Géopolitique et relations
internationales
Sommaire
PAGE DE GARDE ERREUR ! SIGNET NON
DÉFINI.1
SOMMAIRE 2
ESSAI Erreur ! Signet non
défini.3
BIBLIOGRAPHIE 18
L'émergence d'une Chine moderne
Les changements dans la politique
étrangère chinoise de 1976 à nos jours : analyse d'un
point de vue historique, diplomatique et
géostratégique
???
L
a politique étrangère de la République
Populaire de Chine (RPC) est le résultat de la somme de sa situation
interne additionnée aux possibilités d'action offertes par la
scène internationale. La Chine est avant tout un état
profondément paradoxal et
polymorphe. Elle est un état socialiste ou, pour
être plus précis, un état demeuré socialiste.
Pourtant, la nature capitaliste d'une considérable partie de son
économie, voir même le dangereux adversaire commercial qu'elle est
devenue éclipsent souvent cette nature essentiellement socialiste de la
Chine. De plus, malgré les exceptionnels résultats
économiques de sa zone côtière, il ne faut pas oublier que
ce pays demeure globalement sousdéveloppé : relégué
à la 100ème place dans le classement annuel de
20091, le PIB par habitant atteint 7400$ en 20112.
Néanmoins, la Chine possède d'innombrables atouts : son
gigantesque territoire, sa formidable population et ses ressources naturelles
quasi illimitées, le tout couplé à sa possession de l'arme
nucléaire ou encore à son obtention d'un siege permanent au
Conseil de Sécurité de l'ONU en 1971 en font une superpuissance
au rôle croissant sur la scène internationale depuis ces
dernières années.
1 Voir le classement de 2009 effectué par le
Fond Monétaire International (FMI)
2 Voir le rapport 2011 de la CIA, version du 6 avril 2011,
consulté le 28 avril 2011.
Ainsi, qui d'autre sur la scène internationale peut
vraiment prétendre répondre à tous ces critères en
même temps ? Les autres pays du BRICS 3 , certes
considérés comme des puissances émergentes, ne sont pas
des états socialistes et demeurent avant tout des puissances à
l'échelle régionale plus que de réelles puissances
internationales. Il n'y a que la Chine qui est concurremment un état
socialiste, un pays appartenant au Tiers-Monde et une superpuissance. En
d'autres termes, il n'y a que la Chine qui peut jouer sur ses trois terrains
à la fois. Toute l'originalité de la politique
étrangère chinoise est certes le résultat d'une tradition
spécifique - et dont l'influence demeure toujours très importante
- mais est principalement le résultat de cette situation si
particulière.
C'est dans les années 1980 qu'une gigantesque mutation
aux conséquences colossales fut entreprise. Après une
période de transition suivant la mort de Mao Zedong en 1976, Deng
Xiaoping prit en main le destin de la République Populaire de Chine en
décembre 1979 et la mena sur le chemin de la modernisation
économique, des réformes politico-sociales et de l'ouverture vers
l'étranger, modifiant ainsi à long termes l'équilibre
mondial. Il renonce alors à la planification et à la
centralisation économique pour adopter le système de
l'économie de marché socialiste. Il cesse également de
fonder les relations multilatérales de son pays sur des critères
idéologiques, et s'efforce de développer des relations amicales
de coopération avec tous afin de s'enrichir de toutes les
expériences qui peuvent s'avérer utiles au développement
de l'économie chinoise. Lentement mais sûrement, la Chine «
traverse la rivière en tâtant les pierres4 ». Les
valeurs alors considérées comme « universelles » par
les Occidentaux ne sont nullement universellement acceptées en tant que
telles. L'Histoire5 et les luttes de pouvoir continuent. Et l'un des
enjeux majeurs, autant d'un point de vue chinois que d'un point de vue
général, est l'insertion réussie dans un monde
globalisé d'une Chine qui a expérimenté sous l'impulsion
de Deng Xiaoping, puis de Jiang Zemin et enfin de Hu Jintao, un formidable
développement, résultat d'une libération d'énergie
combinée à une stratégie d'hyper croissance, le tout
soutenu par une large et active diaspora6 chinoise installée
au-delà de ses
3 Acronyme anglais désignant le groupe de
pays formé par le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et
l'Afrique du Sud (South Africa).
4 Entre 1978 et 1984, une série de
réformes massives consistant à mettre fin au système des
communes populaires qui existait depuis 20 ans dans les régions rurales,
et que Deng Xiaoping appelait alors la politique de << traverser la
rivière en tâtant les pierres », permirent d'accorder
à 95% des familles chinoises issues de ces milieux ruraux - soit
à cette époque plus de 160 millions de familles - le droit
forfaitaire de gestion des terrains agricoles. A la suite de cette série
de privatisations, plus de 200 millions de personnes purent être ainsi
sorties de la pauvreté en un temps record et les gains issus de la
productivité atteignirent des sommes astronomiques.
5 Lire << La fin de l'histoire et le dernier
homme », Francis Fukuyama, 1992
6 Il y aurait une estimation de plus de 40 millions
de chinois à l'étranger, la plupart vivraient en Asie du Sud
--Est où ils composeraient une majorité dans la population de
Singapour, et représenteraient une minorité importante en
Indonésie, Malaisie, Thaïlande, les Philippines ainsi qu'au
Vietnam.
frontières. Ainsi, à quel point
l'équilibre du monde globalisé sera à jamais
affecté par ce processus ? C'est, sur la même base que la relation
entre l'Islam et l'Occident, l'une des plus formidables questions du XXIe
siècle.
Poursuite d'une amitié sino-russe pragmatique
Le contexte international de post-Guerre Froide dans lequel
évolue à présent la République Populaire de Chine
nécessite de la part de son gouvernement de changer en profondeur sa
politique étrangère. De plus, il semblerait que cette
dernière est été partiellement modifiée depuis
1989-1991.
