La construction de territoire imaginaire par et pour les
diasporas à travers trois radios locales grenobloises
Introduction
Cette étude vise à mieux comprendre les trois
diasporas ; juive, maghrébine, et d'Afrique sub-saharienne et les
manières dont elles s'expriment dans l'espace médiatique
français. Je trouve que cet acte de communication est non seulement un
effort vers la diffusion de l'information à propos de la diaspora, mais
c'est aussi un processus par lequel chacun affirme son identité sur les
ondes. Pour ce faire, nous nous sommes penché tout d'abord sur la notion
de territoire.
Selon le dictionnaire Le Robert, dictionnaire de la langue
française le mot « territoire » a trois significations. Le
premier : « étendue de la surface terrestre sur laquelle vit un
groupe humain ; une collectivité politique nationale, pays, nation,
parfois état» ; le deuxième «Etendue de pays
sur laquelle s'exerce une autorité, une juridiction » ; le
troisième « Etendue de pays qui jouit d'une personnalité
propre mais ne constitue pas un Etat souverain ».
Mais quand un individu ou un groupe quitte ce territoire pour
un autre, la mémoire de son propre territoire reste toujours en lui.
Eloignés de leurs territoires d'origine les étrangers commencent
à construire leur territoire imaginaire sur le territoire d'accueil. En
effet, il y a d'un côté les lieux ou territoires d'origine, qui
sont parfois des «patries perdues», avec lesquels une population
diasporique s'efforce de maintenir un lien ne serait-ce qu'imaginaire. Et il y
a le territoire d'installation ou d'accueil, étranger par
définition, mais dans lequel les communautés diasporiques
cherchent un ancrage territorial à l'aide de marqueurs, ou en
créant des micro-territoires se
référant à la mémoire du territoire
d'origine. (Bruneau, 2006).
Décrivant la notion de l'imaginaire national Benedict
Anderson écrit que l'idée du nationalisme est un imaginaire
« parce que même les plus petites des nations ne
connaîtront jamais la plupart de leur concitoyens : jamais ils ne les
croiseront ni ne les entendront parler d'eux, bien que dans l'esprit de chacun
vive l'image de leur communion...1Les communautés se
distinguent, non par leur fausseté ou leur authenticité mais par
le styles dans lequel elles sont imaginées2 ».
Alors qu'Anderson parle de phénomene du nationalisme dans le pays, ce
sentiment du nationalisme peut se transporter avec les peuples qui quittent
leur territoire propre pour un autre.
Si les magasins, les écoles, les monuments et les
bâtiments construits par des membres de la diaspora sont
considérés comme des « ancres territoriales
»3, les arts, spectacles, cinéma,
médias, littérature offrent l'espace pour le déroulement
de l'imaginaire de la diaspora. Les films de la diaspora indienne demeurant aux
Etats-Unis et en Angleterre sont une preuve de ce
phénomène4. En France, les écrivains d'origine
Afrique sub-saharienne expriment leur expérience dans la
diaspora5. Un territoire imaginaire ou se manifestent leur
identité, leur mémoire des «patries perdues » ainsi que
leurs conflits, leurs
1
Benedict Anderson : L'Imaginaire National : Réflexions
sur l'origine et essor du nationalisme ; La Découverte/Poche p.
19.
2 Ibid p20
3 Michel Bruneau : Les territoires de l'identité et la
mémoire collective dans Espace Géographique 2006/4 À
Tome 35. Disponible sur www.cairn.info.
4
Pendant la décennie il y a plusieurs films provenant de
la diaspora indienne reflétant les dilemmes et les conflits de la
diaspora indienne à étranger. Les plus connus sont Bend It
Like Beckham basé sur la diaspora indienne qui vit en Angleterre et
The Namesake/Un nom pour un autre basée sur la
diaspora indienne aux Etats Unis.
5 Malela B Buata : Les écrivains de la diaspora
africaine francophones en France dans Contextes ; Juillet 2010. Disponible
sur
www.contextes.revues.org.
tensions et leur insertion dans leur territoire d'accueil.
Dans ce territoire la diaspora réinvente ses coutumes, les
manières de son pays d'origine par ses couleurs, ses
présentations, ses paroles. Cette réinvention est basée
sur la connaissance et la mémoire des membres de la diaspora. La plupart
du temps elle réussit à créer un territoire auquel tous
les peuples de la diaspora peuvent s'identifier, appartenir et participer.
Ce mémoire explore les manières dont les
diasporas juives, maghrébines et d'Afrique sub-saharienne de la
région iséroise construisent leur territoire imaginaire sur trois
radios diffusant à Grenoble ; Radio Kol Hachalom, Beur FM, et Radio
Kaléidoscope. Alors qu'il existe une diaspora italienne à
Grenoble qui se diffuse par la Radio italienne, je ne la retiens pas dans mon
étude en raison des limitations linguistiques que je me suis
donnée.
Dans le premier chapitre nous étudierons la question
des représentations mentales comme facteurs de la construction de
stéréotypes relatifs aux immigrés issus de pays autrefois
colonisés. Vivant dans un territoire différent de celui de leur
origine ces peuples sont confrontés au dilemme de leur
représentation pour eux-mêmes et pour les citoyens ou le pays qui
les accueille. Alors qu'ils voudraient garder les symboles, les habitudes et
les coutumes qui définissent leur singularité, ces mêmes
éléments deviennent les moyens par lesquels ils sont
identifiés ou séparés par les habitants du pays d'accueil.
Dans ce processus ils construisent un stéréotype qui sert
à communiquer leur culture aux autres. De leur côté les
habitants du pays d'accueil basent leur perception de cet étranger sur
leurs idées réelles ou imaginaires, ce qui peut les conduire
à la méconnaissance ou à une augmentation de
préjugés et construire un stéréotype négatif
par rapport à l'autre.
Dans le deuxième chapitre, j'élabore les
idées qui ont construit les stéréotypes de la diaspora
juive; la politique fasciste et le développement de la radio.
J'observerai la radio À média puissant pendant
cette période marquée par la deuxième guerre mondiale,
comme un art ainsi qu'un vecteur de communication et d'expérimentation
de ces représentations.
Le troisième chapitre de ce mémoire aborde le
thème de la diaspora et fait une esquisse des trois diasporas qui nous
concernent : juive, maghrébine et d' Afrique sub-saharienne.
Il est facile de catégoriser tous les individus et
groupes qui quittent leur territoire d'origine pour s'installer dans un autre
comme « des immigrés », selon Simone Bonnafous le terme «
immigré » est un participe passé qui exprime un état
autant que le résultat d'une action. Officiellement, l'immigré
n'est pas forcement un étranger, ni même un travailleur homme,
puisqu'il y a parmi eux des femmes et des enfants. Parlant de la France elle
écrit que l'immigré peut être français si l'on prend
l'exemple des harkis6, des Antillais ou des jeunes français
issus de l'immigration. L'immigré peut également ne jamais avoir
immigré s'il fait partie de la deuxième ou de la troisième
génération issue de l'immigration.7
Considérant les limitations du mot «
immigré » pour décrire une communauté qui a
laissé son territoire et s'est installé dans un autre pour une
période longue, je préfère l'utilisation du terme «
diaspora » qui tient compte du fait de l'amalgame des étrangers
dans la société d'accueil ainsi que des enfants qui sont
nés dans le nouveau territoire.
6 Le terme «Harki » tiré de l'Arabe
harka (mouvement), s'applique aux soldats de certaines unités
supplétives autochtones de l'Algérie engagées avec
l'armée française, contre la rébellion
indépendantiste de 1954 à 1962 : Source Encylopédia
Universalis.
7 Yvan Gastaut : L'immigré dans l'opinion publique
: Algérien, du migrant au clandestin (1960-1990) dans Migrations
Société ; Espace politique et immigration Revue de presse
(Italie) Vol 6, N° 36, Novembre-Décembre 1994
La France a reçu des immigrés de plusieurs pays
depuis le début de ce siècle. Après la premiere guerre
mondiale la France a accueilli de la main d'oeuvre provenant d'Allemagne, de
Belgique, de Pologne, d'Italie, d'Algérie, de Tunisie et du Maroc pour
travailler dans les mines et les industries8. Après la
deuxième guerre mondiale la France, surtout la région de
l'Isère fut la terre d'accueil non seulement de main d'oeuvre mais aussi
de dissidents politiques de pays européens comme l'Espagne, le Portugal
et la Grèce. En Isère, cette forte présence de
travailleurs espagnols, portugais ou grecs permit aux immigrés
politiques de trouver un milieu d'accueil (Barou, 2001). A défaut de
chiffres statistiques on peut dire « Beaucoup parmi eux » sont
arrivés à Grenoble attirés par ses universités.
Après 1973 l'Isère accueillit des LatinoAméricains,
surtout des Chiliens qui fuyaient la répression menée par le
régime de Pinochet. A partir de 1975, l'Isère connüt le flux
d'arrivée de ressortissants des trois pays du Sud-Est Asiatique
touchés par les conséquences des changements de régimes.
Des ressortissants du Vietnam, du Laos, et du Cambodge s'installent à
Cognin-les-Gorges. Cette immigration historique explique la présence de
plusieurs diasporas en Isère. Actuellement, Grenoble continue à
attirer les étrangers en tant qu'étudiants et chercheurs
scientifiques.
Ensuite, dans le quatrième et dernier chapitre
commençant avec un compterendu du paysage radiophonique en France, je
présente mon analyse des trois radios grenobloises que j'ai retenues
comme sources pour cette étude. Je commence chaque section par une
description suivie par une analyse de la construction des identités
juives, maghrébines, et d'Afrique sub-saharienne à travers leurs
radios respectives : Radio Kol Hachalom, Beur FM, et Radio Kaléidoscope.
Je tente de présenter dans ce chapitre la manière dont ces trois
diasporas iséroises réinventent leur identité comme un
peuple et une société sur
8 Gérard Noiriel ; L'histoire de l'immigration en
France : Note sur un enjeu dans Actes de la recherche en Sciences
Sociales,1984, Volume 54. Disponible sur
www.persee.com
les ondes, et par ce moyen construisent leur territoire ou
manifestent leur singularité, leurs inquiétudes et les
repères de leur intégration en France. En même temps
j'essaie de décrire l'utilisation de la radio comme un moyen de
communication pour ces communautés à travers l'emploi de sons, de
musiques et de paroles qui leur sont familiers.
Méthodologie
Les principales sources
Alors que ce mémoire a commencé dans le but
à mieux comprendre « la représentation des immigrés
sur les radios communautaires » il a évolué avec chaque
document que j'ai lu sur la voix, les identités, le son et la
représentation. Ayant fait des études d'histoire le connaissais
les idées d'Orientalisme d'Edward Said. J'ai pensé que ces
idées seront utiles pour mieux décrire la représentation
des communautés qui viennent de pays autrefois colonisés.
Le deuxième document qui a influencé ce
mémoire est « Territoires de la Voix » par Patrick
Berthier dans Médiation et Information » n° 8, 1998, dans
lequel il postule que la voix se présente, comme un domaine, un ensemble
de « territoires » susceptibles d'invasions, de colonialismes et de
remodelages, de résistance aussi. Ayant lu ce document j'ai
élargi mon propos et décidé de considérer les ondes
comme une voix amplifiée où demeurent les territoires divers.
Ensuite j'ai essayé de superposer l'idée de l'imaginaire national
développé par Benedict Anderson dans son livre : L'imaginaire
national : Réflexions sur l'origine et l'essor du nationalisme.
Tout cela m'a conduit à traiter mon sujet sous le titre suivant : La
construction de territoire imaginaire par et pour les diasporas à
travers trois radios locales grenobloises.
Les méthodes
Enregistrement des émissions
J'ai constitué un corpus d'étude par
l'écoute de la radio et l'enregistrement des émissions sur des
cassettes. Les enregistrements sont faits sur l'appareil de la marque Blue
Sky Numéro BXC61 sur les cassettes TDK IEC/TYPE I, ainsi que
grâce aux émissions transférées par
Manuel Laversanne de la Radio Kaléidoscope, sur ma clé USB. J'ai
250 heures d'enregistrement, auxquelles 100 heures (environs) appartiennent a
la Radio Kaléidoscope ( + 50 heures avec des émissions transfert
par Manu), 100 heures (environs) a la Radio Kol Hachalom et 50 heures
(environs) a la Beur FM.
Analyse
Les paramètres d'analyse donnés par M. Luiz
Busato étaient utiles pour comprendre et classifier les aspects des
sons, des paroles. Je joins une feuille de tabulations faites pendant
l'écoute des émissions.
Les principales difficultés rencontrées ont
été
1 le manque de livres et de documents par rapport à
l'analyse sonore. J'ai eu de la peine à en trouver quelques uns. La
plupart des documents sur l'art de la radio ont été
trouvés en ligne.
2 Les émissions qui n'ont pas commencé à
l'heure ou qui n'étaient pas diffusées comme attendu, surtout sur
Radio Kaléidoscope et Radio Kol Hachalom.
3. Je n'ai eu aucun problème pour établir le
contact avec RKS et Beur FM. L'équipe de RKS était
tolérante bien que j'y sois allée sans rendez-vous. Pour Beur FM,
lorsque M. Nacer Kettane le fondateur de la radio a reçu ma lettre
demandant des renseignements, il m'a appelé et me les a fournis. Au
contraire, l équipe de la Radio Kol Hachalom n'a jamais répondu
à mes courriels. Quand je les appelais, il se disaient trop
occupés et c'est après plusieurs coups de fil que j'ai pu avoir
des informations à propos de leurs studios et de leurs financements.
Selon mon hypothèse l'équipe de cette radio n'est pas ouverte aux
questions
qui viennent hors de leur réseau propre.
Chapitre 1. La Représentation
La notion de représentation nous a paru essentielle
pour construire notre objet d'étude. En effet, elle va intervenir
à plusieurs niveaux, et en particulier dans celui de la
compréhension du phénomène diasporique et dans celui des
médias qui portent, transportent, médiatisent les valeurs,
communications, informations, et toutes sortes d'interactions entre migrants et
pays d'immigration. C'est pourquoi nous avons éprouvé le besoin
d'y avoir recours.
La représentation est une image, un symbole ou une
idée liée à un endroit, une culture ou un système
qui nous aide à faire une relation avec eux. Parfois la
représentation est une composition d'images, de voix, de
mots-clés qui rendent vivant un objet ou un endroit pour le reste du
monde. Nos impressions positives ou négatives sont influencées
par les représentations qu'on s'est données. La
représentation est toujours par rapport à un Autre À que
l'on distingue comme différent de nous au niveau du physique, de la
couleur, de la langue, des vêtements, des moeurs, etc. De mon point de
vue la représentation est créée par quelque chose ou
quelqu'un qui vit une réalité intérieure pour quelque
chose ou quelqu'un en dehors de la réalité objective qui l'a
générée. Quand un individu ou un groupe entre dans un
milieu différent de celui auquel il est habitué, il est pris par
un souci de présentation. Au début il est embarrassé
À il ne reconnaît ni lui-même ni les autres. Par
conséquent, il commence à se reconstruire lui-même dans un
milieu étranger en s'appuyant sur quelques notions, images et
idées de soi enregistrées dans son imagination ainsi que dans
l'imagination des indigènes locaux. Désormais, l'individu ou le
groupe commence à se représenter. Donc le créateur de
représentations inconsciemment crée une image ou un symbole avec
lesquels le monde du dehors peut faire une relation avec la
réalité du dedans. Les pratiques des
représentations impliquent toujours une position
d'où l'on parle ou d'où l'on écrit À une position
d'énonciation (Hall, 2007 : 227).
1.1 Représentation Collective et Sociale - Durkheim
et Moscovici
Au début, l'idée de représentation
était présente dans le domaine philosophique9, par la
suite elle a été introduite dans le domaine de la sociologie. Ce
concept de représentation est fondamental et en même temps
transdisciplinaire, et, d'après Moscovici, elle permet d' «
étudier les comportements et les rapports sociaux sans les
déformer ni les simplifier »
Néanmoins, la théorie de la
représentation sociale est basée sur la théorie de
représentation collective développée par Emile Durkheim
(1858 -1917), sociologue français, dans son ouvrage
Représentations Individuelles et Représentations Collectives
en 1898. Pour Durkheim, l'individu est influencé par le groupe
auquel il appartient et il y a une différence entre les perceptions
individuelles et celles de la société. La société
est une entité différente de l'individu. La société
limite l'individu et elle pousse l'individu à penser et à agir
d'une certaine manière. Les limites imposées par la
société se manifestent sur les institutions sociales. Pour
Durkheim le premier système de représentation est religieux.
Durkheim soutient que les éléments sociaux sont plus
dominants que les idées individuelles.
Ensuite la notion de représentation sociale a
été élaborée par Serge Moscovici (1925- ), un
sociologue français d'origine roumaine qui a aussi introduit la notion
en psychologie sociale. Ses idées de représentation
créées par les médias et celles
générées par les spécialistes sont
intéressantes à notre époque.
9 Emmanuel Kant le philosophe Allemand (1724 -1804) a
proposé que ce soit la représentation qui rende l'objet vivant et
non l'objet qui rende la représentation possible. Cette idée a
présenté le cerveau humain comme un créateur
d'expérience plutôt qu'un destinataire de perception.
Dans son ouvrage La psychanalyse, son image et son public
- Etude de la représentation sociale de la psychanalyse paru
1961, Moscovici développe l'idée de Durkheim que
l'individu est influencé par la société. Selon Moscovici
il y a une interaction constante entre l'individu et la société
et l'individu fait partie de la société et l'influence. Pour
Moscovici la notion de représentation est influencée par les
medias. «La révolution provoquée par les communications
de masse, la diffusion des savoirs scientifiques et techniques transforment les
modes de pensée et créent des contenus nouveaux » Et
puis « Une notion ou une science qui ne reste pas l'apanage d'un
individu ou d'une élite restreinte, subit, par sa circulation toute une
série de métamorphoses qui la font changer de contenu et de
structure. La nouvelle structure est celle d'une représentation au sens
strict du mot, à la fois abstraite et imagée,
réfléchie et concrète.». Moscovici explique que
les représentations sont à la fois générées
et générantes.
Selon Moscovici, les représentations sont
générées par les spécialistes «ce qui les
marque d'une certaine autonomie. Nous savons qu'il existe une certaine
catégorie de personnes ayant pour métier de les fabriquer. Ce
sont tous ceux qui se consacrent à la diffusion des connaissances
scientifiques et artistiques : médecins, thérapeutes,
travailleurs sociaux, animateurs culturels, spécialistes des
médias et du marketing politique. A maints égards, ils
s'apparentent aux faiseurs de mythes des civilisations plus anciennes. Leur
savoir-faire est codifié et transmis, conférant à ceux qui
le possèdent une autorité certaine. »10
1.1.1 J.C Abric et Denise Jodelet
La théorie de noyau central de représentation
présentée par J.C. Abric (1984,
10 Dominique Aimon : Représentation ; Travail
réalisé sur la base de cours de Jean Clenet en Novembre 1998 dans
le cadre d'un DEA en Sciences de l'Education. Disponible sur
http://daimon.free.fr/mediactrices/representations.html
1989) définit la représentation comme une
fonction qui permet à un individu ou à un groupe d'avoir le vrai
sens du monde ; les diverses représentations du monde aident à
comprendre la réalité. D'après Abric la
représentation sert d'organisatrice et porte un caractère stable.
Elle aide l'individu à prendre une position sur ses valeurs et
idées par rapport à la société. La
représentation sociale est un ensemble d'éléments d'un
groupe représenté. Il porte des éléments stables,
et cohérents entre eux. L'absence d'un élément va rendre
la représentation incohóente. Selon Abric, la
représentation est à la fois « le produit et le
processus d'une activité mentale par laquelle un individu ou un groupe
reconstitue le réel auquel il est confronté et lui attribue une
signification spécifique ». Elle est déterminée
par plusieurs facteurs À par le sujet lui-même (son histoire, son
vécu), par le système social et idéologique dans lequel il
existe, par les moyens avec lesquels il se connecte avec le système
social (Abric, 1989). Abric explique que la représentation sert de guide
pour l'action.11
Plus récemment c'est la théorie de la sociologue
Denise Jodelet qui a marquéle développement de la théorie
de la représentation. Jodelet a élaboré son idée
de représentation dans son ouvrage La Folie et la
Représentation Sociale paru en 1989. Selon Jodelet « la
notion de représentation sociale désigne une forme de
connaissance spécifique, le savoir de sens commun, dont les contenus
manifestent l'opération de processus génératifs et
fonctionnels socialement marqués. Plus largement, il désigne une
forme de pensée sociale. Les représentations sociales sont des
modalités de pensée pratique orientées vers la
communication, la compréhension et la maîtrise de l'environnement
social, matériel et idéel»12. Donc,
c'est le groupe qui produit une représentation de
11 Stephen Desbrosses : Représentations Sociales :
Théorie du Noyau Central (Abric, 1984) .
Disponible sur
www.psychoweb.fr
12 Marie Odile Martin Sanchez dans Concept de
représentation Sociale. Disponible sur
http://www.serpsy.org/formation_debat/mariodile_5.html
soi-même. Il absorbe la réalité et la
transforme pour le monde. La production de représentation est un acte de
pensée. Selon Jodelet les représentations sociales sont des
systèmes d'interprétation régissant notre relation au
monde et aux autres, orientant et organisant les conduites et les
communications sociales.
1.2 La création de stéréotype
Les fonctions du stéréotype, sont
perçues, entre autres, comme facteurs de maintien de la cohésion
du groupe, en particulier par deux moyens. Le premier est d'ordre
communicatif. En effet, le stéréotype facilite la
communication en favorisant de longues répétitions de choses
déjà assimilées et contribue à faciliter
l'échange d'informations, car le degré de redondance en est
élevé ; les efforts d'assimilation intellectuelle que doit faire
le récepteur en est réduit grâce aux processus
automatisé de réflexion implicite. Le second est d'ordre
sociopsychologique puisqu'il organise l'identification/inclusion de
l'individu à une collectivité de valeurs communes et
altérisation/ exclusion d'autres. L'autre est perçu à la
fois comme celui qui est exclu du groupe et aussi comme celui qui peut menacer
son intégrité. (Boëstch, Villain Gandossi, 2001). Le
stéréotype apparaît avant tout comme un instrument de
catégorisation qui permet de distinguer commodément un
nous d'un ils (Amossy ; Herschberg, 1997, p.45 cité
dans Villain-Gandossi).
Les stéréotypes sont aussi liés avec les
préjugés et les peurs de l'autre. Les stéréotypes
de groupes (stéréotypes nationaux, stéréotypes des
peuples, des ethnies, des classes sociales etc.) sont toujours
étroitement liés à la question suivante « qui sont
ces gens- la par rapport à « nous ?» Une telle question
dévoile immédiatement une pensée collectiviste : L'Autre
n'est pas conçu comme un être humain tout court, mais comme un
être qui a des caractéristiques spécifiques, car il
appartient à un groupe qui se distingue de « nous ». Peu
importe que les différences soient « réelles » ou
« imaginaires »
parce que l'observation de l'Autre est régie par des
représentations collectives ou des stéréotypes dès
que la distinction est faite : une personne est (sic) l'Autre parce
qu'elle a une ou plusieurs caractéristiques qui la distinguent de «
nous ». Pour comprendre la nature des stéréotypes de
l'Autre, il faut tenir compte des représentations collectives que les
membres d'une collectivité ont d'eux-mêmes. Ces
représentations, y compris celles d'autres, sont les constructions
sociales d'une société ou d'un groupe ethnique. (Berting, 2001 :
41).
Les stéréotypes ethniques et nationaux
apparaissent comme une forme particulière à travers laquelle se
manifeste la tendance des groupes sociaux à l'ethnocentrisme. Dans la
formation des stéréotypes ethniques interviennent une
interprétation particulière, unilatérale,
déformée ; ce sont les « biais» de l'image d'Autre.
Plus celui-ci est étranger, étrange et non-compréhensible
plus déformant est le stéréotype qui se forme à ses
frais. (Bochman, 1994 cité dans Villain Gandossi, 2001). Les
stéréotypes sont aussi interprétés comme un canal
par lequel se décharge l'agressivité (Villain Gandossi, 2001).
1.2.1 Les stéréotypes dans les
représentations collectives des pays du sud
Comme les diasporas qui font partie de ce mémoire sur
la radio viennent de pays du Sud autrefois colonisés par les pays du
Nord, j'aimerais bien élargir quelques aspects de représentations
du pays du Sud par les pays du Nord et par les peuples de ces derniers.
Historiquement, dans l'axe Nord-Sud, c'est le Nord qui a
dominé pendant l'ère d'impérialisme, quand les pays du
Nord sont devenus plus puissants que les pays du sud, devenus, eux, des «
colonies ». Actuellement on trouve que presque toutes les
représentations médiatiques concernant les pays les moins
puissants par les pays plus puissants entrent dans des
stéréotypes. Les théories suivantes vont éclairer
quelques idées dont les stéréotypes du Sud sont issus.
Selon Edward Said Impérialisme'
désigne la pratique, la théorie, et la mentalité d'une
métropole dominatrice qui gouverne un territoire lointain. Le
colonialisme' qui est presque toujours une conséquence de
l'impérialisme, est l'installation d'une population sur un tel
territoire. « L'empire écrit Michael Doyle, est une relation
officielle ou informelle ou un Etat contrôle la souveraineté
politique effective d'une autre société. Il peut être
instauré par la force, la collaboration politique, la dépendance
économique, sociale et culturelle. L'impérialisme est simplement
le processus ou la stratégie d'établissement et de maintien d'un
empire » (Said 2007 : 44).
1.2.2 L'Orientalisme
En 1978 l'intellectuel Palestinien Edward Said, a tenté
de comprendre les représentations générées par les
pays coloniaux. Dans son ouvrage Orientalisme : L'Orient créé
par l'Occident (1978) il a élaboré la théorie que
l'orientalisme est un style occidental de domination, de restructuration et
d'autorité sur l'Orient. De manière constante, la
stratégie de l'orientalisme est fonction de cette
supériorité de position (sic) qui n'est pas rigide et
qui place l'Occidental dans toute espèce de rapports avec l'Orient sans
jamais lui faire perdre la haute main (Said 1978 :20).
De surcroît, la prise en compte par l'imagination des
choses de l'Orient était plus au moins exclusivement fondée sur
une conscience occidentale qui se représentait elle même comme
souveraine ; de sa position centrale indiscutée émergeait un
monde oriental, puis une logique gouvernée non seulement par la
réalité empirique, mais par toute une batterie de désirs,
de répressions, d'investissements et de projections (Said, 1978 :20).
