La fraude à la TVA( Télécharger le fichier original )par Nicolas Mathe Université Toulouse 1 Capitole - Master 2 droit fondamental des affaires 2011 |
Section 2 : Une solution plus ambitieuse : la modification des principes du système actuel170. Cependant ces mesures renforçant la coopération des Etats membres semble avoir une incidence limitée puisque la fraude Carrousel continue de sévir. Et si à l'heure actuelle, continuer de renforcer le régime actuel de TVA semble la seule solution envisageables, il apparait qu'à long terme la modification des principes du systèmes actuel soit l'issue la plus efficace en matière de lutte contre la fraude à la TVA. Car même si à presque 60 ans la TVA est encore relativement jeune, le système de cette taxe doit aujourd'hui s'adapter, voire se transformer, pour faire face à son environnement et rester un impôt efficace. La TVA arrive ainsi à un tournant de sa vie et de nombreux auteurs s'interrogent sur son évolution future245(*), ou vont même jusqu'à parler de « crise » de la TVA246(*). C'est pourquoi la modification en profondeur des principes de la TVA apparait comme une réponse envisageable afin de lutter efficacement contre la fraude. Dès lors, deux solutions semblent s'offrir aux Etats afin de faire face à la fraude Carrousel : modifier certains points stratégiques en développant notamment l'autoliquidation (Paragraphe 1). Ou bien, envisager une refonte totale du régime actuel de TVA, et envisager le régime définitif prévu par les traités (Paragraphe 2). La commission a bien cerné l'importance du problème puisqu'elle a pris l'initiative d'inviter toutes les personnes intéressées à soumettre leurs contributions en réponse aux questions soulevées, dans le "Livre vert sur l'avenir de la TVA - vers un système de TVA plus simple, plus robuste et plus efficace"247(*) Paragraphe 1 : La remise en cause de certains principes de la TVA171. La construction de la TVA communautaire semble, évoluer vers l'idée que la modernisation et la consolidation le régime transitoire, apparait comme une alternative plus intéressante que l'adoption du régime définitif de TVA. L'Europe se doit de fournir à ses Etats membres les outils indispensables afin de coopérer plus étroitement et échanger plus rapidement les informations. Ainsi, même si le principe des paiements fractionnés en régime intérieur est une règle essentielle de la taxe sur la valeur ajoutée. Cependant sa remise en cause par le développement de l'autoliquidation est peut être une solution face à la fraude (A). De même l'idée de lier la déduction de la TVA au paiement de la taxe ou à son reversement à l'administration fiscale par le fournisseur est une solution possible (B). Par ailleurs la simplification de l'impôt est probablement un début de réponse à la fraude (C). A> Le développement annoncé de l'autoliquidation en régime intérieur172. Une théorie préconise le développement de l'autoliquidation en régime intérieur afin d'améliorer le régime actuel de TVA. Cette idée revient à suspendre le paiement de la taxe pour les opérations intérieures entre assujettis. Certains Etats membres plaident ainsi pour la mise en place du mécanisme de l'autoliquidation en régime intérieur248(*). C'est notamment le cas de l'Allemagne249(*) et de l'Autriche250(*). Ces deux pays ont ici avancés le souhait d'appliquer le mécanisme de l'autoliquidation aux opérations internes lorsque le montant de la facture est supérieur à un certain seuil251(*). L'intérêt est de mettre fin aux paiements de la TVA pour les opérations internes entre assujettis, et ainsi limiter les risques de fraudes. Cependant une telle solution souffre de nombreux inconvénients car le principe des paiements fractionnés qu'elle remet en cause est lui même une garantie contre la fraude. Ainsi, la mise en place du mécanisme de l'autoliquidation devrait nécessairement s'accompagner d'une procédure de contrôle renforcée et plus couteuse pour les Etats. C'est pourquoi l'idée d'un compromis semble aujourd'hui la solution la plus adaptée si l'on souhaite améliorer le régime actuellement en vigueur. Il consiste à mettre fin au paiement de la TVA pour seulement certaines opérations ciblées. Cette proposition a par ailleurs reçu plusieurs consécrations par la Commission, et s'applique dans certains Etats membres pour certains biens sensibles à la fraude. 1- La suspension du paiement de la TVA pour toutes les opérations intérieures entre assujettis173. Puisque le bénéfice de la fraude Carrousel réside dans le non paiement par l'opérateur défaillant, de la TVA qui a été intégralement déduite par son client et complice, la suspension du paiement de la TVA pour toutes les opérations internes entre assujettis est une issue envisageable afin d'améliorer le régime actuel de TVA. Cette suggestion apparait en effet comme une solution face à la fraude, puisqu'elle signale la fin du mécanisme de déduction de la TVA252(*). Elle se traduit nécessairement par la mise en place d'un régime d'exonération des opérations internes entre assujettis, ou par l'application d'un mécanisme d'autoliquidation. Dans ce dernier cas, l'idée est que l'acquéreur déclare et acquitte lui-même la taxe, tout en déduisant simultanément la TVA ayant grevée ses achats. 174. Cependant, cette proposition est loin d'être idéale, dans la mesure où le principe des paiements fractionnés est ici remis en cause253(*). En effet, la remise en cause de ce principe des paiements fractionnés est paradoxale car celui-ci limite les possibilités de fraudes. En effet, il incite les contribuables à se surveiller mutuellement afin de garder le bénéfice du droit à déduction254(*). Il agit ainsi comme une garantie du système de TVA puisqu'il assure en partie sons autocontrôle. Par ailleurs le mécanisme des paiements fractionnés modère les incidences d'une éventuelle fraude puisque la responsabilité de la perception de la taxe est répartie sur l'ensemble des opérateurs prenant part au circuit de vente. 175. En revanche, cette nouvelle règle de l'autoliquidation généralisée suppose que l'ensemble de l'impôt soit collecté par une seule et même personne, en l'occurrence le détaillant. Une telle disposition ouvrirait donc de nouvelles possibilités de fraude, et conduirait à la mise en place de moyens de contrôles plus importants et très couteux pour l'administration fiscale. Enfin, cette solution infligerait de lourdes charges administratives pour les entreprises car toutes les opérations en régime intérieures devraient être déclarées à l'administration fiscale et les opérateurs devraient vérifier la qualité d'assujetti de leur client255(*). 176. La Commission a toujours refusé la mise en place du système d'autoliquidation généralisée. Néanmoins, il serait peut-être opportun d'envisager l'expérience dans un Etat membre le souhaitant (Allemagne, Autriche ?) et pour une période donnée. Cet essai permettrait d'analyser concrètement les conséquences d'une telle solution sur le long terme dans le cadre de la lutte contre la fraude à la TVA, et de savoir si les faiblesses de l'autoliquidation sont surmontables. * 245 A. Charlet et J. Owens, « une perspective internationales sur la TVA », Dr. Fiscal. 2010, n°39, Et. 499 ; R. Walter, « Bientôt une autre TVA ? », Nouv. fisc., 1er mai 2011, n° 1067. * 246 R. Walter, « La fin des paiements fractionnés ? », Nouv. fisc., 15 juillet 2010, n° 1050 * 247 1.12.2010COM(2010) 695 final du 1er décembre 2010, « Livre vert sur l'avenir de la TVA : Vers un système de TVA plus simple, plus robuste et plus efficace ». * 248 R. Walter, « Fraude Carrousel : une nécessaire adaptation du régime de la TVA ? », Nouv. fisc., 15 novembre 2006, n° 968. * 249 L'Allemagne estime à 2 % la perte de recette de la TVA due à la fraude Carrousel. * 250 Pour sa part l'Autriche avance un chiffre de 4.4 % de perte de recette de TVA due à la fraude Carrousel. * 251 Ainsi, l'Autriche proposait d'appliquer le mécanisme de l'autoliquidation lorsque le montant de la facture est supérieur à 10 000 Euros. Quant à l'Allemagne elle souhaitait fixer le seuil de la facture à partir duquel l'autoliquidation s'appliquerait à 5 000 Euros. * 252 R. Walter, « Fraude Carrousel : une nécessaire adaptation du régime de la TVA ? », Nouv. fisc. 15 novembre 2006, n° 968. * 253 R. Walter, « La fin des paiements fractionnés ? », Nouv. fisc. 15 juillet 2010, n° 1050. * 254 Car la taxe d'amont ne peut être déduite par un opérateur que si son fournisseur lui procure une facture en bonne et due forme. * 255 COM. (2004/260) final. Rapport de la commission des Communautés européennes du 16 avril 2004 sur le recours aux mécanismes de la coopération administrative dans la lutte contre la fraude à la TVA. |
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