EPIGRAPHE
« La vérité éclaire
l'intelligence et donne sa forme à la liberté de
l'homme... »
Jean Paul II, Veritatis Splendor
DEDICACE
A tous les miens, je dédie ce travail !
AVANT - PROPOS
Nous voici au terme de ce premier cycle universitaire à
la Faculté de Théologie. Ce présent travail vient
couronner tous les efforts consentis au cours de ces trois longues
années de graduat passées aux Facultés Catholiques de
Kinshasa. Pour y parvenir, nous avons eu l'assistance de plusieurs personnes
qui nous ont aidé à réaliser ce travail scientifique.
Ainsi, nous faisons notre, le devoir de nous acquitter de la dette de
reconnaissance envers toutes ces personnes.
Nous tenons de ce fait à remercier sincèrement
le Professeur Abbé Sébastien MUYENGO qui, malgré le temps
qu'il devait consacrer pour ses propres recherches, a bien voulu diriger ce
travail. Nous le remercions de tout coeur. A travers lui, nous pensons
également à l'Assistant Abbé François NAKATALA pour
ses sages conseils et surtout son sens d'orientation, ainsi qu'à
Monsieur Louis MISYO. Nous ne pouvons pas oublier tout le corps professoral de
la Faculté de Théologie qui nous a donné une solide
formation scientifique. Aux amis et combattants de lutte de notre promotion,
nous réitérons les mêmes sentiments.
Nos remerciements s'adressent aussi à la
Société Saint Paul qui a eu confiance en nous, en nous envoyant
étudier dans une bonne institution académique. Nous pensons ainsi
à tous les confrères de notre circonscription et plus encore aux
membres de notre communauté du Juniorat. Que le Père Jacques
BOSEWA, recteur de la Communauté du Juniorat, trouve à travers
ces lignes, l'expression de notre sentiment de reconnaissance.
A tous ceux qui nous ont aidé de près ou de
loin, afin d'arriver à ce stade ou nous nous retrouvons actuellement,
qu'ils retrouvent à travers ces pages notre sentiment de
reconnaissance.
Daniel KAHYA, ssp
INTRODUCTION GENERALE
I. PROBLEMATIQUE
Parler de la liberté, surtout dans un contexte
ecclésial, est une tâche assez malaisée. Et pour
cause ? La loi ou les commandements de Dieu (Décalogue) semblent
limiter le champ d'action de cette liberté, provocant ainsi une
confusion des termes, entre liberté et libertinage, et créant un
certain conflit entre la liberté et la vérité.
Ce malaise provient du fait que la liberté se range du
côté de la Loi. Car, lorsque par exemple Dieu ordonne à
l'homme de manger de tous les fruits des arbres du jardin (Gn 2,16-16), lui
interdisant de manger les fruits de l'arbre de la connaissance du bien et du
mal, la liberté de l'homme s'arrêtait donc à l'application
de cette prescription. Car lorsque l'homme cherche à décider de
lui-même de ce qui est bien et ce qui est mal ou d'appliquer le bien ou
le mal, selon sa propre guise, il se fait aussi Dieu. Ces déviations que
nous remarquons actuellement ne sont-elles pas les conséquences de cette
première désobéissance ?
Conscient de cette mauvaise compréhension de la
liberté, le Pape Jean Paul II d'heureuse mémoire, mit sur papiers
ses réflexions que nous retrouvons dans l'encyclique Veritatis
Splendor c'est-à-dire la Splendeur de la Vérité, afin
que le monde, au contact avec ce document, redécouvre dans l'Eglise le
véritable sens et signification de la liberté. C'est dans ce sens
qu'il nous fait voir que la liberté consiste en ce que
« le pouvoir de décider du bien et du mal n'appartient pas
à l'homme, mais à Dieu seul ». Cette la
liberté humaine ne consiste que dans la compréhension et la
réception de la loi divine. De ce fait, la liberté implique la
notion de la Loi et de la Vérité qui s'entrecroisent formant
ainsi un seul bloc, nonobstant les quelques points de divergence.
Tout compte fait, tout homme qui veut s'engager dans la voie
de la parfaite liberté est appelé à une acceptation de la
vérité, une vérité qui va de paire avec la Loi car
la Loi et la Vérité sont une réponse au bien
déjà donné. La liberté cherchera à se
réaliser à l'intérieur de cette Vérité-Loi
pour tendre vers le bien éternel ou vers la félicité
éternelle.
De notre côté, nous nous proposons, à
travers cette rédaction, d'analyser cette pensée du Pape Jean
Paul II afin de la rendre compréhensible à tous, et surtout au
peuple de notre nation.
II. INTERET ET CHOIX DU SUJET
Le deuxième chapitre du livre de la Genèse
rappelle le genre humain que le pouvoir de décider du bien et du mal
appartient à Dieu, et non à l'homme. C'est en acceptant la Loi de
Dieu, qui protège et promeut la liberté de l'homme, que celle-ci
s'épanouit, cela pour dire que la notion de la liberté est vaste
mais limitée par cette dépendance inaliénable à
Dieu.
Et pourtant, le relativisme moral que connaît notre
société actuelle, renvoi au second plan voire dans les oubliettes
une si riche conception de la liberté. L'homme contemporain est parvenu
à déloger Dieu dans sa manière de concevoir la question
de la liberté jusqu'à en faire un libertinage à la place
de cette première.
Une telle conception de la liberté est un danger
permanant pour la société actuelle, d'autant plus que le monde ne
pourra pas se développer si chacun de nous vit comme dans une jungle ou
dans un état de nature. Il faudrait donc avoir une morale de
référence commune afin d'aider l'univers dans son
développement. Et pourtant, c'est ce que nous vivons aujourd'hui. De ce
fait, mener une analyse sur la liberté en partant de l'encyclique du
Pape Jean Paul II est une tâche noble. Ceci est donc la motivation qui
justifie l'intérêt et le choix de ce sujet qui nous paraît
d'ailleurs très actuel.
III. METHODOLOGIE DU TRAVAIL
Afin de mener à bon port notre investigation
théologique, nous allons recourir à la méthode
herméneutique grâce à laquelle nous interpréterons
le texte de l'auteur pour finir ensuite à une contextualisation de
l'encyclique, en tenant compte de notre environnement vital ici en
République Démocratique du Congo.
IV. SUBDIVISION DU TRAVAIL
Sans compter l'introduction et la conclusion, notre travail se
subdivisera en trois parties essentielles. La première présentera
brièvement l'encyclique et élucidera quelques concepts, la
deuxième développera la notion des thèmes même de ce
travail, à savoir la Liberté, la Loi ainsi que la
Vérité. Enfin le troisième chapitre parlera de
l'actualisation de ces thèmes dans la vie du congolais, afin d'aider
tant soit peu, au développement du pays.
CHAPITRE PREMIER
LA SPLENDEUR DE LA
VERITE
I.0. INTRODUCTION
Ce premier chapitre présentera les idées
maîtresses de l'Encyclique Veritatis Splendor. En effet, cette Encyclique
expose les raisons d'un enseignement moral enraciné dans l'Ecriture
Sainte et dans la Tradition apostolique de l'Eglise, tout en mettant en
lumière les pensées présupposées ainsi que les
conséquences des controverses dont cet enseignement a été
l'objet.
Mais avant d'analyser systématiquement l'encyclique,
nous donnerons un aperçu sommaire sur la vie de Jean Paul II.
I.1. L'AUTEUR ET SON
OEUVRE
I.1.1. Jean Paul II, un Pape entre deux siècles,
deux millénaires1(*)
De son vrai nom Karol Wojtyla, Jean Paul II est né le
18 mai 1920 à Wadowice, une petite ville située près de
Cracovie, en Pologne. Il est le fils cadet de Karol et d'Emilia Kaczorowska. Le
20 juin 1920, il reçoit le sacrement de Baptême. Il commence
l'école élémentaire en 1926. Et trois ans plus tard, il
reçoit la Première communion.
Au cours de cette même année 1929, il perd sa
mère Emilia. Une année après, il est admis à
l'école dit `'Gymnase'' où il apprend l'Allemand. Il fait preuve
d'un talent remarquable en poésie et dans l'apprentissage des langues
étrangères. En 1933, il perd son frère aîné
Edmund, qui fut médecin, et resta ainsi le fils unique de sa famille.
Durant cette même année, il achève la
troisième année de Gymnase avec une grande distinction. Une
année après, il apprend la langue grecque et devient
président du mouvement des jeunes « Association
mariale », mouvement dédié à la dévotion
mariale.
Passionné par la littérature et le
théâtre, il entre dans une troupe théâtrale
« Studio 38 » pour se perfectionner. Et en 1938, il entre
à la Faculté de Philosophie Et Lettres de l'Université de
Jagellonica. En 1939, la deuxième guerre mondiale commence. Son
père se décide de l'amener vivre à Cracovie. En 1940, pour
éviter d'être déporté en Allemagne, il se fait
engager comme travailleur dans une carrière de pierres.
Le 18 février 1941, il perd son père et reste
seul au monde. Il se décide alors d'entrer au séminaire de
Cracovie au mois d'octobre 1941. Il y étudie la théologie en
clandestin. Cinq ans plus tard, il est ordonné prêtre, le
1er novembre 1946. Son évêque l'envoie poursuivre les
études théologiques à l'Université Angelicum de
Rome, où il sort docteur en théologie morale quelques
années après. Il rentre au pays et devient professeur de
théologie. Durant cette époque, il publie une pièce
théâtrale portant sur la pertinence du sacrement de mariage.
En 1958, il est nommé Evêque auxiliaire de
Cracovie. A la mort de l'Archevêque de Cracovie en 1962, il assure
l'intérim, et deux après, il est nommé et sacré
Archevêque de Cracovie. C'est à ce titre qu'il participe au
Concile Vatican II, où son intervention sur la liberté religieuse
et la dignité de la personne est capitale. Il apportera même plus
tard une importante contribution dans l'élaboration du document
conciliaire `'Gaudium et Spes''.
En 1967, le Souverain Pontife Paul VI le crée cardinal.
Et à la mort de Jean Paul 1er, il est élu Pape,
à l'issue du conclave en 1979. Il fut le 453ème pape
de l'histoire de l'Eglise Catholique Romaine. Durant son pontificat, il fait
plusieurs choses étonnantes. Nous retenons entre autres sa lutte contre
le régime communiste, ses nombreux reproches à l'égard du
capitalisme, sa recherche infatigable de la liberté, l'institution des
Journées Mondiales des Jeunes (JMJ)2(*), les rencontres mondiales des familles, etc.
En homme passionné de la littérature, il
rédigea plusieurs ouvrages que nous présenterons d'ailleurs dans
sa bibliographie. Il entreprit aussi plusieurs voyages à travers le
monde, non pas en touriste mais en vue de réconforter ses frères.
Il visita 131 pays et parcouru 1.500.000 kilomètres. Terrassé par
la maladie, il meurt le 6 avril 2005.
I.1.2. Petite bibliographie
Jean Paul II fut un homme de lettres. Dès son bas
âge, il écrivit plusieurs poèmes. Durant sa carrière
professorale, il publia aussi des nombreux ouvrages. Et même en tant que
pape, il continua d'écrire. Nous citerons, à la fin de ce
travail, quelques ouvrages dont il a pu rédiger.
I.2. ELOGE DE LA VERITE
I.2.1. Le titre, les destinataires, l'objet et le plan de
l'encyclique
L'encyclique que nous analysons a comme intitulé
Veritatis Splendor c'est-à-dire la Splendeur de la
Vérité. C'est un véritable éloge de la
vérité. Elle fait voir comment l'homme, un être
créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, et par
là appelé à la félicité céleste, se
détourne de cette visée divine pourtant salvifique pour lui, pour
s'adonner à tout ce qui peut le corrompre. Et cela sous l'instigation de
Satan.
Pour mieux échapper au contrôle de Dieu, il
commence par développer sa propre conception de la liberté,
malheureusement erronée, afin de tout faire à sa guise. Les deux
premiers mots de l'encyclique viennent rappeler alors à l'homme que
malgré cette conception qu'il a de la liberté, une liberté
à sa manière, la vérité est en lui et qu'il ne peut
pas l'étouffer. A ce sujet le pape écrit :
« La Splendeur de la Vérité se
reflète dans toutes les oeuvres du créateur et, d'une
manière particulière, dans l'homme créé à
l'image et à la ressemblance de Dieu : la vérité
éclaire l'intelligence et donne sa forme à la liberté de
l'homme »3(*).
Contrairement à la plupart d'autres encycliques, ici le
Souverain Pontife s'adresse à ses frères dans l'épiscopat,
c'est-à-dire les évêques. Car, pour lui, un tel message
d'une richesse hors du commun ne peut être vulgarisé avec
pertinence qu'avec l'aide de ceux-ci, car ils partagent avec lui la
responsabilité de garder la sainte doctrine (V.S. n°5). Et
surtout, à cause du langage utilisé, qui est très
technique et par là, difficile à être compris par les
esprits non initiés au langage théologique.
Le rôle d'un pasteur dans l'Eglise Catholique Romaine
est d'exhorter, de dénoncer et d'expliquer, afin de conforter, soutenir
et consoler le peuple de Dieu, nous rappelle le Pape (V.S. n°4).
Et c'est dans cette optique qu'il relit l'ensemble de l'enseignement moral de
notre Eglise « dans le but précis de rappeler quelques
vérités fondamentales de la doctrine catholique, qui risquent
d'être déformées ou rejetées dans le contexte
actuel » (V.S. 4). Et pour cause, l'homme actuel veut
séparer la conception naturelle de la liberté de sa source, qui
est au fait la vérité. Il se laisse aveugler par certaines
évolutions scientifiques qui amènent des nouvelles conceptions
anthropologiques et éthiques. Le pape veut alors, à travers les
pages de cette encyclique, rappeler aux autres évêques de
conserver l'enseignement de l'Eglise dans son authenticité. Tel est
l'objet de cette encyclique.
Comme plan, le pape structure l'encyclique en trois chapitres.
Le premier, intitulé « Maître, que dois-je faire de
bon... ? » est essentiellement un commentaire du récit
biblique du jeune homme riche (Mt 19, 16s). De ce récit, Jean Paul II
tire quelques thèmes qu'il développe par rapport à la
question morale que pose le jeune homme à Jésus. Le
deuxième chapitre, intitulé « Ne vous modelez pas sur
le monde présent » est une analyse sur certaines tendances de
la théologie morale actuelle. C'est au fait ici où il
développe les concepts que nous nous proposons d'analyser ; il
s'agit spécialement de la liberté et de la loi, de la conscience
et de la vérité, etc. Et le troisième chapitre enfin,
portant comme thème « Pour que ne soit réduite à
néant la croix du Christ » montre le but que vers lequel doit
tendre la morale.
I. B. 2. « Maître, que dois-je faire
de bon... ? »
Le pape Jean Paul II commence son encyclique par une analyse
du récit du jeune homme riche, texte tiré de Matthieu 19, 16-21.
C'est dans ce sens que nous invite d'ailleurs le Concile Vatican II, à
relier toute réflexion morale aux Ecritures et au mystère du
Christ4(*).
De cette analyse, il ressort que la question morale du jeune
homme, une personne non autrement identifiée et donc qui peut
représenter toute personne humaine, est une question de plénitude
de sens pour la vie et non une recherche sur les règles à
observer (V.S. n°7). De là nous pouvons comprendre qu'il
ne recherche que la perfection, une perfection qui le mènera à la
liberté.
La préoccupation du jeune homme riche
« Maître, que dois-je faire de bon ? » est une
question essentielle car elle veut concilier la vie morale et la vie
spirituelle. De ce fait, le jeune homme « pressent qu'il existe
un lien entre le bien moral et le plein accomplissement de sa destinée
personnelle » (V.S. n° 5). Connaissant
intensément la Loi, il recherche la réponse à sa question
non plus du côté de celle-ci mais plutôt de celui de la
morale, une morale éclairée par Jésus, car c'est Lui qui
révèle au monde la vérité sur l'agir humain. Ceci
devient alors une invitation pour l'homme de ce siècle à tourner
son regard vers le Christ afin de recevoir de lui la réponse sur ce qui
est bien et sur ce qui est mal (V.S. n°7). De ce point de vue,
« la vie morale se présente comme la réponse due
aux initiatives gratuites que l'amour de Dieu multiplie dans ses relations avec
l'homme. Elle est une réponse d'amour » (V.S.
n° 10). Seul le Christ peut nous mener au coeur de cette morale
évangélique afin de déboucher vers la vérité
toute entière.
La réponse de Jésus à la question du
jeune homme nous fait découvrir avant tout que l'homme, pour
découvrir ce qui est bon à vivre, doit s'adresser à Celui
qui est déjà par nature Bon, c'est-à-dire à Dieu.
C'est pourquoi Jean Paul II dit : « Dieu seul peut
répondre à la question sur le bien, parce qu'il est le
Bien » (V.S. n° 12). La question du jeune homme
riche devient alors une recherche à concilier l'action moralement bonne
à ses racines religieuses car l'homme n'est bon que parce que son
créateur, qui est aussi sa source, est bon.
Cette réponse de Jésus nous fait
découvrir ensuite que l'homme doit se référer à la
Loi, car à partir d'elle « Dieu se fait connaître et
reconnaître comme Celui qui `'seul est le Bon'' ; comme Celui qui,
malgré le péché de l'homme, continue à rester le
`' modèle'' de l'agir moral... comme Celui qui, fidèle
à son amour pour l'homme, lui donne sa Loi pour rétablir
l'harmonie originelle avec le créateur et avec la création et
plus encore pour l'introduire dans son amour » (V.S.
n° 10). La vie morale se veut alors comme réponse de l'homme
à l'amour gratuit de Dieu. Et le bien, pour l'homme, devient alors
appartenir à Dieu, lui obéir, le suivre en pratiquant la justice
et la miséricorde (V.S. n° 10). De ce fait,
reconnaître le Seigneur comme l'Unique, devient le coeur même de la
Loi. Et l'homme, pour y arriver, ne doit compter que sur l'aide du Seigneur qui
se révèle à lui et le rend capable de le reconnaître
comme tel. Car, dit le pape, « aucun effort humain, pas
même l'observance la plus rigoureuse des commandements, ne réussit
à `'accomplir'' la Loi... `'L'accomplissement'' ne peut venir que d'un
don de Dieu » (V.S. n°11).