Le premier grand défi auquel la République
Populaire de Chine fut confrontée fut les conséquences directes
de la chute du mur de Berlin en 1989 suivi par la dislocation de l'empire
soviétique deux ans plus tard. Le gouvernement de Beijing s'est
opposé pendant plus de trente ans au camp socialiste et cette opposition
méme fut l'excuse principale pour mener à bien sa diplomatie : le
pays s'est rapproché des Etats-Unis afin de mieux affronter l'Union
soviétique. Mais en 1991, avec la désintégration de
l'URSS, tous ses points de repère se sont soudainement effondrés.
Alors que l'Occident y voyait là une pure et simple disparition du
communisme et << la fin de l'histoire7 », la
République Populaire de Chine se vit isolée du reste du globe et
demeura le seul grand état socialiste. Au même moment, les
représailles usées par les grandes puissances occidentales pour
protester contre les massacres du 4 juin 1989 sur la place
Tiananmen8 contribua à isoler d'autant plus la Chine. Les
années 1990 commencèrent ainsi sous de mauvais auspices : la
République Populaire de Chine se devait
7 Lire << La fin de l'histoire et le dernier
homme », Francis Fukuyama, 1992.
8 Les manifestations de Tiananmen, ayant eu lieu
entre le 15 avril et le 4 juin 1989, prirent la forme d'un mouvement
d'étudiants, d'intellectuels et d'ouvriers chinois qui
dénoncèrent la corruption au sein du gouvernement et
exigèrent des réformes politiques et démocratiques.
Après plusieurs tentatives de négociation, le gouvernement
chinois répondit en déclarant l'état de siège et en
faisant intervenir l'armée pour réprimer les manifestations.
Cette répression du mouvement provoqua un grand nombre de victimes
civiles ainsi qu'une indignation générale à
l'étranger. A cet effet, quelques mesures de rétorsion furent
alors prises : embargo sur les ventes d'armes à la Chine - d'ailleurs
toujours en vigueur - de l'ONU, arrêt de la coopération
américaine et européenne en matière militaire et de
renseignement, gèle des relations entre la France et Beijing,
propositions de prolongement des visas étudiants etc...
alors de relever le double défi de surmonter l'embargo
économique imposé par l'Occident tout en s'adaptant au changement
de régime dans l'ancien bloc soviétique.
Néanmoins, la Chine réussit formidablement
à s'adapter à la nouvelle conjoncture mondiale. Ostracisé,
et au lieu de rechercher un refuge dans l'autarcie, le régime de
Pékin accéléra de toutes ses forces son ouverture à
l'étranger afin de regagner au plus vite les faveurs de la scène
internationale. Le pays parvint ainsi à complètement normaliser
ses relations avec la Russie avec l'arrivée au pouvoir de Mikhaïl
Gorbatchev et de sa visite à Beijing en mai 1989. Ce sommet
sino-soviétique entre le président soviétique et
secrétaire général Mikhaïl Gorbatchev et le leader
chinois Deng Xiaoping permit de régler sans accroc le problème
des relations interétatiques. Les décisions prises durant ce
sommet permirent d'aboutir à la série d'accords de 1991
consistant au règlement de leur litige frontalier à l'Est et
à la régulation et la délimitation dans sa
quasi-totalité de la frontière sino-russe. L'année
suivante, la Russie compléta le retrait de ses troupes
stationnées en Mongolie et mena une série de rondes de
négociations avec la Chine visant à réduire leurs forces
militaires respectives à leurs frontières9. De fait,
cet accord établissait l'égalité des droits, et
au-delà, l'égalité politique des deux états. Ce qui
a été longtemps l'objectif de la Chine envers l'URSS depuis 1949
fut paradoxalement atteint seulement quand cette dernière faisait
déjà place à la nouvelle Russie. Après 1992,
c'était le problème de normalisation de ses relations avec ses
nouveaux voisins occidentaux résultant de l'éclatement de l'URSS
(Kazakhstan, Kirghizstan et Tadjikistan) qui préoccupa la Chine. La RPC
parvint là aussi à s'adapter. Elle devait éviter que le
Kazakhstan devienne une puissance nucléaire : la pression
américaine l'en dissuada. De plus, il était urgent de
régler les litiges frontaliers : la Chine y parvint également
entre 1992 et 1996. En termes techniques, elle parvint à organiser un
modus vivendi acceptable avec ses nouveaux voisins, et cela, dans une
période de temps relativement courte. Des mesures de confiance ont
ensuite été étendues aux états d'Asie centrale
avant d'être institutionnalisées par la création du Groupe
des cinq de Shanghai10, consolidant ainsi la relation
sino-soviétique. Durant les années suivantes, les rencontres se
sont poursuivies avec régularité renforçant ainsi leur
confiance mutuelle. Néanmoins, c'est principalement en raison du nouveau
contexte international qui s'est substitué à la guerre froide et
des inquiétudes partagées envers la politique extérieure
de Washington jugée agressive par Beijing et Moscou qui a permis
9 Le retrait des forces soviétiques de
Mongolie et à la frontière chinoise constituait un des «
trois obstacles » au rapprochement sino-soviétique tels
qu'élaborés par Deng Xiaoping lors de la reprise des contacts
entre la Chine et l'Union soviétique en 1982. Les deux autres
consistaient au retrait des forces militaires soviétique d'Afghanistan
ainsi qu'à favoriser le retrait des troupes vietnamiennes du
Cambodge.
10 Le Groupe des Cinq de Shanghai est devenu
l'Organisation de Coopération de Shanghai en juin 2001.
l'établissement de leurs relations
stratégiques11. La Chine et la Russie ont d'abord
signé un « partenariat constructif » en 1994, puis se sont
engagées dans un « partenariat stratégique » en 1997,
ce dernier a ensuite été renforcé par la signature du
« Traité d'amitié, de coopération et de bon voisinage
» en juillet 2001. Ce traité a eu comme effet de synthétiser
les accords précédents en institutionnalisant leur position
commune au niveau de la défense d'un monde multipolaire
régulé par l'ONU et leur opposition à la politique de
puissance12.
Néanmoins, le véritable problème demeure
ailleurs. Demeuré un état socialiste, la République
Populaire de Chine devait-elle se contenter de relations normalisées
avec la Russie non communiste ? Ou bien s'imaginait-elle un rapprochement dont
le but principal serait de contrebalancer l'hégémonie
américaine, superpuissance triomphante à la sortie de la Guerre
Froide? D'une manière extraordinairement pragmatique, le régime
de Beijing choisit le rapprochement avec la Russie depuis 1992 : le commerce
bilatéral entre les deux géants s'est élevé
à presque 34 milliards de dollars US en 2006, une augmentation de 15%
par rapport à l'année précédente13. Les
ventes d'armement et de technologies militaires russes, jumelées
à celles de pétrole et de gaz naturel se situent au centre
même du commerce sino-russe. En ce qui concerne la vente d'armement,
à la suite de l'écroulement de la demande interne
d'équipement militaire suivant la chute du régime
soviétique, la Chine, ciblée par un embargo occidental de vente
d'armes en raison des évènements de la place Tiananmen en 1989,
est devenue un client essentiel à la survie de l'importante industrie
militaire russe. Ce commerce absorbe depuis plus de 40 % des exportations
militaires totales de la Russie et constitue une portion avoisinant 90 % des
importations chinoises d'armement conventionnel. Au niveau de la vente de
pétrole et de gaz naturel, la forte demande en énergie de la
Chine et ses tentatives de diversifier la provenance de ses importations ont
également fait de la Russie un partenaire de choix. Bien que les
livraisons de pétrole ne semblent pas satisfaire la demande chinoise,
elles devraient augmenter considérablement avec la finalisation de
l'oléoduc Sibérie-Pacifique prévue pour 2011, et sur
laquelle la Chine mise pour un embranchement.
Cependant, entre Beijing et Moscou, plus qu'une entente
cordiale d'ordre purement économique, c'est leur rejet mutuel de
l'apparition depuis la fin de la guerre froide d'un monde unipolaire
gouverné par les Etats-Unis et dicté par des valeurs
entièrement occidentales qui les rassemble. Afin de défendre au
mieux cette position stratégique, il est
11 Les deux présidents, Boris Eltsine et Jiang
Zemin, se sont rencontrés 7 fois entre 1992 et 1999.
12 « Déclaration commune des présidents
chinois et russe (extraits) » voir le Quotidien du Peuple en
ligne, juillet 18, 2001. Ce Traité a été taxé
d'anti-américain.
13 Les deux chefs d'état se sont entendus lors
d'un sommet à Beijing en 2004 pour augmenter le commerce
bilatéral à entre 60 et 80 milliards $ en 2010.
naturel que ces deux états se soient rapprochés
au cours des dernières années. Entre la Chine et la Russie, les
politiques traditionnelles ainsi que les intérêts nationaux
semblent ainsi s'imposer plus que jamais. En d'autres mots, le nationalisme -
qui rivalisait autrefois avec le socialisme - l'emporte dorénavant dans
la politique chinoise.
Interdépendance avec les États-Unis
Si la Chine semble se montrer clémente envers la
contre-révolution russe, au point d'aller jusqu'à se rapprocher
du régime de Moscou, c'était essentiellement pour mettre un frein
à l'hégémonisme et aux prétentions
américaines en Asie comme dans le reste du monde. Cette alliance
sino-russe s'est d'autant plus vue renforcée à la suite des
attentats du 11 septembre avec les revendications internationales des
Etats-Unis14. La République Populaire de Chine sait qu'elle
est incapable à elle-seule de contrebalancer la puissance
états-unienne. C'est ainsi qu'elle a choisi de faire face à
Washington en coopérant avec Moscou dans un équilibre
précaire des forces.
Durant les massacres de la place de Tiananmen en 1989, les
Etats-Unis n'ont montré aucune clémence pour la Chine :
suspension des relations politiques, embargo commercial et soutient envers les
dissidents furent là quelques unes des mesures temporaires
décidées unilatéralement par Washington. Néanmoins,
l'attrait pour le marché chinois et la diplomatie chinoise a vite fait
de freiner les ardeurs américaines. La crise du Golfe en 1991 devint
l'opportunité inespérée pour la RPC de renouveler le
contact avec les américains. Aussi longtemps que ces derniers
désiraient placer leur intervention militaire en Iraq sous les auspices
de l'ONU, la complicité ou du moins la neutralité de la Chine
était absolument indispensable. Le régime de Beijing savait
comment exploiter intelligemment la situation en marchandant au compte-goutte
ses votes ou ses abstentions15 au Conseil de sécurité.
Ce choix
14 L'expansion de l'OTAN à l'Est de
l'Europe, le bombardement de la Yougoslavie par l'OTAN en 1999 sans l'aval du
Conseil de sécurité de l'ONU, l'appui américain aux «
révolutions de couleur » et son entêtement à pousser
le « bouclier anti-missile » jusque dans l'ancienne zone d'influence
soviétique et les négociations autour de l'alliance
nippo-américaine, ne sont là que quelques exemples
d'évènements interprétés par la Chine et la Russie
comme étant une stratégie d'encerclement, stimulant ainsi leur
politique de rapprochement.