En même temps Said soutient que l'Occident et l'Orient
ont été fabriqués par l'homme. C'est pourquoi tout
autant que l'Occident lui-même, l'Orient est une idée qui a une
histoire et une tradition de pensée, une imagerie et un
vocabulaire qui lui ont donné réalité et
présence en Occident et pour l'Occident. Les deux entités
géographiques se soutiennent ainsi et, dans une certaine mesure, se
reflètent l'une l'autre.
Said a soutenu que le terme Orient' n'est qu'un
assemblage de représentations construites par des pays puissants.
L'Orient est une création des pays de l'Ouest et porte une image
contraire et inférieure à la leur. La culture du pays
colonisé est « autre » par rapport à
la culture du pays colonisateur. L'orientalisme est un système de
régularisation de la connaissance qui appartient au pays colonial. Il
s'agit de l'interprétation de la culture du pays colonisé par les
pays coloniaux par rapport à leur propre culture, leurs langues, leurs
arts et leurs modes de la vie. Les pays colonisateurs génèrent
une image globale de la société colonisée. Les pays
colonisés internalisent ces représentations
générées.
1.2.3 La Culture de la Résistance
Selon Said, après avoir vaincu les colonisateurs il
faut que les pays auparavant colonisés s'efforcent de
récupérer leur culture déjà effacée par les
formes de dominations coloniales. Said postule que les écrivains des
pays auparavant colonisés gardent leurs blessures de l'époque
précédente ce qui les amène à envisager leur avenir
dans un espace réclamé aux pays coloniaux- comme une
résistance contre ces pays.
Said élabore sa théorie avec les motifs de la
quête et du voyage qui apparaissent dans le livre de l'écrivain
d'origine kenyane James Ngugi. Selon la perspective de Said, l'écrivain
dans son roman: La Rivière de Vie réinterprète et
recrée l'idée du fleuve décrit par Joseph Conrad dans son
livre Le Coeur de Ténèbres13.
13 Edward W. Said; Résistance et Opposition dans
Culture et Impérialisme : Fayard Le Monde Diplomatique ; 2000
p.302.
Dans Résistance et Opposition qui fait partie
de son livre Culture et Impérialisme paru en 1994 Said postule
qu'apres la période de : « résistance primaire», qui a
été en fait le combat contre l'intrusion extérieur, vient
le temps de la résistance secondaire, c'est-à-dire
idéologiques14. Trois grands thèmes font surface dans
la résistance culturelle décolonisant mais en
réalité lies15. : a) le droit du pays à voir
son histoire dans son ensemble, b) au lieu d'être une réaction,
l'idée de résistance peut être une manière
alternative de décrire les histoires de pays autrefois colonisés
À dans lesquels les récits du colonisateur et du colonisé
sont mélangés. Par exemple le roman Les enfants de minuit
de Salman Rushdie16, c) remplacement d'un nationalisme
séparatiste par un nationalisme interne qui intègre les
communautés humaines.
Se référant aux stéréotypes Said
estime que personne n'est purement une chose. Les marques comme indien, femme,
musulman, américain ne sont que des points de commencement, et peu
importe le moment où ils sont suivis par les expériences
réelles. Le don pire et paradoxal du colonialisme fut de laisser les
peuples croire qu'ils sont seulement, notamment, noirs, blancs, occidentaux ou
orientaux.
1.3 Les représentations dans le monde actuel
Vivant dans une époque postcoloniale on trouve que les
théories d'Edward Said
14 Ibid p.300.
15 Ibid p. 307
16 J'aimerais bien ajouter ici les oeuvres de Ruth Prawar
Jhabvala. Ecrivaine d'origine juive allemande. Elle s'est installée
en Inde après son mariage avec un Parsi indien Cyrus Jhabvala en
1951. Elle a écrit plusieurs oeuvres qui mélangent récits
indiens, européens et américains. Ses oeuvres les plus connues
sont Heat and Dust/Chaleur et Poussières (1975), How I
became a Holy Mother and other stories/Comment je suis devenue une
mère sainte et autres contes ( 1976) et East Into upper East
: Plain Tales from New York and New Delhi/Les contes de New York à
New Delhi(1998). Actuellement elle vit aux Etats-Unis.
nous aident à comprendre les images et des
stóéotypes du pays autrefois colonisés. Ce sont ces
mêmes images et symboles qui restent figés dans l'imaginaire
collectif. Bien qu'il existe une réalité différente dans
chaque pays et culture, les images, les histoires, les idées sont
conceptualisées selon le schéma des cultures dominantes. Les
représentations « clichés » des pays du Moyen Orient et
d'Asie continuent. L'Arabe dans l'image populaire est conçu portant
robe, coiffure, sandales. Selon Said, l'Occident garde l'image des arabes comme
« fournisseurs de pétrole », porteurs de violence et
menaçants.
Le stéréotype arabe: un
cliché de Lawrence d'Arabie
Le cinéma et la télévision associent
l'Arabe soit à la débauche, soit à une
malhonnêteté sanguinaire. Il apparaît sous la forme d'un
dégénéré hypersexué, assez intelligent, il
est vrai, pour tramer des intrigues
tortueuses, mais
essentiellement sadique,
traître, bas. Marchand d'esclaves, conducteur de
chameaux, trafiquant, ruffian haut en couleur, voilà quelques-uns des
rôles traditionnels des Arabes au cinéma... (Said 1978 : 320).
Les cultures de la Chine, de la Corée et du Japon sont
représentées par une idée de fermeture et de discipline
qui soutient leur croissance économique. Le dragon qui représente
la Chine lui donne une image du pouvoir propre qu'elle réclame
aujourd'hui. La Chine est aussi représentée par la couleur rouge
À la couleur du parti communiste À qu'on peut interpréter
comme le désir de la Chine de devenir une puissance mondiale.
Bien qu'il se trouve de grands bâtiments et des
autoroutes dans son continent, l'Afrique est représentée par ses
forêts, sa nature, ses animaux, ses religions animistes et surtout par la
pauvreté. Pendant la période coloniale les africains furent
perçus à travers une théorie dite du Mythe du
Nègre17.
Egalement l'Amérique Latine est
représentée par les fêtes, le carnaval, les belles femmes.
Sa réalité de pauvreté et d'exploitation est peu
représentée dans les médias. Comme on vit actuellement
dans un monde de séduction audio-visuel ces représentations sont
utilisées pour attirer l'attention des gens, qu'il s'agisse de celles
des pays anciens colonisateurs ou anciens colonisés.
1.3.1 Les représentations internalisées #177;
leIF1sIdeIl'IOde
Pour mieux illustrer les représentations
internalisées qui génèrent les stéréotypes
d'un pays autrefois colonisé et qui passe par une étape de
culture de la résistance, je prends le cas de l'Inde comme c'est le pays
que je connais mieux que d'autres. On peut constater qu'il y a deux facteurs
qui génèrent les représentations
stéréotypées de l'Inde ; le gouvernement de l'Inde et les
médias étrangers.
Le gouvernement Indien, par l'office du tourisme Indien veut
toujours montrer l'Inde comme un pays accueillant et agréable. Il
utilise des images d'Inde orientale établies dans l'imaginaire
occidental et les attire avec les images des palais, éléphants et
couleurs diverses. Parmi ces représentations ce sont celles du Nord qui
dominent, notamment les broderies du Gujarat et les chameaux et palais du
Rajasthan. Les bateaux, les cocos du Kerala et les danses du Nord Est sont peu
représentés dans les dépliants touristiques de
l'Inde.18
17 Naissance du mythe du nègre ;
http://fr.allafrica.com/stories/200909250328.html?page=2
18 Dans le site web official du tourisme Indien
www.incredibleindia.com les
images de Rajasthan et de Gujarat dominent.
Selon Emma Rodero Anton la culture audio visuelle est
caractérisée par la recherche de séduction, qui à
son tour produit un encrage émotionnel. Les images de l'Inde sont
utilisées pour séduire les étrangers vers le pays qui
à son tour imagine l'Inde comme un pays exotique et spirituel.
Alors que le gouvernement Indien essaie de créer une
image positive du pays, les médias étrangers ont tendance
à pointer la pauvreté et la misère de l'Inde. Les
journalistes de British Broadcasting Commission (BBC) ont longtemps
été accusés d'avoir fait des reportages avec des
préjugés sur l'Inde. Après l'indépendance de l'Inde
le BBC a eu la responsabilité d'interpréter les
événements. Comme les journalistes anglais avaient une
mentalité impérialiste et néo-colonialiste ils ont
montré l'Inde comme un pays de désordre.19 Les
photographes occidentaux sont aussi accusés de prendre des photos qui
montrent les pauvres indiens comme victimes et complètement
impuissants20. On retrouve les preuves d'internalisation de ces
représentations par le fait que les médias audio-visuels indiens
ont aussi toujours cherché les stéréotypes de victimes
pendant le reportage d'un désastre comme la tsunami qui a frappé
l'Inde du Sud en 2006. Visuellement les deux médias Anglais et Tamoul
étaient en concurrence pour montrer les images effroyables et
pathétiques de la situation. Comme c'était l'un des plus grands
événements du siècle les médias ne pouvaient pas
s'en détourner, donc ils ont commencé à capter les images
des pêcheurs comme victimes21.
19 Pinkerton, Alasdair, A new kind of imperialism? The BBC
cold war broadcasting and the contested geopolitics of South Asia;
Historical Journal of Film, Radio and Television , October 2008, 28(4):
537-555
20 Shahidul Alam, dans Policy and Practice, A
development Education Review Issue 5 Autumn 2007. Disponible sur
http://www.developmenteducationreview.com/issue5-
perspectives2
21 S. Anand, A Question of Representation, dans Neiman
Reports; Tsunami Coverage.
1.3.2 La culture de la résistance - Les narrations
de « Bollywood » et les tabloïdes
En même temps on voit des signes de la culture de la
résistance dans le domaine médiatique, notamment dans l'industrie
du film Hindi (dite Bollywood) et les tabloïdes. Souvent, les
scénarios des films produits par l'industrie du film Hindi sont
copiés des américains22 ou des anglais. Ce n'est pas
seulement les narrations mais aussi les séquences, les actes, les
personnages, et les angles de vue. Il y a peu des films originaux. Ces films
sont populaires car ils montrent une réalité
étrangère' qui est différente de celle qu'ils
vivent. Cette tendance montre l'incapacité des réalisateurs du
cinéma Hindi, (qui est aussi l'industrie du film dominante de l'Inde),
à trouver son originalité dans les domaines public et
privé.
L'autre domaine qui manifeste les signes de la culture de la
résistance en Inde est le média tabloïde qui toujours
s'intéresse à la vie des riches. Les photos qui paraissent dans
le journal ont toujours un cadre européen' celui de pubs et
de soirées, chacun portant son verre de vin ou de bière. Dans le
média audiovisuel la manière de présenter les nouvelles
est tout à fait Américaine. Les images et les nouvelles se
répètent toute la journée avec des mises à jour.
Par contre, il n'y a guère de documentaire télé
reflétant la réalité vécue par les populations au
jour le jour.
Comme ce mémoire traite de la radio comme un moyen de
communication pour les diasporas je pense qu'il est nécessaire de
comprendre quelques aspects de représentation par la voix, langue et
parole, les trois éléments du langage de
Disponible sur
http://www.nieman.harvard.edu/reportsitem.aspx?id=101054
22 Les `Etats Unis sont eux aussi pris par cette idée
d'Orientalisme. Voir La Phase Récente p.
la radiodiffusion.
1.4 La représentation par la voix
Alors qu'on ne peut pas nier le rôle de l'image pour la
représentation et l'apprentissage social23 ce sont les sons
et les voix qui rendent ces représentations plus vivantes et facilitent
une relation plus personnelle. L'image peut être limitée par le
fait qu'elle ne peut dépasser les stéréotypes. En
même temps on peut représenter l'incommodité ou la
réalité d'une situation ou d'une image par la variation de la
voix et du son. Ce qui distingue la voix humaine des bruits et du son ce sont
ses liens avec la pensée, par conséquent, la psychologie et le
cerveau humain. Plusieurs recherches sont en train d'être menées
pour comprendre les liens entre la voix, la psychologie et les émotions.
La voix est le propre de l'homme (Abitbol, 2005).
La voix peut être affectée par les changements
physiologiques et psychologiques La voix, parce qu'elle est le produit
acoustique d'un comportement sensori-moteur, porte l'empreinte corporelle des
trois systèmes (respiratoire, phonatoire, articulatoire)
impliqués dans sa production. Or, le fonctionnement de ces
systèmes est influencé par l'état émotionnel du
sujet. C'est pourquoi l'isomorphisme voix-émotion est presque parfait :
à l'intensité de l'émotion correspond une modification
d'intensité de l'activité phonatoire et articulatoire (Zei,
1995).
Aristote, le philosophe grec, fut le premier à lier la
voix (phonè) au logos (raison/parole). Dans plusieurs
écrits Aristote indique comment d'une part, la voix enracine l'homme
dans l'animalité et, d'autre part, constitue la rupture radicale avec le
monde animal. En tant qu'animal politique (politikon
zoôn),
318-354 dans Said, E W l'Orientalisme : L'Orient
créé par l'Occident ; Seuil ; 2005. 23 Albert Bandura :
L'apprentissage social ;Mardaga ; 1980.
l'homme est par nature destiné à vivre en
cité ; mais seul d'entre les animaux, il est également et surtout
un être social. Il est dit dans la Politique que l'homme et
l'animal ont en commun le pouvoir d'exprimer la douleur et le plaisir par les
sons de la voix; mais, à l'encontre des animaux, l'homme parlant
énonce également ce qui est utile et nuisible et, par suite, ce
qui est juste et injuste. Et la Poétique suggère comment
l'homme, en manifestant poétiquement ses passions, est capable
d'utiliser une voix médiatrice et modératrice, réglant ses
volumes, intonations et rythmes. La poétisation de la voix met celle-ci
au service de l'art, des actions et la détache ainsi de son enracinement
animal (Parret, 2010).
Aristote écrit: « Pour qu'il y ait voix, il
faut que l'être qui produit le choc mette en oeuvre quelque
représentation (meta phantasias), car la voix est
assurément un son chargé de signification
(sèmantikos) et non pas un bruit produit simplement par l'air
inspiré, comme la toux ». Par conséquent, il est dit
que le son vocal est d'emblée sémântisé et qu'il
porte ou constitue des représentations, l'acte vocal manifestant ainsi
une certaine activité cognitive. La voix n'est pas un
phénomène purement physiologique : à la voix s'est
imposée la contrainte sémantique (Parret, 2010).
1.4.1 Classification des voix
Les voix diverses sont classifiées dans les
répertoires musicaux qui sont devenus les expressions primaires des
émotions et des langues depuis le XVIIIème
siècle. Framery, Ginguene et Momigny dans leur Encyclopédie
Methodique: Musique parue en 1808 postule que « Le
caractère le plus général qui distingue les voix n'est pas
celui qui se tire de leur timbre ou de leur volume, mais du degré
qu'occupe ce volume dans le système général des
sons24 ». Ils distinguent deux types de
voix: la voix aiguë et la voix grave.
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1.4.1.1 La voix aiguë
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La voix aiguë est associée aux femmes, aux enfants
et aux eunuques. Cependant ce sont seulement les femmes qui portent une
« beauté de timbre », alors que les voix des enfants
n'ont pas de consistance, la voix des eunuques est « le plus
désagréable de tous les timbres de la voix humaine »
(Framery, Ginguene & Momogny, 1808 : 556). Les femmes produisent une voix
aiguë par le fait que leur larynx est plus petit que celui des hommes.
Dans l'opéra la voix aiguë des femmes est utilisée pour
exprimer des émotions, de la tristesse et de l'angoisse. La voix
aiguë chez les femmes est un signe de leur féminité. Selon
Abitbol, les nourrissons réagissent mieux aux voix aiguës qu'aux
voix graves.
Alors que les porteuses de voix aiguë sont
considérées comme «belles et fidèles »
les autres porteurs de voix aiguë sont considérés comme
infidèles. Comme le développement de la voix grave chez les
hommes est associé avec le développement hormonal, notamment la
croissance sexuelle, par conséquent la virilité, le signe
d'être un homme, la voix aiguë chez les hommes est
considérée comme un manque de sperme, de virilité donc
tous ses attributs sont négatifs. Giambattista Della Porta explique le
point de vue d'Aristote par rapport à la voix aiguë chez les hommes
dans son livre La Physionomie Humaine paru en 1655 : « la
voix claire ou aiguë dénote la timidité car les animaux
craintifs l'ont aiguë, tel que le cerf et le lièvre ».
Aristote associe la voix aiguë avec l'imbécillité et un
homme facile à irriter.
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1.4.1.2 La voix grave
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24 Encylopédie Methodique : Musique Volume 65
Tome II, par MM Framery, Ginguene, et De Momigny ; Paris, 1808 p.556.
Disponible sur
www.books.google.fr.
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24
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Comme la voix grave provient du larynx grand des hommes elle
est associée avec la masculinité et la dominance. Une voix
aiguë suggère la petite taille du locuteur, c'est pourquoi l'on
tend à utiliser des vocalisations plus aiguës que d'habitude
lorsque l'on essaie de décourager l'agressivité de quelqu'un, de
lui faire entendre que l'on se subordonne ou que l'on se soumet à lui,
ou que l'on désire coopérer avec lui. Une voix grave a des
connotations inverses: de confiance en soi, d'affirmation, de domination,
d'autosuffisance, etc. (Zei, 1995). Abitbol écrit qu'à la
préhistoire, l'homme est à la recherche de sa nourriture, il
court sur la terre ferme, son langage se perfectionne. Les chefs de tribu
s'imposent par leur voix. Les males ont une voix dominatrice.
Si chez l'homme la voix grave et forte accompagne les
qualités morales, elle est chez la femme un signe de turpitude ou de
déchéance ( Neboit- Mombet, 1997 : 29). Pendant le
18ème siècle la voix grave chez les filles fut
associée avec « vice et pilosité foncée
». L'on crut que les « violents désirs
vénériens » pouvaient entraîner des enrouements
dans la voix des femmes. Les femmes avec la voix grave sont aussi
considérées comme celles qui abusent des boissons fortes et ayant
un gout illicite pour les personnes de sexe féminin.
Donc, la voix aiguë est classifiée comme la voix
idéale des femmes et la voix grave comme celle des hommes. Ces
classifications deviennent des stéréotypes quand ils sont
associés aux préjugés d'une société
patriarcale qui a des idées prédéfinies des
hommes' et des femmes' et de leurs rôles sociaux. A
notre époque actuelle on trouve que ces différences restent. Dans
les médias les voix féminines sont souvent aiguës et les
voix mâles sont graves.
La voix humaine est considérée comme un reflet de
l'innocence de l'enfance. De fait, la mue masculine, survenant vers treize
ou quatorze ans pourrait être définie comme une «
maladie sonore que seule la castration guérit ». Cette
mue pubertaire consacre définitivement la perte
d'innocence, et cette innocence perdue, étouffée s'entend dans la
tonique sombre de la voix adulte des mâles. Les hommes perdent leur voix
d'enfant, et ils sont à jamais des êtres à deux voix : la
voix d'une origine perdue en filigrane de la voix d'une plénitude
acquise. Aux femmes la voix est fidèle. Les femmes persistent et meurent
en soprano. Leur voix est un soleil qui ne meurt pas. (Badir&Parret, 2001 :
8).
1.5 Représentation Linguistique
Ce qui distingue la voix d'autres bruits humains comme le cri
et le hurlement c'est la langue. Le langage est le corps de la voix. Le langage
n'est pas immatériel, il est corps subtil, mais il est corps. (Lacan
cité par Ducard, 2001 : 204) L'apprentissage de la langue est lié
avec le développement du cerveau. Selon les théories des
behavioristes la pensée et la langue vont de pair. Il n'y a pas de
pensées non-verbalisées. Selon la théorie du
déterminisme linguistique de Sapir-Whorf, les individus s'appuient sur
la langue pour former leurs idées. Chaque langue a un lexique et une
grammaire différents, par conséquent, les locuteurs des langues
diverses expérimentent le monde différemment. Bien qu'il existe
plusieurs critiques25 de cette théorie on ne peut pas nier
l'influence de la langue sur la pensée. Alors que la voix est
plutôt une représentation individuelle, la langue
représente une culture. Stuart Hall dans son étude des
représentations affirme que la culture est faite de «
significations partagées ». Les participants de chaque
culture donnent des significations aux choses, peuples, et
événements par la langue. La langue devient un moyen de donner un
sens aux choses ainsi que de faciliter les productions et l'échange de
ces significations.
25 Neil Parr-Davies: The Sapir Whorf Hypothesis: A
critique ; disponible sur
http://www.aber.ac.uk/media/Students/njp0001.html
Pendant l'époque de colonisation, les langues, par
conséquent, les cultures des pays colonisateurs ont dominé.
Edward Said soutient que les langues sont une partie importante du processus de
décolonisation et de la culture de la résistance. La recherche de
l'authenticité d'une origine nationale plus réelle que celle de
l'histoire coloniale, d'un nouveau panthéon de héros et (à
l'occasion) d'héroïnes, de mythes, de religions À tout cela
n'a été possible que grace au sentiment de réappropriation
de la terre par son peuple. Et ces premières ébauches
nationalistes de l'identité décolonisée se sont toujours
accompagnées d'un essor presque magique, presque alchimique, de la
langue indigène (Said 1994, 2000 : 322)
1.6 Représentation par la parole
Le dictionnaire Le Robert Micro définit la
parole comme : Faculté de communiquer la pensée par un
système de sons articulés (une langue) émis par la voix.
Etudiant le rôle de la parole dans un cadre religieux Thierry Paquot
écrit « Le Christianisme est certes une des religions du Livre
mais d'un livre, ne l'oublions pas rassemblement des paroles :
« Au commencement était le Verbe
Et le Verbe était avec Dieu
Et le Verbe était Dieu »
La parole est ce qui distingue, ce qui convainc, ce qui
rassemble, mais aussi ce qui oppose, condamne, éloigne, divise et
excommunie. La Parole utilise la métaphore, la parabole, et se fait
enseignement. La parole brandit la menace, dénonce les
hóésies, appelle à la croisade, elle se fait
mobilisatrice. La parole est réconfort, sécurité, appui.
Cependant la parole est aussi contestation, discussion, remise en cause.
En 1215, les universités apparaissaient. La parole
universitaire s'organise comme scolastique et est fondée sur la
« question » et la « dispute ». Pour les
métiers nés du développement du droit et
de la justice l'utile est aussi la parole. Un nouveau personnage de la
société est l'avocat qui représente ceux qui ne pouvaient
pas se représenter. (Le Goff et Schmitt cité dans Paquot, 1992).
Dans les « Coutumes de Beauvais » Philippe de Beaumanoir
présente ce nouveau venu sur la scène sociale « comme
beaucoup de gens ne savent pas comment se servir de coutume, ni comment plaider
leurs causes, ils cherchent des personnes qui « parolent » pour eux ;
et ceux qui « parolent » pour autrui sont appelés avocats
».
Les cafés devinrent les nouveaux espaces de la parole
au XIXème siècle. L'émergence de la presse écrite
renforce cette évolution. Point de rencontre et de confrontation directe
et extérieure à la rue, le café est une barricade
dressée à la hâte avec des moyens de fortune qui
façonne une entraide sociale et provoque une communication
élémentaire. Ce sont les contestations qui cimentent les
rapprochements, par définition provisoires et précaires. Le
café est donc un lieu d'intégration et d'exclusion à la
fois. Mais la voix qui s'élève dans ce nouveau temple des
Idées n'est pas une parole improvisée : c'est un commentaire.
Cette voix lit et apprécie les arguments de l'auteur d'un texte, d'un
texte imprimé. En effet sans la presse écrite pas de café
de ce genre. (Paquot, 1992).
1.6.1 Topoï
La théorie de topoï a été
introduite en 1983 par Anscombre et Ducrot. Les topoï sont les
inférences qui autorisent la passage de l'argument (A) à la
conclusion (C) dans des enchaînements argumentatifs de type A + C (Ducrot
1988 : 1 cité dans Anquetil, 2006) . Par exemple dans
l'énoncé suivant (emprunté à Bruxelles, Ducrot,
& Raccah, 1993 : 91, par Anquetil, 2006)
Il a certainement gelé cette nuit car les plantes sont
mortes
le passage de A et C est garanti par le biais de topos
T2 : Plus il fait froid, plus les plantes souffrent
//
Il faut encore préciser les trois principaux
caractères que Ducrot (1988) attribue aux topoï.
1. Ce sont des croyances communes et partagées par un
groupe social qui se compose d'au moins deux personnes
2. Ils ont vocation à la
généralité : pour qu'ils soient valables, il faut qu'ils
vaillent dans d'autres circonstances que celles où le discours les
emploie.
3. Les topoï sont graduels. Cette gradualité
n'apparait pas toujours.
La sociologue Pierre Bourdieu limite la patrimoine d'un
individu aux diffóentes formes de capital qui sont le produit de son
apparence sociale À capital économique, social, culturel. Sophie
Anquetil ajoute deux formes de capital en plus à cette liste À Le
capital physique et le capital mental.
· Le capital physique : désigne
l'ensemble des propriétés naturelles d'un individu (la force
physique, la taille, l'ouïe, la vue, l'endurance...) ; ces
propriétés peuvent être génétiques
(lignée familiale dont l'individu est issu), ou acquises (entretien
qu'on individu accorde à sa condition physique).
· Le capital mental : est
composé à la fois du degré d'intelligence d'un individu
(ou d'aptitudes intellectuelles qui permettent de répondre à une
situation spécifique) et de sa force psychologique.
· Le capital économique :
comprend à la fois les biens matériels (voiture,
logement...) et les revenus d'un individu. Il peut être individuel ou
collectif.
· Le capital social : est l'ensemble de
relations personnelles qu'un individu peut mobiliser quand il en a besoin.
C'est son réseau social.
· Le capital culturel : désigne
l'ensemble des ressources culturelles dont dispose un individu. Il est le
produit du système scolaire et de la famille. Et suivant qu'il est
incorporé, objectivé, institutionnalisé,
il peut prendre des formes variées, connaissances
culturelles, langage, etc ; Dans ce capital culturel pour ma part j'ajouterai
la religion ou un système de croyance étant donné que ce
mémoire analyse ces aspects. Donc, les topoï de la parole
stéréotypée s'appuient sur les formes de capital
listées ci-dessus.
Puisque les stéréotypes en tant
qu'éléments essentiels de la signification naissent de
l'interaction humaine, la signification même s'avère être le
résultat de négociations entre les membres de la
communauté linguistique donnée. La connaissance et la
signification d'une chose donnée implique ou présuppose donc la
connaissance des stéréotypes présents dans la
communauté linguistique respective. Les marqueurs sémantiques
sont à considérer comme les invariants sémantiques,
c'est-à-dire les éléments stables et objectifs de la
signification. Par contre les stéréotypes reflètent les
opinions prédominantes dans une communauté linguistique
donnée sur un certain référent réalisé sur
le plan linguistique par son signe. Autrement dit, le stéréotype
n'a rien à voir avec les propriétés du
référent du signe, mais ce qu'il représente, c'est
l'opinion fondée ou non fondée des membres de la
communauté linguistique respective (Harras cité dans Danler, 2007
: 66)
Chapitre 2. Histoire de la Radio
Dans ce chapitre je décris les manières par
lesquelles la radio fut utilisée par les allemands, d'abord et les
anglais ensuite dans le contexte des conflits mondiaux de la première
moitié du XXème siècle. Nous avons décidé de
commencer ce chapitre par une réflexion sur les
stéréotypes liés au juif, qui nous paraissent
emblématiques de ce que la radio en a fait depuis son apparition au
début du XXème siècle. Par ce détour nous
espérons retrouver dans notre corpus l'écho du discours
radiophonique portant sur ou s'adressant à diverses diasporas.
2.1 Les stéréotypes juifs
Les stéréotypes constituent un important
élément d'intégration des groupes, des motivations, des
actions sociales, de la propagande, des partis pris, du caractère social
des individus (Villain Gandosi, 2001). Il se produit une situation paradoxale
qui pourtant existe bien souvent dans la vie, c'est-à-dire que le savoir
en apparence intellectuellement assimilée, est émotionnellement
«étouffé » et pratiquement effacé de la
conscience, car ce savoir est incommode. Une situation somme toute
schizophrénique étant donné que le sujet donné sait
quelque chose et en même temps ne sait pas. (Villain-Gandossi, 2001).
Les juifs font partie d'un groupe linguistique sémite
qui constitue les langues hébreu, arabe, l'araméen et le
guèze d'Ethiopie. Toutefois, l'antisémitisme est lié au
développement du concept de race. A la fin du XIXème
siècle il conçoit les juifs comme les ressortissants d'une race
inférieure. Le juif par son refus de devenir chrétien est
considéré comme un personnage hors norme. L'imagier
médiéval va faire grand cas de cette notion d'étranger
pour figurer le juif, le souci primordial est en effet la distinction
qui
|
Extrait de l'ouvrage : "Trau
keinem Fuchs auf grüner Heid und keinem Jüd auf seinem
Eid", 1935-1936 (BD pour enfant)
Dans ce dessin, on aperçoit l'allemand à gauche
: grand, blond et fort. La pelle qu'il tient dans sa main indique que c'est un
travailleur. Contrastant avec l'idéal nazi, le juif est
représenté sur la droite de l'image : petit, gros, très
brun, nez crochu. Il est richement vêtu, tient dans sa main droite un
attaché-case, enfin un journal dépasse de sa veste. L'image est
appuyée par le texte qui demande aux enfants de comparer les deux
images, « Facile de reconnaître qui est qui ! »
(Léa Boisaubert dans le dossier pédagogique
Stéréotypes et préjugés de Musée d'art et
d'histoire du Judaïsme, Paris)
|
|
doit être faite entre le chrétien et
l'autre (en gras dans le texte). Ainsi, on distingue
à l'époque certaines caractéristiques «ethniques
» : le juif apparaît plus petit que le chrétien, plus
foncé de teint et de cheveux. La verve satirique de l'artiste accentue
également la courbure du nez : les premieres caricatures de juifs au nez
crochu apparaissent en Angleterre dès 1233. Depuis des temps anciens,
les caractères imparfaits de la physionomie sont
considérés comme liés aux les imperfections mentales du
sujet. Le caractère hors norme du physique du juif révèle
donc son appartenance à l'univers du mal et du péché. Le
juif, avec ces attributs particuliers, est mis en scene dans l'iconographie
médiévale à travers des mythes et légendes
populaires26.
Les mythes et représentation populaires du juif sont
celles de voleur, d'avare, d'envieux et de traitre. Leur rejet du christianisme
leur donna le titre de « déicide » ou ceux qui
tuent Dieu. En 1596, William Shakespeare dans son oeuvre « Le
Marchand de Venise » représente le caractère juif
Shylock comme
26 Boisaubert, Léa, Dossiers Pédagogiques;
Stéréotypes et Préjugés ; Musée d'art
et d'histoire du Judaïsme, Paris
un usurier inflexible qui demande froidement une livre de
chair d'un corps d'un marchand. C'est une fausse27
représentation qui fige le juif dans un stéréotype. Lors
de l'écriture du « Le Marchand de Venise » il n'y
avait plus des juifs en Angleterre. Ils ont été expulsés
en 1290. L'auteur a pourtant hérité des puissants
stéréotypes transmis par l'Église, comme celui du juif
malveillant, coupable de tout, en passant par l'empoisonnement des puits,
jusqu'aux sacrifices rituels (Boisaubert).
2.2 Antisémitisme en Allemagne
Pendant le régime nazi les stéréotypes
juifs ont atteint un niveau meurtrier et dangereux. Adolf Hitler en
créant le fantasme d'une Allemagne toute-puissante, exploita les
sentiments d'antisémitisme déjà présents dans la
société allemande de l'époque28. Hitler
créa ce fantasme pour atténuer le sentiment d'une Allemagne
dégradée après la premiere guerre mondiale. Il s'appuya
sur le christianisme et les valeurs familiales29 et sur la
supériorité supposée de la race aryenne pour
régénérer le pays.
Pour l'antisémite, cette idéologie
présente une attraction particulière. La question « qui
suis-je ? » est remplacée par « à qui
j'appartiens ? ». Dans l'identification collective, les autres
deviennent des reflets de soi-même et l'individualité et les
différences sont effacées. Les écrits antisémites
du XIXe siècle sont pleins de comparaisons entre une nature allemande
organiquement fondée, et une nature juive qui serait différente.
Le vieux mythe d'Ahasver du
27 La loi juive interdit de découper de la chair sur un
animal vivant et insiste sur le fait qu'une mesure juridique ne doit être
ni dégradante ni cruelle.
28 Thèse de Daniel Jonah Goldhagen cité dans
La Construction de Communautaires imaginaires et l'image des juifs,
Werner Bohleber dans Le Coq-héron 3/2002 n°170), p 13-38.
Disponible sur www.cairn.info.
29
http://www.hitler.org/speeches/02-01-33.html
Juif éternellement errant et chargé de
culpabilité, se transforme en l'image du Juif moderne
déraciné. L'affranchissement des Juifs signifie alors leur
apparition dans l'ensemble organique de la nation et de la culture allemande.
(Bohleber, 2002).
Les représentations des juifs étaient
totalement contradictoires pendant le régime nazi. D'une part ils
étaient un adversaire diabolique puissant pour la lutte pour la
domination du monde et représentaient une menace mortelle pour le peuple
allemand et le monde entier, d'autre part, ils devenaient des êtres
faibles qu'on pouvait agresser sans crainte et sans danger. Dans le monde
politique et intellectuel les juifs étaient considérés
comme « corrosifs ». Lorsque la participation politique fut
biologisée par la notion raciale, la corrosion reçut, dans le
national-socialisme, une signification destructrice concrète pour le
corps populaire considéré comme organique. Comme nous le montre
l'analyse des idéologies d'extrême droite actuelles, la crainte du
mélange est la crainte principale de tous les racistes
xénophobes. Ils sont obsédés par la peur qu'un ensemble vu
comme homogène et pur pourrait être dissous ou fragmenté ou
explosé. C'est la peur de la rencontre avec « l'autre » qui
refuse de se fondre dans le tout organique. (Bohleber, 2002). Soulignant les
représentations juives pendant l'époque nazie, Hitler a dit
« si les juifs n'étaient pas la, il fallait les inventer
».
2.2.1 Les discours antisémites
Dés le début Hitler a reconnue la puissance de
la parole. Le parti national socialiste s'appuya sur les discours publics.
Elaborant le rôle des discours publiques dans Mein Kampf Hitler
a écrit : « Le pouvoir des grandes religions et
idéologies politiques dans l'histoire s'est développé par
la magie de la parole, uniquement. » Le nazisme fut vague dans les
détails de ses objectifs mais clair dans sa rhétorique. Ceux qui
avaient des oreilles pouvaient l'entendre
(Bytwerk, 2008:1). Hitler fut un annonceur charismatique qui
pouvait convaincre des milliers de personnes de la mission du parti national
socialiste. L'extermination des juifs étant la plus importante.
Dès son premier discours radiophonique en 1933,
après avoir gagné le pouvoir, Hitler aborda le sujet du «
problème juif ». Bien qu'Hitler n'ait pas fait de discours
fréquemment à la radio, pendant son régime plusieurs
idéologues du parti national socialiste ont fait des discours
antisémites. Ces discours sont une preuve des préjugés du
parti politique allemand contre les Juifs.
Voici quelques extraits des discours antisémites :
· Politique raciale du parti national socialiste
(1934) À Discours du Dr Walter Groß
Bien que ce discours ne soit pas ouvertement antisémite,
il sous-entendait des sentiments antisémites.
Dans notre Reich, nous séparons ce qui nous
appartient, parce que c'est le sang de notre sang, de ce qui ne nous appartient
pas, parce qu'il est étranger. Nous faisons ce qui est droit, non
seulement pour le moment, mais pour l'éternité.
· C'est les Juifs ou nous par Robert Ley (1937)
: dans ce discours Ley accuse les Juifs de tous les problèmes
de l'Allemagne et dit : « Si les Juifs veulent se battre avec nous on
n'a pas de probleme. Nous attendons cette bataille depuis longtemps. Il n'y a
plus de place pour les Juifs aujourd'hui
dans ce monde. Les Juifs ou nous, un des deux doit partir
».
· La question de race et la propagande
mondiale par Joseph Goebbels (1937) : pendant le rassemblement de
Nuremberg. Dans ce discours Joseph
Goebbels dit que les Juifs font une grande erreur en critiquant
les Allemands.
Cette aile radicale, a porté un coup
extrêmement dur à la communauté juive mondiale et à
ses alliés. Ils ont mis le problème juif en débat, et les
résultats ne peuvent être qu'en leur défaveur.
En 1939 Hitler diffusa la « solution finale au
problème juif » dans un discours de Reichstag.
« L'Europe n'aura pas la paix tant que la question
juive n'est pas éliminée.... Le monde a la
capacité suffisante pour le règlement, mais nous devons rompre
avec la notion selon laquelle un certain pourcentage du peuple juif est
destiné, par notre cher Dieu, pour être le
bénéficiaire parasite du corps, et du travail productif, d'autres
peuples. Les Juifs doivent s'adapter à un travail constructif
respectable, comme les autres peuples, ou ils succomberont tôt ou tard
à une crise aux proportions inimaginables. Si la finance internationale
de la communauté juive à l'intérieur et l'extérieur
de l'Europe devait réussir à plonger le pays dans une guerre
mondiale encore une fois, alors le résultat ne sera pas la victoire des
Juifs, mais plutôt l'anéantissement de la race juive en Europe!
»
2. 3 Radiodiffusion allemande
Ces sentiments antisémites propagés par tous
les médias furent accaparés par les nazis. La radio
émergea, en effet, comme un moyen idéal et le moins cher pouvant
communiquer cette propagande nazie instantanément aux gens. Le
gouvernement nazi obtint le contrôle sur le
Reichsrundfunkgesellschaft (RRG) la station de service public. Les
allemands ont pensé que la radio allait faciliter la création de
la communauté du peuple ( la Volksgemeinschaft).
Volkemsfanger : l'appareil de la
radio pendant l'époque nazie
L'élargissement de l'audience passait tout d'abord par
le développement du parc des récepteurs. Goebbels opta dans ce
domaine pour une politique volontariste, popularisée par un slogan :
«La radio dans chaque foyer allemand!». Le lancement en grande pompe,
en aoüt 1933, d'un récepteur bon marché, le
Volksempfänger (littéralement «
récepteur du peuple »), fut suivi de la commercialisation, en 1938,
d'un appareil plus petit et moins cher, mais moins performant, le
DeutscherKleinempfänger. Même si elle n'atteignait pas son
but, un taux d'équipement de 100%, cette politique porta ses fruits
puisqu'en 1941, près de 65% des ménages allemands
possédaient un poste de radio, contre 25% en 1933 (Favre, 2004). Pendant
le lancement de cet appareil, Goebbels a fait un discours décrivant la
radio comme « la huitième grande puissance du monde »30
Pendant la période nazie, il fallait écouter la
radio avec la fenêtre ouverte pour que les voix et des idées
nazies se répandent partout. C'est pourquoi Marshall Mc Luhan dans
Pour comprendre les Média en 1964, a qualifié la radio
comme « tam-tam tribal » et « qu'un Hitler ait seulement pu
exister politiquement est une conséquence directe de la radio et des
systèmes de sonorisation » Hitler disait à la radio de
Munich, le 14 Mars 1936 : « Je fais mon chemin avec une assurance de
somnambule ». Ses victimes et ses critiques ont été
aussi somnambules que lui. Ils ont dansé, envoûtés, par le
tam-tam tribal de la radio, qui prolongeait leur système nerveux central
et leur imposait à tous une participation en profondeur. « Je
vis véritablement à l'intérieur de la radio quand je
l'écoute. Il m'est beaucoup plus facile de me perdre dans la radio
que
30 Joseph Goebbels: The radio as the Eighth Great
Power; disponible sur
http://www.calvin.edu/academic/cas/gpa/goeb56.htm
dans un livre » disait un auditeur interrogé
au cours d'un sondage sur les habitudes radiophoniques » (Mc Luhan, 1964 :
326-328)31.
En trouvant que les discours politiques, les campagnes
électorales, les rassemblements de Nuremberg faisaient fuir l'attention
d'auditeurs, Goebbels a commandé la diffusion des émissions
musicales. La part des émissions musicales et de divertissement augmenta
fortement entre 1934-1935 et 1938, pour baisser de nouveau en 1939, lorsqu'il
s'agit de préparer la population à la guerre (Favre, 2006). D'une
part la radio était un moyen de communication très efficace et de
l'autre le fait que les chefs ne pouvaient pas voir la réaction des
auditeurs, limitait leur contrôle. Le poste de gardien de la radio fut
créé pour que la radio ait un médiateur. Le gardien
réunissait les auditeurs dans les clubs de radio, qui poussaient comme
des champignons en Allemagne, et contrôlait les réactions des
auditeurs32.
La propagande nazie n'était pas limitée au
territoire allemand. Entre 1939-45 la propagande nazie fut diffusée
partout dans le monde, dans plusieurs langues étrangères. Selon
une enquête menée par Jeffrey Herf sur la propagande nazie,
diffusé en Arabe au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et Persan en
Iran, s'appuyaient sur les sentiments anti-juifs existant chez ces peuples pour
propager d'avantage l'antisémitisme.33 L'Allemagne avec sa
station radiophonique de Zeesen est devenue le plus grand poste de propagande
dans le monde. Après les Jeux Olympiques de Berlin en 1936, le poste de
Zeesen fut utilisé pour diffuser les émissions en langue
allemande pour les Allemands demeurant en Afrique du Sud, en Amérique du
Sud et aux Etats-Unis pour
31 Tirée de La Radio Idéologies et la
Sociétés collection dirigé par Rémy Martel,
Libraire Larousse; 1980 p. 100-101
32 Eugen Hadomsky, The living bridge, On the nature of radio
warden activity: disponible sur
http://www.calvin.edu/academic/cas/gpa/hada3.htm
33 Jeffrey Herf : Hate Radio: The long toxic after-life
of Nazi propaganda in the Arab world in The Chronicle of Higher Education;
Novembre 22, 2009; disponible sur
http://chronicle.com/article/Hate-Radio-Nazi-Propaganda-in/49199/
propager l'image de l'Allemagne comme un pays grand et tout
puissant. Les rédacteurs des journaux dans ces derniers pays ont suivit
ces émissions et rajouté ces informations, en les diffusant dans
leur journaux popularisant ainsi les idées nazies et
antisémites.
2. 4 Radiodiffusion anglaise
En 1937 la BBC commença ses premières
émissions internationales en langues espagnole, portugaise et en 1938,
en arabe. La station s'appuyait sur les mises à jour diffusées
par Reuters et l'Agence France Presse. En 1938 elle lança des
émissions en français, italien et allemand, soutenues par un
entourage européen de traducteurs et animateurs. L'année
suivante, la BBC a diffusé des appels aux mineurs allemands
lancés par la British Mineworks Federation pour éveiller les
allemands à propos du lavage de cerveau « bombs of mind
»34 conduit par le gouvernement nazi. Goebbels a fait des
contre diffusions en anglais à partir de stations placées
stratégiquement à Hambourg. S'appuyant sur de multiples sources
britanniques, françaises, allemandes, fin 1940, la BBC est devenue une
radio de combat. 35
2.4.1 Propagande en Angleterre
La propagande faite par la BBC n'a pas attiré autant
d'attention car elle était plus au moins cachée36.
L'une des plus importantes caractéristiques de la propagande anglaise
était la valorisation des forces armées en période de
34Mary Cawte, Making Radio into a tool for
War; 1996 disponible sur
http://www.bmartin.cc/pubs/peace/96Cawte.pdf.
35 Christian Delporte ; Aurélie Luneau-Galy,
Thèse La BBC et les Français : de l'écoute à
l'action 1940-1944 ; résumé dans
Recherches-Actualités ; Le Temps des Médias ; 2004/1 À
N°2 ; p. 235 Disponible sur www.cairn.info
36 Cécile Vallée : La propagande
cachée sur les ondes de la BBC pendant la deuxième guerre
mondiale : vers une héroïsation nationale ; Revue Lisa/ Lisa
e-journal. Vol IV À N°3/2006. Disponible sur
http://lisa.revues.org/index2025.html
conflit. Le discours a vanté la haute
combativité des troupes, les émissions qui mettaient l'accent sur
l'héroïsme militaire des soldats, des marins, et des aviateurs
étaient multiples. Outre les émissions régulières,
comme les bulletins d'information, ou le War Commentary, toute
bataille à venir ou passée était l'occasion de rendre
hommage aux héros (Vallée, 2006). En outre, la radio diffusa des
émissions glorifiant l'histoire de Grande-Bretagne et la
célébration constante des victoires du passé et en
même temps dénigrant leur ennemie À l'Allemagne. Les
diffusions essayaient de démontrer la bestialité, le
caractère satanique de l'ennemie. Winston Churchill et J.B. Priestley,
que l'on peut considérer comme les deux maîtres de l'allocution
radiophonique de l'époque, étaient sans aucun doute les plus
efficaces et les plus virulents en la matière (Vallée, 2010).
2.4.2 Propagande au Maghreb
Au Maghreb, la BBC diffusa en Arabe pendant leur guerre
brève au Maroc, entre 1942 et 1943, elle a essayé
d'améliorer l'image des combattants et de convaincre les arabes de leur
mission contre le nazisme. Pour la réalisation des projets de guerre,
chaque camp s'ingéniait à trouver les supports nécessaires
qui lui offriraient la réussite. La propagande radiophonique avait,
à n'en pas douter, tous les moyens de toucher les diverses «
couches » des populations. Elle eut recours pendant cette période
cruciale outre à l'usage de la langue arabe, aux bulletins d'analyse,
aux chants, aux émissions artistiques et littéraires, aux
témoignages de prisonniers, aux prêches d'hommes religieux
musulmans, aux émissions pour enfants ainsi qu'à quelques cours
d'histoire et de civilisation (Cherif, 2006). Mais, si les anglais pouvaient
diffuser vers le Maroc car il était plus près de Gibraltar,
L'Algérie et Tunisie étaient loin de leur influence.
Cependant, les diffusions de la progression de la bataille,
faites par les présentateurs égyptiens, entre allemands et
anglais était loin de l'intérêt du
peuple Tunisien. La programmation suivie étant
classique et axée plus sur le facteur culturel qui lie la
Grande-Bretagne à ses colonies, elle mettait en exergue le respect des
traditions musulmanes tout en évoquant les nouvelles des fronts, les
victoires remportées, ou l'alliance de tel ou tel autre pays à la
coalition contre l'axe (Cherif, 2006). « Radio Berlin » fut plus
écoutée que « Radio Londres » car elle savait comment
toucher les sentiments du public.
2.4.3 La BBC durant le régime Vichy
En France, la BBC diffusa les émissions comme Les
Français parlent aux Français, Honneur et Patrie.
Ces émissions conçues avec imagination sont devenues une source
de courage et de soulagement pour le peuple français sous le
règne de Vichy. Tout au long de la Seconde Guerre mondiale, dans
l'idée de rallier les individus réceptifs à la cause
défendue par Radio-Londres, d'obtenir leur adhésion, la
propagande diffusée sur les ondes anglaises fut soigneusement
élaborée. Sans recourir à de longs développements,
mais en martelant les mots qui servaient ses idées, en usant de formules
concises, de slogans courts, simples et faciles à retenir, de la
répétition, en jouant sur l'émotion et le sentiment
national rassembleur, et en tenant compte de l'opinion collective, la BBC fut
le vecteur d'une mobilisation humaine, d'esprit et de corps, sans
précédent (Luneau, 2005).
2.5 Les radios noires
La deuxième guerre mondiale a rendu la guerre
radiophonique37 plus malveillante. En plus des diffusions les
nouvelles de la guerre, les parties en conflit ont lancé plusieurs
radios « noires » visant à contrecarrer, dévier, mal
renseigner et saper le moral de l'ennemi. Selon les spécialistes de
l'action et de la guerre psychologique, ces radios sont dites « noires
» car l'émetteur n'est
37 Cawte, Mary ; Making Radio into a tool of War: 1996
pas identifié, par contre, les radios comme BBC or RRG qui
ont un émetteur clairement identifié sont dites « blanches
»38.
2.5.1 Les stations noires des anglais
Alors que la BBC fut la radio officielle et blanche anglaise,
le bureau de guerre politique (Political Warfare Executive) a chargé
Sefton Delmer de la propagande « noire » vers l'Allemagne pour
démoraliser les populations de ce pays. Ces diffusions visaient ceux qui
n'avaient pas un haut niveau d'allégeance pour l'état Nazi. Les
diffusions de ces radios noires se sont appuyées sur les discussions des
rumeurs en les répandant39. Sefton Delmer était
d'origine australienne, né à Berlin. Après ses
études à Oxford, il est revenu en Allemagne comme correspondant
à Berlin pour The Daily Express. Pendant son séjour
à Berlin, il a fait connaissance avec Hitler, Goebbels, Himmler et les
autres qui faisaient partie de la direction nazie. En 1940, il a
décidé de faire partie de la guerre et s'est rapproché de
ses amis dans les services secrets anglais.
Les radios noires diffusant en Allemand
déclarèrent qu'elles émettent à partir des stations
secrètes installées en Allemagne, mais en réalité
ce sont les radios diffusant à partir de l'Angleterre. Ces
émissions devaient donner l'impression qu'elles ne s'adressaient pas au
grand public, mais devaient faire en sorte que les auditeurs capteraient par
hasard des conversations de militaires allemands. (Mettelet, 2008).
Delmer a lancé une station Gustav Seigfied Eins
(Georges Sucré) en 1941. La
38 Nicolas Mettelet ; Sefton Delmer le corsaire des ondes de
sa majesté ; Cahiers de psychologie Politique ;Disponible sur
http://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique/index.php?id=102#tocto1n4
39 Boring G. Edwin (Edited by) Psychology for the armed
forces prepared by Committee of the National Research Council With the
Collaboration of many specialists, Washington Infantry Journal: 1945.p. 493
Disponible sur
www.books.google.fr
voix qui parla fut celle d'un Der Chef, un vieux chef
prussien qui va toujours soutenir le Führer sur les ondes, utilisant les
mots et les paroles qui vont susciter une action contraire. Deutscher
Kurzwellensender Atlantik (RadioAtlantique sur ondes courtes) et
Soldatensender Calais (Radio Calais-Armée allemande) furent
deux autres stations menées par Delmer dans lesquelles, il a
utilisé les prisonniers de guerre allemands antinazi pour diversifier
les voix et les accents. Delmer diffusa également de la musique
classique allemande pour rendre ces émissions plus authentiques.
2.5.2 Les stations noires des allemands
En 1940, les allemands lancèrent la radio Concordia
pour faire des émissions « noires » vers l'Angleterre. William
Joyce (un anglais fasciste qui faisait les émissions pour RRG aussi
connue comme Lord Haw-Haw) était chargé d'écrire les
scénarios pour cette radio. Bien qu'ils aient assez d'anglais dans leur
station « blanche », ils ne purent utiliser les mêmes. Ils ne
pouvaient pas utiliser des allemands avec un mauvais accent pour une station
qui prétendrait être diffusée depuis l'Angleterre. Par
conséquent, ils ont embauché des animateurs de la poignée
d'anglais qui demeuraient en Allemagne.
La première et la plus importante station de Concordia
fut le New British Broadcasting Station (NBBS) (Büro N) qui a
diffusé de 1940 -1945. L'autre station était Workers' Challenge
(Büro S) qui a diffusé entre 1940-45, elle a
prétendu soutenir les ouvriers et a toujours diffusé des messages
incitant les ouvriers à s'opposer à la guerre. Ces stations
étaient mal connues pour le mauvais langage qu'elles utilisaient. La
Radio Caledonia (Büro NW) appelait aux sentiments nationalistes
des écossais et les encourageait à créer une paix
différente que celle de l'Angleterre. Elle a diffusé entre 1940
À 41. Christian Peace Movement (Büro P) était la
quatrième station radio de la Concordia. Diffusant entre 1940-42, cette
station a fait la propagande chrétienne vers
l'Angleterre. La dernière station était Radio
National (Büro F) qui diffusa pour juste un an (1943). Elle
était très antisémite40.
2.6 Radiodiffusion Française
C'est difficile de retrouver la date originelle de
l'institution du monopole d'Etat en France, qui a accaparé tous les
moyens de communication. Mais, c'est au roi Louis XI que l'on fait remonter la
création d'une poste contrôlée par l'Etat en 1477 et l'on
peut penser que c'était sa volonté d'unifier le royaume qui lui a
inspiré cette organisation. (Cazenave, 1980). Le monopole des postes
remonte donc à la deuxième moitié du XVème
siècle, celui du télégraphe date du 23 juillet 1793. Le
législateur place alors dans un cadre rigide les correspondances par
signaux. Cela ne va pas déjà, sans contradictions, puisqu'en 1789
était affirmé le principe du droit de manifester sa pensée
et son opinion soit par la voie de la presse, soit de toute autre
manière : « la libre communication de pensée et
d'opinions est un des droits les plus précieux de l'homme. Tout citoyen
peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à
répondre des abus cette liberté dans les cas prévus par la
loi » (art 11 de la déclaration des droits de l'homme)
(Cazenave, 1980).
Cette loi fut suivie par plusieurs lois et ordonnances qui
ont renforcé le contrôle du gouvernement sur les médias. La
loi de 1928 a reconnu l'existence de postes privées «
provisoirement et jusqu'à ce qu'intervienne une loi organique » sur
le régime de la radiodiffusion. L'ordonnance du 23 Mars 1945 a
annoncé la fin des radios privées. Mais ce qui a fixé le
monopole sur les communications sans fil fut la création de la
Radiodiffusion TélévisionFrançaise (RTF) en 1959, puis
l'établissement de l'Office de Radiodiffusion
40 Doherty, Martin A. Nazi Wireless propaganda: Lord
Haw-Haw and British Public Opinion in the Second World War; Edinburgh;
Edinburgh University Press (2000); p. 19-29. Disponible sur
www.books.google.fr
Télévision Française(ORTF) en 1964. En
1974, l'ORTF était remplacée par un service public national de la
radiodiffusion-télévision française comprenant sept
unités nouvelles:
-TDF (Telediffussion de France), établissement public de
diffusion;
-Radio France, TF 1, Antenne 2, FR3, sociétés
nationales s'occupant des programmes, une pour la radio, les trois autres pour
la TV;
-SFP (société française de Production)
-INA (Institut National de l'Audiovisuel).
Le décret du 20 Mars 1978 précise à
nouveau ce qu'il faut entendre par dérogation au monopole: «
les programmes doivent s'adresser à un public
déterminé, limité et identifiable; les conditions de
diffusion ne doivent en permettre techniquement l'accès qu'au public
auquel ces programmes sont destinés » (art 1 er). En Juin 1978
après l'incident de la Radio-Fil- Bleu, qui a commencé à
diffuser à Montpellier, le monopole a imposé une amende de 10,000
à 100,000 Francs et jusqu'à un an de prison. Seulement le
décret de mars 1978 n'a pas empêché les radios pirates de
prolifóer.
2.6.1 Les radios libres
Le monopole permit de contrôler non seulement les
moyens de la radiodiffusion mais aussi l'information. Les radios libres
émergeaient avec les besoins du public de disposer d'un moyen
d'information alternatif. Le surgissement des radios libres provient
également des nouvelles interrogations sur les processus d'interaction
et de transaction entre les cultures diverses qui se sont installées en
Europe et les flux transnationaux.
Le mouvement des radios libres était inspiré
par les radios « pirates » comme Radio Caroline en Grande Bretagne et
Radio Alice en Italie qui diffusaient depuis des bateaux situés dans les
eaux internationales. Ailleurs, les radios libres étaient aussi une
expression des enthousiasmes des nouvelles techniques,
paroles et musique.
En France, l'histoire des radios libres a commencé en
1977, avec le lancement de la Radio Verte. Cela a suscité une explosion
de stations de radio, par conséquent, une bataille pour les ondes. Les
radios libres qui avaient un statut de « radios pirates » et «
radios clandestines » jusque là, ont été
légalisées en 1981 quand François Mitterrand le
président Français a libóé la bande FM. La loi du
29 juillet 1982, autorisant les radios libres à émettre, a
brisé définitivementle monopole. Désormais les radios
libres deviennent des radios locales privées (R.L.P.). Cette
autorisation a encouragé une multiplication de stations de radio partout
en France.
2.7 L'art de la radio
Les artistes commencèrent à imaginer les ondes
comme un paysage artistique. Le mouvement Dada, regroupant plusieurs artistes
qui étaient contre l'absurdité de la guerre, commença en
1916 à Zurich en Suisse. Les artistes voulaient trouver une autre
signification à l'art dans toutes ses formes. Dans le domaine sonore, le
mouvement Dada produisit des sons diffóents. Kurt Schwitters, Richard
Huelsenbeck and Raoul Haussman étaient les artistes du mouvement Dada
qui ont expérimenté avec la poésie du son inspiré
par l'idée de mots libres développée par
l'italien Filippo Tommaso Marinetti en 1919 (environs) qui a mené le
mouvement futuriste41. Diverses expóiences de radio futuriste
seront tentées avant la Seconde Guerre mondiale, notamment, à
Liège, par le Groupe Moderne d'Art42.
41 Un mouvement lancé en Italie par Filippo Tommaso
Marinetti en 1909 valorisant la vitesse, l'industrie et la machine.
42 LAUREYS, A.-M., La vie littéraire à
Liège entre les deux guerres, Mémoire de licence en
Philologie romane, Université de Liège, inédit.
Cité dans
http://histv2.free.fr/litterature/marinetti.htm
En même temps Luigi Russolo (1885-1947), écrivit
l'arte dei rumori (L'art du bruit) et inventa des instruments de
bruitage. Selon Russolo « La vie ancienne fut silencieuse. Le bruit
naquît avec l'invention de la machine au XIX ème siècle
». Il a estimé que le son était un
phénomène physique et le bruit sa désintégration
compliquée43. Dans l'appendice au manifeste de Marinetti, un
Art des Bruits en 1916 il fait l'inventaire de tous les bruits
possibles à rassembler dans ce qu'il appelle l'orchestre
futuriste. Il y a, selon Russolo, six classes de bruits dans
l'univers qu'il espère simuler tous par des machines dans ses
laboratoires. Le lexique des bruits est bien spécifique aux
différentes langues, et les traductions de l'italien ne peuvent
être qu'approximatives. Première classe : le hurlement
(vent), le rugissement, le ronflement (tonnerre, orgues), le mugissement (vent,
mer), la détonation, le claquement ; seconde classe : le
sifflement (serpent), le bruissement (étoffes), le chuintement (gaz,
vapeur), le halètement (souffle) ; troisième classe : le
chuchotement, le susurrement (feuilles d'arbres), le murmure, le marmottement ;
quatrième classe : le grincement, le craquement, le
grésillement, le pétillement, le frottement ;
cinquième classe : les bruits obtenus par le battement de
métal, de bois, de peau, de pierre ; sixième classe :
les bruits produits par les «voix» humaines et animales : la clameur,
le gémissement, le vagissement, le sanglot, le beuglement, le
braillement, le bourdonnement, etc (Parret, 2010).
En Mai 1924, la revue L'Impartial Français
organisa le premier concours de « littérature radiophonique »,
le jury fut composé d'écrivains et de personnalités du
monde du théâtre (Colette, Jacques Copeau, la comtesse de
Noailles, LéonPaul Fargue, Rosny Aîné, etc.). Deux premiers
prix furent en effet attribués, l'un pour ses «qualités
littéraires» et l'autre pour ses «qualités
radiogéniques». Les deux oeuvres primées en 1924 sont
Agonie de Paul Camille et Maremoto de Gabriel Germinet
(pseudonyme de Maurice Vinot) et de Pierre Cusy. La
43Luigo Russolo (1885-1947) disponible sur
http://www.occurrence.ca/multimedia/telegraf/pdf/ta_rus.pdf
première, récompensée pour ses
qualités littéraires, met en scène «un mourant qui a
pu s'emparer d'un poste d'émission de T.S.F» et sa forme est «
une simple confidence, une confession ». Maremoto (raz de
marée en italien) est « un dialogue entre un
radio-télégraphiste et un marin qui appellent
désespérément au secours par TSF, car leur navire est
entrain de couler. On entend la pluie, le vent, des bruits de chute, les
craquements de la coque. (Méadel, cité dans Hartje, 2003).
L'utilisation des ondes pour la propagande a troublé
les artistes. Bertolt Brecht le dramaturge, poète et metteur en
scène allemand, inquiété par le manque de participation du
public dans l'espace radiophonique et l'utilisation de la radio pour et par les
propagandes nazis a écrit en 1932 Der Rundfunk als
Kommunikationsapparat/La Radio comme Appareil de Communication.
44 Il constate:
La radio porte une face au lieu de deux - elle est
purement un appareil de distribution. Voici une suggestion positive : changez
cet appareil de distribution en un appareil de communication. La radio peut
être le meilleur appareil de communication dans la vie publique, un vaste
réseau de conduits. C'est-à-dire, qui sache aussi bien
transmettre que recevoir et laisser l'auditeur parler aussi bien
qu'écouter.
En 1936, Rudolph Arnheim dans son livre Radio
proposa que la radio puisse être un nouvel art. Il a basé son
hypothèse en observant la croissance de la communication sans fil en
Europe qui à ce moment là comporte 235 stations de radio. Il
postule que ce qui empêche le développement de l'art de la radio
est la hiérarchie des sens dans laquelle la vue domine l'ouïe.
« L'oeil donne une impression complete du monde, mais
l'oreille donne une
44Lander, Dan ; Radiocasting musings on Radio and
Art. Disponible sur
http://cec.concordia.ca/econtact/Radiophonic/Radiocasting.htm.
Comment [e1]: Correction
impression incomplete. L'essence de diffusion est
l'unité, il apporte par les moyens auditifs l'essence d'un
événement, le processus de pensée, une
représentation... la dominance sensorielle d'un visuel sur l'auditif est
telle dans notre vie qu'il est difficile à accepter le monde auditif
avec une transition vers le monde visuel. Donc, il y a une opinion qui se
généralise à propos du sans fil. »
L'autre raison du retard de l'art de la radio était la
dominance de la musique. La musique a gagné en importance grâce
à sa valorisation comme condition sine qua non d'art du son.
L'auto-réfóentialité de la musique a affaibli,
banalisé et effacé les résultats sociaux et imaginaires
des autres systèmes de sons. (Kahn, 1990).
En 1933, Filipino Tommaso Marinetti et Pino Masnata ont
écrit un manifeste La radia, qui accompagna Le
manifeste pour le Futuriste par Marinetti dans laquelle ils
envisagent la radio comme un des modes de communication plus avancée que
le théâtre (qui avait été selon eux tué par
la radio et le cinéma sonore) et du livre (coupable de la myopie de
l'humanité). Ce manifeste fut basé sur l'idée des mots
libres (parole in liberta).
Par ailleurs les contrôles gouvernementaux sur les
diffusions ont bloqué les intentions des artistes pour utiliser la radio
dans un but artistique du fait qu'elle était employée comme
vecteur de propagande. Circonvenir les influences militaro-industrielles et
diffuser d'une manière par laquelle les sons ne soient pas
détournés par les puissants, étant donné que la
radio avait des racines militaires, était un défi pour les
artistes (Lander, 1999). Pourtant, les artistes continuaient à
développer ces moyens de diffusion.
La puissance de la radio pour créer des effets «
quasi magiques » par le moyen du son a été
démontrée lors de la diffusion de La Guerre des Mondes
(de H.G.
Wells) par Orson Wells en 1938 sur CBS, aux Etats-Unis. Cette
histoire d'une invasion extra-terrestre convainquit les auditeurs que les
événements diffusés par la radio étaient
réels. Six millions d'auditeurs crurent qu'il s'agissait d'une
émission d'information et un million céda à la
panique.45Les artistes furent fascinés par ce nouveau moyen
de communication et voulurent l'utiliser non seulement dans des buts
artistiques mais aussi pour développer un art sonore.
Marinetti et Kurt Schwitters se sont intéressés
à la manipulation du son par la technologie. Pendant les années
30, Marinetti produisit cinq pièces radiophoniques, en mélangeant
les sons de feu, d'eau, et de voix humaines. Il a aussi utilisé le
son rrrrr d'une moto (Lander, 1990). Cette collection de sons est
intitulée Radio Sintesi. Mais cet ouvrage n'a jamais
été diffusé. Dans son ouvrage La Radio (1933),
inspiré de mots libres par Marinetti, Pino Masnata a
proposé que les éléments de la structure linguistique
(conjonction, adverbes, adjectifs, etc.) soient éliminés pour la
réduire aux mots essentiels. Les mots libérés peuvent
être utilisés pour créer une imagination sans fil
(sic).
Néanmoins les conditions imposées par l'Etat
pour l'utilisation de la radio ont empêché le développement
de la radio comme « le huitième art ». En 1947,
l'émission, Pour en Finir avec le Jugement de Dieu
créée par Antonin Artaud acteur, dramaturge, poète et
peintre français était censurée par crainte que l'ouvrage
ne véhicule un sentiment de peur. L'enregistrement était
composé de sons, cris, hurlements, grognements, onomatopées.
Artaud a envisagé la bouche comme le seul émetteur de sons. Selon
Allen S. Weiss, cet ouvrage peut être rangé dans le domaine de
radio phantasme (Lander,1999).
Selon Hélène Eck l'art de la radio ne se
développa pas à cause de sa dépendance du
théâtre. « Il paraissait évident dans les
années trente que « le huitième art »
45 Influence, Ibid p.31
s'identifiait au théâtre radiophonique soit
en quête d'une nouvelle définition. Il reste très
étroitement dépendant du modèle théâtral
traditionnel, s'attache aux notions d'oeuvres et d'auteur, seules capables de
hisser la radio au rang des Arts » écrit Eck46.
En plus les usages des stéréotypes et les
descriptions banales ont rendu l'art radiophonique inefficace. « C'est
de l'ordre de la fine moustache par laquelle, dans les Westerns se
démontré la traîtrise » (Veille, 1952 cité
dans Eck, 1990). Les accompagnements parasites les plus fréquemment
décriés sont les récitant, cet auxiliaire postiche dont la
voix neutre est plate et décrit le décor et assure les
transitions entre les scenes, la musique d'ambiance où
l'atmosphère destinée à suggérer un cadre spatial,
enfin et surtout le bruitage exagéré, cette multiplication
d'indices sonores qui n'épargnent à l'auditeur ni les bruits des
voitures , d'ascenseur, de clef, ni ceux de porte ouverte, puis fermée
pour évoquer un retour à la maison » (Meriminode,1945
cité dans Eck, 1990)
46 Hélène Eck: A la recherche d'un art
radiophonique dans la vie culturelle sous Vichy, sous la
Chapitre 3. La Diaspora
Historiquement le mot diaspora est associé à la
dispersion de la communauté juive. Selon le dictionnaire le Petit
Robert de la langue française le mot diaspora est
d'origine grecque (diaspeirô/dispersion), il s'agit de la
dispersion à travers le monde antique des Juifs exilés de leur
pays. Dans Le Robert Dictionnaire Culturel en langue française
le mot diaspora signifie : la dispersion (d'une ethnie), ensemble des
membres dispersés d'un groupe social ou ethnique. La diaspora
tchèque, arabe, chinoise.
Toutefois, le mot diaspora est employé depuis les
années 80 pour décrire les peuples d'un certain pays ou
communauté qui ont quitté leur pays d'origine pour des raisons
diverses. (Celikpala, 2006) Gérard François Dumont dans son livre
Démographie Politique : Les Lois de la Géopolitique des
Populations définit une diaspora comme « un ensemble
d'individus vivant sur un territoire avec lequel ils entretiennent des
relations régulières, symboliques ou mythologiques ».
Robin Cohen dans Global Diasporas (2008) identifie cinq types de
diasporas : Africains et Arméniens comme diaspora de victimes ;
les travailleurs indiens sous-contrat comme diaspora de main d'oeuvres
; les chinois et les libanais comme diaspora de commerce ; les
sionistes et les sikhs comme diaspora marquée par l'imaginaire de
leur patrie ; et les Parsis et Sindhis de Mumbai comme diaspora
déterritorialisée
Le mot « diaspora » est utilisé normalement
par les académiciens, journalistes et politiciens pour décrire
les peuples qui habitent loin de leur pays d'origine (Celikpala, 2006). On
dégage trois critères pour qu'un groupe soit décrit comme
diaspora. Premièrement, il faut qu'il soit dispersé dans deux
lieux ou plus en dehors de leur pays d'origine. Ensuite, il faut que la
communauté y ait
direction de Jean Pierre Rioux p. 270
demeuré longtemps ou définitivement. Enfin, il
faut qu'il y ait des échanges culturels et économiques entre les
groupes demeurant dans plusieurs pays. La communication et les voyages entre
les nouveaux pays et le pays d'origine sont inclus dans cette catégorie.
(Hears cité dans Celikpala, 2006).
Expliquant l'identité diasporique Stuart Hall dans son
article Penser la Diaspora : chez soi de loin47 parle de
force du « cordon ombilical » dans les diasporas ;
l'identification associative avec les cultures des origines reste très
forte, même dans la deuxième et troisième
génération, bien que le «lieu d'origine ne soit plus la
seule source d'identification. « La pauvreté, le
sousdéveloppement, le manque d'opportunités - les traces
omniprésentes de l'Empire48 peuvent contraindre les
populations pauvres à migrer, provoquant l'éparpillement et la
dispersion. Pourtant, au fond de notre coeur dit l'auteur, nous sommes
convaincus que chaque dissémination porte en elle la promesse d'un
retour rédempteur »(Hall, 2007:246). La conception
fermée de la diaspora repose sur la construction d'une frontière
exclusive, sur une conception essentialisée de l'altérité
de « l'Autre » et sur une opposition fixe entre le dedans et le
dehors (Hall, 2007:251).
Prenant l'exemple de la diaspora aux Caraïbes, Hall
explique que la diaspora a un sentiment de délocalisation avec son pays
d'origine. Les membres d'une diaspora aussi expérimentent un
mélange ou une hybridité non seulement avec les résidents
du pays où ils demeurent mais aussi avec les autres diasporas.
L'Isère et Grenoble sont une terre d'immigration depuis
longtemps. Cette région a accueilli les travailleurs et les
commerçants non seulement des pays limitrophes mais aussi des pays
africains, asiatiques et d'Amérique du Sud.
47 Hall, Stuart. Penser la diaspora dans Identités et
Cultures Politiques des Cultural Studies ; Editions Amsterdam ; Paris :
2007
48 Par empire l'auteur entend, semble-t-il la puissance
dominante dans le lieu de départ.
Nous avons retenu pour notre étude trois de ces
diasporas.
3.1 La Diaspora Juive
Selon Robin Cohen, cette communauté représente
la notion classique de la diaspora par suite de leurs expériences
historiques de persécutions, les immigrations et les mélanges (ou
hybridité) avec les peuples du plusieurs régions du monde.
L'Isère est une région qui a joué un rôle important
dans l'histoire de la communauté juive. La ville de Vienne, sur les
bords du Rhône, était l'un des premiers endroits en Europe
où les juifs se sont installés après que l'ethnarque de
Judée Archelaus y fut exilé par l'Empereur Auguste en l'an 6 de
notre ère et où il mourut en l'an 16 de notre ère
(Rosenman).. Selon un mémoire d' A. Prudhomme, Archiviste de
l'Isère en 1883, les persécutions et humiliations contre la
communauté juive eurent lieu en Dauphiné pendant le XIVème
et XVème siècle. Le roi Louis XI, là comme ailleurs, fit
preuve de sens politique, révoqua quelques mesures prises avant lui
contre les juifs du Dauphiné et diminua les charges qui leur
étaient imposées. Mais ce ne fut pas un vrai soulagement (Havet,
1883). Les juifs continuaient à vivre en Isère au XVIème
(Vial, 2001). Cette communauté continua à se développer
aux siècles suivants.
En 1928, l'Association culturelle Israélite fut
fondée à Grenoble par Prosper Troujman, Lucien Lévy,
Rudolph Fischl, M. Serfaty, et Myriam Dubois. Prosper Troujman possède
et dirige les magasins de la Providence, rue Thiers. Rudolph Fischl est
à la tête de l'une des plus importantes ganteries et Myriam Dubois
est l'épouse d'un magistrat. Dès 1933, cette petite
communauté voit arriver les premiers proscrits des lois d'exceptions
allemandes. La situation s'est dégradée pendant la
décennie, à cause de l'augmentation du taux de chômage, de
la chute de la production et du peu de stabilité politique. Cette
situation a contribué à l'atmosphère de xénophobie
(Ciarrocca, 2005). En juin
1940, après l'invasion allemande et la création
du gouvernement de Vichy, des juifs alsaciens et parisiens rejoignent
l'Isère puis, entre les étés de 1941 et 1942, des juifs
Polonais. Ces derniers constituent alors la moitié des juifs
étrangers du département. Au début de l'année 1943,
de très nombreux juifs d'Autriche, d'Allemagne et de Roumanie se sont
également réfugiés dans la région
grenobloise49.
Les montagnes qui cernent Isère ont facilité
l'évasion de juifs. Ils étaient quelques vingt mille
essaimés dans un rayon d'une trentaine de kilomètres,
jusqu'à Voreppe et Voiron, le plateau de Petites-Roches, où les
sanatoriums de Saint-Hilaire-du-Touvet (ceux du « Rhône » et
des « Etudiants » ) accueillirent de faux malades. ; ils se
réfugièrent également dans les petits villages du balcon
de la chaîne de Belledone, du Vercors : Villard de Lans, Méaudre
et Autrans, et plus au Sud Prélenfrey, et son préventorium pour
enfants Alors que la loi du 2 juin 1941 exigeait un recensement des juifs afin
des pouvoir les exclure de certaines professions, la grande majorité de
ces juifs ne se trouvaient pas sur les listes de recensement du gouvernement de
Vichy, car ils vivaient sous une identité d'emprunt (Yagîl, 2005 :
196, 197).
En dépit du fait que le régime dit de Vichy
représentait l'Etat français, il était sous le
contrôle allemand qui s'est installé dans la partie Nord de la
France. Les juifs étaient discriminés et déportés
par la politique antisémite suivie dans la région sous la
direction du Maréchal Pétain. En revanche on retrouve plusieurs
exemples de sauvetage de juifs, particulièrement par des
communautés religieuses et des fonctionnaires qui leur étaient
favorables en Isère50.
49 Etre Juif à Grenoble entre 1939 et 1945 : Expositions
au Musée de la Résistance, Grenoble.
50 Yagil, Limore ; Resistance et Sauvetage de Juifs dans le
département de l'Isère (1940-44) ; Guerre mondiale et conflits
contemporaines ; 2003/4 n°212. Disponible sur www.cairn.info.
Aujourd'hui il y a 6000 (environ) 51 juifs qui
vivent en Isère. Ils sont actifs dans des organisations comme le Conseil
Représentatif des Institutions juives de France de Grenoble-Isère
(CRIF), Le Cercle Bernard Lazare, etc.
3.2 La Diaspora Maghrébine
La diaspora maghrébine vient de trois pays d'Afrique
du Nord : Algérie, Tunisie, Maroc. Ces pays étaient autrefois
colonisés par la France52. Le Maroc et la Tunisie sont
devenus indépendants en 1956, tandis que c'est en 1962 que
l'Algérie a gagné son combat pour la liberté. Les
premieres vagues d'immigration maghrébine, jusqu' aux années 70,
étaient plus au moins composées de travailleurs venus sans leur
famille53. Limitée à l'origine aux régions de
l'Est de l'Algérie, et en particulier de la Kabylie, elle s'est
généralisée progressivement à l'ensemble de
l'Algérie (Zehraoui, 2003).
Les deux guerres mondiales ont amené de nombreux
maghrébins en France. Entre 1915 et 1918 la France a recruté 15
000 soldats et 78 000 travailleurs algériens, 35 000 marocain, 18 000
tunisiens. Ils ont été renvoyés chez eux après la
démobilisation. En 1920, par exemple, il reste 5000 Algériens en
France. Cependant, la période de reconstruction et les besoins des
années suivantes créées par l'équipement
électrique, le raffinage du pétrole, la construction automobile,
l'industrie chimique, la sidérurgie, font que de 1922 à 1924, 175
000 travailleurs algériens sont introduits en France. La crise des
années 1930 provoque des retours et en juin 1938 on compte 125 000
algériens
51 C'est une figure approximative communiquée par
Edwige Elkaim Présidente du CRIFGrenoble. Selon elle les juifs sont
assez frileux concernant les « fichiers ». La deuxième guerre
mondiale et la Shoah en sont la cause.
52 L'Algérie était un département
français, la Tunisie et le Maroc des protectorats
53 Ahsène Zeheraoui, De l'homme seul à la
famille : Changements et résistance dans la population d'origine
Algérienne dans Hommes et Migrations, N°1244 Juillet-Aout 2003.
en France54.
A partir de 1939, des algériens furent requis pour
travailler à Livet-Gavet notamment ; « être requis »
signifiait avoir un statut de « mobilisé » dans une
entreprise, avec interdiction de la quitter. Quand des travailleurs
s'échappaient, le patron avertissait aussitôt la gendarmerie qui
tentait de les retrouver ; certains fuyaient le climat, d'autres, à
partir de 1941 étaient sollicités par des filières
allemandes pour aller travailler en Allemagne (Muzard, 2001) Les
premières données de 1941 constatent 500 Algériens environ
dans l'Isère, en 1942 il y avait 589 Algériens et en 1943 il y
avait 223 Algériens dans l'arrondissement de Grenoble. Le gouvernement
de Vichy à créé un service social nommée MONA (Main
d'oeuvre nord-africaine) qui avait pour objet d'apporter un soutien social
auprès de cette population afin de la stabiliser55.
La seconde guerre mondiale a eu un impact fort sur la
perception par les indigènes des pays colonisateurs, par
conséquent sur les relations entre colonisateurs et colonisés. En
dépit de la croissance des mouvements nationalistes dans les pays
maghrébins le taux d'immigration augmenta dans une proportion plus
importante qu'auparavant.
C'est après 1945 que les maghrébins ont
commencé à s'enraciner à Grenoble. Il y avait plusieurs
raisons à ce développement : l'espérance de trouver une
meilleure condition de vie, pour certains le fait d'avoir la nationalité
française par le mariage avec une française ; les
autorités françaises sont attentives aux demandes
d'Algériens pour obtenir logement et emploi (pour ne pas encourager une
rébellion contre le régime français au Maghreb).
54 Pour que la vie continue D'Isère et du
Maghreb, Mémoires d'immigrés,Musée Dauphinois, Grenoble,
Octobre1999.
