RESUME
La performance du secteur agricole béninois est en
forte corrélation positive avec la performance de la filière
coton. En effet, le coton est la principale culture de rente au Bénin et
emploie une grande majorité d'actifs agricoles. Mais la volonté
manifeste des producteurs à s'investir dans la culture du coton se
heurte à d'importants problèmes de mauvaises organisations et de
gestions de la filière (exemple de la campagne cotonnière
2006-2007). Ces problèmes affectent négativement non seulement le
revenu des paysans mais aussi les ressources de l'état. Afin de palier
la baisse des revenus des ruraux, plusieurs politiques de développement
agricole ont été élaborées dont le crédit
agricole (à travers la microfinance) mais ces différentes
politiques de promotions de crédits agricoles peinent à prendre
ou ont échoué.
Par ailleurs, les producteurs ruraux arrivent tant bien que
mal à renverser ou à gérer la tendance baissière de
leurs revenus agricoles à travers la mise en oeuvre de diverses
stratégies. Une hausse des revenus agricoles rime avec une hausse des
capacités de financement des activités de production agricole.
Les résultats de la présente recherche, à travers
l'analyse des stratégies développées par les producteurs
ruraux pour financer leurs différentes activités de production
agricole, permettront une meilleure élaboration de futures politiques de
développement agricole, orientées vers les producteurs ruraux,
par la prise en compte de ses stratégies.
A cet effet, quatre objectifs ont été
spécifiés:
- évaluer les revenus agricoles annuels des producteurs
ruraux de la commune ;
- déterminer la part des revenus agricoles annuels
utilisée par les producteurs ruraux pour financer les activités
agricoles ;
- identifier les autres stratégies de financement des
activités agricoles développées par les producteurs ruraux
;
- identifier les contraintes liées au financement des
activités de production agricole dans la commune.
La commune de Gogounou, située dans le
département de l'Alibori, est le milieu d'étude choisi compte
tenu du partenariat entre cette commune et l'Université de Parakou
appuyée par le projet NPT BEN-WU.
Les données collectées ont permis
d'évaluer le revenu agricole annuel moyen des producteurs ruraux qui
s'élève à 619.720 Fcfa. Ce revenu est relativement faible
comparé aux énormes charges liées à l'exercice des
différentes activités de production agricole à savoir
l'agriculture, l'élevage et les transformations des produits agricoles.
Et c'est dans le but de remédier à la faiblesse de leurs revenus
et de leurs capacités d'investissement que les producteurs ruraux ont
développé plusieurs stratégies de financement. Par
ailleurs, d'après les résultats du test de comparaison de moyenne
et de l'ANOVA à un facteur, les revenus agricoles moyens ne varient pas
selon le sexe (t = -0,504 p=0,615), ni selon les groupes d'activités (~
= 0,684 p=0,506), ni selon le niveau d'éducation (~ = 1,193 p=0,306) au
seuil de 5%.
Mais il existe une relation entre la part moyenne de
réinvestissement des revenus agricoles annuels dans les activités
de production agricole et le sexe au seuil de 1% (t = 3,883 p=0,00). La part
moyenne de réinvestissement des hommes s'élève à
37,67% contre 201,79% pour les femmes. Les femmes réinvestissent plus
leurs revenus agricoles dans les activités de transformations
agro-alimentaires que les hommes dans l'agriculture ou l'élevage. Ces
derniers optent pour l'investissement de leur revenu dans les biens de
consommation ou les cérémonies. La pratique de la transformation
des produits agricoles requiert d'énormes dépenses
incompressibles contrairement à l'agriculture et l'élevage
où l'utilisation de différentes stratégies permette de
réduire sensiblement les investissements.
Plusieurs stratégies sont utilisées par les
producteurs ruraux pour financer les activités de production agricole.
Les stratégies à court terme, développées par les
producteurs ruraux, visent la satisfaction de besoins de financement ponctuels
tels que la rémunération de la maind'oeuvre, le paiement des
frais de vaccination, le transport des produits de récolte...Le
bradage des produits de récoltes, l'achat à
crédit, le recours au marché parallèle, ou
encore l'utilisation de la main d'oeuvre familiale culturale
appartiennent à cette première catégorie de
stratégie.
L'appartenance à une association ou un groupe,
la diversification des activités, l'épargne sur
pied, la pratique de spéculation sur les produits de
récoltes ou les animaux d'élevage constituent les
principales stratégies à moyen et long terme. Les producteurs qui
adoptent ces stratégies visent à terme une augmentation de leur
revenu global afin de mieux faire face aux énormes charges liées
aux différentes activités de production agricole.
Parmi ces deux catégories de stratégies, des
stratégies indirectes et des stratégies directes de financement
peuvent être distinguées.
Les producteurs ruraux s'heurtent à plusieurs
contraintes qui entravent fortement le développement de leurs
différentes activités de production agricole.
L'hiérarchisation des contraintes varie selon les groupes
d'activités. Ces contraintes de financement peuvent être directes
ou indirectes. Ainsi l'insuffisance d'intrants agricoles, le
retard dans le paiement de la dette `'Coton» et le mauvais
état des voies d'accès sont les contraintes majeures au
niveau des agriculteurs. Les principales contraintes de financement
énumérées par les éleveurs sont par ordre
d'importance l'insuffisance de retenue d'eau, l'insuffisance des
aires de pâturage et le mauvais état des voies
d'accès. En ce qui concerne les activités de transformations
agroalimentaires, l'insuffisance de pompe hydraulique,
l'insuffisance de main-d'oeuvre, et le manque d'information sur
les sources de financement sont les contraintes les plus importantes
liées au financement de cette catégorie d'activité. Les
trois contraintes majeures énumérées par chaque
catégorie de producteur représentent les plus importantes parmi
les multiples contraintes que nous avons pu identifier au cours de
l'étude.
Par rapport à ces différents résultats, nous
avons proposé plusieurs suggestions dont les plus importantes, selon les
objectifs de l'étude, sont :
> Objectif I :
- création des conditions à l'augmentation des
investissements dans les activités agricoles
pour l'accroissement de la productivité agricole, et par
ricochet des revenus agricoles.
- augmentation des investissements dans le secteur agricoles par
tous les acteurs impliqués
dans ce secteur.
> Objectif II :
- réduction des investissements dans les biens
matériels et augmentation de la part des revenus agricoles
réinvestie dans les activités de production agricoles par les
agriculteurs et les éleveurs. Cela devrait permettre à terme
l'augmentation des revenus agricoles de ces derniers.
> Objectif III :
- prendre en compte les stratégies de financement des
activités agricoles développées par les producteurs ruraux
dans l'élaboration des politiques de développement ou des
initiatives visant la réduction de la pauvreté.
> Objectif IV :
- la prise de mesure ou le développement d'initiatives
visant la levée des contraintes majeures énumérées
par chaque catégorie de producteur constituera un pas important dans la
réduction de la pauvreté en zone rurale. En effet, ces
contraintes de financement tant directes qu'indirectes entravent fortement le
développement des activités de production dans la commune de
Gogounou.
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