INTRODUCTION
Depuis l'Antiquité, s'était posée la
question de distinguer les différentes formes de gouvernement. Platon et
Aristote avaient établi une classification des gouvernements selon
l'origine de la souveraineté1. Aristote, pour sa part,
définit ainsi trois types de gouvernement : royauté, aristocratie
et démocratie et trois formes corrompues de ces régimes :
tyrannie, oligarchie et démagogie2.
Les nombreuses typologies des régimes
développées à partir du
XVIIIème siècle étaient fondées sur la
manière dont le pouvoir était exercé. S'appuyant sur les
idées de Montesquieu3, on avait ainsi pu distinguer :
+ les régimes de confusion des pouvoirs (le despotique
et
l'aristocratie) :
· au profit de l'exécutif :
o régime présidentialiste ;
o dictature.
· au profit du législatif :
o le régime conventionnel ;
o le parlementarisme ou régime d'Assemblée (ex:
la
Terreur en France 1793-1794).
+ les régimes de séparation des pouvoirs
(régimes
classiques) :
· les régimes présidentiels ;
· les régimes parlementaires.
1 Montesquieu, « Esprit des
lois », 1ère partie, Titre IV, Chap.
II, p. 410-426.
2 Aristote, « in
Protreptique»Stobée, III, 3. 25.
3 Montesquieu, « Op
cit », 1ère partie, Titre II,
Chap1er , p. 336-337.
Certes, la République Démocratique du Congo a
connu dès son accession à la souveraineté nationale et
internationale, jusqu'à nos jours, des régimes politiques
variés. Ces régimes l'ont confrontée aux multiples crises
de contestation de la légitimité de ses animateurs d'une part et
d'autre part à l'instabilité politique chronique. Aussi, il
convient d'affirmer que la constitution du 24 juin 1967 avec ses multiples
révisions avait institué le régime présidentiel,
présidentialiste pour enfin chuter au régime de concentration du
pouvoir, de confusion du pouvoir ou voire même un régime ambigu,
difficile si pas impossible à définir.
En revanche, la Constitution de la 3ème
République Démocratique du Congo telle que
modifiée et complétée à ce jour en son article 68
stipule que : « Les institutions de la République sont :
1. Le Président de la République ;
2. Le Parlement ;
3. Le Gouvernement ;
4. Les Cours et Tribunaux4 ».
En effet, vis-à-vis du principe de séparation
des pouvoirs classiques de l'Etat, il se dessine une architecture horizontale
du pouvoir politique distincte de différentes constitutions
précédentes de la République Démocratique du Congo.
En ce sens, la typologie du régime politique ne se conçoit qu'au
regard des rapports entretenus entre l'Assemblée Nationale et
l'exécutif
Ce faisant, il est suffisamment prouvé dans l'analyse
de la présente constitution que ce rapport n'est pas
équilibré, d'autant plus que les pouvoirs du Chef de l'Etat sont
excessifs par rapport aux pouvoirs de tout chef de l'Etat du régime
parlementaire classique. En outre, il est élu au suffrage universel
direct par rapport au mode d'élection de tout chef de l'Etat du
même régime, alors qu'étant politiquement irresponsable par
rapport au gouvernement dirigé par le Premier Ministre qui lui, est
responsable devant l'Assemblée Nationale laquelle dispose du droit de le
renverser par une motion de censure ou celle de défiance5.
C'est en ce sens qu'une question fondamentale permet
d'articuler notre problématique autour de deux axes pour la
commodité et la clarté de notre étude :
· Les institutions politiques sont orientées par
les hommes qui détiennent le pouvoir et qui l'exercent, alors suffit-il
de définir un régime politique par rapport à la
nomenclature constitutionnelle ou selon les critères du fonctionnement
du pouvoir ?
· S'il en résulte un déséquilibre
de pouvoir, quel est alors le régime politique mis en place par cette
constitution du 18 février 2006 ?
Afin, la compréhension du régime politique
suppose la prise en considération du plus grand nombre possible
d'éléments. Aussi, l'importance du système politique n'est
pas avancée sans qu'un intérêt le recommande.
A l'heure actuelle, notre sujet présente
indubitablement un vif intérêt tant théorique que
scientifique.
Sur le plan théorique, le sujet sous étude
revêt incontestablement un grand intérêt pour le peuple
congolais. Il touche au grand problème de la nation. Etant donné
que le régime politique est d'importance non négligeable, car il
est à la base des multiples crises politiques que nous avons connues. Il
sied de disséquer les règles de jeux politiques qui influencent
les conflits de légitimité dans notre pays et pour lesquels le
peuple a tant souffert. Les mêmes causes produisant les mêmes
effets, il était dès lors important de sensibiliser l'opinion
publique à bien veiller sur la bonne application des règles de sa
constitution du 18 février 2006 telle que modifiée et
complétée par la loi n° 11/002 du 20 janvier
2011.
