou, 989
km, la situation est identique malgré l'engagement pris par les Etats
côtiers de remédier à cette situation et malgré
aussi la création des Comités nationaux de suivi des programmes
de la CEDEAO sur la libre circulation des personnes et des transports. En plus,
le projet de création d'une zone monétaire unique à
l'horizon 1994, puis reporté à l'horizon 2000 n'a aucunement
progressé depuis son adoption en 1983. Pour preuve, jusqu'à ce
jour, tous les Etats de la CEDEAO ne font pas encore partie de l'UEMOA, une
autre organisation en charge de la création de la zone monétaire
unique dans la sous-région ouest-africaine. La convergence des
politiques économiques et financières, semble pour l'instant, un
objectif difficile à atteindre au vu des énormes
disparités qui existent, par exemple entre le Nigeria et le Liberia,
tout juste sorti d'une guerre civile de dix ans. Par ailleurs, s'il est vrai
que la CEDEAO a été mandatée par son traité
constitutif de la réalisation d'une intégration économique
entre les Etats de la sous-région, trente-cinq ans après la
création de cette organisation, la part du commerce
intra-régional officiel dans les exportations demeure
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
insignifiante : le commerce et les échanges à
l'intérieur de l'espace sont restés très faibles et
n'atteignant que péniblement le seuil de 11% par rapport au
commerce32.
Selon l'avis de nombreux analystes, cette contre-performance
est liée à certains égards aux déficiences du cadre
institutionnel de l'organisation. Ces déficiences peuvent aller du
simple manque de coordination entre les organes décisionnels et
d'exécution de l'organisation jusqu'au manque de volonté
politique imputable aux Etats membres. Mais de cette étude sur
l'évolution historique du processus d'intégration
régionale en Afrique de l'ouest, que pouvons-nous retenir en conclusion
?
32 Rapport du centre africain pour les politiques
commerciales, Décembre 2005.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
CONCLUSION PARTIELLE :
En somme, il faudrait dire que les essais de regroupement des
Etats de l'Afrique de l'Ouest remontent à la période coloniale. A
ce titre, la grande Afrique Occidentale Française (AOF) voulue et
réalisée par l'ex-puissance colonisatrice est bel et bien
illustrative de ces propos. Même après leur accession à la
souveraineté internationale en 1960, les Etats ouestafricains n'ont pas
rompu avec cette tendance orientée vers la réalisation des
regroupements étatiques. Plusieurs tentatives d'intégration
verront le jour dans cette partie du continent. Mais les plus importantes
remontent aux années 1959 et 1966 pendant lesquelles les Etats ont mis
en place deux unions douanières : l'UDAO et l'UDEAO en vue
d'accroître et d'intensifier leur coopération économique.
Ces deux Unions ont permis plus tard en 1972 la création d'une CEAO un
peu plus ambitieuse que les précédentes initiatives. Cependant,
il faudrait remarquer que ces différentes initiatives ont souvent
été très parcellaires c'est-à-dire ne regroupant
pas tous les Etats de la sous-région. C'est ainsi qu'en 1975, les seize
Etats de la sous-région vont mettre de côté leurs
différends et leur « égoïsme » et créer une
organisation plus complète et plus vaste : la CEDEAO. Cette
dernière une fois de plus était orientée vers
l'intégration économique, préalable indispensable à
la mise en place à long terme d'une organisation supranationale et
politique.
Trente-cinq ans après la création de la CEDEAO,
le bilan de ses réalisations au regard de ses objectifs reste
mitigé en dépit de ses nobles ambitions et de son cadre
institutionnel a priori bien pourvu.
Ainsi, il est donc patent que la CEDEAO est mise à
l'épreuve en ce qui concerne l'efficacité pratique de son cadre
institutionnel. Il importe donc d'analyser les causes et les éventuelles
solutions en vue de résorber cette contre-performance.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
La CEDEAO, une organisation mise à
l'épreuve
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Face à la mondialisation sans cesse accrue de la
société interétatique, il importe pour la CEDEAO de
s'acclimater à cette nouvelle donne afin de permettre à ces Etats
membres de mieux s'insérer dans l'économie mondiale et de leur
assurer un véritable développement. Pour atteindre cet objectif,
il est impératif pour l'organisation régionale de dépasser
la simple intégration économique voulue par son traité
constitutif afin de pouvoir s'engager dans un maximum de domaines à
l'origine relevant des compétences étatiques et favoriser
davantage un certain partage de souveraineté. Pour le moment, il
semblerait que le cadre institutionnel de l'organisation ne permette pas
vraiment le passage à une dimension supranationale tant attendue.
Dans cette partie, nous procéderons d'abord à un
diagnostic des insuffisances institutionnelles
et des défis
politiques auxquels est confrontée la CEDEAO dans son élan vers
l'intégration
politique (Chapitre 1). Ensuite, à
l'issue de cette analyse, nous suggérons certaines réformes afin
de permettre la réalisation de l'intégration politique à
travers la CEDEAO (Chapitre 2).
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Des insuffisances institutionnelles aux défis
politiques
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Le diagnostic des insuffisances et des défis politiques
dont souffre la CEDEAO se fera dans une logique comparative entre le cadre
institutionnel de ladite organisation et celui de l'Union Européenne. Le
choix de cette démarche méthodologique se justifie par le fait
les communautés économiques régionales (CER) en Afrique
restent majoritairement des copies conformes d'autres modèles
d'organisations venus d'ailleurs. Les initiatives d'intégration
régionale africaine n'étant pas la plus part du temps des projets
endogènes, c'est-à-dire nés d'une volonté politique
autonome et non soumise à une pression extérieure
déterminante, on assiste très souvent à un
mimétisme institutionnel dans la configuration institutionnelle des CER
africaines. De ce fait, le cadre institutionnel de ces CER n'est pas toujours
compatible avec les réalités sociales ou
politico-économiques des Etats membres. Ce qui occasionne au final des
dysfonctionnements ou des contre-performances au niveau du rendement de ces
CER. La CEDEAO, quoiqu'étant l'initiative la plus avancée en
matière d'intégration régionale sur le continent africain,
ne fait pas exception à ce constat. Ainsi, certaines
insuffisances institutionnelles (Section 1)
peuvent être décelées autant dans son traité
originel de 1975 que dans la version révisée de 1993. A ces
insuffisances institutionnelles viennent s'ajouter des défis politiques
(Section 2) qui s'imposent aujourd'hui dans la pratique
méme de l'organisation régionale.
Section 1 : Les insuffisances institutionnelles de la
CEDEAO
Le premier handicap du cadre institutionnel de la CEDEAO est
manifestement la quasi inexistence d'organes intégrés du moins le
caractère embryonnaire de ceux existants
(Paragraphe 1). D'une certaine manière,
ce caractère embryonnaire résulte du fait que
les organes de
la CEDEAO fonctionnent dans une logique
inter-gouvernementaliste
(Paragraphe 2) en ce qu'ils ne
sont composés que de délégués et
représentants
gouvernementaux. Or, dans le cas de l'Union Européenne,
par exemple, les organes communautaires sont composés d'agents
internationaux indépendants vis-à-vis de leurs gouvernements.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Paragraphe 1 : Le caractère embryonnaire des
organes intégrés
De prime abord, il faut signaler que les organes
intégrés sont des institutions communautaires dans lesquelles les
Etats membres s'y impliquent à travers les prises de décision,
l'exécution et le suivi des actes communautaires. Dans la structure
organisationnelle de la CEDEAO, deux organes peuvent ainsi être
qualifiés d'organes intégrés. Il s'agit du
secrétariat général et de la cour de justice de la
communauté. Les insuffisances de ces deux institutions sont
respectivement l'inadaptation du secrétariat exécutif aux
objectifs de
l'intégration régionale (A) et
d'autre part le caractère limité des compétences de la
cour de
justice (B).
