La fraude à la TVA( Télécharger le fichier original )par Nicolas Mathe Université Toulouse 1 Capitole - Master 2 droit fondamental des affaires 2011 |
Chapitre 2 : L'adoption d'une stratégie européenne commune152. Ce dispositif interne de lutte contre la fraude à la TVA montre rapidement ses limites quand il s'agit de combattre les montages illégaux de grandes échelles. Ces fraudes s'organisent souvent de façon transfrontalière. La fraude Carrousel est en effet très difficile à détecter si l'administration fiscale française agit isolément. La mise en place d'une stratégie européenne commune et coordonnée apparait ainsi comme la solution la plus pertinente pour compléter et appuyer le dispositif de lutte contre la fraude. Cette stratégie européenne passe par le renforcement de la coopération administrative des différents Etats membres. En mai 2006 la Commission éclairait les pays européens sur l'intérêt d'une stratégie commune de lutte contre la fraude fiscale, avec notamment une priorité accordée à la fraude à la TVA223(*). Dès lors s'est ouvert un débat sur les mesures les plus aptes à éteindre la fraude : soit adopter une ligne de conduite plus « conventionnelle » consistant à améliorer le régime actuel de TVA Soit admettre une solution ambitieuse et accepter ainsi de modifier les principes du système actuel, ce qui pourrait aboutir à l'adoption du régime définitif. Cependant la Commission souhaite avant tout rester prudente. Ainsi, elle souligne que « le manque de donnée empirique224(*) », et surtout « la nécessité de préserver les budgets nationaux de nouveaux types de fraudes225(*) » oblige à une certaine précaution quand il s'agit de proposer des modifications aux systèmes de TVA en vigueur. Chacune des deux hypothèses offrent des solutions intéressantes. Actuellement, il semble que le contexte tant juridique qu'économique soit un frein important à l'adoption des mesures qualifiées d' « ambitieuses ». Il semble que l'amélioration du régime transitoire soit l'issue la plus probable à court terme (Section 1). Mais certaines proposition plus ambitieuses visant à modifier certains principes actuels peuvent s'avérer intéressantes et efficaces, c'est pourquoi il faut les étudier (Section 2). Section 1 : L'amélioration du régime en vigueur153. L'objectif est de renforcer peu à peu la capacité des administrations fiscales à détecter et à empêcher la fraude à la TVA par un recours à l'assistance mutuelle. Cependant la tache peut paraitre ardue car la fraude n'est pas perçue ni défini de la même manière dans les différents Etats membres. Par ailleurs, les législations anti-fraude ne sont pas harmonisées. 154. Il apparait évident que la lutte contre la fraude à la TVA passe par une « collaboration étroite 226(*)» des administrations de chaque Etat membre. La coopération administrative dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée est donc un outil indispensable pour les Etats afin de détecter et de contrarier la fraude à la TVA (Paragraphe 1). Elle est encadrée par le règlement Conseil du 7 octobre 2003227(*). Ce règlement a été modifié a plusieurs reprise est de façon substantielle ce qui montre que la commission a pris conscience qu'il fallait renforcer la coopération administrative des Etats membres «pour contrer le phénomène de la fraude Carrousel228(*) ». Ainsi en 2006, elle a lancé une réflexion en vue d'élaborer une stratégie coordonnée de lutte contre la fraude fiscale229(*). En 2008, l'institution confirmée la nécessité « d'une stratégie de lutte contre la fraude dans l'Union européenne 230(*)». Le plan d'action met ainsi en avant l'intérêt d'une coopération administrative efficace en vue de prévenir et détecter la fraude à la TVA. 155. Le 11 décembre 2007, le Parlement européen et le Conseil ont établi un programme communautaire pour améliorer le fonctionnement des systèmes fiscaux dans le marché intérieur231(*). Il s'agit du programme Fiscalis. Ainsi, la stratégie européenne consiste aussi à développer des mesures préventive destinées à empêcher la fraude (section 2). Paragraphe 1 : Le renforcement de la coopération administrative entre les Etats membres156. La coopération administrative est aujourd'hui un instrument essentiel dans la lutte contre la fraude à la TVA. Les Etats membres ne peuvent pas combattre les fraudes transfrontalières isolément232(*). L'extension et la consolidation du cadre juridique existant pour l'échange d'information et la coopération entre les autorités fiscales est issue d'un règlement entrée en vigueur le 1er janvier 2004. Il s'inscrit dans une stratégie européenne commune pour faire face au défi de la fraude Carrousel. Il s'agit essentiellement de renforcer la coopération entre Etats membres pour l'échange automatique d'informations essentielles en réduisant les délais de transmission des informations entre les administrations fiscales (A). Le renforcement de la coopération administratives des Etats membres est concrétisé par la création d'un réseau européen « Eurofisc » (B). Celui-ci offrir un mécanisme multilatéral d'alerte précoce dans le cadre de la lutte contre la fraude à la TVA comprenant une analyse stratégique des risques communs. Enfin un certain nombre de mesures européennes visent à améliorer la perception et le recouvrement de la taxe (C). 