MINISTERE DES ENSEIGNEMENTS SECONDAIRE ET
BURKINA FASO
SUPERIEUR
********
************
UNITE - PROGRES -
JUSTICE
UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE EN
SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES
************
SCIENCES ET POLITIQUES INSTITUTIONNELLES AU BURKINA
FASO : élaboration et réformes de la constitution de la IVe
République.
T H E M E
:
Mémoire présenté et soutenu publiquement
par :
G. Jean Luc ZONGO
Pour l'obtention du diplôme de D.E.A Droit public Option
Science Politique
Sous la direction du :
M Augustin Marie Gervais LOADA,
Pr. Titulaire de Droit public et de Science
Politique
ANNEE 2008-2011
DEDICACE
Au Révérend Père Pierre BENE,
À Anne Marie BENE,
À tous ceux dont l'amour et l'amitié ont
nourri
Le courage de ce labeur,
Au Peuple Burkinabé tout entier,
Dans l'espoir que « 2025 » soit un
rendez-vous avec la terre promise.
REMERCIEMENTS
Nos remerciements vont à tous ceux qui nous ont
été d'une aide quelconque dans la réalisation de ce
travail.
Merci à Anne Marie BENE et au Révérend
Père Pierre BENE ;
Merci à Halidou OUÉDRAOGO président
d'honneur du MBDHP ;
Merci à M. Philippe OUÉDRAOGO, président
du PAI ;
Merci à Mgr Paul OUÉDRAOGO, archevêque de
Bobo ;
Merci à M. Jacob OUÉDRAOGO, président de
la CAGIDH (2010) ;
Merci à Mme LIEHOUN Mariam, chargée de Programme
du GERDDES ;
Merci à Ali SANOU, secrétaire
général du MBDHP ;
Merci aux animateurs du site Web
http://classiques.uqac.ca/classiques/
dans lequel nous avons trouvé les sources nécessaires à la
conduite de cette réflexion ;
Nos remerciements vont tout particulièrement au Pr
Augustin Marie Gervais LOADA dont les conseils nous ont permis
d'améliorer au mieux ce travail.
A V E R T I S S E M E N T
« L'Unité de Formation et de Recherche en
Sciences Juridique et Politique de l'Université Ouaga II n'entend donner
ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les
mémoires qui doivent être considérées comme propres
à leurs auteurs ».
SIGLES ET ABRÉVIATIONS
ACAT Action des
Chrétiens pour l'Abolition de la
Torture
ADP
Assemblée des Députés du
Peuple
AFJB
Association des Femmes Juristes du
Burkina
AJB
Association des Journalistes du
Burkina
CAGIDH Commission des
Affaires Générales,
Institutionnelles et des Droits de
l'Homme
CAO Centre
Africa Obota
CAPES Centre
d'Analyse des Politiques
Économiques et Sociales
CDP
Congrès pour la Démocratie et
le Progrès
CES Conseil
Économique et Social
CGD Centre
pour la Gouvernance Démocratique
CIRDI Centre de
Recherche pour le Développement
International
Club UNESCO Organisation des
Nations Unies pour
l'Éducation, la Science et la
Culture
CNPP/PSD Convention
Nationale des Patriotes
Progressistes/Parti
Social-Démocratique
CODMPPO Collectif des
Organisations Démocratiques de
Masses et de Partis
Politiques
CREDA Centre de
Recherche et d'Études sur la
Démocratie en Afrique
FOCAL Forum des
Citoyennes et Citoyens de
l'Alternance
GERDDES Groupe
d'Études et de Recherche sur la
Démocratie et le Développement
Économique et Social
IDEA Institut
International pour la Démocratie et
l'Assistance Électorale
INSD Institut
National de la Statique et la
Démographie
ISSP Institut
Supérieur des Sciences de la
Population
LDLP Ligue pour la
Défense des Libertés
Publiques
MAEP Mécanisme
Africain d'Évaluation par les
Paires
MBDHP Mouvement
Burkinabé des Droits de
l'Homme et des Peuples
MDP Mouvement des
Démocrates Progressistes
NDHB Nouveaux
Droits de l'Homme au
Burkina
ODP/MT Organisation pour la
Démocratie et le
Progrès/Mouvement du
Travail
PAI Parti Africain de
l'Indépendance;
PAI Parti Africain pour
l'Indépendance
PARIS Parti
Républicain pour l'Intégration
et la Solidarité;
PEDB Parti
Écologiste pour le
Développement du Burkina;
PNR/JV Parti
National
Républicain/Juste
Voie;
PNUD Programme des
Nation Unies pour le
Développement
PSP Parti
Socialiste Paysan,
Développement
RDEBF Rassemblement des
Écologistes du Burkina
Faso;
SEP Société
des Éditeurs de Presse
UDD Union pour la
Démocratie et le
Développement
UJAB Union des
Jeunes Avocats du Burkina
UNDD Union
Nationale pour la Démocratie et le
Développement
UPC Union pour le
Progrès et le Changement
TABLE DES MATIÈRES
DEDICACE............................................................................................1
REMERCIEMENTS
.................................................................................2
AVERTISSEMENT
.....................................................................................3
SIGLES ET
ABREVIATIONS......................................................................4
INTRODUCTION..................................................................................11
Section I : Qu'est-ce que les
politiques
institutionnelles ?.................................................16
Section II : Qu'est-ce que les
sciences ?.............................................................................17
Section III : Méthode
.........................................................................................19
PREMIERE PARTIE : LES MODES DE SOCIALISATION
DES SCIENCES DANS LES POLITIQUES
INSTITUTIONNELLES............................................23
CHAPITRE I : DANS LA POLITIQUE CONSTITUTIONNELLE DE
1990..............25
Section I : Les modes étatiques de mobilisation
des savoirs scientifiques.....................25
§1 Les instances
gouvernementales.............................................................26
A) La création d'une commission chargée des
affaires politiques au sein du front
populaire.............................................................................................26
B) Le quotidien Sidwaya comme créneau des intellectuels
organiques ou proches du Front
populaire ............................................................................................27
§2 Les instances autonomes mandatées par le
front populaire...........................30
A) La formule de l'expertise de consensus ou
« expertise instituante » : la
commission constitutionnelle et les assises nationales sur l'avant-projet de
constitution............32
B) Le mélange des formules : l'expertise de
service au sein de la commission constitutionnelle et des assises
nationales....................................................35
Section II : Les modes non-étatiques de
mobilisation des connaissances
scientifiques...............................................................................................................................37
§1 Les comités de réflexion des
associations de la société
civile...........................37
A) Le comité de l'Église
catholique...............................................................38
B) La commission arbitrale du Mouvement Burkinabé des
Droits de l'Homme et des Peuples
(MBDHP)..............................................................................39
§2 Les comités de réflexion des partis
politiques.............................................40
CHAPITRE II : DANS LES POLITIQUES DE RÉVISION DE LA
CONSTITUTION.................................................................................................. ..............42
Section I : L'État et les sciences dans les
politiques réformatrices..............................42
§1 : Les structures ad hoc de production
d'expertise.......................................43
A) L'origine ou les fondements des structures ad hoc intervenues
hors crise............43
B) Les différents types de structures ad hoc
constituées hors crise........................45
1) La Mission d'Analyse d'International IDEA sur la
démocratie au Burkina
Faso ........................................................................................46
2) Le Mécanisme africain d'évaluation par les pairs
(MAEP)........................47
3) Le planisme
burkinabé...................................................................48
4) Le conseil consultatif sur les réformes
politiques....................................49
C) Les structures ad hoc constituées en temps de
crises....................................51
1- Le collège de
sages.......................................................................51
2- La commission de concertation sur les réformes
politiques........................52
§2: Les structures permanentes de production
d'expertise................................54
A) Les structures parlementaires
d'expertise....................................................55
1- La Chambre des
Représentants................................................................55
2- Les Commissions parlementaires : la
CAGIDH.............................................56
B) Les structures gouvernementales
d'expertise................................................58
1- Le secrétariat général du gouvernement
................................................58
2- Le ministère chargé des relations avec le
parlement et des réformes
politiques.....................................................................................59
Section II : Production et socialisation militante des
savoirs scientifiques....................60
§1 : L'engagement
intellectuel...................................................................60
A) Typologie de l'engagement politique des
intellectuels.....................................61
B) L'intellectuel spécifique Burkinabé
..........................................................63
C) L'intellectuel collectif
burkinabé..............................................................66
§2: Les associations de défense de la
démocratie.............................................68
A) Les associations de la société
civile.........................................................69
1) Les associations
agissantes...............................................................69
2) Les associations pensantes : les think tanks de la
démocratie........................72
a) Le
GERDDES...........................................................................72
b) Le
CGD...................................................................................73
B) Les partis
politiques............................................................................74
DEUXIEME PARTIE : L'IMPORTANCE ET LA NATURE DES
ECHANGES ENTRE SAVOIRS, SAVANTS ET POUVOIR POLITIQUE DANS LES POLITIQUES
INSTITUTIONNELLES..............................................................................76
CHAPITRE I : LA MESURE DU DEGRÉ DE
RÉCEPTIVITÉ DES DÉCIDEURS
POLITIQUES.............................................................................................78
Section I : La politique constitutionnelle de 1990 face
aux savoirs mobilisés................78
§1 : Le projet de constitution du Front
populaire dans son essence : les stigmates de l'esprit
totalitaire........................................................................................79
§2 : Le projet de constitution à l'issue
du processus constitutionnel : les empreintes cognitives des associations
non-membres du Front populaire.................................80
§3 : Le miracle de la constitution
démocratique formelle..................................81
Section II : Les politiques de révision de la
constitution de 1991 face aux savoirs
mobilisés...............................................................................................................83
§1 : Les propositions de réformes
constitutionnelles sous la quatrième
République................................................................................................84
A) Les recommandations des instances externes mandatées
pour la mobilisation des
savoirs................................................................................................84
1) Le rapport d'International
IDEA........................................................85
2) Le collège de
sages.......................................................................87
3) La commission chargée des réformes
politiques.....................................88
4) L'apport du planisme
burkinabé........................................................89
5) Le mécanisme africain d'évaluation par les pairs
(MAEP).........................90
6) Le conseil consultatif sur les réformes
politiques....................................91
B) Les recommandations des acteurs du militantisme
démocratique...........................91
1) L'engagement
intellectuel...............................................................91
2) Les associations
...........................................................................93
3) Les think tanks : le cas du
CGD.........................................................95
§2 : Réformes et
recommandations.............................................................98
A) Propositions de réformes et réformes
effectuées..........................................98
1) La réforme constitutionnelle de
1997..................................................99
a) Les recommandations de la Chambre des
Représentants.......................99
b) Contenu de la
réforme.............................................................101
c) Par rapport aux avis et propositions
environnants..............................103
2) La réforme constitutionnelle de
2000................................................104
a) Les recommandations de la Chambre des
Représentants......................104
b) Le contenu de la
réforme..........................................................110
c) Par rapport aux avis et propositions
environnants..............................113
3) La réforme constitutionnelle du 22 janvier
2002....................................121
a) Le contenu de la
réforme..........................................................121
b) Par rapport aux avis et propositions
environnants..............................122
4) La réforme constitutionnelle de
2009................................................123
a) Le contenu de la
réforme..........................................................123
b) Par rapport aux avis et propositions
environnants..............................124
B) Propositions de réformes et projets actuels de
réformes...............................124
1) Les projets actuels de
réformes.......................................................125
2) La solde totale réformes/recommandations de 1997
à nos jours..................127
CHAPITRE II : INTERPRÉTATION DES RAPPORTS ENTRE
SCIENCES ET POLITIQUES DANS LE DOMAINE DES POLITIQUES INSTITUTIONNELLES
ÉTUDIÉES...............................................................................................135
Section I : Nature et enjeux des relations entre
scientifiques et décideurs
politiques.............................................................................................................135
§1 : La volonté d'être
au service d'une démocratique
libérale...................135
§2 : La volonté
d'instrumentaliser le recours aux savants et aux savoirs scientifiques à
des fins de
légitimation............................................................138
Section II : Le paradigme
politico-scientifique...................................................142
§1 : La technocratie et le
décisionnisme...............................................143
§2 : Le pragmatisme et le
« tactical
paradigm »....................................147
CONCLUSION....................................................................................151
BIBLIOGRAPHIE.................................................................................159
ANNEXE ...........................................................................................169
« Toute nation qui ne respecte pas ses
chercheurs est vouée à la décadence ».
Roi Albert I, Discours de Seraing, 1927 cité par Michel
Meulders, in M. Meulders, M. Crommelinck, B.Feltz, Pourquoi la science ?
Impacts et limites de la recherche, édition Champ Vallon, 1997, p. 4.
INTRODUCTION
Depuis les célèbres conférences de M.
Weber sur le savant et le politique1(*) le thème des rapports entre sciences et
politiques publiques est progressivement devenu un thème de
prédilection pour des chercheurs d'origines disciplinaires diverses.
Avant eux, certains philosophes de l'Antiquité grecque et des
Lumières du XVIIIe siècle avaient déjà
pensé qu'entre théorie et pratique, sciences et
société, s'instauraient des rapports de cause à
effet ; que les progrès de la science devaient impliquer partout
ceux de la réalité sociale. En témoigne cette indignation
de Voltaire devant le drame de l'affaire Calas : « Et c'est de
nos jours! Et c'est dans un temps où la philosophie a fait tant de
progrès! Et c'est lorsque cent académies écrivent pour
inspirer la douceur des moeurs2(*)», que les Toulousains, qui fêtent
rituellement tous les ans le massacre de quatre mille huguenots,
s'apprêtent à rouer à mort un innocent pour cause de
religion. De façon plus générale, Hobbes affirmait que
« la raison est la marche, le développement de la science est
le chemin, et l'avantage pour l'humanité est le but3(*)». Cette confiance en la
science comme ressource de l'action et du changement social et politique a
débouché, chez Saint-Simon et son secrétaire, A. Comte,
sur une pensée technocratique, où le rôle de direction des
affaires doit être exclusivement confié à ceux qui
possèdent des connaissances techniques4(*). Mais M. Weber comme bien d'autres penseurs ne sont
pas entièrement de cet avis. Pour eux, « la science, peut bien
éclairer le monde, mais elle laisse la nuit dans les coeurs5(*) ». Entre ces deux
extrêmes, on peut retrouver parmi tant d'autres, des penseurs comme Leo
Strauss6(*), Éric
Voegelin7(*), et Jürgen
Habermas8(*) qui appellent
de leurs voeux une science de l'ordre tout en accordant une place importante au
dialogue qui doit prévaloir à la définition des fins
ultimes afin de conserver à la politique sa place dans le gouvernement
de la société. Dans cette perspective, Habermas accorde notamment
sa prédilection à ce qu'il appelle le modèle pragmatique
des rapports entre sciences et politique. Mais ces travaux, plus ou moins
classiques et plus ou moins normatifs, n'ont pas clos le discours scientifique
sur les rapports entre sciences, société et politique. Il se
poursuit encore aujourd'hui dans la sociologie des sciences, l'analyse des
politiques publiques et bien d'autres disciplines relevant des sciences
sociales. Ainsi, les publications qui s'accumulent chaque jour éclairent
davantage la problématique.
Mais pour autant, on ne saurait présumer que, dans ce
domaine9(*), de telles
investigations soient venues à bout de toutes les interrogations dans le
monde entier, à moins de s'engager pour cela dans des extrapolations
excessives qui rappelleront certainement l'archaïque méthode des
scolastiques. « Le travail scientifique consiste à
établir des modèles qui partent d'un point de vue tout en sachant
que ce point de vue est local. L'important est donc de ne pas chercher à
étendre ce point de vue local pour l'appliquer à tout »
nous dit L. Boltanski. En effet, géographiquement et même à
l'intérieur du vaste domaine des politiques publiques, cette
connaissance n'est pas à un même niveau de progrès10(*). Ainsi, si la recherche
axée sur les relations entre sciences et politiques publiques est
incontestablement mieux, sinon bien avancée dans certains pays11(*) et dans certains
domaines12(*), il n'en est
pas de même en ce qui concerne d'autres domaines13(*) et d'autres espaces comme
l'Afrique de l'Ouest et plus particulièrement le Burkina Faso. Un tel
constat ne saurait cependant signifier que la thématique
générale des rapports entre sciences et politiques y soient
absolument la proie de l'ombre. En effet, en 2005, le Centre de Recherches pour
le Développement International (CRDI) a organisé une
conférence internationale les 28 et 29 janvier 2005 à Dakar et
une série de rencontres sous-régionales de réflexion de
2004 à 2007, qui ont donné naissance à deux ouvrages
importants sur cette thématique au cours des années 2007 et
2009 : «The Policy paradox in Africa. Strengthening
Links between Economic Research and Policymaking14(*)» et «Chercheurs et
décideurs d'Afrique. Quelle synergie pour le
développement15(*)?». Si le premier ouvrage a une approche
panafricaine de la question, le second a pris pour champ d'investigation
l'Afrique du centre et de l'Ouest, et a choisi de traiter
particulièrement de l'éducation au niveau du Burkina
Faso16(*). Mais ni le
premier, ni le second, n'ont abordé cette problématique sous
l'angle des politiques institutionnelles.
En décidant d'aborder le thème
« science et politiques institutionnelles », nous affichons
donc l'ambition de contribuer à l'exploration des commerces qui lient
sciences et politiques publiques à travers l'exemple des politiques
institutionnelles que sont « l'élaboration et les
réformes de la constitution de la IVe République
burkinabé ». Si au Burkina Faso, le champ des politiques
institutionnelles n'est pas un terrain vierge de toute investigation, il
convient cependant d'observer que leur rapport avec la science n'a pas
été la préoccupation majeure des chercheurs qui s'y sont
aventurés. Concernant l'élaboration de la constitution de la IVe
République, F. M. Sawadogo en a donné simplement un récit
de témoin oculaire impliqué17(*) , tandis que sur ce binôme
science /action, c'est brièvement qu'A Loada en parle lorsqu'il
fait l'analyse de la genèse du code de l'environnement18(*). Il n'y a guère que le
forum universitaire régional sur « Famille et droits de
l'homme en Afrique de l'ouest francophone », organisé entre le
28 et le 29 février 2008 à l'Université de Ouagadougou
qui a abordé cette question spécifique mais uniquement sous
l'angle du droit de la famille et des droits de l'homme. Encore qu'il
était plus question « de créer un forum de discussions
et débats scientifiques et d'échange sur les aspects
substantiels, méthodologiques et stratégiques liés
à la recherche en matière de famille, droit et droits de l'homme
[...], d'envisager un certain nombre de problèmes généraux
[tels] : quels grands enjeux pour le droit de la famille en Afrique de
l'Ouest ? Quels défis méthodologiques ? Quelle synergie entre
chercheurs et décideurs19(*) ? », que de se pencher exclusivement
et pesamment sur des faits constitutifs des rapports entre chercheurs et
décideurs dans ce type de politiques institutionnelles.
Il s'agit donc pour nous de tourner résolument
et exclusivement les projecteurs sur un pan de ce vaste champ de recherche
resté jusque-là presque dans la pénombre, et de tenter, de
façon inductive, de décrire et de comprendre les relations qui,
à l'occasion de l'élaboration et des réformes de la
constitution de la IVe République, ont lié deux mondes
différents par nature: le monde de la science et le monde de la
politique20(*),
étant entendu que faire des politiques publiques, comme le dit Vincent
Lemieux, c'est encore faire de la politique. Nos préoccupations pivotent
par conséquent autour de trois questions fondamentales : comment le
contact entre science et politique s'est-il opéré dans la
conduite de ces politiques institutionnelles au Burkina Faso? Quelles ont
été alors l'importance et la nature des échanges entre
scientifiques et politiques à l'occasion de ces politiques
institutionnelles ? Quel paradigme politico-intellectuel se dégage
ces relations ?
Ce qu'il faut faire remarquer de prime abord, et quoique cela
puisse paraître comme une pure lapalissade, c'est que la science, le
savoir, la connaissance scientifique, ne sont pas des entités
autonomes, des esprits ou des anges de Dieu qui vont se présenter
d'eux-mêmes à la présidence du Faso, au premier
ministère ou encore à la porte du siège de
l'Assemblée nationale pour dire « Excellence Mr le
Président du Faso, Excellence Mr le premier ministre, honorables
députés, prenez-nous en compte !». Ce serait à
la fois simple, bien et redoutable. Il y a la production du savoir d'un
côté et son appropriation par la société de l'autre.
Il y a les savants d'un côté et la société et ses
gouvernants de l'autre, la théorie d'un côté, la pratique
de l'autre. Le moment de la science et le moment de l'action ne sont pas
toujours synchrones. Et comme l'a dit Luc Boltanski « la logique de
la recherche scientifique n'est pas la logique de la politique21(*) ». Entre les deux
niveaux, il importe donc d'étudier les voies par lesquelles les
éléments du premier niveau passent dans le second niveau,
c'est-à-dire dans le vécu quotidien de la société
politique pour la satisfaction de ses besoins et la résolution de ses
problèmes. La question particulière des rapports entre science et
politiques institutionnelles invite donc essentiellement à se pencher
non seulement sur les modes de socialisation22(*) de la science expérimentés à
l'occasion de la conduite des politiques institutionnelles d'élaboration
et de réformes de la constitution de la IVe République
(Première Partie) mais aussi à s'interroger sur l'importance et
la nature de ses relations d'échange entre savants, sciences et pouvoir
politique à cette même occasion dans une perspective
wébérienne et habermassienne en faisant ressortir, en fin de
compte, le paradigme politico-scientifique (Deuxième Partie). Mais avant
de nous engager dans notre champ d'investigation, il convient de
procéder d'abord à une élucidation terminologique afin de
jeter assez de lumière sur les termes qui constituent notre
thème. « Le langage [...] est le fond universel à
partir duquel se développe toute doctrine, toute théorie, toute
forme de savoir23(*) » et comme le dit Hobbes, puisque la
vérité consiste à ordonner correctement les
dénominations dans nos affirmations, un homme qui cherche l'exacte
vérité doit se souvenir de ce que signifie chaque
dénomination qu'il utilise, et il doit la placer en conséquence,
ou sinon, il se trouvera empêtré dans les mots, comme un oiseau
dans les gluaux, [et] plus il se débattra, plus il sera
englué24(*) ». Cette sagesse nous commande donc de nous
soumettre, au préalable, à cet exercice de définition
afin d'éviter les désagréments que le philosophe promet
à tous ceux qui s'y dérobent.
Section I : Qu'est-ce que les politiques
institutionnelles ?
L'idée d'étudier l'élaboration et les
révisions de la constitution de la IVe République
burkinabé comme des politiques publiques, nous vient de la lecture d'une
contribution de Jean-Louis Quermonne au IVe tome du volumineux Traité de
Science Politique de M. Grawitz et J. Leca traitant des politiques
publiques25(*). La lecture
de cet article révèle que le concept de politique publique
n'avait pas intégré pleinement tout ce qui pouvait être
qualifié de politique publique. En effet, selon Quermonne, ce concept
avait été principalement appliqué à
« deux champs d'intervention du pouvoir : la politique
extérieure et de défense et les politiques économiques,
sociales et culturelles issues de l'État-providence » ;
et de ce fait, elles sont peu, les études qui ont entrepris de
« transposer dans le domaine des institutions politiques,
administratives et juridictionnelles, la problématique des public
policies26(*) ».
Avec la notion de politiques institutionnelles, le concept de politique
publique s'étend donc désormais à ce champ qui avait
été ainsi négligé. Les politiques institutionnelles
désignent par conséquent « les politiques publiques qui
ont pour objet principal la promotion, la transformation ou la
désagrégation d'institutions étatiques ou
sociétales27(*) ». Quermonne distingue ainsi trois types de
politiques institutionnelles :
- les politiques institutionnelles constitutives. Elles
comprennent les politiques constitutionnelles, les politiques administratives
et les politiques jurisprudentielles.
- les politiques institutionnelles réformatrices. Elles
sont constituées par les politiques de révision constitutionnelle
et les politiques de réforme administrative.
- les politiques institutionnelles régulatrices. Elles
se composent quant à elles des politiques électorales et des
politiques statutaires.
La caractéristique fondamentale de ces politiques est
que leur but principal est la création, la restructuration ou
l'abrogation d'institutions étatiques. « Politique
juridique », au sens kelsénien28(*)du terme, est peut-être, dans une certaine
mesure, l'autre nom des politiques institutionnelles. Le livre
rédigé en 2009 sous la direction de Peter Knoepfel29(*) éclaire davantage la
différence entre politiques institutionnelles et autres politiques
publiques en employant les termes « politiques
substantielles » pour désigner ces dernières. Il est
temps de jeter la même lumière sur le terme de
« sciences ».
Section II : Qu'est-ce que les sciences ?
A l'article science, le Littré donne onze (11)
définitions. Ce qui montre à quel point le mot n'est pas
univoque. Mais cette vertigineuse polysémie, embarrassante à
première vue, n'est qu'apparente. Au fond, la plupart de ces
définitions cavalent sur un terme central : la
« connaissance » ou son synonyme le
« savoir ». La variété de ces
définitions semble tenir à ce que le Littré perçoit
plusieurs types de science qui se distinguent aussi bien par l'objet que par le
moyen de connaître ou même par l'auteur de la science. Ainsi,
voit-on tour à tour le mot science signifier « connaissance
qu'on a de quelque chose », « savoir » acquis par
« la lecture et la méditation », et
« science du coeur » comme « connaissance des
sentiments », « science de simple intelligence »,
« de vision », « moyenne » ou
« infuse » pour désigner, en théologie, les
différentes façons dont on croit que Dieu connait, etc. Mais dans
la série des définitions données, une seule nous
séduit définitivement en ce qu'elle rapporte l'acception
généralement entendue aujourd'hui au sujet du mot
« science »: « ensemble, système de
connaissances sur une matière ». A la question
« qu'est-ce que les sciences », on pourra donc
provisoirement dire que c'est « l'ensemble des
connaissances » qui existent pour chaque
« matière » mais uniquement des connaissances
vraies. Il se pose alors un autre problème tenant au fait que nous avons
ajouté le mot « vrai ». Alors, qu'est-ce que le
« vrai » ? Selon Aristote, « dire de l'Être
qu'il est et du Non-Être qu'il n'est pas, c'est le vrai » ou
d'après une autre traduction, « dire que ce-qui-est, est, et que
ce-qui-n'est-pas, n'est pas, est vrai »30(*). Donc les sciences qui se rapportent aux
connaissances vraies sont les sciences dont les énoncés sont en
« accord » avec « ce qui est ». Elles
disposent d'une démarche particulière, d'une méthode qui
leur permet de vérifier dans les faits ce qu'elles énoncent dans
leurs hypothèses. Ce qui caractérise donc les sciences ainsi
entendues, c'est leur méthode. À ce stade de la cogitation, on
aperçoit deux sens au mot science. En premier lieu, la science est une
activité de recherche méthodique. En deuxième lieu, c'est
le savoir que produit une telle activité. D'où la distinction que
Paul de Bruyne établit entre « Forschung »
(recherche) et «Wissenschaft » (savoir). Ainsi, dans le premier
sens, « la science est un mode de production de connaissances dont la
finalité première est d'explorer, de comprendre et d'expliquer
"ce qui est"31(*) ». Selon cet auteur, l'activité
scientifique se distingue des autres modes de connaissances par l'acquisition
d'un « certain type de savoir (théorique) et par
l'élaboration de certaines normes ou procédures d'investigation
du réel (par la logique de la découverte), de validation (logique
de la preuve) et de communication des résultats (logique de
l'exposition)32(*) ». Dans le deuxième sens, c'est
l'ensemble des connaissances ainsi produites dans un domaine donné.
C'est ce dernier sens qui va prévaloir dans ce travail. Un auteur du nom
de A. C. Crombie, a soutenu qu'il y avait six styles de pensée
scientifique : la postulation mathématique, l'exploration
expérimentale, la modélisation hypothétique, la
classification taxinomique, l'analyse statistique, et enfin la
dérivation historico-génétique33(*). Chacun de ces six styles peut
donc produire des connaissances scientifiques.
Si nous avons préféré mettre sciences au
pluriel, c'est afin de marquer que toutes ces manières scientifiques de
penser peuvent être concernées, quoique, en ce qui concerne les
politiques institutionnelles, il y en ait qui soient parfois plus
sollicitées que d'autres. Dans les limbes des institutions, dans leur
laboratoire ou leur usine de fabrique, aucune science n'est ainsi d'office
exclue.
Dans leurs relations avec la société, ces
sciences peuvent prendre la forme de l'expertise, que Céline Granjou
définit comme « comme l'intégration de savoirs
scientifiques dans un processus de décision politique34(*) » ou autre. Dans le
processus de décision politique, elle peut être interne,
c'est-à-dire provenir de structures intégrées à
l'État ou externe, c'est-à-dire d'experts qui lui sont
extérieurs.
Section III : Méthode
La réalisation de ce travail de mémoire s'est
faite en trois étapes.
La première étape a consisté à
peaufiner le thème choisi. Au début, nous avions
passionnément visé gros : « la place des
recherches scientifiques dans les politiques publiques au Burkina
Faso ». Mais, les premiers tâtonnements menés sous ce
thème nous ont permis, au simple contact des brancards, de sonder
d'avance les périmètres et le contenu des coins et recoins du
champ d'investigation d'où il fallait pousser les vérités
au dehors. Le champ était vaste, le contenu imposant, et la battue
risquait d'être infructueuse et inachevée au regard de la
fourchette de temps que, académiquement, on accorde pour la formation en
D.E.A. Il fallait donc se raviser, et à temps. Après moult
réflexions nourries par plusieurs lectures, nous avons finalement
décidé, au regard des recherches déjà menées
par certains auteurs dans certains domaines, de centrer notre
problématique sur les politiques institutionnelles relatives à la
Constitution. La revue de la littérature commencée avec le
thème initial a servi au thème retenu mais il fallait essayer
d'en trouver qui traite directement de la problématique des savoirs
scientifiques et des politiques institutionnelles. Ce qui n'a pas
été du tout aisé. L'auteur35(*) qui nous a inspiré le thème finalement
retenu, est revenu sur la question des politiques institutionnelles au niveau
européen, mais il ne s'est pas placé sous l'angle d'analyse sous
lequel nous nous sommes positionnés. Au niveau national, le même
manque régnait. Le salut est venu plutôt du côté des
auteurs qui s'intéressaient à la mobilisation des savoirs dans la
construction de l'Union Européenne36(*). Nous avons aussi exploité des sources
audio-visuelles. Cette revue de la littérature nous a permis de
rédiger la problématique et un plan sommaire avant de poursuivre.
Une fois le sujet posé, la seconde étape a
été celle de l'établissement des faits. Pour ce faire,
nous avons procédé par la recherche documentaire et par les
entretiens. Il nous fallait trouver les documents susceptibles de traiter des
politiques institutionnelles de l'élaboration et des réformes de
la constitution de la IVe République et qui sont certainement
enregistrés dans l'intervalle de temps qui va de l'année 1989
à nos jours. Mais s'intéresser aux documents sur
l'élaboration et les réformes de la constitution n'était
pas suffisant pour traiter de notre thème dans ses différents
paramètres. Il était donc nécessaire de prendre en
considération aussi tout document qui était susceptible de
traiter de près ou de loin, des institutions politiques
burkinabés. Naturellement, nous n'accordâmes pas d'attention aux
documents sur la Chimie, la Géologie, la Biologie, la Physique, les
Mathématiques, la Médecine, la Géographie, etc. qu'ils
soient scientifiques ou non. Pour le reste, nous prîmes d'assaut les
archives des journaux, de l'Assemblée nationale, des ministères
et des archives nationales, directement ou via le web. Nous avons pu ainsi
repéré, répertorié puis photocopié ou
téléchargé tout ce qui pouvait être
photocopié ou téléchargé. Nous avons
regroupé ces documents en plusieurs dossiers : un dossier pour
chaque organisation de la société civile concernée, un
dossier pour les documents relatifs à l'élaboration de la
constitution, un dossier pour les réformes, un dossier pour les plans
nationaux, et un autre pour les documents de l'Assemblée nationale et la
Chambre des représentants. Nous étions conscients qu'il fallait
collecter d'abord le maximum de documents afin de pouvoir prendre connaissance
dans un premier temps, de la matière brute de notre travail. Et nous
voulions que cette phase soit une phase préparatoire à celle de
l'entretien. En effet, nous espérions que le dépouillement de la
masse documentaire nous permettrait non seulement de pouvoir découvrir
et toucher les personnes ressources idéales, mais aussi qu'il nous
aiderait à tirer profit des entretiens qu'on aurait avec elles, parce
qu'on aura pris connaissance d'un certain nombre d'informations à
l'avance. Avec ces informations, il devenait en effet possible d'effectuer des
entretiens plus fouillés. C'est sur cette base que nous avons
abordé la phase de l'entretien. Il a consisté non seulement
à recueillir des informations brutes ou scientifiques, mais aussi
à se renseigner sur les endroits où l'on pouvait retrouver les
documents que l'on n'avait pas pu avoir jusque là. Mais nous n'avons pas
voulu basé tout notre travail sur les entretiens. Nous avons
préféré le fonder sur la recherche documentaire. C'est
pour cette raison que nous n'avons interviewé que sept personnes dont
une personne morale. Pour le dépouillement, il fallait aussi
établir des fiches où l'on consignait les informations
pertinentes pour notre thème, les réflexions et commentaires
qu'elles suscitaient déjà en nous à l'instant même.
Parallèlement, nous tracions aussi le plan qui pourrait convenir le
mieux, et on le restructurait au fur et à mesure que l'on progressait
dans la lecture des documents collectés. Grâce à ce
travail, un plan provisoire et des analyses préliminaires ont pu
être établis, et il restait finalement à passer aux
analyses approfondies et à la rédaction.
Cette dernière étape a été parfois
entrecoupée de lectures d'ouvrages et d'articles scientifiques, et
parfois même par de nouvelles descentes sur le terrain à la
recherche de nouvelles données. On revoyait aussi de temps en temps, les
résumés effectués qu'il s'agisse des informations
collectées ou des ouvrages ou articles scientifiques déjà
lus, afin de pouvoir les exploiter convenablement. L'analyse devait nous
permettre de repérer les éléments pertinents pour
résoudre notre problématique. Nous avons utilisé une
méthode d'analyse simple et une méthode d'analyse comparée
quand cela était indispensable pour l'administration de la preuve.
Mais la conduite de cette recherche n'a pas été
sans difficultés. D'abord difficultés pour entrer en possession
de certains documents. Notamment les procès-verbaux de
l'élaboration de la constitution de la IVe République. Ils ne
sont disponibles nulle part. Nous avions espéré que les archives
nationales nous seraient d'un grand secours. En vain. Elles ne semblent pas
encore totalement nationales. Jusqu'en janvier 2011, les archives de la
défunte Chambre des représentants étaient elles aussi
toujours cadenassées au niveau de l'Assemblée nationale.
Difficile d'y avoir accès parce que rangées dans des caisses de
fer entassées les unes sur les autres. Certains documents nous ont
manqué. Il a fallu rechercher leur contenu autrement. En ce qui concerne
les personnes ressources, certaines n'ont pas pu être retrouvées
car elles n'existaient plus. D'autres n'ont pas voulu se prêter à
notre entretien et n'ont jamais répondu aux demandes de rendez-vous.
Ces difficultés ne nous ont cependant pas
obligés à jeter l'éponge. L'effort constamment fait pour
les surmonter nous a permis d'obtenir ce travail imparfait que nous avons
subdivisé en deux grandes parties : une première partie
relative aux modes de socialisation des savoirs dans les politiques
institutionnelles et une deuxième partie relative
à la mesure de l'importance des savoirs
mobilisés, à la mesure de la réceptivité de leurs
destinataires et à l'interprétation des rapports entre savants,
savoirs et décideurs politiques (nature et paradigmes
politico-scientifiques dominants) dans la problématique
abordée.
PREMIERE PARTIE
LES MODES DE SOCIALISATION DES SCIENCES DANS LES
POLITIQUES INSTITUTIONNELLES
Les politiques institutionnelles qui retiennent ici notre
attention ont entrainé au Burkina Faso, à l'occasion de leur
conduite, une forte mobilisation qui n'a laissé indifférent
l'ensemble du corps social que dans peu de cas. Leurs acteurs, aussi bien
étatiques que de la société civile, se sont parfois
affrontés, souvent de façon violente, sur le terrain à la
fois de l'argumentation rationnelle que de la force physique. Mais tandis que
la violence, qui s'exerce généralement avec éclat surtout
lorsqu'elle est ouverte, passe de ce fait rarement inaperçue, le combat
rationnel, qui mobilise37(*) d'ailleurs moins que son frangin, est très
souvent peu connu du grand public ou du public tout court. Pourtant, ainsi que
le remarque P. Bourdieu, de même qu'« il n'est pas de champ
scientifique, si «pur» soit-il, qui ne comporte une dimension
"politique" de la
science », de même il n'est « pas de
champ politique qui ne fasse de place à des enjeux de
vérité 38(*)». Mais le "champ politique" et le "champ
scientifique" étant des champs distincts et séparés, il
importe d'étudier les mécanismes ou les voix par lesquels s'est
fait le processus d'osmose qui a permis de mettre des ressources de
connaissances à la disposition des politiques institutionnelles
d'élaboration (Chap. I) et de réformes de la constitution de la
IVe République (Chap. II).
CHAPITRE I: Dans la politique constitutionnelle de
1990
L'élaboration de la constitution de la IVe
République est une politique institutionnelle officiellement inscrite
sur l'agenda politique du Front Populaire lors de son congrès
extraordinaire tenu du 1er au 04 mars 1990, et qui entre dans le
cadre de « la réorientation stratégique39(*)» de la révolution
burkinabè au lendemain du coup d'État sanglant du 15 octobre
1987. L'annonce de cette politique va sonner l'approche d'une bataille pour
laquelle les armées appelées à croiser le fer vont
dès le son du cor, s'atteler à affûter minutieusement leurs
armes. Deux camps vont d'office se former : le camp du pouvoir et le camp
de ceux qui s'opposent au pouvoir40(*). Si le premier ne se gêne pas d'intimider avant
la bataille, de définir les limites à ne pas dépasser, et
les armes à employer, le second attend patiemment l'ouverture des
hostilités pour montrer de quoi il est capable. Mais au fond, dans cette
guerre annoncée, il n'y a à proprement parler ni fer à
croiser ni poudre à brûler, mais simplement des savoirs à
produire et des logiques à dérouler. Pour ce faire, les deux
camps vont mettre à profit plusieurs tactiques dans le but de s'assurer
la victoire. Ce qui nous conduit à distinguer les modes étatiques
(Section I) et les modes non-étatiques (Section. II) de mobilisation des
ressources de connaissances dans la politique d'élaboration de la
constitution de la IVe République burkinabé, cette mobilisation
ayant, dans ce contexte, pour but stratégique ultime d'emporter la
conviction des uns et des autres sur le contenu que doit comporter la
constitution.
SECTION 1: les modes étatiques de mobilisation
des savoirs scientifiques
Du côté de l'État, on va assister au
déploiement d'un double jeu dont les enjeux peuvent être
résumés en trois points essentiels: primo, lancer l'idée
d'une constitution sans pour autant la laisser produire les conséquences
qu'elle appelle logiquement ni avoir le sens qu'on lui donne
généralement depuis le siècle des lumières ;
secundo, constitutionnaliser vaille que vaille le Front populaire et
l'idéologie marxiste léniniste qu'il feignait de professer
foncièrement41(*) ; tertio, jouir tranquillement aussi bien
à l'intérieur qu'à l'extérieur du Burkina, de la
légitimité et de la respectabilité que confère le
fait pour un État de recevoir le sacrement du referendum constitutionnel
et d'arborer une constitution. Celle-ci aidant d'ailleurs à faire une
différence notoire majeure avec le régime du défunt CNR.