La réponse que Jésus donne au jeune homme
comporte deux volets. Le premier fait allusion à la première
table des commandements, volet qui veut qu'on reconnaisse Dieu comme l'Unique
Seigneur et l'absolu. L'homme ne peut rendre culte à aucun autre
être qu'à Lui seul, parce qu'il est l'Unique. Le deuxième
volet de cette réponse comporte la deuxième table des
commandements, qui en soit, est une synthèse de la loi naturelle et
concerne l'homme. Jésus met ensemble la vie spirituelle et la vie morale
pour amener l'homme à la félicité céleste. De cette
compénétration, il fait ressortir l'essentiel du
Décalogue, à savoir aimer Dieu, et aimer son prochain. Le pape
Jean Paul II dit à ces propos : « Les
différents commandements du Décalogue ne sont en effet que la
répercussion de l'unique commandement du bien de la personne, au niveau
des nombreux biens qui caractérisent son identité d'être
spirituel et corporel en relation avec Dieu, avec le prochain et avec le monde
matériel » (V.S. n° 13). Jésus ne
rappelle à ce jeune homme que de sauvegarder le bien de la personne, qui
est l'image de Dieu.
Aimer Dieu et aimer l'homme sont complètements unis
entre eux. Et c'est Jésus lui-même qui en est l'expression de
cette invisible unité. Par sa mort, il rend témoignage de cet
amour qu'il a pour son Père et pour l'humanité. Il devient de ce
fait le symbole et le lieu même de la jointure de ces deux commandements.
Et l'homme, à la suite du Christ, doit devenir aussi ce symbole et ce
lieu de jointure. Il ne peut pas prétendre aimer Dieu s'il n'aime pas
son prochain (Cfr.1 Jn 4, 20). Le Pape dit en effet : « sans
l'amour du prochain qui se concrétise dans l'observance des
commandements, l'amour authentique pour Dieu n'est pas
possible » (V.S. n° 14).
Et pour y arriver, le Seigneur propose lui-même une
piste de solution « Si tu veux être parfait va, vends ce
que tu possèdes et donne-le aux pauvres ... » (Mt 19, 21).
Tout homme qui veut arriver à la perfection du coeur doit apprendre
à devenir pauvre de coeur, comme il est dit dans le sermon sur la
montagne. Et c'est à ce stade qu'intervient le rôle des
Béatitudes dans la vie de tout un chacun car elles « n'ont
pas comme objets propre des normes particulières de comportements, mais
elles évoquent des attitudes et des dispositions fondamentales de
l'existence » (V.S. n° 17), lesquelles attitudes
prédisposent l'homme à tourner son regard vers les
réalités d'en haut.
Cette perfection que recherche l'homme exige une
maturité dans sa donation à Dieu et une acceptation volontaire
à être à sa suite. Et c'est là le sens de la
liberté humaine. Car, pour parler de la liberté, il y a en
premier lieu les commandements comme condition imprescriptible, ensuite vient
l'abandon total à ces commandements jusqu'à en faire corps avec
soi. Cette liberté de l'homme et la Loi divine s'appellent mutuellement
pour former un seul ensemble, pouvant mener l'homme à sa pleine
perfection.
Tout celui qui pratique cet amour pour Dieu, en se laissant
guider par l'Esprit, se réalise et s'épanouit dans la Loi divine,
cependant celui qui vit selon la chair, trouve en cette Loi un poids lourd
à porter. Il la considère même comme une négation
à sa liberté. Il sied tout de même de comprendre que cette
vocation à l'amour n'est pas l'apanage des quelques individus seulement,
elle est donnée à tout le monde. Tout celui qui sent cet appel,
est convié à le vivre et l'appliquer. De la sorte, tout le monde
peut parvenir à la pleine perfection, dont Dieu est la mesure. Et
Jésus en est le modèle si le monde veut véritablement
apprendre à aimer. En Jésus-Christ, Dieu s'est fait homme pour
nous apprendre à être des hommes selon le dessein du
Père5(*).
Le partage entre Jésus et le jeune homme riche ne
s'arrête pas avec ces deux protagonistes, il continue à travers
toutes les générations, passées et futures. Aujourd'hui
comme hier, la préoccupation du jeune homme est nôtre. Car, nous
sommes tous à la recherche du bien à accomplir. Et comme dans le
temps passé, c'est toujours Jésus qui donne la réponse
intégrale et finale à cette question (V.S. n° 25).
N'a-t-il pas dit lui-même qu'il est avec nous tous les jours,
jusqu'à la fin de temps ? (Cfr Mt 28, 20). Et cette présence
du Christ parmi les hommes de ce temps, « se réalise dans
son corps qui est l'Eglise » (V.S. n°
25). L'Esprit Saint, donné à tous, fait sentir cette
présence et rappelle ce que les chrétiens doivent faire.
Ce même Esprit aide la communauté
ecclésiale universelle à promouvoir l'unité et à
garder la foi et la vie morale, tout comme les apôtres l'ont fait au
début de l'Eglise. Le Concile Vatican II dit à ce propos :
« L'Eglise perpétue dans sa doctrine, sa vie et son culte,
et elle transmet à chaque génération, tout ce qu'elle est
elle-même, tout ce qu'elle croit. Cette tradition qui vient des
Apôtres se poursuit dans l'Eglise, sous l'assistance du Saint
Esprit » (V.S. n° 27). Grâce à cet
Esprit, elle garde et transmet le contenu de la foi, la Tradition ainsi que les
Ecritures saintes des générations en générations.
Et par la Tradition, elle développe l'interprétation authentique
de la Loi du Seigneur (V.S. n° 27), tâche que Vatican II
exprime en ces termes : « la charge d'interpréter de
façon authentique la parole de Dieu, écrite ou transmise, a
été confiée au seul Magistère vivant dans l'Eglise
dont l'autorité s'exerce au nom de Jésus
Christ »6(*).
C'est pourquoi, l'Eglise sent l'obligation de conserver le dépôt
de la foi, avec amour et détermination, et à promouvoir les
valeurs morales.
De ce récit du jeune homme riche ressort trois
idées. La première invite l'homme à se soumettre à
Dieu, lui qui est le seul Bon, de l'aimer et de faire sa volonté. La
deuxième est la pertinence de pratiquer le bien moral ; ceci fait
allusion à la relation avec l'homme. La troisième est
l'idée de la destinée dernière ou la fin dernière
où l'homme doit tendre, c'est-à-dire la vie éternelle, fin
qui se prépare dans l'Eglise, corps mystique du Christ.
I.2.2. « Ne vous modelez pas sur le monde
présent » (Rm 12, 2)
Après avoir développé dans le premier
chapitre le récit du jeune homme riche, le pape Jean Paul II s'est mis
à présenter certaines tendances de la théologie morale
actuelle par rapport aux positions de l'Eglise. Il précise que l'Eglise,
dans sa mission, doit veiller sur l'agir humain. Et c'est grâce à
la théologie morale qu'elle accomplit cette lourde mission car, elle est
une réflexion sur le caractère bon ou mauvais des actes humains
et de la personne qui les pose (V.S. n° 29).
Dans cette deuxième partie de l'encyclique, le Pape
Jean Paul II utilise les concepts techniques appropriés à la
théologie morale, qu'il essaie d'expliquer, concepts qui causent
actuellement problème à cause des déviations que l'on
observe dans le monde actuel, quant à leurs explications, surtout dans
le monde des théologiens. Ne le souligne-t-il pas lui-même
lorsqu'il écrit : « dans le cadres des débats
théologiques post-conciliaires, se sont toutefois répandues
certaines interprétations de la morale chrétienne qui ne sont pas
compatibles avec la `' saine doctrine '' » ? (V.S.
n°29) C'est pourquoi il explique à ses frères dans
l'épiscopat certains principes qui aideraient au discernement de ce qui
contraire à la saine doctrine. Voici les thèmes
développés :
I.2.2.a. La liberté et la loi
Dans le monde d'aujourd'hui, les problèmes les plus
débattus se rattachent à celui de la liberté humaine. Car
pour certains, l'homme doit agir en vertu de ses propres options et en toute
libre responsabilité, non sous la pression d'une contrainte, mais
uniquement par la conscience de son devoir7(*). C'est à partir d'une telle conception de la
liberté que certaines tendances se sont écartées de ce qui
est vérité sur l'homme, un être créé à
l'image et à la ressemblance de Dieu, jusqu'à absolutiser cette
nouvelle conception de la liberté. On retrouve parmi les adeptes de
cette doctrine les athées ainsi que tous ceux qui ont déjà
perdu le sens de la transcendance.
Le pape commence d'abord par énumérer quelques
conceptions erronées de la liberté. La première tendance
est l'attribution à la conscience individuelle des privilèges qui
le rend comme une instance suprême du jugement moral. L'homme devient
capable de juger de ce qui est bien et de ce qui est mal, à partir de sa
propre conscience. Ce jugement est considéré vrai et
irréfutable parce qu'il provient de la conscience. La
vérité, dans cette tendance, a cédé sa place
à une conception subjective du jugement moral. Il sied de comprendre que
cette crise au sujet de la vérité peut amener à une
mauvaise compréhension de la notion de la conscience humaine même,
qui généralement se traduit comme un acte de l'intelligence
humaine qui doit conduire à l'application universelle du bien, par celle
de déterminer uniquement les critères du bien et du mal, de
manière autonome (V.S. n° 32).
La deuxième tendance est celle relative à
certaines doctrines qui font de la liberté une absolue
souveraineté. Ici la liberté est considérée comme
créatrice des valeurs et est autonome dans sa substance. La
vérité est pour eux une création même de cette
liberté. Cette tendance a marqué même certains
théologiens catholiques qui pour eux, parlant dans le sens de la raison
et de la foi, soutiennent la notion de la souveraineté totale de la
raison dans le domaine des normes morales, et oublient la dépendance de
la raison humaine à la sagesse divine. Ceci entraîne comme
conséquence le fait de nier que Dieu est l'auteur de la loi morale
naturelle et que l'homme par sa raison, participe à la Loi
éternelle (V.S. n° 36). Et que l'Eglise n'est
devenue qu'une parénèse générale. Elle n'a plus
aucune compétence doctrinale spécifique.
Après avoir stigmatisé les conceptions
erronées de la liberté et de la loi, Jean Paul II se livre par la
suite, à expliquer la véritable conception de la liberté
ainsi que celle de la loi. Il part du livre du Siracide où il
montre que Dieu, en créant l'homme, l'a laissé à son
propre conseil, afin qu'il découvre seul celui qui l'a
créé. C'est le premier sens de la liberté. De ce point de
vue, l'homme participe à la seigneurie divine et possède un
pouvoir sur lui-même.
Nous développerons ce point sur la liberté et la
loi assez largement dans le deuxième chapitre de notre travail. Mais
à présent, passons sur ce que le pape entend sur la
conscience et la liberté.
I.1.2.b. La conscience et la vérité
D'entrée de jeu, le pape souligne que
« le lien qui existe entre la liberté de l'homme et la Loi
de Dieu se noue dans le `'coeur'' de la personne, c'est-à-dire dans sa
conscience » (V.S. n° 54). Et cette conscience
rappelle à l'homme qu'il y a en lui une loi qui n'a pas
été faite par lui, à laquelle il est soumis
d'obéir. Aimer et chercher à accomplir le bien tout en
évitant le mal proviennent de cette loi. De ceci découle le lien
étroit entre la liberté et la loi d'un côté, et la
conscience de l'autre côté. La liberté et la loi ne peuvent
être comprises que s'il y a une bonne interprétation de la part de
la conscience (V.S. n°54).
Pour certains penseurs, cette conscience humaine dans son
autonomie, est créatrice des valeurs. Avec une telle pensée, ils
remettent en question son rôle d'être le témoin de la
fidélité à Dieu et à sa Loi. De fait, ils
parviennent même à nommer les actes de celle-ci comme étant
des décisions et non plus des jugements, avec comme risque de
faire considérer la conscience comme étant la norme objective de
l'agir humain.
Le danger d'une telle conception est que chaque individu
pourrait juger de bon, par sa conscience autonome, un acte que la loi morale
qualifie d'intrinsèquement mauvais (V.S. n° 56). Il s'en
suivra également une opposition entre la loi naturelle et sa propre
conscience. Alors l'identité même de la conscience morale face
à la liberté perdra son sens.
Quant à vérité, elle intervient dans
l'homme lorsque le jugement de la conscience pousse ce dernier à assumer
ses responsabilités du bien accompli et du mal commis. Pour ainsi dire
que, lorsque l'homme commet un acte mauvais par exemple, sa conscience le
disposera à assumer que cet acte commis est mauvais. C'est au fait cela
la vérité universelle du bien. Celle-ci ne se limitera pas
uniquement au fait d'assumer son acte, mais le prépare également
à demander pardon et de chercher à pratiquer la vertu.
Il sied aussi de comprendre que l'homme doit chercher la
vérité et la promouvoir afin que sa conscience soit dite `'bonne
conscience''. Et ceci est l'oeuvre de l'Esprit Saint qui fait d'elle une
conscience qui ne falsifiée pas la Parole de Dieu ni la loi non plus, et
qui demeure pure, évitant de se modeler sur le monde présent
(V.S. n° 62). Cette recherche de la
vérité doit pousser l'homme à développer une
certaine vigilance car il est probable, c'est ce qui arrive d'ailleurs, qu'on
retrouve dans les jugements de la conscience des erreurs. Car
« la conscience n'est pas un juge infaillible : elle peut se
tromper » (V.S. n° 62). Par conséquent,
l'homme est appelé à former chaque jour sa conscience et à
la rendre objet d'une conversion continuelle à la vérité
et au bien (V.S. n° 64).
I.1.2.c. Le choix fondamental et les comportements
concrets
Dans cette partie du chapitre, Jean Paul II parle de la
conception qu'ont certains auteurs sur la manière de considérer
la liberté. Pour ces derniers, la liberté qu'a l'homme est une
`'liberté fondamentale'', plus pénétrante que la
liberté de choix, qui est pour l'homme un rôle-clé pour
atteindre l' `'option fondamentale'' grâce à laquelle il devient
autonome dans ses décisions.
La conséquence qui découle d'une telle
manière de considérer la liberté est que l'objet
immédiat des actes de l'homme ne sera plus la recherche du bien absolu
et transcendantal, mais plutôt celle des biens particuliers. L'homme ne
cherchera plus à tendre vers l'Etre Suprême, fin ultime de tout,
car lui-même sera cette fin.
L'Eglise catholique, par sa doctrine morale, reconnaît
aussi l'importance que revêt le choix fondamental dans la vie humaine. Ce
choix engage radicalement la liberté devant Dieu et confirme la vie
morale. Et le pape fait allusion ici au choix de la foi ou de
l'obéissance de la foi du fait que c'est grâce à ceci que
l'homme s'en remet à Dieu dans toute sa liberté. Et dans la
Nouvelle Alliance, ce choix fondamental se situe au niveau de la réponse
que le jeune homme riche de Mt 19, 21 donne à la question de
Jésus '' si tu veux être parfait... viens et suis-moi'',
réponse que chaque personne humaine devra donner au Maître. Car
par ce choix fondamental, l'homme pourra orienter sa vie vers la
véritable fin ultime. Toutefois, cette faculté
« s'exerce dans les choix particuliers d'actes
déterminés, par lesquels l'homme se conforme
délibérément à la volonté, à la
sagesse et à la Loi de Dieu » (V.S. n° 67).
Il y a aussi des opinions qui remettent cette conception de
l'Eglise en question. Ils séparent le choix fondamental du comportement
concret. Cette séparation risque de provoquer une contradiction dans
l'intégrité même l'agent moral, c'est-à-dire
l'homme. Pour ainsi dire que la moralité des actes humains ne
s'arrête pas uniquement à l'intention, à l'orientation ou
au choix fondamental mais à l'ensemble de tout ce qui forme l'homme.
I.1.2.d. L'acte moral : téléologie
et téléologisme
Les actes humains sont les lieux ou se rencontrent et se
manifestent la liberté humaine et la Loi de Dieu. Et c'est à
partir de ces actes que l'on peut situer l'évolution de l'homme :
s'il se perfectionne ou pas. D'après Jean Paul II, ces actes sont des
« actes moraux parce qu'ils expriment et déterminent la
bonté ou la malice de l'homme qui les accomplit. Ils ne produisent pas
seulement un changement d'état d'éléments
extérieurs à l'homme, mais, en tant que
délibérément choisis, ils qualifient moralement la
personne qui les accomplit et ils en expriment la physionomie spirituelle
profonde » (V.S. n° 71). Ils sont ainsi comme des
facteurs qui aident à l'observer, à porter un jugement sur
lui.
Et pour un chrétien, la moralité de ses actes,
dit Jean Paul II, se définit grâce à la
Révélation de Dieu et par la foi. C'est pourquoi ils doivent
témoigner de leur conformité ou non, avec la dignité et la
vocation données par Dieu au moyen de la grâce. Ainsi, le Christ,
aîné d'une multitude de frères (Rm 8,29), devient
l'image à laquelle tout chrétien doit se conformer.
De ce fait, leur moralité se définie lorsqu'il
se crée une relation entre liberté humaine et bien authentique,
bien qui en est le fruit de la Loi éternelle ou tout simplement de la
Sagesse divine ordonnant tout les êtres. Ainsi, un acte devient
moralement bon lorsqu'il est conforme au vrai bien de l'homme et tendant vers
Dieu, sa véritable fin ultime. Par conséquent, l'agir de l'homme
ne devient bon que lorsqu'il tend vers cette ultime fin, et non pas parce il
peut aider à atteindre un but apparemment bon, ou tout simplement parce
que l'intention de celui qui la pose est bonne (V.S. n° 72).
C'est en ce sens que la vie morale a en elle un caractère
téléologique fondamental, « car elle
consiste dans l'orientation délibérée des actes humains
vers Dieu, bien suprême et fin ultime de l'homme »
(V.S. n° 73).
Pour le Souverain Pontife, l'agir libre de l'homme
dépend des sources même de la morale, notamment l'intention, la
circonstance et l'objet, pour reprendre la doctrine thomiste des sources de la
morale. Cette conception permettra le développement des certaines
théories se montrant attentives à la conformité des actes
humains avec des fins poursuivies par l'agent et avec les valeurs qu'il admet.
Toutefois, ces critères seraient obtenus par la pondération des
biens moraux à atteindre. Ce téléologisme, définit
comme méthode de découverte de la norme morale, peut alors
définir les critères de justesse d'un agir
déterminé à partir du seul calcul des conséquences
prévisibles de l'exécution d'un choix, et peut même
pondérer entre eux les valeurs de ces actes et les biens poursuivis,
afin de s'intéresser à la proportion entre les effets bons et
les effets mauvais (V.S. n° 75).
Pour le pape, il existe ici aussi certaines tendances qui
voudraient libérer les contraintes d'une morale de l'obligation,
volontariste et arbitraire, mais qui se révèle toutefois
inhumaine. Ces tendances peuvent avoir une certaine force de conviction par
leur affinité avec la mentalité scientifique,
préoccupée d'ordonner les activités techniques et
économiques en vue des ressources et des profits. Elles
« croient pouvoir justifier, comme moralement bons, des choix
délibérés de comportements contraires aux commandements de
la Loi divine et de la loi naturelle » (V.S. n°
76). Elles veulent partir de la casuistique de l'ancien temps, tout en oubliant
que ces cas ne concernaient que la loi qui paraissait douteuse et qu'elle ne
remettait pas en cause la validité absolue des préceptes moraux
négatifs. De ce point de vue, « la moralité de
l'acte humain dépend avant tout et fondamentalement de l'objet
raisonnablement choisi par la volonté
délibérée »8(*), comme le dit saint Thomas.
I.B.4. « Pour que ne soit réduite
à néant la croix du Christ » (1Co 1, 17) : Le bien
moral pour la vie de l'Eglise et du monde
Le troisième chapitre de l'encyclique Veritatis
Splendor est une piste d'atterrissage de toutes les théories que le Pape
Jean Paul II a développé dans le chapitre
précédent. Ici le Pape tire, en quelques sortes, certaines
conclusions pour la vie du chrétien, de la société, de la
nouvelle évangélisation ainsi que du théologien
moraliste.
De ces conclusions, soulignons le problème fondamental
qui est en ces jours menacé. Celui-ci consiste dans le rapport entre la
liberté humaine et la Loi de Dieu, problème qui définie au
fait le rapport entre la liberté et la vérité. Car la
liberté, pour qu'elle soit effective, doit tenir compte de ce qu'exige
la vérité. La foi chrétienne ainsi que la doctrine de
l'Eglise ne disent-elle pas que « seule la liberté qui se
soumet à la Vérité conduit la personne humaine à
son vrai bien. Le bien de la personne est d'être dans la
Vérité et de faire la
Vérité »9(*) ?
En effet, cette conclusion ressort de la confrontation entre
la position de l'Eglise Catholique avec la situation sociale et culturelle
actuelle. Cette situation sociale et culturelle contemporaine a perdu en elle
le lien essentiel entre le trinôme
vérité-bien-liberté en le substituant par une morale
erronée de la liberté humaine. Cette nouvelle conception
amène malheureusement l'homme à une autodestruction progressive.
Le mépris de la vie symbolisé par l'euthanasie par exemple, la
violation de droits fondamentaux de la personne humaine, l'avortement, ne
sont-ils pas des signes alarmants provenant de cette nouvelle conception ?
« Et même, dit le Pape, il est arrivé une
chose plus grave : l'homme n'est plus convaincu que c'est seulement dans
la vérité qu'il peut trouver le salut. La force de salvifique du
vrai est contestée et l'on se confie à la seule
liberté ; déracinée de toute objectivité, la
tâche de décider de manière autonome de ce qui est bien et
de ce qui est mal » (V.S. n° 84).
Maîtrisant la réflexion rationnelle et ne jugeant
tout que par elle, l'homme croit aujourd'hui être le maître de
tout. Il n'accepte comme vrai que ce qui est prouvé par la raison et par
son expérience. Et pourtant, démontre Jean Paul II, cette
« réflexion rationnelle et l'expérience quotidienne
montrent la faiblesse qui affecte la liberté de l'homme. C'est une
liberté véritable, mais finie : elle n'a pas sa source
absolue et inconditionnée en elle-même, mais dans l'existence dans
laquelle elle se situe et qui, pour elle, constitue à la fois des
limites et des possibilités » (V.S. n°
86).
Chercher coûte que coûte à séparer
radicalement la liberté et la vérité entraîne des
conséquences graves. Parmi ces conséquences, il y a une qui
revêt d'une importance capitale : la foi même de la
morale. Plusieurs personnes vivent en ce moment comme si Dieu n'existait pas,
ils ont, en un certain sens, vendu leur foi. Et même parmi les
chrétiens, la foi de quelques-uns est affaiblie et a perdu son
originalité de critère nouveau d'interprétation et
d'action pour l'existence personnelle, pour celle de la famille, ainsi que
celle de toute une société. De ce fait, l'Eglise a l'obligation
de retrouver et de présenter à nouveau le vrai visage de la foi
chrétienne, une foi qui n'est pas uniquement un ensemble de propositions
à accueillir et à ratifier par l'intelligence, mais au aussi une
connaissance et une expérience du Christ, une mémoire vivante de
ses commandements, une vérité à vivre (V.S.
n° 88).
Parvenir à vivre une telle expérience, dans le
monde actuel, peut devenir comme ramer à contre courant. Là
où la majorité veut aller, le chrétien doit faire le
contraire, si ce chemin là l'empêche à atteindre la
Vérité, même s'il faut arriver jusqu'au martyre. L'Ancien
Testament est riche exemple, lorsqu'il retrace la vie des certains personnages
qui ont cherché la Vérité au dépend de leur vie.
L'histoire de Suzanne (Cfr. Dn 13), en est un cas. Et même dans le
Nouveau Testament, Jean Baptiste, contre toute attente, n'a pas
préféré sacrifier la vérité au dépend
du mensonge. Et le Pape encourage même les fidèles, s'il est
nécessaire, d'arriver jusqu'au martyre s'il le faut pourvu que la
vérité triomphe. Car le monde n'a pas besoin de mensonge. Les
saints, nos frères, ne sont-ils pas un exemple pour nous ?
Cette morale que le Souverain Pontife propose, a aussi une
dimension sociale et politique. De nos jours, plusieurs formes d'injustice
sociale et économique ou de corruption politique sont venues à
l'existence. Le bas peuple, victime de cette cupidité des puissants, en
paye le pot cassé. Il devient même bafoué et humilié
dans ses droits les plus fondamentaux. Les plus nantis ne recherchent que leurs
propres biens. Et pourtant, Dieu étant le Bien suprême veut le
bonheur de chacun. De ce point de vue, le Pape combat farouchement certains
systèmes qui aident à avilir l'homme, notamment le totalitarisme,
système qui nie, à sa racine, la dignité et l'aspect
transcendantal de l'homme, et pourtant il est un être créé
à l'image et à la ressemblance de Dieu.
Il est vrai, reconnaît le Pape, qu'il est difficile
d'atteindre l'objectif que la morale chrétienne s'est assignée.
C'est pourquoi il demande au monde de compter sur la grâce divine. Et
pour symbole de reconnaissance par rapport à celui qui accorde cette
grâce, il faudrait obéir à sa Loi. Une loi qui ne recherche
que le bien de la personne. Pour lui, afin d'atteindre cet objectif,
« les possibilités concrètes de l'homme ne se
trouvent que dans le mystère de la Rédemption du
Christ » (V.S. n° 103).
Outre ces sujets abordés, Jean Paul II a
développé également l'idée que la morale
chrétienne doit accompagner la nouvelle évangélisation.
Elle doit être elle-même cette
« évangélisation porteur de nouveauté, une
évangélisation qui doit être nouvelle en son ardeur, dans
ses méthodes, dans son expression » (V.S.
n° 106). Et les théologiens moralistes, tout comme l'ensemble de
l'Eglise, sont appelés à porter une main forte à cette
évangélisation par le témoignage d'une vie de foi, en
proposant une réflexion toujours plus approfondie sur le contenu de la
foi, sous la conduite de l'Esprit Saint. Et les évêques, premiers
gardiens du dépôt de la foi, ont cette obligation d'assumer la
lourde responsabilité de la foi du peuple de Dieu ainsi que de toute la
vie chrétienne.
Comme conclusion, le Souverain Pontife confie toutes les
personnes, les épreuves et les joies que l'existence humaine peut
connaître ainsi que la vie morale même des fidèles sous la
protection de Marie, mère de miséricorde, elle qui accompagne
toujours l'Eglise. Au fait, le Pape appelle ainsi Marie Mère de
miséricorde parce qu'elle est la mère de Jésus,
l'Homme-Dieu qui a été envoyé par le Père pour
révéler au monde la miséricorde. Elle porte
également ce titre parce que sur la croix, c'est à elle que
Jésus confia l'Eglise naissante (Lc 23, 34). De ce fait, le choix fait
par Jean Paul II de confier toutes les personnes ainsi que leur vie à
Marie a sa raison d'être.
I.3. CONCLUSION DU
CHAPITRE
Après avoir présenté brièvement le
contenu de l'encyclique, nous nous sommes rendu compte que les problèmes
moraux relevés par le Pape Jean Paul II sont d'une importance capitale
dans la vie du monde en général et de l'Eglise en particulier.
Les déviations morales dont le Souverain Pontife fait
allusion ont tendance à prévaloir sur ce qui doit être
vécu normalement, sur ce qui est déjà bien en soi. De ce
point de vue, il rappelle que les vérités de la doctrine
catholique ne doivent pas être déformées ou
rejetées. Elles doivent être plutôt acceptées,
comprises et vécues dans un contexte actuel.
C'est pour quoi, dans le premier chapitre, il démontre,
à partir des Ecritures, que l'homme doit chercher à pratiquer ce
qui est bien ou ce qui est bon. Il part de la question du jeune homme riche en
Mt 19 « Maître, que dois-je faire de bon ? ».
Dans le deuxième chapitre, il commence par dénoncer toutes les
tendances qui mènent l'homme actuel à des déviations et
rappelle au monde la vraie doctrine morale. Et dans le troisième
chapitre, il propose des moyens pour arriver à appliquer ces principes
moraux dans la vie quotidienne. C'est à cette analyse que nous nous
sommes adonnés tout au long de ce premier chapitre. Toutefois, quelques
questions restent suspendues à nos lèvres : quel est le
véritable sens de la liberté ? Quel est le rôle de la
Loi par rapport à la liberté ? Quelle relation devons-nous
lier entre cette liberté et la vérité ? Telles sont
les questions que nous nous proposons de répondre, partant de
l'encyclique Veritatis Splendor, dans les lignes qui suivent.
CHAPITRE DEUXIEME
LIBERTE, LOI ET VERITE: UN
TRINOME COMPLEMENTAIRE
II. 0. INTRODUCTION
Le progrès technoscientifique a introduit dans le monde
actuel une nouvelle manière de penser, de vivre, de concevoir Dieu.
Celle-ci a deux faces : la face positive qui rend la vie actuelle plus
agréable, et la face négative qui s'est élaborée en
véritable crise. Cette crise a même bougé certaines
tendances de la morale universelle : la notion de la liberté n'est
plus considérée de la même manière comme avant,
celle de la conscience a été remise en question, l'enseignement
de l'Eglise est rejeté ou critiqué, les grandes injustices
sociales et économiques sont tolérées, etc.
Dans ce présent chapitre, nous allons nous adonner
à présenter trois notions qui vont normalement ensemble et qui
sont, de nos jours, considérées non plus à leurs justes
valeurs mais plutôt à la guise de chacun, à cause de ce dit
progrès technoscientifique. Il s'agit des nations de la liberté,
de la loi et de la vérité. Aussi l'Encyclique Veritatis
Splendor sera notre guide. Nous essayerons de réponde, autant que
faire se peut, avec le Pape Jean Paul II, à la question :
« qu'est-ce que la liberté et quelle est son rapport
avec la vérité contenue dans la Loi de Dieu?»
(V.S., n° 30).
II.1. DE LA NOTION DE LA
LIBERTE
II.1.1. Quelques
définitions
Il est de règle dans un travail scientifique, de
procéder en premier lieu par une élucidation du concept que l'on
veut développer. C'est dans ce cadre que nous voulons, dans cette
section du deuxième chapitre nous adonner à cet exercice.
En effet, selon le Nouveau Petit Robert, la liberté ne
peut se comprendre que sous quatre angles ou états : entendue comme
un état d'une personne physique, elle est la situation d'une personne
qui n'est pas sous la dépendance absolue de quelqu'un. Entendue comme un
état d'une personne morale, elle est une possibilité, ou un
pouvoir d'agir sans contrainte. Entendue dans le domaine politique et social,
elle est un pouvoir d'agir, au sein d'une société
organisée, selon sa propre détermination, dans la limite de
règles définies. Et entendue au sens philosophique, elle est un
caractère indéterminé de la volonté
humaine10(*).
Pour André Lalande, la liberté est entendue
comme « l'état de celui qui fait ce qu'il veut et non ce
que veut un autre que lui ; elle est l'absence de contrainte
étrangère »11(*).
J.-L. Bruguès entend par liberté la
capacité de tout homme à devenir lui-même et à
atteindre sa plénitude. Elle prend la forme de libre-arbitre,
c'est-à-dire la capacité de choisir entre le bien et le mal. Elle
est la cause de mérite ou de démérite. Ainsi, être
libre c'est toujours choisir et suivre la loi de Dieu12(*).
Et pour A. FERNANDEZ la liberté est cette
« capacité de décider de faire ou ne pas faire, de
choisir une chose ou son contraire, de s'engager dans un sens ou de prendre le
parti contraire, de créer de nouvelles situations... La liberté
est aussi la capacité intérieure de la personne, qui permet
à la volonté de vouloir ou ne pas vouloir, de se
déterminer face à des possibilités différentes, ou
de choisir leurs contraires »13(*).
Quant au C.E.C., « la liberté est le
pouvoir, enraciné dans la raison et la volonté, d'agir ou de ne
pas agir, de faire ceci ou cela, de poser ainsi par soi-même des actions
délibérées... la liberté est en l'homme une force
de croissance et de maturation dans la vérité et la bonté.
La liberté atteint sa perfection quand elle est ordonnée à
Dieu, notre béatitude »14(*).
Il ressort de toutes ces définitions que la
liberté demeure l'apanage de la raison qui, grâce à cette
dernière, a le pouvoir de poser des actes
délibérés, de laisser agir la volonté afin de
choisir ce qu'il faut faire ou qu'il ne faut pas faire.
II.1.2. La liberté dans
la morale naturelle
La liberté est cette faculté d'agir selon sa
volonté, sans être embarrassé par un quiconque pouvoir.
Elle est désignée, négativement comme une absence de
soumission, de servitude, de contrainte. Or, l'être humain reste
indépendant. Positivement, elle est comprise comme une autonomie et une
spontanéité du sujet rationnel ; les comportements humains
volontaires se fondent sur la liberté et sont qualifiés de
libres.
A en croire le professeur S.MUYENGO, la liberté humaine
« se définit comme cette capacité
d'autodétermination. Elle est le fait de la raison. Il n'y a que des
êtres raisonnables qui soient libres et par conséquent dignes de
respect. C'est pourquoi les êtres raisonnables sont appelés
personnes »15(*).
Cette liberté peut constituer un attribut de
l'être humain, de sa volonté, et être la condition de droits
naturels ou positifs, mais aussi de devoirs ; la réalisation effective
de l'acte volontaire peut ainsi comporter une dimension vécue que l'on
ne saurait simplifier à ce qui précède.
La liberté se conçoit ici selon trois figures,
selon trois formes de pouvoir s'exerçant sur trois sortes d'objets.
Comme figures, elle comporte la maîtrise de soi, c'est-à-dire de
ce qui m'est propre, la maîtrise de la nature et la maîtrise de
développement économique et social. Comme formes de pouvoir, elle
comporte tout ce qui a trait au moral, aux sciences, aux différentes
techniques ainsi qu'à tout travail qui transforme le milieu vital. Et
comme objet, elle comporte le corps, le caractère, les besoins, les
désirs, les instincts ainsi que le moi de la personne même. Ainsi
donc, la liberté est une donnée immédiate de la conscience
qui accompagne tout un chacun.
II. 1.3. Sens de la
liberté chrétienne
La notion de liberté exprime la condition fondamentale
de l'anthropologie chrétienne. En effet, l'homme étant
créé par Dieu, a été voulu libre, dès les
premiers instants de son existence. Dieu, en voulant que sa créature
adhère à sa volonté lui a laissé tout de même
la faculté de prendre seule la décision de le suivre ou pas.
Toutefois, se mettre à sa suite n'est pas une pure
spontanéité : « il est une réponse
à l'initiative de Dieu qui se révèle à nous en
même temps qu'il nous fait prendre conscience des forces qui nous
asservissent (péché) »16(*).
De ce point de vue, la remarque de saint Paul :
« C'est pour que nous soyons vraiment libre que le Christ nous a
libérés » (Ga 5,1) devient capital. Ainsi donc, la
liberté chrétienne ne peut se comprendre que dans l'optique du
Christ, venu libérer l'homme. Toutefois, aujourd'hui, ce concept s'est
radicalisé. Depuis la renaissance humaniste et l'avènement des
philosophies modernes de la subjectivité, la liberté,
appelée actuellement autonomie, est devenue le principe même de
toute leur philosophie. Et dans ce processus de radicalisation, elle a perdu de
plus en plus ses références théologiques au point de
désigner une spontanéité originaire qui porte en
elle-même sa propre évidence, mais non celle de son
fondement17(*).
Pour que cette liberté soit effective ou
véritable, il faudrait qu'elle remplisse certaines conditions. Il y en a
bien sûre plusieurs mais nous nous limiterons à quelques unes
seulement que nous jugeons incontournables :
a. La liberté en vue du bien
Tout comme la morale est cette science de la connaissance du
bien et du mal, la liberté implique en elle la possibilité de
choisir entre le bien et le mal. Il reste que la véritable
liberté est portée au bien. Tout celui qui veut être libre
doit nécessairement choisir de faire le bien, et plus on fait le bien,
plus dirons-nous on devient libre. Le choix du mal ou de la
désobéissance rend l'homme esclave de son propre mal.
b. La liberté en vue de la
vérité
« La vraie liberté est une force de
croissance et de maturation, non pas uniquement dans le bien mais aussi dans la
vérité »18(*). Ainsi, tout celui qui se prétend être
libre doit accepter la vérité des choses et des faits
c'est-à-dire la loi naturelle. Car une vérité splendide
n'emprisonne pas, mais pourtant ouvre l'homme et le rend plus respectueux.
c. La liberté en vue de l'amour
Saint Augustin dit en effet : « aime et
fais ce que tu veux », car pour lui l'agir humain doit
être conditionné par l'amour. Et cette responsabilité qu'a
l'homme comme signe de vraie liberté, ne se comprend que quand la
liberté s'exerce dans les rapports entre les êtres humains.
En effet, il n'y a pas de liberté sans dignité
de la personne humaine, car les deux s'appellent mutuellement. De ce point de
vue, écrit le professeur MUYENGO, « on n'est pas libre de
porter atteinte à la liberté d'autrui, à son droit,
à sa dignité »19(*), Ainsi donc la liberté a une limite. Se
référant à Gn 2, 17 Jean Paul II qualifie celle-ci
d'être illimité. Il dit en effet que « cette
liberté n'est pas illimitée : elle doit s'arrêter
devant l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car elle est
appelée à accepter la loi morale que Dieu donne à
l'homme » (V.S., n°35), et le pape
d'ajouter : « En réalité, c'est dans cette
acceptation que la liberté humaine trouve sa réalisation
plénière et véritable »20(*). Tout compte fait, nous
comprenons que la liberté de chacun se limite là où
commence celle des autres, mieux encore là où commence la loi
morale.
II.1. 4. La liberté
selon l'Encyclique Veritatis Splendor
Après avoir fait une esquisse sur la conception de la
liberté dans la morale naturelle et chrétienne, nous voulons
développer dans ce point la conception de la liberté selon
l'encyclique que nous analysons.
En effet, la liberté humaine est l'expression d'un
dépassement que tout homme peut faire de manière transcendantale.
Ainsi, « elle n'est pas seulement la possibilité de
choisir entre deux objets ou deux biens. Elle est l'expression de l'ouverture
de l'être-esprit à l'Infini, et donc de l'accomplissement de
l'être-esprit-humain en quête de l'Absolu »21(*) Devient libre alors toute
personne qui se laisse diriger par Dieu. Mais, avant d'en arriver là, il
doit d'abord se prendre en charge, c'est-à-dire comprendre ce qu'il est
lui-même : ses habitudes, son être car dans la notion de la
liberté, il est question de la liberté du sujet lui-même.
Ainsi donc, le sujet doit se viser lui-même d'abord. Karl Rahner
écrit à ces propos que la liberté « est
d'abord la prise en charge du sujet par lui-même, de sorte que la
liberté, en son essence fondamentale, a pour objet le sujet connu comme
tel en sa totalité. Dans la liberté réelle, le sujet se
vise toujours lui-même, se comprend et se pose lui-même, en fin de
compte ne fait pas quelque chose, mais se fait
lui-même »22(*).
Le Pape Jean-Paul II, dans Veritatis Splendor, part
du passage de l'Ecriture selon laquelle « Dieu a voulu laisser
l'homme à son conseil » (Si 15, 14) pour expliquer cette riche
notion de la liberté. En effet, l'écrivain sacré rappelle
que Dieu a crée l'homme libre afin que par cette liberté il
cherche et découvre son créature. Cette action du Seigneur est au
fait un appel qu'il lance à l'homme pour participer à sa
seigneurie divine. Et l'homme doit user de cette liberté pour
répondre effectivement à cet appel.
Dans la réponse que l'homme doit donner figure quelques
éléments qui attesteront la positivité de sa
réponse. Ainsi, la maîtrise du monde où il habite est le
premier élément qui marque cette réponse. En effet,
lorsque Dieu a créé l'homme, il a voulu que celui-ci soumettre le
monde en le transformant. Il lui a donné une certaine autonomie par
rapport à cette mission. Cette autonomie concerne les
réalités terrestres c'est-à-dire les choses, les autres
êtres, les sociétés qui sont dans le monde et surtout
l'homme lui-même. L'homme qui a été créé par
Dieu doit apprendre à connaître toutes ces réalités,
à les utiliser et surtout à les organiser.
Il est plus facile de connaître, d'utiliser et
d'organiser les autres réalités terrestres mais lorsqu'il s'agit
de l'homme cela cause un grand problème car ici le sujet devient
lui-même l'objet. Le pape dit à ce sujet : « Dieu
l'a (l'homme) laissé à son conseil (Si 15, 14), afin qu'il
cherche son Créateur et qu'il parvienne librement à la
perfection. Y parvenir signifie construire personnellement en soi cette
perfection. En effet, de même que l'homme façonne le monde par son
intelligence et par sa volonté en le maîtrisant, de même
l'homme confirme, développe et consolide en lui-même sa
ressemblance avec Dieu en accomplissant des actes moralement
bons » (V.S., n° 39)
Il est clair maintenant qu'il n'y a pas de morale sans notion
de liberté. Mais de quelle liberté s'agit-il ?
André-Mutien Léonard répond à cette question. Pour
lui, il ne s'agit pas d'une liberté absolue, car chacun de nous n'est
devenu libre qu'en étant éduqué par d'autres à la
liberté. Et l'auteur de poursuivre : « Notre
liberté est réelle, mais c'est une liberté
engendrée et, finalement, une liberté créée par
Dieu, le Pédagogue de toute l'humanité »23(*).
Il s'avère toutefois que de nos jours, le monde
croit que cette manière de considérer la liberté la met en
conflit avec la loi, d'où la revendication d'obtenir une liberté
absolue qui ne s'inclinerait plus, ni devant le bien ni devant le mal, mais qui
peut elle-même créée ses propres valeurs morales. Ceci nous
fait penser au concept autonomie que nous avons déjà
développé plus haut.
II. 2. LA NOTION DE LA
LOI
II. 2.1. Quelques
définitions
La notion de la Loi est complexe. Ainsi, pour bien comprendre
celle-ci, il faudrait d'abord élucider ce concept, par les
différentes définitions que d'aucun lui donnent. De ce fait,
pour le Nouveau Petit Robert la Loi est une « règle
impérative imposée à l'homme. Elle est une règle ou
un ensemble de règles obligatoires établies par l'autorité
souveraine d'une société et sanctionnées par la force
publique... Elle est aussi un ensemble des règles juridiques
établies par le législateur ou encore elle est une règle
dictée à l'homme par sa conscience, sa
raison »24(*).
Pour André Lalande, la loi est une
« règle générale et impérative
(quelques fois système de règles impératives,
législation) régissant du dehors l'activité humaine. Elle
est imposée, sans déclaration expresse, par l'usage, la coutume,
la tradition... et formulée et promulguée, en termes
authentiques, par l'autorité souveraine d'une société.
Ainsi donc, elle est une règle obligatoire, exprimant une nature
idéale d'un être ou d'une fonction, la norme à laquelle il
doit se conformer pour se réaliser, notamment la loi d'esprit
(c'est-à-dire les axiomes fondamentaux auxquels la pensée doit
être conforme pour avoir une valeur logique), la loi naturelle
(c'est-à-dire le principe du bien tel qu'il se révèle
à la conscience) et la loi d'un genre (utilisée en
esthétique) »25(*).
II. 2. 2. De la Loi
naturelle
La notion de la Loi naturelle soulève un
problème aussi passionnant que déconcertant parce que cette
notion emmène l'homme d'un coté à éprouver ses
limites, et de l'autre coté à voir naître à partir
de ces limites une espérance.
Le philosophe Thomas Hobbes distingue dans son ouvrage le
Léviathan, les lois naturelles, qui sont
généralement découvertes par la raison et sur lesquelles
se mettent d'accord les individus à l'état de nature, du droit
naturel, qui s'étend sur toutes choses et ne fait qu'un avec la
puissance de chaque individu. Aussi, pour Hobbes, seule la loi naturelle est
prescriptive, tandis que le droit naturel n'est lui qu'improprement un droit,
puisqu'il ne prescrit rien, mais ne fait que décrire un état de
fait26(*).
Hobbes appelle alors loi naturelle un ensemble de contraintes
qui sont commandées par la raison pour assurer à l'homme sa bonne
conservation. S'il énonce une liste de lois naturelles dans l'ouvrage
que nous venons de cité plus haut, Hobbes résume ces lois
à plusieurs reprises dans l'adage « Ne fais pas à
autrui ce que tu penses déraisonnable qu'autrui te
fasse »27(*). Pour lui alors, les premières de ces lois
naturelles commandées par la raison sont la recherche de la paix et le
respect de la justice.
Ainsi donc, étant découvert par la raison, la
loi naturelle reste écrite au fond du coeur de l'homme, et est comprise
comme l'ensemble des règles de conduite fondées sur la nature
même de l'homme et de la société. Cette loi, étant
qualifiée de naturelle, implique la nature et plus
particulièrement ici la notion de la nature humaine. Si l'homme est un
animal faisant partie de la nature, il n'est pas un animal comme les autres. Sa
raison lui fournit des principes. Situé dans le monde de la nature, il
est soumis, comme elle, à la nécessité, au
déterminisme. Mais par sa raison, il accède à un monde
moral où il ne s'agit plus simplement de savoir ce qui est, mais ce qui
doit être et où règne la liberté.
Parlant de la raison même, une question hante nos
pensées. En effet, pourquoi, au lieu que l'homme suive ses penchants
naturels, s'impose une discipline de vie ? N'est-ce pas être esclave
que d'accepter de se soumettre, de se conformer rigoureusement à ces
principes fournis par la raison ? La réponse à ce
questionnement se trouve dans la fin de l'acte humain. Tant que l'acte de
l'homme aura une fin bonne, malgré la présence de l'obligation
morale, la lourdeur de la loi ne sera pas sentie.
En effet, « on ne fait pas la morale d'un peuple
car elle existe déjà »28(*), nous dit Lévy-Bruhl
car la morale est déjà une réalité vécue.
Nous constatons cette réalité en nous. Ainsi donc, nous avons
conscience que certaines choses nous sont dues, que d'autres nous sont
permises ou pas, que nous devrions agir de telle ou telle autre manière.
En tout cela la morale reste une réflexion sur la vie, car elle est
elle-même issue de la vie.
Un autre aspect de la loi naturelle est que tous les hommes
sont égaux devant la loi morale et chacun doit être traité
selon sa dignité de personne, c'est-à-dire en être
raisonnable qui agit d'après des lois ou des principes. Car seul cet
être a une volonté qui est tout simplement la raison pratique.
Toutefois, il faut garder présent à l'esprit que l'être
humain reste libre, c'est-à-dire qu'il n'est pas soumis à la loi
naturelle, parce qu'il n'est pas un instrument. Il choisit, il décide de
la respecter ou non. Sa volonté sera alors bonne lorsqu'elle constatera
dans la liberté la fin aussi bien que le principe de son action. C'est
en ce moment qu'il verra la loi morale, avec son universalité,
émaner de la volonté de l'être humain.
Les lois naturelles dont parle Hobbes ne sont pas seulement
des commandements de la raison, elles sont également des prescriptions
divines. En montrant la coïncidence entre ceux-ci, Hobbes découvre
le fondement rationnel de règles telles que la gratitude, le pardon, le
rejet de l'insulte, de l'orgueil, de l'envie. []L'observation de ces
règles dispose les êtres humains à la paix et
l'obéissance, et permet la vie en société29(*).
Dans le point suivant, nous allons développer cette
notion de la loi, comme le dit Hobbes, comme prescriptions divines car, quoi
qu'il en soit, c'est Dieu qui est l'auteur et de l'homme et de la raison
d'où provient la loi. Nous scruterons les Saintes Ecritures pour en
dégager la conception chrétienne actuelle de la loi30(*).
II. 2. 3. La Loi dans les
Saintes Ecritures
II.2. 3. 1. Dans l'Ancien
Testament
Parlant de la Loi, le Pape fait d'abord allusion au
Décalogue. En effet, au mont Sinaï, Dieu a donné à
Moïse deux tablettes contenant la Loi. La première tablette
contenait la Loi qui règle l'agir humain par rapport à Dieu, et
la seconde tablette contenait celle qui règle l'agir humain en
société (cfr. Ex. 20, 2-11). L'encyclique veut, à travers
ce passage biblique inviter les lecteurs à reconnaître que le
monde vit déjà dans l'alliance avec Dieu et que son agir
salvifique premier appelle notre réponse d'amour.
Et par rapport à cette réponse de l'homme,
Waltraud Linnig écrit : « Notre réponse est
celle que Dieu demandait en premier à Israël : `' la
reconnaissance de Dieu comme unique et suprême Seigneur '' et un culte
rendu à lui seul »31(*). Dieu veut que l'homme le cherche et le trouve.
Ainsi donc, la loi révélée dans
l'Ancienne Alliance fait référence à la loi naturelle et
exprime le lien entre Dieu et l'homme. Dieu a révélé cette
loi pour aider humanité pécheresse à
« atteindre une connaissance complète et certaine des
exigences de la loi naturelle »32(*). Les commandements comme la loi naturelle indiquent
en actes concrets le chemin de réalisation du don reçu de
Dieu.
Pour le pape Jean Paul II, c'est la même lumière
et la même loi de la nature humaine que Dieu redonne à son peuple
par révélation. La loi révélée dans l'Ancien
Testament exprime de manière privilégiée la loi naturelle,
car Dieu l'a révélée à l'homme pour aider ce
dernier à atteindre la connaissance complète de cette loi. De ce
fait, « la loi révélée devient une donation
nouvelle de la lumière de l'intelligence ; elle est accordée
pour pallier l'incapacité de l'homme à se comprendre
soi-même et pour lui donner de connaître et de faire le
bien »33(*).
De ce fait, poursuit Jean Paul II, « la loi
naturelle vient de Dieu et trouve en lui sa source : à cause de la
raison naturelle qui découle de la sagesse divine, elle est en
même temps la loi propre de l'homme. En effet, la loi naturelle n'est
rien d'autre que la lumière de l'intelligence mise en nous par Dieu.
Grâce à elle, nous savons ce que nous devons faire et ce que nous
devons éviter. Cette lumière et cette loi, Dieu les a
donnée par la création » (V.S.
n° 40).
Ainsi donc, la liberté de l'homme, formée sur le
modèle de celle de Dieu, n'est pas supprimée par
l'obéissance à la loi divine, mais demeure dans la
vérité et reste conforme à la dignité de
l'homme.
II.2. 3. 2. La Loi dans le
Nouveau Testament
Dans le Nouveau Testament, les évangiles n'insistent
pas longuement sur la loi. Toutefois, quelques passages montrent comment
Jésus se déclare tantôt comme celui qui est venu accomplir
la loi (Mt 5,17) tantôt comme celui qui est venu l'abolir. Le
Professeur S. Muyengo dit à ce propos : « On trouve
dans l'Ecriture, particulièrement dans l'Evangile beaucoup d'exemples
où Jésus-Christ peut être présenté comme
modèle d'une démarche éthique dépassant le simple
cadre de la loi ou le formalisme moral. Aussi sera-t-il accusé
d'être venu troubler l'ordre en abolissant la
loi »34(*).
Mais si nous regardons de près, la démarche de
Jésus n'est pas celle d'abolir la loi. Son véritable souci est le
dépassement de celle-ci. Partant de cette considération, le
Professeur Muyengo distingue, par exemple, deux moments dans le récit
biblique de la femme adultère (Cfr. Jn 8, 1-11). Le premier moment est
caractérisé par la démarche des scribes et des pharisiens
qui présentent la femme devant Jésus. Ceux-ci veulent appliquer
scrupuleusement la loi de Moïse (Jn 8, 4-5). Le deuxième moment
quant à lui est marqué par l'attitude de Jésus qui incite
ses interlocuteurs à réfléchir sur cette loi qu'il ne
conteste pas, mais qu'il cherche à transcender. C'est pourquoi il
dira : « Que celui d'entre vous qui est sans
péché, lui jette le premier la pierre (Jn 8,
7)»35(*). Ces paroles
de Jésus amenèrent les accusateurs de la femme adultère
à réfléchir, à faire une introspection. Ainsi donc,
« c'est le moment d'intériorisation qui se veut le
dépassement de la loi ancienne, de l'universel en faveur d'une situation
concrète, particulière. L'évangéliste nous informe
qu'en entendant la réponse de Jésus, les scribes et les
pharisiens s'en allèrent un à un, à commencer par le plus
vieux »36(*).
L'évangéliste Matthieu parle également de
la loi ou des commandements. Ainsi nous trouvons en Mt 22, 36-40 la question
relative au double commandement de l'amour. En effet, ces deux préceptes
de l'amour, de Dieu et du prochain, énoncés par Jésus
viennent résumer le Décalogue. Parlant de ce résumé
fait par Jésus sur la loi de Moïse, S. Muyengo écrit :
« C'est là que le Fils a voulu nous amener
(c'est-à-dire à l'amour) en enseignant, en résumant
les dix commandements en deux, sinon en un seul, sans enlever un iota à
l'ensemble `'Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout coeur, de toute ton
âme, de toute ta force...Tu aimeras ton prochain comme
toi-même''. A vrai dire, tous les dix commandements
donnés au peuple par l'intermédiaire de Moïse se retrouvent
dans ces quelques paroles de Jésus »37(*). Il y a encore d'autres textes
des évangiles qui parlent également de la loi. Nous nous limitons
ici à ces deux textes précités car ils résument
mieux l'enseignement de Jésus sur la question de la loi.
C'est dans la théologie paulinienne où nous
remarquons que la notion de la loi occupe une place importante. Elle est en
effet intimement liée à la doctrine de la rédemption et
à tout le système dogmatique de l'apôtre ; elle est en
quelque sorte à la base de toute son activité missionnaire parmi
les païens. Au sens le plus général pour lui, la loi
désigne toute puissance, toute force qui détermine l'homme, le
domine (Rom. 7, 1) et imprime à sa volonté une direction
particulière, réclame de lui obéissance (Rom. 7, 2) et la
soumission absolue (Rom. 7, 25). Cette puissance normative, cette loi peut
être ou intérieure (Rom. 7, 28) ou extérieure (Rom. 7, 2).
Elle peut exercer une influence salutaire (Gai. 6, 2) ou malfaisante (Rom. 7,
23) ; l'homme peut s'y soumettre volontairement, joyeusement (Rom. 7, 22), ou
bien en subir fatalement les effets pénible, tout en déployant
les efforts les plus énergiques pour essayer d'y échapper (Rom.
7, 15. 23)38(*).
Dans l'Epître aux Galates par exemple, le mot
`'loi'' n'a qu'une seule fois cette signification
générale, celle qui désigne toute puissance, toute force
qui détermine l'homme et le pousse à la compassion (Gal. 6, 2).
Dans l'Epître aux Romains par contre (Rom. 7, 21. 23. 25; 8, 2; 9, 31),
ce mot est pris fréquemment dans le sens de l'épître aux
Galates et est suivi des additions les plus diverses. Dans tous ces passages et
dans d'autres analogues, la loi peut être traduit par norme ou par
puissance. Ces deux sens sont associés, parfois même ils se
confondent. En effet, pour former ces expressions originales, ces liaisons de
mots qui lui sont particulières, l'apôtre a évidemment
songé à la loi mosaïque, qui non seulement prétendait
être la seule norme valable pour les hommes, mais exerçait une
puissance réelle sur ses adhérents. Cela explique pourquoi
l'idée de puissance est souvent prédominante, surtout dans le
septième chapitre de l'épître aux Romains.
En effet pour Saint Paul, les païens ont reçu une
révélation de la volonté divine (Rom. 2, 14. 15) ; la voix
intérieure de la conscience, qui est la voix de Dieu, leur dicte la
conduite qu'ils doivent suivre, leur permet de distinguer le bien et le mal.
Et, s'ils sont fidèles à cette loi naturelle, s'ils
réalisent dans leur vie cet idéal qu'ils portent en eux, ils
accomplissent spontanément le contenu essentiel de la loi mosaïque.
Mais à côté de cette loi naturelle commune
à tous les hommes, il existe une norme écrite, expression
parfaite de la volonté divine. Au peuple qu'il a élu, Dieu a
indiqué de la manière la plus complète et la plus
minutieuse comment il veut être vénéré. La loi
donnée aux Israélites par Moïse, contient au fait la loi de
Dieu, revêtue d'une autorité suprême, prétendant
avoir une valeur unique, établissant les rapports de l'homme
vis-à-vis de Dieu, et réglant tout l'ensemble de la vie humaine.
Le Pape dit en effet : « l'homme reconnaît le
rôle pédagogique de la Loi qui, en permettant à l'homme
pécheur de prendre la mesure de son impuissance et en lui ôtant la
prétention de l'autosuffisance, l'ouvre à la supplication et
à l'accueil de la vie dans l'Esprit » (V.S.
n° 23).
La loi écrite dans les coeurs n'est pas
supérieure à la loi mosaïque écrite sur des tablettes
de pierre, et c'est à tort qu'on l'a identifiée avec la loi
chrétienne de l'esprit. La révélation faite aux
païens est imparfaite, fragmentaire, tandis que Dieu a donné
à Israël l'expression entière de sa volonté. Le
caractère intérieur de la loi des païens, loin d'offrir une
supériorité sur la loi mosaïque, est au contraire un
désavantage ; la conscience morale peut en effet être
altérée, la norme intérieure obscurcie par le
péché, tandis que la norme extérieure est, par sa
fixité même, à l'abri de toute variation et de toute
altération. C'est un privilège pour le peuple juif d'avoir une
loi écrite (Rom. 9, 4), de posséder les oracles de Dieu (Rom. 3,
2), et il est d'autant plus coupable si, malgré la lettre de la loi
(Rom. 2, 27), il transgresse la volonté divine39(*).
Paul comprend que la Thora est légitime par le fait que
la révélation de l'Ancien Testament est essentiellement
légale, et annonce dans toutes ses parties la volonté de Dieu.
II. 3. LA NOTION DE LA
VERITE
II. 3. 1.
Définitions
Pour le Nouveau Petit Robert, la vérité est
« ce à quoi l'esprit peut et doit donner son assentiment,
par suite d'un rapport de conformité avec l'objet de pensée,
d'une cohérence interne de la pensée, connaissance à
laquelle on attribue la plus grande valeur »40(*).
Pour A. Lalande la vérité comporte plusieurs
définitions. Ainsi donc, pour lui, elle est d'abord le
« caractère de ce qui est vrai »41(*). Elle peut être aussi
définie comme « ce qui a été effectivement
éprouvé, fait ou constaté par un témoin qui le
rapporte »42(*).
Et pour J. COTE, la vérité veut dire
« enlever le voile qui cache quelque chose... et renvoie donc
à un état de fait ou de choses qui, dans la mesure où il
peut être vu, désigné ou exprimé, s'offre pleinement
au regard, à la démonstration ou à
l'explication »43(*).
Quant au C.E.C., « la vérité ou
véracité est la vertu qui consiste à se montrer vrai en
ses actes et à dire vrai en ses paroles, en se gardant de la
duplicité, de la simulation et de l'hypocrisie »44(*).
II. 3. 2. Une
vérité éthique et évangélique
La vérité parvient à l'homme comme une
lumière que celui-ci doit accueillir par amour et obéissance,
parce qu'elle vient de Dieu. Mais, cette obéissance n'est pas toujours
accueillie chaleureusement à cause du péché qui rode aux
alentours du coeur humain. Et ce péché, lorsqu'il persiste, il
introduit petit à petit l'homme dans le mensonge, diminue sa quête
et sa soumission à la vérité, et surtout l'entraîne
dans une liberté illusoire en dehors de la vérité. Et
pourtant, comme le dit J. Desclos, « la soif de la
vérité demeure toujours en lui et se traduit dans les questions
éthiques. La réponse vraie vient de la splendeur du Christ
Vérité »45(*).
C'est ainsi que l'Eglise, se sentant investie de la mission de
guider les hommes vers la Vérité toute entière,
c'est-à-dire le Christ, propose à ces derniers la réponse
qui vient du Christ même et de son Evangile. Et fidèle à sa
mission, l'Eglise s'adresse à l'humanité entière sur
toutes les questions morales qui touchent toute personne humaine. Car, en
effet, aujourd'hui plus qu'hier, les hommes s'accordent en
général pour reconnaître que notre époque, que nous
avons coutume d'appeler l'époque postmoderne, se distingue des
époques précédentes par le fait que nombre de nos
certitudes se sont écroulées.
En effet, les grandes révolutions technologiques des
avions, le développement de l'industrie, l'Internet, la
découverte de nouveaux continents, d'autres façons de vivre, de
croire, de penser, l'émergence de l'imprimerie et de nouveaux modes de
communication, tous ces changements sont venus bouleverser notre conception
traditionnelle du monde. Du coup, les anciens schémas de pensée,
l'ancienne façon d'organiser les rapports sociaux, de croire en Dieu,
tout cela ne fonctionne plus de manière évidente46(*). Nous sommes dès lors
conduits à modifier notre ancienne vision du monde et à repenser
les rapports entre la religion, l'économie, la politique,
l'éthique, etc. Alors que par le passé ces différents
domaines formaient entre eux un ensemble relativement cohérent. Et
l'Eglise, face à tous ces bouleversements, se sent dans l'obligation de
présenter l'ensemble de l'enseignement moral de l'Eglise pour rappeler
certaines vérités fondamentales.
Au fait, le monde tel que nous le connaissons aujourd'hui nous
apparaît comme fragmenté. Il se compose d'une multitude de
systèmes différents (le système économique, le
système religieux, le système juridique, le système
politique, etc.) qui fonctionnent chacun selon sa logique propre. Chaque
domaine de la vie a ses propres règles, sa propre cohérence, ses
propres critères d'organisation, bref sa propre vérité. La
Vérité (Dieu - le Christ), autour de laquelle s'organisait les
différents domaines de la vie et qui donnait une certaine
cohérence à la vision du monde, n'est plus
considérée que comme une invention de l'intelligence humaine. Et
nous avons désormais à faire à une pluralité de
vérités partielles (la vérité économique, la
vérité éthique, la vérité religieuse,
etc.).
Ce phénomène de fragmentation de la
Vérité se poursuit et s'accentue de nos jours au point que chaque
système tend à se subdiviser à son tour. Ainsi, le domaine
de l'éthique se morcelle en une multitude de vérités
éthiques. Chaque culture, chaque groupe social, chaque personne
même possède sa vérité éthique. Il n'y a plus
un seul comportement juste face à la question de l'avortement, de
l'euthanasie par exemple.
Mais, comme tout le monde ou toutes les disciplines sont
à la recherche de la vérité, l'Eglise propose à
l'humanité une vérité éthique et
évangélique, qui est au fait une éthique de la vie, de la
croissance, du bien. L'Eglise, étant convaincue que Dieu est la fin
ultime de l'homme, veut que ce dernier agisse pour que chacune de ses propres
actions soit le reflet de la splendeur de Dieu. Ainsi, « l'homme
qui reconnaît l'absolu de la transcendance parvient, par la foi ainsi
rendue possible, à s'identifier au transcendant en recevant son
amour »47(*).
II. 3. 3. La
Vérité de Dieu construit la liberté de l'homme : Le
rapport entre vérité et liberté
Le point précédant vient de montrer comment
l'homme s'enfonce petit à petit comme dans un trou infernal, suite
à sa quête d'une vérité propre à lui,
excluant toute lumière venant de Dieu ou de l'Evangile. Ceci
entraîne comme conséquence la mauvaise conception de la
liberté, qu'il appelle ailleurs lui-même autonomie. Il confond
ainsi liberté et libertinage, l'avons-nous déjà dit.
Partant de cela, L'Eglise toujours dans sa délicate mission, propose
à l'homme de se référer à la vérité
qui vient de Dieu, par la grâce, car lui-même est la
Vérité.
En effet, la liberté est au centre de la morale, qui
d'ailleurs ne peut pas subsister sans elle. C'est en elle qu'elle rencontre la
vérité, pour enfin évoluer à ses cotés. J.
Desclos dit en effet, « la vraie liberté, proposée
par le Concile, est un signe privilégié de l'image divine.
L'obligation de chercher la vérité et d'y adhérer
précède le droit à être respecté dans son
itinéraire de recherche de la vérité. La liberté
est précédée par la vérité. Il faut donc
examiner les tendances nouvelles à la lumière de la
dépendance fondamentale de la liberté par rapport à la
vérité. Le pouvoir de décider du bien ou du mal
n'appartient pas à l'homme, mais à Dieu seul. La liberté
de l'homme n'est pas illimitée, et elle doit accepter la loi
donnée par Dieu »48(*).
Tout compte fait, la liberté de l'homme demeure le
reflet de Dieu. Par elle, il participe à la seigneurie divine. Ainsi,
l'homme doit chercher à construire sa perfection en se
référant à Dieu, car sans Dieu, il n'a pas de
résistance. La raison qu'il a, doit puiser dans la vérité
et sous l'autorité de Dieu. Il doit donc éviter l'autonomie de la
raison qui se veut créatrice des valeurs et de ses propres normes
morales et surtout qui mettent la liberté même en
péril49(*). C'est
au fait en cela que réside le rapport entre vérité et
liberté.
II. 3. 4. Une
Vérité qui libère
D'entrée de jeu, nous pouvons nous poser une simple
question : la vérité peut-elle être
libératrice ? Si la vérité est libératrice,
elle l'est forcément de quelque chose. Si elle ne l'est pas, alors nous
n'avons à nous libérer de rien. Il nous faut chercher de quoi
pourrait bien nous libérer la vérité, et à quoi
pourrait elle nous nuire également, ce qui serait le contraire, il faut
le reconnaître, de la libération. De quoi pourrions nous nous
libérer? De nos illusions ? De nos croyances ? De nos
manières de penser ? Etc.
Déjà dans la morale naturelle cette question se
pose. Pour elle, la liberté s'acquiert dans la pensée, qui le
conduit à la vérité en passant par le doute. La "libre-
pensée" ne se soucie donc que de l'évidence du vrai. La
vérité pour elle libère du doute, de la mauvaise
conscience. Elle peut être aussi libératrice pour
l'humanité. L'homme dans son intégralité psychologique ne
peut en effet construire sa liberté tout en construisant continuellement
et impunément ses mensonges défiant la morale commune à
l'humanité. La vérité est nécessaire dans les
rapports que l'homme entretient avec autrui, comme avec lui-même.
Et dans la morale chrétienne, particulièrement
dans l'Encyclique Veritatis Splendor du Pape Jean Paul II, la
vérité est libératrice de l'homme. En effet, la
vérité inspire la liberté, elle est sa source. Jean
DESCLOS affirme à ces propos : « La
vérité conditionne la liberté. En fait, l'homme ne peut
conserver son action comme bon et désirable que dans la mesure où
il est capable de les appréhender à la lumière de la
vérité, en prenant ainsi une attitude indépendante
à leur égard »50(*). L'être humain, étant un être de
raison, a un besoin naturel de connaître la vérité et de
l'appliquer, car elle est le noyau de la morale même. « Or,
continu DESCLOS, le sentiment détourne notre regard de la
vérité... il le détourne des éléments
objectifs de l'activité, de l'objet d'action et de l'acte même, et
il le dirige vers les éléments subjectifs, vers ce qui est
vécu par nous »51(*).
La redécouvert de cette vérité devient
alors un impératif pour l'homme d'aujourd'hui, d'autant plus qu'elle est
la Vérité. Et l'Eglise aide l'homme à la retrouver en elle
car, le Christ, qui est la vraie Vérité demeure en elle et par
elle. De ce fait, « le lien entre Eglise et Vérité
devient constitutif : la présence en elle de la
Vérité constitue la solidité de l'Eglise et celle-ci
devient signe visible de cette Vérité »52(*).
Ainsi donc, l'homme, pour avancer dans son
épanouissement, a besoin de connaître la vérité qui
vient de Dieu pour avancer dans sa quête de la liberté
authentique. Reconnaître cette vérité, c'est accepter
d'intérioriser la loi, afin de vivre une véritable
liberté.
II. 4. CONCLUSION DU
CHAPITRE
Le présent chapitre a comporté trois sections
essentielles : la première analyse la notion de la liberté.
En effet, la vraie liberté, qui élève en l'homme, est un
signe privilégié de l'image divine (V.S., n° 38).
Mais, en ces temps qui sont les nôtres, l'homme ne veut plus mettre Dieu
au centre la liberté, mieux de sa liberté. Il l'exclut. Le pape
dit à ce propos : « Au point de départ de ces
conceptions (d'exclusion de Dieu), on note l'influence plus ou moins
masquée de courants de pensée qui en viennent à
séparer liberté humaine de sa relation nécessaire et
constitutive à la vérité » (V.S.
n° 4).C'est dans ce cadre que nous nous sommes proposés, à
travers ces lignes, de montrer à l'homme d'aujourd'hui là ou se
trouve la véritable liberté. Et l'encyclique Veritatis
Splendor nous a été d'un grand apport.
La deuxième section du chapitre a analysé, quant
à elle, la notion de la Loi. Comme nous le disions dans le paragraphe
précédant, l'homme actuel a délogé Dieu dans sa
vie. Il ne veut plus entendre parler ni de lui-même (Dieu) ni de sa Loi.
Il veut vivre libre. Et pourtant, comme on le sait, n'est libre que celui qui
accepte la Loi de Dieu ainsi que d'autres obligations morales.
Quant à la dernière section parle de la notion
de la vérité. En effet, la vérité est cette
lumière qui vient aider l'homme à accepter la Loi divine. En
fait, c'est cette acceptation de la Loi dans le coeur qui rend
véritablement l'homme libre. Ainsi donc, cette notion vient mettre un
lien entre les deux présentes et les rend complémentaires. Ce
chapitre constitue donc le point central de notre travail.
CHAPITRE TROISIEME
LA MORALE CHRETIENNE A LA
LUMIERE DE L'ENCYCLIQUE VERITATIS SPLENDOR POUR UN AVENIR MEILLEUR DE LA
RDC
III.0. INTRODUCTION
Le troisième chapitre de notre travail se veut une
approche de la morale en générale, éclairée par
l'Encyclique Veritatis Splendor. Cette tâche a pour but de
relever les éléments qui pourront être nécessaire
pour un avenir meilleur en Afrique en général, et en
République démocratique du Congo en particulier.
Ainsi, cette démarche aura deux grandes sections. La
première traitera de la nécessité de la morale dans la vie
humaine car, au fait, sans elle, le monde serait une jungle. La deuxième
s'efforcera de dégager ce qui peut aider les congolais à
retrouver un avenir meilleur. Et enfin, une brève conclusion mettra fin
à l'ensemble du chapitre.
III. 1. LA MORALE
AUJOURD'HUI : UNE NECESSITE
III.1.1. Quelle morale pour
aujourd'hui ?
Comme nous l'avons déjà signalé dans le
chapitre précédant, la manière de vivre de l'homme actuel
diffère dans bien de manière de celle d'il y a cent ans. Nos
ancêtres par exemple vivaient autrement que nous. Cela est certain quand
on regarde les mutations rapides survenues depuis environ un siècle dans
tous les domaines de la vie. Cette réalité se vérifie dans
toutes sortes de domaines, y compris par la présence de l'ordinateur
dans la vie quotidienne de l'homme moderne, l'avion qui facilite ses
déplacements, le téléphone, surtout le portable,
appelé couramment le cellulaire, qui facilite aussi sa communication
avec le monde extérieur, etc. La vie devient ainsi remplie de toutes
sortes d'inventions, de changements et de bonnes surprises.
Il s'avère tout de même que tous ces changements
ont aussi bouleversé le fonctionnement normal et intérieur de
l'homme d'aujourd'hui. Il ne raisonne plus comme autrefois où la
solidarité et l'entraide étaient de règle. Il croit que
tout devient possible pour lui. Il a une confiance totale en son propre pouvoir
et utilise ce pouvoir pour écraser ceux qui ne suivent pas le mouvement
très rapide du changement. C'est le cas ici des pays riches qui
oppressent les habitants des pays en voie de développement. Et
même dans ces pays dits en voie de développement, ceux qui ont le
pouvoir écrasent le reste du peuple, ceux qui ont encore un peu de moyen
dominent sur les autres. Les plus favorisés tirent la couverture de leur
côté, et discréditent les plus pauvres qui ne peuvent
suivre le mouvement de l'évolution technoscientifique. Ainsi donc des
questions se posent : quelle morale peut-on proposer à l'homme
d'aujourd'hui ? Que peut apporter un moraliste à celui qui exploite
son semblable ? Que peut-il dire également à celui qui est
assujetti ? Voilà la lourde tâche à laquelle la morale
actuelle doit faire face.
En effet, la morale concerne les rapports entre les humains,
elle vise à rendre leurs relations porteuses de libération,
d'autonomie, de sécurité, de respect mutuel. « La
morale est de ce fait au coeur des existences humaines qui
s'entrecroisent »53(*) et devient par là une sorte de mise en
question permanente de ce que l'homme d'aujourd'hui considère comme
sécurité intérieure. Il doit se demander : ai-je
aujourd'hui fait tout le bien que je pouvais faire? Ai-je donné le
meilleur de moi-même? Ai-je accepté de sacrifier ma vie, mon
temps, mon argent, mes loisirs, pour aider les autres à être plus
heureux? Voila les questions que le moraliste doit proposer à
l'exploitant. Et même celui qui se considère pauvre, il doit se
poser les mêmes questions, et d'ailleurs il doit se poser davantage, qui
pourraient l'aider à sortir de son état déplorable.
Le Pape Jean Paul II, ayant compris les enjeux du
problème qu'apporte cette nouvelle technologie c'est-à-dire la
fabrication des avions, des ordinateurs, la présence de l'internet,
etc., fait retentir la sonnette d'alarme, à travers l'Encyclique
Veritatis Splendor, afin que l'humanité ne se laisse pas
corrompre par la facilité, les nouvelles idéologies ainsi que les
nouvelles conceptions de la vie. Jean Desclos dit à juste titre que
« Jean Paul II redit souvent que le progrès éthique
ne va pas toujours de pair avec le progrès technoscientifique. Ce
leitmotiv de son enseignement suggère que l'éthique a un
rôle de premier plan à jouer dans notre civilisation. Plus que
jamais, notre monde a besoin d'éthique »54(*). Et le Pape lui-même,
dénonçant ces contre-valeurs, s'adresse aux cardinaux et à
la curie romaine en ces termes : « N'est-ce pas là,
malheureusement, le triste spectacle offert par la diffusion dans le monde des
déviations morales en tout genre... ? »55(*).
A cause de ces déviations Jean Paul II dénonce
le fait que notre monde soit devenu de nos jours insensible à
l'éthique car elle a en son sein les devoirs essentiels, les principes
les plus évidents à respecter en société:
l'honnêteté, le travail bien fait, la compétence, la
responsabilité, la justice, etc. Ce monde veut que chacun ait sa propre
règle de conduite, et pourtant « la morale est une
référence pour que les personnes puissent vivre dans la
société à travers des attitudes de jugements critiques, en
se rendant plus humaine devant la vie quotidienne »56(*).
Tout compte fait, la morale permet la coexistence sociale.
Inévitablement sans elle, les tendances conflictuelles de l'homme vivant
en société, c'est-à-dire son agressivité, son
égoïsme, sa convoitise sexuelle ou de bien d'autrui, etc., se
manifesteraient en permanence. La vie en commun serait impossible. La morale
peut donc être perçue comme l'un des moyens de pression mis en
oeuvre par la société pour tenter de retenir, de contrôler
les tendances égocentriques de l'homme. L'éducation, les lois, la
peur de la police par exemple, la justice humaine, les sanctions en cas
d'infraction sont là pour rendre la vie équilibrée. C'est
au fait ce type de morale que le moraliste doit proposer à la
société aujourd'hui.
Mais pour l'Eglise, se limiter à une morale naturelle
uniquement présente aussi certaines limites. En effet,
« l'Eglise sait que la question morale rejoint en profondeur tout
homme, implique tous les hommes, même ceux qui ne connaissent ni le
Christ et son Evangile, ni même Dieu. Elle sait que
précisément sur le chemin de la vie morale la voie au salut est
ouverte à tous » (V.S. n° 3), mais il
faudrait que la dite morale soit imprégnée de la lumière
du Christ. D'où l'importance d'une morale chrétienne.
III.1.2. La morale
chrétienne comme réponse à la préoccupation
humaine
La morale chrétienne, en ce qu'elle a
de spécifique, consiste à suivre Jésus, afin de l'imiter
en toutes choses, car lui seul est « le Chemin, la
Vérité et la Vie » (Jn 14, 6) tout en se basant
des principes moraux naturels. La morale chrétienne, au sens
traditionnel du terme, reconnaît l'infini du désir humain et le
convertit en désir d'infini. Ce désir d'infini se mesure à
un être infini : Dieu. L'horizon de la vie chrétienne est de
réaliser sa vie de manière à être à l'image
de Dieu.
Il nous faut toutefois comprendre, dès le début
que cette morale n'est pas tombée du ciel, ou de Dieu. Elle est une
normalisation, fruit de l'imagination de l'homme. Th. Rey-Mermet dit à
ces propos :
« C'est donc une idée fausse que d'imager
la morale tombant d'en haut, des dieux ou de Dieu. La régulation morale
éclate de l'homme ; elle est affinée et unifiée par
lui, avec l'aide et la provocation du milieu culturel dans lequel il naît
et grandit. C'est l'homme qui produit ses normes à partir de deux
stimulateurs et régulateurs : d'une part, son expérience du
monde et la vie ; d'autre part, un idéal qui, en lui, l'appelle et
le tire vers le haut, vers le bonheur pour soi et pour
tous »57(*).
C'est lorsque cet homme est tiré vers le haut qu'il
rencontre les valeurs que le christianisme prône. Etant aussi à la
quête du bonheur ou du mieux vivre, il insère ces valeurs
chrétiennes dans cette régulation ou dans cette morale. Et pour
un homme de foi, il accepte si facilement ces valeurs parce qu'il sait dans
son coeur que l'humanité a été créée
à l'image et à la ressemblance de Dieu, dont le Christ a
été son expression la plus parfaite ici sur terre. Ainsi, la
morale chrétienne, s'il faut reprendre les termes de Rey-Mermet,
« est donc une morale pour tout le monde. Et inversement, toute
morale digne de ce nom est, plus ou moins, la morale chrétienne, quoi
qu'il en soit de sa foi au Christ »58(*).
Il faudrait toutefois signaler qu'on a souvent tendance
à assimiler ou à réduire tout le christianisme à
une morale. Au fait, le christianisme n'est pas une morale, mais il existe une
morale chrétienne, morale qui se base sur les principes
chrétiens, l'avons-nous déjà dit. Jean - François
Collange partage aussi la même idée que nous. Il écrit
à ces propos :
« On a longtemps assimilé ou
réduit le christianisme à une morale. Etre chrétien, dans
cette perspective, consistait à faire ou à ne pas faire tel acte
considéré en soi comme `'bien'' ou `'mal''. La morale
chrétienne avait alors pour fonction non seulement d'établir les
critères du bien et du mal, mais encore de dresser des listes d'actes
réputés bons ou mauvais et de juger. D'où le reproche,
souvent adressé au christianisme, d'être moralisateur,
desséchant, voire aliénant »59(*). Et pourtant, cela n'est pas
la tâche du christianisme.
Etant une morale pour tout le monde et devant refléter
certaines valeurs, la morale chrétienne propose à l'homme
d'aujourd'hui certaines vertus ainsi que certains principes, pour que
l'humanité vive dans l'harmonie. Il s'agit par exemple de la Foi, de
l'espérance et de l'amour, ou encore des principes comme la
liberté chrétienne, la notion de la vérité, la
conscience morale, le pardon, etc. Nous parlerons brièvement ici de ces
trois vertus théologales, tandis que les notions de la liberté,
de la vérité, etc., nous nous contenterons de ce que nous avons
déjà développé dans le chapitre
précédant.
En effet, la Foi, l'Espérance et la charité
(amour) sont dites vertus théologales. Elles demeurent en l'homme par le
biais de la grâce sanctifiante. Elles sont infuses, c'est-à-dire
non acquises. A en croire le Professeur Muyengo, « les vertus
théologales adaptent les facultés de l'homme à la
participation de la nature divine. Elles disposent les chrétiens
à vivre en relation avec la Trinité. Elles ont ainsi Dieu Un et
Trine pour origine, motif et objet »60(*). Ainsi donc, on ne peut pas
parler des vertus théologales sans faire référence
à Dieu.
a. La vertu de la Foi
Par la Foi, l'Eglise comprend une vertu par laquelle l'homme
croit en Dieu et se soumet librement à sa parole61(*). Par elle, l'homme s'ouvre
totalement à Dieu. J. F. Collange dit à ces propos :
« La Foi naît toujours d'une rencontre et y conduit. Croire
en quelqu'un, c'est le rencontrer, s'en remettre à lui et lui faire
confiance. La foi se distingue ainsi de la croyance ou de la superstition en ce
qu'elle ne s'attache pas d'abord à un objet, un dogme ou une doctrine,
mais à une personne avec laquelle elle met en
relation »62(*). Celle-ci, c'est-à-dire la Foi, devient une
catégorie morale lorsque l'homme de foi, après s'être
ouvert à Dieu, fait un effort pour connaître et accomplir la
volonté de Dieu.
b. La vertu de l'Espérance
Par l'Espérance, nous sous-entendons cette vertu
théologale par laquelle l'homme considère le royaume des cieux et
la vie éternelle comme bonheur, tout en mettant sa confiance dans les
promesses du Christ. C'est elle, au fait, qui doit porter la Foi63(*). En effet, l'Espérance
répond à l'aspiration de l'homme sur le bonheur placé par
l'Etre Suprême dans son propre coeur (celui de l'homme). Elle a pour
rôle d'assumer les espoirs qui inspirent les activités de
l'homme ; de les purifier pour les ordonner au royaume des cieux ; de
les soutenir en tout délaissement ; de dilater le coeur dans
l'attente de la béatitude éternelle. Tout compte fait,
l'Espérance préserve l'homme de l'égoïsme et le
conduit au bonheur de la charité64(*).
c. La vertu de la Charité
La Charité est cette vertu par laquelle Dieu aime avant
tout l'homme. Ensuite, cet homme aime aussi Dieu par-dessus tout, et son
prochain comme lui-même. L'évangéliste Jean montre que le
fait d'aimer Dieu pour lui-même est le sommet même de la foi et de
l'espérance chrétienne (Jn 3, 39). Cet amour pour Dieu est
créateur, c'est-à-dire ici il réunit ce qui est
séparé. Matthieu exprime cette idée lorsqu'il
développe la théorie du commandement de l'amour de l'ennemi.
Cette théorie s'appuie sur la réalité de l'unicité
du Dieu créateur, balayant tout sectarisme et tout particularisme humain
(Mt 5, 44-45). Ce passage biblique introduit ici la deuxième partie de
cette loi de l'amour : l'amour pour l'homme. Au fait, Jn 3, 39 ne se
limite pas uniquement à l'amour envers Dieu, mais il continu sur le plan
de la relation entre les humains. L'homme doit aimer son prochain comme
lui-même. Ce commandement est une nouveauté de la morale
chrétienne car, aimer l'autre comme soi-même, n'est possible que
lorsqu'on est en Dieu. C'est argument fragilise d'ailleurs la philanthropie,
c'est-à-dire un amour de l'homme pour l'homme sans faire intervenir
là-dedans Dieu, parce qu'il est difficile pour tout humain d'aimer son
prochain comme lui-même si l'on n'est pas encré en Dieu65(*).
Tout compte fait, cette esquisse sur les vertus
théologales montre à suffisance la spécificité et
la profondeur de la morale chrétienne par rapport à la morale
naturelle car la morale chrétienne transpose les catégories de la
vie morale et les élève sur l'échelle de la vie
spirituelle. D'autres vertus et principes chrétiens contribuent aussi
à affirmer cette primauté de la morale chrétienne, mais
dans ce présent travail nous nous sommes limités uniquement aux
vertus théologales.
III.1. 3. La recherche de la
perfection dans la morale chrétienne
Le Pape Jean Paul II, dans son Encyclique Veritatis
Splendor, commente le thème de la perfection chrétienne. Il
part de l'affirmation « Si tu veux être parfait... »,
de l'évangile selon saint Matthieu (Mt 19, 21), réponse que
Jésus donne au jeune homme riche.
En effet, le jeune homme riche a observé toute la loi
de Moïse, et pourtant il sent que quelque chose lui manque. Raison pour
laquelle il demande à Jésus, toujours au même verset,
« que me manque-t-il encore ? ». A ces propos Jean
Paul II dit en effet :
« Il n'est pas facile de dire avec bonne
conscience `'tout cela, je l'ai observé', si l'on comprend à
peine la portée effective des exigences contenues dans la Loi de Dieu.
Cependant, s'il lui est possible de donner une réponse semblable, s'il a
aussi suivi l'idéal moral avec sérieux et avec
générosité depuis son enfance, le jeune homme riche sait
qu'il est encore loin du but ; face à la personne de Jésus,
il saisit que quelque chose lui manque encore » (V.S.,
n° 16).
Au fait, c'est dans ce contexte que Jésus propose au
jeune homme riche d'entrer dans la voie de la perfection. Cette perfection se
traduit à travers certaines réalités comme la promotion de
la pauvreté évangélique et la recherche de la
béatitude, etc. Nous allons donner, de manière succincte, le
résumé de ces notions dans les lignes qui suivent.
a. La pauvreté évangélique
Au fait, la pauvreté évangélique est une
pauvreté prophétique qui emmène l'homme à vivre
dans les perspectives du (vers le) royaume de Dieu. Celle-ci se fonde sur la
pauvreté même de Jésus. Comme conseil
évangélique, elle a deux caractéristiques : d'abord
elle fait allusion à Jésus qui assume l'attitude
vétérotestamentaire de Dieu vis-à-vis des pauvres ;
ensuite l'attitude où Jésus dépasse et complète
cette première exigence en devenant lui-même pauvre. Ces deux
caractéristiques de la pauvreté montrent que Dieu prend soin des
pauvres, c'est pourquoi il s'est lui-même identifié aux
pauvres.
Et l'Eglise de sa part, vit cette pauvreté comme un
vrai témoignage du royaume des cieux où elle doit accorder une
priorité à l'évangélisation des pauvres. Celle-ci
emmène l'homme vers la perfection en ce sens que ce dernier, à
partir d'elle, peut se dépasser et parvenir au stade où il ne
s'occupe plus uniquement que de lui mais surtout de l'autre. L'instrumentum
laboris de l'Assemblée générale ordinaire du Synode
des Evêques de 1994 dit en effet, sur cette question :
« Vivre dans la pauvreté signifie positivement : se
sentir saisi et possédé par le désir de Dieu et se
dépenser totalement pour que son Règne arrive, surtout parmi ceux
qui l'attendent le plus et en sont les premiers
destinataires »66(*). Voilà en quoi la pauvreté
évangélique est un chemin vers la perfection.
b. Les béatitudes
Pour comprendre la portée essentielle des
béatitudes dans la morale, nous devons recourir une fois de plus
Veritatis Splendor. Mais toutefois, analysons d'abord ce que dit le
Catéchisme. En effet, les béatitudes « sont au
coeur de la prédication de Jésus. Leur annonce reprend les
promesses faites au peuple élu depuis Abraham. Elle les accomplit en les
ordonnant non plus à la seule jouissance d'une terre, mais au Royaume
des cieux »67(*). Il est donc inconcevable, d'après le
Catéchisme de l'Eglise, de parler des béatitudes sans faire
référence à Jésus ni à la question du
Royaume des cieux.
Référons-nous actuellement à
Veritatis Splendor. Le Pape montre que les béatitudes font
partie de l'espace offert par la réponse que Jésus donne à
la question du jeune riche en Mt 19. En effet, l'encyclique se
réfère aux béatitudes du Discours de Jésus sur la
montagne. Jésus en invitant le jeune homme à tout vendre
rappelle la première béatitude, celle des pauvres (Mt 5, 3),
béatitude que le Pape Jean Paul II qualifie de celle des humbles. Au
fait, Matthieu s'appuie sur une expression hébraïque qui signifie
les humbles d'esprit. C'est pourquoi on découvrira que Dieu est toujours
avec ces pauvres d'esprit. Il leur donne d'ailleurs des occasions de se
réjouir, Il les conduit, les sauve, etc.
Les béatitudes en général évoquent
des attitudes et des dispositions fondamentales de l'existence humaine.
« Dans leur profondeur originelle, écrit Jean Paul
II, elles sont une sorte d'autoportrait du Christ et,
précisément pour cela, elles sont des invitations à le
suivre et à vivre en communion avec lui » (V.S.,
n° 16). Voilà en quoi elles sont une voie de la perfection, car
elles invitent l'homme à refléter l'image du Christ, mieux
à devenir un alter Christus.
Tout compte fait, la morale est et demeure la lampe qui
éclaire l'homme dans ses relations avec autrui, voire de sa relation
avec la nature. En effet, sans la morale, le monde serait pire que ce qu'il est
aujourd'hui. Chaque personne ferait ce qui lui plait. Chacun agirait de la
manière dont il l'entend. Grâce à elle, chaque être
humain a une certaine conscience du bien et du mal, de la
médiocrité et de la perfection. Nous avons
préféré, dans cette première section de ce
chapitre, parler d'elle en général, bien qu'après avoir
déjà parlé de certains de ses aspects dans le chapitre qui
précède. Dans la deuxième section, nous verrons dans
quelle mesure du possible cette morale peut aider l'homme congolais dans sa
recherche d'un avenir meilleur.
III. 2. UNE MORALE
CHRETIENNE POUR LE RAYONNEMENT DE
LA R.D CONGO
III. 2. 1. Situation actuelle
de la RDC
Depuis son accession à l'indépendance, le 30
juin 1960, la République Démocratique du Congo, comme bon nombre
des pays africains, traverse un temps de crises interminables.
Déjà au lendemain de cette accession à
l'indépendance, des guerres se sont succédées, des
révoltes étaient monnaie courante, les sécessions et
autres troubles du genre étaient au rendez-vous. Ainsi, par exemple
« dès juillet 1960, la province du Katanga... entra en
sécession. Dans le Sud Kasaï également, on assista à
des tentatives séparatistes..., le 14 septembre, le lieutenant
général J-D. Mobutu réussit un coup
d'Etat »68(*).
Cette situation si précaire continua jusqu'au moment de
la démocratisation du pays. Le chaos dans lequel avait sombré le
pays emmena la population à des soulèvements et des contestations
par-ci par-là. C'est le cas des pillages que connut le pays après
le discours sur la démocratisation, le 24 octobre 1991.
Toutefois, peu avant les pillages, suite à la
réorientation de politique d'aide au développement, des pays
occidentaux, désormais soucieuses de promouvoir la bonne gouvernance et
le respect des droits humains, le rôle de Mobutu, alors président
du Zaïre, comme bastion des puissances occidentales contre le communisme
n'avait plus de sens et sa politique faisait de lui un allié
gênant face à l'opinion publique. Conscient de cela, Mobutu
lança le 14 janvier 1990 le projet d'un grand débat national
auquel le peuple devait pendre part pour exprimer son opinion sur le
progrès du pays. C'est fut le début de la Conférence
National Souveraine (CNS). Le but de la CNS était que les citoyens du
Zaïre se mettent ensemble afin de discuter ou analyser la situation du
pays, et qu'ensemble ils trouvent les solutions aux maux qui rongeaient le
pays. Les conclusions de cette conférence n'apportèrent rien aux
conditions de vie de la population. C'est pourquoi les soulèvements
continuèrent.
En 1996, débuta une autre rébellion à
l'Est du pays. Celle-ci renversa le long régime dictatorial du
Maréchal Mobutu. Les successeurs de ce dernier, bien qu'ayant la
volonté de changer les choses, n'ont pas encore mené à bon
port le pays vers cette finalité. Et pour cause ? Le long moment de
crise qu'a traversé le peuple congolais est resté marquer dans la
tête de cette population. Ainsi, on remarquera par exemple le manque de
conscience, l'individualisme, la corruption, le détournement des fonds,
etc., conséquences de cette période là, qui continuent
à battre son record aujourd'hui.
Aujourd'hui, ceux qui dirigent les affaires publiques
s'occupent moins de la population. Cette situation a provoqué même
la grogne sociale. Celle-ci est caractérisée par des
revendications sociales de plus en plus nombreuses : des arrêts de
travail débouchant sur des grèves qui paralysent plusieurs
secteurs de la vie nationale, en particulier l'enseignement et la santé.
Même si jusqu'à présent, la grogne ne concerne que le
secteur public, il n'est pas exclu que la situation affecte le secteur
privé, déjà touché par des perturbations
émaillées du non respect des dispositions légales en
matière de législation sociale. La question que tout le monde se
pose de nos jours est : comment les familles congolaises se
débrouillent-elles pour se nourrir ? L'informel est devenu depuis plus
de 15 ans l'unique moyen de survie des Congolais. Chaque famille, en
majorité les femmes, les mères de familles, se «
débrouillent ». La vente de pains, des légumes, des fruits,
bref le petit commerce fait vivre des millions de familles en R.D.C.
Le mutisme du gouvernement traduit sans doute la
difficulté qu'il rencontre à élaborer une politique
salariale réaliste susceptible de permettre au travailleur de satisfaire
ses besoins élémentaires. C'est dans cette situation
précaire que les congolais vivent. Partant de ces faits, quelle morale
peut-on proposer à une telle population ? Que peut faire le
moraliste dans une telle situation ?
Voilà les questions que nous essayerons de
répondre dans la suite de cette deuxième section. Ainsi, nous
traiterons des questions relatives à la conscience droite et à
l'amour de la patrie.
III. 2. 2. Une conscience
morale droite
La
conscience
morale est une voix qui
parle en nous et qui nous permet, en notre for intérieur, de distinguer
le bien du mal, d'en fournir des normes, de mesurer la valeur des actions, de
juger de notre conduite et de celle des autres. Elle peut être
considérée comme un juge qui ne peut être trompé par
les préjugés et qui demeure le même, inflexible, quelles
que soient les vicissitudes de la vie69(*). C'est un juge auquel on peut donc toujours se
remettre avec assurance. André Lalande la qualifie d'une «
propriété qu'a l'esprit humain de porter des jugements
normatifs spontanés et immédiats sur la valeur morale de certains
actes individuels déterminés. Quand cette conscience s'applique
à des actes futurs de l'agent, elle revêt la forme d'une voix qui
commande ou défend »70(*).
Elle est au fait cette voix qui ne cesse de presser l'homme
d'aimer et d'accomplir le bien et d'éviter le mal. Veritatis
Splendor la considère comme étant quelque chose qui
« donne le témoignage de la droiture et de la malice de
l'homme à l'homme lui-même, mais en même temps avant tout,
qu'elle est le témoignage de Dieu lui-même, dont la voix et le
jugement pénètrent l'intime de l'homme jusqu'aux racines de son
âme... »71(*).
En effet, le rôle de la conscience morale dans l'homme
est qu'elle apprend peu à peu ce dernier à réfréner
ses pulsions, s'humanisant ainsi de mieux en mieux. L'ensemble de cette
humanisation progressive dirige l'humanité dans le sens de sa
perfection. Pour la majorité des hommes, chacune de nos actions
importantes s'accompagne d'un sentiment de bonne ou de mauvaise conscience.
Grâce à elle, tout être humain correctement
éduqué et qui a une sensibilité normalement
épanouie, ressent de la plénitude et une forme de bonheur
après avoir accompli une action généreuse envers
autrui.
Généralement, lorsque la conscience morale offre
du plaisir pour récompenser nos actes généreux, nos actes
d'amour, et de la souffrance pour nos actes violants, nous pouvons alors en
déduire son objectif : celui de diriger l'humanité vers l'amour.
Elle ne se détermine pas en fonction de ce qui est, mais en fonction de
ce qui doit être et dès lors elle implique dans l'existence de
tout homme un certain nombre de devoirs.
Mais il se fait qu'en République Démocratique du
Congo, suite aux périples crises, la population de ce pays s'en moque de
la notion de la conscience morale. C'est ainsi qu'on peut facilement trouver
des cas d'escroquerie, voire entre les membres d'une même famille, le
vol, le détournement des deniers publiques, la mégestion,
l'impolitesse, ainsi que d'autres vices qui prouvent que les congolais s'en
passent de la dite notion de la conscience.
Analysant la situation socio-économique de la R.D.C.,
S. Muyengo remarque que ce n'est pas uniquement les riches qui exploitent les
pauvres, même les pauvres entre eux s'exploitent mutuellement. Il
parvient donc à cette conclusion : « La crise
socio-économique que nous vivons plonge de plus en plus la
société dans un système d'exploitation des pauvres par
les pauvres. Il ne peut être autrement là où la
paupérisation bat le plein et l'administration est minée par la
corruption. Tout le monde vend à tout le monde. Tout le monde profite de
tout le monde »72(*). Il continue en disant : « Dans la
situation de crise, l'erreur est toujours de chercher à s'en sortir seul
en laissant les autres sur les carreaux »73(*), et propose à l'Eglise
locale, quant à la question de la prise en charge, d'aider les pauvres
à se prendre en charge. Il affirme : « Pour
être plus efficace, réaliste et par surcroît
évangélique, il faut que l'Eglise se construise d'en bas, en
aidant les pauvres à se prendre en charge pour qu'ils soient en mesure
de prendre en charge leur Eglise »74(*). Ce conseil vaut pour l'Eglise
et pour l'Etat.
De ce fait, la première solution que nous pouvons
offrir aux congolais d'aujourd'hui en quête des bases solides pour la
relance du pays est de se laisser former à l'école de la
conscience. Que tous ceux qui ont la possibilité d'instruire les autres
insistent sur cette notion. Sinon, il n'y aura jamais de développement
lorsqu'un peuple n'a pas de conscience.
III. 2. 3. Un amour de la
patrie sans faille
Après avoir cité la quête de la notion de
la conscience comme premier facteur déterminant pour le
développent de la R.D.C, nous proposons à cette population comme
deuxième facteur déterminant la notion de l'amour de la
patrie.
En effet, par le vocable amour de la patrie on entend ce type
d'amour qui anime tout membre d'un pays quelconque à aimer son pays, en
recherchant son développement et son progrès afin qu'il devienne
une référence dans le monde75(*). Cet amour se manifeste des plusieurs
manières : pour la classe dirigeante par exemple, ceux qui la
composent auront l'amour de la patrie lorsqu'ils feront tout ce qui est en leur
pouvoir pour rechercher la prospérité de tous. Pour les
médecins, ils manifesteront cet amour lorsqu'ils soigneront leurs
malades dans la conscience, oubliant d'abord ce que peut rapporter leur
métier. Pour les avocats et magistrats, c'est lorsqu'ils appliqueront la
loi sans parti pris, sans favoriser celui qui a plus d'argent bien qu'il soit
dans la faute. Nous ne pouvons pas citer ici toutes les catégories
sociales, sinon chaque personne à son niveau, qu'il soit riche ou
pauvre, qu'il soit sans emploi, etc., tout le monde, lorsqu'il met
l'intérêt de son pays au premier plan, il a l'amour de sa
patrie.
Cet amour de la patrie se manifeste également par un
sens aigu du sentiment d'appartenance. S. Muyengo nous le rappelle en ces
termes : « Le sentiment d'appartenance va de paire avec le
sens du bien commun qu'il convient de comprendre, non pas comme la somme de
biens particuliers, mais comme la fin, le but de la vie en
société »76(*). Et ce sentiment doit être inculqué
dès le bas âge.
Mais il se fait qu'ici en R.D.C. l'amour de la patrie manque
à beaucoup de nos dirigeants, qui viennent soit de l'extérieur du
pays et qui, par conséquent, n'ont qu'une seule idée en
tête : amasser de l'argent, par n'importe quel moyen, et rentrer vivre
où ils ont laissé leur famille. Soit encore s'ils viennent de
l'intérieur du pays, alors dans ce cas, ils ont encore présent
à l'esprit les habitudes de la deuxième république
c'est-à-dire habitudes qui leur font dire qu'il n'y a pas de lendemain
lorsque on occupe une fonction politique, d'où, il faut profiter pendant
que l'on exerce encore sa fonction dans le gouvernement. Ils font ainsi pour
amasser de l'argent afin de s'assurer un meilleur lendemain. Et si, ceux qui
ont les commandes du pays agissent de la sorte, que peut faire le reste de la
population ? D'où les dérapages au niveau des gestions des
biens publiques que nous rencontrons par-ci par-là, amenant ainsi toute
la population à commettre le péché structurel ou de la
structure du péché pour utiliser l'expression chère au
Pape Jean-Paul II.
Nous estimons qu'il faut une nouvelle
génération, avec une nouvelle mentalité si l'on veut
sortir effectivement de cette crise. Il faut, en d'autres termes, une nouvelle
classe de l'élite, consciente des enjeux géopolitiques et
intégrant les atouts de la R.D.C., c'est-à-dire les
énormes potentialités économiques, nouvelles forces
géopolitiques. La R.D.C. a les moyens d'être une grande nation au
coeur de l'Afrique si sa propre population lui accorde cette chance.
Tout compte fait, le développement de la R.D.C. ne peut
être concret que si l'on considère d'abord l'homme congolais en
tant qu'être humain, digne de respect. L'économie ou la
technoscience ne peuvent pas apporter un développement si l'acteur
même de ce développement n'est pas prit en considération.
Jules Kipupu dit à ces propos : « l'on a compris que
le développement n'était pas uniquement économique, qu'il
ne pouvait pas se faire sans prendre en charge l'homme et tout homme dans son
insertion sociale déterminée »77(*). Que les gouvernants
valorisent leurs compatriotes.
III. 3. CONCLUSION DU
CHAPITRE
Le dernier chapitre est un essai de concrétisation de
toutes les notions que nous avons pu développer tout au cours notre
travail. Il poursuit le noble objectif de faire ressortir les
éléments nécessaires pour le développement de la
République Démocratique du Congo. Pour ce faire, nous avons
divisé ce dit chapitre en deux sections essentielles. La première
aborde les questions morales qui pourront être nécessaire pour le
développement du Congo. La deuxième est un essai d'application de
ces questions morales.
Ainsi, nous pouvons retenir de la première section
l'importance d'une morale dans le monde et dans la vie de toute personne
humaine. Car, en effet, sans la loi morale, le monde serait comparable à
un horizon bouché. Et lorsque cette morale devient chrétienne,
elle élève l'homme à communier avec son Créateur,
à l'aimer et à aimer son semblable.
La deuxième section quant à elle, aborde
certains points nécessaires pour le développement du Congo. Ainsi
nous avons décelé le cas de la conscience morale qui peut
caractériser tout celui qui veut que son pays s'élève.
Nous avons décelé également le problème de l'amour
de la patrie qui est un élément essentiel si l'on veut atteindre
le progrès d'une nation. Enfin, une brève conclusion a mis un
terme à cette investigation.
CONCLUSION GENERALE
Au terme de notre travail, nous nous sentons dans l'obligation
de présenter l'essentiel de son contenu. De ce fait, nous rappelons de
prime abord que celui-ci comportait trois chapitres. Le premier était
une analyse de la source même de la présente investigation :
il s'agit de l'Encyclique Veritatis Splendor du Pape Jean Paul II.
Cette Encyclique comporte trois parties. La première
est un commentaire du récit biblique du jeune homme riche (Mt 19, 16s).
La deuxième est une étude faite par Jean Paul II sur certaines
tendances de la théologie morale actuelle. Et la troisième est
une présentation du but vers lequel la morale doit tendre.
Le deuxième chapitre portait sur le
développement des concepts clés de notre travail. Ainsi,
avons-nous compris que la notion de la liberté chrétienne se
réalise dans une logique où l'on ne doit pas exclure de Dieu.
Cette notion se veut aussi comme une prise en charge des actes de l'homme par
lui-même. Dieu en créant l'homme, l'a laissé à son
propre conseil pour que seul, il découvre son créateur et observe
les lois que ce dernier lui propose.
Pour ce qui est de la notion de la loi, celle-ci est comprise
comme étant un don de l'intelligence, accordé à l'homme
afin qu'il se comprenne lui-même en vue d'accomplir le bien. Quant
à la vérité, elle est une vertu qui aide l'homme à
conformer sa vie ou ses actes par rapport à un idéal qu'il s'est
donné. Elle veut que l'homme se montre vrai dans ses actes et dans ses
paroles.
Le troisième chapitre quant à lui est un essai
de concrétisation de la morale dans la vie du peuple congolais. Nous
avons ici commencé par rappeler ce qu'est la morale pour parvenir
à dégager quelques idées qui pourraient être utile
pour le développement de la République Démocratique du
Congo. Ainsi, avons-nous analysé les notions de la conscience morale qui
se veut droite et celle de l'amour de la patrie.