A. L'inadaptation du secrétariat
général aux objectifs de l'intégration régionale
Ce handicap résulte sans doute de la faible
portée des prérogatives accordées à cet organe. En
effet, l'analyse de l'article 20 du traité révisé
révèle que le secrétariat exécutif n'est rien
d'autre qu'un organe technico-administratif chargé de l'administration
courante de la communauté et de ses institutions. L'article 19 du
traité révisé qualifie méme le secrétaire
exécutif de « principal fonctionnaire exécutif » de la
communauté. Dans cette mesure, le secrétariat
général est chargé de suivre constamment le fonctionnement
de la communauté et d'en rendre compte au conseil des ministres et
à la conférence des chefs d'Etats à travers des rapports
d'activités réguliers. De ce fait, le secrétariat
général est lourdement handicapé par une absence manifeste
d'un pouvoir réel en matière de prise de décision. Cette
absence de pouvoir de décision fait que le secrétariat
exécutif n'est rien d'autre qu'un organe sous tutelle politique de la
conférence des chefs d'Etats et du conseil des ministres. Dans un tel
environnement institutionnel, le secrétariat exécutif ne peut
véritablement pas jouer le rôle de levier de l'intégration
régionale à l'instar de la commission de l'Union
Européenne composée de technocrates indépendants. La force
de la commission de l'Union Européenne est qu'elle constitue une
représentation autonome et détient des compétences
d'initiative, de contrôle et d'exécution. Ainsi, contrairement au
secrétariat exécutif de la CEDEAO qui ne joue qu'un
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
rôle technico-administratif, la commission de l'UE par
contre représente un véritable contrepoids par rapport au conseil
des ministres et à la conférence des chefs d'Etats.
Par conséquent, l'absence d'un tel organe
exécutif intégré dans le cadre institutionnel de la CEDEAO
fait que le poids des Etats membres dans les rouages de la communauté
tend à freiner les initiatives et les innovations intégratives.
C'est à ce titre que le secrétariat exécutif
présente un caractère embryonnaire et de ce fait cet organe ne
peut pas jouer son rôle de pivot dans les projets d'intégration
dans la communauté. C'est le méme constat qui se dégage de
l'analyse du fonctionnement de l'organe garant de l'ordre juridique de la
communauté à savoir la cour de justice de la CEDEAO.
B. La cour de justice de la CEDEAO, une juridiction
à compétence limitée.
La création d'une cour de justice par le traité
révisé de 1993 témoignait de l'intérêt que
les Etats membres accordaient à la dimension juridique de
l'intégration33. Dans ce sens, la cour de justice devrait
assurer le respect du droit dans l'interprétation et l'application des
dispositions du traité constitutif ou le règlement des
différends. Ainsi, elle devrait être en principe le catalyseur de
l'intégration régionale comme cela a été le cas de
la cour de justice des communautés européennes34.
Cependant, la cour de justice de la CEDEAO ne joue pas effectivement ce
rôle catalyseur dans la promotion du droit communautaire du fait qu'elle
souffre de trois déficiences particulières.
Il s'agit d'abord du domaine de compétence très
limité de la cour de justice de la communauté. En effet, selon
les articles 11 et 56 du protocole relatif à la cour de justice, la
compétence de celle-ci s'étend au règlement des
différends qui surgissent entre les Etats membres, excluant de ce fait
les litiges entre la communauté et les Etats membres, les litiges entre
les institutions et les litiges entre des particuliers (personnes physiques ou
morales) et la communauté. Or, il apparaît que la cour de justice
pourrait efficacement garantir le droit
33 Il faudrait signaler que la création de la
cour de justice a été prévue dans le traité
révisé mais la cour n'a existé réellement
qu'à partir de 2001.
34 LECOURT, L'Europe des juges, cité par Luaba
Lumu NTUMBA in Ressemblances et dissemblances institutionnelles entre la
CEDEAO, la CEAC et la ZEP.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
communautaire en étant compétente pour trancher
une gamme plus large de litige. Signalons cependant qu'en janvier 2005, lors du
sommet des chefs d'Etats réunis à Accra au Ghana, il a
été adopté un amendement introduisant la
possibilité pour les individus de saisir directement la cour
après épuisement de toutes les voies de recours contentieuses ou
arbitrales au plan interne.
La deuxième carence de la cour de justice de la
communauté est relative à son indépendance. En effet,
l'alinéa 2 de l'article 15 du traité révisé
précise que la composition, le statut ainsi que la compétence de
la cour doivent être déterminés par un protocole y
afférent. Etant donné que seule la conférence des chefs
d'Etats est à méme d'adopter ce protocole, cette disposition
diminue l'autonomie de la juridiction communautaire dans la mesure où
elle fait dépendre la fixation et les modifications de son statut d'un
organe politique intergouvernemental. Cette situation compromet
inéluctablement l'indépendance de la justice vis-à-vis du
politique.
Le dernier défaut institutionnel de la cour de justice
de la CEDEAO réside dans les mécanismes de règlement des
différends définis par le protocole de la cour de justice de la
CEDEAO. Aux termes de l'article 56 du protocole de la cour de justice, tout
litige ou différend au sujet de l'interprétation ou de
l'application du droit communautaire est réglé à l'amiable
par accord direct entre les parties en cause. Ce n'est que lorsque les parties
ne parviennent pas à régler ledit litige ou différend que
l'une d'entre elles peut en saisir la cour de justice de la communauté.
L'inconvénient de cette procédure est de fragiliser le
fonctionnement du système communautaire car l'obligation de passer au
préalable par un règlement diplomatique bilatéral des
litiges nés de l'interprétation ou de l'application du
traité communautaire introduit des risques d'affecter
l'uniformité du droit communautaire.
Hormis le secrétariat exécutif et la cour de
justice, les organes décisionnels de l'organisation comme la
conférence des chefs d'Etats et le conseil des ministres comportent
aussi des insuffisances institutionnelles. Celles-ci ont trait à
l'inter-étatisme accru qui caractérise ces organes. On y remarque
en effet la prépondérance de l'intergouvernementalisme.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Paragraphe 2 : La prépondérance de
l'inter-gouvernementalisme
Ce handicap est davantage la résultante de l'absence de
dimension supranationale dans les démarches d'intégration
régionale entreprises au niveau de la sous-région et
particulièrement à travers la CEDEAO. Dans une certaine mesure,
cette prépondérance de l'inter-gouvernementalisme se justifie par
le fait que la CEDEAO est à la base une organisation
d'intégration économique. C'est pourquoi, les Etats membres sont
beaucoup plus prudents et cherchent à garantir leur présence dans
les grandes instances décisionnelles de l'organisation afin de veiller
à la sauvegarde de leurs intéréts particuliers. C'est donc
à juste titre que l'inter-gouvernementalisme est beaucoup
développé au niveau de la conférence des
chefs d'Etats (A) et du conseil des ministres
(B).
A. L'inter-gouvernementalisme au niveau de la
conférence des chefs d'Etats et de gouvernement
La prééminence de l'inter-gouvernementalisme au
niveau de la conférence des chefs d'Etats et de gouvernement
résulte du fait que le traité constitutif de la CEDEAO place cet
organe au sommet de la hiérarchie institutionnelle de
l'organisation35. Or, il s'avère aussi que la
conférence des chefs d'Etats et de gouvernement, comme son nom
l'indique, n'est composée que « des chefs d'Etats et/ou de
gouvernement des Etats membres »36. Cette tendance à
accorder la primauté à un organe composé exclusivement de
représentants gouvernementaux dans la pyramide institutionnelle rend
manifestement compte de l'intergouvernementalisme qui prévaut au niveau
de la CEDEAO. Il s'en suit que l'organisation fonctionne beaucoup plus dans une
logique interétatique. Dans un tel environnement, il est donc logique
que les Etats membres rechignent à transférer des parts de leur
souveraineté aux organes communautaires. Etant donné que les
Etats membres tiennent à conserver une certaine tutelle politique sur le
fonctionnement méme de l'organisation régionale qui devrait en
principe avoir une certaine autonomie politique de gestion afin de mieux servir
les intérêts, non pas de quelques Etats membres « plus
puissants », mais de l'ensemble de la communauté.
35 L'alinéa premier de l'article 7 du
traité révisé parle d' « institution suprême de
la communauté »
36 Idem
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Un autre aspect nuisible de l'inter-gouvernementalisme au
niveau de la conférence des chefs d'Etats et de gouvernement
réside dans la concentration de tous les pouvoirs essentiels et
importants de la communauté dans cet organe. Aux termes de
l'alinéa 2 de l'article 7 du traité révisé, la
conférence des chefs d'Etats et de gouvernement « est
chargée d'assurer la direction et le contrôle
général de la communauté ... ». Il serait très
dangereux de faire d'un organe aussi politique que la conférence des
chefs d'Etats et de gouvernement, l'organe de conception, d'orientation et de
contrôle de l'organisation régionale. En effet, dans la prise des
décisions, les chefs d'Etats et de gouvernement seront toujours
tentés de faire primer les préoccupations nationales sur
l'intérêt général communautaire et de ce fait, ils
accorderont beaucoup plus d'importance à la dimension politique des
projets intégrateurs plutôt qu'à la dimension technique qui
devrait être mise en avant.
Mise à part la conférence des chefs d'Etats et
de gouvernement, l'intergouvernementalisme est aussi très
accentué au niveau du conseil des ministres.
B. L'inter-gouvernementalisme au niveau du conseil
des ministres
Deuxième organe communautaire, le conseil des ministres
est également composé de délégués
gouvernementaux. Outre les ministres des affaires étrangères, le
conseil des ministres peut réunir des ministres disposant de
portefeuilles plus techniques comme par exemple l'industrie, les finances, le
plan, les transports, les affaires sociales, la culture ou la justice. Il
s'agit a priori de technocrates ayant pour mission principale de veiller au
fonctionnement et au développement de la communauté. Toutefois,
une déficience institutionnelle non négligeable peut être
décelée au niveau de cet organe. Cette déficience
réside dans la dépendance du conseil des ministres à la
conférence des chefs d'Etats et de gouvernements. En effet, en
matière de politique générale de la communauté, le
conseil des ministres ne peut que formuler des recommandations à
l'encontre de la conférence des chefs d'Etats ou ne peut agir que sur
délégation de la conférence37. Ce manque
d'autonomie décisionnelle a pour conséquence la faible propension
du conseil des ministres à prendre des
37 Article 10, al 3, (a), (c), (d), (i) du
traité révisé.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
initiatives très novatrices de peur de voir ses
décisions modifiées ou annulées par la conférence
des chefs d'Etats. Pour Gonidec, il s'agit là d'une reproduction dans la
sphère des organisations internationales africaines, de la structure des
appareils d'Etats où les chefs d'Etats et de gouvernement
détiennent la réalité du pouvoir et occupent une place
centrale dans les constitutions nationales38.
Un autre handicap du conseil des ministres réside dans
la périodicité de ses rencontres. En effet, l'article 11 du
traité révisé prévoit deux sessions ordinaires par
an dont l'une précédant immédiatement celle de la
conférence des chefs d'Etats et de gouvernement. Comparé à
la pratique du conseil des ministres de l'Union Européenne, ce nombre
est très insuffisant. Le conseil des ministres de l'Union
Européenne tient en réalité cinquante à soixante
sessions par an avec la participation soit des ministres des affaires
étrangères soit des ministres spécialisés. Cette
périodicité des sessions a l'avantage de veiller et de rendre
compte l'application de certaines décisions prises au
préalable.
Le diagnostic des facteurs justifiant les contre-performances
de la CEDEAO ne se limitent pas seulement aux insuffisances institutionnelles.
En effet, l'organisation est de plus en plus confrontée à des
défis politiques qui n'avaient pas été prévus dans
son traité constitutif.
Section 2 : Des défis politiques
Ces défis politiques ont trait à des
thématiques qui n'étaient pas prises en compte au moment de la
création de la CEDEAO. Mais la pratique actuelle de l'organisation
oblige celle-ci à prendre position par rapport à ces questions.
Il s'agit d'une part du problème de
transfert de souveraineté (Paragraphe 1)
et la prise en compte de la dimension sécuritaire dans
l'intégration régionale (Paragraphe 2).
38 Gonidec cité par Luaba Lumu NTUMBA in
Ressemblances et dissemblances institutionnelles entre la CEDEAO, la CEEAC et
la ZEP.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Paragraphe 1 : La problématique de la
souveraineté
L'efficacité de la CEDEAO nécessite
réellement de la part des Etats membres un transfert conséquent
de souveraineté aux organes et institutions communautaires. Cette
condition devra permettre à l'organisation de véritablement
réaliser l'intégration régionale en mettant la
priorité sur les intérêts communautaires. Mais si de
nombreuses tentatives de constitution formelle d'intégration
régionale se sont soldées par un échec, cela est dü
en grande partie à la réticence des Etats membres à
consentir un certain partage de souveraineté. Ce constat se
démontre à travers la consécration de la règle du
consensus dans la prise des
décisions (A) mais aussi au final par la
faible portée de ces décisions (B).
A. La consécration de la règle du
consensus
L'alinéa 2 de l'article 9 du traité
révisé, relatif aux décisions de la conférence des
chefs d'Etats et de gouvernement dispose : « sauf dispositions contraires
du présent traité ou d'un protocole, les décisions de la
conférence sont adoptées par consensus, à la
majorité des deux tiers des Etats membres ». Cette
consécration de la règle du consensus ou encore celle de
l'unanimité tend à assurer le respect du principe de la
souveraineté des Etats membres. Car en effet, en vertu de la
règle du consensus, aucune obligation ne peut être imposée
à un Etat membre en dehors d'un engagement ou d'un acte exprès de
volonté de sa part. Par la règle du consensus, la
procédure de décisions aboutit en général à
des solutions de compromis. C'est ce qu'exprime Quoc Dinh en soutenant que
l'unanimité de façade que semble préserver le compromis,
cache le plus souvent une «coalition d'insatisfaits». Le consensus
permet donc de déguiser des désaccords entre les Etats membres.
Les décisions prises dans une telle condition réduit
considérablement la capacité d'impulsion et d'innovation des
instances communautaires et ne peuvent pas entretenir ou renforcer la dynamique
intégrative au sein de l'organisation.
Dans cette mesure, la question du partage de
souveraineté apparaît comme un défi pour les Etats membres
de la CEDEAO. Parmi les autres défis, il faut aussi relever la faible
portée des décisions de l'organisation régionale.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
B. La faible portée des décisions
prises au sein de l'organisation
Cette faible portée des décisions
régionales est d'abord une résultante de la règle du
consensus. En effet, étant donné que les décisions sont
prises par compromis, les Etats ayant exprimé un désaccord lors
de leur adoption ne sont pas toujours disposés à les appliquer
convenablement. Cette tendance fragilise ainsi le cadre juridique de
l'organisation. Ensuite, le second facteur pouvant justifier cette faible
portée des décisions régionales réside dans le fait
que les organes de la CEDEAO ne disposent pas d'une variété
d'instruments juridiques dont la teneur normative est bien définie. En
effet, la conférence des chefs d'Etats ainsi que le conseil des
ministres agissent par voie de directives et de décisions. Cependant, ni
l'article 9, ni l'article 12 ne précisent la teneur normative des
décisions de la conférence ni celle des règlements du
conseil des ministres. Devant cette imprécision, il appartient donc
à la conférence des chefs d'Etats et au conseil des ministres de
déterminer les règles à suivre pour la notification,
l'entrée en vigueur et l'application de leurs actes.
Comparativement, la pratique de l'Union Européenne
laisse entrevoir une panoplie d'instruments juridiques utilisés par le
Conseil et la Commission de l'Union Européenne. L'article 189 du
traité de Rome distingue en effet des directives des règlements,
des décisions et des recommandations. Au sommet de cette
hiérarchie se trouvent les règlements qui ont une portée
générale et impersonnelle comparable à celle d'une loi au
plan interne. La directive ne lie les Etats que sur le résultat final
alors que la décision constitue un acte obligatoire pour les
destinataires qu'elle désigne et n'a donc pas une portée
générale comme les règlements. Enfin, les recommandations
n'ont aucune force contraignante et ne sont que des instruments
d'orientation.
De par cette analyse comparative, il apparaît que
l'intégration régionale ne pourra significativement progresser
que si les actes communautaires produisent des effets dans les Etats
membres.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Paragraphe 2 : La dimension sécuritaire
dans l'intégration régionale
La CEDEAO, qui est une organisation dont la finalité
première était économique39, a mis sur pied une
force ouest africaine de maintien de la paix : l'ECOMOG. Dès lors, on
peut s'interroger sur les bases légales des décisions prises par
l'organisation dans le domaine sécuritaire. En effet, la question de la
dimension sécuritaire se pose dans l'organisation régionale sous
un double angle. Il se pose d'abord le problème de la base légale
qui fonde la création de cette force puisqu'on constate un vide
juridique avéré dans le traité constitutif
(A). Ensuite, l'intégration de la
dimension sécuritaire dans les objectifs de l'organisation s'impose
comme une nécessité du fait d'un manque de coopération
politique interétatique, condition sine qua non pouvant
garantir la cohésion politique des Etats membres
(B).