La question qui, visiblement, taraudait les tenants du pouvoir était
donc celle-ci : comment doter le pouvoir d'une constitution qui permette
à la fois de conserver toujours le pouvoir et de le garnir d'une
légitimité qui le conforte dans ses assises tout aussi
durablement? Pour ce faire, au niveau gouvernemental (Paragraphe I), les
putschistes du 15 Octobre 1987 vont dans un premier temps non seulement
créer une commission chargée des affaires politiques mais aussi
donner mission à leurs intellectuels organiques de diffuser, à
travers le journal étatique Sidwaya42(*), les idées du Front populaire sur la nature et
le contenu de la constitution à élaborer. Dans un deuxième
temps, ils vont mettre en place des structures autonomes pour la
rédaction de la loi fondamentale (Paragraphe II) en espérant
certainement que l'idéologie produite par les instances gouvernementales
sera purement et simplement reprise au sein de ces structures.
§1 : Les instances gouvernementales
En plus de la mise en place d'une commission chargée
des affaires politiques du Front populaire (A), l'espace public connaîtra
l'offensive des intellectuels organiques du pouvoir totalement
dévoués à la défense des positions
pseudo-scientifiques du Front populaire (B).
A) La création d'une commission chargée des
affaires politiques au sein du Front Populaire.
Au moment où germait l'idée d'élaborer
une constitution43(*), le
Front populaire était encore un pouvoir au brouillon. Mal défini,
peu stable, peu ordonné, il était toujours à la recherche
d'un règlement intérieur, avec des concentrations de pouvoirs
insolites aux mains d'une seule personne, le capitaine putschiste, qui
était à la fois président du Front populaire,
président du comité exécutif du Front populaire, chef de
l'État, chef du gouvernement, ministre de la défense populaire et
de la sécurité . C'est dans cet imbroglio institutionnel que se
fera sentir le besoin de donner davantage à l'État un visage
rationnel en introduisant dans son organisation le principe de
spécialité44(*) qui, selon Weber, caractérise l'État
moderne. Cette rationalisation se traduira concrètement par la
création de onze (11) commissions spécialisées45(*) dont la commission
chargée des affaires politiques. C'est par ce stratagème que le
Front populaire tentera, à la manière des États modernes,
d'internaliser un certain nombre de compétences et de les rendre utiles
aux nécessités du moment. La direction de cette commission sera
confiée à deux intellectuels organiques: Oumarou
Clément OUÉDRAOGO, neuro-physicien en était le
président, tandis que TALL Moctar, juriste publiciste en était le
vice-président. La commission chargée des affaires politiques,
dont les missions ont été définies lors de la
deuxième session ordinaire du Front populaire, a reçu ainsi la
responsabilité de « proposer les grandes orientations
politiques sur la vie nationale46(*) ». C'est elle qui aura la paternité
de la mise en forme définitive du projet d'élaboration d'une
constitution. Elle indiquera à la commission constitutionnelle ce
qu'elle devra faire et avec quelles ressources de connaissances les
commissaires devront travailler. Elle sera soutenue en aval par l'offensive des
intellectuels organiques du pouvoir ou de ceux qui lui sont simplement
dévoués.
B) Le quotidien Sidwaya comme créneau des
intellectuels organiques ou proches du Front populaire
Selon Carmella Littieri « les rubriques
Débats, Opinions ou Rebonds [...] consacrées à des
signataires externes aux rédactions, comptent parmi les voies
privilégiées de participation [...] à la structuration des
débats et à l'imposition des thèmes de discussion,
mécanismes qui sont souvent le préalable à l'action
publique47(*).» Cette
voie a été largement exploitée par les intellectuels
organiques du pouvoir putschiste à travers le quotidien étatique
Sidwaya, dont les colonnes leur ont été largement ouvertes.
Répondant à l'appel du chef de l'État
dans son message à la nation en date du 7 juin 198948(*) où il invitait les
organisations membres du Front Populaire à
« s'imprégner davantage des principes de la démocratie
révolutionnaire » et à les diffuser, ces intellectuels
vont s'ériger en apôtres de la nouvelle idéologie politique
du tombeur de Thomas de Sankara. Dès cet instant, et avant même
que le congrès du 1er mars 1990 n'officialise le projet
d'élaboration d'une constitution, l'intervention discursive des
intellectuels organiques du pouvoir dans l'espace public va consister à
expliciter, commenter et étayer cette position officielle du chef de
l'État. Durant la période qui va de juin 1989 à
l'ouverture des travaux de la commission constitutionnelle, ils
vont monopoliser le « marché linguistique49(*) » sur la question du
régime politique à instaurer par la future constitution.
Mais ce qui distingue ces intellectuels de ceux50(*) dont parle Carmella Lettieri,
c'est le fait qu'ils ne se préoccupent guère de donner les
raisons pour lesquelles, ils seraient les mieux placés pour disserter
sur les sujets qu'ils abordent. Ils ne font état ni d'un
« capital culturel » propre, ni de l'appartenance à
une « institution » (à caractère
scientifique) dont la simple mention pourrait suffire à légitimer
la prise de parole. Les écrits de certains sont d'ailleurs forts
critiquables du point de vue scientifique. Un exemple intéressant
à cet égard est l'article de Victor Sanou qui, avec un titre
pompeux comme celui de « Aperçu sur les systèmes
politiques que peut embrasser une constitution51(*) » n'a fait qu'un exposé sur les
systèmes de partis avec pour but de légitimer la volonté
affichée par les dirigeants du Front populaire de phagocyter les autres
formations politiques en les appelant à s'intégrer dans leur
structure partisane. Bref, l'autorité à disserter semble
plutôt provenir de l'appartenance aux structures du Front populaire,
appartenance qui à cette époque pouvait dispenser de justifier
davantage de titres. Quant aux intellectuels eux-mêmes, nous en avons
dénombré neuf (9) : Luc Adolphe TIAO, Jean-Marie SAWADOGO,
Yirzoala MEDA, Alexis SOMÉ, Oumarou Clément OUEDRAOGO, Victor
SANOU, BAMBA Mamadou, et l'éditorialiste de Sidwaya52(*),
inconditionnel du Front populaire. De tous ceux-ci Luc Adolphe Tiao
semble le plus fécond et le plus opiniâtre.
Prenant au rebond le discours du président du Front
populaire à l'occasion du nouvel an 1990, Luc Adolphe Tiao53(*), apparemment le
« grand prêtre » du régime, mettait
déjà en garde : « d'aucuns, écrit-il, ont
perçu dans un passage du discours du chef de l'État un appel
à un `'retour à une vie constitutionnelle normale.'' Un
concept qui nous rappelle le système politique réactionnaire qui
a prévalu dans notre pays dans les années 70. » Pour
lui, ce serait un recul. L'objectif de la politique constitutionnelle est
plutôt ailleurs : « préserver l'idéal
révolutionnaire qui dans la situation du Burkina Faso est le seul
à même de lutter contre toute forme d'exploitation
nationale54(*).» Face
à la surdité des commissaires, il va revenir à la charge
dans un article intitulé « Front populaire et
démocratie » : « D'aucuns voient une
incompatibilité entre le Front populaire et l'instauration de la
démocratie. [...] Si certains par insuffisance d'informations ne se
retrouvent pas dans notre système, d'autres par contre n'admettent autre
conception de la démocratie que celle qu'ils ont. L'avenir de l'Afrique
dépendra beaucoup de la capacité et de l'originalité dont
ses fils feront preuve dans l'innovation politique. Tel est le souci des
autorités politiques du Burkina 55(*)». C'est cette vision des choses que le camp du
Front populaire tentera d'imposer aux instances autonomes auxquelles il a
confié la mission de l'élaboration de la constitution.
§2 : Les instances autonomes mandatées par
le Front populaire
Tout en s'efforçant de dissuader les éventuels
penchants pour une constitution libérale, le Front populaire va
multiplier les gestes susceptibles de donner de lui l'image d'un régime
aspirant sincèrement à la démocratie ou du moins à
une définition consensuelle des futures normes devant régir la
vie politique des Burkinabé. La mise en place d'une commission
constitutionnelle à laquelle succéderont des assises nationales,
participe d'une telle stratégie politique. Mais ce qui nous
intéresse ici, c'est ce que révèle l'analyse attentive de
la nature de ces deux instances. Si l'on se place du côté du
pouvoir, elles s'apparentent à des instances d'expertise dont la mission
est seulement de produire respectivement l'avant-projet puis le projet de
constitution qui sera soumis à la volonté du peuple. Pour ce
faire, le pouvoir va prendre le soin de convier au sein de ces instances des
représentants de structures dites « techniques » que
l'on peut considérer comme des professionnels et des experts du droit et
des institutions politiques, disposant d'un savoir indispensable à la
mise en forme de l'avant-projet et du projet de loi fondamentale. La mission
qu'ils ont reçue du Front populaire est donc une mission d'expertise.
L'expertise, faut-il le rappeler, est la forme la plus manifeste et la plus
courante de socialisation des sciences vieille de plus de trois siècles,
mais on pourrait la faire remonter beaucoup plus loin : on peut voir en
Solon et autres archontes grecs56(*), des experts en institutions chargés par les
peuples d'Athènes, de faire des lois et des constitutions dans
l'antiquité grecque57(*). Elle pourrait même être employée
pour désigner la mise à profit de savoirs non scientifiques.
Puisque selon Comte, « à chaque époque de
l'humanité correspond une forme de vie et de pensée
politiques 58(*)», on peut à juste titre affirmer que les
charlatans, les devins, les prophètes dont certains palais royaux de
l'antiquité faisaient le plein, répondait au souci de s'entourer
d'éclaireurs (d'experts) pour orienter les décisions politiques.
Mais les termes d'experts et d'expertises scientifiques
doivent leur célébrité, leur fortune et leur statut
d'objet de recherche au XXe siècle avec ses cataclysmes naturels et
biologiques : environnement, vache folle, sang contaminé,
Tchernobyl... Ce répertoire peut donner l'impression que l'expertise
est un phénomène propre aux sciences exactes et
appliquées. Il n'en est rien. L'expertise n'a pas de
frontières59(*) et
la définition que l'on peut lui donner vaut pour toutes les sciences.
Pourtant de l'avis de certains auteurs, définir les termes, expert
expertise, n'est pas chose aisée60(*). Selon Stéphane Cadiou, « Le
succès de la notion d'expertise apparaît proportionnel à
son ambiguïté. En effet, elle se laisse difficilement enfermer dans
une définition. La tâche est d'autant plus délicate que
l'expertise ne correspond pas toujours à un statut professionnel, encore
moins à un métier61(*) » car « l'expertise scientifique
mobilise et intéresse des agents aux statuts variés (chercheurs,
consultants, chargés de mission d'officines gouvernementales, etc.) qui
peuvent revendiquer la détention d'une connaissance savante. Elle ne
saurait, par conséquent, se rapporter au seul monde
académique62(*). » On peut cependant tenter de donner au
mot un éclairage sémantique. En 1985, Fritsch définissait
l'expertise comme la rencontre, objectivée par une commande, d'un savoir
spécialisé et d'une situation problématique63(*). D'autres auteurs, font par
contre la distinction entre un sens large et un sens restreint. Lato sensu, C.
Ganjou par exemple, définit l'expertise comme
« l'intégration de savoirs scientifiques dans un processus de
décision politique » et au sens strict, elle consiste pour
elle « à solliciter, dans un processus de décision
publique, les capacités de la science à diagnostiquer et à
réguler les risques64(*) ». Quand à I Théry,
« Au sens strict, le mot désigne une activité
particulière d'exercice diagnostic du savoir en situation
problématique, dans le cadre d'une mission intégrée
à un processus décisionnel dont l'expert n'est pas maître.
En ce sens, l'expertise apparaît, pour le chercheur, comme une forme de
transgression momentanée de son identité professionnelle. Au sens
large, en revanche, le mot désigne'' l'image accomplie des traits de la
professionnalité'', le label d'excellence auquel aspire, par son
activité la plus quotidienne, tout corps professionnel ».
Comme on peut le remarquer, toutes ces définitions font apparaître
clairement que l'expertise est la voie royale de rapprochement de la science et
des politiques publiques.
I Théry, dans son article publié dans Droit et
société 2005/1, N° 60, p. 311-327, élabore, à
propos de l'expertise, une typologie à trois entrées distinguant
successivement l'expertise de service, l'expertise de consensus et l'expertise
d'engagement. L'auteur rénove ainsi la typologie proposée par R
Castel en 1991 et qui scindait en deux les formes d'expertise :
« l'expertise mandatée » et « l'expertise
instituante 65(*)».
Dans les paragraphes qui vont suivre, il convient de
rechercher dans quelle catégorie, on pourrait formellement ranger les
instances d'expertise que sont la commission constitutionnelle et les assises
nationales.
A) La formule de l'expertise de consensus ou
« expertise instituante » : la commission
constitutionnelle et les assises nationales sur l'avant-projet de constitution.
Dans la typologie construite par Irène Théry,
l'expertise de consensus, encore appelée expertise de commission, est
une forme d'expertise qui, historiquement, succède à l'expertise
de service (cf. infra). L'institution dans laquelle elle s'incarne est la
« commission ». Elle se distingue par trois principales
caractéristiques :
Premièrement, les spécialistes « n'y
sont qu'un élément d'une mission d'expertise plus large, incluant
d'autres acteurs, et à travers eux d'autres références que
la compétence technique ». Selon l'auteure, il s'avère
ainsi difficile de dissocier le rôle « spécifique des
spécialistes » des autres composantes qui participent à
la mission de la commission dont les travaux produiront des résultats
qui seront finalement communs.
Deuxièmement, l'expertise de commission a pour objet de
« contribuer à définir des normes, et non pas
simplement d'apporter un éclairage sur les « faits » à
un décideur détenant le monopole du jugement en
valeur. » C'est en vertu de cette caractéristique, que Robert
Castel l'a qualifié d'expertise « instituante ».
Enfin, « la spécificité de ce
type d'expertise est d'organiser procéduralement la confrontation et
l'ajustement entre des acteurs aux compétences différentes. La
commission est l'instance d'une délibération et d'une
négociation entre ces acteurs, dans la perspective de parvenir à
un consensus entre les différents référentiels qu'ils
incarnent : l'élaboration de ce consensus est l'objet même de la
mission d'expertise66(*)».
Si l'auteure ne débouche pas sur une définition
construite et cohérente de l'expertise de commission,
c'est-à-dire une définition en une seule phrase, on peut
néanmoins, à partir des caractéristiques ainsi
égrenées, observer à quel point la commission
constitutionnelle et les assises nationales burkinabés s'y
reconnaissent.
Ainsi, la commission constitutionnelle, conformément
aux indications67(*) que
le congrès extraordinaire du Front populaire donnait à sa
coordination et à son comité exécutif, comprenait une
variété de « compétences
techniques harmonieusement associées aux sensibilités
politiques68(*)». La
commission elle-même le constate et « se réjouit de [sa]
composition diversifiée [...] et de son élargissement aux
diverses sensibilités politiques et techniques69(*).» En effet, d'une part,
elle se composait de représentants issus de certaines commissions du
Front populaire (commission affaires politiques et commission organisation),
des partis politiques du Front populaire et des associations membres du Front
populaire (partis politiques, organisations socio-professionnelles et
Comités révolutionnaires) auxquels s'ajoutaient les
représentants des organisations politiques non-membres du Front
populaire, les représentants des syndicats, des organisations
non-gouvernementales et des communautés religieuses ; d'autre part
il y avait les délégués du ministère de la justice
(avocats et magistrats), de la Chambre de commerce, du conseil
révolutionnaire économique et social, de l'école
supérieure de droit et du commissariat général à
l'inspection d'État, que l'on a regroupés sous l'appellation de
« structures techniques »70(*). De ce fait il apparaît clairement que
l'élaboration de l'avant-projet de constitution n'était pas
confiée aux seuls spécialistes qu'elle peut intéresser
(comme en 1960 et en 1970), mais qu'elle incluait aussi « d'autres
acteurs, et à travers eux d'autres références que la
compétence technique71(*)», ce qui renvoie à une des
caractéristiques de l'expertise de commission. En outre, le mode de
délibération de la commission constitutionnelle était le
consensus. Enfin ce consensus devait prévaloir à la
définition de toutes les normes devant régir les libertés,
l'exercice et la dévolution du pouvoir politique au pays des hommes
intègres. Tout ceci illustre parfaitement le caractère
d'expertise de consensus que représente le travail de la commission
constitutionnelle.
Quant aux assises nationales sur l'avant-projet de
constitution, on ne doit pas les déclasser d'office de la
catégorie de l'expertise de consensus en alléguant le fait
qu'elles ne portent pas le nom de commission. En effet, la dénomination
que peut prendre la structure au sein de laquelle s'exerce ce type d'expertise
importe peu. Selon toujours I. Théry, l'expertise de commission peut
s'incarner dans plusieurs sortes de structures : « commissions,
comités, observatoires, conseils...72(*) » et bien évidemment aussi des
assises nationales. Au Burkina Faso, les assises nationales ont trouvé
corps juridiquement par Kiti73(*) du président du Front populaire en date du 13
décembre 1990. Elles interviennent ainsi à un moment où
l'avant-projet de constitution avait déjà reçu l'onction
de toutes les composantes de la commission constitutionnelle, hormis certains
points sur lequel le consensus a été impossible à
établir. Elles avaient donc pour mission d'effectuer les amendements
nécessaires aux textes de l'avant-projet de constitution et de trancher
les questions restées en suspens au sein de la commission
constitutionnelle.
Pour ce faire, les assises nationales sur l'avant-projet de
constitution vont reproduire, mais à une échelle beaucoup plus
grande, la forme et les composantes de la commission constitutionnelle. En
effet, du point de vue de sa taille, les assises nationales représentent
plus de vingt fois la commission constitutionnelle. Y sont conviées
« l'ensemble des couches et classes sociales du peuple
burkinabé74(*) » : organisations politiques,
provinces, départements, organisations de masses, communautés
religieuses, ONG. (En tout il était attendu près de 2200
participants). Le nombre de spécialistes a été
également revu à la hausse. Dans un entretien accordé
à Sidwaya, le vice-président du comité national
d'organisation déclare qu'appel a été fait
« à l'ensemble des techniciens. Il y'aura dix par
ministère et par institution. Ce qui veut dire que tous les
ministères techniques seront
représentés »75(*).
Quant à la modalité de
délibération, elle est restée le consensus. Les assises
nationales remplissent ainsi les critères d'éligibilité
à la catégorie de l'expertise de consensus. Dans la
problématique de la constitution, la société politique se
retrouve mis en face de ses savants, ceux-ci ayant pour mission de l'aider
à l'expression et à la définition des normes
constitutionnelles qu'elle désire. Ce qui laisse apparaître, en
filigrane, la présence du modèle de l'expertise de service.
B) Le mélange des formules : l'expertise de
service au sein de la commission constitutionnelle et des assises
nationales.
L'expertise de service ou expertise technique est la forme
traditionnelle de l'expertise : assigner aux experts un rôle pur de
technicien. L'autorité au service de laquelle ils sont, c'est non
seulement le pouvoir politique, surtout ceux qui sont issus des
ministères, mais aussi la commission elle-même. S'ils participent
à la l'expression et à la définition des normes, ce n'est
pas en tant que représentants d'une portion du corps social, ayant une
volonté ou un point de vue à exprimer, mais en tant qu'ils
disposent d'un savoir utile qui fait d'eux les exécutants de ceux au
service de qui, ils sont commis. La division du travail au sein de la
commission constitutionnelle et des assises nationales tend à confiner
les structures techniques à ce rôle d'expert technique, qui n'ont
pas de point de vue à donner, mais seulement des ordres à
exécuter. On a besoin d'une constitution, ils sont là pour
fournir les matériaux intellectuels nécessaires à sa
facture. Ces matériaux sont de nature purement formelle : le style
du droit, le format de la constitution, en un mot, on en appelait seulement
à leurs connaissances en matière de légistique. La
perception du pouvoir est de les présenter comme étant là
pour corriger les erreurs de forme76(*).
Ces microcosmes sociaux (commission constitutionnelle et
assises nationales) où l'on retrouve la société face
à ses savants illustre la fameuse métaphore d'Aristote sur
l'architecte et le propriétaire de la maison. « Si, dit
Aristote, bien élire est le fait des savants, des
géomètres par exemple en matière de
géométrie, [...] il y a [cependant] quantité de choses
où l'artiste n'est pas le seul, ni le plus grand connaisseur ;
d'autres s'y entendent également sans exercer le même art. Par
exemple, pour une maison, ce n'est pas à l'architecte de savoir comment
elle doit être mais à celui à l'usage de qui elle est, ou
son intendant77(*) ». L'expertise de consensus ambitionne
ainsi d'exploiter tous les référentiels dans les processus
décisionnels. I Théry et à sa suite S Cadiou mettent
cependant en garde de voir dans le souci de l'expertise de commission
d'étendre le champ des références, « un
mouvement de démocratisation78(*) » en réponse aux mouvements de
critique de la science dans lesquels Habermas s'est illustré. Il
convient pourtant, dans le cas qui est le nôtre, d'esquisser une analyse
contraire à cette mise en garde au regard non seulement de la question
centrale qui a préoccupé ces instances mais aussi du contexte
dans lequel elles interviennent. Les mouvements de critique de la science ont
eu pour cible privilégié des sciences autres que la science du
droit en général et du droit constitutionnel en particulier.
Différente des sciences de la nature et des autres sciences sociales par
l'absence du principe de causalité79(*), la science du droit l'est encore et même
davantage par le fait qu'elle est largement dépendante de la
volonté d'un peuple, pour ne pas dire de ses humeurs. Si cette
dépendance (ou indétermination) est un facteur de
complexification qui situe toute science du droit, elle n'est cependant pas vue
comme un handicap à regretter. Au contraire, d'après une certaine
tradition démocratique, qui va de Rousseau à Habermas en passant
par Kant et Rawls, l'autonomie d'un peuple se mesure à sa faculté
à définir lui-même les règles auxquelles il doit se
soumettre. À ce sujet, Habermas affirme que « les citoyens ne
sont politiquement autonomes que dans la mesure où ils peuvent se
comprendre collectivement comme les auteurs des lois auxquelles ils sont soumis
en tant que destinataires80(*) ». Ce principe cardinal de la
démocratie qui rend impertinents les arguments des mouvements de
critique de la science à l'égard de la science du droit
constitutionnel, a inspiré indubitablement la création et la
composition de la commission constitutionnelle et des assises nationales sur
l'avant-projet de constitution. En somme, dans le cas du Burkina Faso, ces
instances d'expertise de consensus répondent bel et bien à un
souci de saupoudrage démocratique sans qu'il s'agisse d'une
intégration des remarques des mouvements de critique de la science. Mais
les associations vont profiter de cette volonté de donner à la
politique constitutionnelle une façade démocratique, pour inviter
la vraie science au sein de la commission constitutionnelle.
SECTION II : Les modes non-étatiques de
mobilisation des connaissances scientifiques.
Les modes non étatiques sont les modes utilisés
par les associations de la société civile et les partis
politiques. Adoptant une attitude méfiante à l'égard des
structures dites techniques81(*), certaines de ses associations ont mis en place leurs
propres comités de réflexion sur l'élaboration de la
constitution. Ainsi, on distinguera les comités mis en place par les
organisations de la société civile (Paragraphe I) de ceux mis en
place par les partis politiques (Paragraphe II).
§1 : Les comités de réflexion des
associations de la société civile
Au niveau des associations de la société civile,
la socialisation des sciences doit beaucoup à l'engagement des
intellectuels et à la position critique qui s'en est suivie. Leur
action peut être éclairée grâce à une lecture
qui croise la perspective de l'histoire politique avec celle de la sociologie
et de l'histoire sociale. En effet, non seulement les évènements
historiques de cette époque ont exigé d'eux une prise de
position, mais aussi leur position dans l'espace professionnel a joué
pour certains un rôle considérable. De façon plus
précise, il faut distinguer les intellectuels mobilisés
occasionnellement au sein de l'Église catholique de ceux qui
évoluaient déjà dans le cadre militant du Mouvement
Burkinabé des Droits de l'homme et des Peuples (MBDHP). Ce sont les
seules organisations de la société civile à avoir eu le
courage, au sein de la commission constitutionnelle, de s'opposer formellement
au Front populaire sur le terrain de la « lutte pour l'imposition de
la vision légitime du monde social82(*) ». Elles se sont retrouvés devant la
nécessité de réfuter les thèses
pseudo-scientifiques du Front populaire et les prétentions
hégémoniques qu'elles drainaient, par la construction d'une
argumentaire solide, capable de déconstruire ces thèses par
lesquelles la junte militaire espérait instaurer une démocratie
« truquée », conforme à leurs
intérêts en tant que dominants du moment. Pour ces organisations
de la société civile, il fallait user des ressources
intellectuelles à leur disposition pour provoquer la
« dérive démocratique83(*) » que les dirigeants du Front populaire
abhorraient profondément. Si l'Église a dû mettre en place
un comité ad hoc pour la circonstance (A), l'organigramme du MBDHP, qui
comprenait déjà une commission arbitrale (B) lui dispensait d'une
telle entreprise.
A) Le comité de l'Église
catholique
L'abbé Paul Ouédraogo a été le
représentant officiel de l'Église catholique au sein de la
commission constitutionnelle. Mais les positions qu'il a défendu au sein
de celle-ci ont été produites par « un comité
de réflexion d'une quinzaine de membres (théologiens, personnes
consacrées, intellectuels laïcs)84(*) ». Constitué par l'abbé Paul
Ouédraogo, ce comité était composé de juristes, de
sociologues, de politologues, et de sociologues des institutions. L'abbé
Paul lui-même, en plus d'être théologien et canoniste, a
fait des études de sociologie des institutions et d'anthropologie du
développement85(*).
Il s'agit donc d'un groupe de spécialistes de certaines sciences dont la
connaissance est indispensable pour traiter de questions politiques et
constitutionnelles. Il n'est peut-être pas très osé de dire
qu'un tel engagement des laïcs aux côtés des personnes
consacrées répond aussi à l'appel que le Pape Jean-Paul
II, dans son exhortation apostolique post-synodale Christifideles
Laici86(*), lançait
aux laïcs. Lors de sa visite au Burkina Faso en 1990, le Pape a
renchéri son appel : « chacun reçoit une mission
pour l'Église, c'est-à-dire pour servir Dieu, pour servir ses
frères et la société [...] Dans la période de
renouvellement que vit votre pays, l'Église, et les laïcs en
particuliers, sont appelés à travailler pour que ce
renouvellement se fasse sur la base du respect de la personne humaine et de la
famille. La vie humaine est inviolable. Le droit à la vie doit
être défendu sans cesse comme droit premier, origine et condition
de tous les autres droits de la personne87(*) ». Un tel appel entre d'ailleurs dans la
logique de la doctrine sociale de l'Église.
Ce comité de l'Église catholique a produit des
contributions écrites qui, à la fois exposent ces thèses
et critiquent celles du pouvoir. Elle trouvera un allié de taille dans
le Mouvement de Burkinabé des Droits de l'Homme et des Peuples.
B) La commission arbitrale Mouvement Burkinabé des
Droits de l'Homme et des Peuples (MBDHP)
Pour une organisation de défense des droits de l'homme,
la ligne de défense est bien évidemment celle d'une
démocratie qui respecte absolument ces droits.
Le MBDHP a été créé en
février 1989 par un groupe d'intellectuels engagés, venus de
divers horizons professionnels. L'annonce de l'élaboration d'une
constitution est apparue pour le MBDHP, comme une aubaine à saisir pour
réhabiliter les droits de l'homme en crise dans le pays notamment depuis
le début des années 80. S'il appelle à élaborer une
« constitution conforme aux spécificités » de
notre peuple, ce n'est pas qu'il adhère et fait sienne la rengaine des
intellectuels organiques du Front populaire. Il connait certes les
réalités. Il s'est en effet doté d'un organe interne qui
mène dans le pays des études et des recherches relativement aux
droits de l'homme : c'est la commission arbitrale présidée
à cette époque par Yago Modeste et composée de trois
sous-commissions présidée par Cissoko Mamadou, Laurent Bado et
Claude Wetta. Mais la plupart de ces
« spécificités de notre peuple »
étaient considérées par le MBDHP comme des plaies qu'il
fallait « exhéréder88(*) » grâce à la
constitutionnalisation des droits de l'homme. Tout comme au niveau de
l'Église catholique, le MBDHP a produit des écrits qui non
seulement exposent son point de vue, mais aussi critiquent les thèses
pseudo-scientifiques du Front populaire. Certains partis politiques vont
abonder dans le même sens.
§2 :
Les comités de réflexion des partis politiques
L'annonce de la politique constitutionnelle ne va pas laisser
tous les partis politiques dans l'inertie. Certains se sont en effet
organisés à l'interne pour préparer le moment de la
commission constitutionnelle. Après avoir traversé quatre
années de révolution où le multipartisme a
été, au Burkina, la chose du monde la plus
détestée, cet appel à l'élaboration d'une
constitution démocratique est apparu à leurs yeux comme la perche
qu'il fallait à tout prix saisir et bien saisir pour se lancer dans la
nouvelle aventure démocratique qui s'annonce. Il était donc
important que la constitution par laquelle elle doit débuter soit
vraiment démocratique, et mettent citoyens et partis politiques sur le
même pied d'égalité. Trois partis politiques ont ressenti
la nécessité de mener des concertations internes, de
méditer et d'élaborer un argumentaire écrit sur ce que
doit être ou contenir une constitution démocratique. Il s'agit du
PAI (Parti Africain pour l'Indépendance), de la CNPP/PSD (Convention
nationale des Patriotes Progressistes/Parti Social-démocratique) et du
MDP (Mouvement des Démocrates Progressistes). Tous ces partis politiques
ont utilisé la même stratégie de mobilisation des
connaissances indispensables pour traiter de ce que doit être une
constitution démocratique : mise en place d'organes de
réflexion et publications de contributions écrites. Le PAI, qui
continue d'exister dans le paysage politique burkinabé, offre une
illustration intéressante de cette stratégie de
mobilisation-diffusion des ressources cognitives. Au message du chef de
l'État prononcé le 31 décembre 1989, le PAI
répondait, en février 1990, par un appel à l'adoption
d'une constitution démocratique dont il donne non seulement la
procédure d'élaboration, mais aussi les principes fondamentaux et
un aperçu de tout le contenu, qu'il publie dans le numéro
spécial de son organe de presse, L'AVANT-GARDE89(*). Il se fait l'apôtre
zélé des idées qu'il prône en distribuant même
des exemplaires de ce numéro à toutes les organisations membres
du Front populaire à cette époque. Au total, du début
à la fin de la politique constitutionnelle, il a produit six
documents90(*) qu'il
prenait le soin de distribuer auprès des membres de la commission
constitutionnelle afin «d'interpeller l'intelligence de chacun sur les
problèmes complexes d'une Constitution démocratique91(*) ». Le début
des travaux de cette structure va marquer la mise en place également
d'un groupe d'appui à sa délégation au sein de la
commission constitutionnelle. C'est fort de toutes ces stratégies, qu'un
délégué du parti à la commission constitutionnelle
pouvait affirmer plus tard que leur délégation était
confiante parce qu'elle avait « une bonne connaissance et une bonne
maîtrise de ces questions complexes », car elle y avait
déjà « réfléchi, en élaborant les
propositions contenues dans le numéro spécial de février
1990 de L'AVANT-GARDE92(*) ».
Chapitre II : Dans les politiques de
révision de la constitution.
Une fois la constitution adoptée, elle va connaitre un
certain nombre de retouches conformément à ses propres principes.
Ces révisions seront de nouveau l'occasion d'un recours multiforme aux
savoirs dans le but de les fonder ou les contester rationnellement.
De façon générale, on peut dire que le
constituant originaire lui-même n'a d'ailleurs pas été
insensible au fait que les savoirs sont un appui indispensable à
l'action publique. On constate en effet, à la lecture de la
constitution, qu'il consacre l'appel à l'expertise et
l'institutionnalise à travers la constitutionnalisation de structures
dont la mission est de pourvoir à ce besoin nécessaire
d'éclairage93(*).
Ainsi, le constituant originaire attribuait à ces structures la mission
non seulement de donner des « avis techniques » et des
« recommandations » dans leur domaine de compétence,
mais aussi de faire des « investigations » et de
produire des « rapports94(*) » à la demande ou à
l'intention des gouvernants. Les remaniements dont ces dispositions ont fait
l'objet n'ont pas entamé cette reconnaissance constitutionnelle de
l'importance des savoirs scientifiques dans le processus décisionnel et
dans les rapports entre les institutions républicaines.
On observe également que le Burkina Faso reproduit le
modèle français d'une expertise administrative rapprochée
du décideur par la création de « dispositifs internes
d'information et d'étude à même de favoriser
l'appropriation de données et de préparer les
décisions95(*). » Cependant, tout ceci n'a pas rendu
indispensable le recours à l'expertise de structures ad hoc mises en
place de gré ou sous la pression de la rue. En outre, les associations
de la société civile ont de nouveau joué un rôle non
négligeable, souvent de premier plan dans la production et la diffusion
des savoirs sur les institutions politiques. Nous traiterons par
conséquent, dans un premier temps, de l'État et des sciences dans
les politiques de révision constitutionnelles (Section I) et dans un
deuxième temps, de la production et de la socialisation militante des
savoirs scientifiques sous la quatrième République (Section. II).
Section I : L'État et les sciences dans les
politiques réformatrices.
Il convient ici de distinguer d'une part les structures ad hoc
de production d'expertise (§ I) qui sont mises en place officiellement et
d'autre part les structures permanentes intégrées (§II) qui
font parties de l'armature institutionnelle de l'État.
§1 : Les structures ad hoc de production
d'expertise
Elles sont au nombre de six, et il est difficile de dire
exactement sur quel modèle elles sont construites, tant le
mélange est inextricable et donne une mixture difficile à
qualifier. I. Théry distinguait trois modèles : l'expertise
de service, l'expertise de consensus et l'expertise d'engagement, à la
suite de R. Castel qui ne mentionnait que les deux premiers96(*). Quant à B. Ancori, il
reprenait la typologie diachronique de P.-B Joly, qui comprenait quatre
modèles : un « modèle standard »
(années 1950-1970), le « modèle de la consultation »
(années 1970-début des années 1980), le «
modèle standard révisé » (début des
années 1990 aux États-Unis) et enfin le « modèle de
la co-construction » (depuis la fin des années 1990 en
Europe)97(*). Les formes
concrètes expérimentées au Burkina Faso cumulent plusieurs
éléments à la fois. Mais, il n'a jamais été
question de confier la mission d'expertise à un seul individu dans le
domaine des politiques institutionnelles ici étudiées.
Si ces mélanges gomment les frontières entre
les différents modèles d'expertise, il est cependant possible de
regrouper les six structures en deux grandes catégories en ce qui
concerne le cas burkinabé : il s'agit d'une part des structures ad
hoc intervenant hors crise (B), et d'autre part, des structures ad hoc
intervenant en temps de crise (C). Mais avant d'aborder ces deux points, il
convient de traiter d'abord de l'origine ou des fondements des structures ad
hoc intervenant hors crise (A).
A) L'origine ou les fondements des structures ad hoc
intervenues hors crise
La plupart de ces structures trouvent leur source dans les
engagements internationaux de l'État et dans la politique de
solidarité ou de générosité98(*) menée par les pays
développés au profit des pays du sud conformément aux
objectifs que visait la charte des Nations Unies. En effet, afin de «
créer les conditions de stabilité et de bien-être
nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et
amicales », « le Conseil Économique et Social devait
être le sommet coordinateur d'une galaxie d'agences
spécialisées des Nations Unies, dans l'effort pour aider les
nations du monde à entreprendre une offensive coordonnée,
à l'échelle mondiale, contre la misère, le chômage
et les autres causes économiques et sociales de la tension
internationale et de la guerre.99(*)» Pour prévenir une longue et
stérile pratique d'aide au développement, les institutions des
Nations Unies se sont donc interrogées sur les « conditions
structurelles préalables du développement100(*) ». Un groupe d'experts
mis sur pied en 1950 rapportait que « le progrès
économique ne se produit que si l'atmosphère est favorable, [...]
et si les institutions sociales, économiques, juridiques et politiques
sont favorables au progrès101(*)». Éclipsé par la
« guerre froide », les conclusions de ce rapport vont
refaire surface après celle-ci, et orienter les actions d'aide au
développement des institutions spécialisées des Nations
Unies comme le PNUD de même que l'intervention des institutions de
Bretton-Woods. Professant l'apolitisme jusque là, ils vont
désormais sommer les pays en voie de développement
« d'entreprendre des réformes institutionnelles aussi bien sur
le plan économique que politique pour promouvoir l'économie de
marché et la démocratie libérale102(*) ».
La chute du mur de Berlin et le discours de la Baule ont
consacré symboliquement le triomphe de la démocratie et forger la
notion de « la conditionnalité démocratique103(*) » de l'aide au
développement. C'est dans cette logique que naîtra l'aide
internationale à la démocratie qui vient s'ajouter à
l'aide publique au développement. Les candidats à cette aide
devaient s'engager à faire les réformes nécessaires
à l'avènement d'une démocratie véritable.
D'où il est apparu la nécessité de procéder par des
diagnostics préalables afin de proposer les solutions idoines à
même de les rendre plus efficaces. Une telle stratégie se
nourrissait d'un principe cher à la science politique américaine
du début du XXe siècle selon lequel pour mieux agir sur la
réalité, il faut d'abord la connaître104(*). Le passage obligé
par des diagnostics à l'échelle nationale était donc
incontournable pour déceler les tares de la gouvernance
économique et démocratique. Pour ce faire, aux plans mondial et
régional, des organisations, aussi bien intergouvernementales que
transnationales ont été créées, certaines pour
apporter une aide au diagnostic indispensable à l'entreprise de
consolidation démocratique, d'autres pour le conduire ou simplement y
encourager.
B) Les différents types de structures ad hoc
constituées hors crise
C'est dans ce contexte que sont nés, au plan
international, l'Institut International pour la Démocratie et
l'Assistance Électorale (International IDEA) (1) et, au plan
régional le Mécanisme Africain d'Évaluation par les Pairs
(MAEP) (2). Quoique permanents au plan international, leurs interventions au
niveau des États est ponctuelle. L'importance accordée à
la dimension démocratique du développement économique est
telle que, dans les documents du planisme burkinabé (3), l'expertise
sur les institutions politiques se mêle à l'expertise
économique. L'institution d'un Conseil Consultatif sur les
Réformes Politiques (CCRP) est en revanche une initiative
délibérée du pouvoir politique (4).