55 Ibid p. 15.
L'immigration provenant des pays maghrébins augmente
vers 1955 lors du démarrage d'une réelle période de
croissance provoquée par la mise en exploitation de ressources
énergétiques nouvelles, par le développement de grands
travaux d'équipement, par la construction de logements, la relance de la
sidérurgie, de la chimie, des industries, des automobiles et des
appareils ménagers. Des accords bilatéraux de main-d'oeuvre avec
des pays africains notamment maghrébins, qui sont demandeurs en raison
de la stagnation économique du tiers-monde et de leurs besoins divers
sont signés. En 1955 on compte en France 211,000 Algériens, en
1968 471 000, 88 280 Marocains, 60 180 Tunisiens, et en 1974 711 000
Algériens, 260 000 Marocains, 140 000 Tunisiens56. En 1968,
la municipalité de Grenoble a confié un local d'animation
à l'Association Dauphinoise de Coopération
Franco-Algérienne (ADCFA) qui était accolé à la MJC
des Allobroges. Des cours, des animation culturelles ont permis à de
jeunes algériens d'avoir un lieu de rencontres et de se former à
l'organisation des loisirs. (Muzard, 2001).
L'immigration Marocaine est devenue plus forte après
l'accord bilatéral entre le Maroc et la France en 1963. A partir de
cette date le déploiement des agents français recruteurs de
main-d'oeuvre va faire en sorte que les effectifs des travailleurs marocains en
France vont passer de 33 300 en 1962 à 260 000 en 1975. En Isère,
entre ces deux mêmes dates, le nombre de Marocains est passé de
193 à 2785. (Chaouite, 2001).
Bien qu'un accord ait été signé entre la
France et la Tunisie en 1963 un bureau d'Office National français de
l'immigration n'a été établi qu'en 1969. C'est
l'année qui a enregistré le nombre de plus important de
départ de Tunisiens vers l'étranger : 36 340 sorties contre 10
000 en196857.
56 Ibid p. 14
57 Hamouda Hertelli ; Les Tunisiens en Europe dans Migrations
Société ; Espace Politique et Immigration Revue de Presse
(Italie) Vol, 6, N°6, Novembre-Décembre 1994. P.19.
3.2.1 Intégration
En 1974 un décret met fin à l'immigration de
travail, cependant le nombre des immigrés va continuer à
augmenter. C'est le regroupement familial introduit par le gouvernement
français en 1975 qui provoque ce phénomène. Ce processus
est décrit comme la féminisation ou la « familialisation
» de l'immigration par les sociologues58. Le recensement de
1990 donne le nombre de 6212 Marocains en Isère dont 1280 à
Grenoble. De 1974 à 1990, le nombre de Marocains en France a
doublé, grâce au regroupement familial. 65% des arrivées le
sont après 1975. Les deux tiers des enfants vivant dans un ménage
marocain sont nés sur le sol français. (Chaouite, 2001). C'est
plus au moins le même cas avec les enfants algériens. La
population enfantine algérienne était estimée à 551
560 personnes au recensement de 1999 en France. Elle représente
aujourd'hui la majorité de la population d'origine algérienne.
(Zeheraoui, 2003) Observant l'intégration culturelle de le
deuxième génération de maghrébins en France Allen
Bettegay écrit « ces jeunes affichaient les mêmes
goûts et les mêmes frustrations que les autres jeunes des milieux
populaires de banlieue, parlaient français avec l'accent de leur
région (on savait s'ils venaient de Marseille, du pays ch'timi ou de la
banlieue parisienne), regardaient les mêmes séries
télévisées que les jeunes Français de leur
âge, et se choisissaient des surnoms français ou
américains. ». Des sociologues ont ainsi souligné que
nombre de ces enfants de l'immigration n'avaient pas la maîtrise de la
langue maternelle, ni des éléments essentiels de leur
«culture dite d'origine», ce dont se plaignaient d'ailleurs parfois
leurs parents (Bettegay, 2001).
Selon le recensement d'INSEE 2006 il y a 13 418
Algériens, 3 963 Marocains, et 3433 Tunisiens en Isère.
Actuellement la diaspora maghrébine à Grenoble est
58 Zehraoui ibid 2003.
active à travers les diverses associations comme
l'Association de Solidarité des Algériens en Isère
(ASALI), l'Association Culturelle et de Coopération
FrancoMaghrébine (Amal), Association des Retraités Marocains en
France, l'Association des Tunisiens de l'Isère - Citoyens des deux rives
(ATI-CDR), etc.
3.3 Diaspora d'Afrique sub-saharienne
Des africains noirs d'origine sub-saharienne furent
présents à Grenoble pendant les deux guerres mondiales.
Spécialisée dans la formation des troupes de montagne, la place
militaire de Grenoble n'a guère retenu les tirailleurs
sénégalais, soudanais, ou malgaches dont la vocation était
plutôt les combats en plaine et dans des zones de climat moins rigoureux.
Néanmoins, le stationnement de ces troupes est attesté dans la
région au cours du premier conflit mondial et, pendant la période
d'occupation, des militaires des troupes coloniales, démobilisés
à la suite de la signature de l'armistice de 1940 ont participé
aux mouvements de résistance (Barou, 2001). Malgré ces
interactions il n'y eut pas d'installation significative de personnes et de
ménages africains à Grenoble et dans la région. Parmi les
unités de troupes coloniales les Sénégalais étaient
traditionnellement les plus nombreux, aussi Grenoble fut la région la
plus connue dans leur pays.
En même temps il émergea une
génération charnière59 des africains qui se
sont organisé en Europe et en France pour lutter contre le colonialisme.
Née pendant les années vingt et trente et éduquée
dans les écoles et lycées établis en Afrique Occidentale
Française, (AOF) elle a poursuivi une éducation supérieure
dans les universités françaises. Pendant leurs études en
France, ces étudiants
59 Amadou Booker Sadji ; Le rôle de la
génération charnière Ouest-Africain À
Indépendance et Développement ; L'Harmattan 2006.
africains ont mené de multiples efforts pour
libérer leurs pays du colonialisme. Une preuve de ce mouvement à
Grenoble est manifestée dans une résolution de l'Association des
étudiants Camerounais60 de Grenoble pendant une
assemblée générale de 23 Mai 195761.
L'immigration de travail a commencé au cours des
années 1960 avec l'installation de l'entreprise Merlin-Gérin. Ce
sont encore les Sénégalais qui furent les « pionniers »
de l'immigration. Ils sont venus de la Basse Casamance et appartiennent aux
ethnies Diola et Manjak. D'abord arrivés en célibataires ils se
font rejoindre, quelques années après, par leurs épouses
et s'installent en famille au début des années 1970 en suivant
les processus de regroupement familial. Même s'ils ont maintenu des liens
avec leur pays d'origine et conservé un certain nombre de pratiques
communautaires à travers une vie associative inspirée de leur
culture, ils ont cependant conscience que leur enfants se sont
définitivement éloignés de l'Afrique. « En venant ici
nous avons perdu deux fois notre pays, avec la migration d'abord et puis
à cause des enfants ensuite » dit une mere de famille qui a
passé toute sa vie d'adulte à Grenoble (Barou 2001 : 58). Les
autres ethnies sénégalaises qu'on trouve ici sont des
Soninkés ou des Toucouleurs faisant partie du premier flux migratoire
vers la France. Très organisés et solidaires, ils ont toujours
privilégié la migration des hommes seuls avec des pratiques
d'alternance entre membres des mêmes clans, les uns séjournant en
France tandis que les autres restaient au pays gérant les affaires
familiales pour le compte des autres.
60 Le Cameroun fut une colonie allemande, mais après
le première guerre mondial ils les ont perdu ;e 1919 à 1945, la
plus grande partie du Cameroun fut placée par mandat international de la
Société des Nations sous l'autorité de la France. A partir
de 1946, le Cameroun sous tutelle française avait été
représenté dans les assemblées politiques française
à l'égal des territoires d'outre mer de la Republique
française. Le pays est devenu indépendant en 1960. Source :
Encyclopédia Universalis Corpus 4.
61 Ibid p. 219.
Installés dans un « foyer » de travailleurs
intégré au quartier de la Villeneuve, ils perpétuent
jusqu'à aujourd'hui un mode de vie collectif très
hiérarchisé et tourné vers le pays d'origine. Ils
participent peu à la vie sociale de la ville, se concentrant plus sur la
réussite des enfants dans la société d'accueil. La
deuxième vague de l'immigration était due à
l'émergence de Grenoble comme ville universitaire. La renommée de
Grenoble comme ville de l'innovation va représenter un attrait aussi
important que la qualité de l'enseignement dispensé dans les
universités locales.
Les mouvements associatifs à Grenoble pendant des
années 1960 et 1970, leur implication dans la politique locale, dans la
lutte contre le racisme et dans les actions de solidarité en direction
des pays en développement ont en effet contribué à
créer un climat qui pouvait offrir à de nombreux étudiants
africains des occasions d'expression, de rencontre et d'initiative commune qui
ont un caractère aussi efficace que les études elles-mêmes.
Si les Africains d'origine francophone constituent la majorité des
immigrés installés aujourd'hui avec, outre les
Sénégalais déjà mentionnés, de nombreux
Burkinabés, des Ivoiriens, des Camerounais, des Congolais, on trouve
aussi des représentants de l'Afrique anglophone et de l'Afrique
lusophone, venus souvent comme demandeurs d'asile (Barou, 2001).
Actuellement la diaspora de l'Afrique sub-saharienne, se
fédère autour de l'association Kassumay de Grenoble qui
entreprend plusieurs projets de développement au Sénégal,
l'Association des Gabonais de Grenoble (France), l'Association Camerounaise de
l'Isère (ASI), la Fédération des Congolais de la Diaspora
(FCD), qui joue un rôle important dans son pays pour établir un
état respectueux des droits et des biens humains.
Chapitre 4. Les trois radios locales grenobloises
Pendant cette période plusieurs diasporas en France
ont pensé à utiliser la radio comme moyen de communication de
leurs cultures et leurs sentiments dans leur pays d'accueil. Après le
mouvement de radio libres il y avait 31 radios représentant des immigres
divers en France. Ce nombre était plus important que celui des autres
catégories de radios libres62. Les trois radios locales
grenobloises que j'étudie dans ce mémoire ont
émergé pendant le mouvement des radios libres dans les
années 1980. A verser au compte de l'histoire de la radio locale : les
premières radios ont en effet toujours mis en avant l'idée de
« donner la parole à ceux qui en sont traditionnellement exclus
» (Bistoffi, cité dans Dilli, 1995). Le 29 Juillet 1982 comme
le premier organe de régulation audiovisuelle. Il a existé
jusqu'en 1986 et a été suivi par le Conseil Supérieur de
l'Audiovisuel (CSA). Aujourd'hui, il continue à gérer toutes les
procédures d'acquisition des autorisations pour la radiodiffusion en
France. Les radios locales privées (RLP) sont classées en cinq
catégories:
4.1 Les catégories de radios locales privées
La multiplication des radios privées et associatives a
conduit les pouvoirs publics à créer un organisme public pour la
réglementation des ondes. Dans un premier temps, la Haute
Autorité de la Communication Audiovisuelle fut créée
Categoric A: Service Associatif éligible au Fonds de
Soutien d'Expression Radiophonique (FSER). Cette catégorie inclut radios
de proximité, radios communautaires, culturelles ou scolaires.
Categoric B : Services locaux ou
régionaux et ne diffusant pas de programme de national
identifié. Par locaux ou régionaux, on entend des services
diffusés
62 François Cazenave, Les Radio
Libres, Que sais-je ? PUF, 1980. p. 75.
par des opérateurs locaux ou régionaux et dont la
zone de desserte ne couvre pas une population de plus de six millions
d'habitants.
Categoric C : Services locaux ou
régionaux diffusant le programme d'un réseau thématique
à vocation nationale. C'est la même définition que dans la
catégorie B ci-dessus ; à corriger.
Categoric D : Services thématiques
à vocation nationale
Cette catégorie comprend tous les services dont la
vocation est la diffusion d'un programme thématique sur le territoire
national sans décrochages locaux.
Categoric E - Services
généralistes à vocation nationale. Cette catégorie
comprend des services à vocation nationale et généraliste
dont les programmes, d'une grande diversité de genres et de contenus,
font une large part à l'information : les candidats doivent
décrire avec précision les différentes catégories
d'émissions.
Normalement, les radios diasporiques font partie de la
catégorie A étant donné qu'elles s'adressent à une
communauté spécifique. Toutefois le terme « radio
communautaire » ne s'applique pas aux radios représentant les
diasporas. En France, ni le langage officiel français, ni les diffuseurs
des émissions communautaires' ne sont d'accord avec
l'utilisation de ce mot pour décrire la radiodiffusion par rapport aux
groupes immigrés. D'une part, la nature de la Constitution
Française qui défend le principe de laïcité et le
Républicanisme n'apprécie pas d'utilisation d'un mot qui signifie
ouvertement un groupe formé avec une langue ou une culture
différente du français, à la base. L'utilisation du mot
communautaire se heurte aux principes d'universalisme propagés par la
France.63
63 La radio communautaire de la FM à l'internet,
Pascal Ricaud, MédiaMorphoses N°23 Juin 2008, La Radio Paroles
Donées, Paroles à prendre.
D'autre part, nous avons plusieurs preuves qui
démontrent que les diffuseurs des émissions concernant les
étrangers en France pensent que le mot communautaire' est
péjoratif'64 car les émissions sont
ciblées sur les auditeurs étrangers autant que sur les
français. Ils ne trouvent pas une grande diffóence entre eux et
la société française65 et veulent participer
aux enjeux de la société française qui veut sortir des
particularismes66. Dans ce cas là, le terme «radio
diasporique» s'entend bien avec les intentions de l'Etat français
comme avec celles des diffuseurs.
4.2. Radio Kol Hachalom (RKH) 100 FM
Signature : Kol Hachalom : La Voix de la Paix
Catégorie A : Radio Associative67
Radio Kol Hachalom a commencé à Grenoble en
1983 avec Myriam et Prosper Abitbol. Le but de cette station, comme
précisé dans son site web, est d'être « Au service
de la communauté juive de la ville depuis sa création, mais
totalement indépendante au sein des nombreuses associations
israélites locales, RKH défend le judaïsme
et Israël en particulier face à la désinformation ou
l'indéniable parti-pris des grands média occidentaux...
». Comme une radio associative, elle vit de dons ainsi que de
publicité. Actuellement, elle est dirigée par Patrick Bruttman.
Elle a trois studios de diffusion regroupés dans la station. RKH diffuse
plusieurs émissions politiques et religieuses. Paroles Yiddish
et Passeurs de mots abordent les aspects culturels de la diaspora,
alors que les émissions comme
64 Entretien Lalo Aboubaker, animateur de la Radio
Kaléidoscope Janvier 11, 2010.
65 « Il n'existe pas une majorité de
Français qui serait opposée à une minorité visible
» Beur FM, encore Beur mais surtout FM À trois questions
avec Ahmed el Keiy, redacteur Beur FM ; Janvier 23, 2007,
www.parisduboutdumonde.com
66 Ibid.
67 Association à un but non-lucratif relève de la
loi du 1901.s
8h
|
9h
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10h
|
11h
|
12h
|
12h
|
14h
|
18h
|
19 h
|
19h
|
20h
|
|
30
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|
|
|
45
|
hébreu
|
|
|
|
5 min
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20 min
|
5 min
|
3 min
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30 min
|
15min
|
30 min
|
10 min
|
15 min
|
10 min
|
|
Torah et Société et Kinnereth
traitent des questions religieuses et philosophiques. Les émissions
Tehana Merkazitt (central station en hébreu), Le Grand
entretien, Le Forum abordent des sujets politiques, cependant la
plus grande émission politique est le journal.
4.2.1 Les journaux
Pendant la journée RKH diffuse 11 journaux de Kol
Israël en français « en direct d'Israël » et deux
journaux en hébreu, depuis sept heure du matin jusqu'à 20 heure,
La fréquence des journaux et la rapidité avec laquelle les
présentateurs parlent diminuent après 14 heures. Kol Israël,
qui signifie la voix d'Israël est le service public de radio diffusion
d'Israël.
11 rendez-vous d'informations quotidiens francophones en
direct d'Israël à 7H - 7H30 - 8H - 9H - 10H - 11H - 12H30 - 14H -
18H - 19H - 19H45
Les journaux des RKH : source
www. rkh.com
J'ai analysé les journaux pendant un cycle de 12 heures
- de 8 heures jusqu'à20 heures. La durée de ces journaux peut
changer en fonction de l'actualité.
4.2.2 Les voix des journaux
Pendant la matinale, jusqu'au flash de 11 heure la
présentatrice est normalement une jeune femme qui parle avec un rythme
rapide et un ton aigu. A midi, la RKH diffuse un journal en Hébreu.
Alors que la voix du présentateur peut être celle d'un homme ou
d'une femme, la voix qui lit le slogan est toujours celle d'une
femme. Cette dernière voix est moelleuse, lente et
banale sans le ton perçant des voix féminines qu'on a entendu
pendant la matinale. Les voix du présentateur ou de la
présentatrice du journal de midi ont le même caractère de
calme et de lenteur.
Dans le journal de 12h 30 le présentateur est un homme
qui a une voix avec une intonation musicale. Le journal de 14 h, lui, peut
être lu par un homme ou une femme dont on devine que l'âge est
moyen, il/elle lit le journal avec un rythme lent.
Les journaux de 18h et 19h sont présentés par des
hommes qui parlent lentement. Le journal de 20h est en hébreu et la voix
tantôt féminine tantôt masculine.
La voix aiguë de jeunes femmes, qui parlent vite, est
non seulement en accord avec l'atmosphère vive du matin mais aussi
crée un sentiment d'urgence et d'émotion pour ceux qui
écoutent, ce qui est renforcé par la fréquence des
journaux.
Cette atmosphere d'urgence se calme à midi quand RKH
fait une «territorialisation géographique » 68 sur les ondes
avec un journal de midi en Hébreu et puis un journal de 30 minutes en
français à 12h30. La voix de la femme qui énonce les
informations en Hébreu est radicalement diffóente de celles des
présentatrices du matin. Cette voix est « sans maquillage »,
donne une impression d'innocence, on imagine une paysanne derriere elle.
La voix du présentateur homme du journal de 12h 30 a une
intonation musicale.
68 J'emprunte ici l'idée de territorialisation
géographiques de la voix par la langue maternelle expliqué dans
Territoires de la voix par Patrick Berthier dans Médiation
et Information N° 8, 1998, en imaginant l'idée de la radio
comme une voix amplifié. Voir méthodologie.
Selon Michèle Grosjean69 l'intonation
musicale apparaît dans la voix humaine dans trois situations a)
témoin indigné : dans un discours argumentatif ; b) témoin
pédagogique : pour convaincre, pour influencer ; c) l'adoucisseur : la
mélodie de type sinusoïdale qu'on entend à la
maternité. Dans le cas de RKH, cette voix est une
voix-symbole70 de l'argumentation, conviction du territoire juif sur
les ondes et c'est aussi un adoucisseur après les voix urgentes de la
matinale. C'est la même voix qu'on entend pendant le Grand
Entretien interrogeant les intellectuels, spécialistes juifs.
Le rythme du présentateur est lent pendant le journal
de 14 heures. Quand ils reprennent à 18 heures le rythme est fluide, il
n'y a aucune agression dans les voix d'hommes qui dominent les journaux du
soir.
4.2.3 Les voix des correspondants
Pendant les journaux on entend les voix des correspondants
qui sont sur le terrain. Alors que la bande FM rend les voix des
présentateurs claires, nettes et sous contrôle, les voix des
correspondants qu'on entend sur les ondes courtes sont tantôt
incompréhensibles, tantôt haletantes et rapides, tantôt
chaque mot énoncé et porteur de stress. Ces voix
récréent un territoire lointain qui souffre, se bat et lutte.
69 Grosjean, M. Le Jeu musical des voix dans
l'interaction dans Puissances de la Voix : Corps sentant, corde sensible ;
Badir, S & Parret, H PULIM, Limoges 2001. ibid p.. 71-89.
70 « La voix établit des relations
régularisées, elle constitue ces relations même qui font le
lien entre langage et musique, parole et cri, sacré et profane,
oralité et visualité, son et silence, perception et cognition,
etc...Elle est devenue, en sémiotique peircienne; un symbole qui met
ensemble, dans un système où dans une synesthésie les
différents corrélats en présence...Par exemple cette voix
symbole a une fonction politique, elle instaure une communauté
euphonique
4.2.4 Musique
Selon Emma Rodero Anton71 on peut diviser
l'intrigue d'une situation en trois parties musicales : transformation,
attente, et conclusion. Les moments de transformation par la musique sont ceux
dans lesquels les événements décrits dans la narration
vont avoir lieu. Par exemple : un homme entre dans une salle et tombe sur une
situation inattendue. Dans ce cas là avant que l'homme entre dans la
salle, une musique ou un son préparant les événements se
fait entendre. Les moments d'attente sont ceux où un suspense est
créé dans l'histoire. Par exemple : quand la protagoniste vient
d'entendre une bonne nouvelle une musique qui souligne ces moments joue. Enfin
une musique de fin marque une conclusion. On trouve que le déroulement
des journaux de RKH est caractérisé par ces moments de
transformation, attente et conclusion soulignés par la musique.
4.2. 4.1 Les flashes : transformation et renforcement
Les flashes de 9h durent 2 à 3 minutes (environ).
Pendant ce temps la « musique transformation » joue avec un fort
volume. Cette musique synthétisée, alors que la
présentatrice lit les titres essentiels renforce ces titres et l'impact
sur les auditeurs. Pourtant, comme la musique est aussi lourde que la voix de
la présentatrice, l'effet recherché n'est pas probant. Par contre
pendant le flash de onze heures la musique de la transformation est moins
forte. Elle commence mais continue à jouer en arrière plan. Il
n'y a aucune musique pendant les flashes de midi ou 20 heures.
une Einstimmigkeit » (Kant 1790 : 973) ».
ibid.p.. 241.
71 Anton, Emma R. The Sleeping Language : How to
awaken expressive forms in contemporary radio dans Recherche en
Communication: Nouvelles voies de la radio/ The way ahead for radio research
N°26 Université Catholique de Louvain , 2006
4.2.4 2 Transformation, attente et conclusion
Le journal de huit heures commence brusquement. Lorsque la
présentatrice lit les titres une « musique transformation »
à plein volume nous prépare aux détails des nouvelles ;
psychologiquement, l'auditeur est disposé à entrer dans le monde
politique juif.
Pendant la durée totale des journaux de trente minutes
il y a trois pauses pendant lesquelles des publicités pertinentes sont
diffusées. Puis, un morceau de musique de type « club musique
» est joué pendant une minute (environ), parfois il y a juste le
piano ou un morceau de jazz. La musique pendant les pauses crée une
atmosphere d'attente et de suspense pour écouter les nouvelles des
deuxièmes parties du journal. Cependant, la diffusion de ce morceau de
musique crée non seulement une atmosphere d'attente mais aussi creuse un
espace exclusif. Alors que toute la journée la radio joue de la musique
populaire en anglais, français et hébreu pour attirer les jeunes,
les morceaux de musique joués pendant les journaux
récréent un espace privilégié et élitiste.
Un son symbole qui ressemble à celui d'un jeu vidéo nous
ramène au journal.
Un morceau de musique indique la fin du journal. Puis
après la météo le journal conclut avec une signature
sonore de la Radio Kol Hachalom.
4.2. 5 Les signatures sonores de Radio Kol Hachalom
Les connaissances scientifiques à propos de la voix
avancent à pas de géant depuis que la phonétique
acoustique s'est dotée de moyens informatiques. Les logiciels
spécialement conçus pour le traitement du signal acoustique
dévoilent les secrets les plus subtils de la voix humaine. Les analyses
informatisées permettent de mesurer les principaux paramètres de
la voix et de déterminer ainsi, par exemple, les attributs les plus
importants de la personnalité, de l'affectivité,
des attitudes, etc. La plupart de ces attributs
dépendent de quatre dimensions vocales: la fréquence fondamentale
(F0), responsable de la hauteur de la voix; l'intensité; le spectre
(distribution de l'énergie dans le champ fréquentiel); et la
vitesse d'élocution (mesurée en nombre de syllabes
prononcées par seconde) (Kei, 1995).
On constate par exemple qu'un débit rapide et une voix
forte caractérisent souvent une personnalité extravertie; qu'une
parole lente, couplée avec une voix de faible intensité et
monocorde, caractérise volontiers un locuteur triste, manquant
d'énergie, apathique. Telle configuration des paramètres vocaux
caractérisera un locuteur stressé, telle autre
révélera une personnalité active, indépendante,
dominante, telle autre fera ressortir la passivité ou la soumission du
locuteur (Kei, 1995).
Pendant la journée de RKH on entend les signatures
sonores de la radio qui sont traitées par ordinateur. Elles apparaissent
non seulement à la fin de journaux mais aussi pendant la diffusion de la
musique. Bien que la RKH soit une radio juive qui diffuse de la musique moderne
en hébreu et une émission sur la langue yiddish, toutes les
signatures sont en anglais et en français. Les bruitages qui
accompagnent chaque signature ressemblent aux bruitages agressifs qu'on entend
souvent dans les jeux vidéo. Parfois les bruitages semblent comme une
extension de ceux qu'on écoute pendant l'émission de music disco
sur la RKH. La voix male est traitée, amplifiée pour la rendre
dominante et macho, cela s'applique surtout à celle qui parle en
anglais. Au contraire, la voix qui parle en français est mâle mais
aiguë. Les voix sont mécanisées pour recréer un
phantasme de domination et d'agression sur les ondes.
Les messages de paix et la sonorité de ces messages
sont contradictoires. D'une part les messages promeuvent la RKH comme une
« voix de la paix », d'autre part ils mécanisent les
bruitages et les voix qui symbolisent plutôt l'agression que
la paix. Je donne ici quelques illustrations de la lourdeur et la
force de ces signatures:
· THEVOICE OF PEACE... IIISSSS ... THIS
STATION
24 hours a day.
Voix male, mécanisé, expansion du mot
IS' (être' en Français)
· Son mécanisé (ddddd.....)
Voix synthétisé : Homme/grave/jeune
La Fréquence juive à Grenoble - C'est
Kol Hachalom
· KOL HACHALOM bruitage
LA VOIX DE LA PAIX
· L ...L 'EXCLUSIVITE KOL HACHALOM
· Kol Hachalom : La voix de la Paix
: demi-minute de la musique jazz Un homme balbutie avec un accent
utilisé par les rappeurs américains noirs
L'utilisation de voix mécanisées est
considérée comme une manière par laquelle les individus
peuvent contrôler la présentation de la voix72.
Toutefois, la mise en question de la voix humaine par la Machine (sic) parlante
transcende le domaine traité par Aristote qui s'intéressait
essentiellement au rapport entre le bruit animal et le son humain. En effet on
pourrait dire que la Machine n'a rien d'animal elle est pseudo-humaine (Parret,
2010).
72
Il y a une discussion intéressante à propos de la
voix mécanisée dans Parret. H, Bruit, son, ton,
voix : un parcours aristotélicien dans Nouveaux
Actes Semiotiques
http://revues.unilim.fr/nas/document.php?id=3384
4.2.6 Les stéréotypes dans les
émissions reigieuses et phiosophiques
Selon l'approche linguistique-philosophique proposée
par Hilary Putnam (1975,1978) avoir des connaissances
stéréotypiques des choses suffit pour communiquer avec autrui. Le
savoir stéréotypique est le contraire du savoir d'expert. Le
premier constitue un savoir superficiel, général et acquis sans
être mis en cause alors que le deuxième se caractérise par
sa profondeur, sa rigueur scientifique et son essence détaillée
et nuancée. Ce qui est indispensable pour que le savoir
stéréotypique puisse rendre la communication c'est que les
membres d'une communauté linguistique donnée partagent le
même savoir (Reiss 1997 cité dans Danler). Ce savoir
stéréotypique représente donc la signification
attribuée à une certaine chose par toute une communauté
linguistique.
Kinnereth et Torah et Société
sont deux émissions de la RKH qui abordent les thèmes
religieux et philosophiques. Pendant ces émissions les locuteurs
utilisent les savoirs stéréotypiques pour construire
l'identité de la diaspora juive.
4.2.6.1 Kinnereth 73
Le site web de RKH décrit cette émission comme
« le magazine de philosophie juive, réflexions sur des
thèmes associant tradition et modernité » Elle est
diffusée chaque dimanche à 9h du matin et rediffusée
chaque lundi à 22h. La durée de cette émission est d'une
heure.
Kinnereth présente des thèmes de la philosophie
juive par exemple la signification des fêtes comme Pourim et
Pessah, parmi d'autres sujets discutés on peut citer: le sens
des âges de la vie, le devoir juif dans le monde matériel,
judaïsme et athéisme dans le monde contemporain.
Le locuteur avec une voix grave et une tonalité exigeante
décrit
minutieusement plusieurs aspects de la philosophie juive. En
plus de la Torah, il se réfère à l'écriture et
à la parole des maîtres du judaïsme, aux poésies, aux
chansons, aux intellectuels juifs, aux rabbis et aux mystiques juifs pour mieux
expliquer ses points de vue. Aussi il donne des exemples de la vie quotidienne
juive, des preuves de réussite juive. Il y a une voix féminine,
d'âge mûr et qui appartient à une femme d'age moyen qui pose
des questions. En introduisant cette émission il y a une musique au
xylophone, lors de la pause musicale un morceau de musique classique ou
thématique pendant cinq minutes (environ).
Suivent deux extraits de cette émission. J'essaie de les
analyser on montrant leurs topoï types ou leurs inférences:
· Devoir du juif dans le monde matériel
:
Donc nous sommes là au coeur de
Rachi74. .vous vous êtes le peuple de
l'esprit, qu'est --ce que vous faites sur une terre
?....et qu'est ce qu'on leur répond d'après Rachi.... On
ne possède pas une terre simplement comme un
autre peuple peut posséder mais on possède une
terre pour montrer comment actualiser une vie
spirituelle dans une vie justement
terre-à-terre,
c'est-à-dire au quotidien.
En s'appuyant sur un capital mental (Rabbi Rachi) le
locuteur justifie la possession d'un capital économique (terre)
pour un but culturel (vie spirituelle). En même temps il
attribue un caractère exemplaire au peuple israélien comme un
« peuple d'esprit » et justifie la possession d'une terre comme un
besoin pour nourrir cet esprit spirituel.
73 Kinnereth signifie la mer de Galilée.
74 Rachi est un rabbin français de l'époque
médiévale.
Le Topos Type À Plus le peuple
possède une terre plus il contribue à la vie spirituelle du
monde
Le mot « terre » est répété cinq
fois.
· Judaïsme et athéisme
contemporain
Je termine la lecture .. pendant la guerre du Golfe. J'ai
vu une enquête de Yiddiya (mot incompréhensible : un journal
Israélien) . c'est une enquête faite par des sociologues et
qui montre que après la guerre du Golfe 17 % de Juifs
Israéliens sont revenus à la religion à des
degrés divers : observer le Shabbath, manger kasher, etc.. et je me suis
dit que lorsqu'Israel est en danger, lorsque les skuds
.font tomber. des bâtiments en Israel ; comme
cela s'est passé lors de la premiere guerre du Golfe alors le Juif du
fond de lui sent qu'il n'a qu'une seule adresse. c'est ce Dieu qui a permis la
pérennité d'Israel, qui a permis à
ce peuple de traverser l' Histoire, ainsi que la Bible l'avait annoncé
dans le livre de Samuel (verset biblique en hébreu) «
l'éternité d'Israel ne décevra
pas.. .. Ça ne sera pas un mensonge.. la Bible a déjà
annoncé que ce peuple traverserait l'histoire..
Le locuteur se réfère à un capital
mental (sociologues, journal) pour décrire comment pendant la
destruction du capital économique (destruction du bâtiment) il y a
eu une croissance du capital culturel (des Israéliens sont revenus
à la religion). Enfin il s'appuie sur un capital culturel (La
Bible) pour la justification d'un capital social (le peuple
israélien). Le locuteur maintient la guerre comme un arrière
plan pour souligner le retour à la religiosité comme un
caractère exemplaire du peuple israélien qui fut prédit
dans la Bible. En même temps il les héroïse pour cette
tendance.
Topos type : Plus Israël est
attaqué plus la croyance chez son peuple augmente. Le mot «
Israël » est répété cinq fois
4.2.6.2. Torah et Société
« Torah et Société » est
diffusée chaque Mercredi à 10h et Vendredi à 11h
3075, elle commence avec du piano et le locuteur discute les aspects
divers de la Torah. Voici un extrait de Parachat Meraglim (il s'agit
d'explorateurs qui sont envoyés par Moïse pour reconnaître le
pays) :
C) Locuteur 1: ...en
substance...ils sont délégués...il faut d'ailleurs
rappeler que dans le texte ce n'est pas Moïse (qui a choisi...hmm)
qui a souhaité qu'il y ait des explorateurs...
Le présentateur
:...c'est le peuple qui a
demandé à Moïse d'envoyer des explorateurs...
Locuteur 1 : Oui... oui... le
peuple a demandé et Dieu a répondu
à Moïse de désigner qui de droit, autrement dit
l'initiative ne vient pas de Moïse, l'initiative vient en partie du
peuple et relayé par Dieu et Moïse n'est
qu'exécutant et le texte a dit une chose simple (verset en
hébreu) on va pour toi. C'est Dieu qui dit à Moïse, on
va pour toi... c'est très important d'entendre le « Pour toi
». Pour toi Moïse, par opposition à quoi ? Par opposition
à Israël. Autrement dit les explorateurs n'ont pas
été envoyés pour faire ensuite un rapport à
Israël ils ont été envoyés par Moïse et Dieu
pour faire ensuite un rapport à Moïse.
Le locuteur présente un capital culturel (La
Torah) et mental (Moïse) pour valoriser un capital social
(le peuple israélien). Dans cet extrait le locuteur, valorise
la volonté du peuple israélien comme un caractère
exemplaire, puis il héroïse Moïse pour sa décision et
son rapport avec la tout-puissant.
Topos type : Plus le peuple exprime ses
désirs plus son chef devient fort. Le mot « peuple » est
répété trois fois.
75 La grille de programmation mentionne le temps comme 11h 05 ,
mais je trouve que l' émission commence à 11h 30.
Donc, pendant ces interprétations l'identité
juive est construite en s'appuyant sur les caractéristiques
stéréotypiques de la diaspora juive. Les mots comme «Esprit
», « Terre », « Dieu », « Bible », «
Rachi », « Israël », « Moïse » étant
quelques marqueurs sémantiques dans la représentation
radiophonique de cette diaspora.
Les caractéristiques qui sont attribuées aux
peuple juif et à l'état Israélien ; : un « peuple
d'esprit », «ce peuple traverse l'histoire.... » (c'est
son destin) et puis « l'initiative vient en partie du peuple
»,(c'est sa volonté) sont valorisées
dans les trois extraits. Les topoï des extraits et les fréquences
des mots « terre » (cinq fois), « Israël » (quatre
fois), et peuple (trois fois), me font conclure que les interprétations
dans les émissions Kinnereth et Torah et Société sont en
lien avec la justification du retour des juifs en Israël c'est
à-dire le sionisme76. Les mêmes genres
d'interprétations sont répétés pendant la diffusion
de Kol Hatorah et l'Haftarah chaque Vendredi à 9 heure
et à 16 heure.
4.2.7 Les publicités
La plupart des publicités diffusées sur RKH
s'adressent à Israël et à la diaspora juive. Normalement,
ces sont les organisations caritatives qui soutiennent les activités
religieuses et sociales qui travaillent pour la conservation, la
préservation et la protection de la diaspora en France. Les
publicités les plus diffusées sont celles de l'Appel
Unifié Juif de France (AUJF), l'OEuvre des secours aux enfants (OSE)
France, le Casip Cojasor, L'Alliance Israélite Universelle. Les autres
publicités concernent des voyages et séjours en Israël comme
celles de Corsairfly, Office du Tourisme Israel (OTI), l'alimentation Kasher,
les oeuvres littéraire lié avec la diaspora (Souffle du
Jasmin).
76 Les idéologues Sionistes croient qu'Israël est
un pays accordé de façon définitive au peuple juif par
Dieu, comme il l'a été expliqué dans l'Ancien Testament;
ce point de vue est la cause du conflit entre les Juifs et les Palestiniens.
Dans les publicités qu'il s'agisse d'une organisation
caritative comme Casip Cajasor, AUJF, OSE, les voix d'hommes ont une
tonalité paternelle et les femmes une voix mûre et maternelle. La
voix qui parle dans la publicité dans OSE chuchote. Par contre, les
publicités pour l'alimentation Kasher sont dites sur un ton grave et
jeune pour les hommes et aigu pour les femmes. La voix dans les
publicités pour les vols vers Israël est aussi aiguë.
4.2.8. Analyse
La construction identitaire d'un individu ou d'un groupe
procède toujours de la confrontation avec un autre, par rapport auquel
le soi se situe et s'évalue, et de la validation et de la reconnaissance
de cet autre dont le soi dépend également. La
représentation de l'autre de soi s'exprime en stéréotypes
qui servent aux communautés pour faire signifier le monde (Zerva, 2006).
Dans leur manifestation du « nous » c'est intéressant de noter
les représentations d'autres par rapport aux juifs : les musulmans. Les
préjugés juifs contre ce groupe sont établis dans cette
publicité d'AUJF :
AUJF
Femme/âge moyen/ mûre : un
message cent pour cent Israël
Homme/âge moyen/ grave /rythme lent /persuasif:
Aujourd'hui au Yemen les juifs vivent dans la peur, la
plupart sous la menace d'Al Qaeda. Ils sont en danger. Leur espoir : quitter
leur pays et s'installer en Israël.
Femme: l'AUJF a décidé de
consacrer aux juifs du Yémen sa campagne cent pour cent Israël
2010
Homme: Les familles juives
Yéménites sont extrêmement diminuées et ont besoin
de notre solidarité pour réussir leur intégration en
Israël.
Femme: pour leur venir en aide envoyez
très vite votre aide à (adresse...)
Il existe un conflit au Yemen entre les minorités
juives et les groupes islamiques dans le pays mais ceux qui sont touchés
par ce conflit sont aidés plutôt par les Américains et les
Anglais que par Israël77. Cette publicité est un exemple
d'utilisation de stéréotype Arabe élaboré par
Edward Said (Partie 2) et l'exploitation de la rivalité classique entre
juif et musulman comme support pour la diaspora juive et projection
d'Israël comme la terre de la diaspora juive en accord avec
l'idéologie sioniste. Donc, en reconstruisant son territoire sur les
ondes, les musulmans deviennent une menace ambivalente, suspendu entre le
réel et l'imaginaire.
Cette publicité n'est pas le seul espace où les
musulmans sont représentés comme adversaires. On entend des
phrases comme « la Palestine refuse.... », ou pendant
l'affaire de la flottille récemment « La Palestine a
bafoué les lois internationales », ou condamnant pendant le
Grand Entretien diffusée Mercredi à 22h « les
femmes en Algérie sont maltraitées par les Islamistes »
suivi par une liste longue d'exemples, ou encore « avec ce discours
Islamique on est dans le délire », etc.
En décrivant les contradictions de l'espace public
médiatisé Dominique Wolton78 écrit que le
premier paradoxe est « la réduction » de toutes les
échelles de temps à
77 C'est « Les Houthis, une tribu zaïdi, une
branche de l'islam chiite, sont opposés au président
yéménite, Ali Abdallah Saleh, à qui ils reprochent son
alliance avec les Etats-Unis, amis d'Israël » selon un reportage
paru dans Le Point Le nouvel exode des juifs du Yémen le
26/02/09. Il y a une présence d'Al Qaeda au Yemen mais bien qu'ils aient
déclaré leur but d'écraser ldes juifs au Yemen et les
chrétiens au Yemen, le groupe vise les installations américaines
et anglaises. Voir : Al qaeda au Yemen appelle à la guerre sainte
dans Le Monde, le 08/02/10. Le Yemen nouvelle base pour Al Qaeda.
Paris Match, 2 Mars 2010, et aussi Des Juives du Yémen en exil en
Grande Bretagne disponible sur
www.identitéjuive.com
et Is Yemen the new staging ground for Al - Qaeda ? December 28, 2009,
Time
78 Dominique Wolton ; Les Contradictions de L'Espace Public
Médiatisé dans Espaces, Publics, Traditions, et
Communautés, Hermès N°10 1992
celle de l'événement. C'est
l'impérialisme du « news » de l'instant et du direct et les
répétitions de l'information. Le temps de l'information est
littéralement réduit à la seule durée de l'instant.
Il n'existe que ce qui apparaît dans l'immédiat. Le triomphe de
l'information est la conséquence d'un double changement :
l'élargissement du champ du politique, lié à la victoire
de la démocratie et les fantastiques progrès sur le plan
technique, sur la production, la diffusion et la réception de
l'information (Wolton, 1999 : 97). Donc, les diffusions fréquentes
donnent un caractère impéialiste au territoire
sur les ondes, ce qui est renforcédavantage par la force des
signatures sonores comme je l'ai illustré et
l'héroïsation et stress sur les caractères
exemplaires du peuple israélien dans les émissions
Kinnereth et Torah et Société.
Selon Emma Rodero Anton, un journal de cinq minutes vaut
mieux qu'un journal de trente minutes pour maintenir l'attention de l'auditeur.
Dans le cas de Radio Kol Hachalom je trouve que les journaux qui durent plus de
quinze minutes ne peuvent pas fixer l'attention de l'auditeur. En plus, les
diversités des morceaux musicaux joués pendant le journal font
que l'auditeur, pendant une pause musicale, pense que le journal est
terminé. Au contraire, l'utilisation des instruments musicaux comme le
xylophone et le piano avant le commencement de Torah et
Société et Kinnereth est très
émouvante et la re-création des sons d'une station centrale de
bus avant le commencement de Tehana Merkazitt est originale.
4.3 Beur FM 97.8 FM
Catégorie accordé par CSA : D (à
Paris) et C (dans les autres villes) Signature: Nouvelle
Génération
Selon le dictionnaire Larousse le mot « beur »
signifie une personne avec les parents d'origine nord-africaine né(e) en
France. Cela revient à dire que Beur FM représente la diaspora
maghrébine en France. Basé sur Paris, cette radio a
commencé en 1982, comme Radio Beur par Nacer Kettane, un médecin
et intellectuel maghrébin, pour mieux représenter la diaspora
maghrébine. Aujourd'hui elle est menée par une quinzaine
d'employés, pigistes compris. A Paris ils ont un studio
dédié au direct et un studio dit de « secours »,
identique au studio principal qui sert également à enregistrer
les émissions qui ne seront pas diffusées en direct. Ils ont par
ailleurs 3 autres studios de productions79. A la station de Beur FM
diffusant de Paris est accordé une catégorie D À Services
de radio thématiques a vocation nationale par le CSA et catégorie
C : services locaux ou régionaux diffusant le programme d'une
thématique à vocation nationale. Elle est une radio
indépendante qui génère ses propres revenus par les
publicités. Au début l'un des premiers objectifs de la radio
était « Prendre la parole et la véhiculer en tant
qu'expression de nous Àmêmes, sujet du désir et non objet
du désir de l'autre »80. Elle est Beur FM depuis 1987.
Pendant un cycle de 24heures, Beur FM diffuse des émissions interactives
comme Question de tout, Petites annonces, Voyance, et Forum
débat. Ces émissions sont accompagnées par la musique
populaire arabe.
4.3.1. Les journaux
Commençant à sept heures du matin jusqu'à
17h Beur FM diffuse des flashes. Le premier titre porte sur
l'actualité dans le monde Islamique ou en France. Le
79 Communiqué par Maïa Ket de Beur FM le 21
Juin,2010.
80 Les radios de proximité, Acteurs,
produits, publics et vie locale sous la responsabilité de Sophie
Tievant, Documentation Française, 1986, p.100.
dernier titre porte sur les sports ou les loisirs. A la fin de
chaque journal la présentatrice annonce le sujet de l'émission
Forum Débat qui sera diffusée à 18h 30.
Normalement, c'est une voix féminine, jeune et mCire qui lit les flashes
jusqu'à midi. A 13 heures ils sont lus par une voix jeune, masculine et
mûre. Le seul journal de 30 minutes est diffusé à 18h.
Journal à Rédaction : 18h
|
Voix
|
Musique
|
|
Homme/Jeune/Mure
|
Avant : Beep Beep
|
|
|
Musique numérique
|
Durée : 30 minutes
|
|
Pendant : court
morceau de la
|
|
Autres éléments sonores :
|
musique synthétisée
|
|
Les publicités :
|
pour marquer le
|
|
Comme dans toute la
|
changement d'une
|
|
journée, il y a beaucoup de publicités pendant
le
|
actualité vers une autre.
|
|
journal.
|
Enfin: Le journal se
termine avec un autre morceau de la musique
synthétisée.
|
|
On entend le son beep beep avant le commencement des
flashes du matin suivi par un morceau de la musique mécanisée,
par contre il n'y a pas une musique spécifique marquant la fin de ces
flashes. Soit ils sont suivis par de la musique, soit par la parole de
l'animateur. Les journaux sont intégrés avec les
émissions
de la journée qui jouent la musique raï,
chaâbi, et gnawa et leurs remixes toute la journée, sauf pendant
l'émission Question de tout de 10 à 12h.
Parfois ils finissent par les signatures sonores de Beur FM.
J'illustre deux ici :
· Musique synthétisé :
Beur J M
· Musique Synthétisé Beur Beur Beur
Beur
BEUR BEUR BEUR BEUR~Beur F
M
· Beur FM
bruit Fusion
bruit
Une Nouvelle Génération
Une nouvelle génération
La dernière annonce est la seule dans laquelle on
entend une voix féminine. Mais on devine l'âge de la fille qui dit
la dernière ligne comme entre 15 et 20 ans, peut-être la
même qui présente les critiques du film les mercredis. Les
signatures sonores de Beur FM indiquent le caractère musical de la
radio.
4.3.2 Les émissions interactives
Beur FM est une radio qui donne la parole aux anonymes. De la
matinale jusqu'à minuit Beur FM diffuse des émissions qui sont
structurées autour des appels des auditeurs. Pendant chaque
émission le présentateur annonce le numéro de
téléphone propre pour l'émission. Après quelques
mots
d'introduction nous commençons à écouter
les anonymes maghrébins 81 qui appellent la radio et
partagent leurs nouvelles, soucis, messages, pensées, blagues, questions
et éloges. On entend l'interaction fluide entre les animateurs et les
anonymes toute la journée.
Je décris ici quelques émissions.
. La matinale
6h à 10h du lundi au vendredi
La Matinale 6h à 10h
|
Voix
|
Musique :
|
|
Homme : jeune/mûre
Femme : jeune/mûre/
Boudaya : moyen
age/mûre/accent du sud
Homme : jeune/mûre/accent
afrique subsaharienne.
|
La musique populaire en arabe et kabyle joue tout le temps
|
Durée : 4hrs
|
Rythme : rapide
|
|
|
Autres élément sonores :
Happy Birthday To You !
(Chorale Amérique noire ) pour souhaiter joyeux
anniversaire aux anonymes
WOOH !!! Un son féminin
comme au cirque pour marquer la fin d'une pause. On l'entend
pendant l'émission en arrière plan.
|
|
|
81 On les connaît par leurs prénoms. Les
prénoms français apparaissaient rarement.
L'émission commence à 6h du matin. Après
quelques instants de musique, les animateurs, un homme et une femme jeunes,
commencent à animer les ondes. Mais, c'est la voix du jeune homme qui
prend en charge le matin. Pendant cette émission les anonymes appellent
pour partager les blagues, les sentiments divers mais la plupart appellent pour
souhaiter à quelqu'un de leur famille un joyeux anniversaire.
Normalement, l'anonyme demande à l'animateur d'appeler celui à
qui elle/il veut souhaiter un joyeux anniversaire tout en lui faisant une
blague et en dissimulant qu'il appelle de Beur FM. Par exemple : une
mère appelle pour souhaiter à son fils un joyeux anniversaire par
la radio. Elle explique que son fils vient d'acheter une voiture et elle
demande que l'animateur l'appelle et lui fasse croire que la voiture a
déjà une contravention qui n'a pas été payée
par son propriétaire précédent, donc il faut qu'il
règle ce problème. Pendant une conversation qui dure presque 15
minutes l'animateur se fait passer pour un agent de police qui demande le
règlement de la contravention. Après quelques instants il
révèle qu'il appelle de Beur FM et enfin la mere ainsi que
l'animateur souhaitent au fils un joyeux anniversaire. Une fois un père
a appelé et a dit que son fils aimait bien spider man et l'animateur se
fait passer pour ce dernier et appelle le petit garçon. Celui-ci prend
peur mais après un moment il est à l'aise avec spider
man' et parle avec lui.
Après 8h30 le comédien Boudaya entre et il
commence à faire des blagues, se moquant de ceux qui appellent avec son
accent du Sud. Parfois entre 8h 45 et 9h un autre entre et parle avec un accent
sub-saharien. Ils jouent aussi avec les mots et phrases en anglais pour
diversifier l'humour. Après 9h il y a un invité. Tantôt
Boudaya intervient avec ses commentaires et ses questions même si elles
sont farfelues. La matinale continue jusqu'à 10 heures avec les appels
des anonymes. Pendant cette matinale il y a aussi des infos sur la
météo, des critiques de films, l'horoscope. A 7h, 8h et 9h il y a
des flashes qui durent 2 minutes (environ). L'ambiance de cette émission
est légère.
· Question de tout
10h à 12h du lundi au vendredi
Cette émission est divisée en deux parties. De
10h à 11h heures un animateur aborde un sujet comme l'argent, la
retraite, l'intégration culturelle, l'histoire, la politique. Lors des
séances les lignes téléphoniques sont ouvertes mais ce
n'est pas nécessaire que les auditeurs appellent. Parfois elles ne sont
pas ouvertes. Normalement la première partie de cette émission
est présentée par un homme
avec une voix grave. Les invités aussi ont des voix
graves et une tonalitésérieuse. La deuxième
partie de cette émission est consacrée à la santé.
Chaque
lundi on entend une psychologue et mardi une
gynécologue, jeudi un nutritionniste conseillant les anonymes qui
appellent avec leurs problèmes de santé.
C'est intéressant de noter les diverses voix pendant
cette émission. La voix de la psychologue est moelleuse et basse pour
avoir une impression douce sur l'auditeur. La voix de le gynécologue, on
le devine, est celle d'une femme âgée parlant avec une voix douce
mais ferme, la voix du nutritionniste qu'on entend chaque jeudi a une
intonation musicale, comme un adoucisseur.82 Le mercredi cette
partie de l'émission est consacrée aux critiques des films on y
entend deux voix jeunes, celle d'un homme et celle d'une fille. Le vendredi on
entend juste de la musique.
· Petites annonces
12h à 13h du lundi au vendredi
Cette émission est animée par un jeune homme qui
parle avec un rythme rapide. Dans ce forum les auditeurs appellent et proposent
leurs petites annonces. Introduite par un mélange de voix
différentes parlant au téléphone, dans cette
émission, chacun annonce ce qu'il cherche et offre : travail,
menuiserie,
82 Voir note 102
assistance, aide à domicile, femmes de ménage,
meubles, appartements, maisons, voitures, machine à glace, restauration,
vêtements, voire amour... Il y a un air de simplicité dans ces
annonces. L'animateur reçoit des appels, et il demande les
spécificités. (Ex. aide à domicile : jeune ou vieux, plein
temps ou temps partiel, etc.). Si l'animateur trouve que l'annonce est un peu
farfelue il l'exprime. Puis les gens donnent leur numéro de
téléphone. Pendant cette émission le présentateur
reçoit également plusieurs annonces par SMS et il les lit
très rapidement.
· Voyance
13h à 14h du mardi au dimanche
Pendant cette émission un(e) ou un voyant(e) vient et
il ou elle essaie de prédire l'avenir aux anonymes qui appellent avec
leurs problèmes divers comme recherche de travail, mariage, amour,
réussite dans la vie. Le voyant parle avec une voix banale et un accent
maghrébin. Quand quelqu'un appelle le voyant, ce dernier demande quel
est son problème puis il prend la première lettre des
prénoms et les dates de naissance des personnes concernées.
Ensuite, il dit « restez avec moi », cette phrase est suivie
par une musique synthétisée qui symbolise non seulement l'attente
mais aussi la magie. On entend les rires et les la la
la...mélodiques d'enfants impliquant pureté et innocence. La
musique joue pendant le moment où le voyant médite sur le
problème. Le samedi cette musique est remplacée par une musique
traditionnelle. Après le voyant revient il révèle ce qu'il
« voit » dans la situation de son interlocuteur. Parfois il dit
qu'il faut que la personne l'appelle en privé car il
« ne peut pas révéler ce qu'iivoit sur
l'antenne».
