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La construction de territoire imaginaire par et pour les diasporas à travers trois radios locales grenobloises

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par Elsa Mathews
Université Stendhal, Grenoble, France - CoMundus: Media, Communication and Cultural Studies 2010
  

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2.6.1 Les radios libres

Le monopole permit de contrôler non seulement les moyens de la radiodiffusion mais aussi l'information. Les radios libres émergeaient avec les besoins du public de disposer d'un moyen d'information alternatif. Le surgissement des radios libres provient également des nouvelles interrogations sur les processus d'interaction et de transaction entre les cultures diverses qui se sont installées en Europe et les flux transnationaux.

Le mouvement des radios libres était inspiré par les radios « pirates » comme Radio Caroline en Grande Bretagne et Radio Alice en Italie qui diffusaient depuis des bateaux situés dans les eaux internationales. Ailleurs, les radios libres étaient aussi une expression des enthousiasmes des nouvelles techniques, paroles et musique.

En France, l'histoire des radios libres a commencé en 1977, avec le lancement de la Radio Verte. Cela a suscité une explosion de stations de radio, par conséquent, une bataille pour les ondes. Les radios libres qui avaient un statut de « radios pirates » et « radios clandestines » jusque là, ont été légalisées en 1981 quand François Mitterrand le président Français a libéré la bande FM. La loi du 29 juillet 1982, autorisant les radios libres à émettre, a brisé définitivementle monopole. Désormais les radios libres deviennent des radios locales privées (R.L.P.). Cette autorisation a encouragé une multiplication de stations de radio partout en France.

2.7 L'art de la radio

Les artistes commencèrent à imaginer les ondes comme un paysage artistique. Le mouvement Dada, regroupant plusieurs artistes qui étaient contre l'absurdité de la guerre, commença en 1916 à Zurich en Suisse. Les artistes voulaient trouver une autre signification à l'art dans toutes ses formes. Dans le domaine sonore, le mouvement Dada produisit des sons différents. Kurt Schwitters, Richard Huelsenbeck and Raoul Haussman étaient les artistes du mouvement Dada qui ont expérimenté avec la poésie du son inspiré par l'idée de mots libres développée par l'italien Filippo Tommaso Marinetti en 1919 (environs) qui a mené le mouvement futuriste. Diverses expériences de radio futuriste seront tentées avant la Seconde Guerre mondiale, notamment, à Liège, par le Groupe Moderne d'Art.

En même temps Luigi Russolo (1885-1947), écrivit l'arte dei rumori (L'art du bruit) et inventa des instruments de bruitage. Selon Russolo «  La vie ancienne fut silencieuse. Le bruit naquît avec l'invention de la machine au XIX ème siècle ». Il a estimé que le son était un phénomène physique et le bruit sa désintégration compliquée. Dans l'appendice au manifeste de Marinetti, un Art des Bruits en 1916 il fait l'inventaire de tous les bruits possibles à rassembler dans ce qu'il appelle l'orchestre futuriste. Il y a, selon Russolo, six classes de bruits dans l'univers qu'il espère simuler tous par des machines dans ses laboratoires. Le lexique des bruits est bien spécifique aux différentes langues, et les traductions de l'italien ne peuvent être qu'approximatives. Première classe : le hurlement (vent), le rugissement, le ronflement (tonnerre, orgues), le mugissement (vent, mer),  la détonation, le claquement ; seconde classe : le sifflement (serpent), le bruissement (étoffes), le chuintement (gaz, vapeur), le halètement (souffle) ; troisième classe : le chuchotement, le susurrement (feuilles d'arbres), le murmure, le marmottement ; quatrième classe : le grincement, le craquement, le grésillement, le pétillement, le frottement ; cinquième classe : les bruits obtenus par le battement de métal, de bois, de peau, de pierre ; sixième classe : les bruits produits par les «voix» humaines et animales : la clameur, le gémissement, le vagissement, le sanglot, le beuglement, le braillement, le bourdonnement, etc (Parret, 2010).

En Mai 1924, la revue L'Impartial Français organisa le premier concours de « littérature radiophonique », le jury fut composé d'écrivains et de personnalités du monde du théâtre (Colette, Jacques Copeau, la comtesse de Noailles, Léon-Paul Fargue, Rosny Aîné, etc.). Deux premiers prix furent en effet attribués, l'un pour ses «qualités littéraires» et l'autre pour ses «qualités radiogéniques». Les deux oeuvres primées en 1924 sont Agonie de Paul Camille et Maremoto de Gabriel Germinet (pseudonyme de Maurice Vinot) et de Pierre Cusy. La première, récompensée pour ses qualités littéraires, met en scène «un mourant qui a pu s'emparer d'un poste d'émission de T.S.F» et sa forme est « une simple confidence, une confession ». Maremoto (raz de marée en italien) est « un dialogue entre un radio-télégraphiste et un marin qui appellent désespérément au secours par TSF, car leur navire est entrain de couler. On entend la pluie, le vent, des bruits de chute, les craquements de la coque. (Méadel, cité dans Hartje, 2003).

L'utilisation des ondes pour la propagande a troublé les artistes. Bertolt Brecht le dramaturge, poète et metteur en scène allemand, inquiété par le manque de participation du public dans l'espace radiophonique et l'utilisation de la radio pour et par les propagandes nazis a écrit en 1932 Der Rundfunk als Kommunikationsapparat/La Radio comme Appareil de Communication. Il constate:

La radio porte une face au lieu de deux - elle est purement un appareil de distribution. Voici une suggestion positive : changez cet appareil de distribution en un appareil de communication. La radio peut être le meilleur appareil de communication dans la vie publique, un vaste réseau de conduits. C'est-à-dire, qui sache aussi bien transmettre que recevoir et laisser l'auditeur parler aussi bien qu'écouter.