1) La Mission d'Analyse d'International IDEA sur la
démocratie au Burkina Faso
International IDEA est une organisation internationale
créée en 1995 par quatorze États qui seront rejoints plus
tard par cinq autres105(*). Il s'est donné pour « mandat
général de promouvoir et faire avancer la démocratie
viable dans le monde entier et, dans ce contexte, d'améliorer et
consolider les processus électoraux106(*) ». Dans son rapport annuel de 1999, il se
définit comme « la seule organisation internationale ayant
pour unique mandat la promotion de la Démocratie107(*) ». À cette
fin, « l'institut s'efforce d'esquisser des options et de
présenter des perspectives; de créer des forums de débat
et des lieux d'échange pour le bénéfice mutuel; et de
fournir des informations qui permettront à d'autres acteurs
d'acquérir le savoir et la compréhension nécessaires pour
la consolidation de la démocratie 108(*)». C'est ainsi que dans
le cadre de son programme pour un développement démocratique
durable, l'institut international pour la démocratie et l'assistance
électorale a conduit au Burkina Faso une mission d'analyse de
l'état de la démocratie. Au cours de cette mission, les
institutions politiques burkinabés ont été passées
au crible de la raison par des spécialistes issus de diverses
disciplines scientifiques : droit, science politique, économie,
histoire, linguistique109(*). À l'issue de cette mission, un rapport de
plus de cent quatre-vingt (180) pages a été produit sous la
direction notamment de M. René Otayek, professeur de science politique
et actuel directeur du centre d'études d'Afrique noire à Bordeaux
avec soixante-et-dix (70) suggestions et recommandations dont onze (11)
concernent directement la constitution. Ce rapport a été un
moment important parce qu'il a catalysé et cristallisé la
doctrine juridique et politique des universitaires Burkinabé sur le
régime de la IVe République burkinabé. International IDEA
affirme lui-même ne pas être « un institut de recherche
mais sert plutôt de passerelle entre les institutions académiques
et les organisations internationales et nationales qui participent au
développement démocratique. Il s'efforce d'intégrer
l'expérience, les leçons et les perspectives des universitaires
avec celles des politiques, et de transmettre celles-ci aux responsables
politiques et aux acteurs sur le terrain ». L'intervention
d'International IDEA Burkina Faso s'est effectuée avec l'appui d'un
groupe de contact composé de personnalités du monde universitaire
et de la société civile. Ce groupe sera plus tard, le groupe
fondateur du CGD.
Cette première expérience en matière de
diagnostic des institutions va connaître un renouvellement à
travers le Mécanisme Africain d'Évaluation par les Pairs que l'on
peut considérer comme un instrument régional d'expertise des
systèmes politiques.
2) Le Mécanisme africain d'évaluation
par les pairs (MAEP)
L'adoption du NEPAD au tout début du XXIe siècle
comme une nouvelle stratégie de développement économique
pour l'Afrique du IIIe millénaire a été très vite
suivie par une prise de conscience officielle panafricaine de
l'indivisibilité entre développement durable et
« avancée des valeurs élémentaires de
démocratisation et de bonne gouvernance110(*) ». La
nécessité d'instituer un Mécanisme Africain
d'Évaluation par les Pairs (dont le « but ultime »
serait d' « encourager l'adoption de politiques, normes et
pratiques en vue de promouvoir la stabilité politique, une croissance
économique élevée, un développement durable et une
intégration économique sous-régionale et continentale
accélérée grâce au partage des expériences et
au renforcement des meilleures pratiques et des acquis, y compris
l'identification des lacunes et l'évaluation des besoins dans le domaine
du renforcement des capacités111(*) »), est apparue comme une
nécessité impérieuse. La mise en oeuvre effective de cet
instrument va exiger la mobilisation d'un certain nombre de scientifiques
africains dans le but « de mettre sur pied des équipes
pluridisciplinaires pour une approche holistique des problèmes112(*) ». Ainsi l'on voit
bien que la réussite du MAEP impose un détour par les sciences,
et les principes exprimés dans les points 4, 6, et 7 du document de base
du MAEP ne se sont pas privés d'insister sur l'obligation de
requérir des personnes compétentes et indépendantes pour
la conduite de l'évaluation. Le respect de cette obligation est
considéré par les responsables du MAEP comme un gage de
légitimité et de crédibilité du
mécanisme.
Le Burkina Faso, qui a adhéré au MAEP en mars
2003, va donc faire de nouveau l'expérience d'une expertise de haute
qualité de son système politique. Commencée en 2007, son
évaluation prendra fin en 2008. La procédure, qui comporte cinq
phases, a bénéficié de l'intervention des institutions
techniques de recherche burkinabé113(*) dans la phase d'auto-évaluation avant de
connaître dans les dernières phases celle d'experts africains
étrangers au Burkina. La procédure s'achève par un rapport
de 555 pages remis aux autorités politiques avec des recommandations
dont plusieurs suggèrent des réformes constitutionnelles à
la IV e République.
3) Le planisme burkinabé
Selon J. Meynaud, « la planification conduit les
dirigeants responsables du plan à effectuer deux séries de
démarches : des estimations et des décisions globales d'une
part, des examens et des choix sélectifs de l'autre114(*) ». De telles
opérations nécessitent donc une importante contribution de la
part de techniciens aux compétences intellectuelles variées. Les
plans, dont il sera question ici, sont en grande partie l'oeuvre de
spécialistes engagés par les organismes de coopération
internationale et par l'État burkinabé. Le planisme
burkinabé, comme d'ailleurs tout planisme, comporte donc une dimension
scientifique incontestable. Il peut être définit comme un mode
d'action, surtout économique, qui consiste à élaborer, en
guise de tableau de bord, des plans d'activités
échelonnées sur plusieurs années. Pour le Burkina Faso, il
s'agit notamment :
- du Plan national de bonne gouvernance adopté en 1998
et remplacé en 2003 par la politique nationale de bonne
gouvernance115(*) ;
- de l'étude nationale prospective « Burkina
2025 », dont la rétrospective politique a été
réalisée par le Pr. Augustin Loada et le docteur Louis Armand
Oualy.
- des documents de stratégie pays 2001-2007 et
2008-2013 (Burkina Faso - communauté européenne);
- du plan stratégique de développement du
parlement du Burkina Faso 2004-2014
- du plan cadre des nations unies pour l'aide au
développement UNDAF116(*) 2011- 2015 ;
- du Cadre Stratégique de Lutte contre la
Pauvreté (CSLP) relayé par la Stratégie de Croissance
Accélérée et de Développement Durable (SCADD)
2011-2015
Sur la question de la gouvernance politique et
démocratique, ces différents plans livrent des diagnostics
convergents. Ils constituent ainsi des cadres de production d'expertise sur les
institutions politiques burkinabé avec l'objectif affiché de les
améliorer afin que leurs défaillances ne portent pas
préjudice aux politiques économiques définies avec l'appui
des partenaires techniques et financiers ou bailleurs de fonds internationaux.
Si de tels cadres sont, dans une certaine mesure, imposés par ces
bailleurs de fonds, il arrive aussi que, en dehors de toute crise, une
structure ad hoc soit mise en place pour répondre à un besoin
sincère ou non de consolidation démocratique des institutions.
C'est le cas du Conseil Consultatif sur les Réformes Politiques.
4) Le Conseil Consultatif sur les Réformes
Politiques (CCRP).
Crée le 13 avril 2011, il rappelle dans sa forme, aussi
bien la commission constitutionnelle de 1990 que la commission de concertation
sur les réformes politiques mise en place le 23 novembre 1999 sur
recommandation du collège de sages. Ils ont tous en effet
été crée par décret du Président de la
République. Petit-fils de ces instances autonomes, sa composition
l'apparente également à ces deux prédécesseurs
(Partis politiques, société civile et autres organisations, avec
trois ONG oeuvrant dans la gouvernance politique). Mais sa mission
diffère beaucoup de celle que ceux-ci avaient à remplir. En
effet, alors que la commission constitutionnelle avait la mission de produire
l'avant-projet de constitution, et la commission de concertation sur les
réformes politiques, celle « de connaître du
fonctionnement de la démocratie au Burkina Faso » dans le but
de formuler des solutions pour son perfectionnement, le conseil consultatif sur
les réformes politiques a plutôt pour « mission
d'arbitrer les axes de réformes proposés par les acteurs et
partenaires de la vie nationale et de dégager un document de
synthèse globale des idées, ressortant les points de consensus
ainsi que les points non consensuels à soumettre au
gouvernement117(*) ». Un travail beaucoup plus simple qu'une
méthode comparative pourrait permettre de mener à bien. En
effet, c'est la même chose que si le gouvernement demandait aux
« acteurs et partenaires de la vie nationale » de lui
poster une synthèse de leurs « idées »
relatives aux réformes politiques. Il suffirait de les relier tous
ensemble pour avoir le document demandé. Il n'est donc, pour l'instant,
consultatif que de nom ; la structure consultative classique étant
celle qui produit des avis techniques sur un problème donné en
s'autosaisissant ou en répondant à une demande expresse118(*) faite de façon ad hoc
ou dans le cadre de ses missions. Sa vraie tâche réside ailleurs.
Il ne s'agit pas pour lui comme pour ses ancêtres de déterminer le
contenu des politiques institutionnelles envisagées, mais de servir
d'arbitre ou de médiateur dans le combat des « acteurs de la
vie politique nationale » pour la détermination du contenu des
réformes. Mais est-il bien conçu pour jouer le rôle
d'arbitre ? On peut en douter, car il n'est qu'une reproduction en miniature
des « acteurs et partenaires de la vie nationale » dont il
doit cependant départager les éventuelles dissensions. Comment
pourrait-il jouer le rôle d'arbitre alors qu'on l'a constitué au
fond comme une tribune où chaque composante de la société
est plutôt appelée à défendre ses positions contre
celles des autres ? Il y a donc un conflit entre sa composition et sa
mission. C'est certainement pour cette raison qu'il a subi plusieurs critiques
et réserves dès sa naissance si bien qu'il se pourrait que dans
les jours à venir, il fasse l'objet d'un remaniement, surtout pour tenir
compte de la situation de crise que traverse le Burkina. Dans cette
hypothèse, il pourra être compté parmi les structures ad
hoc des temps de crise qui jalonnent les différents soubresauts de
l'histoire politique burkinabé.
C) Les structures ad hoc constituées en temps de
crise
Vers la fin de l'année 1998, le Burkina Faso est
happée par une crise nationale sans précédent dans son
histoire politique, aussi bien par sa durée que par sa profondeur. En
effet, les secousses que le pays subit depuis l'assassinat un 13
décembre de cette année-là de Norbert ZONGO,
écrivain et journaliste d'investigation de renom, sont d'une telle
magnitude que les fissures traversent même le seuil du troisième
millénaire. Malgré les gesticulations et les gestes d'apaisement
que le pouvoir entreprend, le mouvement social réuni au sein du
CODMPPO119(*) ne faiblit
pas. C'est dans ce contexte que sont mis en place le collège des sages
(1) et la commission des réformes politiques (2) dont les missions
étaient de faire des propositions à même de tirer le pays
de l'ornière.
1) Le collège des sages
Annoncé par le discours du chef de l'État en
date du 21 mai 1999, il est effectivement installé le 1er
juin suivant par le décret n°99-158/PRES portant création,
composition et missions du collège des sages. Sa composition s'articule
autour de trois catégories de personnalités : les anciens
chefs d'État, les notabilités religieuses et coutumières,
et les personnes ressources. Il s'agit d'individus dont la
légitimité à montrer la voie vraie et juste tient plus
à autre chose qu'à une compétence spécifique
comparable à celle de l'expert dans laquelle ils excelleraient tous plus
que quiconque. L'objectif formellement affiché par le pouvoir
était en effet de créer un collège de sages comprenant des
« personnalités créditées pour chacune d'entre
elles de vertus d'intégrité et de droiture morale120(*) ». Ce choix et le
critère qui le guide sont déterminés par le contexte de
crise sociale et la paranoïa qui imprègne les rapports des
protagonistes.
Mais au regard de leurs missions, c'est proprement un travail
d'expertise qui leur est confié. Celui-ci se rapproche beaucoup du
modèle de l'expertise d'engagement121(*) quoique le critère déterminant de leur
désignation ait été plutôt les vertus et la droiture
morale que l'excellence dans un domaine donné du savoir. Ceci ne veut
pas dire qu'ils n'étaient pas assez doctes pour traiter des questions
qui leur étaient soumises. Il s'agit même d'une sorte de recours
à la sophocratie platonicienne à laquelle J. Meynaud fait
allusion lorsqu'il tente une définition de la technocratie au Chapitre
IV de son ouvrage sur la technocratie122(*).
Il leur est demandé concrètement, dans un
délai de quarante-et-cinq (45) jours123(*) de :
- « Passer en revue tous les problèmes
pendants qui sous-tendent la crise actuelle »
- « proposer le traitement à réserver
à tous les crimes impunis ainsi qu'à toutes les affaires
d'homicide résultant ou présumées résulter de la
violence en politique, pour la période allant de 1960 à nos
jours ».
- « faire des recommandations susceptibles de promouvoir
la réconciliation nationale et la paix sociale 124(*)»
Le rapport que le collège des sages remet le
30 juillet 1999 contient 110 recommandations dont 14 propositions de
réformes constitutionnelles. En outre, la recommandation 2.3.8.1.
propose la mise en place d'une commission ad hoc consensuelle composée
de représentants de la société civile et de partis
politiques aussi bien du pouvoir que de l'opposition dont la mission sera de
préparer les textes pour la conduite des modifications
préconisées.
2) La commission de concertation sur les réformes
politiques
D'abord dénommée commission de
concertation des partis politiques125(*), les réserves et les suspicions dont elle a
fait l'objet ont obligé à la rénover de fond en comble
aussi bien sur le plan de ses compétences que de sa composition. Elle
prendra désormais le nom de commission de concertation sur les
réformes politiques126(*). Son caractère consultatif souligné
dans le premier décret est supprimé. Ses membres doivent militer
pour la mise en oeuvre des recommandations qu'elle aura
suggérées. En plus des vingt membres paritairement
répartis entre les partis de la majorité présidentielle et
les partis d'opposition, elle intègre dix représentants de la
société civile127(*) et quatre facilitateurs. Cette composition paritaire
et l'adjonction de facilitateurs dénotent du caractère politique
de l'instance et de la volonté de rechercher un compromis politique sur
les solutions scientifiques à la situation de crise que traverse le
pays. D'un côté, l'objectif visé officiellement à
travers sa création était en effet d'« établir
le dialogue sur les règles du jeu démocratique128(*) ». Mais de
l'autre, cette commission devait avant tout, « connaître du
fonctionnement de la démocratie au Burkina Faso129(*) » dans un
délai de 30 jours. L'article 4 du deuxième décret
énumère exhaustivement les questions dont elle devra traiter. Son
règlement intérieur à l'article 12 prévoit en cas
de besoin, de faire « appel à toute personne ressource
à l'effet de se pencher sur des points précis des
débats130(*) ». De plus, pour son rapport, elle dit
s'inspirer de rapports antérieurs131(*) traitant déjà des problèmes
qu'elle est appelée à résoudre. Elle évoque et
rejette apparemment des suggestions faites par International IDEA et esquive
certaines questions en les estimant complexe ou difficile à
résoudre en peu de temps ou encore devant échoir à
d'autres instances étatiques. Fait-elle vraiment de l'expertise ?
Elle en fait un peu mais elle semble surtout avoir procédé
à des choix entre les différentes options déjà
proposées par plusieurs expertises antérieures et
recommandé comme solution celles sur lesquelles elle a pu obtenir un
consensus au sein de ses membres. Ainsi, à propos de la constitution,
elle adopte les recommandations faites par le collège des sages à
propos de l'article 37 et évoque des problèmes constitutionnels
relatifs au statut de l'opposition sans proposer de solutions132(*). Dans les politiques
institutionnelles réformatrices, elle semble avoir servi de promontoire
à certaines des solutions scientifiques proposées jusque
là pour la résolution des problèmes institutionnels que
connaissait l'État burkinabé de la IVe République.
§2 : Les structures permanentes de production
d'expertise.
Dans la conduite des politiques publiques, l'État peut
ne pas aller chercher plus loin que son administration133(*) les savoirs
nécessaires pour illuminer ses choix. Rares sont en effet les
États modernes qui, aujourd'hui, n'aménagent pas, dans un souci
de rapprochement, des structures internes dont la mission est d'assurer l'aide
scientifique à la décision. C'est ce que Max Weber a très
justement appelé « cage de la raison134(*) » assurant une
expertise technique au profit des décideurs. Ces structures peuvent
prendre la forme d'organes juridictionnels (par exemple un conseil
d'État135(*) ou
une cour constitutionnelle aussi bien dans leurs avis que dans leurs
décisions juridictionnelles) tout comme ils peuvent être purement
administratifs. À cela, l'État burkinabé ne déroge
pas, non seulement en tant qu'État sur la voie de la modernisation, mais
aussi en tant qu'héritier des institutions administratives d'une
puissance coloniale qui a longtemps ignoré ou négligé les
formes autonomes et externes de mobilisation de l'expertise136(*). Ces structures sont
construites sur une base purement technique, ce qui permet de les ranger avec
certitude dans le modèle de « l'expertise de
service » ou « modèle standard ». Mais on
peut les ranger également dans « le modèle standard
rénové » ou celui de la consultation » toutes
les fois que, dans l'accomplissement de leur mission, elles prennent
connaissance de l'opinion publique137(*) avant de formuler leurs recommandations. Nous
tenterons de voir la mise en oeuvre du concours des structures parlementaires
d'expertise (A) et de la bureaucratie administrative (B) dans les politiques de
reforme de la constitution de la quatrième République.
A) Les structures parlementaires
d'expertise.
Il s'agit principalement de la défunte Chambre des
représentants et de la Commission des Affaires Générales,
Institutionnelles et des Droits Humains (CAGIDH).
1) La Chambre des représentants
Elle est construite sur le modèle des forums
hybrides dont parle Bernard Ancori à la seule différence que sa
mission n'était pas ad hoc. Au sein de la commission constitutionnelle
de 1991, ses promoteurs voulaient en faire un organe de limitation des pouvoirs
de l'Assemblée qui devait être élue. Mais le constituant en
a finalement fait un organe consultatif au service de la Chambre des
députés et de l'exécutif. Elle constituait une
mosaïque de vingt-et-cinq (25) associations de la société
civile et d'ailleurs, allant du monde paysan au monde universitaire. Des
minorités sociales aussi bien que des corps professionnels y
étaient représentés. Elle comptait cent soixante-et-deux
(162) membres issus de ces vingt-et-cinq associations et groupes
socio-professionnels, avec une représentation inégalitaire. Selon
l'ancien article 80 de la constitution du 11 juin 1991, « la Chambre
des représentants a un rôle consultatif ». Elle peut
être saisie par le gouvernement, l'Assemblée des
députés du peuple et par son bureau permanent. Mais le recours
à ses avis et leur prise en compte était facultatif
jusqu'à la loi constitutionnelle du 11 avril 2000138(*). Grâce à ces
dispositions, cette Chambre s'est érigée en véritable
éclaireur de l'Assemblée des députés du peuple
aussi bien que de l'exécutif toutes les fois que son avis était
requis. Concernant particulièrement les réformes
constitutionnelles, elle a été consultée deux fois de
suite (1997 et 2000) et la troisième fois lors de sa suppression en 2002
conformément à l'ancien article 163139(*) de la constitution du 02
juin 91. Les contenus de ses avis étaient parfois proches des points de
vue de la société civile. Aujourd'hui, au sein du parlement, tout
le poids de sa mission retombe dans le giron des commissions parlementaires.
2) Les Commissions parlementaires : la CAGIDH
Selon Mahamadé SAVADOGO « la discussion
politique dans le cadre de l'Assemblée législative exige
certaines compétences. Elle n'est pas un simple bavardage, une
manière parmi d'autres de s'occuper. [...] Ainsi, outre l'aptitude
à exprimer adéquatement son opinion, elle requiert parfois des
connaissances techniques relatives à telle ou telle dimension de la vie
sociale : économie, droit, culture, etc.140(*) ». Cet aspect du
travail parlementaire et le besoin de disposer de ces « connaissances
techniques » se sont traduits au Burkina Faso (et partout ailleurs
comme on peut le supposer), par une stratification à deux niveaux des
instances délibératives de l'institution parlementaire : les
séances plénières et les séances de commissions.
Ces dernières, chargées de préparer la discussion en
séance plénière, sont au nombre de six (compétentes
dans les divers domaines de la vie sociale économique et politique)
encore que l'on peut substituer à l'une ou l'autre, quelques fois, une
commission ad hoc. Cette division du travail parlementaire peut correspondre
dans une certaine mesure à la distinction abstraite qu'on peut faire
entre tout chercheur ou expert et tout décideur dans un contrat
d'expertise. En effet, le travail des commissions parlementaires est un travail
de contrôle et parfois de recherche qui peut s'approprier certains outils
de recherche propres aux sciences sociales comme l'observation,
l'enquête et l'entretien. En outre, elles peuvent faire appel à
des experts situés en dehors de l'administration publique et
parlementaire141(*).
Depuis 1992, le parlement dispose par ailleurs d'un centre de documentation
dont la mission est d' «assurer le support en documents de travail de
toute nature aux députés et au personnel administratif142(*) ». Il semble que
ce soit les documents de science politique et de droit public qui sont les plus
consultés dans ce centre143(*).
En ce qui concerne concrètement les politiques
institutionnelles réformatrices liées à la constitution de
la quatrième République, elles ont impliqué
presqu'exclusivement la Commission des Affaires Générales
Institutionnelles et des Droits Humains (CAGIDH) en 1997, en 2000, en 2002 et
en 2009 où une commission ad hoc l'a précédée.
Le besoin de connaissance s'est exprimé en droit, en
histoire, en légistique. Qu'il s'agisse d'une proposition ou d'un projet
de loi constitutionnelle, les travaux préparatoires à la
formulation du texte à voter intègrent sélectivement
certaines critiques pertinentes faites contre la constitution de la
quatrième République avant l'étape de la commission. Ainsi
en 1997, la réflexion préalable menée par le groupe
parlementaire CDP a proposé de débarrasser la constitution des
termes et des symboles révolutionnaires qu'elle recelait encore, de
revoir la devise nationale et certaines formulations malencontreuses, etc. Mais
la commission elle-même a de façon anecdotique, eu recours
à l'expertise de l'état major général des forces
armées pour savoir si l'expression « chef d'état major
général des forces armées nationales » pouvait
se dire.
Quant aux débats en séance
plénière, on a pu remarquer effectivement qu'ils se faisaient sur
la base d'une argumentation qui cherche à convaincre en faisant appel
à des connaissances dans différents domaines de la
science144(*). On peut
remarquer également qu'au Burkina Faso sous la quatrième
République, lorsqu'un président de l'Assemblée nationale a
un profil juridique et/ou politiste, sa présidence se transforme souvent
en chaire de professeur où il prodigue, en ces domaines, des
connaissances nécessaires à la compréhension des
débats en cours. Ces commissions parlementaires peuvent
bénéficier, en plus, de l'appui intellectuel des structures
gouvernementales
B) Les structures gouvernementales
d'expertise
1- Le secrétariat général du
gouvernement
Comme toute politique publique, les politiques
institutionnelles, dans la phase de leur inscription sur l'agenda politique,
passent nécessairement par les organes de conception du gouvernement.
Pour les politiques institutionnelles réformatrices qui nous
préoccupent, le passage par ceux-ci est obligatoire en vertu l'article
97 de la constitution du 02 juin 1991 qui dispose que « les projets
et propositions de lois sont délibérés en conseil des
ministres avant leur dépôt sur le bureau de l'Assemblée
nationale ». C'est à cette occasion qu'elles peuvent
bénéficier de l'expertise des services compétents de
l'administration. Il s'agit principalement du secrétariat
général du gouvernement et du ministère chargé des
relations avec le parlement. Ces structures disposent de directions juridiques
qui jouent un rôle important dans la procédure législative.
Lors de la révision constitutionnelle de 2002, le secrétaire
général du gouvernement a tenté de faire prendre en compte
devant la CAGIDH, pour une question de logique, certaines des recommandations
contenues dans le rapport d'avis de la Chambre des Représentants pour la
révision constitutionnelle de 2000.
2- Le ministère chargé des relations
avec le parlement et des réformes politiques
À propos des structures permanentes de production et de
mobilisations des savoirs à destination des décideurs politiques,
il convient de signaler la nouvelle trouvaille des élites dirigeantes de
la IVe République : l'institution d'un ministère dont la
mission unique est de s'occuper des réformes politiques.
Créé avec la mise en place du premier gouvernement du
quatrième mandat du Président Blaise Compaoré, il a fait
l'objet d'une organisation interne lors du conseil des ministres du 16 mars
2011 qui l'avait doté d'un certain nombre d'organes et de conseillers.
Mais après la crise qui a fauché le gouvernement du Premier
ministre Tertius ZONGO, il a été réaménagé
dans le tout nouveau gouvernement et porte désormais le nom de
« Ministère chargé des relations avec le parlement et
des réformes politiques145(*) ». Il ressort du conseil des ministres du
13 avril 2011 qu'il devra produire l'un des deux documents de synthèse
qui serviront de référence aux travaux sur les réformes
politiques envisagées. Mais il n'a, pour le moment, aucune action
particulière à son actif.
Section II : Production et socialisation militante
des savoirs scientifiques.
L'adoption de la constitution par le référendum
constitutionnel du 02 juin 1991 ne va pas sonner le retrait de l'espace public
des associations de la société civile qui s'y étaient
engagées (notamment le MBDHP). Au contraire, la clairvoyance dont
certaines d'entre elles ont fait preuve dans l'analyse de la situation
politique burkinabé va les conduire à s'impliquer davantage pour
pallier la faiblesse de l'opposition politique nationale146(*). Tous les observateurs de la
scène politique africaine des années 90 à nos jours
reconnaissent à la société civile au même titre que
Habermas dans son L'espace public et dans son Droit et
démocratie147(*),
un rôle primordial sinon exclusif dans l'amorce et surtout la lutte pour
la consolidation de la démocratie en Afrique.148(*) Au Burkina Faso, cette
volonté de présider à l'instauration d'une
démocratie réelle va se traduire de plusieurs
façons. La bataille pour la consolidation démocratique va
faire apparaître les linéaments d'une sorte de communauté
de sens149(*) active
particulièrement intéressée par les politiques
institutionnelles touchant, entre autres, les normes constitutionnelles de la
quatrième République. La socialisation d'un certain nombre de
connaissances techniques sera effectuée grâce à l'action
militante de cette communauté de sens. Elle est composée des
intellectuels engagés (§I) et d'associations qui défendent
la démocratie (§II)
§1 : L'engagement intellectuel
L'intervention politique des intellectuels peut se manifester
de plusieurs façons (A). Au Burkina Faso, l'observation
révèle la présence à la fois de l'intellectuel
spécifique (B) et de l'intellectuel collectif (C).
A) Typologie de l'engagement politique des
intellectuels.
Si l'on se réfère à la philosophie de
l'engagement de Mahamadé Savadogo, l'homme n'a pas besoin d'être
le porte-étendard des batailles politiques et sociales pour être
qualifié d'engagé. Pour le philosophe, exister simplement, c'est
déjà s'engager. Dans une conception aussi large de l'engagement,
il devient évident que ce mot renfermera des réalités
prodigieusement variées qui se distinguent plus par degré que par
nature. Ainsi, il désignera aussi bien l'engagement simple que
l'engagement compliqué, l'engagement particulier que l'engagement
politique, aussi bien les moins visibles que les plus médiatisés
selon la manière dont on s'engage, le lieu où l'on s'engage et ce
pour quoi ou pour qui l'on s'engage. Dans cette optique, l'engagement
intellectuel lui aussi explose logiquement en une multitude de formes150(*) qu'il est difficile
d'investiguer exhaustivement et de coter par des indices de telle sorte
à le rendre quantifiable, mesurable et démontrable. En revanche,
la conception sartrienne de l'engagement intellectuel151(*), en ce qu'elle saisit
celui-ci seulement au moment où il entre en action par la
dénonciation publique du système où lui-même
évolue, nous offre un champ d'analyse aisément
déterminable. En effet, selon Jean Paul Sartre, si l'intellectuel
« se recrute dans ce qu'il faut appeler les techniciens du savoir
pratique [il s'agit selon lui des professeurs, des chercheurs, des
ingénieurs, des médecins, des écrivains], il ne suffit pas
de faire son métier dans ces domaine-là pour être un
intellectuel152(*) ». Ces gens, « qui ont comme
métier de constituer des données techniques ou pratiques d'une
manière quelconque à partir d'un savoir scientifique153(*) » ne deviennent
des intellectuels que lorsqu'ils s'engagent dans la critique et la
dénonciation. « Ce qui veut dire que, poursuit Sartre, dans la
plupart des cas, il signe des pétitions, c'est-à-dire que voyant
la différence entre une pensée et une conduite politique
universelle, et la conduite et la pensée politique particulière
qu'un gouvernement bourgeois mène, il dénonce la pensée
particulière et la politique particulière au nom de
l'universel154(*)»,
qui représente chez lui la science. Cette façon de voir les
choses se retrouve davantage taillée chez Michel Foucault et Pierre
Bourdieu à travers respectivement la théorie de
« l'intellectuel spécifique » et
de « l'intellectuel collectif » qui ne
dénoncent pas tout comme le fait concrètement Sartre dans sa
pratique de l'engagement, mais seulement ce qu'il sait. Cette conception, que
Gisèle Sapiro rapporte et explicite dans Actes de la recherche en
sciences sociales, « promeut une action politique (à
laquelle l'intellectuel prend part en tant que citoyen) fondée sur un
savoir spécialisé sur le monde social (qu'il contribue à
élaborer dans son domaine de compétence)155(*) ». Pour Foucault,
« l'intellectuel c'est le type qui est branché non pas sur
l'appareil de production, mais sur l'appareil d'information. Il peut se faire
entendre. Il peut écrire dans les journaux, donner son point de vue. Il
est également sur l'appareil d'information ancien. Il a le savoir que
lui donne la lecture d'un certain nombre de livres, dont les autres gens ne
disposent pas directement156(*) ». Grâce à cette façon
de capitaliser son capital culturel, l'intellectuel spécifique utilise,
selon Sapiro, la contre-expertise comme un de ses modes
privilégié d'intervention politique. À ce paradigme qui
saisit l'intellectuel dans son action isolée, Pierre Bourdieu a
construit un autre modèle qui saisit l'intellectuel spécifique
dans son action avec les autres : « l'intellectuel
collectif » ou encore selon Sapiro « mouvement
contestataire spécialisé ». D'après Sapiro,
« ce modèle renvoie au mode de fonctionnement du champ
scientifique fondé sur le travail en équipe et l'accumulation des
connaissances, inaugurant un nouveau mode d'intervention politique collectif
sur la base de travaux scientifiques ». Ces modèles nous
intéresse en ce que, au Burkina Faso, des intellectuels les emploient
pour drainer dans l'espace public, un flux important de connaissances
scientifiques sur les institutions politiques, dans le but stratégique
d'actionner pour elles, le levier inscripteur des politiques publiques sur
l'agenda politique gouvernemental, ou simplement d'apporter un soutien
scientifique aux politiques institutionnelles en cours, ou encore pour
contribuer au perfectionnement des institutions déjà
établies. Il convient de traiter d'abord de l'intellectuel
spécifique, qui semble être le modèle le plus dominant dans
l'espace public burkinabé.
B) L'intellectuel spécifique
burkinabé
Il est incarné par des professeurs, des
enseignants-chercheurs et chercheurs-enseignants, de même que des
doctorants, étudiants et simples citoyens. Ils donnent de la voix sur le
régime politique burkinabé instauré par la constitution de
la quatrième République et son exercice, à travers des
articles publiés dans la presse ou à l'occasion d'interviews
accordées à des masses médias. Ils entendent par ces
interventions analyser, diagnostiquer, puis interpeller les gouvernants sur les
déficiences des institutions établies ou l'impact négatif
que peut avoir sur le processus démocratique, les politiques
institutionnelles qu'ils envisagent de mener, ou encore ce qui devrait
être fait pour consolider la démocratie. Mêmes les articles
de revues, que l'on peut penser d'abord être destinés à
leurs pairs de la communauté scientifique, dénotent quelques fois
d'un engagement explicite en faveur de la démocratie de leur pays et
d'une volonté de contribuer à son renforcement. Les
réformes politiques qu'envisage le régime actuel depuis l'appel
lancé par le Président du Faso lors du 48ème
anniversaire de l'indépendance nationale, a incité beaucoup
d'entre eux à traiter davantage de ces questions en publiant des
écrits ou en se prononçant toutes les fois que les médias
leur en ont donné l'occasion. L'analyse de la presse nationale nous a
permis de repérer ces intellectuels qui par la plume et le verbe,
tiennent un discours savant qui, en principe, devait attirer l'attention de
tout gouvernement pour peu qu'il soit démocratique. On peut citer en
premier lieu l'écrit de Laurent Bado sur le régime politique
burkinabé au lendemain de sa naissance, dont certaines conclusions ont
été reprises dans le Rapport d'International IDEA sur la
démocratie au Burkina Faso (1998)157(*). L'article de Garané Amidou intitulé,
« l'Acte II du processus démocratique au Burkina
Faso158(*) »,
qui est intervenu après la révision constitutionnelle la plus
controversée de l'histoire politique du Burkina, contient
également des appels qui ne semblent pas avoir laissé
indifférents certaines des institutions interpellées. Il convient
en outre de mentionner les écrits et les interviews du Pr Augustin
Loada159(*) de
même que celui de Luc Marius Ibriga160(*). Écrire ou accorder des interviews
constituent pour eux des moments de contre-expertise ou de « discours
hérétiques » ou « critiques161(*) » pour reprendre
des termes chers à Bourdieu. En ce qui concerne le premier, on peut
citer comme publications « la République du Boungawa162(*) », « la
limitation du nombre de mandats présidentiels en Afrique
francophone163(*) », « État et chefferies
traditionnelles au Burkina Faso : l'exemple du Ghana164(*) »,
« lettre ouverte aux honorables députés de
l'Assemblée nationale du Burkina Faso165(*) ». Au plan des interviews, on doit
signaler les titres suivants : « Si on aime la
démocratie, on ne peut pas se satisfaire d'institutions de façade
telles qu'elles existent au Burkina166(*) » (une réaction à l'affaire
Salif Diallo167(*)), "La
révision de notre constitution ne doit pas être l'affaire du seul
CDP168(*)", «Dans
quel royaume africain a-t-on vu un chef changer les règles
constitutionnelles à sa guise comme on le voit aujourd'hui dans notre
pays? 169(*) ».
Quant à Luc Marius Ibriga, on peut citer les interventions suivantes:
« constitution de la quatrième République, l'avis d'un
expert170(*) », « Si le Président
Compaoré veut se présenter, que l'on passe à la
Vème République171(*) » , « Faiblesse de
l'opposition : les conséquences sur la vie parlementaire172(*) », « Au
Burkina, nous avons un président trop puissant mais politiquement
irresponsable173(*)
», « Pour un régime parlementaire au
Burkina il faut une reconversion des mentalités174(*) »,
« Politique nationale: Luc Marius Ibriga distille ses
vérités175(*) », « La proximité des
élections n'est pas le meilleur moment pour faire des
réformes176(*) », « Pourquoi les
Burkinabè boudent-ils la présidentielle ?177(*) ». Cette liste
d'intellectuels critiques se prolonge de deux autres personnalités: un
philosophe, Mahamadé Savadogo178(*) et un sociologue du nom de Boureima
Ouédraogo179(*).
Pour le philosophe de l'engagement, deux interventions méritent
d'être signalées : il s'agit d'abord de l'interview
intitulée « mon souhait, c'est l'alternance radicale au
Burkina180(*) » et de celle titrée
« nous assistons au retour d'un esprit rétrograde entretenu
par une caste de notables prêts à tout181(*) ». En ce qui
concerne le sociologue, l'écrit repéré est celui qui porte
le titre de « révision de l'article 37 de la constitution, on
les voit venir... 182(*)».
Par ce petit tour d'horizon, on peut se rendre compte que les
intellectuels engagés essaient d'exercer des pressions et de faire
prendre en compte leur point de vue en comptant sur l'unique pertinence de
leur argumentation. Comme le disait Jean Paul Sartre, l'intellectuel n'a pas le
pouvoir. Ils n'ont donc que la plume et le verbe. Mais la voie des
masses-médias étant considérée comme l'étage
supérieur de l'espace public183(*), ils contribuent grandement à la
socialisation de la vision très informée qu'ils ont du
régime politique burkinabé. Cette position dominée peut
conduire quelques fois les intellectuels à se coaliser pour pratiquer
leur engagement, encore que l'étendue effarante du domaine scientifique
les y pousse naturellement184(*).
C) L'intellectuel collectif Burkinabé
Concrètement, l'intellectuel collectif, comme facteur
de socialisation des savoirs scientifiques, peut se manifester de plusieurs
façons. Son action passe, soit par la participation à la
rédaction d'ouvrages collectifs dont l'ambition première est
clairement d'apporter un soutien technique aux problèmes publics que
traitent les gouvernants, soit de participer à des cadres communs ou
multilatéraux de réflexion sur des questions brûlantes du
moment afin de produire à l'endroit des décideurs, des recettes
d'action publique.
En ce qui concerne les ouvrages collectifs, on peut, en
premier lieu, parler de celui réalisé par Luc Marius Ibriga et
Amidou Garané en 2003 et qui porte le titre de « Constitutions
burkinabé. Textes et commentaires ». Dans son interview parue
dans la République, n° spécial Octobre 2003, Luc Marius
Ibriga affirme que la volonté non seulement de mettre à la
disposition des étudiants un ouvrage sur le droit constitutionnel
burkinabé mais aussi de doter la classe politique d'un
« document dans lesquels elle pourrait retrouver des textes et
commentaires des constitutions » les a motivés dans leur
entreprise.
Les autres modes d'action collectifs sont les colloques, les
forums, les conférences publiques, les pétitions ou de simples
articles signés par ou au nom d'un groupe d'intellectuels. Au Burkina
Faso, le forum citoyen organisé le 12 novembre 2005 conjointement par le
Mouvement Burkinabé des Droits de l'Homme et des Peuples (MBDHP) et le
Manifeste des intellectuels pour la liberté (MIL), sous le thème
« le citoyen et les limites de la démocratie en Afrique :
le cas du Burkina Faso » relève de cette catégorie. Il
a été animé par le Pr Mahamadé Savadogo
(philosophe), Luc Marius Ibriga (publiciste) et Kassoum Kambou (magistrat)
à travers la présentation par chacun d'une communication
liée au thème. Il faut y ajouter aussi le Forum des Citoyennes et
Citoyens de l'Alternance (Focal) qui, contrairement à son
prédécesseur, s'est institutionnalisé. Il se tient
désormais tous les deux ans dans les premiers jours du mois de mai.
Selon ses initiateurs, il n'est « ni un parti politique, ni une
association, mais plutôt un groupe informel185(*) »,
« une simple réunion publique régie par les
dispositions de la loi portant liberté de réunion186(*) ». La
première édition était dotée d'une commission
chargée des questions politiques. La deuxième édition
comprenait trois commissions dont celle chargée des réformes
politiques et institutionnelles. Elle a bénéficié de
l'appui intellectuel du CGD et a formulé des recommandations beaucoup
plus étoffée que la première.
L'intellectuel collectif qui signe des pétitions peut
être illustré par l'exemple des « quatre
mousquetaires » comme on les a surnommé dans la presse locale
burkinabé. Il s'agit de Me Guy Hervé Kam (avocat), du Pr
Augustin Loada (juriste et politologue), de SIAKA Coulibaly (juriste) et du
journaliste Ben Youssouf O. MINOUNGOU. Il s'agissait pour eux, à travers
cette pétition, d'introduire à l'Assemblée nationale une
politique institutionnelle réformatrice de la constitution dont
l'objectif était de rendre intangible la limitation du nombre de mandats
présidentiels. Mais au delà de cet objectif se situait celui de
démontrer, de façon chiffrée aux yeux de tous les
burkinabé et du reste du monde, qu'un bon nombre de citoyens
étaient favorables à cette limitation et qu'il n'était pas
question pour le parti majoritaire, d'avancer facilement l'argument de l'appel
du peuple.