15 La Chine s'est abstenue de voter sur presque toutes
les résolutions de l'ONU concernant la crise iraquienne avant 1991 et
opposa des sanctions sur le pays par la suite.
diplomatique trouve son explication dans la série de
réformes économiques entamée par Deng Xiaoping en 1992. A
partir de ce moment-là, c'était explicitement une question
d'accepter la Chine pour ce qu'elle est vraiment : un régime communiste
qui poursuit ses buts nationaux tout en prévoyant le contrôle de
son ouverture vers l'étranger ; un pays qui mérite le statut de
pays en voie de développement mais qui ne saurait être
politiquement traité en tant que tel. Pour contrer l'isolement
diplomatique, le régime de Beijing n'avait d'autre choix que le recul
idéologique afin de mieux << cacher ses intentions et accumuler
une force nationale16 ». Cependant, ce recul idéologique
destiné principalement à calmer l'hostilité
américaine, privait la Chine d'une arme morale efficace et engendrait
ainsi un fort sentiment d'infériorité dans la classe dirigeante
chinoise : c'est pourquoi la Chine se trouva par la suite constamment en
position défensive face à l'Occident.
La décennie fut donc dominée par un
face-à-face parfois brutal et dangereux entre les EtatsUnis et la Chine,
mais globalement très prolifique sur le plan économique. La
politique chinoise consistait alors à poursuivre le développement
des relations commerciales, technologiques et financières avec les
américains tout en les contrebalançant sur le plan politique.
C'était alors un exercice diplomatique difficile mais là encore,
la Chine parvint à atteindre la plupart de ses objectifs. Elle a
réussi à devenir en quelques années le troisième
exportateur mondial et le marché américain, qui est aussi son
premier client, absorbe le cinquième des exportations chinoises dans le
monde17. A lui seul, le grand distributeur Wal-Mart a acheté
en 2005 pour 18 milliards de dollars de produits manufacturés en Chine.
Elle est aussi devenue le premier créancier de l'économie
américaine en passant en septembre 2008 au premier rang des pays
détenteurs de bons du Trésor américain18, bons
sur lesquels les Etats-Unis s'appuient depuis longtemps pour financer leur
gigantesque dette. Assise sur un trésor de réserves de changes de
900 milliards de dollars, elle s'est lancée ces dernières
années dans des achats massifs de bons du Trésor (dont la valeur
s'élève maintenant à 585 milliards de dollars, le Japon
reculant au deuxième rang avec 573,3 milliards de dollars). Deux raisons
principales motivent cette politique : d'abord, la demande chinoise permet de
défendre la valeur du billet vert et donc de protéger la
compétitivité monétaire du << made in
16 Tao Guang Yang Hui (????) ou << cacher la
lumière et cultiver l'obscurité » est un proverbe chinois
qui résume bien la stratégie diplomatique chinoise : la Chine n'a
aucun intérêt à apparaître comme une grande puissance
et préfère être toujours perçue comme une puissance
en voie de développement afin de mieux traiter avec l'Afrique ou
l'Amérique latine qui perçoivent tous deux les Etats-Unis comme
l'adversaire impérialiste à contrer. Le jour où les
Chinois accepteront officiellement le titre de 1è puissance mondiale,
ils le seront en fait depuis bien longtemps.
17 Voir l'enquête datant de 2008 de la US
International Trade Commission, US Department of Commerce, and US Census
Bureau.
18 Voir statistiques publiées le 18 novembre
2008 par le département du Trésor américain.
China ». Eviter que le yuan ne s'apprécie
substantiellement par rapport au dollar est une priorité à
Pékin. Ensuite, cet appétit de bons du Trésor maintient
les taux d'intérêt américains à bas niveau,
encourage la consommation - surtout des exportations chinoises très bon
marché - et, finalement, décourage les pressions inflationnistes.
L'explosion d'un conflit ouvert avec les Etats-Unis serait donc très
douloureusement ressentie autant par l'empire du Milieu que par les
américains et serait économiquement désastreux pour
chacun. La Chine a donc préféré miser sur la
sécurité en optant le profil bas ce qui lui a valu d'engranger
des bénéfices dans trois domaines : la levée des sanctions
après 1992, l'octroi par les Etats-Unis de la clause de la nation la
plus favorisée et un accroissement phénoménal des
investissements étrangers directs (IED19). La montée
en flèche des exportations et des IED a ainsi permit de soutenir la
dynamique de la croissance économique chinoise.
Toutefois, la discorde principale dans les relations
sino-américaines est liée à leurs conceptions respectives
de l'organisation en Asie. Bien entendu, la Chine est tout à fait
consciente que son développement économique dépend
essentiellement de ses ventes sur le marché américain mais elle
demeure néanmoins très peu enthousiaste quant à la
question d'une organisation de la région évoluant autour de la
Maison Blanche. Avec la mise en place de la Coopération
économique pour l'Asie-Pacifique (APEC), l'idée était de
créer un dialogue transpacifique garantissant un engagement
américain fort. Mais la volonté politique s'est quelque peu
affaiblie : le Président Clinton a manqué deux forums annuels ;
le Président Bush s'est aussi désisté une fois en
invoquant l'excuse de guerre. De plus, des inquiétudes à propos
de la présence et du leadership américain dans l'organisation se
sont depuis manifestées. C'est ainsi que la Chine a décidé
de tirer profit de cette situation pour mener une offensive pragmatique en Asie
du sud-est et y étendre en conséquence sa présence sur la
question de la sécurité, de la diplomatie ainsi que de
l'économie. Pour Beijing, devenir le leader en Asie - qui est aussi le
marché le plus dynamique et productif du monde - est devenu la
priorité fondamentale. Selon le régime communiste, la fin de la
guerre froide doit nécessairement amener à l'augmentation des
responsabilités de la part de la puissance régionale dominante,
ce qui signifie ici la Chine en Asie.
19 En 2008, le montant des IED perçu par la
Chine a atteint 92,4 milliards de dollars selon les chiffres fournis par le
Ministère du Commerce de la République Populaire de Chine.
L'impérialisme de l'Empire du Milieu
Cet aspect souvent tendu voir négatif de la diplomatie
chinoise est due au fait que l'unité nationale est loin d'être
totalement restaurée. C'est alors un point souvent ignoré mais
qui influence énormément la conduite chinoise. La classe
dirigeante n'hésite donc pas à exacerber la victimisation
historique des chinois, peuple maltraité par la guerre de l'Opium, les
concessions étrangères et l'invasion japonaise, afin de mieux
attiser un sentiment nationaliste au sein des masses populaires. Après
tout, le dépeçage qu'a subit le territoire du XIXe siècle
jusqu'au milieu du XXe siècle a marqué à jamais les
esprits comme le signe suprême de l'humiliation nationale. Le maintien de
l'intégralité du territoire est donc devenu le symbole du respect
internationalement retrouvé.
Un grand pas vers l'unification du pays a été
effectué avec la rétrocession de Hong Kong en juillet 1997 et de
celle de Macao en décembre 1999. Non seulement ces deux Nouveaux
Territoires20 symbolisaient l'ancienne soumission de la Chine face
aux puissances coloniales occidentales, non seulement l'insolent
développement économique de la colonie britannique ne cessait de
souligner le honteux et éternel retard économique de la
mère patrie21, mais plus que tout, ces deux enclaves avaient
le défaut d'être situées dans le territoire même
d'une « seule Chine22 ». L'énergie furieuse
étalée par Beijing à vouloir effacer toutes traces de
démocratie à Hong Kong n'est pas seulement le résultat de
la nature autoritaire du régime chinois, mais est aussi et surtout le
résultat de sa volonté à vouloir y revendiquer là
son entière et pleine souveraineté. Après tout, Hong Kong
est présenté par le gouvernement de Beijing comme le cheval de
Troie de la démocratie qui risquerait d'animer un effet de contagion
politique dans l'ensemble du monde chinois. Cependant, tout en
représentant une certaine menace idéologique,
l'internationalisation croissante de la RPC tend à marginaliser Hong
Kong, accélérant ainsi la captation par Pékin de ses
institutions et de la dilution sur place du mouvement démocratique. La
marche de manoeuvre de l'ancienne colonie britannique est donc très
limitée car le régime communiste est toute disposé
à assimiler toute volonté de
20 Cédés à bail pour 99 ans
à la Grande-Bretagne en 1898, les Nouveaux Territoires étaient
à l'origine de vastes terres agricoles situées essentiellement
sur le continent et sur l'île de Lantau.
21 Hong Kong est de loin la ville la plus riche de
la Chine continentale avec un PIB par habitant de 310 021 yuans, contre 46 586
yuans à Shanghai. En termes de parité de pouvoir d'achat, il
était de 37 300$ en 2006 contre 31 200$ en France et 43 800$ aux
Etats-Unis. Voir CIA, World Factbook, consulté le 7 janvier
2008.
22 La politique d'une seule Chine
(\u19968àêcents'ç) est la position politique chinoise
selon laquelle la Chine est Une et Unie, ce qui signifie que Hong Kong, Macao,
Taiwan, Tibet et Xinjiang feraient tous partie d'une Chine unifiée. La
Chine refuse tous échanges commerciaux et diplomatiques avec les pays
opposés au principe d'une seule Chine.
démocratisation non initiée par lui-même
à un mouvement indépendantiste similaire à celui existant
à Taiwan. La souveraineté n'est certes pas remise en question
à Hong Kong mais le clivage social tend à se focaliser sur le
changement politique en cours.
Le problème de l'unité nationale est aussi
posé par la crise lancinante du Tibet. La Chine impériale
n'était pas seulement un empire au sens politique du terme mais
l'était également au sens colonial. L'objectif est de transformer
l'ancienne suzeraineté de la région en une pure et simple
souveraineté. La crise est inévitable comme la tendance actuelle
n'est plus à la colonisation mais à la décolonisation.
Certes, même si en droit international, les Nations unies reconnaissent
la Chine dans ses frontières actuelles - le Tibet n'a jamais
été répertorié comme pays à
décoloniser - une résolution de 1961 donne aux Tibétains
le droit d'être consultés sur leur avenir. De plus, la
difficulté première ne réside pas seulement dans la
présence coloniale de la Chine au Tibet, mais aussi dans la tentation
que pourrait ressentir les puissances occidentales à vouloir exploiter
cette situation afin de mieux mettre la pression sur un régime
communiste qui leur semble dorénavant vain et parfaitement
anachronique.
Quant à Taiwan, l'unification de l'île avec la
mère-patrie demeure l'objectif fondamental de la politique
étrangère chinoise. Même s'il est de
notoriété publique que si les relations politiques entre la
République mère et la République de Taiwan sont
particulièrement houleuses, les échanges commerciaux entre les
deux entités rivales sont importants, et crées même une
situation d'interdépendance entre les deux économies. Cette
interdépendance aurait pour avantage de rendre d'autant plus
hypothétique une confrontation ouverte avec l'île que celle-ci est
aurait des répercussions catastrophiques de part et d'autre du
détroit. Depuis 2001, la Chine est devenue le premier client de Taiwan
mais également un de ses premiers fournisseurs ; la RPC
représente 5,6% des exportations de Taiwan et 8,6% de ses
importations23 ; l'île investirait également chaque
année jusqu'à 3 milliards de dollars sur le continent et le
montant des échanges commerciaux atteindrait 79 milliards de
dollars24. La Chine a donc besoin de l'économie
taïwanaise pour soutenir sa croissance, rattraper son retard,
acquérir les technologies et les capitaux dont elle a besoin pour
atteindre ses objectifs de croissance, tandis que Taipei dépend du
continent pour soutenir la sienne. Taiwan détient donc bien un
rôle décisif dans le miracle économique chinois, ce que
Pékin a parfaitement saisi en s'efforçant d'attirer les
investisseurs et les capitaux taïwanais. Au-delà des apports
directs que représentent ces investissements, ils sont également
pour la capitale le moyen
23 Source: COMTRADE,
http://www.interex.fr/ATLAS/interex2/economie49.htlm
24 Voir The Business Times, in
Courrier international n°749 du 10 mars 2005. Ces chiffres sont
corroborés par ceux de l'OMC qui donnent un total de 78,3 milliards de
dollars, répartis en 13,54 milliards d'exportations chinoises vers
Taiwan et 64,76 milliards d'importations en provenance de l'île.
d'affaiblir son adversaire en le rendant dépendant de
ses marchés. En effet, l'économie taïwanaise, en
investissant massivement sur le continent se lie de plus en plus les mains,
perdant ainsi sa marche de manoeuvre et son indépendance par rapport
à un pays dont le but ultime n'est autre que sa perte.
L'interdépendance devient donc pour les autorités chinoises une
arme qu'elles entendent bien utiliser à leur profit. Pékin joue
donc, dans ce domaine, un double jeu qui lui permet à la fois de
prospérer en attirant les entreprises du pays, tout en poursuivant son
but ultime d'unification en faisant des investisseurs et des taïwanais
installés sur le continent un élément modérateur de
la volonté indépendantiste du gouvernement de Taiwan. L'île
joue également un rôle majeur du fait de sa position
stratégique essentiel au contrôle des détroits, et par
là celui des routes maritimes dont la Chine dépend pour
s'approvisionner en matière première et en pétrole
nécessaires pour soutenir sa croissance économique. Dans le cadre
d'un monde globalisé où le commerce maritime tient une place
prépondérante et ne cesse de croître25, le
contrôle des routes maritimes est au coeur des préoccupations et
constitue un enjeu majeur, tant sur le plan économique que militaire car
il permet à la fois de contrôler les flux tout en donnant
l'accès à des zones d'intérêts souvent
éloignées. De plus, Taiwan représente surtout un point
d'encrage du « nationalisme chinois », outils dont use et abuse
volontiers le tout puissant Parti Communiste afin de détourner
l'attention des masses populaires des conséquences sociales
engendrées par la croissance. Certain pensent que l'intensification de
cette interdépendance économique entre l'île et le
continent amènerait éventuellement à la résolution
de la crise. Pour le moment, les dirigeants de Pékin, nolens
volens, doivent s'habituer à l'idée qu'ils devront prendre
en compte le protectorat américain sur l'île pour
éventuellement mieux le réduire par la suite. Mais la perspective
de voir ce protectorat être légitimé, sinon
renforcé, serait insupportable pour la Chine ; néanmoins, la
diplomatie chinoise - qui est surtout basée sur la
nécessité absolue de conserver un point d'accès aux
marchés et à la technologie états-unienne - saura
réagir à chaque affront avec calme et pragmatisme. Les leaders
actuels du gouvernement chinois sont obsédés par leurs moyens
d'action. Ils ont compris qu'il n'y a de grands pouvoirs sans grande politique.
Mais ils ont surtout compris à quel point le destin du régime
communiste est solidement lié à sa capacité à
maintenir une croissance économique forte et rapide, en l'absence de
laquelle des conflits sociaux augmenteront et le système
s'effondrerait.
25 Les flux maritimes ont augmenté de 2,3%
entre 1970 et 2001 pour représenter environs 75% du commerce mondial.
Lire Lassere Frederic, « les détroits maritimes des enjeux
stratégiques majeurs ».
La politique africaine de la Chine
Dorénavant, la priorité absolue est donc
d'obtenir un accès aux marchés et aux matières
premières étrangères. D'autant plus qu'à
présent, la croissance économique chinoise engendre des besoins
énergétiques considérables26. Poussée
par un besoin de s'affirmer comme étant un « Etat fort », la
Chine doit de se libérer de toutes contraintes pouvant entraver sa
croissance économique exponentielle : cela suppose qu'elle doit gagner
son indépendance vis à vis des puissances occidentales
concurrentes en matière d'importations énergétiques.
La production interne de pétrole est devenue
insuffisante et les livraisons russes n'atteignent pas le niveau
espéré. La politique extérieure de la RPC qui est
conditionnée, en grande partie, par la recherche d'une
sécurité énergétique place d'emblée le
continent africain et ses matières premieres au coeur des ambitions
chinoises. C'est ainsi que les compagnies pétrolières chinoises
essayent alors d'étendre leurs sources d'approvisionnement (notamment en
Indonésie, au Nigeria27, en mer Caspienne...) afin d'apaiser
la soif d'un pays qui serait contraint d'importer 60% de son énergie
d'ici 202028. À présent, la recherche de l'or noir ne
connaît plus de limite ni de frontières et le pragmatisme
diplomatique a pris le pas sur la rhétorique idéologique : par
nécessité, la Chine traite même avec les pays, tels le
Tchad, qui maintiennent pourtant leurs relations avec l'île de Taiwan.
Cette offensive économique et commerciale29 s'accompagne
d'une intense activité diplomatique. Une centaine de rencontres
officielles ont alors été organisées sous l'égide
des ministères du commerce et des affaires étrangères, qui
se sont dotés de « départements Afrique ». La
diplomatie de Pékin repose majoritairement sur sa doctrine de non
ingérence dans les affaires intérieures, ce qui lui permet de
pouvoir traiter sans état d'âme avec de nombreux pays en crise ou
en délicatesse avec la diplomatie occidentale. Ainsi, le maintien de ses
relations avec le Soudan - pourtant
26 La demande quotidienne en pétrole est
passée de 2,12 millions de barils par jour en 1990 à 3,95
millions de b/j en 1999. Elle est à présent estimée
à 7 millions de b/j à l'horizon 2010. Source: Agence
Internationale de l'Energie OCDE 2004.