A. Le vide juridique originel
La pratique du maintien de la paix a véritablement vu
le jour dans la CEDEAO dans les années 1990 avec la crise
libérienne. C'est lors de son 13ème sommet, à
Banjul en mai 1990, que la CEDEAO, sous la pression du Président
nigérian Babangida, a décidé de mettre en place un
Standing Mediation Committee (SMC, soit Comité Permanent de
Médiation), qui a alors reçu pour mandat de
réfléchir aux moyens d'intervenir dans le conflit libérien
lorsque celui-ci deviendrait trop menaçant pour la stabilité
régionale. Cinq Etats composaient ce Comité : la Gambie, le
Ghana, le Mali, le Nigeria et le Togo. C'est à l'issue de la
troisième rencontre du SMC, le 7 août 1990 à Banjul, que le
président gambien Dawda Jawara a annoncé le déploiement
d'une force de maintien de la paix, dénommée ECOWAS
Cease-fire Monitoring Group (ECOMOG)40. D'aucuns estiment que
la création de cette force d'intervention trouve son fondement à
l'article 7 du traité constitutif. En effet, cette disposition
précise les fonctions de la conférence des chefs d'Etats et de
gouvernement mais en aucun cas il a n'été question de lui
attribuer une fonction militaire. Il serait tentant de
39 C.F Article 2 du traité
révisé
40 C'est la décision A/DEC/1/8/90 du SMC de la
CEDEAO, signé le 7 août 1990 a Banjul qui a formalisé la
décision.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
rapprocher la dimension sécuritaire aux
prérogatives aussi générales que « la direction et le
contrôle général de la communauté ... en vue du
développement progressif de celle-ci et de la réalisation de ses
objectifs »41. En réalité, ce rapprochement ne
peut se justifier que par un abus de langage.
La pratique du maintien de la paix peut néanmoins
entrer dans le cadre de deux actes conclus par les Etats portant sur leur
défense. Il s'agit du traité de non-agression du 22 avril 1978 et
du protocole d'assistance mutuelle du 28 mai 1981. Pour le premier instrument,
il s'agit bien comme son nom l'indique d'un « pacte de non-agression
» qui ne saurait fournir une base légale à une
opération de maintien de la paix. Pour ce qui est du deuxième
instrument, outre que trois Etats membres de la CEDEAO n'étaient pas
parties42 à ce protocole, celui-ci ne stipule que pour
l'essentiel qu'une aide et assistance pour la défense contre une
agression ou une menace d'agression43. Il en ressort que la
première intervention menée par la CEDEAO reste difficilement
justifiable en droit, du moins dans le droit originaire de l'organisation. Il
faut attendre la révision du traité de 1993 pour combler ce vide
juridique originel notamment à travers les principes fondamentaux
auxquels ont adhéré tous les Etats membres de
l'organisation44. Surtout, face aux nombreux conflits dans la
sousrégion, la dimension sécuritaire devient une condition
préalable pour la réalisation d'une intégration politique
par la CEDEAO.
B. La nécessaire intégration de la
dimension sécuritaire dans l'intégration régionale
L'intégration de la dimension sécuritaire dans
le processus intégratif apparaît comme une nécessité
en ce qu'elle permet de créer un climat de confiance dans la
région. Si la conclusion du traité de non-agression de 1978 et
celle du protocole d'assistance mutuelle de 1981 peut être perçue
comme un préalable à la réalisation d'une politique
régionale de sécurité collective, il n'en est pas encore
question au regard des foyers de tensions qu'a connu la sous-région. Car
de toute évidence, les tensions politiques intra-étatiques
(Guinée en 2009,
41 Article 2, al 2, Traité
révisé
42 Il s'agit du Cap Vert, de la Guinée Bissau
et du Mali
43 Article 2 du protocole d'assistance mutuelle de
1978.
44 Article 4 du Traité révisé
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Côte d'Ivoire en 2002, Togo en 2005, Sierra Leone en
1997, Guinée Bissau 1998 - 1999, Libéria en 2003, Nigéria
2010, etc.) ou interétatiques (crise de la Casamance entre le
Sénégal et la Gambie) perturbent la réalisation des
programmes d'intégration régionale. Cette instabilité
politique contribue en même temps à retarder le
développement et la croissance des Etats membres et constitue une
incitation négative à l'investissement. Il est donc indispensable
d'oeuvrer à la mise en place d'un système capable de sauvegarder
et de garantir la paix et la sécurité de manière durable
dans la région.
Pour terminer, la nécessaire intégration de la
dimension sécuritaire dans la démarche intégrative
s'explique aussi par un intérét moins marqué de la
communauté internationale face à la complexité
grandissante des situations de crise dans la sous-région45.
C'est donc pour cette raison que les Etats de la sous-région, conscients
de la réticence du conseil de sécurité des Nations
à s'engager dans les crises politiques, ont décidé
d'élaborer leurs propres mécanismes de maintien et d'imposition
de la paix.
Face à tous ces enjeux, il est essentiel de repenser la
politique générale de l'intégration régionale en
Afrique de l'ouest. Sinon, des réformes importantes doivent être
envisagées afin d'accélérer le processus
d'intégration dans la sous-région.
45 Fernanda FARIA, la gestion des crises en Afrique
Subsaharienne : le rôle de l'Union Européenne, Occasional Paper,
n°55, Novembre 2004.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Approches de solutions pour la mise en oeuvre
d'une
véritable intégration
régionale en Afrique de l'Ouest
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
La révision du traité constitutif de
l'organisation en 1993 a constitué une véritable
révélation dans la recherche des solutions aux différentes
contre-performances de la CEDEAO. C'est pour dire que ce toilettage du
traité originel a permis d'aboutir à d'importantes
réformes dans la vision générale de la démarche
d'intégration régionale en Afrique de l'Ouest. On retiendra pour
l'essentiel que le traité de 1993 marque une rupture par rapport
à un certain passé représenté par le traité
de 1975. Le renversement de logique qu'il opère est patent. Il traduit,
en effet, le passage d'une vision interétatique à une vision
supranationale. Les grandes réformes institutionnelles qui ont
été adoptées, ont permis d'adjoindre à la dimension
économique de l'intégration régionale, des questions
d'ordre politique touchant le fondement même de la souveraineté
des Etats membres.
Dans ce chapitre, il sera question d'identifier, à la
lumière du modèle d'autres organisations d'intégration
sous-régionales46, les principales innovations à
adopter afin de mieux réaliser le passage de l'intégration
économique à un modèle d'intégration politique. Ces
innovations toucheront non seulement le cadre institutionnel même de la
CEDEAO
(Section 1) mais aussi et surtout les domaines
politique et économique (Section2).
Section 1 : Les réformes institutionnelles
Pour attribuer une dimension supranationale au processus
d'intégration régionale en Afrique de l'Ouest, la principale
réforme institutionnelle à opérer est la rupture avec la
traditionnelle prépondérance des organes inter-gouvernementaux
sur les organes intégrés. Dans cette logique, ceux-ci devront
bénéficier d'une indépendance totale dans leur
fonctionnement. De ce fait, une importance particulière devrait
être accordée au secrétariat exécutif qui, sans
être à proprement parler un secrétariat, constitue un
véritable moteur du processus d'intégration régionale.
Ainsi, le renforcement des organes intégrés doit constituer
le premier chantier des réformes institutionnelles de la
CEDEAO (Paragraphe 1).
L'acquisition de la dimension supranationale doit se traduire
aussi par la valorisation des engagements communautaires (Paragraphe
2) notamment à travers le mode d'adoption des décisions
de l'organisation et surtout leur contrôle d'exécution.
46 L'UEMOA notamment.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Paragraphe 1 : Le renforcement des organes
intégrés
Le renforcement statutaire du secrétariat
exécutif déjà amorcé par le traité
révisé de 1993 a connu une nouvelle évolution par le
récent projet de la création de la commission de la CEDEAO
(A). Suivant la même logique, le renforcement des
organes intégrés comme le parlement et la cour de justice est
prévu afin de consolider le cadre démocratique de ces organes
intégrés (B).
A. La création de la commission de la CEDEAO
Le projet de substitution du secrétariat
exécutif par une « commission » à l'instar de l'Union
Africaine ou de l'UEMOA permet un réel renforcement de cet organe
resté depuis toujours sous la tutelle politique de la conférence
des chefs d'Etats et de gouvernement. La création d'une commission,
entité collective, dont l'existence et les pouvoirs sont voués
à la défense de l'intérêt communautaire marquera
mieux l'autonomie et l'indépendance de l'organisation internationale
vis-à-vis des Etats membres. En effet, le projet de la création
d'une commission de la CEDEAO a été décidé par la
conférence des chefs d'Etats et de gouvernement réunie à
Abuja en juin 2005. Le conseil des ministres avait alors retenu deux
scénarios comportant respectivement une commission de neuf membres et
une commission de quinze membres47. En référence
à la pratique des commissions de l'Union Africaine et de l'UEMOA, chaque
commissaire sera en charge d'un domaine déterminé. Cette
spécialisation est inéluctablement génératrice de
valorisation pour tous les projets d'intégration de l'organisation. Dans
le même temps, elle est un gage de visibilité de l'organisation
dans les Etats membres. Cependant, dans le but de mieux renforcer la
supranationalité dans l'organisation, il convient d'instaurer au sein de
la commission un système de rotation fondé sur
l'équité et la transparence.
Au final, une telle réforme institutionnelle doit
permettre à l'organisation de mieux s'adapter à l'environnement
international et surtout de repositionner cette dernière
vis-à-vis des populations de l'Afrique de l'Ouest qui jusque-là
ne se sentent pas impliquées dans le
47 Rapport de la cinquante-quatrième session
ordinaire des ministres, ECW/CMLIV12, Secrétariat exécutif,
Abuja, juin 2005, pp.10 et 11.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
processus d'intégration régional. L'implication
des populations dans le processus d'intégration régionale passe
aussi par la consolidation du cadre démocratique des organes comme le
parlement et la cour de justice de la communauté.
B. La consolidation du cadre démocratique du
parlement et de la cour de justice
Nous évoquerons dans ce volet les différentes
réformes institutionnelles pouvant permettre une forte implication des
populations dans le processus d'intégration régionale.
Dans ce sens, le parlement et la cour de justice de la CEDEAO
apparaissent à notre sens comme les organes les plus à
méme d'atteindre cet objectif. Pour cela, ces organes doivent au
préalable connaître certains réajustements techniques. Ces
réajustements doivent permettre à ces organes de prendre en
compte des questions relatives à la protection et à la sauvegarde
des droits des populations des Etats membres. La création du parlement
et celle de la cour de justice peuvent permettre d'assurer le respect des
droits humains et surtout assurer la pleine participation des populations
ouest-africaines au développement et à l'intégration
régionale.
Pour ce qui est du parlement de la CEDEAO, il est souhaitable
de lui conférer non seulement des pouvoirs consultatifs mais aussi des
pouvoirs de censure et de contrôle des actions de la conférence
des chefs d'Etats et de gouvernement. Afin de pouvoir jouer le rôle
d'avant-garde dans la protection des droits de l'Homme, le parlement devra
aussi disposer d'un certain pouvoir de censure à l'endroit des
gouvernements fautifs. Dans ce cadre, le parlement devra pouvoir
déclencher des enquêtes internationales sur les atteintes aux
droits de l'homme présumées ou dénoncées. Et sur la
base des résultats, le parlement pourra requérir des poursuites
contre les auteurs présumés de ces exactions. En outre, la
désignation des membres du parlement devrait se faire par
élection au suffrage universel au sein de chaque Etat. De la sorte, les
populations des Etats membres pourront se sentir réellement
impliquées dans le processus d'intégration régionale.
En ce qui concerne la cour de justice de la communauté,
elle devrait voir son domaine de compétence élargi afin d'assurer
une meilleure promotion et protection des droits de
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
l'homme dans les Etats membres. Au lieu d'être
bornée à ne connaitre que des litiges entre les Etats membres
relatifs à l'interprétation et à l'application du
traité, elle devrait, à l'instar de la cour européenne de
justice, connaitre aussi des litiges entre Etats membres et la
communauté, les litiges entre personnes privées, etc. Pour ce
fait, les personnes privées doivent avoir un accès facile et
direct à la juridiction. Or, cela semble difficile en l'état
actuel de la procédure de saisine de la cour. En effet, l'article 9 du
traité ne réserve la possibilité de saisine de la cour
qu'aux seuls Etats membres ou à la conférence des chefs d'Etats
et de gouvernement. Ce qui apparait très paradoxal car d'ordinaire, les
cas de violation des droits de l'homme résultent souvent de l'action de
l'Etat à l'endroit de ses citoyens ou ceux des autres pays. Il s'ensuit
que les atteintes aux droits de l'homme seront plus souvent la
préoccupation des individus ou des groupes d'individus que de l'Etat.
D'où l'importance d'instaurer un mécanisme d'accès facile
et direct des populations aux prétoires.
Paragraphe 2 : La valorisation des engagements
communautaires
La réalisation d'une intégration régionale
supranationale passe obligatoirement par la valorisation des engagements
communautaires. Cette valorisation de l'expression de la
volonté de l'organisation nécessite un nouveau mode
d'adoption des décisions (A) qui devra
rompre avec la logique interétatique qui a prévalu
jusque-là dans la pratique de l'organisation. Dans le même temps,
afin de mieux réaliser cette rupture, des sanctions pourraient
être
adoptées en cas de manquement aux engagements
communautaires (B).
A. L'adoption des décisions
Durant l'application du traité de 1975, le mode de
prise de décision au niveau de la conférence des chefs d'Etats et
de gouvernement et du conseil des ministres était l'unanimité ou
le consensus. Il s'agit encore là de la manifestation des vues
inter-étatistes jusque-là prédominantes. Afin de mieux
rompre avec cette vision de l'intégration régionale, le
traité révisé de 1993 envisage un mode majoritaire qui
constitue en soi un progrès remarquable. En effet, les articles 9 et 12,
relatifs à la conférence des chefs d'Etats et de gouvernement et
au
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
conseil des ministres, disposent que les décisions sont
adoptées « selon les matières, à l'unanimité,
par consensus ou à la majorité des deux tiers des Etats membres
".
B. Les sanctions au manquement des engagements
communautaires
La nécessité de la définition d'un
mécanisme de sanction en cas de manquement aux engagements
communautaires résulte de l'obligation à laquelle se sont
astreints les Etats en adhérant à la CEDEAO. Cette nouvelle
obligation définie dans le traité révisé est plus
stricte que le simple engagement minimal exprimé à travers
l'article 3 du traité de 1975 qui disposait : « les Etats membres
ne ménagent aucun effort pour planifier et orienter leurs politiques en
vue de réunir les conditions favorables à la réalisation
des objectifs de la communauté, en particulier, chaque Etat membre prend
toutes les mesures requises afin d'assurer l'adoption des textes
législatifs nécessaires à l'application du présent
traité ". Il s'agit désormais, aux termes de l'article 5 du
traité révisé, de « créer les conditions
favorables à l'intégration ". Afin de mieux assurer le respect de
cet « engagement général ", deux innovations majeures ont
été adoptées dans la pratique de l'organisation. La
première innovation est relative à la modalité
d'entrée en vigueur des actes communautaires. Les conditions
d'entrée en vigueur des normes communautaires échappent
désormais aux Etats. Au terme de l'article 9 paragraphe 6 du
traité révisé, les décisions prises par la
conférence des chefs d'Etats et de gouvernement ainsi que les
règlements adoptés par le conseil des ministres de la CEDEAO sont
« exécutoires de plein droit soixante jours après la date de
leur publication dans le Journal Officiel de la communauté ".
La seconde innovation porte sur l'adoption des sanctions
applicables en cas de non respect des obligations communautaires. L'adoption
d'un mécanisme de sanction dans une organisation de coopération
qui s'est toujours illustrée par des traits inter-gouvernementaux rend
compte de la nouvelle dimension supranationale adoptée par la CEDEAO. Au
demeurant, il faut dire que le but poursuivi à travers ce
mécanisme de sanctions n'a rien d'afflictif. Au contraire, ces sanctions
sont censées mener l'Etat sanctionné à revenir à de
meilleures dispositions et à rester dans la dynamique communautaire.
C'est pourquoi, il est important d'instituer un caractère graduel et
maîtrisé desdites sanctions. L'article 77 du traité
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
révisé offre un cadre assez complet des
sanctions applicables en cas de non respect des obligations de la
communauté. La gamme de ces sanctions peut aller de la suspension aux
activités de la communauté, en passant par la suspension de
décaissement pour les projets ou le rejet de toute candidature à
certains postes. Mais il peut aussi aller de la suspension des concours dont
l'Etat membre bénéficiait, en passant par le retrait des mesures
positives qui lui étaient consenties. Ces sanctions peuvent être
appliquées en cas de tout manquement aux « obligations de la
communauté 48». D'une manière
générale ces manquements peuvent consister en un
absentéisme aux sessions d'un organe ou une irrégularité
dans le versement des cotisations, une lenteur dans la ratification des
instrumentaux internationaux, ou encore, la pratique même des Etats
membres c'est-à-dire leur comportement (coup d'Etat, violations massives
des droits de l'homme, etc.) ayant porté atteinte à l'oeuvre
d'intégration.