Ces intellectuels qui se battent pour que leur point de vue
informé soit pris en compte dans les politiques institutionnelles
poursuivent parfois leur militantisme au sein de certaines associations de la
société civile dont l'objectif est aussi de contribuer à
la consolidation de la démocratie burkinabé.
§2: Les associations de défense de la
démocratie
Dans la philosophie de Jürgen Habermas, la
société civile est saisie comme coauteur de la production des
normes juridiques légitimes. Selon le représentant de
l'école de Frankfort, dans les démocraties modernes,
« la production du droit légitime n'est pas le monopole des
organes de l'État, mais plutôt le produit du jeu combiné
des espaces publics institutionnels et des « espaces publics
autonomes » ou si l'on préfère de la
société civile187(*) ». Cette participation à la
production institutionnelle se fait essentiellement grâce au dynamisme et
au militantisme dont elle peut faire preuve pour faire prendre en compte son
point de vue. Dans cet effort pour influencer la production des normes, le
recours à la production et à la mobilisation des savoirs est une
stratégie privilégiée entre toutes. Au Burkina Faso, elle
sera surtout déployée pour tenter de booster la consolidation
d'une démocratie minable, qui, aux yeux de beaucoup d'analystes, devrait
rester telle s'il ne tenait qu'a ses dirigeants politiques188(*).
Ainsi, certaines associations de la société
civile burkinabé vont s'organiser dans des structures spéciales
plus ou moins permanentes, et mener des initiatives communes dans ce sens. La
socialisation des savoirs sera d'avantage favorisée par le fait que
certains des citoyens qui animent ces associations ont été,
à certaines occasions, les protagonistes des diagnostics scientifiques
que le régime de la quatrième République a connu189(*). Mieux, certaines de ses
composantes se sont données pour mission de pratiquer la
recherche-action dont on sait qu'elle est l'astuce choisie par les sociologues
critiques comme P. Bourdieu190(*), pour organiser des rapports d'influence
réciproque entre la science et les acteurs socio-politiques et
économiques. Mais dans ce combat pour le renforcement de la
démocratie, la société civile ne sera pas seule au front.
Elle aura souvent dans ses rangs ou dans son sillage des partis politiques qui
vont accorder autant d'importance à la mobilisation des savoirs
qu'à la conquête du pouvoir. Il convient donc de voir dans un
premier temps l'action des organisations de la société civile
(A), et dans un deuxième temps celle des partis politiques (B).
A) Les associations de la société
civile
La distinction entre associations agissantes et associations
pensantes mérite une explication liminaire. Elle se fonde sur la
stratégie au coeur de l'engagement militant. Tandis que les associations
agissantes sont sur le terrain, pratiquent la sensibilisation, rédigent
des rapports sur leurs activités, convertissent l'insatisfaction sociale
et politique en plate-forme revendicative et organisent quelques fois des
marches pour se faire entendre (1), les associations pensantes que l'on nomme
généralement think tanks, passent par la recherche et la
dissémination de ses résultats comme moyens d'action sur le
politique (2).
1) Les associations agissantes
Il sera principalement question ici des associations de
défense des droits de l'homme, de juristes, et des syndicats de presse
et d'avocats. Les objectifs qu'ils poursuivent sont irréalisables sans
une réelle démocratie191(*). Conscients que leur destin dépend de celui
de la démocratie, ils la défendent à la fois comme fin et
comme moyen. Ils recrutent des compétences, commandent des
études, produisent des rapports, interpellent l'État sur la
nécessité d'améliorer ou d'adopter telle ou telle
législation et d'adhérer à telle ou telle convention
internationale. Ils tendent ainsi constamment à exiger un renouvellement
et mieux une amélioration continue du dispositif institutionnel
étatique. Ces associations sont généralement
créées et animées par des intellectuels (magistrats et
universitaires) qui, au lieu de poursuivre le « rêve
américain en terre africaine»192(*) , ont décidé de mettre leurs
savoirs au service de la cause qu'ils défendent. Le recours à
leur propre savoir et l'emploi des conclusions de toutes les expertises sur les
institutions politiques sont leurs armes privilégiées.
Ainsi, lors de la révision constitutionnelle de 1997,
quatorze (14) de ces associations193(*) de la société civile burkinabé,
constituant la deuxième manifestation194(*) de ce que nous avons appelé
« communauté de sens », vont entrer en pourparler
avec l'Assemblée des Députés du Peuple pour faire, sous
forme d'avis, une contre-proposition de révision constitutionnelle
tendant à consolider la démocratie. Il s'agit de l'ACAT, de
l'ADABA, de l'AFJB, de l'AJB, de la Fédération burkinabé
des associations et club UNESCO, du GERDDES du MBDHP, de la SEP, de l'UJAB, de
l'ANAR, du CAO, du NDHB, du CREDA, et de la LDLP. Ces associations ont
consigné dans un document collectif un ensemble de contre-propositions
qui prenaient le contre-pied des propositions faites par le pouvoir de la
quatrième République à travers sa majorité
parlementaire.
Le drame de Sapouy va élargir et institutionnaliser
cette « communauté de sens » en regroupant autour
des organisations leaders du Collectif pour l'Observation des élections,
d'autres associations existant avant ou créées
consécutivement à ce drame (ex du manifeste des intellectuels
pour la liberté). Cette communauté élargie prendra le nom
de Collectif des Organisations Démocratiques de Masses et de Partis
Politiques (CODMPP) qui va catalyser et convertir en plate-forme revendicative
les différentes critiques et propositions de réformes
institutionnelles faites jusque-là. Elle a été
résumée de manière synthétique en trois points
fondamentaux par le président du collectif: « - Reformer
le pouvoir judiciaire pour faire la lumière sur l'assassinat de Norbert
Zongo et tous les crimes physiques et économiques qui ont
émaillé notre pays depuis les périodes d'exception. -
Opérer des réformes politiques pour fonctionnaliser les
institutions et occasionner une meilleure représentation de notre
peuple. - Élargir les espaces de libertés individuelles et
collectives. »195(*)
L'action de l'Église catholique burkinabé
mérite également d'être signalée. Sa
« fonction critique 196(*)» qui, selon R. Otayek, est devenue une
« tradition solidement établie197(*)», n'a cessé de
s'exprimer. Elle continue en effet d'interpeller les pouvoirs publics sur les
questions de politiques institutionnelles surtout depuis sa récente
appréhension « d'une révision possible de l'article 37
de la Constitution de notre pays198(*) » à travers l'analyse
« de ce qui s'est écrit dans les journaux199(*) ». Ainsi, la
conférence épiscopale Burkina-Niger200(*) s'est fait le devoir de
rappeler à la bonne mémoire des autorités politiques, les
recommandations du collège de sages sur l'article 37 de la constitution
relatif à la limitation du nombre de mandats présidentiels. A
l'occasion de la commémoration de l'indépendance du Burkina Faso,
les archevêques et les évêques du Burkina se sont de nouveau
livrés à une analyse critique de la vie politique
burkinabé depuis les indépendances et ont estimé que
« les conclusions et les recommandations [du MAEP] devraient
constituer une bonne base de discussion et de dialogue démocratique pour
la consolidation de notre jeune démocratie201(*) ».
En 2007, une nouvelle association est apparue :
l'association burkinabé de science politique (ABSP). Elle se donne comme
objectif de « servir de cadre d'échanges scientifiques sur des
questions d'intérêt national ou international en rapport avec le
droit public et la science politique ; Contribuer à la promotion
et à la diffusion du droit public et de la science
politique ; Contribuer à la dynamisation du débat sur les
questions en rapport avec le droit public et la science politique202(*) ». Elle a fait
entendre sa voie lors du débat provoqué par un dignitaire du
régime à propos d'une éventuelle cinquième
République burkinabé203(*) (mais elle a disparu depuis).
« Les combats pour la démocratie et le
droit » que mène la société civile se
nourrissent donc des sciences et des connaissances qu'elles produisent sur ces
problématiques. Elle dispose souvent de l'appui intellectuel des
associations pensantes.
2) Les associations pensantes : les think tanks
de la démocratie
Les think tanks sont, d'après S. Cadiou,
« des instances indépendantes, et non partisanes, de
production d'analyses et de réflexions sur les débats publics et
destinées aux responsables publics et privés, voire plus
généralement à l'opinion204(*) ». Selon McGann et Weaver, il existe
quatre types de think tanks : les "universités sans
étudiants", "les instituts de recherche sous contrats", les "advocacy
think tanks" et les "party think tanks205(*)". Au regard de cette définition et de cette
typologie, on peut repérer dans l'espace public burkinabé, deux
think tanks qui s'occupent de la démocratie et de la bonne gouvernance.
Il s'agit en premier lieu du GERDDES (a) qui, au niveau sous-régional
est un think tank mais qui, au Burkina Faso, agit surtout sur le terrain et le
CGD (b) qui, de façon tranchée, relève absolument de la
catégorie des "universités sans étudiants206(*)" toutes les fois qu'il agit
de sa propre initiative.
a) Le GERRDES
Le GERDDES-Afrique (Groupe d'Étude et de Recherche sur
la Démocratie et le Développement Économique et Social)
est une organisation non gouvernementale panafricaine crée en 1990 dont
le siège se trouve présentement à Cotonou (Benin). Il est
l'oeuvre d'un groupe d'intellectuels issus d'espaces professionnels
différents (avocats, juristes, économistes, professeurs
d'université, fonctionnaires internationaux, ingénieurs etc.) Il
est géré par un conseil d'administration et par le Centre
International de Recherche sur la Démocratie et le développement
(CIRD). À ce titre, il peut donc être assimilé à un
think tank de la démocratie, ses études et ses recherches
étant naturellement engagées pour une amélioration
qualitative et quantitative de la démocratie en Afrique. Il s'est
d'ailleurs doté d'une revue dans ce domaine. Mais il est difficile de
dire autant des GERDDES nationaux qui sont autonomes et mènent plus des
activités de terrain que des activités de recherche et de
conception. Pour le GERDDES-Burkina, quoique les études et les
recherches figurent parmi ses moyens d'action, il ressort de notre entretien
avec la Chargée de programmes207(*) et du répertoire des
activités208(*)
qu'il a conduites ces deux dernières décennies, que l'action sur
le terrain a été sa préoccupation majeure. Au plan
national, il s'en remet plutôt au leadership intellectuel209(*) du Centre pour la
Gouvernance Démocratique (CGD).
b) Le CGD
En se donnant pour mission de « promouvoir la
démocratie et la bonne gouvernance au Burkina Faso en particulier et en
Afrique en général », le CGD (Centre pour la
Gouvernance Démocratique) se place au coeur de la problématique
des politiques institutionnelles car, comme le dit Mahamadé Savadogo,
« la démocratie [...] est le régime des institutions. Nulle
part ailleurs la suprématie de l'institution n'est aussi forte que dans
l'État démocratique. L'État de droit qu'est le
régime démocratique est l'État du droit, l'État des
juridictions et, en définitive, des institutions210(*) ». Ainsi, en tant
que think tank, la stratégie privilégiée par le CGD pour
la réalisation de sa mission est la production et la
dissémination de ressources de connaissances sur les institutions
politiques burkinabé dans l'espoir que ces savoirs scientifiques
mobilisés seront pris en compte pour la consolidation de la
démocratie. Pour s'assurer de conduire à bien sa mission, il a
opté de pratiquer la méthode de la recherche-action qui permet
d'organiser des rapports dialectiques d'échanges entre chercheurs et
acteurs. En plus, pour chaque recherche menée, il organise des ateliers
de restitutions et des dialogues démocratiques sur les résultats
de la recherche, où tous les acteurs politiques nationaux sont
conviés (partis politiques, organisations de la société
civile, etc.). Une méthode qui ressemble beaucoup à celle que
préconisait le Forum de l'UNESCO sur «l'articulation entre
politiques et sciences sociales » qui observait que, de
façon générale, « les solutions
sociétales impliquant l'effort concerté de tous les acteurs
concernés, sans fondement technique prédéterminé,
constituent la seule approche viable » même si certains
problèmes « exigent des solutions techniques, qu'elles soient
traditionnelles ou innovantes211(*) ».
Le CGD s'est également doté d'un arsenal de
communication scientifique conséquent. En effet, non seulement il
dispose d'un site internet212(*) où les différentes études
publiées sont accessibles et téléchargeables gratuitement,
mais aussi ces mêmes études sont imprimées sous forme de
manuels en nombre limité et distribuées aux citoyens et aux
institutions politiques. Enfin, CGD infos est son organe de presse de quatre
pages où il reprend parfois sous formes de synthèse, le
monitoring des institutions et autres études menées dans son
domaine de compétence.
Dans le cadre de son plan stratégique 2008-2012 (qui
« entend contribuer à un changement de la
gouvernance démocratique au Burkina Faso à l'horizon
2012 213(*)»)
le CGD a produit une série d'études214(*) sur la démocratie
burkinabé avec un nombre important de recommandations à l'adresse
des autorités politiques. Sur la base de ses travaux de recherche, il a
également élaboré un code de bonne conduite en
matière de révisions constitutionnelles. Leader de fait de la
société civile à cause de sa prééminence
scientifique215(*), il
apporte son appui intellectuel aux autres mouvements de la
société civile ainsi qu'aux partis politiques qu'il invite
toujours dans ses dialogues démocratiques.
B) Les partis politiques
Comme lors de la politique constitutionnelle de 1990, certains
partis politiques burkinabé vont continuer à s'intéresser
aux problèmes que pose le processus de démocratisation dans leur
pays. Ils contribuent à la socialisation des savoirs soit par des
marches, soit par la signature d'écrit dans la presse pour interpeller
les dirigeants politiques. Ainsi, on a d'abord vu certains militer au sein du
Collectif des organisations démocratiques de masses et des partis
politiques à la suite du drame de Sapouy pour exiger une refonte des
institutions en soutenant la plate-forme revendicative avancée par cette
organisation. Le Focal les invite aussi à son Forum sur l'alternance qui
a connu deux éditions à ce jour. Ils apportent dans ce cas un
soutien à l'action militante qui porte dans l'espace public et jusqu'aux
portes du pouvoir politique, des revendications politiques souvent
scientifiquement argumentées. Mais la sortie la plus inédite est
celle faite en 2008 par le groupe des refondateurs. Dans L'Observateur Paalga
n° 7106 du lundi 07 avril 2008, neufs (9) partis politiques216(*) ont signé un
écrit de deux pages intitulé « Manifeste des
refondateurs » où ils ont égrené une
série de propositions de réformes, après avoir
livré une brève analyse de la situation politique nationale qui,
selon eux, connaîtrait une « crise permanente ». Mais
ce qui est intéressant sous l'angle de la problématique de la
mobilisation des savoirs, c'est le fait qu'ils aient pris le soin de
préciser, de prime abord, que leur « démarche s'appuie
fortement sur le rapport du collège de sages comme document fondamental
de référence dans l'oeuvre de refondation ». Cette
sortie a été suivie par celle de l'UPC, du MPS/PF puis encore de
l'UNDD qui était déjà dans le groupe des refondateurs et
du CPO (Cadre de Concertation des Partis Politiques de l'Opposition) à
travers une conférence de presse tenue le 23 janvier 2010 au
siège du Rassemblement des écologistes du Burkina Faso (RDEBF).
Ce militantisme tourné vers la recherche de l'amélioration des
institutions démocratiques (par le rappel constant de la
nécessité de mettre en oeuvre les recommandations issues des
instances externes d'expertise), et non seulement vers la conquête du
pouvoir témoigne du sentiment d'impuissance qu'ils éprouvent
devant l'iniquité des règles normatives et pragmatiques217(*) de la compétition
politique.
DEUXIÈME
PARTIE
L'IMPORTANCE ET LA NATURE DES ECHANGES ENTRE SCIENCE,
SAVANTS ET POUVOIR POLITIQUE DANS LES POLITIQUES INSTITUTIONNELLES
ETUDIEES.
L'exploration des modes de socialisation des sciences dans les
politiques institutionnelles de la quatrième République, leur
analyse minutieuse en rapport avec les contextes de leur intervention a permis
d'illuminer les voies de contact ou passerelles par lesquelles
s'établissent ou tentent de s'établir les relations qui lient le
monde de la science et de la politique au Burkina Faso dans le domaine
spécifique des politiques constitutionnelles et réformatrices.
Cette exploration des formes de la socialisation des savoirs ne pouvait que
déboucher logiquement non seulement sur une mise au point,
c'est-à-dire une sorte de récapitulatif général de
la somme des ressources de connaissances ainsi mobilisées mais aussi sur
la mesure de la réceptivité des décideurs politiques
auxquels elles sont destinées (Chap. I). Il s'agit donc de faire le
bilan et de rapporter les propositions et avis aux réformes effectives
opérées par leurs destinataires. De même, une telle
comparaison fera apparaître, sans qu'on fasse un effort
supplémentaire pour les retrouver, la nature des relations entre
sciences et politique et le paradigme politico-scientifique burkinabé
(Chap. II).
CHAPITRE I : La Mesure du degré de
réceptivité des décideurs politiques.
Il s'agit ici de procéder à la mesure du
degré de réceptivité des décideurs politiques dans
les différentes politiques institutionnelles
étudiées : aussi bien dans la politique constitutionnelle de
1990 (Section I) que dans les politiques de révision de la constitution
(Section II).
Section I : La politique constitutionnelle de 1990
face aux savoirs mobilisés.
Privé initialement de façon
décrétale de la liberté de s'informer et de s'abreuver
à toute source de connaissances utiles à l'exécution de
son mandat, les ressources cognitives de la commission constitutionnelle
étaient limitées à celles que le Front Populaire lui avait
permis ouvertement de faire recours. Mais le refus de la limitation et
l'exigence d'une autonomie absolue exprimée à l'unanimité
par les commissaires lui ont permis d'enrichir ses travaux de plusieurs autres
sources d'informations.
C'est ainsi que, entre autres, la constitution du
Brésil, de la Namibie, du Bénin, la constitution de la
deuxième République voltaïque de 1970, ont pu servir de
source d'inspiration supplémentaires aux commissaires. Mais le canevas
de discussion sur l'avant-projet de constitution a d'abord
reflété le projet du Front populaire de constitutionnaliser la
révolution démocratique et populaire (§1)
conformément à sa politique de rectification, et témoigne
que le comité de rédaction mis en place s'est, dans un premier
temps, cantonné dans un rôle d'expert de service. Ce canevas a
cependant été absolument bouleversé grâce à
l'apport cognitif des comités de réflexion des associations de la
société civile et des partis politiques (§2). Grâce
à leurs apports critiques scientifiquement argumentés, ils ont
réussi à accomplir le miracle de l'ouverture démocratique
formelle, face à un pouvoir qui n'en avait visiblement pas envie
(§3).
§1: Le projet de constitution du Front populaire dans
son essence : les stigmates de l'esprit totalitaire.
Le comité d'experts commis à la rédaction
du canevas de discussion de l'avant-projet de constitution a
élaboré un plan en 15 titres. Le préambule, dont on ne
précise pas encore qu'il fait partie de la constitution, recèle
en trois points quelques déclarations générales que l'on a
appelées droits et devoirs individuels et collectifs, droits sociaux,
puis droits politiques qui, selon B Arsène Yé, parlent
« de tout sauf de droits politiques »218(*). La constitution
elle-même, avec ses quinze titres, s'ouvre majestueusement par un titre I
consacré à l'État et à la souveraineté du
peuple. L'État est dit de nature révolutionnaire et
démocratique. Le but stratégique de la constitution, selon le
canevas, c'est la révolution démocratique et populaire qui est
posée comme la référence suprême de la constitution,
la Gründe norm dans le sens kelsenien de l'expression. Le canevas de
discussion prend ainsi en compte de façon large, les positions
pseudo-scientifiques du Front populaire défendues dans la presse
d'État par ses intellectuels organiques et au sein de la commission par
son aile gauche. Il reflète dans son ensemble, selon les termes que
Bongnessan Arsène Yé, « l'état d'esprit des
rédacteurs »219(*) qui ont voulu répondre aux injonctions venues
d'en haut.
Dans ce canevas, les rédacteurs ont sculpté un
président du Faso colossal en pouvoirs, élu pour cinq ans et
rééligible à souhait, à la majorité simple
au premier tour. Le peuple, en matière législative, comme en
toute autre question pouvant intéresser la nation, devait garder le
silence tant qu'on ne lui demandait pas son avis. Le droit d'initiative
populaire ne lui était point reconnu. Il ne jouissait d'aucune
initiative législative ni pour proposer des lois ni pour demander la
révision de la constitution ; ce qui est curieux pour un pouvoir
qui thèse sur sa volonté d'utiliser la démocratie comme
une stratégie de mise en oeuvre de la révolution. Parmi les
dizaines de députés dont on comptait doter l'Assemblée des
députés du peuple, quinze (15) devaient être nommés
par le président du Faso. Quand au mandat du député, il
est d'un an inférieur à celui du président du Faso. Les
structures populaires de la rectification sont constitutionnalisées par
une reprise des textes les régissant. Les dispositions du canevas sur
l'organisation du pouvoir populaire sont, selon Bongnessan Arsène
YÉ, la « copie certifiée conforme »220(*) de ces textes. Le Front
populaire devait y patronner idéologiquement les partis politiques,
qu'ils en soient membres ou non puisqu'il était défini comme
« le cadre d'orientation et d'approfondissement du processus
révolutionnaire221(*) ». Comme s'ils partageaient les
rôles entre eux et la commission constitutionnelle, et comme s'ils
étaient certains que le canevas va passer sans contestation, les
rédacteurs ont déclaré qu'ils réservaient aux
commissaires la charge de déterminer les conditions de participation des
autres partis politiques à l'animation de la vie politique
(élections locales, législatives et présidentielles). Les
représentants du Front populaire insisteront plus tard pour qu'on
n'admette que les partis anti-impérialistes. Les tribunaux populaires
sont constitutionnalisés et la création d'une cour sureté
de l'État a été prévue. L'initiative de la
révision constitutionnelle, qui a été
réservée uniquement au chef de l'État, était
seulement limitée par l'interdiction de toucher à
l'intégrité territoriale. Le reste des dispositions, pour la
plupart, ressortissaient aux techniques du parlementarisme rationalisé.
Ce texte sera reconstruit de fond en comble grâce à l'opposition
et à l'apport cognitif des associations non-membres du Front
populaire.
§2: Le projet de constitution à l'issue du
processus constitutionnel : les empreintes cognitives des organisations
non-membres du Front populaire
L'apport cognitif des organisations de la
société civile comme l'Église catholique, le Mouvement
Burkinabé des Droits de l'Homme et des Peuples, et des partis politiques
tels que le Parti Africain de l'Indépendance (PAI), la Convention
Nationale des Patriotes Progressistes/Parti Social Démocrate (CNPP/PSD)
et dans une certaine mesure le Mouvement des Démocrates Progressistes
(MDP) va entrainer la transfiguration du canevas de discussion en un
avant-projet de constitution assez démocratique et plus
libéral.
Le projet de constitution finalement soumis à
référendum institue dès le préambule, un
État de droit en lieu et place de l'État révolutionnaire,
démocratique et populaire initialement prévu. En plus de la
référence à la déclaration universelle des droits
de l'homme de 1948 et à la charte africaine des droits de l'homme et des
peuples de 1981 déjà contenues dans le canevas, une mention
spéciale est maintenant faite pour la protection de l'environnement. Le
pouvoir constituant originaire tranche d'avance la controverse française
du caractère obligatoire ou non du préambule en précisant
à l'instar de la constitution de la deuxième et de la
troisième République burkinabé qu'il fait partie
intégrante de la constitution. À l'opposé du canevas, et
comme s'il voulait dire symboliquement adieu pour de bon à la conception
marxiste des droits de l'homme, le titre II consacré à
l'État et à la souveraineté du peuple est
précédé d'un titre I spécialement
réservé aux droits et devoirs fondamentaux où l'abondance
des droits reconnus au citoyen contraste avec les quelques devoirs qui lui
incombent. En effet, sur les trente (30) articles que comptent ce titre, il n'y
a que deux (les articles 10 et 17) qui énoncent exclusivement des
devoirs et deux autres qui combinent droits et devoirs (les articles 23 et 29).
Les partis politiques sont maintenant égaux en droits et en devoirs et
leur création est libre. L'État est définitivement
laïc, démocratique et républicain. Quant au
Président du Faso, même si ses pouvoirs n'ont pas
été revus à la baisse, il ne peut plus avoir qu'un mandat
de sept (7) ans renouvelable une fois. Le parlement voit son image et son
pouvoir rehaussés car l'idée de députés
nommés est abandonnée au profit de l'élection de tous par
le suffrage universel, égal et secret. Leur mandat quoique de cinq (5)
ans maintenant, reste désormais inférieur de deux (2) ans
à celui du président du Faso. La Chambre des représentants
avec laquelle elle doit cohabiter n'a cependant qu'un rôle consultatif et
ses membres exercent un mandat de trois ans (3).
L'initiative populaire est finalement reconnue au peuple en
matière législative. Le rejet des tribunaux populaires et de la
cour de sûreté que prévoyait le canevas a été
catégorique. Quant à la révision de la constitution, elle
n'est plus l'apanage du seul chef de l'État. Les députés
à la majorité qualifiée et 30000 citoyens peuvent demander
de façon autonome la révision de la loi fondamentale. Les
matières intangibles ont également été enrichies.
À l'intégrité territoriale viennent s'ajouter la nature et
la forme républicaine de l'État ainsi que le système
multipartiste. Ce résultat montre à quel point les organisations
non-membres du Front populaire ont pu imprimer leurs marques dans la loi
fondamentale. Un tel revirement de situation ressemble beaucoup à un
miracle sur lequel il convient de se pencher un tant soit peu.
§3: Le miracle de l'ouverture démocratique
formelle
La constitution du 02 juin 1991 a finalement instauré
une démocratie assez libérale malgré la volonté
affichée au départ par les dirigeants politiques du Front
Populaire et les intellectuels organiques du pouvoir de constitutionnaliser la
révolution démocratique et populaire (RDP). Elle a donc
été obligée, en définitive, de s'ouvrir aux
contributions des acteurs non-étatiques et éloignés des
centres du pouvoir. C'est le constat que R. Otayek faisait en ce qui concerne
en tout cas les positions de l'Église catholique222(*). De même, selon F.
Michel Sawadogo, « la recherche du consensus, l'esprit d'ouverture
des membres de la commission et le climat serein et même cordial, la
grande attention accordée aux arguments des techniciens ont permis bien
souvent d'aboutir à des positions opposées à celles que
défendait la majorité au départ223(*) ». Il
considère en somme que lorsqu'on « compare les
résultats atteints aux objectifs initiaux, l'on peut dire que l'on vient
de loin224(*) ». On peut donc affirmer que dans ce
tournant miraculeux, les comités de réflexion des associations de
la société civile et des partis politiques ont joué un
rôle fondamental. Leur combativité au sein de la commission
constitutionnelle et leur détermination à saper les positions
pseudo-scientifiques des représentants du Front populaires ont permis
d'aboutir à ce résultat. C'est en cela qu'il faut faire remonter
le premier épisode de la belle formule de « la revanche du
savant sur le politique225(*) » aux moments de la commission
constitutionnelle et des assises nationales sur l'avant projet de constitution.
Ce « miracle » s'explique aussi accessoirement par le
contexte international marqué à ce moment par la crise de la
légitimité marxiste-léniniste matérialisée
par la chute du mur de Berlin et le discours de la Baule. Ce contexte de crise
a poussé les marxistes-léninistes à s'engager dans
l'opportunisme au sens léniniste du terme en tentant de
réconcilier, révolution, démocratie, et libéralisme
économique à la fois. À ce propos, Luc Adolphe Tiao
lançait cette phrase triomphale dans le Sidwaya du 4 janvier 1990 :
« l'histoire nous donne raison et nous conforte effectivement d'avoir
compris à temps que l'instauration de la démocratie
n'était pas incompatible avec l'idéal
révolutionnaire ». De même, le président du Front
populaire, lors de la présentation des voeux du corps diplomatique,
déclarait que « ces bouleversements doivent nous conforter
dans notre option originale pour la démocratie comme instrument
d'édification de la révolution au détriment des formations
bureaucratiques et dogmatiques226(*) ». Mais comme on le voit, cette option
pour la démocratie n'impliquait aucunement une option pour une
démocratie libérale authentique. Les événements du
9 novembre en République Fédérale d'Allemagne (chute du
mûr de Berlin) et le discours de la Baule ont faillit plutôt
provoquer chez les élites politiques burkinabé un tropisme vers
un régime hybride fortement marxiste-léniniste s'ils ne
s'étaient pas heurtés à l'opposition de la
société civile et des partis politiques qui ont non seulement
brandi l'impossibilité conceptuelle de la réconciliation entre
marxisme-léninisme et démocratie libérale, mais aussi
exigé une démocratie libre de toute idéologie
révolutionnaire. Dans la mise en oeuvre de la constitution, les savoirs
bénéficieront-ils d'une telle ouverture ?
Section II : Les politiques de révision de
la constitution de 1991 face aux savoirs mobilisés.
Comme il fallait s'y attendre, la
« rationalité synoptique »227(*) à l'oeuvre dans toute
rationalité juridique s'est heurtée à la dure
réalité politique burkinabé. En effet, en plus des
critiques que la constitution de la IVe République a rencontrés
en naissant, la pratique constitutionnelle et le jeu des acteurs vont
décevoir les réglages et les attentes du pouvoir constituant
originaire. Des manipulations institutionnelles aux esquives de
révisions mélioratives, la loi fondamentale de 1991 a subi des
avatars et trébuche encore sous le poids de ses tares
congénitales. Les différents modes de socialisation des savoirs
scientifiques dont il a été question dans la première
partie, en entreprenant d'étudier le système politique
burkinabé, avaient donc pour objectif d'éradiquer ces tares qui
hypothéquaient la consolidation démocratique. Ils ont ainsi
produit et charrié vers les institutions politiques « des
propositions de réformes [...] riches et pertinentes228(*) » qu'il convient,
dans un premier temps, de récapituler (§1), puis, dans un
deuxième temps, de voir l'usage qui en a été fait par le
pouvoir politique (§2).
§1 : Les propositions de réformes
constitutionnelles faites sous la IVe République
En ce qui concerne les savoirs produits et mobilisés
sous la IVe République, on peut parler de profusion, d'abondance. Autant
elle est la République la plus longue, autant elle est celle qui a
bénéficié des expertises les plus inédites. Du
rapport d'international IDEA au rapport du MAEP, en passant par le
collège de sages, la commission chargée des réformes
politiques, le planisme burkinabé, sans oublier les études du CGD
et le conseil consultatif qui est en train de s'installer, aucune
République n'a eu autant de médecins dans son existence, autant
de structures qui ont eu pour unique objectif d'ausculter le corps politique
afin de lui administrer les remèdes adéquats et efficaces. De
plus, grâce au travail de ces structures, les organes permanents
d'expertise, intégrés qu'ils sont à l'ingénierie du
système politique, ont permanemment disposé dans leur
environnement des informations nécessaires pour mener à bien la
mission d'éclairage qu'ils doivent remplir au profit des
décideurs politiques. Dans ce paragraphe, il sera surtout question,
d'une part, des recommandations produites par les instances externes
mandatées (A) d'une manière ou d'une autre sous la IVe
République et d'autre part de celles faites par les acteurs du
militantisme démocratique (B). Quant aux recommandations issues des
structures permanentes, nous avons préféré renvoyer la
mention de leur contenu au §2 de cette deuxième section
puisqu'elles ont été faites au moment où la politique
institutionnelle s'effectuait et spécialement pour elle, à la
demande des décideurs politiques.
A) Les recommandations des instances externes
mandatées pour la mobilisation des savoirs.
Les instances mandatées pour la mobilisation des
savoirs ont opéré des diagnostics scientifiques et mis à
la disposition de l'État les connaissances techniques qu'elles ont
jugées nécessaires au renforcement de la démocratie et
à l'efficacité de ses institutions. Le Burkina Faso en a
expérimenté six: il s'agit de l'équipe d'International
IDEA (1), du collège de sages (2), de la commission chargée des
réformes politiques (3), du planisme burkinabé (4), du
mécanisme africain d'évaluation par les pairs (5) et du conseil
consultatif sur les réformes politiques (6).
1) Le rapport de International IDEA
Il a également été riche en
recommandations de réformes constitutionnelles. Il catalyse surtout la
critique doctrinale burkinabé, sa mission étant toujours, dans
les pays où il intervient, de mettre en contact le monde universitaire
et le monde de la politique229(*) de façon à ce que
l'interpénétration favorise l'emploi des résultats de la
recherche pour le renforcement de la bonne gouvernance. Sur un total de 70
recommandations, 10 (recommandations 2, 4, 18, 19, 20, 21, 37, 41, 42, 47)
traitent amplement la constitution de la IVe République. Il a notamment
proposé le renforcement de la séparation des pouvoirs. Cette
suggestion impliquait de renforcer l'indépendance de la justice, la
capacité du parlement et de réaménager les
compétences du président du Faso et du premier ministre.
Concernant l'indépendance de la justice, International
IDEA estime que le tendon d'Achille de la justice burkinabé est d'avoir
choisi de suivre le pas du constituant français en rendant la nomination
et la carrière des juges tributaires du pouvoir exécutif qui, de
ce fait, peut influencer leurs décisions. « Il paraît
souhaitable de réfléchir à la réévaluation
du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) et à l'amendement
de l'article 134 de la Constitution pour renforcer l'indépendance de la
justice en lui donnant les moyens de s'autogérer »230(*). Au demeurant, poursuit
IDEA, « il existe une incompatibilité certaine entre l'article 134
de la Constitution et l'article 13 de l'ordonnance no 91-0052/PRES du 26
août 1991. En effet, malgré la garantie de l'indépendance
effective de la magistrature, la gestion des carrières des magistrats
(nominations, affectations et promotions) reste sous la tutelle de
l'exécutif, transformant le CSM en une chambre d'enregistrement
chargée d'entériner les décisions et les choix de
l'exécutif. Une voie à explorer consisterait à modifier
l'article susmentionné pour y inclure l'exigence d'un avis conforme du
CSM sur les propositions du ministre de la Justice avant que celles-ci
deviennent effectives231(*) ». Plus loin, il ajoute aussi que
« la réhabilitation du rôle du CSM susmentionné
permettrait aussi de crédibiliser l'institution judiciaire232(*) ».
Le pouvoir législatif quant à lui, est
invité à « légiférer en toute
sérénité pour le bien général233(*) ». Un appel
à l'assagissement des rapports au sein de l'institution parlementaire
est ainsi lancé. Selon le rapport IDEA, « le parti
majoritaire, [...] doit faire preuve de tolérance à
l'égard de l'opposition, dont il doit respecter les droits...».
« Les [...] droits de l'opposition doivent être reconnus et la
responsabilité individuelle du député doit être
affirmée. Le dialogue et la recherche d'un consensus national sur des
questions fondamentales doivent être prioritaires234(*) ». En clair il
faut un statut constitutionnalisé pour l'opposition.
À propos de la question de la répartition des
compétences entre le Président du Faso et le Premier ministre, le
rapport, s'inspirant peut-être du cas nigérien de l'année
1995235(*),
considère que « le fait que le Premier ministre et le
Gouvernement ne déterminent pas mais conduisent seulement la politique
de la nation (article 61) [...] peut être à l'origine de
difficultés et de tensions quand la majorité parlementaire est du
bord opposé de celui du chef de l'État. La crise politique peut
alors s'installer au sommet de l'État236(*)».
Mais les recommandations d'International IDEA ne se cantonnent
pas uniquement dans le registre de la séparation des pouvoirs. Elles
abordent des questions plus controversées comme le rôle de la
Chambre des représentants et du conseil économique et social,
l'élargissement de la saisine de la Chambre constitutionnelle et la
limitation du nombre de mandats présidentiels.
Concernant le premier point, le rapport d'International IDEA
recommande de mener une réflexion particulière sur le rôle,
les attributions et la répartition de compétences entre la
Chambre des représentants et le Conseil Économique et Social
(CES). Le caractère exact de la fonction consultative que ce dernier
doit exercer est remis en cause. De plus, le rapport estime que la Chambre des
représentants, composée selon le même modèle, fait
double emploi avec les fonctions du CES et que l'utilité des deux
institutions qui sont budgétivores reste à
démontrer237(*).
Au deuxième point, il est recommandé
d'élargir la saisine de la Chambre constitutionnelle en ramenant le
nombre de députés pouvant y procéder de 1/5 à
1/20ème ou à cinq (5) députés et
d'envisager la saisine par les particuliers à certaines conditions. Le
rapport conseille également « l'harmonisation des dispositions
constitutionnelles concernant le rôle de la Chambre Constitutionnelle en
matière d'élections législatives et
présidentielle238(*) ».
Quant au dernier point, le rapport y revient
itérativement239(*) tantôt pour commenter, tantôt pour
donner des recommandations. Selon l'Institut, « il serait sans doute
souhaitable d'effectuer un retour critique et d'engager une réflexion
approfondie et sereine sur le mandat présidentiel et ses implications
pour la consolidation de la démocratie au Burkina Faso en examinant les
options disponibles quant à la réforme de la durée du
mandat présidentiel, du nombre de mandats successifs ou des deux
simultanément240(*) ». Enfin, il propose l'harmonisation de la
durée des mandats présidentiels et parlementaires, et invite
à réfléchir à l'extension d'une telle harmonisation
à l'ensemble des « mandats publics (Président de la
République, députés, Présidents de la Cour
Suprême et de la CNOE241(*), etc.) afin de garantir l'indépendance
de chacun de ces pouvoirs242(*) »
2) Le collège de sages
Dans la panoplie de recommandations que le collège de
sages remet au président du Faso le 30 juillet 1999, les propositions de
réformes constitutionnelles ne sont pas en reste. Sur plusieurs points,
les sages ont réitéré des recommandations
déjà faites par leur prédécesseur (IDEA).
Après avoir diagnostiqué, entre autres, le
dysfonctionnement structurel des institutions républicaines
(Exécutif, Législatif, Judiciaire), l'absence de dialogue entre
les acteurs de la scène politique nationale, la faillite de la
séparation effective des pouvoirs (Exécutif, Législatif,
Judiciaire), le non respect des règles du jeu démocratique, le
refus du principe de l'alternance politique au niveau des institutions et des
partis politiques, la corruption de la vie politique et enfin le
discrédit dont pâtit l'image du pouvoir judiciaire aux yeux des
justiciables, le collège de sages égrène les
réformes nécessaires pour y remédier.
Il s'agit en premier lieu, de reformer la Chambre des
représentants pour « lui conférer un caractère
délibératif au niveau du parlement bicaméral »
et de remodeler « en conséquence ses attributions, sa
composition et le mode de désignation de ses membres243(*) ».
En deuxième lieu, il faut « revenir sur la
modification de l'article 37 de la Constitution et y réintroduire le
principe de la limitation à deux mandats présidentiels
consécutifs. En effet, sa révision en 1997, quoique conforme
à l'article 164, alinéa 3 de la Constitution, touche à un
point capital pour notre jeune démocratie : le principe de
l'alternance politique rendu obligatoire par le texte constitutionnel de
1991244(*) ».
En troisième lieu, les sages invitent à
« restructurer l'appareil judiciaire par la relecture des articles
126 et 127 de la
Constitution : Suppression de la Cour
suprême création des juridictions
ci-après : Conseil constitutionnel, Cour de cassation,
Conseil d'État, Cour des comptes245(*) ». À la solution 2.3.8.1, un statut
pour l'opposition est préconisé sans qu'on puisse dire s'il doit
intervenir par une loi ou être intégré à la
constitution.
Enfin, les sages recommandent l'extension de l'article
77 de la constitution « à tous les présidents
d'institutions ainsi qu'aux directeurs des administrations publiques et des
sociétés d'État qui doivent déposer la liste de
leurs biens à leur entrée en fonction et à la fin de leur
exercice ».
3) La commission chargée des réformes
politiques
Dans le point VII de son rapport246(*) consacré à la
constitution, elle fait plusieurs recommandations en s'inspirant de rapports
antérieurs comme celui du collège de sages. Elle propose
notamment la réintroduction du principe de la limitation à deux
du nombre de mandats présidentiels consécutifs, le maintien du
rôle consultatif de la Chambre des représentants et sa
consultation obligatoire toutes les fois que les lois débattues à
l'Assemblée nationale touchent : à la citoyenneté,
aux droits civiques et à l'exercice des libertés publiques ;
à la nationalité, à l'état et à la
capacité des personnes ; aux régimes matrimoniaux, aux
successions et aux libéralités ; à la
procédure d'harmonisation des coutumes avec les principes fondamentaux
de la constitution ; à la protection de la liberté de la
presse et d'accès à l'information et enfin à
l'intégration des valeurs culturelles nationales. À cet arsenal
de recommandations faites dans le style d'une décision de justice, la
commission en ajoute d'autres telles la substitution à la cour
suprême de quatre juridictions suprêmes spécialisées
(Conseil constitutionnel, cour de cassation, conseil d'État et cour des
comptes), l'impossibilité pour le député titulaire
appelé à de hautes fonctions de reprendre son siège une
fois que la moitié du mandat est entamée, et la
constitutionnalisation du conseil économique et social (C.E.S).
4) L'apport du planisme burkinabé
L'analyse du planisme burkinabé en rapport avec les
questions institutionnelles étudiées est intéressante dans
la mesure où elle révèle que le discours scientifique fait
par les autres acteurs qui se manifestent dans la problématique des
politiques institutionnelles est admis par les planificateurs qui ne sont nul
autre que l'État et les partenaires techniques et financiers. Si les
recommandations qu'ils font s'édictent dans des termes qui laissent
à l'État le soin de choisir les moyens techniques qu'il juge
appropriés pour résoudre les problèmes identifiés,
les diagnostics qu'ils établissent n'en rejoignent pas moins cependant
ceux établis par les structures ad hoc d'expertise et les acteurs du
militantisme démocratique. L'apport du planisme burkinabé
réside donc dans les diagnostics scientifiques qu'il fait des
institutions politiques. Ils aboutissent à la conclusion qu'un renouveau
politico-administratif est indispensable. Tous, en effet, relèvent comme
défauts à corriger l'hégémonie du parti majoritaire
et sa mainmise sur le système politique, les défaillances de
l'institution législative, la faiblesse et l'indépendance
ineffective du pouvoir judiciaire et quelque fois les problèmes qui
faussent le jeu électoral. Seul le plan stratégique de
développement du parlement, en raison de sa spécificité,
ne soulève pas des questions relatives au pouvoir judiciaire. En outre,
l'étude prospective « Burkina 2025 » et le document
de stratégie pays 2001-2007 (Burkina Faso-Communauté
Européenne) se distinguent de tous les autres en posant la question de
la limitation du nombre de mandats présidentiels comme une épine
de la démocratie burkinabé. Le document provisoire de la
Stratégie de Croissance Accélérée et de
Développement durable (SCADD) notamment, fait siennes les analyses du
MAEP sur le régime politique burkinabé247(*).
5) Le mécanisme africain d'évaluation par
les pairs (MAEP).
Le mécanisme africain d'évaluation par les pairs
a contribué à donner une vision objective des institutions
politiques burkinabé. Il a aussi recommandé un certain nombre de
solutions techniques susceptibles de les fortifier et de les rendre aptes
à conduire à bien le processus démocratique engagé
depuis 1991.
Le rapport du MAEP souligne le retard que connaît le
Burkina Faso en matière de consolidation démocratique. Le pays
est encore loin de cette étape du processus démocratique à
cause entre autres de l'ineffectivité de la séparation des
pouvoirs et du pluralisme politique, du problème de la transhumance
politique, de l'intrusion des chefs religieux et coutumiers dans le processus
électoral, de la faible capacité technique et institutionnelle de
l'Assemblée nationale, du déséquilibre des pouvoirs au
profit du président du Faso et de la limitation du nombre de mandats
présidentiels.
Pour le perfectionnement de la démocratie, il
préconise de constitutionnaliser la CENI et le Conseil supérieur
de la communication248(*), de réviser la constitution pour
élargir la saisine du Conseil Constitutionnel aux juridictions et sous
certaines conditions aux individus, et de soumettre le Président de
cette institution aux mêmes garanties d'indépendance statutaire
que les autres membres (mandat de neuf ans non renouvelable)249(*), de réviser la
constitution pour soustraire la justice et le Conseil supérieur de la
magistrature de l'emprise de l'exécutif250(*) , de régler par un
large consensus la controverse sur la limitation du nombre de mandats
présidentiels et, à long terme, d'instaurer un meilleur
équilibre institutionnel entre l'exécutif, le législatif
et le judiciaire251(*).
En somme, on remarque que le rapport d'évaluation du
MAEP fait des constats et propose des solutions semblables à d'autres
rapports comme celui d'International IDEA. Les acteurs du militantisme
démocratique suggèrent également des solutions
semblables.
6) Le conseil consultatif sur les réformes
politiques
Ce nouvel organe n'est pas encore installé. On ne peut
donc rien dire pour l'instant sur son apport cognitif dans les politiques
institutionnelles dont il est question actuellement.
B) Les recommandations des acteurs du militantisme
démocratique
Le militantisme démocratique charrie dans l'espace
public des diagnostics objectifs et pertinents de même que les ressources
intellectuelles nécessaires qui pourraient permettre de consolider la
démocratie par le raffinement des institutions qui sont chargées
de la mettre en oeuvre. Il est le fait des intellectuels engagés (1),
des associations (2), et des think tank de la bonne gouvernance
démocratique comme le CGD (3) par exemple.
1) L'engagement intellectuel
L'action des intellectuels engagés produit une vision
objective du régime politique burkinabé et des éventuelles
solutions qui pourraient permettre de le perfectionner. De leurs interventions
se dégagent une qualification unanime de la nature du régime
politique burkinabé. Dépassant
« l'auto-compréhension symbolique252(*) » que les
dirigeants ont des institutions qu'ils animent, ils en livrent la vraie facette
par une approche plus noétique. Il s'en dégage une vision
convergente de la nature du pouvoir politique burkinabé. Ils sont
conscients d'avoir en face d'eux un pouvoir autoritaire dont la
préoccupation majeure n'est pas la démocratie et l'alternance
qu'elle implique mais uniquement la conservation du pouvoir. C'est une
démocratie de façade, une démocrature couverte du
cérémonial de la démocratie. Tantôt il est question
de clan, tantôt de caste, toute chose qui évoque l'idée
d'une démocratie confisquée par une classe
déterminée. Le chef de l'État, au regard du nombre
d'année passée au pouvoir et des prérogatives qu'il
détient de la constitution, est un obstacle à la consolidation
démocratique. « L'hyperprésidentialisme » qui
en découle est également dénoncé. Les
réformes que proposent les tenants du régime sont
considérées comme insuffisantes pour asseoir une véritable
démocratie. Il s'agit en fait de réformettes. En
réalité, le pouvoir n'engage des réformes que s'il est
certain qu'elles n'entameront pas son hégémonie. À cette
lecture locale certains adjoignent celle de spécialistes
étrangers comme Hilgers et Mazocchetti, dont les analyses viennent
corroborer celles que faisait déjà la doctrine nationale. Voila
pour le diagnostic.
Quant aux solutions que ces intellectuels proposent, elles
sont inspirées par une démarche à la fois
théorique, comparative et contextuelle. Si des divergences existent sur
le régime politique qui pourrait convenir le mieux au Burkina Faso
(présidentiel pour les uns, parlementaire pour les autres),
l'unanimité s'est cependant faite autour de la nécessité
de garder en l'état l'article 37 de la constitution qui porte sur la
limitation du nombre de mandats présidentiels. Il doit même
être inséré parmi les articles intangibles. Cette
limitation et son maintien définitif est considéré comme
une solution sine qua non de la consolidation démocratique et il est
hors de question de la considérer comme antidémocratique.
Dès les premiers pas de la IVe République, certains ont
estimés qu'il fallait revoir la répartition des
compétences entre le président de la République et son
premier ministre pour éviter le pire. D'autres recommandaient de revoir
les compétences de certaines institutions comme la Chambre des
représentants. Ils rappellent également à l'État
ses obligations internationales en matière de bonne gouvernance
notamment à travers le rappel des principes que les États membres
de l'Union africaine et de la CEDEAO doivent observer dans l'édification
des règles du jeu démocratique. Constitutionnaliser certaines
valeurs et trouver un statut à la chefferie traditionnelle sont aussi vu
comme des solutions à même de renforcer la consolidation
démocratique. Parfois, face à un pouvoir vibrion qui crie sur les
toits qu'il faut des réformes pour consolider la démocratie, mais
dont la volonté de conserver toujours le pouvoir ne trompe aucun d'entre
eux, ces intellectuels se contentent de le renvoyer aux recommandations des
rapports qui ont été produits, et dont la pertinence n'a pas
encore été démentie.
2) Les associations
Le collectif pour l'observation des
élections. Depuis sa création au début des années
90, le collectif pour l'observation des élections s'est
intéressé à certaines politiques institutionnelles. Ainsi,
lors de la révision de 1997, il a produit un document de suggestions
à l'endroit de l'Assemblée des députés du peuple
où il demandait de permettre les candidatures indépendantes en
révisant le code électoral, d'imposer le bulletin unique et
l'urne transparente, d'abandonner la condition de la nationalité
burkinabé de naissance des parents pour les candidats à la
présidence du Faso, de réduire la durée du mandat
présidentiel à cinq (5) ans renouvelable une seule fois, et
d'ouvrir à certaines conditions, la saisine de la Chambre
constitutionnelle aux particuliers253(*).
Le MBDHP (Mouvement Burkinabé
des Droits de l'Homme et des Peuples). En plus de relayer
parfois la voix des intellectuels en faisant siennes leurs observations
critiques sur le régime politique et les recommandations dont ils
l'accompagnent, certaines associations produisent elles-mêmes
périodiquement des rapports dans leur domaine d'activité.
L'élaboration de ces rapports nécessite le passage par des
diagnostics scientifiques et leur rédaction s'achève toujours par
des recommandations à l'adresse du pouvoir politique. C'est le cas du
MBDHP (Mouvement Burkinabé des Droits de l'Homme et des Peuples). Selon
Maître Halidou Ouedraogo, l' objectif poursuivi, c'est de
« mettre à la disposition de la population, des institutions
politiques et administratives, des parlementaires, de notre organisation et du
Burkina Faso, une mesure d'appréciation de la situation politique,
économique, sociale et culturelle de notre pays254(*) ». Dans son
premier rapport, il formulait donc le voeu que « les destinataires du
présent rapport en fassent bon usage, le complètent, l'exploitent
et agissent à nos côtés pour un État de droit et une
consolidation de la démocratie au Burkina Faso, en Afrique et dans le
monde 255(*)».
Dans cette perspective, le MBDHP a produit trois rapports depuis 1994 : en
1994-1995, en 1996-2000 et en 2008-2009.
Dans son rapport de 1994-1995, le MBDHP constatait
qu'« en droit l'indépendance du pouvoir judiciaire se trouve
compromise, non seulement par le fait que celui qui doit la garantir se trouve
être le président du Faso, président du conseil des
ministres mais encore par l'organisation du CSM256(*) ». Par
conséquent, « le pouvoir judiciaire jouit d'une
indépendance formelle vis-à-vis du pouvoir exécutif et
reste subordonné au pouvoir politique257(*) ». En guise de recommandations, il
invitait au renforcement de l'indépendance de la justice258(*), et à l'ouverture du
prétoire du juge constitutionnel à tout citoyen259(*).
Le rapport de 1996-2002 fait le même constat en ce qui
concerne l'indépendance de la justice. Selon ce
rapport, « La justice ressemble à un pouvoir
domestiqué. Les difficultés du pouvoir judiciaire montrent bien
qu'au niveau de l'exécutif on n'est pas prêt à accepter une
indépendance réelle de la magistrature. A côté des
déclarations officielles sur l'indépendance de la magistrature et
sur la séparation des pouvoirs, on observe un immobilisme de la justice
qui a fini par la discréditer260(*) ». Le MBHP a saisi l'occasion de ce
rapport pour critiquer la révision constitutionnelle de 1997 qui, selon
lui, « a contribué à la dégradation de
l'atmosphère politique en rendant illusoire toute possibilité
d'alternance réelle à la tête de l'État, quand on
sait les conditions dans lesquelles se déroulent
généralement les élections261(*) ». De même,
il déplore le fait qu'en 2002, le chef de l'État ait
initié la révision de la constitution sans consulter la Chambre
des Représentants262(*).
Quant au dernier rapport récemment publié, il
maintient le constat des rapports passés sur l'institution judiciaire.
Il relève que le Conseil supérieur de la magistrature
« ne joue aucun rôle décisif dans les questions
liées à l'indépendance de la magistrature ».
Celui-ci est confiné à l'examen des questions d'affectation de
magistrats. Il dénonce également l'ineffectivité de la
garantie constitutionnelle de l'inamovibilité du juge et le fait que le
pouvoir de nomination des juges dévolu au pouvoir exécutif, est
utilisé pour nommer des "juges acquis" à sa cause263(*). Selon le rapport, toutes
ces défaillances contribuent à rendre ineffectives
« les dispositions de l'article 125 de la constitution264(*) » qui confient au
pouvoir judiciaire la protection des droits et libertés reconnues.
Comme on l'a vu, l'action militante des partis politiques
contribuent également à la socialisation des savoirs
scientifiques sur les institutions politiques burkinabé. Mais
étant donnés qu'ils font généralement la promotion
et la remobilisation de ces savoirs déjà produits et
mobilisés, il serait assez redondant et fastidieux de faire cas des
recommandations ainsi remobilisées.
3) Les think tanks : le cas du CGD
Le Centre pour la Gouvernance Démocratique s'est
assigné comme mission la promotion de la bonne gouvernance et de la
démocratie au Burkina Faso. Pour mener à bien sa tâche, il
conduit et réalise des activités de recherche sur le
système politique burkinabé. Ces études sont presque
toujours assorties de recommandations dont le but est de contribuer à
améliorer le système de gouvernance démocratique au
Burkina Faso. Dans le cadre de ses plans stratégiques d'action, un
nombre important de recommandations faites suite à des études
menées selon les techniques de la recherche-action s'adressent
particulièrement à la constitution de la IVe République.
Ces recommandations peuvent être regroupées en deux grandes
catégories. Il y a d'une part, les propositions qui visent à
donner, à la phase préparatoire de toute initiative de
révision constitutionnelle, une ambiance démocratique sereine et
un fondement légitime et rationnel obligatoirement convaincant, et,
d'autre part, les propositions concrètes de réformes de la
constitution.
Au titre de la première catégorie, l'innovation
consiste à mettre de la procédure et recommander le respect de
certains critères dans la phase préparatoire c'est-à-dire
pré-parlementaire. Il s'agit de bannir la précipitation
grâce à un certain nombre de préalables. Sur ces
préalables des révisions constitutionnelles, il ressort
clairement du code de bonne conduite265(*) proposé par les organisations de la
société civile sous-régionale, que les initiateurs des
révisions constitutionnelles doivent observer un certain nombre de
règles. Comme le résume CGD infos266(*) , ces règles
commandent aux initiateurs, entre autres : « - d'offrir
l'opportunité de larges et véritables débats
citoyens ; d'étendre la procédure sur une période
raisonnable (au moins 12 mois) ; - de refléter
l'intérêt général et la volonté du
peuple ; - de faire en sorte que la révision ne
bénéficie en aucun cas à ceux qui en prennent
l'initiative ; en particulier, aucun Chef de l'État en exercice ne
doit modifier la Constitution pour étendre, avec effet
rétroactif, la durée ou le nombre de mandats
présidentiels ; - de mettre en place un cadre institutionnel
adéquat garantissant un niveau minimum d'expertise technique».
Quant à la deuxième catégorie, elle est
constituées d'une série de proposition de réformes
constitutionnelles concrètes, recommandées pour améliorer
le système politique, renforcer le constitutionnalisme et permettre
l'avènement d'une démocratie consolidée. Certaines de ces
réformes préconisent l'introduction de nouvelles normes
constitutionnelles ou la restructuration de celles qui existent, tandis que
d'autres conseillent la constitutionnalisation de certaines institutions
républicaines.
Ainsi, à la suite d'une enquête sur les
valeurs267(*),
menée sous l'égide du World Value Survey (WVA), le CGD a
proposé la constitutionnalisation d'un certain nombre de valeurs
partagées par la majorité des Burkinabé et
considérées par le CGD comme ayant une « dimension
démocratique» : il s'agit « du respect de la parole
donnée, de la probité, de l'intégrité, de la
solidarité et de la loyauté ». La
constitutionnalisation de ces valeurs permettrait, selon l'institution,
« d'irradier toute la société, la classe politique, les
juges et la société civile ». Ainsi, le juge par
exemple, disposerait d'un code éthique grâce à cette
insertion dans la constitution.
Sur ce registre de la restructuration ou de l'introduction de
nouvelles normes, le CGD a également fait la proposition de revoir
« le jour de passage des questions orales en plénière
(mardi ou jeudi) pour une plus grande participation des députés,
car les vendredis coïncident souvent avec leur départ en
province 268(*)». Mais les propositions suivantes marqueront
sans doute un bond en avant sur la voie de la consolidation démocratique
si elles étaient suivies. Il s'agit de celles qui invitent
à :
- abaisser le nombre de députés
nécessaires pour saisir le Conseil constitutionnel ou à consacrer
l'action populaire à l'instar du Bénin et à
constitutionnaliser certaines règles électorales
« notamment l'adéquation entre le découpage
électoral, le nombre de sièges à pourvoir et le mode de
scrutin269(*) » ;
- instituer le contrôle juridictionnel du pouvoir de
révision de la constitution270(*)
- élever suffisamment le niveau de la majorité
qualifiée nécessaire pour l'adoption de toute proposition de
révision constitutionnelle de manière à réduire
sérieusement les risques de modification fantaisiste ou au profit
d'intérêts privés271(*).
- prescrire que les animateurs des institutions qui initient
et/ou contribuent à l'adoption d'amendements de la Constitution n'en
tirent pas personnellement profit272(*).
- assortir la forme codifiée de la proposition de
révision d'un document (qui peut être l'exposé des motifs
plus étoffé) qui mette en exergue les éléments
établissant la nécessité de la révision,
l'utilité et la pertinence de l'opération, et ce, quels que
soient l'initiateur de la loi et l'étape du processus de la
révision273(*).
- restaurer le constitutionnalisme par un
rééquilibrage du pouvoir d'État c'est-à-dire
« moins de tendances présidentialistes et une revalorisation
des pouvoirs législatif et judiciaire274(*) » ;
- promouvoir au rang de principe intangible la limitation du
nombre de mandats présidentiels275(*) ;
- émanciper le Conseil supérieur de la
magistrature du pouvoir politique276(*) ;
- réformer le Conseil constitutionnel277(*) (prérogatives,
composition, saisine...) ;
- redéfinir et constitutionnaliser le statut des
anciens chefs d'État en vue de leur conférer l'immunité
juridictionnelle dans le cadre d'une justice transitionnelle278(*) ;
Au titre de la constitutionnalisation, le CGD a
suggéré de trouver à la chefferie traditionnelle
burkinabé un statut constitutionnel279(*) que l'exemple ghanéen pourrait servir de
parangon. En outre, il a estimé que l'opposition burkinabé (comme
celle du Sénégal) et la CENI (Commission Électorale
Nationale Indépendante) devraient jouir d'une reconnaissance
constitutionnelle280(*)
et non d'un simple statut législatif.
§2: Réformes et recommandations
Selon Max Weber, « les sciences, qu'elles soient
normatives ou empiriques, ne peuvent rendre aux hommes politiques ou aux partis
concurrents qu'un seul service, il est vrai inestimable : leur indiquer 1)
que face à tel problème pratique il n'est possible de concevoir
que telles ou telles prises de position « ultimes »
différentes, et 2) que la situation dont il faut tenir compte au moment
de choisir entre ces positions se présente de telle et telle
façon281(*) ». Dans le paragraphe qui suit, nous nous
efforcerons de montrer in concreto, comment les décideurs exploitent ce
« service inestimable » dans la conduite des politiques
étudiées. Il s'agit par conséquent de voir dans quelle
mesure les réformes effectuées ont été nourries par
les différentes modalités de socialisation des savoirs dont il a
été question plutôt (A). En outre, de façon
anticipée et ce, à partir des tendances qu'on sait, nous nous
sommes demandés quel sort la perspective actuelle de réforme
réserve encore non seulement aux recommandations déjà
faites (mais non prise en compte), mais aussi à celles qu'elle a
suscitées par sa dynamique (B).
A) Propositions de réformes et réformes
effectuées
La constitution de la IVe République a fait l'objet de
quatre révisions : la première est intervenue le 27 janvier
1997, la deuxième le 11 avril 2000, la troisième le 22 janvier
2002 et la dernière le 30 avril 2009. Il va sans dire qu'à
l'issue de chacune de ces dates, la constitution du 02 juin 1991 n'est pas
restée la même. Elle a connu des retranchements et des ajouts dont
il convient de traiter de façon exhaustive.
1) La réforme constitutionnelle de
1997
Elle accède à l'agenda
politique grâce exclusivement à l'action des intellectuels
organiques du pouvoir et du parti au pouvoir le CDP282(*). Ils l'ont
préparée à travers une série de rencontres au cours
desquelles ils ont décidé de son contenu. Ils estimaient que la
situation politique burkinabé, en trois (3) ans de parcours, avait
évolué de telle sorte qu'il fallait revoir la loi fondamentale
pour l'adapter au cours réel des choses. De façon plus
précise, sous la IVe République, l'idée de réviser
la constitution a été lancée, pour la première
fois, par l'ODP/MT lors de ses journées parlementaires des 23, 24, 25,
26, et 27 mars 1995. Parmi une série de motions de soutien et de
recommandations figurait une recommandation sur la relecture de la constitution
et du code électoral283(*). Cet appel à une réforme
constitutionnelle sera réitéré l'année
d'après à l'occasion des journées parlementaires d'octobre
1996, alors que le parti au pouvoir, en procédant à la
fusion-absorption avec certains grands partis d'opposition, se savait assez
fort pour perpétrer légalement son premier coup de force
constitutionnel.
a) Les recommandations de la Chambre des
Représentants
La lecture du rapport d'avis élaboré à
l'occasion de la réforme constitutionnelle de 1997 donne l'impression
que la Chambre des Représentants a été sous l'emprise
d'une logique partisane. Ses recommandations semblent n'avoir pas
été rigoureusement motivées. Sur des questions
fondamentales aux enjeux énormes, la Chambre a privilégié
le vote plutôt que la réflexion. Elle était en effet
invitée à donner son avis sur des dispositions des TITRE II, III,
V, VII et XVII concernant respectivement l'État et la
souveraineté du peuple, le président du Faso, le parlement, les
rapports entre le gouvernement et le parlement, et les dispositions
transitoires. Mais elle a étendu son avis à d'autres
dispositions.
Au TITRE II, la Chambre a proposé qu'on adjoigne
à l'article 31 l'adjectif « républicain » ce
qui devrait donner ceci : « Le Burkina Faso est un État
démocratique, unitaire, laïc et républicain » au
lieu de « Le Burkina Faso est un État démocratique,
unitaire et laïc. Le Faso est la forme républicaine de
l'État ». À l'article 34, il est fait la proposition de
prendre « Unité-Travail-Justice » comme devise et de
choisir comme appellation de l'hymne nationale l'un des termes suivants :
ou « l'Unité » ou la
« Victoire », ou « le Faso en
marche ».
Au TITRE III, l'intitulé « Du
président de la République » devrait se substituer
à « Du président du Faso ». La question de
l'article 37 a profondément divisé la Chambre qui a
procédé par vote. Sur les 107 membres présents 69
étaient pour le déverrouillage de la limitation du nombre de
mandats, 24 étaient pour le maintien du verrou dont 13 souhaitaient un
mandat de 7 ans renouvelables deux fois et 11 un mandat de 7 ans renouvelables
une fois. 14 ont préféré s'abstenir. Elle a cependant fait
preuve d'une volonté d'innovation en proposant, à l'article 38,
de limiter à soixante-et-quinze ans l'âge maximum pour
prétendre à la magistrature suprême.
Elle a également invité à une
restructuration du TITRE V (Le parlement) par sa subdivision en deux
chapitres (« CHAPITRE I : De l'Assemblée
nationale » et « CHAPITRE II : De la Chambre des
Représentants ») et a déconseillé de retenir
« le principe que le président de l'Assemblée nationale
assume la présidence du parlement ». Selon elle, ces deux
institutions ne doivent pas être confondues car l'Assemblée
nationale a une fonction législative alors que la Chambre
représente la société civile. Elle propose d'ajouter
à l'article 78 la précision que « les rapports entre
les deux Chambres sont fixés par la loi ». Elle critique
également l'article 87 nouveau qui prolonge la durée de la
session ordinaire à 90 jours. D'après ses analyses, si les
amendements de l'article 87 sont appliqués, l'Assemblée aura sept
mois de session, ce qui risque de couper les élus de « leur
base électorale ». L'avis recommande de retirer le droit de
saisine de la Chambre des représentants au Gouvernement pour le confier
désormais au Président du Faso dans le nouvel article 97. La
Chambre tente également d'instituer une sorte d'avis obligatoire
préalable en souhaitant d'être toujours consulté en
matière de loi de finances (article 103).
En ce qui concerne le TITRE VII, elle suggère comme au
TITRE V, une restructuration en deux chapitres : « CHAPITRE
I : Des rapports entre le gouvernement et l'Assemblée nationale.
CHAPITRE II : Des rapports entre le gouvernement et la Chambre des
Représentants ».
Quant au dernier point de l'avis, le TITRE XVII qui porte sur
les dispositions transitoires, la Chambre des représentants, estimant
que la période transitoire est révolue et que « les
institutions républicaines [sont] effectivement mises en
place », considère que, hormis l'article 173, toutes les
autres dispositions du TITRE XVII n'ont plus de raison d'être. En
conséquence le TITRE XVII doit être supprimé, et l'article
173, rattaché désormais au TITRE XVI.
b) Contenu de la réforme
Elle a débarrassé la constitution du 11 juin
1997 des termes révolutionnaires dont les marxistes-léninistes
avaient tenu à l'enguirlander, l'a doté de nouvelles expressions
ainsi que de nouveaux droits ; elle a procédé à des
corrections grammaticales et orthographiques et enfin à la
restructuration de certaines dispositions matérielles.
Concernant le premier point, on a vu disparaître de la
constitution des expressions ou affirmations dont certaines rappelaient encore
la parenthèse historique ouverte par les rhétoriciens de la
Révolution Démocratique et Populaire et l'apparition
simultanée de termes rapprochant le modèle démocratique
burkinabé en chantier d'une démocratie de type occidental. Ainsi,
dans le préambule, c'est l'affirmation « fort des acquis
démocratiques des masses laborieuses de nos villes et de nos
campagnes » et la précision sur l'attachement du peuple
burkinabé « au caractère populaire du
pouvoir » qui cèdent désormais la place à
la volonté du peuple souverain d'édifier un État de droit
garantissant la « dignité » ainsi qu'à son
attachement « au caractère démocratique du
pouvoir ».
Ces substitutions, ajouts et suppressions se sont poursuivies
dans le reste du corps de la constitution. Ainsi, la substitution de
« la souveraineté nationale » à
« la souveraineté du peuple » au titre II de la
constitution intitulé autrefois « De l'État et de la
souveraineté du peuple » sera répercutée dans
tous les articles de la constitution qui comportaient cette notion. De
même, la souveraineté étant nationale et toujours
propriété du peuple, l'institution (Titre VII) par laquelle elle
s'exprime et les forces armées qui sont chargées de sa
défense seront désormais nationales et non plus populaires. En
lieu et place d'un commandant, les forces armées seront sous la
responsabilité d'un « chef d'état major
général des armées ». Sont donc concernés
les articles 32, 43, 48, 50, 52, 59, 78, 79, 91, 98, 103, 105,
109, 112, 115, 116, 137, 155, 157, 161, 163 et 164 de la loi fondamentale du 02
juin 1991. Poursuivant sa croisade contre la survivance du jargon
révolutionnaire, la reforme de 1997 revisitera, au niveau de l'article
34, la devise nationale « la patrie ou la mort nous
vaincrons » qui cédera la place à
« Unité-Progrès-Justice ». Ce mouvement de
nettoyage ne prendra fin que lorsque l'article 143 sera enfin amputé du
membre de phrase « où siègent les organes locaux du
pouvoir populaire ».
La correction grammaticale et orthographique a concerné
seulement deux articles : l'article 59 et l'article 162. À
l'article 59, elle a consisté à remplacer
« immédiatement » par
« immédiate » et à l'article 162 à
substituer « de » à la conjonction de coordination
« et » pour obtenir « la loi fixe les conditions
de la mise en oeuvre de la procédure de
révision ».
Quant à la restructuration des dispositions
matérielles, elle a touché sept articles au total. Ainsi,
l'article 18 s'est enrichi d'un nouveau droit social et culturel, le sport.
L'article 37 qui limitait le nombre de mandats présidentiel à
deux a été déverrouillé. Pour les candidats
à la magistrature suprême, l'article 38 n'exige plus
« d'être né de parents eux-mêmes Burkinabè
de naissance ». Désormais, il suffit
d « être Burkinabé de naissance » et
d'être « né de parents eux-mêmes
Burkinabé ». L'article 87 prolonge la durée des
sessions parlementaires de 60 à 90 jours et fixe désormais la
date d'ouverture de la première session au premier mercredi de mars et
celle de la deuxième session au dernier mercredi de septembre. À
l'article 91, la reforme procède au dépareillage de la
durée du mandat de président de l'Assemblée nationale de
celle des autres membres du bureau de l'Assemblée nationale. Pour
compter d'alors, seul le président de l'Assemblée nationale est
élu pour la durée de la magistrature. Les autres membres sont
élus pour un an renouvelable. Tout comme à l'article 87, c'est au
délai que les réformateurs s'intéressent lorsqu'ils
arrivent à l'article 103. De quarante et cinq jours, le délai
imparti à l'Assemblée nationale pour se prononcer sur le projet
de loi de finances passe à soixante jours. Quant à l'article 109,
le dernier alinéa inséré ouvre la possibilité de
débats sans vote à la suite de l'exposé du premier
ministre sur la situation de la Nation.
c) Par rapport aux avis et propositions
environnants.
La reforme constitutionnelle de 1997 a été peu
ouverte aux avis et propositions externes à l'Assemblée des
députés du peuple. D'abord, les amendements faits par le
gouvernement ont été écartés en commission. Ils
proposaient d'appeler l'hymne national la « la Marche du
Faso », d'accorder à la Chambre des Représentants
l'initiative en matière législative et constitutionnelle et de
supprimer le titre X de la constitution traitant du « Conseil
économique et social et des organes de contrôle ».
La Chambre des Représentants dont on a
sollicitée l'avis a vu presque toutes ses recommandations
écartées. Seule la garantie de la
« dignité » comme droit introduit dans le
préambule de la constitution a été retenu dans le rapport
d'avis de la Chambre des Représentants. La surdité opposée
aux interpellations de celle-ci a suscité en son temps, chez un juriste
confirmé un commentaire désapprobateur. Pour celui-ci,
« le refus de prendre en compte l'avis de la Chambre des
Représentants est déplorable puisqu'il s'agissait d'une occasion
manquée pour les élus de bénéficier de la
contribution de la deuxième Chambre du parlement, contribution
nécessairement instructive et qui aurait pu être d'une
utilité particulière dans la consolidation de l'État de
droit au Burkina Faso. En effet, était grand l'espoir que la
deuxième Chambre du parlement contribue par sa réflexion,
à enrichir la qualité des travaux de l'ADP en matière de
révision de la constitution284(*)». Les motifs avancés étaient, de
son avis, fallacieux. Elle conseillait une redéfinition de ses
attributions, l'octroi d'immunités à ses membres...
La réforme a été tout aussi sourde
à l'avis fait par la coalition des organisations de la
société civile dénommée Collectif pour
l'Observation des Élections (C.O.E) dont plusieurs des recommandations
confluaient avec celles de la Chambre des représentants. Ce collectif
recommandait la réduction du nombre de mandats présidentiels
à deux d'une durée de cinq ans chacun... Le motif du refus
d'accorder une attention à leurs recommandations était que, admis
par courtoisie parce qu'il l'a demandé, il n'avait constitutionnellement
ni le droit d'initiative législative, ni celui de donner des avis.
Un meilleur sort a pourtant été
réservé à l'avis produit par l'état major
militaire. Suite à une dissension sur la question de savoir si
l'expression « chef d'état major général des
forces armées nationales » étaient correcte, la
hiérarchie militaire a recommandé l'appellation « chef
d'état major général des armées ».
De façon plus générale, la réforme
constitutionnelle de 1997 a été peu approuvée dans le
reste de la société burkinabé. À en croire A.-M.-G
Loada, elle était même sournoisement décriée au sein
du parti au pouvoir285(*). International IDEA joindra sa voix, dans son
rapport de 1998 sur la démocratie au Burkina Faso, au concert de
désapprobations qui ont accueilli cette réforme, premier du genre
en Afrique depuis qu'elle s'était lancée, au début des
années 90, dans une nouvelle aventure démocratique286(*).
2) La réforme constitutionnelle de
2000
La révision constitutionnelle du 11 avril 2000 est la
pénultième287(*) d'une série de mesures prises dans le cadre
de la résolution de la crise sociale née au lendemain de
l'assassinat du journaliste Norbert ZONGO à Sapouy. Elle n'est donc pas,
à l'instar de la réforme constitutionnelle de 1997, une politique
délibérément entreprise comme a voulu le faire croire le
4ème vice-président de l'Assemblée nationale
devant la Chambre des Représentants288(*). Elle trouve donc en vérité sa source
dans le bras de fer collectif/pouvoir, dans le rapport du collège des
sages et dans la commission de concertation sur les réformes politiques.
Pour autant, on ne saurait dire que son contenu est un reflet fidèle de
l'esprit et du contenu des conclusions et recommandations de ces structures
d'expertise ainsi que de la Chambre des Représentants.
a) Les recommandations de la Chambre des
Représentants
Peut-être, crise sociale oblige ! Mais de
façon manifeste et, de loin, contrastante avec son style lors de la
précédente réforme constitutionnelle, la Chambre des
Représentants a arboré une mine plus sereine, un ton plus grave
et une méthode plus rationnelle dans son rapport d'avis sur la
réforme constitutionnelle de 2000. D'entrée de jeu, la Chambre a
pris le soin de préciser que « l'importance et l'enjeu de ce
texte » l'ont contraint à se doter d'une
« méthodologie particulière de travail »
ayant consisté dans « l'élargissement de la CAGI saisie
au fond », « la relecture des rapports des travaux du
collège des sages, de la commission de concertation sur les
réformes politiques, de la commission pour la réconciliation
nationale » et à « auditionner le
vice-président de l'Assemblée nationale » avant de
passer à l'examen en plénière. La Chambre des
Représentants a été à l'occasion saisie sur sept
points : le mandat présidentiel, les délais pour
l'organisation d'élections législatives anticipées, la
déclaration des biens des premiers responsables de l'État, la
présidence du parlement, la suppléance des députés,
la Chambre des Représentants, et le Conseil Économique et Social
(CES). Mais comme à l'accoutumée ou du moins comme lors de la
précédente révision constitutionnelle, elle ne s'est pas
confinée aux limites tracées par la demande d'avis. Ainsi,
lorsque cela lui semblait nécessaire, elle n'a pas hésité
à émettre des avis sur d'autres aspects de la réforme qui
ont concerné concrètement l'ordre du jour de l'Assemblée
nationale, les conditions de recevabilité des propositions et
amendements des députés dans la procédure
législative, et le Conseil constitutionnel. En somme, dans son rapport
d'avis, elle a traité de questions relatives à l'exécutif,
au législatif et à leurs rapports réciproques ; au
domaine de la loi et du règlement, aux instances consultative et de
contrôle ainsi qu'au Conseil constitutionnel. À la fin du rapport
d'avis, elle a procédé à des recommandations beaucoup plus
générales dont certaines précisent celles qu'elle avait
faites sous forme d'amendements au niveau des articles soumis à son
examen. Concernant le rapport d'avis dans son ensemble, c'est peu de dire qu'il
a été fortement motivé.
En effet, au niveau de l'exécutif, la
recommandation sur l'article 37 est précédée non seulement
d'une méthode comparative appliquée aux coûts et avantages
de la limitation et de la non-limitation du nombre de mandats, mais aussi d'une
sociologie politique africaine comparée. Selon ses propres mots,
« les débats et les échanges sur cet article [...] ont
été larges, riches et sereins 289(*)». C'est au bout de ces
calculs (qui rappelle la théorie des choix rationnels) et au regard de
ses avantages que la Chambre a proposé de limiter le nombre de mandats
présidentiels à deux. Elle suggère même de ne
réviser cet article que par voie référendaire uniquement,
afin qu'il « ne soit pas changé au gré des
humeurs290(*) ». Les réformateurs avaient aussi
prévu, à l'article 43, qu'en cas de vacance de la
présidence du Faso et d'occupation intérimaire de celle-ci par le
président de l'Assemblée nationale, cette fonction
président de l'Assemblée nationale devrait être
assurée « par un des vice-présidents de celle-ci dans
l'ordre de préséance ». Mais la Chambre a
proposé l'abandon d'un tel ajout. Elle a par contre
préconisé, dans le nouvel article 50, d'interdire, dans
l'hypothèse d'une première dissolution, « une nouvelle
dissolution dans l'année qui suit ces élections » et
dans tous les cas, de limiter la possibilité de dissoudre
l'Assemblée à trois fois par mandat présidentiels au
maximum. L'examen de l'article 77 nouveau a occasionné un amendement de
fond et de forme : sur le plan matériel, la Chambre suggère
que le dépôt de biens faits auprès du Conseil
constitutionnel soit publié au Journal Officiel. Au plan formel, il
s'agit d'une simple question d'esthétique littéraire. En effet la
phrase « A leur entrée en fonction et à la fin de leur
exercice », est, pour le moins, une formulation malencontreuse qui
tend vers la tautologie sans même l'être parfaitement. La Chambre a
donc proposé en lieu et place, la phrase « Au début et
à la fin de l'exercice de leur fonction, ».
Au niveau de l'institution parlementaire. Le
nouvel article 91 qui a prévu un président pour le parlement se
heurte à la désapprobation de la Chambre qui est restée
dans sa position traditionnelle avec cette fois une argumentation longue et
étayée. Remontant l'histoire du constitutionnalisme, explorant le
bicaméralisme en tant que notion de droit constitutionnel, la Chambre en
vient à la conclusion que « l'étude des
différentes constitutions expérimentées ne fournit pas
l'exemple d'un parlement bicaméral dont la présidence
échoit au président d'une des deux Chambres qui la
composent291(*) ». La particularité viendrait de la
France où les travaux du congrès, qui est la réunion de
l'Assemblée nationale et du sénat présidée par le
chef de l'État, sont patronnés exceptionnellement par le
président de l'Assemblée nationale. La Chambre s'est dite par
conséquent très réservée sur ces nouveaux termes de
l'article 91 car « le constituant burkinabé n'a pas
prévu une telle instance, réunissant l'Assemblée nationale
de nature politique et la Chambre des Représentants de nature
apolitique. L'intérêt pratique d'une telle instance n'est pas
évident292(*) ».