27 Durant la visite du président chinois Hu
Jintao en 2006 au Nigeria, la Chine a obtenu la licence d'exploitation de
quatre puits de forage pétroliers et accepta d'investir 4 milliards de
dollars US dans des projets de développement d'infrastructures
pétrolières. Les deux nations ont également accepté
un plan en 4 étapes visant l'amélioration les relations
bilatérales. Voir aussi bibliographie : "China and Nigeria agree oil
deal". BBC News. 2006-04-26.
28 Déclaration officielle datant du 7
janvier 2009 de Ju Jianhua, directeur Général Adjoint du
Département de la Planification du Ministère du Territoire et des
Ressources.
29 Treize des quinze premières
sociétés étrangères installées au Soudan
sont chinoises.
en froid avec les Nations unies en raison de la situation au
Darfour - démontre son cynisme certain : la Chine, lors du vote de
septembre 2004 de la résolution 1564 du Conseil de
Sécurité des Nations unies (ONU) décrétant un
embargo sur les armes à destination de ce pays, a menacé de poser
son veto avant de finalement s'abstenir. Elle a néanmoins fait fi de la
résolution pour livrer des armes au gouvernement de Khartoum
accusé de génocide au Darfour30. Cette nouvelle
manière de faire le business à la chinoise commence à
sérieusement irriter les diplomaties occidentales, officiellement
soucieuses de la bonne gouvernance dans le continent «utile». Car
méme s'il est vrai que les prêts accordés par les
organisations internationales (telles que le Fond Monétaire
International) soumettent le pays bénéficiaire aux conditions du
bailleur, le peu de formalités dont s'embarrasse la Chine pour octroyer
ses crédits ne favorise en rien la transparence financière.
La présence chinoise en Afrique s'inscrit donc dans une
stratégie globale déployée par de le gouvernement de
Beijing consistant à contourner les puissances occidentales
concurrentes, telles que les Etats-Unis et l'Union Européenne. Cette
politique d'aide inconditionnelle
s'appuie principalement sur l'exaltation d'un passé en
commun (la Chine et l'Afrique ont dütous deux épancher
pendant des années la soif coloniale des pays occidentaux) ainsi que sur
la
coopération entre pays du Sud. La Chine entend
dissocier explicitement le développement économique des
réformes politiques et érige le principe fondamental de
non-ingérence et de neutralité comme socle de sa
coopération avec les pays africains. Pour le régime de
Pékin, la démocratie est la conséquence de la
prospérité économique et non le contraire. Cette nouvelle
politique de l'aide découle de l'importance de ses réserves
financières estimées à 2399,2 milliards de
dollars31. Alors que la Chine se contentait de les convertir en bons
du Trésor américain - alors considérés comme
sûrs mais à la rentabilité faible, elle a désormais
choisi de les utiliser à des fins géostratégiques, en se
lançant dans une véritable politique d'investissements en Afrique
pour renforcer son indépendance énergétique. En 2005, le
flux commercial entre la Chine et le continent africain s'élevait
à 40 milliards de dollars et a atteint en 2008 un nouveau record de
106,8 milliards de dollars américains32. Au total,
Pékin consacre 45% de son aide au développement à
l'Afrique grâce à une politique d'investissement multiforme qui a,
selon le Président algérien Abdelaziz Bouteflika, permis à
l'Afrique d'atteindre un taux de croissance de l'ordre de 6%, son taux le plus
élevé de ces
30 Voir le rapport d'Amnesty International de 2006.
31 D'après les calculs de 2009 établis
par la Banque centrale chinoise.
32 Déclaration officielle de Chen Deming,
Ministre chinois du Commerce, à Luanda durant sa visite en Angola en
2008.
trente dernières années33. C'est
ainsi qu'en juin 2006, le Sénégal a
bénéficié d'un allègement de sa dette, qui
atteignait alors 20 millions de dollars. La Chine est également devenue
un généreux investisseur en République du Congo, le plus
grand pays d'Afrique est aussi l'un des plus pauvres au monde, avec un PIB par
habitant de 2966 dollars34. C'est également potentiellement
le plus riche avec un sous-sol recélant les plus importantes
réserves mondiales de cobalt et de tantalum, un métal rare, et
d'énormes gisements de cuivre, d'or, de diamants, de manganèse,
d'uranium et de zinc. Un accord signé en septembre 2007 prévoit
que la Chine injectera 6,5 milliards de dollars dans la construction ou
l'amélioration des infrastructures du pays, ainsi que 2 milliards de
dollars supplémentaires pour ouvrir ou moderniser de nouvelles mines.
Ce nouveau modèle chinois appelé « win-win
» (gagnant-gagnant) où il n'y aurait à priori aucun perdant
assure des aides financières sans conditions en bas de page : ce n'est
plus que du pur business. Ce partenariat stratégique innovant est
présenté par les autorités chinoises comme
dénué de tout esprit d'exploitation et de mercantilisme,
également fondé sur le respect mutuel de la non-ingérence,
alors opposé à l'universalisme des valeurs occidentales.