Toutefois, il est évident que l'amélioration du
droit communautaire à travers la densification institutionnelle et la
valorisation des engagements communautaires, ne suffit pas pour donner un
nouvel élan au processus d'intégration régionale. La
perfection du droit communautaire doit s'accompagner d'une bonne volonté
des Etats à créer un environnement politico-économique
propice à l'intégration régionale.
Section 2 : Les perspectives politiques et
économiques
Nous envisagerons dans cette section les différentes
perspectives à entreprendre afin de créer un environnement
politique et économique optimal pour la réalisation d'une
véritable intégration régionale en Afrique de l'Ouest.
Paragraphe 1 : Les perspectives politiques
L'environnement politique de l'ensemble de la
sous-région est un facteur crucial pour la réalisation de
l'intégration régionale. Il est urgent alors d'oeuvrer pour la
démocratisation des régimes politiques des Etats membres. A
l'évidence, les Etats bénéficiant d'une
légitimité démocratique paraissent mieux disposés
à la concertation collective que les Etats autoritaires. Ainsi, en
l'absence de volontés politiques internes pouvant assurer le processus
de démocratisation des Etats membres, la coopération politique
interétatique apparaît comme une
48 Article 77 du traité révisé
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
alternative permettant d'atteindre ce but
(A). Par ailleurs, afin de renforcer cette coopération
politique, les Etats membres pourront envisager la définition d'une
politique extérieure commune au niveau de la sous-région
(B).
A. La coopération politique
interétatique, condition de l'intégration régionale
De toute évidence, la solidité d'un processus
d'intégration régionale dépend du degré
d'implication des Etats membres et de la cohésion politique entre ces
derniers. Les échecs passés de nombreuses initiatives
d'intégration régionale en Afrique doivent beaucoup à
l'instabilité politique des Etats membres. Il importe alors de renforcer
la coopération politique entre les Etats en dehors du champ de
l'organisation régionale. Dans ce cadre, il pourrait être
envisagé d'encourager et surtout de perpétuer les initiatives de
médiation entreprises par certains politiques ayant permis de subjuguer
certaines crises politiques dans la sous-région. De telles initiatives
ont l'avantage non seulement de renforcer la coopération politique entre
les Etats membres mais aussi d'assurer la stabilité politique interne
des Etats membres et la pacification de leurs relations interétatiques.
Cette dernière constitue également une seconde condition
évidente pour donner quelque chance d'avenir au processus
d'intégration dans la région. Car l'expérience a
montré que des tensions interétatiques ont remis en cause
certaines initiatives de regroupement sur le continent. A titre illustratif,
nous évoquerons les difficultés avérées dans les
relations entre les pays d'Afrique centrale qui ne facilitent pas les
progrès de la CEEAC.
Pour finir, la nécessité d'une
coopération interétatique est aujourd'hui d'actualité car
elle permet d'instaurer un équilibre géopolitique dans la
région. Il serait en effet légitime de penser que des
déséquilibres géoéconomiques trop importants
pourraient transformer la zone d'intégration en une zone d'influence
géopolitique. De toute évidence, la CEDEAO est polarisée
autour du Nigéria qui représente à la fois une puissance
économique et démographique dans la communauté. Ainsi, une
coopération politique entre les Etats membres pourra biaiser
considérablement cette hégémonie nigériane au sein
de la communauté. De cette façon, les Etats membres pourront
être sur un même pied d'égalité
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
dans leurs relations dans l'organisation régionale. Au
final, cette coopération politique devra aboutir à la
définition d'une politique extérieure commune au sein de la
communauté. La nouvelle logique supranationale adoptée par
l'organisation régionale facilitera énormément la
réalisation de cet idéal.
B. Vers une politique extérieure
commune
La dimension supranationale de l'intégration
régionale devra amener les Etats membres de la CEDEAO à unifier
leurs points de vue à travers la définition d'une politique
extérieure commune. Dans cette logique, il ne sera plus question de
convergences sporadiques ou d'alliances occasionnelles mais plutôt de
procéder à une institutionnalisation de ces alliances. Au reste,
on peut retrouver dans le traité révisé une base à
ce projet. Aux termes de l'article 85 de celui-ci, « les Etats membres
s'engagent à formuler, et à adopter des positions communes au
sein de la communauté sur des questions relatives aux
négociations internationales avec les parties tierces ». Quelques
exemples peuvent être donnés à cet égard. Dans le
cadre des opérations de maintien de la paix, la CEDEAO a pu se poser en
partenaire de l'ONU. C'est une position unique que la communauté a
toujours défendue en la matière. Dans ce contexte, il ne serait
pas exagéré de soutenir que, de moins en moins, la
définition de la politique sécuritaire dépend des Etats
membres de l'organisation. Cette collaboration avec l'ONU atteste de la
crédibilité naissante de la communauté dans le domaine de
la préservation de la paix et de la sécurité
internationales. En outre, la CEDEAO a noué en 2004 un partenariat avec
le FMI dans le cadre des politiques de convergence macroéconomiques, des
réformes fiscales et douanières ainsi que pour la mise en oeuvre
du tarif extérieur commun et de la zone de libre échange de la
CEDEAO. A travers cette coopération, la CEDEAO devra représenter
ses Etats membres en exprimant leur volonté dans les négociations
avec le FMI. Ce sont autant d'exemples qui prouvent que c'est en s'exprimant
d'une seule voix que les Etats membres de l'organisation sous régionale
se font mieux entendre. L'autre pas à franchir consistera en
l'érection d'organes permanents voués à l'exécution
des politiques communes adoptées par les Etats membres. Dans ce cadre,
il faudrait envisager la création des représentations de
l'organisation dans les Etats membres. Ces représentations pourront
faire office de missions diplomatiques dans les Etats membres.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Paragraphe 2 : Les perspectives économiques
Certes, l'intégration régionale doit passer par
le renforcement du cadre juridique et institutionnel. Mais si ce dispositif
technique ne coïncide pas avec une réelle intégration
économique, il est évident que la structure d'intégration
régionale apparaîtra comme une coquille vide. Il est donc
indispensable que se développe parallèlement au processus
d'intégration régionale, une intégration économique
comme l'a illustré depuis le traité de Rome le scénario
européen49. En Afrique de l'ouest, la CEDEAO et l'UEMOA sont
deux organisations à vocation économique qui oeuvrent chacune
selon leurs objectifs à la réalisation de cette
intégration économique. Cependant, l'analyse des textes
fondateurs de ces organisations laisse entrevoir plusieurs similitudes de
chantiers intégrateurs. Ces similitudes, loin d'être une force
pour l'intégration régionale de la sous-région,
entraînent au contraire une concurrence entre les deux organisations.
C'est pourquoi, une complémentarité entre la CEDEAO et l'UEMOA
pourrait être recherchée afin de réaliser la pleine
intégration
économique de la sous-région (A).
A travers cette complémentarité, on pourrait envisager à
plus long terme une intégration unique (B).
A. La complémentarité entre la CEDEAO et
l'UEMOA
La complémentarité entre ces deux organisations
peut être rendue possible grâce à la quasi-identité
des objectifs qu'elles poursuivent. En effet, selon l'article 4-C du
traité de l'Union, celle-ci poursuit la création entre les Etats
membres d'un marché commun basé sur la libre circulation des
personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit
d'établissement des personnes exerçant une activité
indépendante ou salariée, ainsi que sur un tarif extérieur
commun et une politique commerciale commune. Ces mêmes objectifs se
retrouvent dans l'article 3 paragraphe 2 du traité révisé
de la CEDEAO qui énonce les objectifs de la communauté. Mais
c'est surtout le chapitre IX du traité révisé qui permet
de véritablement rendre compte de la similitude des objectifs de la
CEDEAO et de l'UEMOA. L'analyse de ce
49 Les effets combinés de l'union
douanière et les élargissements successifs ont porté la
part des échanges intra-communautaires de 36% en 1957 a plus de 60%
aujourd'hui. C.F Franck PETITEVILLE in « les processus
d'intégration régionale, vecteurs de recomposition du
système international ? », Etudes internationales, vol. 28,
n°3, 1997, p. 511-533.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
chapitre révèle que la CEDEAO tend à
promouvoir la coopération et l'intégration de l'Afrique de
l'Ouest pour établir une Union économique et
monétaire50. Ainsi, pour la réalisation de ces
objectifs, la CEDEAO et l'UEMOA ont adopté des instruments juridiques
quasi-identiques. La réalisation d'une telle Union économique est
la justification méme de l'UEMOA : elle vient compléter l'Union
monétaire instaurée en 1973 à travers l'UMOA. Dans cette
configuration, il est évident de signaler que l'identité des
objectifs assignés aux deux organisations peut constituer un
véritable moyen de réaliser la complémentarité
entre la CEDEAO et l'UEMOA. En outre, la configuration géographique des
deux organisations est aussi favorable à cette
complémentarité. Certes, l'espace de l'UEMOA et celui de la
CEDEAO ne sont pas les mémes mais, l'espace de la CEDEAO englobe celui
de l'UEMOA, d'où l'importance d'une complémentarité afin
d'éviter les dédoublements dans la réalisation des projets
intégrateurs. En dépit de ce rapprochement entre la CEDEAO et
l'UEMOA, ces deux organisations se caractérisent en
réalité par un manque total de synergie. Or, à l'heure
où le problème de la rationalisation des organisations
internationales africaines est d'actualité, il importe d'oeuvrer pour
cette complémentarité qui pourra ainsi faciliter la fusion de ces
deux organisations en une organisation d'intégration unique.