À propos de la suppléance des
députés à l'Assemblée nationale, la recommandation
de la Chambre s'est inspirée de la solution qu'avait trouvée
l'article 52 de la constitution de la IIe République. Selon elle, cette
solution est bien adéquate parce qu'elle permet d'assurer un minimum de
stabilité et de continuité dans les fonctions de ministre, un
choix réfléchi au moment des nominations des
députés, une protection de ceux-ci contre les passages fictifs
dans le gouvernement, une meilleure responsabilisation des
députés au moment de la proposition de nomination et enfin une
résolution définitive du problème de la suppléance.
En conséquence, il proposait, à l'article 94 nouveau, que tout
député qui démissionne ou qui décède, perde
d'office son mandat parlementaire et qu'il soit remplacé par son
suppléant. De nouvelles élections ne devant intervenir qu'en cas
de vacance de siège. Elle estimait également que la construction
de l'article 94 ancien et nouveau comportait virtuellement des
problèmes. Il y a en effet selon elle, moins de problème de dire
que le député est remplacé par « son »
suppléant que de dire que le député est
remplacé par « un » suppléant. Il faut donc
substituer à l'article indéfini « un »,
l'adjectif possessif « son ».
Au niveau des domaines respectifs de la loi et du
règlement. La révision constitutionnelle a tenté
une innovation fondamentale au nouvel article 98 en projetant d'accorder
à la Chambre des Représentants l'initiative législative
qui peut prendre la forme d'« un avis constituant une proposition
adoptée à la majorité des ¾ de ses
membres ». Dans sa recommandation, la Chambre a
préféré l'adoption d'une telle proposition à la
majorité simple.
Au niveau des rapports entre le gouvernement et
l'Assemblée nationale. L'intervention de la Chambre a ici
concerné en premier lieu, la question de l'ordre du jour de
l'Assemblée nationale. Alors qu'au niveau de l'article 118 nouveau, les
réformateurs manifestaient la volonté de rendre
l'Assemblée maître de son ordre du jour, la Chambre des
Représentants a suggéré de laisser l'article 118 ancien
tel quel, afin de toujours permettre au gouvernement, qui a un programme
politique à exécuter, de faire adopter par l'Assemblée,
« dans l'ordre des priorités qu'il a fixées, ses
projets de loi ». Elle adopte ainsi une position semblable à
celle du constituant français de 1958, position que celui-ci a cependant
progressivement abandonnée par les réformes constitutionnelles de
1995293(*) et de
2008294(*).
En second lieu, la Chambre s'est prononcé sur
l'article 120 qui interdit aux députés de faire des propositions
de lois et des amendements qui diminuent les ressources publiques ou, qui
augmentent ou aggravent les charges publiques. Elle a suggéré de
restreindre cette restriction aux propositions et amendements portant sur la
loi de finances uniquement.
Au niveau des instances consultatives et de
contrôle. À ce niveau, face à la volonté
affichée des réformateurs de refondre totalement le TITRE X, la
Chambre a recommandé la conservation en l'état du TITRE
(« DES ORGANES DE CONTRÔLE, INSTANCES ET ORGANES
CONSULTATIFS »), et de ne pas lui substituer l'intitulé
suivant : « DU CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL ET DES ORGANES DE
CONTRÔLES ». En effet, la Chambre considère que ce
nouvel intitulé vient priver le législateur du droit de
créer d'autres organes consultatifs à l'avenir. En revanche, elle
a invité les réformateurs à lui préférer le
titre suivant : « DES INSTANCES ET ORGANES CONSULTATIFS ET
DE CONTRÔLE ». Elle a ensuite suggéré de
résumer dans l'article 141 nouveau, les dispositions des articles 141 et
142 anciens. Enfin, elle a proposé d'instituer le Conseil
Économique et social à l'article 142 nouveau.
Au niveau du Conseil constitutionnel. Dans un
premier temps, la Chambre des Représentants a critiqué longuement
avec arguments juridiques à l'appui, le nouvel article 152 qui voulait
conférer au Conseil Constitutionnel une compétence en
matière d'élections locales. Elle considère une telle
innovation comme juridiquement contre-productive et pratiquement impossible.
Juridiquement, cette disposition rendrait le Conseil constitutionnel
« compétent pour connaître du contentieux de
l'élection des conseillers provinciaux, présidents et
vice-présidents des conseils provinciaux, des conseillés
municipaux et des maires295(*) ». Or selon la Chambre, « ce
contentieux relève présentement de la juridiction administrative
conformément à l'ordonnance n°92-013/PRES du 20 avril 1992
modifiée par la loi n°003/97/ADP du 29 février 1997 portant
code électoral ». Ce serait ainsi « étendre
la compétence de la juridiction constitutionnelle à des
élections autres que nationales ». En outre, selon la Chambre,
« au simple plan du droit comparé, on constatera que
l'étude des systèmes juridiques ayant la même inspiration
que le nôtre, milite pour le maintien de la compétence de la
juridiction administrative en matière de contentieux nés
d'élections locales296(*) ». Sur le plan pratique, « le
volume possible de recours et leur portée locale milite contre une telle
compétence297(*)». Au regard de toutes ces imperfections, la
Chambre a proposé une autre formulation de l'article 152 qui limite les
travers qu'elle a relevés et intègre les observations qu'elle a
faites : « le Conseil constitutionnel est la juridiction
compétente en matière constitutionnelle et électorale. Il
est chargé de statuer sur la constitutionnalité des lois, des
ordonnances ainsi que la conformité des traités et accords
internationaux avec la constitution. Il interprète les dispositions de
la constitution. Il contrôle la régularité, la transparence
et la sincérité du référendum, des élections
présidentielles et législatives. Il est juge du contentieux
électoral et proclame les résultats définitifs des
élections ».
Dans un deuxième temps, elle a critiqué le fait
que le projet de réforme ne précise pas les conditions de
nomination du président du Conseil constitutionnel comme il le fait pour
les autres membres de la juridiction. Elle considère en outre que
« le mécanisme relatif au renouvellement régulier des
deux premiers tiers devant aboutir au renouvellement
régulier » soit décrit par une loi organique. Elle a
donc suggéré cette nouvelle formulation qui tient compte de ses
remarques : « le Conseil constitutionnel comprend dix
membres : - le président du Conseil constitutionnel nommé
par le Président du Faso ; - trois personnalités
nommées par le Président du Faso ; - trois magistrats
nommés par le Président du Faso sur proposition du ministre de la
justice ; - trois personnalités nommées par le
Président de l'Assemblée Nationale ; Sauf pour son
Président, les membres du Conseil constitutionnel sont nommés
pour un mandat unique de neuf (9) ans. Dans la loi organique, il sera
décrit le mécanisme relatif au renouvellement des deux premiers
tiers devant aboutir au renouvellement régulier. Les fonctions de membre
du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec celles de membre du
Gouvernement ou du Parlement. Les autres incompatibilités sont
fixées par la loi ».
Au niveau des recommandations globales. Pour
finir, elle a recommandé à l'Assemblée Nationale de
créer une commission technique dont la mission serait de lire la
constitution afin de « la mettre à l'abri des fréquents
amendements ». Elle a également suggéré que
l'immunité parlementaire des Représentants soit consacrée
par la constitution, que l'alinéa 3 de l'article 97 ancien soit
remodelé pour tenir compte de l'initiative législative dont
jouira désormais la Chambre des Représentants et que la
nomination du président du Conseil constitutionnel par le
Président du Faso soit proposée par ses pairs.
b) Le contenu de la réforme
Elle est de loin la plus importante de toutes les
réformes constitutionnelles non seulement par son étendue mais
aussi par son contenu. Alors que des dispositions toutes neuves sont
introduites, on remarque aussi que dans beaucoup de cas, le pouvoir constituant
dérivé s'est contenté d'une simple restructuration des
normes anciennes. Mais de façon plus précise on peut dire que
cette réforme touche tous les pouvoirs dans l'État et
s'étend également aux organes de contrôle et instances
consultatives.
D'abord en ce qui concerne l'exécutif.
Le Président du Faso. Cette réforme s'ouvre avec
l'article 37 qui traite de la question de la durée et du nombre de
mandats présidentiels qu'un citoyen burkinabè a le droit
d'exercer dans la République. Sur la question de la limitation du nombre
de mandats, elle opère un retour aux dispositions originelles de la
constitution de 1991 en offrant la possibilité au président
sortant de renouveler une seule fois son mandat. En rappel, cette limitation
avait été supprimée par la loi constitutionnelle de 1997.
Quant à la durée du mandat, elle a été
réduite de sept ans (7) à cinq ans (5). À l'article 43, il
a semblé nécessaire de préciser que le mandat du
président de l'Assemblée nationale en cas de vacance de la
Présidence du Faso est provisoire. Les délais pour l'organisation
des élections dans cette hypothèse ont été
allongés, passant de « vingt et un jours au moins et quarante
jours au plus » à « trente jours
au moins et soixante jours au plus après constatation
officielle de la vacance ou du caractère définitif de
l'empêchement ». Le serment du président de la
République, prévu à l'article 44 se fait non plus devant
la Cour suprême298(*) mais plutôt devant le Conseil constitutionnel
qui, selon les nouvelles dispositions introduites, reçoit en la
même occasion sa déclaration écrite de biens. C'est
également à cette institution qu'échoit la
compétence de procéder au constat préalable à
l'entrée en vigueur automatique de la loi lorsqu'après les
délais requis le Président du Faso a manqué à
l'obligation constitutionnelle de promulguer les lois conformément
à l'article 48. Quant aux articles 49 et 50 nouveaux, ils le
contraignent respectivement de prendre avis auprès du président
de l'Assemblée nationale en plus de ceux qu'il aura recueillis chez le
Premier ministre et chez le président de la Chambre des
Représentants avant de « soumettre au référendum
tout projet de loi portant sur toutes questions d'intérêt
national » ou de « prononcer la dissolution de
l'Assemblée Nationale ». De même, dans la mise en oeuvre
des pouvoirs de crise que lui reconnaît la constitution, le
Président du Faso devra, aux termes du nouvel article 59, consulter au
préalable, en plus des présidents de l'Assemblée nationale
et de la Chambre des Représentants, le président du Conseil
constitutionnel en lieu et place de la défunte Cour Suprême.
Le gouvernement. La réforme a
effleuré aussi au passage le gouvernement, dont les membres, avec la
suppression de la Cour Suprême, doivent désormais aux termes du
nouvel article 77, « déposer la liste de leurs biens
auprès du Conseil constitutionnel ». Cet article
étend cette obligation « à tous les Présidents
des Institutions consacrées par la Constitution, ainsi qu'à
d'autres personnalités dont la liste est déterminée par la
loi ».
Au niveau de l'Assemblée nationale.
Dans le nouvel article 80, la réforme constitutionnelle de 2000
commence par permuter certaines dispositions, avant d'édicter
l'obligation pour l'Assemblée nationale de consulter la Chambre des
Représentants pour l'adoption des lois relatives à :
« -la citoyenneté, les droits civiques et l'exercice des
libertés publiques ; -la nationalité, l'état et la
capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions
et les libéralités ; -la procédure selon laquelle les
coutumes seront constatées et mises en harmonie avec les principes
fondamentaux de la Constitution ; -la protection de la liberté
de presse et l'accès à l'information ; -l'intégration des
valeurs culturelles nationales ». Mais avant de continuer, il
convient de signaler qu'auparavant, le nouvel article 50, a
procédé à des réaménagements et à des
ajouts en ce qui concerne l'hypothèse de la dissolution de
l'Assemblée nationale. Ainsi, les délais d'organisation des
élections ont été revus à la hausse passant de
« vingt et un jours au moins et quarante jours au plus» à
« trente jours au moins et soixante jours au plus après la
dissolution ». En outre, la portée de la dissolution a
été davantage explicitée par les dispositions des derniers
alinéas qui précisent que « l'Assemblée
nationale dissoute ne peut se réunir » mais que
« toutefois, le mandat des députés n'expire qu'à
la date de validation du mandat des membres de la nouvelle Assemblée
nationale ». Quant au nouvel article 91, il a institué un
président du parlement en la personne du Président de
l'Assemblée nationale. Aux termes des nouvelles dispositions, celui-ci
« préside les réunions communes des deux Chambres.
Celles-ci sont décidées par le Bureau de l'Assemblée,
lorsque les circonstances l'exigent. Le Président du Parlement prend les
actes relatifs à l'Assemblée nationale et à la Chambre des
Représentants, conformément aux dispositions de
la Constitution et de la loi. Il convoque et installe la Chambre des
Représentants ». Il faut également signaler les
innovations effectuées au niveau des articles 94, 111 et 120 nouveaux.
Le premier confie à la loi la compétence pour dresser
« la liste des hautes fonctions » pouvant happer
définitivement ou temporairement les députés de
l'hémicycle et provoquer des problèmes de succession ou de
reprise des sièges abandonnés. Pour prévenir les conflits
éventuels, l'article 94 dispose que le député qui
« cesse d'exercer ses fonctions au plus tard à la fin de la
moitié de la législature, [...] peut reprendre son siège ;
au-delà de cette date, il ne peut le reprendre qu'en cas de vacance de
siège par décès ou démission du
suppléant ». Le second article ouvre aux députés
une nouvelle possibilité de poser des « questions
d'actualité » en plus « des questions
écrites, des questions orales avec ou sans débat ». Le
dernier article desserre amplement la camisole de force mise autrefois à
la source de leur créativité législative par la
disposition constitutionnelle qui leur interdisait de faire des propositions ou
amendements ayant pour conséquence « soit une diminution des
ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge
publique ». Le nouvel article 120 limite cette interdiction aux
propositions et amendements « concernant la loi de
finances ». Enfin, pour six (6) des articles touchés au niveau
de l'Assemblée nationale, la réforme a consisté à
substituer les termes « Conseil constitutionnel » ou
« Cour des comptes » à respectivement
« Cour Suprême » ou « Chambre des comptes
de la Cour Suprême » pour tenir compte de la réforme de
celle-ci. Ainsi, le Conseil constitutionnel et la cour des comptes ont
hérités des compétences consultatives,
décisionnelles et techniques que la Cour suprême exerçait
au profit de l'Assemblée nationale. Ces substitutions concernent les
nouveaux articles 86, 90, 97, 105, 107 et 123.
Au niveau du pouvoir judiciaire. À ce
niveau, l'une des innovations majeures de cette réforme est la
suppression de la Cour Suprême. Aux termes de l'article 126 nouveau,
« les juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif
au Burkina Faso sont : - la Cour de Cassation ; - le Conseil d'État ; -
la Cour des Comptes ; - les Cours et les Tribunaux institués par la loi.
Ces juridictions appliquent la loi en vigueur ». Dans cette optique,
l'article suivant, c'est-à-dire l'article 127 nouveau, institue au
Burkina Faso trois ordres de juridiction en disposant que « la Cour
de Cassation est la juridiction supérieure de l'ordre judiciaire. Le
Conseil d'État est la juridiction supérieure de l'ordre
administratif. La Cour des Comptes est la juridiction supérieure de
contrôle des finances publiques ». Leur composition,
organisation, fonctionnement et attributions doivent, aux termes de l'article
127 nouveau, être fixés par une loi organique. La substitution de
ces différentes juridictions à la Cour Suprême a
entrainée des modifications mineures au niveau des articles 134 et 137
consistant à remplacer les termes « Cour
Suprême » par l'une ou l'autre des nouvelles juridictions
supérieures.
On peut également ajouter, au titre des innovations
majeures, la création d'un Conseil constitutionnel qui hérite des
compétences de la Chambre constitutionnelle de la défunte Cour
Suprême. Un titre particulier, le TITRE XIV, lui est désormais
particulièrement consacré. Comme on l'a déjà fait
remarquer dans certains de nos développements précédents,
le Conseil constitutionnel exercera ainsi les différents rôles que
le pouvoir constituant originaire avait confiés à la Chambre
constitutionnelle de la Cour Suprême. Donc, mutatis mutandis, certains
articles restent les mêmes sauf dans les parties où les termes
« Conseil constitutionnel » remplacent « Chambre
constitutionnelle ». Il en est ainsi des articles 150, 153, 154, 155,
156, 157, 158, 159 et 160 de la constitution. Cependant l'article 152 nouveau
innove en inscrivant explicitement les « ordonnances » dans
la compétence du Conseil constitutionnel en matière de
contrôle de constitutionnalité des lois, et en faisant de
« la sincérité » un critère de plus
dans son contrôle des consultations référendaires et
électorales.
Aux niveaux des organes de contrôle et instances
consultatives. La réforme constitutionnelle de 2000, tout en
gommant les termes « instances consultatives » du TITRE X,
y effectue, à l'article 141 nouveau, la constitutionnalisation du
Conseil Économique et Social (CES) auquel il donne une compétence
consultative. Désormais, le TITRE X s'intitule « Du Conseil
Économique et Social et des organes de contrôle ».
Celui-ci est exclusivement mis au service du gouvernement et du
Président du Faso.
Quant à l'article 142 nouveau, il reprend l'article 141
ancien en supprimant la possibilité pour la loi de créer aussi
« des instances et organes consultatifs » à
l'avenir.
c) Par rapport aux avis et propositions environnants.
La réforme constitutionnelle de 2000 est intervenue
dans un contexte où l'environnement politique national s'est davantage
enrichi en connaissances sur les questions de techniques constitutionnelles,
démocratiques et de bonne gouvernance au Burkina Faso. En effet, non
seulement elle a été précédée et
préparée par le Collège de Sages et la commission
chargée des réformes politiques mais aussi, International IDEA
avait déjà publié, deux ans auparavant, son rapport sur la
démocratie au Burkina Faso. De même, le plan national de bonne
gouvernance avait déjà été élaboré.
Mieux, dans un sursaut d'honneur, comme s'il répondait au défi
lancé par l'auteur de « l'acte II du processus
démocratique au Burkina Faso299(*) », la Chambre des Représentants a
rendu à cette occasion l'un de ses meilleurs avis et sans conteste, le
meilleur avis rendu en matière de loi constitutionnelle. Si en termes
d'ouverture, la réforme constitutionnelle n'a certes pas pu se faufiler
de façon indemne entre les avis et propositions environnants, il faut
dire qu'en somme, le bilan est mitigé.
Ouverture et réception des avis et propositions
environnants. Les appels à rétablir la limitation du
nombre de mandats présidentiels a finalement été entendu.
Beaucoup d'intellectuels et d'organismes d'expertise avaient, sur la base d'une
analyse scientifique relevant de la sociologie politique, estimé que, au
regard de la jeunesse de la démocratie burkinabé, de la
configuration des forces politiques qui l'animent, et de la persistance des
processus électoraux ténébreux et parfois
désordonnés, la révision constitutionnelle de 1997 en sa
partie relative à l'article 37, marquait un recul du processus
démocratique au Burkina Faso. Le collectif pour l'observation des
élections, International IDEA, le collège de sages, la commission
chargée des réformes politiques et la Chambre des
Représentants (la dernière à rejoindre la ligue),
étaient unanimes à ce propos dès avant la date de la
réforme constitutionnelle de 2000. L'idée a grimpé de
branche en branche, depuis la base, pour atteindre l'exécutif et
l'Assemblée nationale. Elle est passée du rapport d'International
IDEA sur la démocratie au Burkina Faso au rapport d'avis de la Chambre
des Représentants en passant d'abord par celui du collège des
sages et de la commission chargée des réformes politiques.
On peut également énumérer au nombre des
recommandations honorées, l'insertion de la sincérité
comme nouveau critère de contrôle en matière de contentieux
électoral, le remaniement des compétences de la Chambre des
Représentants, la constitutionnalisation du Conseil Économique et
Social, la suppression de la Cour suprême, l'extension de l'obligation de
dépôt de biens aux présidents d'institutions comme des
recommandations provenant principalement de l'environnement externe du pouvoir
politique.
En effet, la sincérité comme critère de
contrôle a été suggérée par le rapport
d'International IDEA rendu public en 1998. On peut donc penser que
l'idée vient de là, puisque dans son rapport annuel de
1999300(*),
International IDEA avait constaté avec satisfaction que le rapport du
collège de sages s'était déjà, sur certains points,
inspiré de sa réflexion sur la démocratie au Burkina Faso.
Le remaniement des compétences de la Chambre des Représentants
est un problème qui avait été soulevé
également par International IDEA dans son rapport sur la
démocratie, dans des termes interrogatifs. Il recommandait une
réflexion particulière sur son rôle, ses attributions et la
répartition des compétences entre elle et le Conseil
Économique et social. Mais c'est le collège de sages et la
commission chargée des réformes politiques qui ont proposé
concrètement ce qu'il fallait faire. Le premier suggérait en
effet dans son rapport de lui donner un caractère
délibératif tandis que le second proposait plutôt une
obligation de la consulter dans certaines matières. Ces deux
propositions sont parvenues ensemble à l'Assemblée nationale qui
a retenue la dernière. La constitutionnalisation du Conseil
économique et social a été quant à elle
exclusivement recommandée par la commission chargée des
réformes politiques. Enfin, en ce qui concerne l'extension de
l'obligation de dépôt des biens aux présidents
d'institutions devant le Conseil constitutionnel et la suppression de la cour
suprême, elles ont été toutes deux
préconisées par le collège de sages. Pour la substitution
des quatre juridictions à la Cour suprême, celui-ci s'est
inspiré des travaux du forum sur la justice tenu à Bobo Dioulasso
en 1998. Il a été relayé dans cette recommandation par la
commission chargée des réformes politiques qui a vu
également sa recommandation sur la suppléance acceptée.
Quant à l'idée d'étendre l'obligation de
dépôt des biens devant le Conseil constitutionnel aux
présidents d'institutions, elle lui est propre mais n'a
été qu'en partie respectée, l'Assemblée nationale
rejetant la suggestion de l'étendre aussi aux directeurs des
administrations publiques et des sociétés d'État.
D'autres recommandations suivies ont émané de
structures faisant partie intégrante de l'ingénierie
étatique, et présentent ainsi la particularité
d'être faite au moment de la réforme et spécialement pour
la réforme. C'est donc le lieu, ainsi que nous l'avons signalé au
début de ce paragraphe, de parler des suggestions tombées dans
l'oreille du réformateur en provenance des structures permanentes telles
que la Chambre des Représentants. Si l'on exclut la recommandation sur
la nécessité de rétablir à l'article 37 (dont il a
déjà été question), la limitation du nombre de
mandats présidentiels à deux et celle de réduire leur
durée d'exécution de sept à cinq ans chacun, elles ne sont
qu'au nombre de trois. Il s'agit d'abord de l'article 43 nouveau qui projetait
de prévoir, en cas de vacance de la présidence du Faso et de
l'exercice subséquent de cette fonction de façon
intérimaire par le président de l'Assemblée nationale, de
prévoir que le siège vacant de la présidence de cette
dernière soit immédiatement occupé par un de ses
vice-présidents dans « l'ordre de
préséance ». La Chambre a suggéré
d'abandonner une telle solution. Il y a ensuite l'article 118 dont la Chambre
a recommandé le maintien en l'état afin de permettre au
gouvernement de mener ses actions prioritaires. C'est enfin, l'article 120
où elle a suggéré de limiter l'irrecevabilité des
propositions et amendements pour cause d'atteinte à l'équilibre
budgétaire à la matière de la loi de finances.
Fermeture aux recommandations de la Chambre des
Représentants : rejet ou options ? Si les
réformateurs n'ont retenu que trois des quinze recommandations faites
par la Chambre des Représentants, cela signifie que 80% de ses
suggestions ont été rejetées et que, par supposition,
celles qui ont été ainsi écartées peuvent
être considérées comme ayant été bien
moindres en qualité technique que les options qui leur ont
disputé victorieusement le privilège d'être pris en compte.
Mais cela est-il vraiment le cas ?
Sur le strict plan de la rationalité scientifique, on
peut considérer que la proposition faite au législateur par la
Chambre, de disposer que le président du Conseil constitutionnel est
soit nommé par le président du Faso, soit nommé par le
président du Faso sur proposition de ses pairs, lui donne la
possibilité de faire un choix, étant donné que
théoriquement c'est-à-dire en dehors de toutes
considérations pratiques et contextuelles, aucune des solutions ne peut
être considérée, en soi, comme supérieure à
l'autre. Dans la période pré-pratique et pré-contextuelle
de l'une ou l'autre de ses dispositions, il est difficile de disserter
sérieusement sur leur efficacité pratique à moins
d'être à la fois non seulement juriste ou politiste mais aussi
praticien d'un art qui relève de l'un ou l'autre des modules du
charlatanisme (prophétie, divination, médium, cartomancie,
etc.) ; même si l'on peut quand même espérer qu'une
telle technique, en combinant désignation par les pairs avec la
nomination par le chef de l'État, instaure une sorte d'équilibre
entre reconnaissance à l'égard des pairs et reconnaissance
à l'égard du chef de l'État, équilibre qui peut
ajouter un plus dans la quête de l'indépendance indispensable
à l'exercice de la tâche dont est investi l'institution. Il ne
s'agit toutefois que d'un espoir. De la même façon, on peut
estimer que le décideur qui rejette la proposition d'interdire une
nouvelle dissolution de l'Assemblée nationale dans l'année
suivant les élections consécutives à une première
dissolution et de limiter le nombre de dissolutions à trois par mandat,
fait une option si l'on considère qu'un peuple a le droit
d'opérer un choix entre la prévoyance renforcée contre
l'inconnu de l'avenir, et la foi inébranlable en la stabilité du
présent. Peuvent également relever de l'option, les
recommandations sur la suppléance des députés.
À l'opposé, il y a des recommandations dont la
nécessité et la pertinence sont tellement évidentes que
leur rejet intrigue profondément. Il convient ici de commencer par les
plus évidents, en l'occurrence, les fautes d'orthographe et de
grammaire. Le maintien de la formulation « à leur
entrée en fonction et à la fin de leur exercice » de
l'article 77 est manifestement inexplicable. La construction de cette phrase
est clairement inadéquate et ne vaut rien par rapport cette autre
formulation suggérée par la Chambre : « au
début et à la fin de l'exercice de leur fonction... ».
Elle a le mérite de la clarté et est déchargée du
pléonasme défectueux. Il est également évident que,
disposer que le député est remplacé par
« son » suppléant et non par
« un » suppléant, a le mérite d'éviter
les tergiversations et la compétition entre plusieurs suppléants
pour la conquête du poste resté vacant, et de permettre une
succession douce par la grâce de sa clarté et de sa
précision. L'affaire Ouali301(*) a, en tout cas, montré que le pronom
indéfini « un » pouvait créer plus d'une
contestation, et ajouter des contestations aux contestations.
En dehors même de la syntaxe, il nous semble que
scientifiquement, certaines des recommandations de la Chambre auraient dû
bénéficier d'attention et de considération. En premier
lieu, il y a la recommandation déconseillant une présidence
commune du parlement par le président de l'Assemblée nationale.
Malgré l'argumentation donnée par la Chambre, le
législateur est passé outre. Les principes de
l'indépendance et de l'autonomie, caractéristiques de
l'intellectuel, de l'expert et de l'organe d'expertise devraient
prévaloir sur toute autre considération. L'institution d'une
présidence commune prive symboliquement la Chambre de ces
caractéristiques. En plus, et suivant en cela l'argumentation de la
Chambre dans son entièreté, la nature divergente de ces deux
institutions auraient dû dissuader de cette entreprise.
En second lieu, il y a le problème de la
non-précision des conditions de nomination du président du
Conseil constitutionnel. Si l'on s'en tient à la Constitution, on ne
sait pas d'où vient le président du Conseil constitutionnel. En
effet, les dispositions de l'article 152 selon lesquelles « le
Conseil constitutionnel comprend, outre son Président, trois (3)
magistrats nommés par le Président du Faso sur proposition du
ministre de la justice, trois (3) personnalités nommées par le
Président du Faso, trois (3) personnalités nommées par le
Président de l'Assemblée nationale » ne
précisent aucunement qui nomme le président du Conseil
constitutionnel. On pourrait penser qu'il s'agit là d'une erreur, qui
provient d'une transposition mutatis mutandis des dispositions concernant la
Chambre constitutionnelle de la cour suprême dont on savait que le
président était en même temps le président de la
Chambre constitutionnelle. Mais au fond, il s'agit d'un choix
délibéré, car si tel était le cas, les
différentes révisions constitutionnelles effectuées en
2002 et 2009 auraient permis de corriger l'erreur. Si seize jours plus tard, la
même Assemblée, dans une loi organique302(*) disposait en son article 2,
alinéa 1 que « le Conseil constitutionnel comprend un
président nommé par le président du Faso », il
n'en demeure pas moins que cet état de faits reste critiquable :
par la négligence de cette recommandation, le président du
Conseil constitutionnel burkinabé reste privé d'un statut
constitutionnel précis (c'est-à-dire inscrit dans la constitution
même) en comparaison avec celui de ses pairs dont il préside
cependant les travaux.
En troisième lieu, et ce, au regard de ce qui vient
d'être relevé, la recommandation de créer une commission
technique de relecture de la constitution pour éviter les
révisions fréquentes, devrait apparaître aux yeux des
réformateurs, comme une nécessité impérieuse. Ce
qui n'a pourtant pas été le cas.
En quatrième lieu, le rejet de la suggestion de
disposer qu'à l'avenir l'article 37 ne puisse être modifié
que par référendum n'est pas du tout logique. Il l'est d'autant
moins qu'il ressort des débats en plénière que la fixation
de la durée du mandat à cinq ans a été
motivée par la Chambre303(*) dont l'argumentaire à cette fin, en raison de
sa cohérence et de ses enchâssements internes, ne peut
qu'être pris en entier ou rejeté.
Le rejet des propositions de la Chambre des
représentants au niveau du TITRE X, est tout aussi critiquable à
plusieurs égards : comme l'a dit la Chambre des
Représentants, intituler ce titre comme l'ont projeté et
réalisé les réformateurs, clôt effectivement la
possibilité pour le législateur de créer d'autres
instances et organes consultatifs ou en tout cas la rend acrobatique dans le
futur. En outre, le maintien intact des dispositions de l'ancien article
141304(*) pour les seuls
organes de contrôle prévus à l'article 142 nouveau est
très malencontreux et fâcheux pour une société qui
se dit démocratique, laïque, républicaine et
libérale. Si dans le domaine économique, le contrôle
s'entend bien pour des questions techniques d'économie et s'applique en
l'occurrence à des choses, on se demande comment un tel contrôle
pourrait s'établir en matière sociale et culturelle sans faire
basculer l'État dans une sorte de totalitarisme. En dehors de la
justice, du code pénal, de la police et de la gendarmerie, y a-t-il
encore une autre façon de contrôler le social et le
culturel ?
Partons encore d'un autre point de vue que nous exposerons en
deux constats, pour expliquer une autre incohérence dont est
entachée le TITRE X. D'abord : le Conseil Économique et
Social (CES) n'est même pas un organe de contrôle. C'est
plutôt un organe consultatif dont la compétence s'étend
selon l'article 141 actuel aux domaines « économique, social
ou culturel ». Ensuite : les organes de contrôle dont
l'article 142 envisage la création pour exercer un contrôle en
matière sociale ou culturelle ne sont pas encore une
réalité. C'est une simple possibilité que l'on ouvre pour
l'avenir. Si l'on additionne les deux constats, la logique aurait voulu que
l'intitulé du TITRE X soit plus abstrait conformément à la
recommandation de la Chambre des Représentants. En effet, la formulation
de cette dernière : « des instances et organes
consultatifs ou de contrôle » convient mieux au contenu du
TITRE X en ce qu'il contient virtuellement, non seulement le Conseil
Économique et Social, qui est un organe consultatif, mais aussi les
organes de contrôle dont on ouvre la possibilité de
création pour contrôler le social ou le culturel dans le futur,
mais qui, contrairement au CES sont encore absents de la Constitution.
Peut-être ne s'agit-il là que d'une pure question de logique
formelle et d'esthétique littéraire. Mais le jeu en vaut la
chandelle parce que du reste, leur méconnaissance sape les principes de
base de la légistique juridique.
Enfin, la recommandation relative à la
compétence du Conseil constitutionnel en matière de contentieux
électoral illustre parfaitement la surdité du politique à
l'égard de « l'inestimable service305(*) » de la science
dont parlait M Weber. Malgré l'argumentaire solide étayé
par la référence à des textes juridiques pour
démontrer qu'il risque d'y avoir un conflit entre d'un côté
le Conseil constitutionnel et de l'autre les tribunaux administratifs et le
Conseil d'État, le législateur burkinabé est passé
outre. L'appel à « l'harmonisation des dispositions
constitutionnelles concernant le rôle de la Chambre Constitutionnelle en
matière d'élections législatives et
présidentielle306(*) » avait même déjà
été lancé par le Rapport d'International IDEA. Ce n'est
qu'en 2009 qu'il est revenu là-dessus pour corriger l'erreur par une
nouvelle loi constitutionnelle. Ce qui nous dispense fort heureusement d'autres
commentaires.
3) La réforme constitutionnelle du 22 janvier
2002
Elle intervient dans un contexte social beaucoup plus
apaisé. La crise provoquée par le drame Sapouy, apparaît de
plus en plus lointaine dans la mémoire des populations. C'est ce
moment-là que le pouvoir a choisi pour introduire à
l'Assemblée un projet de loi constitutionnelle visant la suppression de
la Chambre des Représentants.
a) Le contenu de la reforme
La réforme constitutionnelle de 2002 a
été presque chirurgicale. Initiée par le président
du Faso lui-même elle avait pour objet la suppression de la Chambre des
Représentants. Hormis la retouche apportée à l'article 85,
aucun autre article de la constitution n'a été principalement
visé. La suppression de la Chambre des Représentants au niveau de
l'article 78 de la constitution a conduit à biffer sa mention dans
toutes les autres dispositions constitutionnelles qui en contenaient : il
s'agit des articles 49, 50, 51, 59, 79, 81, 91, 97, 133, 155 et 157.
En ce qui concerne l'article 85, l'innovation a
consisté à introduire un alinéa premier qui déclare
que « tout mandat impératif est nul ». Si la
révision constitutionnelle de 1997 avait abandonné la
théorie de la souveraineté populaire au profit de celle de la
souveraineté nationale, ni le pouvoir constituant dérivé
de 1997, ni celui de 2000 n'avaient tiré la conséquence
nécessaire de ce changement de référence. Il est vrai que
pour des constitutionnalistes chevronnés, la question ne se pose pas. La
précision serait superfétatoire. Mais pour le reste des citoyens,
il n'est pas évident que la souveraineté nationale implique
logiquement la nullité du mandat impératif.
b) Par rapport aux avis et propositions
environnants.
Par rapport aux connaissances techniques environnantes,
produites de 1997 à 2002, aucune n'a été de nouveau prise
en compte. Si la Chambre des Représentants a été
supprimée, d'après le rapport de la commission chargée des
affaires générales et institutionnelles (CAGIDH), pour des motifs
politiques et accessoirement économiques, rien ne permet de dire qu'elle
a été opérée en réponse à la remarque
faite par International IDEA dans son rapport sur la démocratie au
Burkina Faso en 1998. Alors que ce rapport appelait à mener une
réflexion particulière sur le rôle, les attributions et la
répartition de compétences entre la Chambre des
Représentants et le Conseil Économique et Social, et estimait que
l'utilité de ces deux institutions budgétivores, composée
de la même manière, étaient encore à
démontrer, le secrétaire général du gouvernement et
du conseil des ministres demandait, devant la commission qui a refusé
à la Chambre des Représentants l'initiative de la loi en 2000, la
suppression de celle-ci au motif que « dans ses attributions
actuelles, [rien ne lui confère] les caractéristiques du
deuxième organe constitutionnel du système
bicaméral307(*) ». Ce qui exigerait selon lui, une
« rationalisation ». Il ajoutait à ces motifs, le
fait que « l'expérience des parlements bicaméraux
révèle une lourdeur administrative, source de lenteur, en sus des
coûts de fonctionnement très élevés pour les
fragiles économies de nos États308(*) ».
Au contraire, par la suppression de la Chambre des
Représentants, le Président du Faso rayait de la constitution,
une des recommandations importantes faite à la fois par le
collège de sages et par la commission chargée des réformes
politiques : donner à la Chambre des Représentants plus de
possibilités d'influer sur le travail parlementaire dans le but de
l'améliorer. Cette recommandation avait pourtant été
ouvertement acceptée par les députés.
Il y a cependant eu une tentative échouée de
prendre en considération une des recommandations faite par la Chambre
des Représentants dans son rapport d'avis pour la révision
constitutionnelle de 2000. Elle avait en effet critiqué la formulation
du TITRE X en relevant notamment qu'il fermait la possibilité de
créer d'autres organes consultatifs à l'avenir. Dans l'objectif
affiché de créer une Conférence générale de
la Nation en lieu et place de la Chambre des Représentants, le
gouvernement a préconisé la rectification du TITRE X afin de
permettre cela juridiquement. Ainsi, à la question posée par la
CAGI de savoir s'il était « opportun de modifier à
nouveau le TITRE X de la constitution », le secrétaire
général du gouvernement répondait : « Oui.
Dans la logique du projet de révision constitutionnelle, le
réaménagement du TITRE X autoriserait la création par la
loi d'autres instances consultatives à côté du Conseil
Économique et Social309(*) ». Mais la commission a rejeté
cette proposition.
Pour le reste, tous les autres aspects des rapports produits
jusque là, qu'il s'agisse du rapport d'International IDEA, de celui du
collège de sages, de la commission chargée des réformes
politiques ou encore, plus récemment, du rapport d'avis de la Chambre
des Représentants elle-même, n'ont attiré l'attention du
pouvoir constituant dérivé de 2002 jusqu'au nouveau
déclenchement de la procédure de révision
constitutionnelle en 2009.
4) La réforme constitutionnelle de
2009
Elle intervient dans un contexte plus ou moins paisible.
Initiée par un groupe de député provenant aussi bien de la
majorité parlementaire que de l'opposition, elle n'est pas plus
étendue que celle de 2002.
a) Le contenu de la reforme
Elle a consisté à modifier les articles 85 et
152 de la Constitution. Le nouvel article 85 interdit désormais le
nomadisme politique. Il n'est plus permis à un député
élu dans un parti politique de rejoindre un autre parti politique en
cours de législature. Il dispose clairement que même si le mandat
impératif est nul, « tout député qui
démissionne librement de son parti ou de sa formation politique en cours
de législature est de droit déchu de son mandat et
remplacé par un suppléant ».
Quant à l'article 152 nouveau, il met un terme à
la confusion qui existait entre le Conseil d'État et le Conseil
Constitutionnel en matière de contrôle des élections
locales et de jugement du contentieux électoral. Désormais, seul
le conseil d'État est compétent pour contrôler les
élections locales et résoudre le contentieux qui en
résulte.
b) Par rapport aux avis et recommandations
environnants
L'Assemblée nationale semble avoir été
sensible à l'indignation que suscitaient dans l'opinion, les cas de
migrations de députés d'un parti politique vers un autre parti
politique au cours de leur mandat.
On constate également que l'Assemblée nationale
prend en compte finalement l'appel lancé par International IDEA dans son
rapport sur la démocratie au Burkina en 1998 et repris par la Chambre
des Représentants dans son rapport d'avis pour la révision
constitutionnelle de 2000. Les deux rapports avaient en effet recommandé
que l'on réserve à la compétence du Conseil
constitutionnel (Chambre constitutionnelle en 1998), uniquement le
contrôle et la résolution du contentieux des élections
ayant une envergure nationale. En revanche, les autres rapports dans les
parties où ils n'ont pas été suivies semblent être
tombés définitivement dans l'oubli : le rapport
d'International IDEA sur la démocratie au Burkina, le rapport du
collège de sages, les rapports du MBDHP, le rapport de la Commission
chargée des réformes politiques, et celui de la Chambre des
représentants. De même, ni les interpellations du Pr Augustin
Loada sur la question de la chefferie traditionnelle en 2007310(*), ni les études
menées par le CGD en 2008 sur les valeurs démocratiques
constitutionnelles et traditionnelles des burkinabé311(*), n'ont
intéressé l'Assemblée nationale. De même, le rapport
du MAEP, sollicité par les autorités politiques burkinabé,
n'a pas trouvé une meilleure attention. Les réformes que l'on
envisage actuellement lui réserveront-elles peut-être un sort
beaucoup plus enviable ?
B) Propositions de réformes et projets actuels de
réformes
L'agenda politique burkinabé s'apprête encore
à inscrire dans ses pages une nouvelle vague de réformes
politiques et institutionnelles qui pourrait inclure largement la constitution
du 2 juin 1991. En effet, dans l'espace public burkinabé, il est
constamment question de réformes politiques et institutionnelles depuis
l'année 2008312(*). De façon officielle, le discours du chef de
l'État lors du 49ème anniversaire de
l'indépendance nationale313(*) a marqué une étape importante dans
l'émergence d'une éventuelle politique institutionnelle visant
à restructurer entre autres le dispositif juridique constitutionnel. Le
rapport du MAEP sur le Burkina Faso finalisé courant 2008 devrait
confirmer cette tendance en ce qu'il doit être logiquement suivi de la
mise en oeuvre des recommandations proposées. Les choses se sont
davantage précisées depuis la nomination d'« un
ministre d'État, ministre auprès de la présidence
chargée des Réformes politiques, lors du dernier renouvellement
du gouvernement314(*) ». C'est dire que finalement l'idée
est parvenue, que le problème est pris en charge, mais que le contenu
reste indéterminé. Cependant, la thèse de
l'inégalité des acteurs face à l'agenda politique et
l'histoire des autres politiques déjà étudiées nous
permettent dès maintenant d'envisager ce que pourrait être le
contenu futur des politiques institutionnelles d'autant plus que les acteurs
dominants qui ont accaparé les politiques précédentes
tiennent encore le devant de la scène avec une vision claire du contenu
de la réforme. On peut donc comparer les réformes qu'ils
projettent (1) à la somme totale des recommandations (2) qui existent et
qui sont toujours valables pour le système politique
burkinabé.
1) Les projets actuels de réformes
Depuis le discours du président du Faso, le 11
décembre 2009 (fête de l'indépendance du Burkina Faso), les
responsables de son parti politique le CDP (Congrès pour la
Démocratie et le Progrès, parti majoritaire à
l'Assemblée nationale) ont mis sur la table les réformes qu'ils
entendent conduire pour perfectionner le régime politique
burkinabé. En rappel, il faut noter que c'est ce même parti qui
avait eu l'initiative, lors de ses journées parlementaires315(*) de 1994 et 1995, de la
révision constitutionnelle de 1997 qui avait notamment rayé de la
constitution la limitation du nombre de mandats présidentiel à
deux. Il revient à nouveau, après avoir endossé celle de
2000 au nom du Président de la République. Il est soutenu dans
son nouveau projet comme d'ailleurs dans le tout premier, par la mouvance
présidentielle regroupée dans l'AMP316(*) (Alliance des partis et
formations politiques de la mouvance présidentielle 35 partis) et
dispose d'intellectuels organiques qui, conduit par le président du
parti lui-même et par ailleurs président de l'Assemblée
nationale, défendent farouchement le projet. Le contenu du
projet317(*) à
venir, officiellement approuvé et rendu public lors du troisième
congrès extraordinaire du parti tenu les 6 et 7 août 2010 au cours
duquel le chef de l'État a réitéré son appel
à des réformes politiques par un message318(*), s'inspire beaucoup de
l'écrit d'un intellectuel organique du parti319(*). La révision
envisagée comporte les points suivants :
Le préambule : sans qu'on puisse le dire
avec certitude, l'idée de mettre en exergue l'intégrité
comme valeur républicaine à l'instar de celle de probité,
de transparence, d'impartialité et de solidarité, pourrait
figurer dans le préambule.
Le TITRE III intitulé « Du
président du Faso » : le CDP préconise encore
de réviser l'article 37 pour supprimer la limitation du nombre de
mandats présidentiels à deux parce que cette limitation est
antidémocratique. Il veut également que tout candidat à la
présidence du Faso soit seulement burkinabé de naissance. Mais il
rejette la limite d'âge que proposait son intellectuel
organique320(*) pour
être candidat à la présidence.
Le TITRE V de la constitution portant sur le
parlement : il envisage de revoir les rapports entre le parlement et
le gouvernement. Il s'agit concrètement de soumettre la
déclaration de politique générale du premier ministre
à débat et au vote et de l'obliger à rendre sa
démission si la majorité absolue des députés
n'adhèrent pas à son programme. Il apparaît ici que le
parti a fait un pas en 1997, puis il a attendu 14 ans pour faire un autre pas.
En effet, avant la loi constitutionnelle de 1997, la déclaration de
politique générale n'était pas du tout soumise à
débats. Elle était unilatérale. Les réformateurs
ont introduit les débats en 1997. Aujourd'hui, ils proposent en plus
des débats un vote dont les résultats pourraient obliger le
premier ministre désigné par le Président du Faso à
la démission. Ainsi, le Premier ministre du Burkina, dont la mission est
seulement de conduire la politique de la nation (article 61 de la Constitution)
fixée par le Président du Faso (article 36 de la Constitution)
devra être sanctionné pour sa conception et son contenu, alors
même qu'il ne l'a pas encore conduite. Dans les pays où cela est
faisable, c'est le gouvernement qui détermine et qui conduit la
politique de la nation (ex. article 20 de la Constitution française de
1958). De même la présentation de l'état de la nation
à l'Assemblée nationale devrait faire l'objet soit d'une motion
de censure soit d'une recommandation. Tout ceci dans le but de renforcer, selon
les dirigeants du parti, la place et le rôle du Parlement dans le
paysage institutionnel, notamment par la consolidation de son pouvoir de
contrôle sur l'exécutif. Il est en outre proposé la
création d'un sénat afin de revenir à un parlement
bicaméral qu'on avait jugé budgétivore et facteur de
lourdeur administrative lors de la réforme constitutionnelle qui a
supprimé la Chambre des représentants (2002).
Le TITRE XIV portant sur le Conseil
constitutionnel : il est prévu à ce niveau de nommer
désormais deux juristes confirmés pour renforcer la
capacité et l'opérationnalité de l'institution. Ainsi, sur
les neuf membres que doit comprendre le futur Conseil constitutionnel, deux
seulement devront être des techniciens du droit. Eux seulement jugeraient
selon le droit, et les sept autres selon d'autres critères.
Ce contenu permet de faire un rapport avec les
différents diagnostics et recommandations faites par les structures non
partisanes d'expertise telles que les think tank de la démocratie et de
la bonne gouvernance, les intellectuels engagés, les structures ad hoc
d'expertise et la société civile dans son ensemble depuis le
début du processus démocratique.
2) La solde totale réformes/recommandations de
1997 à nos jours.
L'analyse du contenu projeté pour les réformes
à venir montre clairement que le CDP met presque de côté,
sans aucune argumentation sérieuse tendant à admettre ou rejeter
point par point, les différentes productions de diagnostics et de
connaissances techniques visant le perfectionnement du même
système politique dans le sens d'une consolidation
démocratique ; comme si dans l'État il était le seul
apte à discourir véridiquement sur le statut du pouvoir
politique. Seule la question des valeurs à mettre en exergue
évoque l'étude réalisée par le CGD sur les
Burkinabé et leurs valeurs321(*), et rendu public le jeudi 13 novembre 2008. Mais, le
CDP, tout en mentionnant dans son projet la probité,
l'intégrité, la transparence, l'impartialité et la
solidarité comme valeurs républicaines, omet « le
respect de la parole donnée » et l'idée du CGD de
constitutionnaliser ces valeurs pour en faire un code d'éthique pour le
juge.
Cette analyse des positions d'un parti politique comme
relevant ou reflétant les positions de l'État, et la
possibilité qui en résulte, par suite logique, de
considérer aussi ses rapports avec la science comme les rapports du
pouvoir politique lui-même avec la science, sont rendues possibles et
valables par la nature du CDP que beaucoup d'analystes ont
considéré successivement, depuis 1997 comme s'identifiant
à l'État322(*). Il faut donc sans crainte considéré
que, dans le rejet, l'acceptation ou la négligence des diagnostics et
des connaissances techniques produites au profit du pouvoir politique, le parti
majoritaire y a sa part de responsabilité, lui qui domine sans partage
non seulement l'État, mais aussi l'institution étatique
principalement chargée de la conduite des politiques institutionnelles
en matière constitutionnelle, c'est-à-dire le parlement.
Dans cette perspective, on peut déjà noter que
le parti en question produit une vision restrictive des problèmes qui,
de son point de vue, hypothèquent la consolidation de la
démocratie au Burkina Faso. Alors que les structures ad hoc d'expertise,
les think tank de la démocratie et de la bonne gouvernance, les
intellectuels engagés, les associations ont généralement
une approche globale, systématique du régime politique, à
travers des diagnostics et des recommandations de même taille,
l'État et le parti au pouvoir ont une approche sélective,
spécifique de ce qu'ils considèrent comme problèmes
épineux à résoudre. Leur approche est sélective non
seulement par rapport au régime politique pris dans son ensemble, mais
aussi par rapport à chacune des institutions que comporte ce
régime politique. À la vision bornée du parti s'oppose
ainsi la vision large du reste des acteurs de la vie politique.
Le parti néglige ensuite toutes les autres
recommandations, aussi bien les plus lointaines que les plus proches,
c'est-à-dire, celles qui ont été faites aussi bien dans
les années 90 que dans les années 2000-2010, celles qui ont
été suggérées par des structures
intégrées comme la Chambre des Représentants que par des
structures externes à l'ingénierie étatique comme les
think tanks de la démocratie, les intellectuels engagés, les
associations et les structures ad hoc d'expertise, le MAEP (Mécanisme
Africain d'Évaluation par les Pairs) compris.
Ainsi, concernant la Présidence du Faso en tant
qu'institution, aucune des structures d'expertise mises en place n'a
jamais analysé la limitation du nombre de mandats présidentiels
comme antidémocratique, et par suite, suggéré sa
suppression. International IDEA qui a regroupé des experts dont certains
étaient proches du parti au pouvoir pour la rédaction de son
rapport voyait dans la révision modifiant le mandat du président
de la République un défi auquel pourrait être
confronté le développement démocratique au Burkina Faso.
« Adoptée dans l'urgence, cette réforme laisse planer
des doutes sur l'avenir démocratique du Burkina, surtout si elle devait
se conjuguer avec une hégémonie durable du parti
majoritaire323(*) ». La « sophocratie324(*) »
réhabilitée avec le collège de sages, la commission
chargée des réformes politiques, la Chambre des
Représentants, certains documents de coopération
économique et le MAEP ont tous la même approche de cette question
de la limitation du nombre de mandats présidentiels au Burkina Faso. En
outre, les récentes études du CGD325(*) en collaboration avec
Afro-baromètre ont démontré bien avant la tenue du
congrès extraordinaire du parti majoritaire, que les Africains et les
Burkinabé en particulier, sont, dans leur large majorité,
favorables à la limitation du nombre de mandats présidentiels
dans leurs pays. Certains d'entre eux ont proposé, qu'en plus de son
rétablissement, on le rende intangible ou difficilement modifiable.
C'est le cas du CGD326(*) qui a proposé son insertion dans les
matières intangibles qui sont protégées de toute
révision constitutionnelle par l'article 165 de la constitution, et de
la Chambre des représentants qui, dans son rapport d'avis de 2000,
proposait qu'il ne puisse être révisé que par
référendum et de la fameuse pétition des quatre
mousquetaires327(*).
International IDEA recommandait en outre que la durée des mandats
présidentiels et parlementaires fasse l'objet d'une harmonisation qui
pourrait même s'étendre à tous « les mandats
publics (Président de la République, députés,
Présidents de la Cour Suprême et de la CNOE [aujourd'hui CENI],
etc.) afin de garantir l'indépendance de chacun de ces
pouvoirs328(*) ».
Les propositions suggérant le
réaménagement des compétences du président de la
République et du premier ministre dans le but de prévenir les
conflits éventuels même lointains, n'ont pas subi un sort meilleur
(Laurent Bado 1992; IDEA, 1998). Pour préserver l'autorité
des constitutions, le CGD préconisait en 2009 de redéfinir et
constitutionnaliser le statut des anciens chefs d'État en vue de leur
conférer l'immunité juridictionnelle dans le cadre d'une justice
transitionnelle. Dans le même sens, le CGD (2009) invitait à
restaurer le constitutionnalisme par un rééquilibrage de la
distribution du pouvoir d'État c'est-à-dire « moins de
tendances présidentialistes et une revalorisation des pouvoirs
législatif et judiciaire329(*) ».
Concernant le pouvoir législatif. Qu'il
s'agisse du rapport d'International IDEA, du rapport du collège de
sages, du planisme burkinabé, du Centre pour la Gouvernance
Démocratique ou des intellectuels engagés, le diagnostic est le
même : le parlement burkinabé n'est pas efficace dans
l'exercice du contrôle qu'il doit appliquer à l'action du
gouvernement et cette défaillance s'aggrave avec
l'hégémonie du parti au pouvoir. Si la crise Norbert ZONGO avait
permis de revoir certaines normes330(*) (qui ne rentrent pas dans le champ d'investigation
de la présente étude) et de remédier un tant soit peu
à cette mainmise d'un seul parti sur l'institution législative,
d'autres mesures préconisées n'ont jamais été mise
en oeuvre ou ont seulement fait l'objet d'une promesse de mise en oeuvre:
c'est le cas de la proposition d'International IDEA d'élargir la
saisine de la Chambre constitutionnelle (aujourd'hui Conseil Constitutionnel)
en permettant à 1/20ème des députés ou
à 5 d'entre eux de pouvoir saisir la juridiction constitutionnelle.
Cette recommandation a été également faite par le CGD
à l'issue de son monitoring réalisé au profit de
l'Assemblée nationale en 2009. Au cours de cette même
étude, il a suggéré de revoir le jour de passage des
questions orales en plénière (mardi ou jeudi) pour une plus
grande participation des députés, car les vendredis
coïncident souvent avec leur départ en province.
Au niveau du pouvoir judiciaire. Les points de vue
convergent également pour dire qu'il n'est pas indépendant et que
les structures qui l'administrent, l'arsenal juridique qui l'encadre et sur
lequel il tient, ne permettent pas cette indépendance vitale à
l'émergence d'une justice crédible indispensable à
l'enracinement de la démocratie. Tel est le diagnostic que l'on retrouve
dans le rapport d'international IDEA, dans celui du MAEP, dans les
études du CGD et dans le planisme burkinabé tel que nous l'avons
décrit. International IDEA et le CGD (2009) ont notamment
recommandé de réaménager le Conseil Supérieur de la
Magistrature (CSM). Pour l'institut, il faut amender l'article 134 de la
constitution et donner au Conseil supérieur de la Magistrature, les
moyens de s'autogérer.
Concernant le Conseil constitutionnel. Qu'il puisse
être saisi aussi par les particuliers, voilà une proposition que
l'on retrouve au niveau du rapport d'international IDEA, et des études
du CGD menées bien avant le congrès extraordinaire du parti
majoritaire. La Chambre des représentants avait également
proposé dans son rapport d'avis de 2000, que le président du
Conseil constitutionnel soit désigné par ses pairs et qu'il ait
un statut constitutionnel précis. Quant au CGD, celui-ci avait notamment
suggéré en 2009, de réformer le Conseil constitutionnel
lui-même dans sa composition, ses prérogatives et sa saisine. Le
20 juillet 2010, il est revenu en détail sur les maux de l'institution
dans une conférence de presse où il publiait en même temps
son livre 331(*)sur les
décisions de la justice constitutionnelle burkinabé de 1960
à nos jours. Il y proposait notamment que les membres du Conseil
Constitutionnel soient élus ou recruter sur concours comme les
magistrats. Il émettait aussi l'idée d'un mandat ad vitam
aeternam pour son président, un changement de la nature de la
juridiction pour la rapprocher de la nature des juridictions judiciaires, et
l'extension de sa compétence aux droits fondamentaux garantis par la
constitution.
Au niveau du pouvoir de révision de la
constitution. De façon générale, la question des
modalités d'édiction des règles du jeu démocratique
a été une préoccupation pour nombre de structures
d'expertise et pour d'autres acteurs des politiques institutionnelles. Ceux-ci
ont toujours préconisé une procédure consensuelle pour
leur définition. De telles recommandations se retrouvent dans le rapport
d'international IDEA, celui du collège de sages et enfin celui du MAEP.
Mais, c'est le CGD qui, après une étude comparative menée
en 2009 sur le constitutionnalisme en Afrique de l'Ouest à travers
particulièrement l'exemple du Benin, du Burkina et du
Sénégal, a élaboré concrètement une
éthique des révisions constitutionnelles à l'adresse des
États d'Afrique de l'Ouest. Appelée « code de bonne
conduite en manière de révision constitutionnelle »,
elle a fait l'objet d'une adoption solennelle par les organisations de la
société civile sous-régionale en 2009. Ce code contient un
certain nombre de règles dont l'objectif est de rendre sereines les
révisions constitutionnelles. Il préconise ainsi d'offrir
l'opportunité de larges et véritables débats
citoyens, d'étendre la procédure sur une période
raisonnable (au moins 12 mois), de faire en sorte que la révision
ne bénéficie en aucun cas à ceux qui en prennent
l'initiative ; qu'aucun Chef d'État en exercice ne puisse modifier
la Constitution pour étendre, avec effet rétroactif, la
durée ou le nombre de mandats présidentiels, d'élever
suffisamment le niveau de la majorité qualifiée nécessaire
pour l'adoption de toute proposition de révision constitutionnelle de
manière à réduire sérieusement les risques de
modification fantaisiste ou au profit d'intérêts privés, de
mettre en place un cadre institutionnel adéquat garantissant un niveau
minimum d'expertise technique, de joindre à la forme codifiée de
la proposition de révision un document qui thèse
profondément sur sa nécessité, son utilité et sa
pertinence, et que par-dessus tout l'initiative reflète
l'intérêt général et la volonté du
peuple332(*). De
même, le CGD essaie d'innover en proposant d'instituer un contrôle
juridictionnel du pouvoir de révision de la constitution, idée
que l'on sait être en débat dans la doctrine constitutionnelle
française et d'ailleurs. Mais la manière dont le projet actuel de
révision constitutionnelle a été lancé met
déjà à mal les principes élémentaires de ce
code. La nomination d'un ministre chargé des réformes politiques
au lieu de la mise en place d'une commission technique comme l'avait
préconisé la Chambre des représentants ou le directeur
exécutif du CGD333(*), peut signifier à quel point le parti
majoritaire entend s'annexer la conduite des politiques institutionnelles
envisagées.
Autres recommandations tombées dans l'oubli ou
définitivement négligées. Il s'agit en premier lieu
des appels aux corrections de fautes de syntaxes que la loi fondamentale
héberge encore aujourd'hui. Il en va ainsi de l'article 77 et de
l'article 94. On peut y ajouter la formulation du TITRE X que la Chambre des
Représentants avait critiqué dans son rapport d'avis pour la
révision constitutionnelle de 2000.
En deuxième lieu, elle avait aussi
suggéré dans ses recommandations pour la réforme
constitutionnelle de 1997, la suppression du TITRE XVII sur la période
transitoire, considérant que les institutions étaient maintenant
établies. La même Chambre, donnant suite à l'idée du
collège de sages dont on a rejeté la suggestion d'étendre
la déclaration des biens aux directeurs des administrations publiques et
des sociétés d'État, proposait en 2000 que le
dépôt des biens au niveau du Conseil constitutionnel soit suivi
d'une publication au journal officiel.
En troisième lieu, on peut relever que les exhortations
du CGD et de son directeur exécutif 334(*) concernant le statut de la chefferie traditionnelle
n'ont jusque là reçu aucune attention. Ni la révision
constitutionnelle de 2009 ni celle que l'on envisage actuellement ne se sont
préoccupées de cette question. Le CGD proposait notamment de
s'inspirer du cas ghanéen pour trouver un statut à la chefferie
traditionnelle burkinabé. Dans une étude intitulée
« L'alternance et les règles du jeu démocratique au
Burkina Faso », le CGD appelait également à
constitutionnaliser certaines règles électorales
« notamment l'adéquation entre le découpage
électoral, le nombre de sièges à pourvoir et le mode de
scrutin » et à doter l'opposition politique burkinabé
(comme celle du Sénégal) et la CENI (Commission Électorale
Nationale Indépendante) d'une reconnaissance constitutionnelle.
Ce récapitulatif sur les propositions de
réformes et les réformes effectuées permettent finalement
de déterminer la nature, les enjeux et le paradigme
politico-intellectuel de la production et de la mobilisation des savoirs
scientifiques dans les politiques institutionnelles étudiées.
Chapitre II : Interprétation des rapports
entre sciences et politiques dans le domaine des politiques institutionnelles
étudiées.
Au terme de l'analyse des faits constitutifs des rapports
entre sciences et politiques institutionnelles d'élaboration et de
réforme de la constitution, il devient possible d'en donner une
interprétation scientifique. Celle-ci consistera d'une part, à
dévoiler la nature et les enjeux de la production et de la mobilisation
des savoirs (Section I) et d'autre part, a cerner les paradigmes
politico-scientifiques qui s'en dégagent (Section II).
Section I : Nature et enjeux des relations entre
scientifiques et décideurs politiques
Qu'il intervienne sous la forme de l'expert collectif
(matérialisé par les instances permanentes ou ad hoc) ou sous
celle de l'intellectuel engagé (spécifique ou collectif), le
scientifique montre la volonté de rendre le service qu'on lui demande ou
qu'il croit devoir à la société dans le domaine des
politiques institutionnelles étudiées (§I). En revanche, le
pouvoir politique a tendance, dans les politiques en question, à
instrumentaliser plutôt le recours à ce que Max Weber a
appelé l'inestimable service de la science (§II).
§1: La volonté d'être au service d'une
démocratique libérale.
L'élaboration et les réformes de la constitution
de la IV e République ont constitué des problématiques
pour lesquelles les spécialistes des disciplines liées à
ces questions ne sont pas restés silencieux. Ainsi, aussi bien la
détermination d'une constitution conforme à l'idéal
démocratique que le diagnostic des imperfections et des problèmes
qui peuvent l'achopper dans sa réalisation ont mobilisé nombre
d'entre eux. Si certains ont été officiellement mandatés
à cet effet, d'autres se sont engagés individuellement ou dans
des cadres associatifs divers. Dans les deux cas, le discours produit est
généralement un discours que, dans un langage bourdieusien, l'on
peut qualifier de « transgresseur » ou
d' « hérétique335(*) ». En effet, il se détache de la
propagande politique pour tenter de produire une description objective de la
démocratie libérale et de l'ingénierie institutionnelle
qu'elle nécessite, des techniques par lesquelles on peut la consolider
et enfin dans le cas concret du Burkina Faso, des remèdes qui peuvent
éradiquer ses tares et permettre son perfectionnement.
Ainsi, dans la politique constitutionnelle de 1990, les
intellectuels des associations (société civile, partis
politiques) ont réussi à se rallier les représentants des
« structures techniques » que beaucoup d'observateurs
avaient pressenties comme les porte-paroles du Front Populaire. En dépit
des mises en garde et des pressions multiformes perpétrées par
les tenants du régime, ils sont parvenus, grâce aux
méditations constitutionnelles menées au sein des
différents organes de réflexion et aux contributions
écrites produites au cours du processus constitutionnel, à faire
échouer le projet de constitutionnalisation de la Révolution
Démocratique et Populaire (RDP) entrepris par les putschistes de 1987.
De même, dans la phase de mise en oeuvre effective des
institutions, les structures de production d'expertise telle que l'Institut
International pour la Démocratie et l'Assistance Électorale
(IDEA), le Collège de Sages, la Commission de concertation sur les
réformes politiques, la Chambre des représentants, le
Mécanisme africain d'évaluation par les pairs ont fait preuve
d'assez d'indépendance d'esprit à l'égard du pouvoir
politique dans leur analyse. Ils ont produit un discours objectif en
déphasage avec la doxa des tenants du pouvoir. C'est la preuve d'une
volonté de contribuer effectivement et efficacement au
développement démocratique dans une société qui a
opté pour ce mode de gouvernement. Dans leur diagnostic du politique
burkinabé et dans la recherche des moyens susceptibles de
l'améliorer et de le relancer sur la voie de la consolidation
démocratique, non seulement les analyses sont complémentaires
quand les unes relèvent des aspects non perçus par les autres,
mais aussi l'unanimité s'est faite sur la nature du régime et
presqu'autant sur les remèdes qu'il faut lui administrer. Les seules
divergences que l'on puisse relever s'observent entre International IDEA et le
collège des sages, le collège de sages et la commission des
réformes politiques, la commission des réformes politiques et la
Chambre des représentants, et enfin la Chambre des représentants
d'un côté et de l'autre, le MAEP et la commission chargée
des réformes politiques.
Alors que le rapport d'International IDEA critiquait la
procédure de la révision constitutionnelle de 1997, le
Collège de sages faisait remarquer que cette procédure
était conforme à la constitution avant d'argumenter dans le
même sens que l'Institut et recommander entre autres le
rétablissement de la clause limitative du nombre de mandats
présidentiels. En ce qui concerne le rôle de la défunte
Chambre des représentants dans le processus législatif, la
commission chargée des réformes politiques a
préféré, à l'opposé du collège de
sages, que l'on maintienne son caractère consultatif et que l'on
édicte l'obligation de recours à ses avis dans certaines
matières. Quant à la commission des réformes politiques et
la Chambre des représentants, la divergence a porté sur la
question de la suppléance des députés, la première
préférant une autre solution que celle inspirée de la IIIe
République. Enfin, celle que l'on retrouve entre la Chambre des
représentants et le MAEP est relative à la question de la
reparlementarisation de l'Assemblée nationale. Tandis que la Chambre des
représentants dans son rapport d'avis de 2000 sur la révision
constitutionnelle, considère que pour des raisons pratiques et pour
permettre au gouvernement d'exécuter prioritairement son programme, les
dispositions actuelles sur cette question doivent être
préservées, la commission des réformes politiques et le
MAEP estiment que l'Assemblée nationale devrait plutôt avoir la
maîtrise de son ordre du jour. (Il y a le respect d'une certaine
distance, l'autonomie, caractéristique de la procédure de
conquête de l'objectivité scientifique).
La volonté de servir, d'apporter une contribution
à la consolidation démocratique est encore plus marquée au
niveau des acteurs du militantisme démocratique. Ces derniers, à
l'opposé des structures ad hoc et intégrées, ne sont
liés à l'État par aucun mandat. Contre tous les risques,
« y compris les risques physiques336(*) », ils s'engagent dans un combat dont le
but est de pousser davantage le régime politique burkinabé vers
les pinacles de l'idéal démocratique. La stratégie au
coeur de leur action est par conséquent, entre autres, de
« mettre en cause les qualifications, c'est-à-dire la relation
entre les formes symboliques et les états de choses337(*) ». Un tel
militantisme anime les associations que nous avons étudiées, les
think tanks de la démocratie et de la bonne gouvernance et les
intellectuels engagés. Ces différents univers d'action politique
ne sont d'ailleurs pas étanchement cloisonnés. Leur
porosité permet à ceux qui les animent de passer d'un univers
à un autre ou d'intervenir dans plusieurs univers à la fois. Ils
s'adressent aussi bien aux gouvernants qu'à la société
dans son ensemble. Conférence publique, conférence de presse,
atelier de restitution de travaux de recherche, dialogues démocratiques,
publications et remise de rapports aux autorités publiques, sont autant
de moyens par lesquels ils essaient de diffuser les savoirs critiques qu'ils
produisent. La pratique de la recherche-action par le CGD est la preuve de
cette volonté de contribuer efficacement au processus de consolidation
démocratique. Mais les dirigeants politiques auxquels ils destinent
aussi leur production des savoirs scientifiques semblent avoir le regard
tourné ailleurs.
§2: La volonté d'instrumentaliser le recours
aux savants et aux savoirs scientifiques à des fins de
légitimation.
Selon M. Uhalde338(*), l'instrumentalisation, qui peut prendre plusieurs
formes, peut être définie de plusieurs façons. Il peut
être entendu comme « le détournement d'un processus ou
d'un objet vers d'autres fins que celles initialement
conçues ». Ce peut être aussi « un
détournement illégitime au regard de valeurs ou de conceptions
normatives inscrites dans le processus ». Dans ce sens, il peut
s'agir d' « une démarche d'analyse sociologique
initiée en réponse à un conflit social, mais qui
relève plus d'une pratique de communication institutionnelle que d'une
volonté de comprendre la réalité » ou encore
« une utilisation partielle et orientée de résultats
d'enquête, servant d'arguments complémentaires pour conforter des
options de décision ou de revendication déjà
arrêtées ». Enfin, l'instrumentalisation peut prendre le
sens d'un « usage conformiste des résultats de recherche
visant à protéger des positions acquises ou des pouvoirs
institués plutôt qu'à transformer les rapports
sociaux».
Dans les problématiques institutionnelles ici
étudiées, l'instrumentalisation prend des formes qui ne sont pas
loin de celles qui viennent d'être définies. Dans la politique
constitutionnelle de 1990, il y a eu la tentative d'instrumentaliser la notion
de démocratie, les mécanismes de la démocratie, les
structures dites techniques et la commission constitutionnelle elle-même
que nous avons considérée dans sa totalité comme une
structure originale d'expertise. Il s'agissait pour le Front Populaire de faire
comme si le processus était conduit démocratiquement,
c'est-à-dire avec l'adhésion de tout le peuple burkinabé
et d'imposer au contraire dans les faits une constitution qui assure la
continuité de la révolution démocratique et populaire.
Cette stratégie transparaît dans ces propos du ministre
délégué à la coordination du Front Populaire qui
était en même temps le président de la commission des
affaires politiques de ce même Front : « on [pourrait] dire que
nous avons des insuffisances dans la mesure où ce que nous faisons n'est
pas transparent, ou encore que les normes que nous avons qualifiées de
révolutionnaires ne sont pas des normes reconnues par l'ensemble du
peuple. Il nous faut maintenant porter ces normes à la connaissance de
l'ensemble du peuple339(*) ». Autrement dit, pour que ces normes
déjà toutes faites340(*) ne soient pas critiquées par l'opposition
burkinabé et le reste du monde, il faut une astuce qui permette de les
passer devant le peuple avant de les ériger en loi fondamentale. Le seul
problème qui se posait pour le Front Populaire était donc en
réalité la question des formes démocratiques qui devaient
permettre de saupoudrer le processus d'élaboration de la constitution et
fournir les preuves qui permettent de pouvoir dire en fin de compte qu'elle est
le produit de la volonté du peuple. La commission constitutionnelle
s'est vue en outre imposée des limites quant aux sources qui devaient
l'inspirer dans la rédaction de l'avant-projet de constitution341(*). L'invitation aux assises
nationales d'intellectuels français342(*) peut également être regardée
comme une volonté de jouer du tambour au tour du processus
constitutionnel et de mettre en exergue son soi-disant caractère
démocratique et ouvert.
Dans la phase de mise en oeuvre des institutions et de
conduite des politiques institutionnelles réformatrices, cette
volonté d'instrumentaliser à des fins de légitimation est
restée à l'oeuvre. On la perçoit derrière les
politiques de décrispation sociale produites à l'occasion de
grandes crises socio-politiques comme le drame de Sapouy. L'appel à la
"sophocratie" lancé à travers le collège de sages et la
création des commissions comme celle chargée des réformes
politiques s'accompagnaient d'une rhétorique qui révélait
assez les intentions inavouées du pouvoir politique. En effet, les
décisions gouvernementales de création des structures de
résolution de la crise mettaient toujours l'accent sur le
caractère facultatif des conclusions et résolutions qu'elles
produiront à tel point que le GERDDES-Burkina s'en indignait dans une
déclaration publiée au journal Sidwaya du 8 novembre
1999343(*).
C'était afficher clairement l'intention de garder par-dessus tout le
droit de réserver le sort qu'il souhaite aux recommandations ou avis qui
pourraient en découler, et de donner l'impression de rechercher
sérieusement la résolution des problèmes soulevés
quand au fond il cherche simplement à les refroidir dans le temps.
De même, dans le cadre de la coopération
institutionnelle qui, depuis les années 90 va désormais de pair
avec la coopération économique344(*), nombreux sont les hommes de sciences,
politologues, juristes et autres, qui ont été commis à la
réalisation de travaux d'expertise sur les institutions politiques. Il
en a résulté, dans ces documents fondamentalement
économiques, une littérature savante sur les institutions
républicaines développée sous les rubriques
réservées à la bonne gouvernance. Celle-ci fera aussi
l'objet de plans distincts345(*). Développée depuis le début des
années qui ont suivi la chute du mur de Berlin, elle n'a
contribué aucunement au perfectionnement des institutions politiques
centrales burkinabé. Ainsi, si A. Loada voyait déjà dans
l'appropriation du concept de "good governance", une stratégie de
légitimation entreprise par les élites politiques, un regard
rétrospectif permet aujourd'hui d'ajouter qu'il a aussi
été victime d'instrumentalisation à certains
égards. Instrumentalisation non seulement du concept, mais aussi des
recommandations que les études normatives qu'elle implique produisent.
Sans jamais déboucher sur des réformes sérieuses, les
études de bonne gouvernance à titre principal ou simplement
connexes à des documents économiques constituent en clair, une
stratégie de séduction des bailleurs de fonds internationaux.
Malgré le sommet France-Afrique tenu au Burkina Faso en décembre
1996 sous le signe de la bonne gouvernance, malgré les nombreux discours
qui lui ont donné écho depuis lors, l'article 37 de la
constitution burkinabé (qui porte sur la limitation du nombre de mandats
présidentiels) a été par exemple révisé
contre vents et marées le 27 janvier 1997. En 1998, le rapport sur la
démocratie au Burkina Faso publié par International IDEA, dont la
plupart des fondateurs sont des partenaires techniques et financiers du Burkina
Faso est tombé aujourd'hui dans les oubliettes. Le même sort
semble guetter la partie politique du rapport du MAEP au regard des tendances
déjà à l'oeuvre dans les propositions de réformes
faites par le parti majoritaire, et de la position du gouvernement
exprimée sous la rubrique « commentaires et corrigenda du
gouvernement burkinabé » qui récuse des conclusions
importantes du rapport. Mais, tout en réfutant ces
vérités critiques livrées par cette expertise sur le
système politique burkinabé, on a vu le même gouvernement
se magnifier aux yeux du monde par la reprise publique des aspects positifs
qu'elle a notés, comme relevant des acquis à mettre au compte de
son action gouvernementale346(*).
Cette instrumentalisation est belle et bien une
stratégie qui n'est qu'un secret de polichinelle puisque dans sa
préface au rapport du MAEP sur le Burkina, le président Meles
Zenawi s'est senti obligé de préciser que cet instrument ne doit
pas être perçu « comme une nouvelle grille de
critères liées à l'aide des bailleurs ». On
pourrait entendre par là qu'il ne faut pas s'en faire et qu'il faut
laisser produire des documents fiables au lieu de chercher à biaiser les
résultats car les bailleurs n'en tiendront pas compte pour
débloquer les fonds347(*).Pour parler familièrement, toute cette course
au devant des experts (en institutions politiques) nationaux ou internationaux
dans la dynamique de la coopération économique internationale
ressemble fort à de la poudre aux yeux. Une étude publiée
en 2010 dévoile ce double jeu des États en développement
soutenus par l'Union Européenne dont on sait l'attachement aux valeurs
démocratiques et l'action dans ce domaine. Cette investigation
révèle qu'en fait, les États assistés
considèrent l'Union Européenne comme un simple partenaire
commercial et négligent ses appels aux réformes susceptibles de
démocratiser davantage les institutions étatiques348(*). Dans ces conditions, on ne
peut que déboucher sur des paradigmes politico-scientifiques
déviants comme modèles dominants.
Section II : Le paradigme
politico-scientifique.
Dans l'ouvrage qu'il a écrit en hommage à H.
Marcuse (La technique et la science comme « idéologie »), J.
Habermas décrit, dans une perspective historique, les rapports qui ont
liés la science et le « monde vécu social349(*) ». Il
débouche sur une typologie restée célèbre qui
distingue trois modèles de rapport entre sciences et
« politique pratique350(*) » : le décisionnisme, la
technocratie et le pragmatisme. Le but de cette section est de voir dans lequel
de ces modèles le Burkina Faso peut être rangé en ce qui
concerne la problématique spécifique des rapports entre les
sciences et les politiques institutionnelles en question. Si la technocratie et
le décisionnisme (§1) peuvent être considérés,
du point de vue de Habermas, comme des paradigmes déviants, le
pragmatisme qu'il considère comme l'idéal n'est pas toujours
appliqué de façon satisfaisante dans la réalité et
peut même parfois cacher une stratégie dilatoire (§2).
§1: La technocratie et le décisionnisme
Le décisionnisme et la technocratie sont les deux
extrêmes de la taxinomie habermassienne. Si dans le premier cas la
science est considérée comme se trouvant dans une situation
ancillaire et d'impuissance par rapport aux hommes politiques et à la
détermination des fins ultimes351(*), dans le deuxième cas elle tient
presqu'exclusivement la suprématie dans la conduite des affaires de la
cité. La technocratie relèguerait ainsi le politique à un
statut appendiculaire. Le pouvoir qu'offre la science ravit à l'homme
politique verbeux, intéressé et inefficace, le droit de gouverner
désormais la cité. À ce propos, A. Huxley
écrivait : « savoir, c'est pouvoir, et par un paradoxe
apparent il se trouve maintenant que ce sont les scientifiques et les
techniciens qui, grâce à leur savoir de ce qui se passe dans un
monde non vécu d'abstractions et de déductions, ont acquis cette
puissance immense et croissante qui est la leur, dirigent et modifient le monde
dans lequel les hommes ont à la fois le privilège et l'obligation
de vivre352(*) ». C'est en quelque sorte, le monde tel
que le souhaitait Saint-Simon et A. Comte même si pour le premier il
s'agissait plus d'une technocratie d'affaires que d'un pouvoir de
savants353(*). Pour J.
Meynaud, la technocratie résulte d'un « glissement de
compétences » lorsque « le technicien, en tant que
tel, acquiert la capacité de décider ou détermine, de
manière prépondérante, les choix du responsable
officiel354(*) ». Quoique selon une enquête
réalisée par le CGD sous l'égide de World Values Survey
Association (WVSA), « une majorité absolue [de
Burkinabé] préfère avoir des experts, en lieu et place du
gouvernement, qui prennent des décisions en fonction de ce qu'ils
pensent être meilleur pour le pays355(*) », un tel modèle est inexistant
à l'état pur au Burkina Faso où l'administration est
fortement politisée et où les nominations se font très
souvent sur la base de critères d'appartenance politique et non de
compétence technique356(*). Il est davantage absent dans le domaine des
politiques institutionnelles relatives à la constitution et à ses
réformes, qui apparait comme la chasse gardée des tenants du
système politique. Cette suprématie des politiques sur les
techniciens est le terreau du décisionnisme.