Conclusion : une politique
différenciée
La stratégie chinoise est loin d'être explicite :
et pour cause, elle est aussi déterminée à longterme
qu'elle est prudente à court-terme. Il y a toutes les raisons de croire
que les leaders politiques chinois ont pour objectif d'atteindre la
parité avec les Etats-Unis et qu'ils utiliseront pour cela tous les
moyens à leur disposition pour affaiblir le puissant empire
américain. Il n'y a pour autant aucune intention révolutionnaire
derrière. Il est même surprenant de voir qu'il n'y a aucun projet
de réorganisation de la société mondiale. C'est là
tout simplement une stratégie de montée en puissance qui mise sur
la prudence et qui prend part dans tous les domaines possibles. Cette
stratégie, qui se fonde essentiellement sur le maintient d'une
croissance économique forte, donne la priorité à la
diplomatie commerciale.
33 Interview du Président algérien
Abdelaziz Bouteflika,
www.el-mouredia.dz, novembre
2006.
34 Source: Statistiques de l'année 2008
fournies par la Banque mondiale.
Malgré les efforts déployés par les
compagnies pétrolières chinoises dans l'élargissement des
sources d'approvisionnement, la Chine sera tôt ou tard bien
obligée d'augmenter ses importations pétrolières en
provenance du Golfe, ce qui signifiera forcément une présence
croissante au Moyen-Orient. Et c'est là que réside toute la
difficulté : comment faire bonne impression dans une région
où l'on ne comprend pas les regles du jeu et où l'on a si peu
d'amis ? Il est certes vrai que le régime de Pékin
n'hésite pas à commercer avec des pays en mauvais termes avec les
Etats-Unis et à gagner leurs faveurs grâce à des
opérations commerciales plus ou moins illicites. De fait, c'est dans les
pays comme l'Irak ou l'Iran où la Chine a le moins de problèmes
pétroliers.
Mais cette diplomatie préserve une certaine
originalité liée à la nature autoritaire de son
régime : les importantes manoeuvres commerciales sont
décidées, contrôlées et conclues par l'organe
politique en place. De fait, la politique étrangère chinoise
donne ainsi la priorité aux relations bilatérales. Elle s'est
habituée aux négociations internationales et aux
assemblées régionales mais c'est dans un contexte
bilatéral qu'elle se sent le plus à l'aise - car est-il
peutêtre le plus propice à la mainmise étatique ?
L'insistance pour les relations bilatérales a un prix : elle court le
risque d'une dispersion politique et diplomatique. Au Moyen-Orient comme dans
la plupart des autres régions du monde, la Chine s'efforce d'obtenir
l'amitié de tous pour parvenir à ses fins. On ne peut que
constater à quel point elle a réussi dans ce domaine, et ce, en
dépit parfois de toute logique diplomatique: en effet, peu de
protagonistes du Moyen-Orient semblent reprocher à la Chine les ventes
d'armes à l'état d'Israël.
En fin de compte, la politique étrangère
chinoise est sürement l'une des meilleures au monde, en partie parce
qu'elle jouit d'une étiquette qui lui évite nombre
d'enquêtes : il n'est pas si certain qu'une attitude similaire
déployée par un tiers pays aurait été aussi bien
tolérée. Mais l'indulgence de la communauté internationale
pourrait ne pas durer éternellement. A présent que la puissance
ainsi que l'influence de la Chine s'intensifie, il sera de plus en plus
difficile de mener une politique étrangère qui offre un tel
contraste entre les discours et la pratique et divise à un tel point les
relations bilatérales. Cette diplomatie est caractéristique de
celle d'une candidate à la superpuissance qui s'abrite pour mieux
préparer le futur. Mais on demandera sürement à l'avenir
plus de cohérence dans la diplomatie chinoise. On lui demandera
également d'afficher avec plus de transparence ses objectifs à
courts termes et de réaliser des propositions concretes en
matière d'organisation de la société mondiale.
De plus, on ne devrait jamais oublier que la diplomatie
chinoise, aussi brillante puisse-t-elle être, s'opère sous deux
épées de Damoclès : les fragilités du
développement économique ainsi que les failles du
système politique. Les progrès que la Chine réalise sur la
scène
internationale demeure avant tout profondément
dépendants du long travail qu'elle doit accomplir avant tout sur
elle-même.
Bibliographie
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Lassere Frederic, « les détroits maritimes des
enjeux stratégiques majeurs »
Le Quotidien du Peuple en ligne, <<
Déclaration commune des présidents chinois et russe (extraits)
», juillet 18, 2001
Livre blanc de 2000
Philippe Pelletier (sous la direction de), «
Géopolitique de l'Asie ", Nathan, 2006, p. 186
Yves Lacoste, « La Chine change l'« ordre " du monde ",
in « Hérodote ", n° 125, deuxième semestre 2007, p.
4
Autres :
Agence Internationale de l'Energie OCDE 2004
Amnesty International, rapport de 2006
Banque centrale chinoise, calculs de 2009
Banque mondiale, statistiques de 2008
BBC News. 2006-04-26. Retrieved 2008-06-21
BBC News. 2006-04-26, "China and Nigeria agree oil
deal".
CIA, World Factbook, consulté le 7 janvier
2008
CIA, The world Factbook China, version du 6 avril 2011,
consulté le 28 avril 2011
COMTRADE,
http://www.interex.fr/ATLAS/interex2/economie49.htlm
Déclaration officielle de Ju Jianhua, directeur
Général Adjoint du Département de la Planification du
Ministère du Territoire et des Ressources, 7 janvier 2009
Déclaration officielle de Chen Deming, Ministre
chinois du Commerce, à Luanda durant sa visite en Angola en 2008.
Département du Trésor américain,
statistiques du 18 novembre 2008
Fond Monétaire International (FMI), classement de
2009
International Monetary Fund's 2009 ranking
Interview du Président algérien Abdelaziz
Bouteflika,
www.el-mouredia.dz, novembre
2006
Ministère du Commerce de la République Populaire de
Chine
The Business Times, in Courrier international
n°749 du 10 mars 2005
US International Trade Commission, US Department of Commerce, and
US Census Bureau, enquête de 2008
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