B. Vers une organisation d'intégration
unique
Cette perspective constitue l'objectif principal de la
rationalisation du cadre d'intégration. Ce projet de rationaliser les
efforts d'intégration en Afrique occidentale a été
impulsé par la Commission économique pour l'Afrique (CEA) et vise
la fusion des institutions poursuivant un méme but et, à terme,
l'instauration d'une organisation internationale unique pour réaliser
l'intégration de la sous-région. Dans ce cadre, l'unification de
la CEDEAO et de l'UEMOA devrait se faire sans difficulté car ce sont
toutes deux des organisations économiques. D'ailleurs, un argument
juridique pourrait valablement servir de cadre à ce projet. En effet,
aux termes de l'article 2 du traité révisé, la
communauté «sera à terme la seule communauté
économique de la région aux fins de l'intégration
économique et de la réalisation des objectifs de la
Communauté Economique Africaine51».
50 Article 55, al 1 du traité
révisé.
51 La création de cette communauté a
été décidée par le traité d'Abuja de 1991
qui procède explicitement du Plan de Lagos de 1980 qui fait de la CEDEAO
le cadre pertinent d'intégration de l'Afrique de l'Ouest.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Tel n'est pas le cas de l'UEMOA qui prend le soin de proclamer
sa fidélité «aux objectifs de la Communauté
Economique Africaine et de la Communauté des Economique des Etats de
l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)»52. Il serait alors envisageable
de transformer l'UEMOA, après l'aboutissement de ses objectifs, en une
structure autonome de la CEDEAO, chargée des questions
économiques et financières de la sous-région tandis que
les institutions de l'UEMOA deviendront des «institutions
spécialisées» de la CEDEAO. Par contre, celle-ci
conserverait le domaine politique et social de l'intégration et
demeurera l'interlocuteur unique auprès de l'UA et des autres
organisations internationales.
Toutefois, la réalisation de cette perspective (la
fusion de la CEDEAO et de l'UEMOA) pourra se heurter à un principe du
Droit des organisations internationales : le principe de la
spécialité qui tend à restreindre, sinon, à
cantonner les activités de l'organisation dans un volet bien
déterminé53. Mais cette difficulté juridique
pourra être contournée à travers l'élargissement de
l'objet de l'organisation internationale. Il est ici question d'incorporer au
traité constitutif de la CEDEAO les domaines pris en charge par les
autres organisations promues au rang «d'institutions
spécialisées».
52 Préambule du traité de l'UEMOA.
53 C.F Avis «O.M.S» de la C.I.J du O8
Juillet 1996.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
CONCLUSION PARTIELLE
En définitive, il faut retenir que les
contre-performances encaissées par la CEDEAO s'expliquent par la somme
de plusieurs déficiences institutionnelles et de certains défis
politiques. Ces insuffisances pour la plus part résultent de la
dimension interétatique adoptée par le traité originel
(celui de 1975). Ainsi, cette vision interétatique s'est traduite dans
le fonctionnement de l'organisation par un faible degré
d'intégration au niveau des organes de la communauté
restés pendant longtemps inter-gouvernementaux. Mais le principal
défaut institutionnel de l'organisation demeure la question du transfert
de souveraineté. La prépondérance de
l'inter-gouvernementalisme au niveau des organes intégrés ne
permet pas à l'organisation de prendre en compte des nouveaux
défis politiques comme la dimension sécuritaire de
l'intégration.
Pour pallier à ces insuffisances, il importe
d'opérer un passage de la dimension interétatique à celle
supranationale afin de doter l'organisation d'organes autonomes (comme une
commission de la CEDEAO par exemple) afin de lui permettre d'atteindre ses
objectifs. Dans cette mesure, la CEDEAO cessera d'être seulement une
organisation d'intégration économique mais aura aussi des
visées politiques bien affirmées.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
A un moment où l'urgence d'un regroupement des Etats ne
fait plus l'ombre d'un doute, les pays africains n'ont pas d'autres choix que
de s'organiser sur une base régionale afin d'avoir une place dans
l'économie mondiale. L'intégration régionale
apparaît donc comme un levier pour la croissance économique et le
développement durable dans un monde de plus en plus interconnecté
et soumis à une compétitivité économique, politique
et technique.
Les Etats de l'Afrique de l'ouest ont très tôt
saisi l'importance des regroupements régionaux. En témoignent,
les nombreuses initiatives d'intégration régionale qui ont vu le
jour sur le continent. Dans cette panoplie d'organisation d'intégration,
la CEDEAO se présente, en effet, comme l'initiative la plus
réussie. La CEDEAO représente un modèle
d'intégration régionale en ce sens qu'elle est assurément
la plus dynamique et celle fédérant le plus d'Etat avec des
objectifs très ambitieux.
Mais trente cinq ans après la création de la
CEDEAO, un regard sur le processus d'intégration en Afrique de l'Ouest
doit permettre d'identifier les défis que l'organisation sous
régionale doit relever. Dans l'ordre de ces défis, la question du
transfert de souveraineté à l'organisation régionale
occupe une place importante. La vision interétatique du processus
d'intégration ne permet manifestement pas à l'organisation
régionale de prendre en compte les nouveaux défis politiques et
économiques qui se posent à elle. Il importe alors de doter
l'organisation de pouvoirs et d'organes supranationaux afin d'assurer
l'exécution des décisions et la convergence des politiques
communautaires. Au demeurant, cet idéal ne saurait se réaliser
sans un préalable aussi important que les réformes
institutionnelles : il s'agit de la stabilité politique et la paix dans
la sous-région.
La réunion de ces conditions permettra alors de
réaliser le plan de Lagos faisant de la CEDEAO la pierre angulaire de la
construction de la communauté économique africaine et à
long terme de l'unité africaine.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Annexe 1 : Carte de la CEDEAO
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Annexe 2 : Les groupements économiques
régionaux d'Afrique
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Annexe 3 : Composition et objectifs des
communautés économiques régionales en Afrique
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Annexe 4 : Tableau synthèse sur la CEDEAO
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
I. OUVRAGES
AHANHANZO Maurice G., Introduction à l'organisation de
l'unité africaine et aux organisations régionales
africaines, Ed. L.G.D.J, Paris, 1986, 574 Pages.
DIAKITE M., Le défi de l'intégration
économique en Afrique de l'Ouest, Ed L'Harmattan, Paris, 1998, 281
pages.
KALONJI-ZEZEZE M.T., Dictionnaire d
textes, Ed, Giraf, Paris, 1997, 1166 pages.
GHERARI-BELDOUANE Sylvie & GHERARI Habib, Les
organisations régionales africaines, Recueil de textes et
documents, Coll. Analyses et Documents, Nancy, 1989, 471 pages.
LAVERGNE Réal, Intégration et
coopération régionales en Afrique de l'Ouest, Ed Karthala
& C.R.D.I, Ottawa, 1996,406 pages.
Patrick DAILLIER et Alain PELLET, Droit international
public, Ed L.G.D.J, Paris, 1999,1454 pages.
ROBSON Peter, Intégration, développement et
équité : l'intégration économique en Afrique de
l'Ouest, Ed Economica, Paris, 1987, 201 pages.