· Forum Débat
18h 30 à 20h du lundi au vendredi
Cette émission est introduite avec un mélange de
voix qui argumentent, critiquent, questionnent et expliquent. Elle aborde
les sujets sociopolitiques liés
à la diaspora maghrébine en France;
l'intégration étant le plus discuté, les autres sujets
peuvent être la science et l'Islam, la place des femmes, les politiques
du monde islamique, le voile intégral, religion et homosexualité,
la gestion des lieux de culte musulman en France, les sans papiers, les
banlieues, etc. Elle est présentée par un homme qui s'exprime
avec une voix grave. Les invités peuvent être homme ou femme selon
les sujets. Pendant cette émission aussi des auditeurs appellent et
posent leur question, expriment leur opinion pour ou contre le sujet et
témoignent.
· Confidence avec Vanessa
23h à 1h du matin, du lundi au
vendredi
A la fin de la soirée une voix féminine
présente.
La présentatrice a une voix mûre et on devine
que Vanessa est une femme d'âge moyen. Au cours de cette émission
des auditeurs appellent et présentent leurs problèmes divers.
Pour certains il s'agit de la carte de séjour ou du
récépissé et de leur droit à voyager dans leur pays
d'origine. Il y a des femmes qui se sont mariées avec des hommes
maghrébins au « bled » et se retrouvent dans une situation
tout à fait différente ou difficile ici. Quelques uns appellent
pour discuter de leur vie amoureuse et demander des conseils; d'autres pour
raconter leur expérience difficile au « bled » ou en France,
certains ne font que souhaiter du bonheur à Vanessa. Souvent aussi des
auditeurs réagissent au problème exprimé par un autre. On
entend aussi des témoignages d'expérience de racisme et de
discrimination.
· Question religion
10h à 12h Samedi
Cette émission est présentée par deux
voix d'homme qui sont graves. La voix de l'imam a une tonalité exigeante
et est élevée. L'émission commence avec la
présentation de quelques thèmes du Coran et puis des auditeurs
commencent à poser des questions concernant la pratique de la religion
islamique: par exemple
le voyage à la Mecque, comment parler aux enfants et
adolescents maghrébins de leur religion, le comportement homme et femme
dans une relation en accord avec l'Islam, les regles de voisinage, etc. Parfois
l'Imam gronde ceux qui, à son avis, ne suivent pas les regles de l'Islam
dans leur vie. Plus il est exigeant à propos d'application de l'Islam
dans la vie quotidienne plus élevée est sa voix. Enfin,
l'émission se termine par une récitation de 2 à 3 minutes
de sourates par l'Imam83.
· Fou de foot
7h à 10h dimanche
La voix qui présente est celle d'un homme et elle est
grave. Une émission dédiée au football que les
Maghrébins aime bien. Pendant cette émission, des jeunes
maghrébins surtout des hommes appellent et expriment leur avis à
propos de football, de l'équipe algérienne et de leurs rivales.
En effet, le foot est un sujet discuté toute la journée sur
presque toutes les émissions. Pendant la Coupe du monde Beur FM a
diffusé une spéciale Fou de foot chaque jour de 21h à 23h,
discutant des équipes, des techniques, des politiques et de l'ambiance
en Afrique du Sud.
· Infos Kabyle84
18h à 20h Samedi et dimanche
Chaque samedi et dimanche entre 18h et 20h Beur FM diffuse
une émission en langue kabyle, qu'on peut interpréter comme une
« territorialisation géographique»85 de Beur FM.
Cette émission peut aborder les littératures, la
musique ou la culture kabyle ou
83
Bien que l'Imam dise de ne pas consulter les charlatans et
les voyantes on entend plus de voyants sur la radio que d'imam. Alors qu'on
entend l'imam une fois par semaine (le samedi), on entend le voyant presque
tous les jours de la semaine.
84 Le Kabyle est une des langues berbères du Maghreb. La
Kabylie est une région où la revendication culturelle
berbère est plus forte. Traditionnellement en Algérie cette
région a toujours revendiqué l'introduction de la langue amazigh
(langue berbere) à l'école. Source : Jamal Zaïmia
Président de l'association Algérie au Coeur, Grenoble.
encore un certain aspect de la société kabyle en
France. Cette émission est présentée par une voix d'homme
grave. Pendant cette émission le présentateur parfois explique
les choses en français mais l'émission se déroule
généralement en kabyle. La voix féminine pendant les
pauses de cette émission est une voix moelleuse et douce comme celle que
l'on entend lors de la diffusion des flashes en Hébreu sur la RKH. Cette
voix féminine change de toutes les voix masculines et féminines
qu'on entend toute la semaine sur Beur FM.
4.3.3. Les voix au téléphone
Les voix au téléphone par rapport à la
voix claire du présentateur sont lointaines, parfois
incompréhensibles, un « trou radiophonique » par lequel passe
la voix quotidienne d'une maghrébine ou d'un maghrébin. Leurs
expressions de douleur, de détresse, de désespoir, de
contentement, d'excitation, de surprise, rendent les ondes vivantes. Le
téléphone est le moyen de communication que les nouveaux
immigrés et les membres d'une diaspora utilisent normalement pour
communiquer avec leur pays. Sur les ondes de
Beur FM la voix au téléphone est un symbole
d'éloignement diasporique créésur la radio.
Parfois on entend les bruits quotidiens comme celui d'un enfant, d'une voiture,
d'un oiseau, etc.
4.3.4. Les publicités
Les plupart des publicités sont commerciales. Les
publicités pour les organisations caritatives sont rares. Je n'en ai
entendu que deux À« Secours Islamique France » et «Chorba
Pour Tous ». Par contre il y a beaucoup de publicités commerciales:
Paris Est isolation, Leader Price, Casino, Sarenza,, Inter marché, TDL
logistique, Go sport, Olympus appareil photo, Carrefour,
www.redoute.fr,
Canal Sat Tunisie,
Spartu.com, Canal plus football club,
85 Voir note 100.
SFR.fr, Noroto, Matmut,
www.yakaroulé.com, le
Claire, Buffalo Grill, Afat voyages, les numéros et lignes pour appeler
le Maghreb.
Alors que les publicités des organisations caritatives
ont des voix mûres avec des tonalités paternelles chez les hommes
et des tonalités maternelles chez les femmes (comme on a vu dans le cas
de RKH) les produits commerciaux sont promus par des voix aiguës
féminines avec une tonalité prétentieuse et artificielle.
En effet la voix dans la publicité pour Paris Est Isolation et Canal
plus Football Club est lancinante.
4.3.5. Les voix synthétisées
Comme je l'ai déjà établi pendant
l'analyse de RKH la voix mécanisée est un signe de contrôle
que l'individu a sur la voix humaine. Beur FM utilise les voix
synthétisées pour annoncer une émission juste avant son
commencement. Le fait que cette voix est masculine implique un contrôle
masculin maghrébin sur les ondes. Voici quelques exemples:
· Question de tout
· La Matinale sur Beur FM
· Amour, Secret... Confidence - avec
Vanessa
· Les Blocs Notes de Beur FM
avec...
Le contrôle masculin sur les ondes est justifié
par le fait qu'il y a plus d'animateurs que d'animatrices sur la radio. La
seule animatrice qui anime une
émission toute seule est Vanessa. Les autres voix
féminines qu'on entend sont celles de l'animatrice pendant la matinale,
mais plutôt comme une deuxième voix et celle de la jeune fille
pendant les critiques de films présentés le mercredi. Les voix
féminines sont plutôt celles d'auditrices qui appellent au
téléphone.
4.3.6. Analyse
Le caractère du territoire maghrébin sur les
ondes est celui d'interaction, de partage et de témoignages. En effet
à chaque heure on entend des témoignages différents.
Avec cette ambiance de partage des émotions
marquée par 1,2,3 Viva l'Algérie qu'on entend toute la
journée, et les échanges comme Salaam Alaikum ! et
Hamdililah ! Beur FM récrée son « houma »
radiophonique sur les ondes. La «houma» est un quartier
urbain qui combine la double particularité d'un espace
collectif et privé, le mot signifie à la fois garder son
espace privé et s'insérer dans une identité commune
créée par la sacralité de la relation. Comme à
l'origine, le terme «houma» traduit un ordre social, il
désigne un sentiment d'appartenance à une identité
communautaire de proximité spatiale à l'intérieur de
l'espace social de la ville. La proximité spatiale et sociale prend ici
le sens de fratrie et de grande famille, où les rapports de voisinage
ont un sens sacré. Se référer à la
«houma» c'est à la fois inventer, créer son
espace quotidien et être inséré dans une communauté
de quartier, qui prend le sens d'un vaste cercle de relations et de paysages
familiers (Bouaouina, 2007).
La structure des émissions interactives facilite la
création d'un espace de « la double particularité ».
Alors que la bande FM signifie un espace collectif, le trou
téléphonique est l'espace où l'anonyme recrée son
espace privé sur les ondes avec l'expression de ses émotions et
ses pensées. En même temps un anonyme en offrant son opinion ou
ses sentiments et en partageant ceux des
autres pendant les émissions crée une
idée de voisinage radiophonique. Donc, l'anonyme restant dans son espace
privé facilité par le téléphone peut participer et
contribuer à la solidarité de l'espace collectif sur les
ondes.
En outre, on identifie la voix de Vanessa comme la voix
symbole de ce territoire de la diaspora maghrébine sur les ondes
française. L'animatrice avec sa voix mûre avec un timbre maternel
qui console ceux qui sont déprimés par leur situation dans la
vie, donne son avis à propos de carte de séjour ou de
problèmes personnels. Par contre elle est impatiente avec ceux qui
parlent de choses qui ne sont pas pertinentes pour l'émission, comme la
politique et elle décourage l'utilisation de la langue arabe pendant
l'émission. La voix de Vanessa est celle d'un individu
franco-maghrébin, qui est à la fois doux, mûr,
réconfortant, séduisant et exigeant.
Un caractère perturbant de cette radio est le nombre
des anonymes qui appellent et qui donnent le numéro de
téléphone d'un(e) ami(e) ou d'un membre de la famille pour leur
faire des gags. L'humour est une source propre, produit par l'imaginaire
social, et mobilise un ensemble de normes locales qui permettent non seulement
la production du sens mais également l'expression de
représentations sociales. (Benamer, 1998). Sören Kierkegaard, le
philosophe danois, a considéré l'humour comme l'absurde
permettant, grace à une plaisanterie de vaincre les émotions et
de transformer ainsi la souffrance en un comportement distant et dominateur.
L'explication donnée par Freud désigne un moi qui se
défend de la douleur et refuse de se laisser toucher par les
contradictions du monde extérieur86. Selon une étude
« Ethnic Profiling in Paris » conduit en novembre 2007 et
mai 2008 par l'Open Society Justice Initiative (programme de Soros Foundation
Network87) et le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)
les Arabes et les africains d'origine sub-
86 Thesaurus, Encyclopedia Universalis, 1990
87 La Fondation Soros est une institution privée qui a les
succursales partout dans le monde.
saharienne sont particulièrement discriminés et
interrogés par les policiers sans preuve de leur mauvais
comportement88. Donc, la représentation et les
stéréotypes des peuples arabes comme menaçants sont encore
figés dans l'imaginaire de l'Occident. D'une part la manifestation de
cette tendance sur la radio est un signe d'internalisation des
représentations comme l'expliquent les théories d'Edward Said
(partie 2.3.1), de l'autre en faisant des gags, les anonymes et les animateurs
expriment leur refus d'être touchés par une situation
réelle.
La structure de l'interaction décontractée entre
l'anonyme et l'animateur par l'utilisation du téléphone fait que
les stéréotypes des Arabes comme exotiques ou menaçants
(pour le monde) se dissolvent. Les animateurs et l'animatrice utilisent des
mots et phrases affectueux comme « ma puce », « je te fais un
grand bisou » ou « mon pote ». Les images que Beur FM
génère par rapport aux Maghrébins sont celles d'un peuple
paisible, croyant, soucieux, plein d'humour, superstitieux, militant,
extraverti et passionné de foot.
En revanche, Beur FM est une radio qui manifeste des signes de
contrôle masculin sur les ondes. Toute la journée ce sont les voix
masculines qui animent les ondes. La seule animatrice est Vanessa mais nous
entendons sa voix dans la nuit. Ce contrôle masculin est mis en valeur
par les annonces faites par une voix male synthétisée comme je
l'ai illustré.
88 Study says Blacks and Arabs face bias from Paris
Police by Steven Erlanger June 29, 2009. The New York Times. Disponible
sur
http://www.nytimes.com/2009/06/30/world/europe/30france.html?fta=y
4. 4 Radio Kaleidoscope - 97.0 FM (RKS)
Catégorie A (Radio
Associative)89 Signature : plusieurs
types
Radio Kaléidoscope a commencé en 1981. Elle
représente plusieurs diasporas en Isère, notamment, l'Afrique
sub-saharienne, les maghrébins, et l'Amérique Latine.
Nommée d'après le kaléidoscope90 qui capte la
lumière et diffuse plusieurs images colorées, l'objectif de la
Radio Kaléidoscope est de «donner la parole, faire valoir la
culture et l'histoire de toutes les cultures
communiquées»91 RKS a un but non lucratif. Elle est
soutenue par des subventions du Conseil Général de
l'Isère, de la Région Rhône Alpes et des dons de
l'état qui se réduisent avec le temps. La radio est
pluriculturelle. D'après Vincent Soussi la président «
quelle que soit la communauté, l'individu est porteur de messages
qui lui sont personnels. Certains peuvent être perçus par
l'ensemble de l'auditorat comme une transmission culturelle, d'autres comme une
démarche d'analyse des situations qui font notre environnement, donc qui
nous sont à tous communes. C'est pourquoi, plutôt que de se
refermer dans un discours communautaire, Kaléidoscope a fait le choix
délibéré de mélanger les cultures, donc les
sensibilités. Finalement ça été le fruit d'une
démarche naturelle, qui tout au long de ces 20 ans, a connu
l'implication de plus de 1500 individus »92 RKS aussi
produit des émissions pour le Groupement d'Intérêt Public
Echanges et Production Radiophoniques (GIP-EPRA), un groupe qui met-en oeuvre
une banque de programmes radiophoniques favorisant l'intégration en
France de populations issues de l'immigration93. RKS diffuse
plusieurs émissions comme Ou est donc or ni car, Rédaction,
EPRA, Fais moi une scène, Sur les Rives du Fleuve
Congo, Tam-
89 Une association à but non lucratif qui relève de
la loi de 1901.
90 Le Kaléidoscope est un tube de miroirs
réfléchissent à l'infini et en couleurs la lumière
extérieurs. Source :
www.wikipedia.com
91 Entretien avec Manuel Laversanne de la Radio
Kaléidoscope en Octobre 2009.
92 Entretien avec M Vincent Soussi, Directeur de Radio
Kaléidoscope ; Source
www.radiokaleidoscope.net
93 Qui sommes nous? à
www.gip-epra.fr
Tam d'Afrique, Hablando Espagnol, pour faire
le lien avec et entre les diasporas diverses à Grenoble. RKS choisit de
faire des émissions qui sont littéraires,
cinématographiques et historiques.94
4 .4 .1 Les voix de la radio
Francisco Zorihha animant l'émission en
espagnol
Puisque RKS donne la parole à plusieurs diasporas on
entend des voix avec des accents divers. Cependant trois sont plus
fréquentes: des voix avec un accent d'Amérique Latine, des voix
avec un accent d'Afrique Sub-saharienne et des voix avec un accent
français. Nous entendons en plus des accents maghrébins
différents à travers des invités. La voix qui anime «
Rédaction », « EPRA », « Fais
moi une scène », « ou, est, donc, or, ni, car
», des émissions qui abordent le sujet de l'immigration et de
la diaspora est jeune, grave, elle parle avec un rythme rapide
témoignant son intérêt sur le sujet. La voix qui anime les
émissions « Amalgame », « Moulin à
Palabres » les émissions musicales et littéraires de
RKS, a un accent français, parle avec un rythme lent et
comporte une tonalitépaternelle. Celle qui
anime « Sur les Rives du Fleuve Congo » a
une voix banale mais un rythme musical pour s'accorder avec l'humeur de
l'émission. Il en est de même pour la voix qui anime «
Tam-Tam d'Afrique ». En même temps la voix qui anime
l'émission sur l'Amérique Latine « Que Faire »
est celle d'un homme vieux et
94 Entretien avec Vincent Soussi en Mars 1, 2010.
elle est grave, celui-ci parle lentement et avec un accent
fort de l'Amérique Latine. Nous entendons une voix féminine,
jeune et aiguë pendant les signatures sonores. Mais il y a deux voix
féminine l'une mûre, l'autre aiguë que nous entendons toute
la journée quand elle raconte des histoires intéressantes,
entrecoupées de musiques de divers pays. Ces voix sont produites par un
robot. En fait RKS possède cinq robots pour produire des voix
différentes. (Voir Annexe 4).
4.4 n i)1 iiiriDatEDf IffN P rtiqDHIEtiM
Bien que Radio Kaléidoscope ne diffuse pas de journaux
qui nous apportent les actualités du monde, elle diffuse des journaux
qui nous renseignent à propos des événements
d'Amérique Latine.. Les sources de ces journaux sont, «
United Press International », « Agence France Presse » pour
les informations de caractère général et puis «
Pulsar », « l'Agence Venezuela », « l'Agence Cubaine
d'Information », « Radio Oaxaca », « Radio Universidad de
Chile » pour des actualités d'Amérique Latine.
4.4.3 Musique
Radio Kaléidoscope joue des musiques diverses. Depuis
le matin jusqu'a minuit la radio diffuse la musique de pays et de
régions différentes de la France comme la Corse et la Bretagne.
Il y a aussi une émission sur la musique reggae de la Jamaïque, sur
la country music des Etats Unis. L'émission Amalgame
diffusée chaque jour à 7 heure du matin et 13 heure de
l'après midi nous présente, pendant une heure, la
diversité musicale du monde, par exemple le Jazz ornemental, le choral
argentin, un morceau musical d'opéra chinois, de la musique
méditerranéenne, etc.
4.4.4 Les Signatures Sonores
J'illustre ici quelques signatures sonores de la radio
Kaléidoscope.
1. Kaléidoscope 97 FM La radio que j'aime
2. Radio Kaléidoscope, les musiques du pays
3. Kaléidoscope 97 FM La radio qui vous
écoute.
4. Radio Kaléidoscope c'est de la poésie sur
97 FM
5. Radio Kaléidoscope un éclabousseur de
couleurs et de senteurs toutes saupoudrées de sons.
La voix qui énonce ces signatures sonores est
féminine, jeune et aigué Le rythme est lent et le message
signifie la diversité et musicalité sonore de cette radio.
4.4.5. Les émissions visant la diaspora d'Afrique
sub-saharienne
|
Il y a deux émissions sur RKS qui sont exclusivement
consacrées à la diaspora de l'Afrique sub-saharienne. Sur les
Rives du Fleuve Congo animé par Mbeut Animadiela est diffusé
chaque Mardi à 18 heure et chaque Dimanche à 10 heure. Nous
entendons de la musique Nkumbo ou Rumba du Congo. Cette musique qui fait partie
maintenant de la culture de l'Amérique Latine y fut amenée par
|
Mbeut Animadiela animant l'émission Sur les
rives du fleuve Congo
|
des esclaves africains95. L'autre émission
est Tam-Tam d'Afrique diffusé chaque Samedi à 22 heure.
Cette musique nous présente la musique moderne de toute l'Afrique.
J'analyse quelques diffusions qui présentent la culture
de la diaspora de l'Afrique sub-saharienne dans l'émission Fais Moi
Une Scène. Diffusée chaque Mardi et Vendredi à 18h
cette émission nous présente un entretien avec un artiste qui est
souvent originaire de l'Afrique sub-saharienne. Les artistes
sénégalais sont présentés plus fréquemment
que ceux des autre pays africains. Cette remarque vient à l'appui de ce
que nous avons décrit au paragraphe 3.3
Voici trois extraits d'entretien avec des artistes originaires
d'Afrique subsaharienne
S Judith Eya et la Cie
Entretien avec Judith Eya une artiste d'origine
franco-gabonaise. Dans cet entretien, Judith parle en détail de sa
compagnie de danse et musique bantoue. Je présente des extraits qui
s'accordent bien à mes observations sur la diaspora et ses
représentations à la radio.
Transformation : Music/ Parole/ bantou Introduction par le
présentateur :
a) Présentateur : Madame Judith
Eya est une jeune femme grenobloise qui a ses origines au Gabon, ses parents
sont évidemment nés làbas~dans ce pays là, dans la
capitale notamment, à Libreville et ils sont venus en France dans les
années 60-70, venir travailler ici, et puis ils sont retournés
dans leur pays d'origine. Quant à Judith, elle, elle est restée
ici à Grenoble notamment après avoir fait des études dans
le coin elle a décidé de se pencher vers l'artistique en
créant une compagnie notamment de danse; c'est la compagnie Bantou.
Alors, aujourd'hui,
95 Source :
http://www.radio-kaleidoscope.net/Fleuve%20congo.htm
je reçois madame Judith Eya afin de parler d'une
part de la culture bantou...du peuple bantou qu'on retrouve à travers
toute l'Afrique quasiment à l'exception de l'Afrique du Nord ;
évidalment (sic) ; surtout de cette bande d'Afrique Centrale, Afrique
Australe et de l'Afrique de l'Ouest. Madame Judith Eya , bonjour
b) Judith : Bonjour
Enfin
c) Présentateur : Alors, vous parlez
de festival justement....(incompréhensible)...vous participez dans le
festival « Melting Notes » mis en place par SOS racisme Grenoble, un
festival qui prône le (incompréhensible) la rencontre avec les
cultures la tolérance bref, un petit peu tout ce que vous disiez
précédemment à savoir qu'on peut avoir cette double
culture et considérer ça comme richesse, malgré certains
qui ...(il rit) à supposer... cela en tout cas cet engagement là
pour faire participer votre compagnie là c'était important ?
d) Judith : Ah ah oui, je n'ai pas
hésité
e) Présentateur : Dans quelle mesure
?
I) Judith: Ah oui, quand il m'a
appelé je n'ai pas... je n'ai vraiment pas hésité, on m'a
dit la festival SOS racisme, j'ai dit mais...ça tombe bien, c'est
justement à ce moment qu'on doit s'exprimer en disant qu'il faut
être tolérant vous savez...le racisme (incompréhensible)
quoi c'est la méconnaissance de l'autre on connaît pas l'autre...
on ne s/fait pas d' à priori...et puis (incompréhensible) mais
il faut découvrir...il faut découvrir l'autre vous savez partout
il y a du bon et du mauvais...eh.
g) Présentateur: Et
vous qui avait cette double culture française et gabonaise, est-ce que
vous avez ressenti, vous dans votre parcours de votre vie de femme, justement,
de tension, à un moment donné de tension par rapport à
votre origine , votre couleur de peau, ou tout simplement à votre
culture, cette double culture justement.
h)
Judith : Par rapport à ma
double culture ...non, non...je ne crois pas... mais par rapport à
ma couleur de peau on a été victime plus au moins mais... bon
nous savons que c'est (incompréhensible) limité à
ça. Moi quand ça m'arrive quand je tombe sur quelqu'un qui
n'est pas...ehhh...je plains la personne parce que je me dis, il est mal en
lui, du fait de réagir... de réagir comme ça c'est qu'il
n'est pas bien... il a un mal en lui. le mal ça peut être quoi ?
Pour lui les noirs sont ...ehh...c'est...s'il est tombé sur un...qui lui
a.... je ne sais pas fait quoi un jour ehh... (Elle rit) pour lui tous les
noir sont...ehh ? moi quelque part...mais j'ai beaucoup de recul maintenant
par rapport aux...des actes de ce genre. Tant qu'on n'agresse pas
physiquement....tant qu'on n'agresse pas physiquement les actes de racisme
ça peut être une insulte ou je ne sais pas vous arrivez...on soit
pas... la personne (incompréhensible) vous voyez pas.
Conclusion musique : musique bantou.
? Extraits d'entretien avec Black Thiossane
Quelques extraits d'un entretien avec le groupe Black
Thiossane. Bien que ce groupe soit né à Dakar et que le chef de
ce groupe soit né au Sénégal il est le frère de M.
Abu Fall, qui fait partie de la diaspora sénégalaise en
Isère et il y a plusieurs références à la
représentation de la diaspora d'Afrique sub-saharienne dans cet
entretien.
i) Présentateur :
Bienvenue, bienvenue à vous chers auditeurs de Radio
Kaléidoscope 97 FM dans votre émission « fais moi une
scène » qui cette semaine vous propose d'aller à la
rencontre d'un groupe de musique franco-suisso-sénégalais qui
s'appelle Black Thiossane, il a
fait ses armes dans les années 2000 au
début des années 2000 à Dakar où 5 il a
été créé par Mame Fall jeune homme
sénégalais de la médina le quartier de Dakar et puis il a
essaimé un petit peu à travers toute l' Europe pour aller
jusqu'à Prague le mois passé et en revenir bien sûr. Alors
le Black Thiossane délivre un message de paix, d'espérance de
rencontre à travers une musique chaloupée, beaucoup acoustique
avec toujours cet envie de dialoguer à travers les cultures, Mame Fall
est le petit frere pour l'anecdote du grand Abu Fall le conteur,
réalisateur et musicien, instrumentiste et que sais-je encore, qui est
Grenoblois d'adoption depuis une trentaine d' années comme vous
le savez et qui par ailleurs sera en concert dans le cadre du « Festival
des Art du récit » ce n'est pas un concert d'ailleurs mais une
pièce de théâtre le lundi 18 Mai au théâtre
Premol à Grenoble à 20h 30 pour Alger-Dakar par Abu Fall et Said
Ramdan une 15 rencontre entre deux conteurs qui parle de leurs villes
respectives Alger et Dakar c'était pour l'anecdote, donc... toute
de suite et bien je vous propose de rentrer en contact avec le black Thiossane
on aura l'occasion d' entendre des morceaux enregistré dans le studio
à la radio pour agrémenté cette conversation... voila...eh
bien c'est parti..pour une heure de musique et de parole.