157. Le renforcement de la capacité des administrations fiscales des différents Etats membres à détecter les montages illégaux nécessite un système d'échange d'informations relatives aux transactions communautaires. Ce système pour être efficace doit permettre aux Etats de détecter la fraude le plus rapidement possible. A> L'échange d'informations relatives aux transactions communautaires158. La suppression des contrôles aux frontières en 1993 exige une coopération irréprochable entre les Etats membres. Depuis cet évènement il est en effet impossible pour un pays d'agir isolément en vue de collecter les informations nécessaires pour surveiller les flux de marchandises entrant dans son territoire. Ainsi pour être en mesure de contrôler efficacement la TVA, il apparait nécessaire pour les administrations fiscales de se procurer les informations pertinentes auprès des autre Etats membres. 159. C'est pourquoi il a été mis en place un système d'échange d'informations relatives aux transactions communautaires. Les Etats membres collectent et échanges les informations pertinentes concernant les opérations transfrontalières. Ce système rend ainsi plus efficace les contrôles de TVA dans les livraisons intracommunautaires de marchandises. 160. Cependant, en 2008, la Commission soulignait que le système d'échange d'information sur les livraisons intracommunautaires de biens en vigueur était insuffisant233(*). Ainsi, depuis le 1er janvier 2010, il est prévu que les Etats membres collectent et échanges les informations relatives aux opérations communautaires dans le délai d'un mois après la réalisation de la transaction234(*). Auparavant, le délai entre le moment où une opération avait lieu et le moment où l'information était mise à disposition de l'État membre de l'acquéreur était compris entre trois et six mois. La mesure envisagée est équilibrée, puisqu'elle permet de gagner trois mois en moyenne pour la disponibilité des données et impose une charge minime aux entreprises. 161. L'objectif affiché est d'accélérer la collecte et l'échange d'information relatives aux opérations intracommunautaires afin de permettre aux Etats membres de détecter très rapidement les fraudes et de mettre en oeuvre des mesures dans un délai très bref, le tout sans imposer de charges administratives trop lourdes aux différents opérateurs économiques235(*). Par ailleurs cette mesure est très peu couteuse pour les entreprises concernées selon une étude de la Commission236(*). Cette mesure s'inscrit dans une stratégie globale d'amélioration de l'efficacité des administrations fiscales. * 223 * 224 22.02.2008 (COM(2008b)) du 22 février 2008, Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen relative à des mesures modifiant le système de TVA pour lutter contre la fraude. * 225 22.02.2008 COM(2008b) du 22 février 2008, ibidem. * 226 Règl. (UE) n° 904/2010 du Conseil du 7 octobre 2010, concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée. * 227 Règl. n° 1798/2003 du Conseil du 7 octobre 2003 * 228 R. Walter, « Fraude Carrousel : la TVA et le mythe de Sisyphe », Nouv. fisc., 1er octobre 2009, n° 1031. * 229 Comm. n° IP/06/697, 31 mai 2006 : La communication évoquait alors le lancement d'un « débat approfondi au niveau de l'Union européenne sur la nécessité d'une approche coordonnée dans la lutte contre la fraude fiscale sur le marché intérieure. » * 230 Comm. n°IP/08/1846, 1er décembre 2008 * 231 Décision n° 1482/2007/CE, 11 décembre 2007. * 232 COM ((2009) 427 final). Proposition de refonte du règl. concernant la coopération administrative * 233 17.03.2008 COM ((2008) 147 final), Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires ; 17.03.2008 COM ((2008) 147 final), Proposition de règl. du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1798/2003 en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires. * 234 Règl. Cons., n° 37/2008/CE du 16 décembre 2008, modifiant Règl. Cons. CE n° 1798/2003 concernant la coopération administrative dans le domaine de la TVA afin de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires. * 235 G. Legrand, « TVA intracommunautaire : lutte contre la fraude organisée et assujetti de bonne foi », Nouv. fisc. 15 octobre 2008, n°1010. * 236 17.03.2008 COM ((2008) 147 final), Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires ; 17.03.2008 COM ((2008) 147 final), Proposition de règl. du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1798/2003 en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires. |
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