Sur le plan scientifique, il était de notre souci de
bien appréhender la volonté primaire du constituant
dérivé manifestée lors des assises des travaux
préliminaires, d'éliminer quelques zones d'ombre, pour justifier
sans ambiguïté le régime politique institué par la
constitution du 18 février 2006. Autrement, il s'agit de
démontrer par une analyse scientifique si les acteurs politiques actuels
ont su respecter les règles de jeux posées. Cela va sans dire que
l'intérêt du sujet ne peut nous épargner de le
délimiter.
Notre choix est beaucoup plus fixé sur l'étude
du régime politique de la 3ème République
c'est-a-dire de la constitution du 18 février 2006 pour le simple fait
que, de par sa philosophie, il réalise un revirement par rapport aux
régimes instaurés par les textes de la transition et ceux
antérieurs qui ont eu a occasionner et provoquer la confusion et le
blocage de fonctionnement de l'Etat par des crises à
répétition. Dans ce contexte, notre démarche
nécessite une méthode.
A cet égard, il n'existe pas de méthode
appropriée qui s'impose au chercheur, autrement dit la méthode de
travail est sujet à l'objet de la recherche. Dans ce travail, nous avons
fait usage des méthodes juridique, sociologique et historique, afin de
mener a bon escient notre recherche.
La méthode juridique :
La méthode juridique consiste essentiellement a
l'interprétation des normes juridiques. Interpréter un texte,
revient a dégager le sens exact et le contenu réel de la
règle de droit devant une situation donnée. C'est le fait
d'expliquer, de donner une signification claire, chercher l'intention du
rédacteur. Ainsi, avions-nous usé de cette méthode pour
bien cerner les sens de quelques dispositions légales retenues de la
constitution du 18 février 2006 en rapport avec notre travail.
La méthode sociologique :
Au delà de la beauté textuelle d'une
forces, de compromis et il est dès lors important de
ramener le droit dans son environnement social afin de saisir le texte dans son
contexte. Ainsi, la méthode sociologique nous a permis d'aller
au-delà de textes pour comprendre le jeu des acteurs, les enjeux
politiques, surtout que le texte de droit, comme l'a soutenu LUBANZA, ne fait
que représenter sous une forme particulière les valeurs qui
dominent dans une société donnée, en un moment historique
donné6.
La méthode historique :
L'histoire est la discipline mère de plusieurs
sciences, plus particulièrement de la science juridique. De ce fait,
pour comprendre une règle de droit, il est nécessaire de savoir
comment elle est née7. Grâce à cette
méthode, nous avons passé en revue l'évolution
constitutionnelle de la République Démocratique du Congo de 1960
à nos jours en survolant les régimes instaurés par
différentes constitutions pour dégager avec cette perspective, la
prospective. Tout cela ne peut nous laisser indifférent pour
évoquer les quelques difficultés contre lesquelles nous nous
sommes confrontées.
Tout au long de l'élaboration de ce travail, nous nous
sommes confrontés à de nombreuses difficultés, comme cela
a toujours été le cas pour la mise au point de tout travail
scientifique. Et, nous les avions surmontées
6 LUBANZA M., le compromis dans la constitution
de la troisième république, essai de
sociologie politique, sociological paper, UNIKIN, n° 6-7, Nov - Déc
2006, p.10.
7 Mazeaud J., et De juglart M., leçon de droit
civil, Paris, Montchrestien, 1981, p. 35.
par nos moyens de bord afin de produire le présent
travail.
Ce sujet nous a confrontés à des
réalités qui, sans une étude minutieuse, pouvaient nous
embarquer vers un terrain très glissant et la suite serait
catastrophique. Néanmoins, au nom de la science nous nous sommes
fermement tenus de relever les aspects purement scientifiques.
Tenons à préciser que ce travail ne revêt
aucun aspect politique, et si nous avions abordé des questions
politiques, c'est du fait que la politique elle-même en est une science
à part entière et c'est dans ses aspects scientifiques que nous
l'avons abordée.
Vraisemblablement, la recherche ne nous a pas
épargné de multiples difficultés de toutes natures. Ne
disposant pas suffisamment de moyens financiers pour les recherches d'une part
et d'autre part les constitutionnalistes ne sont pas bien vus en face du
pouvoir politique en ce sens qu'ils démystifient le pouvoir ou
désacralisent ce que les gouvernants tiennent pour mythes aux yeux des
gouvernés, mais nous avions pu quand même mettre à point ce
travail.
La recherche nous a coûté presque une vie, du
fait qu'à Matadi, les bibliothèques n'existent pas, il nous a
fallu recourir à tout moment aux bibliothèques de Kinshasa que le
transport et les risques d'accidents ne nous ont pas épargné, les
visites des autorités politico
administratives et de la société civile, et
aussi le recours à l'Internet. Ainsi donc, nous voudrions bien
structurer notre travail.
Notre travail est structuré autour de deux
chapitres :
· Le premier chapitre est consacré à la
typologie classique des régimes politiques ;
· Le deuxième chapitre porte sur l'analyse du
régime politique de la Constitution du 18 février 2006 telle que
modifiée et complétée par la loi n° 11/002
du 20 janvier 2011 portant modification de l'article 71.
Et à la fin, intervient une conclusion.
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