Tout compte fait, l'Encyclique Veritatis Splendor
nous a été d'un précieux apport. Grâce à
elle, nous avons compris que la splendeur de Dieu ou la splendeur de la
vérité, source de vie et d'amour, se déploie chaque jour
dans le monde. Elle est à la racine de la naissance des humains, elle
accompagne leur croissance et leur vieillissement. Elle veut que ceux-ci,
après leur passage sur cette terre, se retrouvent unis auprès de
leur créateur. C'est pourquoi elle leur révèle,
grâce à l'intelligence que Dieu a accordé aux hommes, des
normes morales, afin qu'au moment où ils les respecteront puissent vivre
en harmonie entre eux, et avec Dieu.
La splendeur de la vérité se colore ainsi de la
splendeur de la communion et de la solidarité d'hommes et des femmes qui
veulent remplir la terre de la fécondité étonnante de
l'amour de Dieu.
BIBLIOGRAPHIE
1. SOURCE SCRIPTURAIRE
- LA BIBLE DE JERUSALEM. Traduit en français sous la
direction de l'Ecole Biblique de Jérusalem, Cerf, Paris, 1973.
2. DOCUMENTS DU MAGISTERE
- CATECHISME DE L'EGLISE CATHOLIQUE, Paris,
Racine/Fidélité, 1998.
- CONGREGATION POUR LES RELIGIEUX ET LES INSTITUTS SECULIERS,
La vie consacrée et sa mission dans l'Eglise et dans le monde,
Médiaspaul, Kinshasa, 1994.
- JEAN PAUL II, Lettre Encyclique Veritatis Splendor. Sur
quelques questions fondamentales de l'enseignement moral de l'Eglise, dans
Documentation Catholique n° 85,1993.
3. DICTIONNAIRES
- BRUGUES, J.-L., Dictionnaire de Morale Catholique,
Paris, C.L.D., 1991.
- COTE, J., Cent mots-clés de la théologie
de Paul, Novalis/Cerf, Ottawa, 2000.
- LALANDE, A., Vocabulaire technique et critique de la
philosophie, Paris, Quadrige/PUF, 1991.
- NOUVEAU PETIT ROBERT DE LA LANGUE FRANCAISE, Ed. Le Robert,
Paris, 2007.
4. OUVRAGES
- DESCLOS, J., Resplendir de vraie liberté.
Lectures de Veritatis Splendor, coll. Brèches théologiques,
Médiaspaul, Montréal, 1994.
- FERNANDEZ, A., Morale fondamentale (Initiation
théologique), Paris, Le Laurier, 2003, pp. 63-64.
- HOBBES, Th., Léviathan :
Matière, forme et puissance de l'Etat chrétien et
civile, Traduit par Gérard Mairet, Gallimard, Paris, 2000.
- LAURET, B., -REFOULE, F. (dir.), Initiation à la
pratique de la théologie, t.IV : l'Ethique.
2ème édition, Paris, Cerf, 1984.
- LEONARD, A-M. (Mgr), La morale en question. Dialogue
à propos de l'Encyclique Veritatis Splendor, Coll. Bonne Nouvelle
n°3, Ed. Omer Marchal/ Ed. de l'Emmanuel, Paris, 1994.
- LEVY-BRÜHL, L,. La morale et la Science,
Paris, PUF, 1971.
- LINNIG, W., Fais cela et tu vivras. Bible et morale
selon l'encyclique Veritatis Splendor, Ed. du Carmel/Ed. Parole et
Silence, Paris, 2003.
- MUYENGO, S., Le Pape de ma jeunesse. Chroniques de
J.M.J. (1985-2000), Publications Jean XXIII, Ed. Le Sénevé,
Kinshasa, 2000.
- MUYENGO, S., Cours de Théologie morale
fondamentale destiné aux étudiants de G1 aux FCK, Kinshasa,
2008-2009, inédit.
- MUYENGO, S., Dix Paroles pour mieux être.
Perspectives pour une nouvelle évangélisation, Paulines,
Kinshasa, 2009.
- MUYENGO, S., Duc in Altum. Prêtres
séculiers et l'Evangélisation du nouveau siècle,
Coll. Théologie et Pastorale, Ed. Le Sénevé, Kinshasa,
2001.
- MUYENGO, S., L'humanité de l'homme,
Publications Jean XXIII, Ed. Le Sénevé, Kinshasa, 1997.
- POLIN, R., Vérités et liberté,
Coll. Questions, P.U.F., Paris, 2000.
- RAHNER, K., Traité fondamental de la foi,
Ed. Centurion, Paris, 1983.
- REY-MERMET, TH. , Croire. T. IV. Pour une
redécouverte de la morale, Droguet - Ardant, Québec,
1985.
- WAWA, R. (dir.) , La République
Démocratique du Congo, Mon beau pays, 2ème
édition revue, Médiaspaul, Kinshasa.
- WAWA, R., On l'appelait Jean Paul II, Kinshasa,
Médiaspaul, 2005.
5. ARTICLES
- J.-F., COLLANGE, Foi, espérance, amour et
éthique dans B. LAURET - F. REFOULE (dir.), Initiation à
la pratique de la théologie, T. IV : l'Ethique.
2ème édition, Paris, Cerf, 1984.
- J. ELLUL, Liberté, dans Conscience et
liberté, n°19, Amsterdam, 1980.
- J. KIPUPU, Culture et développement durable,
dans Culture africaine, démocratie et développement
durable. Actes des VIII ème Journées
Philosophiques de la Faculté Saint Pierre Canisius du 16 au 19 mars
2005, Ed. Loyola, Kinshasa, 2005.
TABLE DES MATIERES
EPIGRAPHE
I
DEDICACE
II
AVANT - PROPOS
III
INTRODUCTION GENERALE
4
CHAPITRE PREMIER
7
LA SPLENDEUR DE LA VERITE
7
I.0. INTRODUCTION
7
I.1. L'AUTEUR ET SON OEUVRE
7
I.2. ELOGE DE LA VERITE
9
I.3. CONCLUSION DU CHAPITRE
21
CHAPITRE DEUXIEME
23
LIBERTE, LOI ET VERITE: UN TRINOME
COMPLEMENTAIRE
23
II. 0. INTRODUCTION
23
II.1. DE LA NOTION DE LA LIBERTE
23
II.1.1. Quelques définitions
23
II.1.2. La liberté dans la morale
naturelle
24
II. 1.3. Sens de la liberté
chrétienne
25
II.1. 4. La liberté selon l'Encyclique
Veritatis Splendor
27
II. 2. LA NOTION DE LA LOI
28
II. 2.1. Quelques définitions
28
II. 2. 2. De la Loi naturelle
29
II. 2. 3. La Loi dans les Saintes Ecritures
31
II.2. 3. 1. Dans l'Ancien Testament
31
II.2. 3. 2. La Loi dans le Nouveau Testament
32
II. 3. LA NOTION DE LA VERITE
35
II. 3. 1. Définitions
35
II. 3. 2. Une vérité éthique
et évangélique
35
II. 3. 3. La Vérité de Dieu construit
la liberté de l'homme : Le rapport entre vérité et
liberté
37
II. 3. 4. Une Vérité qui
libère
38
II. 4. CONCLUSION DU CHAPITRE
39
CHAPITRE TROISIEME
41
LA MORALE CHRETIENNE A LA LUMIERE DE L'ENCYCLIQUE
VERITATIS SPLENDOR POUR UN AVENIR MEILLEUR DE LA RDC
41
III.0. INTRODUCTION
41
III. 1. LA MORALE AUJOURD'HUI : UNE
NECESSITE
41
III.1.1. Quelle morale pour aujourd'hui ?
41
III.1.2. La morale chrétienne comme
réponse à la préoccupation humaine
44
III.1. 3. La recherche de la perfection dans la
morale chrétienne
47
III. 2. UNE MORALE CHRETIENNE POUR LE RAYONNEMENT
DE
49
LA R.D CONGO
49
III. 2. 1. Situation actuelle de la RDC
49
III. 2. 2. Une conscience morale droite
51
III. 2. 3. Un amour de la patrie sans faille
53
III. 3. CONCLUSION DU CHAPITRE
55
CONCLUSION GENERALE
56
BIBLIOGRAPHIE
58
TABLE DES MATIERES
61
* 1 Nous devons cette petite
bibliographie à R. WAWA, On l'appelait Jean Paul II, Kinshasa,
Médiaspaul, 2005, pp.5-8.
* 2 Cfr. S. MUYENGO, Le
Pape de ma jeunesse. Chroniques de J.M.J. (1985-2000), Publications Jean
XXIII, Ed. Le Sénevé, Kinshasa, 2000.
* 3 JEAN PAUL II, Lettre
Encyclique Veritatis Splendor. Sur l'enseignement moral de
l'Eglise, dans La Documentation Catholique n° 85
(1993), pp. 1133-1228. Désormais V.S. n° 1.
* 4 VATICAN II,
Décret Optatam totius, n°16, cité par V.S.
n°7.
* 5 S. MUYENGO, Duc in
Altum. Prêtres séculiers et l'Evangélisation du
nouveau siècle, Coll. Théologie et Pastorale, Ed. Le
Sénevé, Kinshasa, 2001, p. 137.
* 6 VATICAN II, Constitution
pastorale Gaudium et spes, n°22, cité par V.S.
n° 27.
* 7 JEAN PAUL II,
Encyclique Redemptor hominis, n°4, cité par V.S.
n°31
* 8 SAINT THOMAS D'AQUIN,
Somme théologique, I-II, q. 18, a. 6, cité par
V.S. n° 78
* 9 Discours aux
participants du Congrès international de la théologie morale (10
avril 1986), n.1 : Insegnamenti IX, 1 (1986), p.970, cité par
V.S. n°84
* 10 NOUVEAU PETIT ROBERT DE
LA LANGUE FRANCAISE, Ed. Le Robert, Paris, 2007.
* 11 A., LALANDE,
Vocabulaire technique et critique de la philosophie, vol. I :
A-M, Paris, Quadrige/PUF, 1991, p.559.
* 12 J.-L., BRUGUES,
Dictionnaire de Morale Catholique, Paris, C.L.D., 1991, p. 234.
* 13 A. FERNANDEZ,
Morale fondamentale (Initiation théologique), Paris, Le
Laurier, 2003, pp. 63-64.
* 14
CATECHISME DE L'EGLISE CATHOLIQUE, Paris,
Racine/Fidélité, 1998, n°1731, désormais C.E.C.
* 15 S., MUYENGO, Cours
de Théologie morale fondamentale destiné aux étudiants de
G1 aux FCK, Kinshasa, 2008-2009, inédit.
* 16 B., LAURET, - F.,
REFOULE, (dir.), Initiation à la pratique de la théologie,
t.IV : l'Ethique. 2ème édition, Paris, Cerf,
1984, p.161.
* 17 Ibid.,
p.163.
* 18 Op. cit., p.
163.
* 19 Idem.
* 20 Idem
* 21 J., DESCLOS,
Resplendir de vraie liberté. Lectures de Veritatis Splendor,
coll. Brèches théologiques, Médiaspaul, Montréal,
1994, p. 237.
* 22 K. RAHNER,
Traité fondamental de la foi, Ed. Centurion, Paris, 1983, p.
113, cité par Idem.
* 23 A-M., LEONARD (Mgr),
La morale en question. Dialogue à propos de l'Encyclique Veritatis
Splendor, Coll. Bonne Nouvelle n°3, Ed. Omer Marchal/ Ed. de
l'Emmanuel, Paris, 1994, p.42.
* 24 NOUVEAU PETIT ROBERT DE
LA LANGUE FRANCAISE, Ed. Le Robert, Paris, 2007.
* 25 A., LALANDE,
Vocabulaire technique, op. cit., p. 589.
* 26 Th. HOBBES,
Léviathan : Matière, forme et puissance de
l'Etat chrétien et civile, Traduit par Gérard Mairet,
Gallimard, Paris, 2000, p. 408.
* 27 Idem
* 28 L.
LEVY-BRÜHL, La morale et la Science, Paris, PUF, 1971, p.
3.
* 29 Th. HOBBES, Op.
Cit., p. 356.
* 30 Idem
* 31 W., LINNIG, Fais
cela et tu vivras. Bible et morale selon l'encyclique Veritatis Splendor,
Ed. du Carmel/Ed. Parole et Silence, Paris, 2003, p. 48.
* 32 C.E.C.,
n° 2071.
* 33 W., LINNIG, Op.
Cit., p. 59.
* 34 S. MUYENGO,
L'humanité de l'homme, Publications Jean XXIII, Ed. Le
Sénevé, Kinshasa, 1997, p.45.
* 35 Ibid. p.46.
* 36 Idem
* 37 S. MUYENGO, Dix
Paroles pour mieux être. Perspectives pour une nouvelle
évangélisation, Paulines, Kinshasa, 2009, p. 12.
* 38 J. COTE, Cent
mots-clés de la théologie de Paul, Novalis/Cerf, Ottawa,
2000, pp. 289-290.
* 39 J. COTE, Cents
mots-clés de la théologie..., p. 293.
* 40 NOUVEAU PETIT
ROBERT DE LA LANGUE FRANCAISE 2007
* 41 A., LALANDE,
Vocabulaire technique... pp. 1197-1198.
* 42 Idem
* 43 J., COTE, Op.
Cit., p. 453.
* 44 C.E.C.,
n° 2468
* 45 J. DESCLOS,
Resplendir de vraie liberté, coll. Brèches
théologiques, Médiaspaul, Montréal, 1994, p. 31.
* 46 Voir par exemple les
idéologies nouvelles présentées sous les titres de la
Nouvelle éthique mondiale, ou encore de l'Ethique minimale. Sur la
première, lire M.A. PEETERS, La mondialisation de la
révolution culturelle occidentale. Concepts clefs, mécanismes
opérationnels, Institute For Intercultural Dialogue Dynamics
(Asbl), s.l, 2007, 200p. ; La Nouvelle éthique mondiale.
Défi pour l'Eglise, Kinshasa, Médiaspaul, 2007, 77p ;
Préface à S. MUYENGO, Les Dix paroles pour mieux être.
Perspectives pour une nouvelle évangélisation, Coll.
« Nouvelle Evangélisation », Kinshasa, Ed. Paulines,
2008, 143 p.. sur la seconde : R. OGIEN, L'éthique aujourd'hui,
Maximalistes et Minimalistes, Paris, Gallimard, 2007 ; lire aussi
L'éthique minimale en discussion, dans l'Ethique minimale,
Revue de Théologie et de Philosophie, Vol 140/2008, II-II, 99.
* 47 R., POLIN,
Vérités et liberté, Coll. Questions, PUF, Paris,
2000, p. 43.
* 48 J., DESCLOS, Op.
Cit., p. 61.
* 49 Ibid., p.
62.
* 50 Ibid., p.
182.
* 51 Idem
* 52 W. LINNIG, Fais
cela et tu vivras..., p. 181.
* 53 J. DESCLOS,
Resplendir de vraie liberté..., p. 6.
* 54 Ibid. p.
20.
* 55 JEAN PAUL II,
Discours aux Cardinaux, à la Famille pontificale, à la Curie
et à la Prélature romaine, 21 novembre 1993, dans
L'Osservatore Romano, n° 52, 28 décembre 1993, p.7,
cité par Ibid. p. 21.
* 56 J. DESCLOS, Op.
Cit. p. 74.
* 57 TH. REY-MERMET,
Croire. T. IV. Pour une redécouverte de la morale,
Droguet - Ardant, Québec, 1985, p. 33.
* 58 Ibid. p.
37.
* 59 J.-F., COLLANGE,
Foi, espérance, amour et éthique dans B. LAURET - F.
REFOULE (dir.), Initiation à la pratique de la théologie, T.
IV : l'Ethique. 2ème édition,
Paris, Cerf, 1984, p. 13.
* 60 S., MUYENGO, Cours
de Théologie morale fondamentale destiné aux étudiants de
G1 aux FCK, Kinshasa, 2008-2009, inédit.
* 61 C.E.C.,
n°144.
* 62 J.-F., COLLANGE,
Op. Cit., p. 14.
* 63 C.E.C., n° 162.
* 64 S. MUYENGO, Op.
Cit., inédit.
* 65 Idem.
* 66 CONGREGATION POUR LES
RELIGIEUX ET LES INSTITUTS SECULIERS, La vie consacrée et sa mission
dans l'Eglise et dans le monde, Médiaspaul, Kinshasa, 1994, p.
66.
* 67 C.E.C. n°
1716.
* 68 R. WAWA (dir.) , La
République Démocratique du Congo, Mon beau pays,
2ème édition revue, Médiaspaul, Kinshasa, 2008,
p. 10.
* 69 J. KIPUPU, Culture
et développement durable, dans Culture africaine,
démocratie et développement durable. Actes des VIII
ème Journées Philosophiques de la Faculté Saint
Pierre Canisius du 16 au 19 mars 2005, Ed. Loyola, Kinshasa, p. 63.
* 70 A. LALANDE,
Vocabulaire technique...pp. 175-176.
* 71 V.S., n°
58.
* 72 S. MUYENGO, Dix
paroles..., p. 85.
* 73 Ibid. p.
86.
* 74 S. MUYENGO,
Seigneur apprends-nous à prier. Réflexions, Médiations
et Prières avec le Notre Père, Médiaspaul, Kinshasa,
2007, p. 33.
* 75 J. ELLUL,
Liberté, dans Conscience et liberté, n°19
(1980), Amsterdam, p. 48.
* 76 S. MUYENGO, Op.
Cit., p. 55.
* 77 J. KIPUPU, Op.
Cit., p. 61.
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