Instrument/Musique Africaine.
j) Le présentateur: Vous
ça fait...environ...deux ans à peu prés même si vous
faites de
nombreux aller-retour entre la France et puis plein
d'autre pays d'ailleurs...ou le Sénégal d'où vous venez
à l'origine comment vous observez cette société
française qui est de fait métisse puisqu'il suffit de regarder
autour de nous dans la rue pour voir des couples...qui sont des couples
mixtes..de voir des gens qui viennent d'ici ou d'ailleurs a
plus au moins long terme...bref on sait bien que le
métissage existe en France et pourtant on s'aperçoit que
justement ces populations qui sont d'origine étrangère je dirai
en plus visibles c'est-à-dire les gens qui sont plutôt
café-au-lait ou noir ou asiatique pas ceux qui sont de type caucasien
pour prendre des termes un petit peu comme ça techniques ...eh pourquoi
ces gens là ...souvent... et les jeunes en particulière se
sentent mal ? Voila... Vous votre observation de la société
française depuis que vous êtes là comment vous la voyez
justement comment vous vivez ce métissage vous l'analysez à
travers votre oeil, justement de grand voyageur ?
k) Mame : Oui Moi... moi je le
vois positif parce que...avec la Fédération des oeuvres
laïques, la FOL et...Le Conseil Général de
Grenoble...J'ai un grand-frere qui s'appelle 34 Abu Fall,
plus de trente ans il est à Grenoble et sa femme...elle s'appelle
Dominique et ils ont deux filles et...Abu il m' a amené avec Yves
(un autre membre du groupe) ou parfois moi seul dans des
endroits en France partout et moi j'ai vécu dans les villages et je
croyais que j'étais en Afrique et cette chose là eh...il m'a
donné la force de mieux comprendre ce phénomène...mais
c'est un problème d'éducation.
Musique de Black Thiossane
l) Présentateur : Tout ces
jeunes justement ... ces jeunes gens qu'ont une culture double, triple,
métisse qui sont français depuis toujours puisqu'ils sont
nés ici, mais ils ont mal dans leur peau est-ce qu'il y a une
méthodologie qui.. que vous appliquez à vous-même, pour
accepter on pourrait dire, votre singularité votre différence et
votre... aussi votre 43manière d'être commun, c'est
justement à l'humanité avec tous
ces travers et touts ces bonheurs. Quelle est la
formule que vous appliquez à vous et qui pourrait être je dirais
transmise à ces enfants qui ont du mal à vivre une double
culture dans une société qui parfois met de
côté...ceux justement qui ont des origines d'ici ou d'ailleurs.
m) Mame Fall:
C...c...c...c'est ce que j'ai dit c'est une...c'est
un problème d'éducation parce que l'éducation on ne se
fait pas à l'école. C'est à la base, et toi, quand tu
grandis dans une famille et tu vois beaucoup de gens qui t'entourent et les
maisons n'ont pas de porte et aussi tu sais que tu es terrien. Moi quand je
parle de la France, je parle de mon pays parce que j'ai de
(incompréhensible) de le voir comme mon pays, parce que j'ai
52dans ma famille, on a perdu notre sang pour amener la
liberté ici, en France, c'est ce que je te dis. Moi je marche dans la
rue parfois y en a des....je suis marché... je suis marché avec
Yves...et... il faisait minuit et je tu te rends compte on a joué et
là où on a joué et c'était superbe et on avait
envie de manger et Yves m'a dit on va aller .à côté
acheter du manger. On part, on a croisé trois jeunes et ces trois jeunes
ils m'ont regardé, 57il m'ont dit « sale nègre
». Yves m'a dit...ah.. mais quoi ?? Qu'est ce qu'il a dit ? Je lui ai dit
il m'a dit « sale nègre » et on n'a pas répondu il a
parlé encore et... « homosexuel » et moi je suis venu et...
je lui ai dit « je te remercie beaucoup, parce que nègre veut dire
la noblesse. Je sais pas tu es de quelle nationalité, mais va
apprendre... » 61et on a discuté et la fin de
discussion il m'a donné une clope.
Présentateur fait un petit
rire
n) Mame Fall:...tu vas,
parce que aussi... comme t'as dit nous on vient pas en Europe
jusqu'à notre musique et... mon grand-frère qui te parle qui a
une compagnie. On n'est pas venu ici, pour travailler, avoir de l'argent,
retourner chez nous, on vient pour apporter notre
participation et apprendre...et la vie il faut
l'apprendre parce que un peuple sans passé sera-t-il sans histoire...si
tu peux pas...si tu connais pas le passé tu peux pas affronter le
présent. Donc moi tous ces jeunes là, j'ai espoir que un jour il
vont trouver ce qu'ils cherchent mais encore une fois le respect est
récipropre(sic) et dans le tram tu trouves les phénomènes
dans la rue...moi parfois... on mon... dans le tram ou dans le bus
parfois...tu vois les jeunes, père français, mère
française, ils se lèvent, ils laissent les vieux s'asseoir, il y
en a d'autres qui ne font pas, pour moi ils sont minorité...parce
qu'ils sont minorité et un jour tous ces problèmes là qui
passent en France...moi ça fait deux ans comme je t'ai dit....je suis
là, parfois j'allume la télé je regarde les infos...je
vois les gens comment ils sont frustrés et toutes ces frustrations
là aussi j'ai espoir quoi 75que ça va se régler
mais jamais je démissionne et je refuse (incompréhensible) la
tradition quoi ?
o)...aujourd'hui et Manu...je partage avec toi la
même maison et (incompréhensible) tu me le dis, tu me le dis pas.
Chaque jour moi quand je me lève je vais te dire « bonjour ».
Tu me réponds, tu me réponds pas je vais te saluer, parce je
sais que j'habite seul et tu 80habite seul et si je tombe malade ou
je meurs à côté si tu viens pas je vais pourrir. Et cette
histoire là, c'est un phénomène que tu trouves à
la télé, donc, pour moi je dis..c'est un problème
d'éducation et on est des humains, on est pas des chats, on est pas des
chiens, on n'est pas des...brebis. On mange debout et nous on... vote.... pour
l'être humain mais jamais le stress, on perd pas le plan. On essaie
d'être juste bien dans la vie 85et dans notre peau et
ça il te faut des connaissances et ces connaissances c'est quoi ? C'est
juste ce que tu sais pas, demande l'autre, apprend et regarde l'autre chaque
fois quand tu le regardes tu vois ton village. Tu doutes pas ! Malgré
toutes les contradictions qui sont là, tu doutes pas, parce que tu
optes pour la vie, parce que la vie est
magnifique. Donc, nous qui vient de l'autre
côté on a des choses qui sont là depuis la nuit des temps.
On sait que l'Afrique est le berceau de l'humanité et nous tous on est
des Africains, on est des Européens, on est des Asiatiques. Mais
l'Afrique, c'est là-bas que l'histoire est débutée. Et
donc, aujourd'hui tous ces jeunes là qui sont en manque de connaissance
c'est pas de leur faute, ils sont sacrifiés...mais ça aussi
ça doit pas aller à pousser à péter les plombs.
Le Page et Tabouret Keller (1984) définissent le mot
« identifier » par au moins deux sens : le premier est le fait de
reconnaître une personne particulière, une entité
particulière, le seconde est de reconnaître une personne comme une
partie d'une entité plus large comme membre de... nous pouvons nous
identifier nous-mêmes avec un groupe, une cause, une tradition. «Les
actes d'identité » sont en relation symbiotique entre ces deux
niveaux, et les comportements d'individus reflètent des attitudes envers
les groupes, les causes et les traditions mais aussi sont contraints par des
facteurs identifiables, externes, exocentrés. Les identités d'un
groupe résident dans la projection de chacun au groupe. Ces conceptions
de l'identité se tissent à l'interface de deux espaces, un espace
intérieur « endocentré » par rapport à un autre
espace « exocentré » (notion de mobilité externe) qui
replace les identités dans les rapports intercommunautés. La
dynamique des constructions des identités se joue dans les rapports et
les tensions entre et à l'intérieur de ces espaces, rapports de
clôtures ou des chevauchements de frontières,
catégorisations, différenciations, unification, construction de
la différence et de l'altérité (représentations
catégorielles du « moi je » et « d'eux » produites
à partir des perceptions de chaque individu membre d'un groupe)
(Dreyfus, 2006).
Dans le premier extrait (Judith Eya et Cie) d'entretien
affiché ci-dessus nous trouvons la construction de l'identité
de la diaspora d'Afrique sub-saharienne
que je détermine comme « endocentrée »
par rapport à celle du présentateur de la RKS, une entité
française que j'identifie comme « exocentrée ». Pendant
le processus d'interaction entre ces deux entités il émerge un
stéréotype et une identité vécue de la diaspora
d'Afrique sub-saharienne
Le présentateur en introduisant son invitée,
(partie a), lui attribue une identité diasporique en décrivant
l'origine gabonaise des ses parents et leur parcours en France et puis leur
retour au Gabon. Dans la partie c le présentateur interroge son
invité sur les raisons identitaires de sa participation au festival
« Melting Pot ». Dans cette partie il utilise un marqueur
d'hybridité : la « double culture », pour décrire les
origines franco-gabonaises de l'invitée et dans la partie f,
l'invitée explique les raisons des problèmes que son
identité pose dans la société française
(méconnaissance de l'autre) et ce festival peut aider à
résoudre ces problèmes. Dans la partie g le présentateur
demande comment la « double culture » de l'invitée, son sexe
ainsi que sa couleur de peau, signe qui manifeste sa différence
clairement, se heurtent aux préjugés de la société
française. L'invitée dans la partie f nie être
discriminée à cause de sa « double culture » mais
accepte que sa couleur de peau provoque des réactions négatives
et ensuite elle explique sa façon de réagir par rapport à
ces attitudes.
Dans le deuxième extrait (Black Thiossane) Comme
l'invité n'est pas resté assez longtemps en France pour qu'il
fasse partie d'une diaspora en Isère je l'identifie comme «
exocentré ». Dans ce cas là le présentateur de RKS,
représentant la société française, devient «
endocentré ». Dans cet extrait je trouve que l'invité
exocentré exprime ses observations à propos de la
société française qui est endocentrée.
En même temps nous sommes informés que le
grand-frere de l'invité Abu Fall va participer au «Festival des
Arts du récit» avec sa pièce de théâtre sur
Alger- Dakar qu'il va faire avec Said Ramdan. Donc, alors que le
présentateur nous
informe que Mame Fall vient d'entrer en France, il accorde une
identité diasporique à son grand-frère Abu Fall, en
informant qu'il «est Grenoblois d'adopion depuis une trentaine d'
années ». Et en annonçant le thème de la
pièce de théâtre : « Alger-Dakar par Abu Fall et
Said Ramdan une rencontre entre deux conteurs qui parlent de leurs villes
respectives Alger et Dakar » le présentateur fait
référence à une interaction entre les diasporas d'Afrique
subsaharienne et maghrébine. Cette énonciation est une
reconnaissance de l'hybridité que les diasporas en France
expérimentent.
Dans la partie i le présentateur demande à
l'invité son avis à propos de la société
française qui inclut les membres de la diaspora. En décrivant
cette société il utilise les marqueurs d'hybridité comme
« métisse », « couple mixte », « de gens qui
viennent d'ici ou d'ailleurs », « métissage », «
cette population qu'on dit d'origine étrangère ». Pour
décrire la couleur de peau de ce peuple qui représente
l'idée de l'hybridité, comme postulée par Stuart Hall il
utilise les marqueurs de couleurs : « café-au-lait », «
noir », et ethniques « asiatique ». Selon le
présentateur, la population française des différentes
diasporas d'Afrique sub-saharienne ne se sent pas à sa place «
les jeunes en particulier se sentent mal ?». En répondant
à cette question l'invité dans la partie k explique que la raison
en est l'éducation.
Encore, dans la partie l, le présentateur relance la
question d'une manière différente pour avoir une explication plus
claire. Il utilise les marqueurs d'hybridité comme « culture
double, triple, métisse », « qui sont français depuis
toujours parce qu'ils sont nés ici », « d'ici ou d'ailleurs
», pour souligner l'hybridité de la diaspora, en même temps
il utilise les marqueurs comme « singularité », «
différence », « manière d'être commune »
pour accorder une identité unique à la diaspora. En
répondant à cette question dans la partie m le locuteur utilise
les marqueurs de possession (mon pays) en parlant de la France. Et il se
réfère à l'époque de l'histoire de la France,
pendant laquelle ses parents
se sont battus pour ce pays (Voir partie 3.3). Avoir grandi
pendant cette période en voyant les membres de sa famille consacrer
leurs vies pour un autre pays est le type d'éducation que le locuteur a
reçu. Et pour mieux souligner son point de vue il raconte un incident de
discrimination quand il était en France et comment cet incident
était lié à un manque de connaissance et a un type
d'éducation de l'autre.
Donc, la question posée par le présentateur a
suscité une réponse qui a incorporé toutes les relations
imaginaires que le locuteur a avec la France. En même temps je me suis
rendue compte d'une série de tensions et de processus de
stéréotypages entre l'identité vécue, ressentie,
par le locuteur et les identités attribuées par les
autres96.
Enfin dans la partie n, l'invité explique que son
peuple n'est pas ici juste pour gagner de l'argent et rentrer dans son pays.
Les immigrés sont ici pour « apporter leur participation et
apprendre ». Cette dernière phrase élargit
l'idée que les gens qui viennent d'un autre pays en France ne sont pas
ici juste pour des raisons économiques mais veulent participer à
la vie française et apprendre tout ce qu'ils peuvent à propos
d'une culture différente.
Donc, on trouve que Mame Fall, nouvel arrivant en France
identifié comme « exocentré » donne son avis par
rapport à la société française qui, elle, est
« endocentré » dans le deuxième extrait. Mais la
société « endocentrée » décrite par
l'animateur de RKS est une société hybride et de métissage
et bien que la société « exocentrée »
représentée par Mame Fall a des liens historiques avec la
société « endocentrée » il expérimente
des tensions d'identités qui sont
96 Martine Dreyfus, Production de
stéréotypes en situation d'entretien dans
Stéréotypage, Stéréotypes: fonctionnements
ordinaires et mises en scène, Tome 4 Langue(s), Discours, Sous la
direction d'Henri Boyer, Actes du Colloque International de Montpellier (21,
22, 23 Juin 2006, Université Montpellier III) ; L'Harmattan (2007)
un résultat des stéréotypes de l'Afrique
sub-saharienne créés par les préjugés ou
méconnaissances existant dans la société française.
Pendant cette émission la musique de la transformation, attente, et
conclusion sont celle de la culture qu'ils traitent à ce moment.
4.4.6 Analyse
Radio Kaléidoscope réussit à bien
représenter les diasporas diverses en Isère à travers ses
émissions. Les animateurs, surtout pendant les émissions «
ou est donc or ni car », « Rédaction »,
« EPRA », font venir des invités qui ont des racines
différentes et leur demandent comment ils s'adaptent à la France.
Les invités peuvent être aussi des sociologues ou des historiens
dont la recherche porte sur le fait de l'immigration d'une diaspora
particulière par exemple celles des Maghrébins, des
Arméniens, ou des Espagnols ou encore des responsables d'organisations
qui luttent contre l'exclusion ou le racisme, parfois aussi des artistes de la
diaspora ou des membres d'une diaspora qui ont vécu une époque
difficile dans leur pays ce qui les a fait fuir ou immigrer en France. Pendant
tous les échanges les stéréotypes de la diaspora,
utilisant, les marqueurs de l'hybridité, des couleurs, et des
identités (comme Maghrébins, Mauritaniens,
Sénégalais) sont présentés. Nous entendons comme
auditeurs les témoignages de l'identité vécue par les
membres de la diaspora, les tensions, les défis et les réactions
que ces identités provoquent.
En diffusant les émissions sur les diasporas diverses
RKS réussit à fondre les stéréotypes existants de
diverses diasporas. Ce qui facilite cette fusion sont non seulement les voix
diverses avec les accents différents qui parlent de leur travail , leurs
situations et leurs points de vue différents, mais aussi les paroles
qu'il s'agisse des préjugés et défis que les diasporas
diverses expérimentent en Isère. Les voix peuvent être
celles des animateurs ou les voix des invités. Ces derniers sont souvent
influencés par leur enfance dans leur pays d'origine ou
leurs séjours à l'étranger ils expriment
leur point de vue par rapport à cette expérience. En plus de ces
émissions, Radio Kaléidoscope évoque les cultures
différentes des pays à travers les musiques diverses du monde
ainsi que les contes et les récits dans les émissions
«Amalgame », et « Moulin à
Palabres».
La diaspora de l'Amérique Latine à un statut
particulier, des émissions qui abordent les thèmes politiques
touchant les événements de leurs pays, permettent aux membres de
cette diaspora de garder le lien avec leur pays d'origine. Egalement la nuit
nous entendons des pièces de théâtre en espagnol.
En revanche, au niveau radiophonique RKS, nous présente
une diversité sonore par les musiques représentant les
différentes cultures qu'elle joue. RKS réussit à bien
capter l'attention de l'auditeur par les courts morceaux des fictions qui sont
lus par une voix féminine pendant la diffusion de la musique. Quelques
morceaux fictifs sont intitulés « Le médecin
idéal », « Entièrement erroné
», « carrière tardive », « la plus
belle chose du monde », « Au guichet d'autoroute »
etc. Ces morceaux fictifs ne dépassent pas plus de 60 ou 90 secondes et
ils sont introspectifs, fantastiques, anecdotiques, ou décrivant une
situation quotidienne. Ils sont suivis par une chanson ou musique qui
s'accordent bien avec l'humeur générée par le morceau
fictif. Donc, pendant un cycle de 24 heures l'auditeur entend une
diversité de musiques du monde ainsi que des morceaux de fiction.
Donc, je trouve que Radio Kaléidoscope comme son nom
l'indique représente une diversité sonore autant que culturelle.
En effet, c'est la diversité sonore qui facilite la diversité
culturelle, lors de chaque émission sur une diaspora nous entendons leur
musique, leur parole et aussi l'accent et le rythme de parole de
l'invité(e). Cette diversité est intensifiée par les
chansons des pays différents que nous écoutons toute la
journée avec les petits morceaux fictifs. Ces caractéristiques
rendent cette radio très intéressante et unique.
Conclusion
« La radio offre un territoire magnifique au
déploiement de l'imaginaire... » écrit Laure Adler en
200497. L'histoire de la radio en est une preuve. Depuis son
invention par Marconi en 1895, la radio fut utilisée comme une arme de
guerre utilisant l'imaginaire. Pendant les années 30 Hitler employa la
radio pour créer une atmosphère antisémite, pour diffuser
les préjugés et les sentiments de haine contre les juifs en
Allemagne en lançant des discours enflammés contre cette
diaspora. Si la radio comme moyen de communication a été un
véhicule de peur et haine pendant l'ère nazie, elle servit aussi
de moyen pour évoquer le patriotisme et les sentiments
d'héroïsme chez les anglais. En même temps des stations
noires anglaises et allemandes furent déployées pour
générer des fausses nouvelles et répandre des idées
contradictoires. Cette époque a aussi témoigné de
l'émergence de l'art de la radio. Donc, la radio fut employée par
ceux qui la contrôlaient pour populariser des idées ou des notions
de la manière qui leur a paru la meilleure. Bref, la radio fut le
véhicule d'imagination des puissants.
En France, le mouvement des radios libres pendant les
années 80 a fait que le public avait plus de contrôle sur ce moyen
de communication. Les trois radios étudiées dans ce
mémoire, Radio Kol Hachalom (RKH), Beur FM et Radio Kaléidoscope
(RKS), ont émergé pendant cette période.
Apres avoir étudie les diffusions diverses de la RKH
comme les journaux et les émissions religieuses j'en ai conclu que les
fréquences des journaux dans cette radio la rendent «
impérialiste ». En revanche je me suis demandée : Est-ce que
cette radio reflète vraiment les sentiments de la diaspora juive ?
Est-ce que
97 Nouvelles de Beaumarchais Actualités N°6
Janvier - Juillet 2004. Disponible sur
http://www.beaumarchais.asso.fr/nouvelles/doc/nouvelles6.pdf
les jeunes juifs suivent la même ligne de pensée ?
Chercher les réponses à ces questions est hors de sujet de ce
mémoire.
En outre, bien que cette radio essaie de tracer l'histoire de
la diaspora juive à travers les siècles il s'agit d'une
hybridité ancienne et non moderne. Donc, ce facteur fait que cette radio
qui représente la première et la plus importante diaspora du
monde est réduite au communautarisme, ce qui est une définition
limitée de la diaspora, basée plutôt sur les craintes et
les inquiétudes qu'un peuple porte en lui lors qu'il quitte son
territoire propre. Ces faits ainsi que l'analyse de quelques extraits de
discours sur RKH me fait conclure que cette radio est le support du
sionisme.
En expliquant le terme « democratie »
l'Encyclopédia Universalis dit que « La democratie est une
valeur qui n'est pas seulement une formule d'organisation politique ou une
modalité d'aménagement de rapports. Elle est l'inaliénable
vocation des hommes à prendre en charge leur destin, tant individuel que
collectif» Si la RKH a recréé un territoire
impérialiste sur les ondes par la fréquence de diffusions des
journaux, on peut dire que le territoire recréé par Beur FM, la
radio qui représente la diaspora maghrébine porte les valeurs
« démocratiques ».
Les émissions basées sur les paroles des
anonymes, les discussions qui évoluent autour de points de vues
exprimés pendant des émissions non seulement donnent à ce
territoire maghrébin sur les ondes une structure d'houma
radiophonique il facilite aussi la diffusion de la voix et des sentiments
individuels, faisant partie de la collectivité maghrébine sur les
ondes. Et le fait que les anonymes parlent sans être censurés ou
arrêtés par les animateurs renforce ce qualificatif de Beur FM
comme radio démocratique.
Cependant, c'est Radio Kaléidoscope qui tente de
comprendre l'hybridité et la
mixité de la diaspora de toutes les manières
possibles. L'extrait affiché dans ce mémoire en est une preuve.
Toutes les émissions de Radio Kaléidoscope essaient de mieux
comprendre les diasporas, leurs histoires, leurs parcours, leurs
inquiétudes et leur insertion dans la société
française. Comme son nom l'indique Radio Kaléidoscope
réussit à présenter les diasporas diverses non seulement
en Isère mais aussi en France. Comme Radio Kaléidoscope est un
des créateurs des émissions pour l'EPRA nous entendons presque
chaque jour un entretien ou une émission sur des diasporas d'une autre
région de France. En plus, pendant un cycle de 24 heures nous entendons
parler en plusieurs langues : 3, 4 voire plus. Alors que la plupart des
émissions de cette radio sont en français, l'Espagnol est la
langue des émissions diffusées à 11 heure du lundi au
vendredi; nous entendons des chansons en anglais pendant la diffusion
d'émission sur les musiques américaines et pendant les
émissions Tam-Tam d'Afrique et Sur les Rives de Fleuves
Congo nous entendons des chansons dans des langues africaines.
Mais au niveau des présentations radiophoniques il
reste beaucoup de choses à améliorer sur Radio
Kaléidoscope. Tantôt l'auditeur entend annoncer des
émissions qui ne sont pas ensuite diffusées. Tantôt
l'émission ne commence pas à l'heure. La répétition
des chansons sont un défaut qui touche non seulement RKS mais aussi RKH,
en entendant ces deux radios nous avons l'impression que les animateurs ne
changent pas les chansons pendant plusieurs mois.
Au contraire, nous entendons de la musique vivante du Maghreb
sur Beur FM. Cependant, le rythme et la fréquence de diffusion de cette
musique donne à cette radio un caractère bruyant et agressif.
Cette importance donnée à la musique fait que la radio ne donne
pas assez d'attention aux actualités qui proviennent du monde arabe. Ces
actualités bien qu'elles soient présentées pendant les
flashes, qui sont eux-mêmes éclipsés par cette musique
forte, ne sont pas développées pendant la journée.
L'émission Forum Débat sur Beur
FM préfère donner plus d'importance aux vies et
à la politique des maghrébins en France plutôt qu'au
Maghreb. Il n'en est pas de même pour Radio Kol Hachalom, qui tente de
présenter la politique et l'économie d'Israël dans des
émissions comme Israël Start Up et pour Radio
Kaléidoscope qui présente et discute les themes politiques
d'Amérique Latine.
Allen S Weiss dans son livre Experimental Sound and
Radio (2001), constate la diversité de la radio :
Il n'y a pas une seule identité qui constitue
« la radio », plutôt il existe une multitude de radios. La
radiophonie est un domaine hétérogène au niveau de ses
appareils, de ses pratiques, de ses formes et de ses utopies...
Une esquisse, brève et nécessairement
incomplète va nous rendre compte de quelques tendances qui ne sont pas
principales et nous donner une idée de sa diversité. F. T
Marinetti - imagination sans fil et la radio futuriste - Velimir Khlebnikov-
utopie révolutionnaire et la fusion de l'humanité ; Leon Trotsky
- Radio révolutionnaire ; Dziga Vertov - agit-prop et la «L' oeil
de la radio » ; Upton Sinclair- télépathie et la radio
mentale ; Bertolt Brecht - radio interactive et communication publique ; Rudolf
Arnheim- spécificité radiophonique et critique de l'imagination
visuelle ; les radios narratives labyrinthiques de Hörspiel ; Coupes et
destruction de la communication de William Boroughs ; Glenn Gould
--perfectionnisme du studio et «radio contrapuntique » ; Marshall
Mcluhan - l'extension du système nerveux central ; la diversité
des radios communautaires ; radios libres, radios guérillas ; radio
pirate ; radio radicale....
Ainsi, chaque « radio » détermine un monde
idéal, bien que quelques uns de ces domaines abordent explicitement les
themes d'utopie et de dystopie~98
98 Allen S Weiss: Radio Icons, Short Circuits, Deep
Schisms dans Experimental Sound and Radio; Massachusetts Institute of
Technology Press: 2001. Disponible sur
www.books.google.fr.
Dans le contexte de cette observation nous pouvons conclure
que les trois radios locales grenobloises en contribuant à la
diversité radiophonique au niveau sonore et variétés des
émissions aussi représentent l'utopie comme imaginée par
leurs créateurs. Alors que RKH construit son monde idéal du
sionisme sur les ondes, Beur FM reconstruit son houma comme
imaginée et mémorisée par les créateurs de cette
radio et Radio Kaléidoscope récrée sur les ondes la France
idéale et actuelle où se mêlent les diffóentes
identités mondiales avec leurs singularités.
Fin
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