SALL Alioune, Les mutations de l'intégration des
Etats en Afrique de l'Ouest : une approche institutionnelle, Ed
L'Harmattan, Paris, 2006, 189 Pages.
II. ARTICLES et RAPPORTS 1.
ARTICLES
PETITEVILLE Franck, «Les processus
d'intégration régionale, vecteurs de recomposition du
système international ?» in Etudes internationales, Vol. 28,
n°3, 1997.
FERNANDA Faria, «La gestion des crises en Afrique
subsah l'Union Européenne» in Occasional Paper, n°55,
Novembre 2004.
FRANCOIS Constantin, «L'intégration
régionale en Afrique noire : Etat des travaux» in Revue
française de Science Politique, 22ème année,
n°5, 1972.
BACH Daniel, «Les dynamiques paradoxales de
l'intégration en Afrique subsaharienne : le mythe du hors-jeu»
in Revue française de science politique, 45ème
année, n°6, 1996.
Abdou DIOUF, «Afrique : l'intégration
régionale face à la mondialisation» in Politique
étrangère, n° xxxx, 2006.
2. RAPPORTS
Commission Economique pour l'Afrique, Etat de
l'intégration régionale en Afrique : rationalisation des
Communautés Economiques Régionales, Addis-Abeba, Ethiopie,
2006.
Rapport du séminaire national sur «la libre
circulation des personnes et des biens dans l'espace UEMOA», Cotonou --
Bénin, Novembre 2008.
Rapport de la Banque Mondiale sur le développement en
Afrique, 2000.
III.
TEXTES JURIDIQUES
Traité de la CEDEAO de 1975.
Traité révisé de la CEDEAO de 1993.
Traité de l'UEMOA de 2003.
Protocole additionnel relatif à la Cour de justice de la
CEDEAO. Protocole additionnel relatif au parlement de la CEDEAO.
IV.
MEMOIRES ET AUTRES DOCUMENTS
SENE Papa Lafatime : «Les initiatives
d'intégration en Afrique », master de
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
Droit International Public et Etranger, Université Pierre
Mendès, France Grenoble II, 2006.
Wilfried ATCHODE, «Problématique de
l'intégration en Afrique», Mémoire de fin de formation
du cycle I, Université d'Abomey - Calavi/Ecole Nationale
d'Administration et de Magistrature, Bénin, 2008.
Dictionnaire de la terminologie du Droit international. Paris :
Sirey, 1960 Dictionnaire, le nouveau Petit Robert de la langue
française, Le Robert, 2007.
Le dictionnaire du vocabulaire juridique de l'étudiant en
licence de droit, édition hors commerce, Litec 2009
Lexique des Termes Juridiques, 13ème
édition, Dalloz
V. LIENS INTERNET
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
DEDICACE ii
REMERCIEMENTS iii
SIGLES ET ABREVIATIONS iv
GLOSSAIRE DE L'ETUDE
.................................................... vi
SOMMAIRE..........................................................................................vii
INTRODUCTION.......................................................................................1
PREMIERE PARTIE : ETAT DES LIEUX DU PROCESSUS D'INTEGRATION
REGIONALE EN AFRIQUE DE L'OUEST
........................
|
.............................05
|
Chapitre 1 : De la CEAO à la CEDEAO
· un processus d'integration regionale en marche ......
|
...........................07
|
Section 1 : De la Convention de 1959 à
celle de 1966 ..................
|
...........................09
|
Paragraphe 1 : L'option de la cooperation
..............................
|
............................09
|
A. La création de l'UDAO
....................................................
|
09
|
B. La reforme de l'UDAO ou naissance de l'UDEAO
..................
|
... 10
|
|
Paragraphe 2 · L'emergence de
la CEAO ..............................
|
.............................11
|
A. La configuration de la CEAO
..................................................................11
B. Les objectifs et les moyens d'action de la CEAO
..........................................12
Section 2 : La création de la CEDEAO
...............................................................13
Paragraphe 1 : Le contexte d'adoption du traite
de 1975 ...............
|
.................. 14
|
A. Les querelles de leadership sous-régional
........................
|
14
|
B. L'historique de l'adoption du traite de 1975
.....................
|
15
|
|
Paragraphe 2 : Les objectifs et missions de la
CEDEAO ............
|
16
|
A. Les buts et objectifs de la CEDEAO
..............................
|
16
|
|
B. Les missions de la CEDEAO
..................................................................16
Chapitre 2 : Du cadre institutionnel et du
fonctionnement de la CEDEAO .....................18
Section 1
· Une multitude
d'organes institutionnels ................................................19
Paragraphe 1 : Les institutions politiques et judiciaires
..........................................19
A. Les organes politiques
....................................................... 20
La conference des chefs d'Etat et de gouvernement 20
Le conseil des ministres
.............................................. 20
Le secrétariat exécutif 21
Le parlement de la communauté .........................
21
B. L'organe judiciaire de la communauté 22
Paragraphe 2 : Les institutions
économiques et sociales de la communauté 22
A. Les institutions économiques 23
Le conseil économique et social
........................................ 23
Le fond de coopération, de compensation et de
développement 23
La banque d'investissement et de développement
..............................23
B. Les institutions techniques 23
Section 2 : Le fonctionnement de la
CEDEAO 24
Paragraphe 1 : Les sessions et le
personnel de la CEDEAO 25
A. Les sessions ordinaires de la CEDEAO
...................................................25
B. Le personnel de la CEDEAO 26
Paragraphe 2 : Analyse sur
l'efficacité du cadre institutionnel de la CEDEAO 27
A. Les réalisations de la CEDEAO 27
B. Les chantiers de la CEDEAO
...................................................... 28
CONCLUSION PARTIELLE
.................................................... 30
DEUXIEME PARTIE : LA CEDEAO, UNE ORGANISATION MISE
A L'EPREUVE 31
Chapitre 1 : Des insuffisances
institutionnelles aux défis politiques 33
Section 1 : Les insuffisances
institutionnelles de la CEDEAO 34
Paragraphe 1 : Le caractère
embryonnaire des organes intégrés 35
A. L'inadaptation du secretariat general aux objectifs de
l'intégration regionale 35
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la
CEDEAO
B. La cour de justice de la CEDEAO, une juridiction à
compétence limitée ...............36
Paragraphe 2 : La prépondérance de
l'inter-gouvernementalisme ..............................38
A. L'inter-gouvernementalisme au niveau de la conférence
........................ 38
B. L'inter-gouvernementalisme au niveau du conseil des ministres
................ 39
Section 2 : Des défis
politiques
........................................................................40
Paragraphe 1 : La problématique de la
souveraineté ..............................................41
A. La consécration de la règle du consensus
....................................................41
B. La faible portée des décisions prises au sein
de l'organisation ...........................42 Paragraphe
2 : La dimension sécuritaire dans l'intégration
régionale ................ 43
A. Le vide juridique originel
......................................................................43
B. La nécessaire intégration de la dimension
sécuritaire dans le processus intégratif ............
44
Chapitre 2 : Approches de solutions pour la mise
en oeuvre d'une véritable intégration
régionale en Afrique de l'Ouest
........................................................................46
Section 1 : Les réformes institutionnelles
............................................................47
Paragraphe 1 : Le renforcement des organes
intégrés .............................................48
A. La création de la commission de la CEDEAO
..............................................48
B. La consolidation du cadre démocratique du parlement et
de la cour de justice ............ 49
Paragraphe 2 : La valorisation des
engagements communautaires ...................... 50
A. L'adoption des décisions
................................................................ 50
B. Les sanctions au manquement des engagements communautaires
.......................51 Section 2 : Les perspectives
politiques et économiques ............................................52
Paragraphe 1 : Les perspectives politiques
.........................................................52
A. La coopération politique interétatique,
condition de l'intégration régionale 53
B. Vers une politique extérieure commune 54
Paragraphe 2 : Les perspectives
économiques 54
A. La complementarite entre la CEDEAO et l'UEMOA 55
B. Vers une organisation d'integration unique
........................................... 56
CONCLUSION PARTIELLE
.....................................................................58
CONCLUSION 59
ANNEXES 61
Annexe 1 : Carte de la CEDEAO
62
Annexe 2 : Les groupements economiques
regionaux d'Afrique 63
Annexe 3 : Composition et objectifs des
groupements économiques régionaux
d'Afrique
.........................................................................................64
Annexe 4 : Tableau synthèse sur la CEDEAO
.............................................66
BIBLIOGRAPHIE
.....................................................................................67
TABLE DES MATIERES
............................................................................71