En 1936, Rudolph Arnheim dans son livre Radio proposa que la radio puisse être un nouvel art. Il a basé son hypothèse en observant la croissance de la communication sans fil en Europe qui à ce moment là comporte 235 stations de radio. Il postule que ce qui empêche le développement de l'art de la radio est la hiérarchie des sens dans laquelle la vue domine l'ouïe.

« L'oeil donne une impression complète du monde, mais l'oreille donne une impression incomplète. L'essence de diffusion est l'unité, il apporte par les moyens auditifs l'essence d'un événement, le processus de pensée, une représentation... la dominance sensorielle d'un visuel sur l'auditif est telle dans notre vie qu'il est difficile à accepter le monde auditif avec une transition vers le monde visuel. Donc, il y a une opinion qui se généralise à propos du sans fil. »

L'autre raison du retard de l'art de la radio était la dominance de la musique. La musique a gagné en importance grâce à sa valorisation comme condition sine qua non d'art du son. L'auto-référentialité de la musique a affaibli, banalisé et effacé les résultats sociaux et imaginaires des autres systèmes de sons. (Kahn, 1990).

En 1933, Filipino Tommaso Marinetti et Pino Masnata ont écrit un manifeste La radio, qui accompagna Le manifeste pour le Futuriste par Marinetti dans laquelle ils envisagent la radio comme un des modes de communication plus avancée que le théâtre (qui avait été selon eux tué par la radio et le cinéma sonore) et du livre (coupable de la myopie de l'humanité). Ce manifeste fut basé sur l'idée des mots libres (parole in liberta).

Par ailleurs les contrôles gouvernementaux sur les diffusions ont bloqué les intentions des artistes pour utiliser la radio dans un but artistique du fait qu'elle était employée comme vecteur de propagande. Circonvenir les influences militaro-industrielles et diffuser d'une manière par laquelle les sons ne soient pas détournés par les puissants, étant donné que la radio avait des racines militaires, était un défi pour les artistes (Lander, 1999). Pourtant, les artistes continuaient à développer ces moyens de diffusion.

La puissance de la radio pour créer des effets « quasi magiques » par le moyen du son a été démontrée lors de la diffusion de La Guerre des Mondes (de H.G. Wells) par Orson Wells en 1938 sur CBS, aux Etats-Unis. Cette histoire d'une invasion extra-terrestre convainquit les auditeurs que les événements diffusés par la radio étaient réels. Six millions d'auditeurs crurent qu'il s'agissait d'une émission d'information et un million céda à la panique.Les artistes furent fascinés par ce nouveau moyen de communication et voulurent l'utiliser non seulement dans des buts artistiques mais aussi pour développer un art sonore.

Marinetti et Kurt Schwitters se sont intéressés à la manipulation du son par la technologie. Pendant les années 30, Marinetti produisit cinq pièces radiophoniques, en mélangeant les sons de feu, d'eau, et de voix humaines. Il a aussi utilisé le son rrrrr d'une moto (Lander, 1990). Cette collection de sons est intitulée Radio Sintesi. Mais cet ouvrage n'a jamais été diffusé. Dans son ouvrage La Radia (1933), inspiré de mots libres par Marinetti, Pino Masnata a proposé que les éléments de la structure linguistique (conjonction, adverbes, adjectifs, etc.) soient éliminés pour la réduire aux mots essentiels. Les mots libérés peuvent être utilisés pour créer une imagination sans fil (sic).

Néanmoins les conditions imposées par l'Etat pour l'utilisation de la radio ont empêché le développement de la radio comme « le huitième art ». En 1947, l'émission, Pour en Finir avec le Jugement de Dieu créée par Antonin Artaud acteur, dramaturge, poète et peintre français était censurée par crainte que l'ouvrage ne véhicule un sentiment de peur. L'enregistrement était composé de sons, cris, hurlements, grognements, onomatopées. Artaud a envisagé la bouche comme le seul émetteur de sons. Selon Allen S. Weiss, cet ouvrage peut être rangé dans le domaine de radio phantasme (Lander,1999).

Selon Hélène Eck l'art de la radio ne se développa pas à cause de sa dépendance du théâtre. « Il paraissait évident dans les années trente que « le huitième art » s'identifiait au théâtre radiophonique soit en quête d'une nouvelle définition. Il reste très étroitement dépendant du modèle théâtral traditionnel, s'attache aux notions d'oeuvres et d'auteur, seules capables de hisser la radio au rang des Arts » écrit Eck.

En plus les usages des stéréotypes et les descriptions banales ont rendu l'art radiophonique inefficace. « C'est de l'ordre de la fine moustache par laquelle, dans les Westerns se démontré la traîtrise » (Veille, 1952 cité dans Eck, 1990). Les accompagnements parasites les plus fréquemment décriés sont les récitant, cet auxiliaire postiche dont la voix neutre est plate et décrit le décor et assure les transitions entre les scènes, la musique d'ambiance où l'atmosphère destinée à suggérer un cadre spatial, enfin et surtout le bruitage exagéré, cette multiplication d'indices sonores qui n'épargnent à l'auditeur ni les bruits des voitures , d'ascenseur, de clef, ni ceux de porte ouverte, puis fermée pour évoquer un retour à la maison » (Meriminode,1945 cité dans Eck, 1990)

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote