à‰lections démocratiques et forces centrifuges en RDC: essai de revisitation des revendications du mouvement politico religieux Bundu Dia Kongo( Télécharger le fichier original )par Mahatma Julien TAZI K. TIEN-A-BE Université de Kinshasa RDC - DES 2010 |
II. REVENDICATIONS DU MOUVEMENT BUNDU DIA KONGOIl nous parait impérieux de commencer ce point combien important par situer ce mouvement dans le temps et dans l'espace. 1. Messianisme ne Kongo et naissance du Mouvement Bundu dia Kongoa. Historique des mouvements messianiques Ne KongoIl faut commencer par noter que les mouvements messianiques dans le monde et particulièrement en République Démocratique Congo ne sont pas les faits du hasard. Ils naissent toujours dans une circonstance particulière. Généralement, c'est dans des situations de frustration, d'injustice sociale ou d'exclusion que naissent ce genre de mouvement. La situation de la province du Bas Congo n'est pas en reste. En effet, la toute première pensée messianico-mystique dans la province du Bas Congo commence très loin dans la colonisation. C'est bien la prophétesse ne kongo nommée MAFUTA dit Marie Louise Martin qui en est la promotrice (4(*)). Pour s'en rendre compte, il faut noter ... « qu'en 1703, la Madonna lui était apparue et lui avait dit que son fils était indigné contre ceux de Kibangu et surtout contre le roi, parce qu'ils étaient méchants et ne voulaient pas quitter le mont pour aller à Sâo-Salvador. Elle était chargée d'aller annoncer ces châtiments dans tout le mont Kibangu. Comme preuve, elle montrait une pierre trouvée dans l'Ambriz, toute informe et prétendait que c'était la tête du Christ déformée par la méchanceté des hommes et des femmes.... » (5(*)) A partir de cette description, nous découvrons que la prophétesse ne kongo n'avait d'autres objectifs que la restauration du royaume kongo en vue de permettre l'annonce de la bonne nouvelle. La deuxième est bien sûr la prophétesse Béatrice Kimpa Vita qui fonda un grand mouvement religieux à caractère messianique et revendicatif, Antonisme. Selon elle, elle fut morte et ressuscitée. En vision ou en songe, elle vit Saint Antoine qui lui donna des ordres pour la restauration de Mbanza-Kongo. Elle était envoyée auprès du roi. Au peuple, elle lui ordonne ainsi de se soulever pour restaurer Sâo-Salvador et l'unité du royaume. La mission de la prophétesse était de prêcher la restauration du royaume détruit. Sa prédication était une protestation contre l'Église catholique qu'elle jugeait complice de la destruction du kongo. Les deux premiers mouvements ont eu un même objectif : la restauration de l'empire Kongo (6(*)). Le mouvement antonien fondé par Kimpa Vita est le plus important mouvement messianique. Il intervient dans un contexte de crise marqué par les querelles entre les dynasties Kimpanzu et Kinlaza d'une part et celles qui opposent les Jésuites portugais aux Capucins italiens et espagnols. Sous la bannière de Saint- Antoine, Kimpa Vita circule à travers le Kongo, fait des prodiges, prêche la restauration du royaume, parle contre les missionnaires, le pape et les sacrements de l'Eglise. Elle a fini par transformer le Salve Regina en Salve Antoniana. Son message est considéré comme de la folie superstitieuse, hérétique, idolâtre et blasphématoire pour les missionnaires. Elle enseigne en même temps que Jésus Christ est né à Mbanza Kongo (Nouveau Bethléem), qu'il avait été baptisé à Nsundi (Nazareth) et que ses apôtres étaient des Noirs. Cette naturalisation de la religion chrétienne, avec transposition géographique du drame chrétien semble être accompagnée d'une valorisation des Noirs. Ils constituent les bases revendicatives sur lesquelles d'autres mouvements nationalistes ne kongos se grefferont. (7(*))
Un autre mouvement nationaliste ne Kongo d'une grande importance est le Kimbanguisme. A première vue, le kimbanguisme est un mouvement revendicatif. Il a pris ses origines lointaines dans les courants fondateurs que nous avons cité ci haut. Il a, en outre hérité le même combat : la restauration de l'homme noir, la revalorisation du ne kongo, l'épanouissement de l'homme noir, de sa société en général et de la société ne kongo en particulier et l'Inculturation de l'Evangile en Afrique noire. Simon Kimbangu revendiqua la « kongolisation » de l'Eglise de Jésus Christ sur la terre de ses ancêtres à l'imitation de Kimpa Vita ou Ndona Béatrice du Kongo-dia-Ntotila. Il réclama en outre un vice-roi né- Kongo pour l'Etat Indépendant du Kongo. Comme ces prédécesseurs, l'élément de base est, sans nul doute, les injustices sociales et raciales de la colonisation, la mauvaise gestion des ambitions des noirs par les colonisateurs. Simon Kimbangu rappelle aux ne Kongo le passé glorieux du grand royaume Kongo et de tous ses contacts avec les étrangers. Il pense que le démembrement de ce royaume par les colonisateurs a détruit l'unité des Bakongo en les écartelant entre plusieurs pays : la République Démocratique Congo, l'Angola et la République du Congo. Il introduit dans ses enseignements l'éveil de la conscience politique et spirituelle. Les mouvements messianiques ne sont uniquement pas une réalité sociologique des Ne Kongo de la RDC. Ils existent également à l'autre rive. En effet, en République du Congo Brazzaville, le même type de message se développe. Il est l'oeuvre d'André Gérard Matswa, chef de fil du matswanisme. En effet, Le Matswanisme reste une spécificité du Congo Brazzaville. Ce mouvement religieux incarne la résistance contre la colonisation. Depuis les indépendances, le Matswanisme reste une composante importante dans les villes congolaises, intégrant les nouveaux cultes syncrétiques.(8(*)). L'imaginaire autour de ce Messie a donné naissance à une conscience collective et active de mobilisation et de protestation. Ce mouvement est repris actuellement dans la politique de Kolelas et du pasteur Ntumi dans la région du pool. En dehors des mouvements ci hauts cités, il y a aussi les doctrines ngunzistes. Ces mouvements semblent à la fois bridés et sous- estimés dans les villes congolaises. Ils sont dirigés par des prophètes qui s'efforcent de délivrer les peuples de la domination et de l'oppression. Le Ngunza (Messie ou Prophète) a pour mission de rétablir l'ordre , instaurer l'unité et mettre fin aux maux et à toutes les infériorités dont souffre le peuple. Le Ngunza réclame, au nom du peuple, le droit de respecter sa mentalité, ses aspirations et sa culture. Il s'agit d'assurer la régulation de l'ordre social. Comme partout en Afrique, le Ngunza ou le Messie apparaît moins rédempteur que médiateur pour son peuple, et on attend de lui, la grâce, le salut et un surcroît de vie matérialisée. (9(*)) Vers les années 50, le messianisme ne Kongo prend la forme politico culturelle. La continuation du combat est allée à l'Alliance des Bakongo, l'Abako. A la lumière des revendications messianiques précitées, les ne kongo de l'Abako prétendent avoir de l'ascendant sur les autres communautés de la République. L'Abako présente le ne Kongo comme le Premier congolais à être entré en contact avec l'homme blanc. Sa province étant le point d'entrée et de sortie pour toute la République. Elle offre en plus, à toute la République l'électricité du barrage d'Inga. Pour tout cela, au lieu d'être considéré comme tel, il est pris au même titre que tout le monde. Pensant contribuer inutilement au développement des autres provinces et à sa propre paupérisation, l'Abako réclame, comme mouvement centrifuge une auto définition communautaire, un repli identitaire. Ces velléités seront atténuées après la décision de Lumumba de confier la présidence de la République à Kasavubu. La gestion de la chose publique sous le régime Mobutu renforce le sentiment de frustration et les revendications identitaires réapparaissent avec force. Le processus de démocratisation des années 1990 a très vite montré la persistance du sentiment etho tribal ne kongo. Ce dernier s'est exprimé d'abord par une exigence de kongolisation des cadres politico administratifs au Bas Congo. Il faut noter qu'un mouvement similaire a été observé au Katanga. Il était dirigé contre les Kasaiens entre 1992 et 1994. Au Bas Congo, nous avons assisté à l'émergence sur la scène nationale du roi Mizele Nsemi Bernard qui se dit descendant des derniers souverains kongo. Il affirme avoir reçu une révélation divine en 1988 pour ressusciter leur royaume. Il fut arrêté et jugé en 1996. Le roi Mizele réclame l'indépendance de trois de onze provinces du pays (le Bas Congo, le Bandundu et Kinshasa) dont le territoire faisait, en gros, partie de l'ancien royaume Kongo, et seraient étendu sur 1,2 million de km (10(*)) * 4.MARTIN, M.- L., Simon Kimbangu, un prophète et son Église. éd. Du SOC, Lausanne, 1981, P.32 * 5.BERNARDO DA GALLO, cité par JADIN, L., « Les sectes religieuses secrètes des Antoniens au Congo (1703-1709) », in Cahiers des religions africaines, n°3, 2eme Année, Janvier, Paris, 1968, Vol2.p.116 * 6.DISILA, « NKIMPA VITA Béatrice et le mouvement de l'antoinisme », in http://www.nekongo.org/observateur/kongo-0502/antonianisme.html, consulté le 22 juillet 2009 * 7SINDA, M., Le Messianisme congolais et ses incidences politiques, éd. Payot, Paris, 1972, p.56 * 8. SINDA, M., op .cit., p. 56. * 9.Cf. EBERHARDT, J., « Messianismes en Afrique du Sud », in Archives de Sociologie des Religions n°4, 1972, pp.31-56. * 10 CROS M.- F. et MISSER, F. , Géopolitique du Congo (RDC), éd. Complexes, 2006, pp.77-78 |
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