Les résultats auxquels nous sommes parvenus grâce
à l'analyse du degré de réceptivité des
décideurs politiques et de la nature des rapports qu'ils entretiennent
avec « les groupes de savoirs357(*) » nous permettent d'affirmer qu'au Burkina
Faso, le modèle le plus marquant dans le domaine des politiques
institutionnelles étudiées est en effet celui du
décisionnisme. Dans ce domaine, et pour reprendre les termes de J.
Copans, les fusils des intellectuels engagés et des structures
d'expertise sont « chargés à blanc358(*) ». Ils
prêchent dans le désert, tandis que l'État et le parti
décident dans l'isolement, et ce, malgré le discours officiel sur
le dialogue qu'on veut faire prévaloir dans l'édification des
règles du jeu démocratique. Le démonisme que M. Weber
voyait dans les hommes politiques de son temps tient donc également ceux
qui ont entre leurs mains les destinées du Burkina. Les politiques ne se
sentent aucunement tenus d'accorder une grande attention aux recommandations,
qu'elles émanent des structures d'expertises ad hoc et
intégrées ou qu'elles proviennent des acteurs du militantisme
démocratique au premier rang desquels nous avons cité les think
tanks de la démocratie et de la bonne gouvernance. Cette ignorance ou
négligence des dirigeants à l'égard de la plupart des
savoirs mobilisés au profit des politiques publiques est parfois
considérée comme une faute imputable aux chercheurs qui,
premièrement ne conduiraient pas des recherches utiles et utilisables
par les politiques, et deuxièmement, s'enfermeraient dans leur tour
d'ivoire comme pour ne pas avoir "les mains sales359(*)". Préjugés ou
vérités ? Ce qui est certain, c'est que de telles analyses
ne sont que trop inopérantes pour rendre compte du champ de recherche
que nous investiguons. Au regard des analyses précédentes,
l'intérêt des "groupes de savoirs" pour les problèmes
institutionnels n'est plus à démontrer. La proximité de
certains organes d'expertise avec les centres de décision, la
stratégie de dissémination menée par d'autres pour
diffuser les résultats de leurs recherches, les méthodes
mêmes employées360(*) par certains think tanks dans la conduite de
celles-ci, témoignent de la réalité d'un tel
intérêt.
Autrefois (1957), un auteur (J. Meynaud) attribuait le
décisionnisme des politiques aux insuffisances des sciences sociales et
notamment de la science politique361(*). Ce qui confinerait les hommes politiques à
l'intuitionnisme. Mais on ne peut pas dire que les sciences sociales et
notamment la science politique des années 2000 sont restées au
même niveau de développement après un demi-siècle de
dynamisme. Aujourd'hui, certains sociologues estiment plutôt que
l'inefficacité de ces sciences pour l'action est due au fait qu'elles ne
cessent de polémiquer sur les résultats de leur recherche, ce qui
susciterait l'incertitude et découragerait le décideur qui a
besoin de savoir les tenants et les aboutissants de ce qu'il fait362(*). Sans discuter la
portée d'un tel argument, il convient cependant de relever que les
analyses scientifiques menées sur le système politique
burkinabé sont presque unanimement partagées par les groupes de
savoirs et autres acteurs de la société civile et même par
les dirigeants politiques dans les documents de coopération
économique signés avec les partenaires techniques et financiers.
Par conséquent, le problème se situe au niveau
des politiques. Quand ceux-ci n'ignorent pas absolument les savoirs
mobilisés, c'est d'un revers de la main qu'ils les rejettent en
invoquant les discours du président du Faso363(*), des arguments
fallacieux364(*) ou les
thèses pseudo-scientifiques et culturalistes sur l'inadéquation
de la démocratie occidentale aux réalités
africaines365(*). Le
problème de la négligence des intellectuels et des savoirs qu'ils
peuvent produire et mobiliser au profit des décideurs politiques avait
d'ailleurs été soulevé par le collège de sages.
Pour y remédier, il recommandait de « mettre
à contribution les intellectuels qui, dans le respect des exigences
intellectuelles et avec un sens aigu de la responsabilité, peuvent
éclairer et enrichir les débats en vue de décisions
responsables et participatives dans la conduite des affaires de la
Nation366(*) ». Les études récentes du
CGD, ont préconisé également le même paradigme
politico-intellectuel. Elles ont non seulement suggéré que, dans
le travail parlementaire, « l'appui technique des assistants
parlementaires et des organisations de la société
civile367(*) »
soit régulièrement sollicité, mais aussi, que dans la
dynamique pré-législative des révisions
constitutionnelles, « les animateurs des milieux de recherche et/ou
académiques368(*) » soient étroitement
associés à travers des demandes d'informations ou des
consultations. Mais « les groupes au pouvoir », pour
reprendre encore les termes de J. Copans, ne paraissent pas prêts, en
raison de leur condescendance, à vivre une telle
expérience369(*).
La possession du pouvoir semble impliquer pour eux la possession infuse ou
magique d'un savoir encyclopédique ou d'une puissance devant laquelle le
vrai et le faux ne sont que des filatures d'araignée. C'est donc une vue
juste que celle de J. Copans selon laquelle l'absence de « dialogue
entre publics, utilisateurs et producteurs de savoirs, donne à la
scène africaine une tonalité schizophrénique370(*) ». Certes, il
arrive que le régime reconnaisse ses imperfections (dans les documents
de coopération économique internationale ou dans d'autres
documents officiels371(*)), mais les solutions qu'elles impliquent ne sont
jamais adoptées. Tout porte à croire que les tenants du
régime font l'impasse sur toutes les solutions qui sont de nature
à provoquer le glissement du pouvoir vers d'autres mains
conformément aux principes fondamentaux de la démocratie.
À ce jour, la grande majorité des propositions n'ont fait l'objet
ni d'une mise en application, ni d'une attention particulière. Dans un
tel contexte, les expériences de modèles dialectiques ne peuvent
être qu'intermittentes.
§2 : Le pragmatisme et le « tactical
paradigm »
Alors que l'auteur de l'agir communicationnel estime que le
pragmatisme, qui prévaut aux États-Unis, doit être le
modèle de référence pour la construction des rapports
entre scientifiques et société politique, celui-ci n'est, au
Burkina, qu'un modèle épisodique, expérimenté au
gré des crises socio-politiques. L'escapade du schizophrène vers
le monde extérieur (« groupes de savoirs » et
société civile) ne se produit que lorsque le malade se rend
compte que la crise qui secoue son biotope, va peut-être aussi emporter
son existence même. C'est à ce moment-là qu'il range
certaines de ses théories fallacieuses, qu'il fait appel à la
sophocratie, qu'il met en place des commissions de réformes politiques
pour catalyser et canaliser vers les institutions politiques les ressources de
connaissances qui, jusque là, se tenaient endiguées à la
porte du système. Le modèle du pragmatisme est ainsi donc un
modèle de crise, un modèle de circonstances exceptionnelles. Il a
cependant permis de rénover le politique au Burkina Faso. La politique
constitutionnelle de 1990, en échouant dans sa volonté
d'instrumentalisation des formes démocratiques, a permis aux
organisations de la société civile et aux partis politiques, de
conduire un modèle pragmatique d'élaboration de la loi
fondamentale. Ce qui a permis de donner à l'État
burkinabé, sa charpente institutionnelle démocratique actuelle.
De même, les réformes institutionnelles réalisées
selon ce modèle dans le cadre de la résolution de la crise
subséquente au drame de Sapouy372(*), ont permis au système politique de faire un
bon qualitatif, reconnu et apprécié par tout le monde373(*). Le modèle
pragmatique est donc le paradigme qui permet l'organisation de rapports
d'échange fructueux entre les politiques, les scientifiques et les
citoyens dans la définition des politiques publiques. Chacun de ses
acteurs retrouvent sa place dans les processus de résolution des
problèmes socio-politiques. Cependant, conformément à nos
remarques sur l'instrumentalisation, elle n'a pas produit pleinement ses
effets, et la réalité est restée très loin de
l'idéal.
Vues d'aujourd'hui, les pratiques dans lesquelles nous venons
d'entrevoir une réalisation imparfaite du pragmatisme, peuvent
être aussi analysées sous l'angle du tactical paradigm374(*) tel que
révélé en Afrique du Sud, mais avec beaucoup de
réserves cependant. Selon Elias T. Ayuk et Mohamed Ali Marouani,
ce paradigme est celui dans lequel «research is used when
there is pressure for action to be taken on a specific issue and policy-makers
respond by announcing that they have commissioned a research study to examine
the matter. This type of commissioned work usually provides the political
system with some time to reflect and therefore avoid irrational
policy-making375(*)». Ce qui importe ici pour nous, c'est donc
l'élément tactique ou pourquoi pas stratégique de ce mode
d'action. On peut l'illustrer au niveau burkinabé par l'évocation
des velléités de remise en cause376(*) ou les remises en cause
effectives377(*) des
institutions établies ou réformées grâce à ce
modèle dialogique. Ces exemples prouvent qu'au fond, le pouvoir
politique avait pour unique finalité de jouer avec le temps et la
mémoire de ses citoyens. Les instants troubles ont provoqué chez
lui un recours instinctif aux méthodes démocratiques de
résolution des conflits. Ils l'ont contraint à ouvrir
momentanément une parenthèse de démocratie participative
qui est propice à la prise en compte des ressources de connaissances
mobilisées par « les groupes de savoirs ». Mais
l'ère des remises en cause s'ouvre une fois la crise domptée, et
l'ordre rétabli. L'autoritarisme et l'autisme rétablissent leur
empire au sein de la République.
Entre d'une part, celui qui commande une étude pour se
donner le temps nécessaire pour pouvoir agir, et qui, au moment d'agir
prend en compte définitivement les recommandations scientifiques mises
à sa disposition (le modèle Sud africain de Hanney), et d'autre
part celui qui fait autant mais ne prend en compte celles-ci que pour un temps
et attend que la crise soit passée pour les renier en bloc
(modèle burkinabé), il y a certes une différence. Elle
réside dans l'usage que l'on fait du temps. Dans le premier cas on
emploie le temps pour bien agir, dans le deuxième cas on l'emploie pour
effacer l'action que l'on a posée. Mais le dénominateur commun
est que dans les deux hypothèses, le temps est l'enjeu majeur.
Dans la nouvelle crise qui a éclaté avec la mort
de l'élève Justin Zongo, la mutinerie des militaires et la
cascade de mouvements sociaux qui en a découlé, une utilisation
de ce modèle se profile peut-être à l'horizon. Les discours
du nouveau premier ministre mettent en exergue les qualités
techniciennes de ses nouveaux ministres. Une manière de proclamer haut
et fort que l'ère de la suprématie du politique est mise entre
parenthèse et que les problèmes seront réglés plus
techniquement à l'avenir. La création d'un conseil consultatif
sur les réformes politiques (CCRP) témoigne déjà
d'une telle volonté quoique les composantes sociales conviées
montrent beaucoup de circonspection à l'égard de cette
initiative. Preuve d'un manque de confiance et d'une crainte certaine du
tactical paradigm à la burkinabé.
Dans le cas du Burkina Faso, on aurait pu s'attendre à
ce que, en dehors des temps de crise, une relation plus dialectique s'instaure
entre les « groupes au pouvoir » et les « groupes
de savoirs », au regard non seulement de la mission que se sont
assignés certains think tanks378(*), mais aussi de l'arsenal de communication qu'ils ont
mis en place pour socialiser les résultats des recherches qu'ils
effectuent. Mais une telle configuration des relations se fait toujours
attendre en matière de politiques institutionnelles relative aux
institutions politiques. Certains auteurs ont révélé dans
le domaine de la recherche pour le développement, que le passage d'un
universitaire dans la sphère gouvernementale peut être une
occasion pour lui de mettre en application son background
scientifique379(*).
À cet égard, on peut noter la présence du Pr Augustin
Loada, professeur titulaire de droit public et de science politique et par
ailleurs directeur exécutif du CGD (Centre pour la Gouvernance
Démocratique), dans le comité de rédaction des annales du
Premier Ministère burkinabé. Cette proximité entre d'une
part, les gens du pouvoir, et d'autre part, un directeur exécutif d'un
organisme qui est à tout de point de vue un think tank de la
démocratie et de la bonne gouvernance, et qui, au nom de la mission
qu'il s'est assigné, travaille pour la consolidation de la
démocratie, aurait pu constitué au moins un cadre où
pourrait germer l'idée d'une éventuelle collaboration ou
concertation pour voir dans quelle mesure on pourrait donner à notre
démocratie un visage plus respectable. Mais au pays des hommes
intègres, la très forte politisation de l'administration ne
laisse guère de chance à une telle opportunité380(*).
CONCLUSION
Le présent travail nous a permis, d'emblée, de
jeter une lumière sur les formes de mobilisation des connaissances dans
les politiques institutionnelles relatives aux institutions politiques
burkinabé. Deux grands modes de socialisations des connaissances ont
été mis à jour : les modes étatiques et les
modes non-étatiques. À ce critère institutionnel de
distinction, on pourrait ajouter un critère financier. Sous cette
optique, on remarquera que les modes étatiques de mobilisation des
savoirs sont souvent coûteux directement ou indirectement pour le budget
national. En revanche, les modes non-étatiques charrient gratuitement au
profit de l'État les ressources de connaissances sur ses propres
institutions.
Dans l'un ou l'autre cas, les sciences impliquées dans
ce processus de mobilisation sont assez variées. L'analyse du contenu
des savoirs mobilisés et de l'identité des producteurs ou
mobilisateurs de savoirs scientifiques autorise à citer le Droit, la
Science politique, la Politique comparée, la Sociologie, la Philosophie,
l'Histoire, l'Économie, et l'Ethnolinguistique comme ayant
été invoqué d'une façon ou d'une autre, dans la
problématique des politiques institutionnelles au Burkina Faso.
Hormis les structures intégrées de mobilisation
des savoirs et les structures ad hoc des temps de crise, aucun autre mode de
mobilisation n'a le privilège de croiser la politique institutionnelle
au moment où elle se mène. Ce privilège est dû au
fait qu'elles sont investies perpétuellement (Commission de
l'Assemblée, services gouvernementaux, Chambre des représentant,
ministère chargé des relations avec le parlement et des
réformes politiques) ou temporairement (collège de sages,
commission chargée des réformes politiques, conseil consultatif
sur les réformes politiques) de la mission d'effectuer ce travail de
mobilisation. Elles jouissent ainsi d'une probabilité renforcée
d'influencer scientifiquement la politique institutionnelle pour laquelle elles
sont ainsi interpellées. Paradoxalement, les avancées
qualitatives des institutions politiques sur le chemin de la consolidation
démocratique ne se produisent que dans les moments de crise et
grâce à la mobilisation des connaissances opérée par
les structures ad hoc de crise et les modes non-étatiques.
En revanche, la plupart des modes non étatiques de
mobilisations des savoirs sont plutôt des demandes constantes de
politiques institutionnelles réformatrices qui se font
indépendamment de toute politique officiellement annoncée. Elles
sont des exigences de tout moment (inputs) au sens eastonien du terme. Elles
sont, ainsi qu'on l'a vu, portées par les intellectuels engagés,
les associations, et les think tanks de la démocratie et de la bonne
gouvernance qui constituent des composantes de l'environnement du
système politique dans la systémique eastonienne. Leur
mobilisation constante des savoirs ne nourrit qu'accidentellement les
politiques institutionnelles relatives à la constitution. Cela signifie
que malgré l'engagement qui les anime, malgré cette
volonté de servir dont il a été question, elles ne
jouissent pas, en temps normal, de la possibilité d'actionner le levier
inscripteur des politiques institutionnelles sur l'agenda politique
gouvernemental, et que même une fois engagées, leur travail de
mobilisation reste inexploité. Certes, le parlement burkinabé a
récemment réalisé quelques expériences
d'écoute à l'endroit des acteurs des sous-systèmes du
système politique dans des politiques institutionnelles touchant des
matières autres que la constitution. Mais d'après une
étude publiée par le CGD, "l'impression d'ensemble qui s'est
dégagée à la fin de ce processus a été celle
d'une « montagne qui a accouché d'une souris381(*)». Encore qu'une telle
expérience ait fait suite également à un contexte
sociopolitique marqué par des mouvements sociaux contre la « vie
chère ». Tout ceci conduit au constat incontestable que les
politiques institutionnelles, notamment celles relatives à la
constitution, émergent toujours du sommet et sont conduites de
manière peu consensuelles. Cela nous a permis d'affirmer que, plus que
la technocratie qui est inexistante, et le pragmatisme qui est rare, c'est le
modèle du décisionnisme qui est le plus marquant au Burkina Faso,
dans le domaine des politiques institutionnelles étudiées. Mais
de façon générale, c'est-à-dire si l'on se penche
sur les autres domaines d'activités, et ce, d'après ce qui
ressort de notre entretien avec le CEDRES, c'est le modèle du
décisionnisme qui est partout le modèle le plus dominant dans
notre République382(*).
Il s'agit là d'une caractéristique commune aux
régimes autoritaires, semi-autoritaires ou peu démocratiques. En
effet, dans son ouvrage intitulé «Des connaissances aux politiques.
Tirer le meilleur parti possible de la recherche en
développement », Fred Carden avait déjà fait une
remarque semblable concernant certains pays du Tiers Monde dans le domaine de
la recherche pour le développement. L'approche comparative menée
par l'auteur lui a permis de démontrer que des institutions
démocratiques favorisaient énormément la prise en compte
des résultats de la recherche. Or, dans les pays en
développement, « les institutions et les coutumes
démocratiques » (p.19), en raison de leur
précarité, ne permettent pas de présupposer que
« la liberté de parole, et en particulier la liberté de
parler franchement au gouvernement » existent. Ainsi,
« lorsqu'il n'y a pas de gouvernement démocratique, ou lorsque
celui-ci est faible ou peu fiable, on ne peut [pas] faire ces
présuppositions. La violence, la corruption et l'inaptitude au sein du
gouvernement font toutes qu'on ne peut assumer sans se tromper que les
politiques sont élaborées de façon démocratique -
et que les recherches auront une influence prévisible sur les
politiques » (p. 19). Les résultats de sa recherche lui ont
permis d'étayer solidement cette hypothèse.
Donc dans ces contrées du monde dont fait partie le
Burkina Faso, les politiques publiques surtout relatives à la
constitution et à ses réformes ne sont pas encore une pragmatique
de la démocratie comme l'affirment O. Giraud et Ph. Warin à
propos des pays européens383(*). En ce qui concerne ces derniers, les Offices
Parlementaires d'Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques
(OPECST) sont par exemple une illustration parfaite des rapports dialectiques
ou pragmatiques (au sens habermassien du terme), en ce qu'ils constituent des
cadres de concertation entre les parlementaires et la communauté
scientifique sur la mission d'éclairage que peut jouer les sciences et
l'exploitation pratique des résultats de la recherche. C'est le
pragmatisme institutionnalisé. Mais cette institutionnalisation n'exclut
pas également la mise en place circonstancielle de divers comités
ou commissions ad hoc pour aborder scientifiquement les problèmes
publics. Dans le domaine des politiques institutionnelles, on peut citer, en ce
qui concerne la France, les différentes commissions mises en place pour
traiter des institutions politiques (Comité Vedel, Comité
Balladur) et qui étaient composées de présidents
d'institutions et de professeurs de renom dans les domaines du droit et de la
science politique. Une telle organisation des rapports est
considérée par les hommes politiques eux-mêmes comme une
nécessité. À cet égard, le député
Claude Birraux, président de l'OPECST-France, déclarait que
« définir les conditions dans lesquelles les Parlements
peuvent exercer leur mission, à l'interface du monde de la recherche et
de la société, constitue également un impératif
démocratique [...] essentiel384(*) ».
Ainsi, l'absence d'une démocratie réelle dans
les pays en développement, amortit les « effets des savoirs
scientifiques385(*) » mobilisés. Une telle carence, au
niveau burkinabé, permet de comprendre le pourquoi de la faible
réceptivité des décideurs politiques à
l'égard des interpellations constantes des « groupes de
savoirs ». Le décisionnisme (ou encore démonisme selon
M. Weber), qui est le modèle dominant dans les politiques
institutionnelles étudiées, est donc en réalité la
conséquence de cet autoritarisme et de cette absence de
démocratie réelle. La rareté des cas de pouvoir technique
dominant et l'intermittence du modèle pragmatique viennent certifier de
telles analyses. Conséquences de l'absence d'une véritable
démocratie, cette situation est aussi un obstacle à
l'avancée sur la voie de la consolidation démocratique. Plus de
deux décennies après la publication de son ouvrage, il est en
effet significatif de constater que les observations de J. Copans sur la
démocratie en Afrique sont encore valables pour la démocratie
burkinabé. L'auteur faisait en effet remarquer que, entre autres
handicaps386(*),
« la non-apparition d'une relation dialectique entre pouvoir (groupes
au pouvoir) et savoir (groupes de savoir) dénie [...] à l'Afrique
contemporaine, l'entrée dans la modernité387(*) », cette
modernité que l'on définit comme changement et ouverture aux
idées nouvelles, ou encore comme volonté « d'organiser
scientifiquement l''humanité »388(*).
Ceci est particulièrement vrai pour la
démocratie burkinabé. Il n'y a qu'à penser à tout
ce que nous avons dit concernant les stratégies d'évitement des
savoirs employés par les élites de la IVe
République : instrumentalisation à des fins de
légitimation, application partielle, négligence, ignorance et
reniement en bloc des résultats des expertises et autres formes de
mobilisation des connaissances. Autant de pratiques qui, hormis les temps de
crise socio-politique, ont été assez efficaces pour renvoyer aux
calendes grecques les rendez-vous constamment sollicités par les
« groupes de savoirs » et autres acteurs de la
société civile. Face à cette entreprise cruelle
d'étouffement de la démocratie ou de sa mise en hibernation, il
n'y a que les crises socio-politiques pour lui redonner du souffle et lui
épargner les derniers sacrements. Dans le contexte politique
burkinabé, la crise apparait ainsi toujours comme une
« fenêtre d'opportunité389(*) ». Elle
déséquilibre les rapports de force au profit des
gouvernés, dont les « groupes de savoirs » et autres
acteurs de la société civile, qui tiennent inexorablement
à la consolidation des institutions démocratiques par le biais de
réformes adéquates. La dernière crise, celle qui a
été tour à tour animée par les
élèves, les étudiants, les mutins, les syndicats, en un
mot, la société tout entière, va peut-être sauver
encore la démocratie burkinabé, en faisant de nouveau basculer la
force du côté des citoyens. À la suite d'un tel constat, on
est irrésistiblement tenté de paraphraser Blaise Pascal. En
effet, tout se passe comme si au Burkina, le savoir sans la force est
impuissant, la force sans le savoir est tyrannique et suicidaire, et qu'il faut
mettre ensemble le savoir et la force ; surtout, faire en sorte que le
savant soit fort.
De tels propos pourraient apparaitre comme une apologie de la
technocratie, un appel à oindre de l'huile impériale le pouvoir
technicien, pour le hisser au sommet de la République. Mais, il n'en est
rien. Aujourd'hui, l'instrumentalisation des formes de mobilisations des
savoirs scientifiques et l'absence de compétences techniques semblent
être la grande faiblesse de la République des hommes
intègres. Le planisme burkinabé, qui est conjointement produit
par l'État et ses partenaires techniques et financiers, se lamente en
effet depuis plus d'une décennie sur les carences techniques des
institutions républicaines (notamment l'Assemblée nationale et le
Pouvoir Judiciaire390(*)), carences qui, selon lui, font le lit du marasme de
la démocratie et du développement économique. Ce qui veut
dire que si l'excès nuit, ce n'est pas pour autant qu'il faut courir
après les carences. Donner de la force au savant signifie ici simplement
qu'il faut lui permettre d'avoir voix au chapitre. Et avoir voix au chapitre
signifie autre chose que prêcher dans le désert ou chargé
ses « fusils à blanc391(*) ». La science, selon Luc Boltanski, est
une institution. Or la mission d'une institution, poursuit-il, est de pouvoir
« dire ce qu'il en est de ce qui est392(*) », surtout qu'un
auteur important du XXe siècle estimait déjà que, eu
égard aux méthodes qu'elle emploie, et aux garanties
d'objectivité qui en découlent, la science hérite quelque
peu et de façon plus légitime, des devoirs de la Morale393(*). Il convient donc, en vertu
même des principes de la démocratie, que l'on accorde aux sciences
dans la République, une place d'instances de jugement, afin qu'elles
puissent éclairer ceux qui gouvernent, et que ceux qui gouvernent
puissent vaquer à leurs occupations en pleines lumières, ou,
à tout le moins, en dehors de toutes ténèbres sans le
moindre lampion. Comme le dit si bien l'Évangile selon Saint Luc et
Saint Mathieu, « personne n'allume une lampe pour la mettre dans un
lieu caché ou sous le boisseau, mais on la met sur le
chandelier394(*) », afin qu'« elle éclaire
tous ceux qui sont dans la maison395(*) ». Pourquoi éclairerions-nous de la
lumière des sciences les tiroirs de nos ministères, de nos
universités et de nos organismes de recherche, alors que notre
société trébuche dans les ténèbres au risque
de disparaître à jamais dans un trou sans fond? La question
mérite d'être posée.
D'aucuns estimeront peut-être qu'il faut laisser briller
ces savoirs dans les tiroirs des universités et des organismes de
recherche parce qu'ils n'ont pas le monopole du savoir et que les acteurs sont
aussi (au même titre qu'eux, sur un même pied
d'égalité, sinon même plus) des producteurs de
connaissances scientifiques. L'idée d'un acteur savant est une
idée émise par Descartes396(*), reprise entre autres par Max Weber397(*), défendue aujourd'hui
par un certain nombre de sociologues, mais qui n'acquiert pas
l'unanimité dans la communauté scientifique398(*). Cette problématique
ne saurait cependant impliquer un renvoi des « travailleurs
scientifiques399(*) » dans leur tour d'ivoire, implication que
n'a défendu ni Descartes, ni Max Weber. D'ailleurs, l'idée semble
aujourd'hui assez saugrenue aux yeux de certains auteurs. À ce propos,
Bernard Lahire s'insurgeait : « Les positions qui fleurissent
actuellement sur le thème : " la sociologie critique
méprisait les acteurs en prétendant leur dire la
vérité, alors qu'ils sont aussi savants, sinon plus que nous"
sont d'une incroyable démagogie. Si notre tâche n'est pas de
produire un peu plus de vérités sur le monde (évidemment
pas "La Vérité»), vérités qui se
conquièrent après un long cheminement théorique et
empirique et qui ne peuvent être produites par des acteurs ordinaires,
je ne vois plus très bien ce qui justifie notre existence
professionnelle400(*) ». Au-delà d'une remarque aussi
pertinente, il sied à des analystes avertis, de ne pas jouer les enfants
de coeur ; il faut en effet garder à l'esprit que nous vivons avec
des politiques, ou, pour le dire plus crûment, avec des politiciens, dont
beaucoup préfèrent le royaume des ténèbres au
royaumes des lumières tant que ça les arrange, surtout en Afrique
au Sud du Sahara. Et, dans un domaine aussi sensible que les politiques
institutionnelles relatives à la Constitution, qui renferme des enjeux
énormes aux yeux des acteurs, on peut douter à juste titre que
ceux-ci puissent être autre chose que les porte-paroles fanatiques de
leurs propres intérêts au détriment de l'objectivité
scientifique qui est un principe épistémologique fondamental.
Nous ne saurions exprimer cette triste réalité mieux que John
Dunn qui, à la fin des années 80, affirmait déjà
que « c'est le destin de tout analyste de la politique (l'historien
comme le politologue) de boiter plus ou moins maladroitement dans le sillage
des acteurs politiques ; ces derniers ont d'ailleurs d'excellentes raisons
pour s'efforcer de cacher au mieux leurs traces401(*) ». Dans ces
conditions, quelle valeur peut-on accordée aux soi-disant savoirs
scientifiques de l'acteur ?
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du MBDHP, août 2010.
Entretien avec Jacob Ouédraogo, Président de la
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Entretien avec le CEDRES, mai 2011 (cf. Annexe).
Entretien avec Mgr Paul Ouédraogo, archevêque de
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Entretien avec Ph Ouedraogo, délégué du
PAI.
Entretien avec Liehoun Mariam (chargée de programme du
GERDDES), entretien du 12/11/2010.
Archives de la Presse
Fasozine
L'Événement
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Le reporter
LeFaso.Net
San Finna
Sidwaya
ANNEXE
I) Le point de vue d'un think tank de
l'économique et du social sur la question des rapports entre sciences et
politiques au Burkina Faso : le CEDRES
1. Quel genre de relations entretenez-vous avec les
autorités politiques
Essentiellement des relations de partenariat notamment
avec :
· le Premier Ministre qui est toujours parrain de la Semaine
du Débat Économique (SEDECO) que nous organisons chaque
année au mois de juin pour démocratiser le débat
économique ;
· le Ministère de l'Agriculture, de l'Hydraulique et
des Ressources Halieutiques (MAHRH) qui nous implique beaucoup dans le cadre
des politiques agricoles ;
· le Ministère de l'Environnement et du Cadre de Vie
(MECV) ;
· le Ministère de l'Économie et des
Finances ;
· le Ministère de la Promotion de la Femme (MPF)
· l'Assemblée nationale mais dans une moindre
mesure.
2. Recevez-vous des commandes d'études très
souvent ? Dans quels domaines exactement ?
Le CEDRES reçoit des commandes d'études
essentiellement dans les domaines des structures gouvernementales citées
ci-dessus. En effet, les études que le CEDRES conduit ou accompagne la
réalisation s'inscrivent dans l'élaboration, la mise en oeuvre ou
le suivi-évaluation des politiques économiques (finances
publiques, lutte contre la pauvreté), agricole, environnementale,
genre.
3. Avez-vous l'impression que les recommandations que
vous faites à l'occasion sont suivies ou plutôt rangées
dans les tiroirs.
Lorsque le CEDRES est associé, c'est surtout à
titre consultatif. Et même lorsque notre intervention se fait sous forme
d'études, les recommandations qui en sont issues sont exploitées
en fonction des objectifs des autorités (Ministères)
concernées. Bref, il est difficile de se prononcer sur cette question
mais en général, il apparaît que les conclusions de nos
études sont traitées avec beaucoup d'intérêt et
suivies dans certains cas.
4. Quelle est votre appréciation
générale des rapports entre sciences et politiques au Burkina
Faso.
L'appréciation diffère d'une discipline
scientifique à une autre. Les sciences de la Vie et de la Terre sont
relativement mieux loties, c'est-à-dire que les autorités y
prêtent une attention particulière y compris dans l'application
des résultats des recherches. Quant aux sciences de la
Société et de l'Homme, il apparaît que les rapports ne sont
pas tout à fait reluisants avec le politique à cause du
caractère plus ou moins discutable des résultats de la recherche
qui sont souvent perçus comme une intrusion dans le domaine
politique.
Mais dans l'un ou l'autre cas, il est regrettable de constater
que l'État y consacre très peu de ressources, preuve probable
qu'il y accorde peu d'intérêt.
5. Quel est le modèle le plus
dominant ?
Visiblement le décisionnisme est le modèle dominant
au Burkina Faso. En effet, comme il est noté plus haut, les politiques
dominent les savoirs et la science a peu d'effet. Il serait plutôt
souhaitable que ce soit le pragmatisme qui prévale, c'est-à-dire
qu'il y ait des rapports de dialogue et de discussions fructueuses entre
sciences et politiques.
* 1 M.
WEBER, le savant et le politique, 1963, Paris, UGE, édition
électronique,
http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html.
* 2 Voltaire, Traité
sur la tolérance, À l'occasion de la mort de Jean Calas (1763)
* 3Hobbes Th.,
Léviathan Traité de la matière, de la forme et du pouvoir
de la République ecclésiastique et civile,
http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html,
p. 56.
* 4 Pour les deux auteurs,
voir l'analyse de Jean Meynaud, dans « La Technocratie. Mythe ou
réalité? » p. 202 et ss, version numérique in
http://classiques.uqac.ca/
Version imprimée : Jean MEYNAUD La technocratie. Mythe ou
réalité ? Paris : Les Éditions Payot, 1964, 297 pp.
Collection : Bibliothèque politique.
* 5 Citation qui illustre
bien la position de Weber, mais qui est tirée du livre « Les
règles de la méthode sociologique » de Durkheim, le
père fondateur de la sociologie française, et qui a vécu
bien avant Weber.
* 6Sur la pensée de
Léo Strauss, voir Luc FERRY. Philosophie politique, I : Le Droit : la
nouvelle querelle des Anciens et des Modernes. P.U.F., Paris, 1984.
* 7 E. Voegelin La nouvelle
science du politique. Une introduction, Seuil, 2000.
* 8 J. Habermas La technique
et la science comme idéologie, Gallimard, 1990.
* 9 Et même dans nul
autre. Dans ses essais sur la théorie de la science, M. Weber observait
que « le monde sensible est infini extensivement et surtout
intensivement, et qu'il est impossible de reproduire intégralement
même la portion la plus limitée du réel » par
quelque science que ce soit
* 10 Si l'on s'en tient
à ce que J. L. Quermonne soutient, on peut affirmer avec justesse, que
les politiques institutionnelles vues sous l'optique de leurs relations avec la
science ont pataugé dans l'ombre pendant longtemps. Selon l'auteur, le
domaine des politiques institutionnelles serait presque resté
inexploré jusqu'à son essai : « Le concept de
politique publique a été principalement appliqué à
deux champs d'intervention du pouvoir : la politique extérieur et
de défense, et les politiques économiques, sociales et
culturelles issues de l'État-providence ». J.-L
Quermonne, les politiques institutionnelles. Essai d'interprétation et
de typologie, in M. Grawitz ET J Leca, Traité de science politique,
Tome IV, Les politiques publiques. 1985. Jusqu'à ce jour, cette
situation semble n'avoir pas beaucoup évolué au plan
infra-étatique si on en juge simplement par l'infécondité
de nos recherches d'écrits sur la question.
* 11 Essentiellement
occidentaux.
* 12 Le domaine des
politiques substantielles : cette expression est employée par
Peter
Knoepfel in Réformes de politiques institutionnelles et action
publique, 2009.
* 13 Le domaine des
politiques institutionnelles. En ce qui concerne la marginalisation de ces
dernières, une situation adjacente au processus de mise en place de
l'union européenne nous contraint d'émettre à ce niveau,
un certain nombre de réserves. En effet, dans le cadre de la
construction de cette entité inclassable pour le moment dans aucune des
catégories du fédéralisme, une littérature
abondante sur les rapports entre politiques institutionnelles communautaires et
savoirs académiques a vu le jour. Nous en donnons ici quelques
exemples : a) Carpentier-Tanguy X., Tours d'ivoire ou tours de
contrôle : les think tanks, une nouvelle élite pour penser
l'Europe ?, in Communication au colloque « une Europe des
élites » Bordeaux, 27-29 avril 2006 ; b) Cohen A.,
Weisben J., laboratoires du constitutionnalisme européen :
expertise académique et mobilisations politiques dans la promotion d'une
constitution européenne in Droit et société n° 60
2005 ; c) Lequesne C., Rivaud PH, Les comités d'experts
indépendants : l'expertise au service d'une démocratie
supranationale ? In Revue française de science politique 51(6)
2001, p 687-880 ; d) Cohen A., Vauchez A., Les juristes et l'ordre
politique européen in Critique internationale, 26, 2005, P
97-158 ; e) Magnette P., La convention européenne :
argumenter et négocier dans une Assemblée constituante
multinationale, Revue française de science politique, 54(1), 2004 P
52 ; f). Etc.
* 14 «Le paradoxe de la
politique en Afrique. Renforcer les liens entre la recherche économique
et les politiques publiques". Edited by Elias T. Ayuk and Mohamed Ali Marouani
Copyright (c) 2007 International Development Research Centre (IDRC) First
Printing 2007 Jointly Published by AFRICA WORLD PRESS P.O. Box 1892,
Trenton, New Jersey 08607. On peut signaler également le livre de Fred
Carden réalisé en 2009 dans le cadre du même organisme,
mais touchant l'ensemble des pays du Tiers-Monde : Des connaissances aux
politiques. Tirer le meilleur parti possible de la recherche en
développement, PUL, l'Harmattan 2009.
* 15 Abdoulaye Ndiaye (Sous
dir), l'Harmattan, 2009, 107 p.
* 16 Coulibaly, Adama G,
2005, « Atelier de réflexion et d'échanges sur la
synergie entre chercheurs et décideurs dans le monde de
l'éducation», Ouagadougou, 27 et 28 janvier, compte-rendu, 21
pages. In
www.idrc.ca/fr/ev-62273-201-1-DO_TOPIC.html
* 17Sawadogo F. M.,
L'élaboration de la constitution de la IVe République, in Otayek
R., Guingane J.- P. (sous dir) Le Burkina Faso entre révolution et
démocratie (1983-1993). Ordre politique et changement social en Afrique
subsaharienne ; éditions Karthala, 1996.
* 18A. Loada, une
réforme agro-foncière scissipare : la genèse du code
de l'environnement burkinabé, in Darbon D, Gaudusson J. du B., la
création du droit en Afrique, 1997. Avec les instruments de l'analyse
séquentielle, l'auteur y fait l'analyse d'une politique
institutionnelle : la genèse des normes devant régir les
rapports à la terre et à l'environnement.
* 19 Voir Stéphanie
Lagoutte, Monique Alexis, Geneviève Rose, Actes du forum universitaire
régional : Famille et droits de l'homme en Afrique de l'ouest
francophone Université de Ouagadougou 25-28 février 2008;
Institut Danois des Droits de l'Homme; Document de travail 2008, p. 2-3.
* 20 Weber M, Le savant et
le politique, op.cit.
* 21 L. Boltanski, Le
pouvoir est de plus en plus savant, Entretien avec Nicolas DUVOUX Publié
dans laviedesidees.fr, le 4 janvier 2011 (c) laviedesidees.fr,
http://www.laviedesidees.fr/Le-pouvoir-est-de-plus-en-plus.html
*
22Présentation. Des modes de socialisation des savoirs
académiques, Droit et société 2005/1, N° 60,
p. 295-307
* 23 M. Savadogo,
Philosophie et existence, paris, l'Harmattan, 2001, p. 24.
* 24 Hobbes, Thomas,
Léviathan Traité de la matière, de la forme et du pouvoir
de la République ecclésiastique et civile,
http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html,
p.46
* 25 J.-L Quermonne, les
politiques institutionnelles. Essai d'interprétation et de typologie, in
M. Grawitz ET J Leca, Traité de science politique, Tome IV, Les
politiques publiques. PUF 1985.
* 26 Ibid. p.61
* 27 Ibid. p.62
* 28 Kelsen disait en effet
que sa théorie pure du droit « entend être une science
du droit, elle n'entend pas être une politique juridique ». Cf.
H. Kelsen, Théorie pure du droit, Paris, Dalloz, 1962, p. 1.
* 29 Réformes de
politiques institutionnelles et action publique, Genève, 2009.
* 30 Aristote,
Métaphysique G, 1011b25 (trad. Tricot, Vrin, 1974, p. 235). Cité
par Hacking I., « Vrai », les valeurs et les sciences, Actes de la
recherche en sciences sociales 2002/2, 141, p. 13-20.
* 31 P. De Bruyne, Politique
de la connaissance. Analyse des enjeux et décisions, Bruxelles, De Boeck
Université, p. 11;
* 32Ibid. p. 11
* 33 A. C. Crombie, Styles
of Scientific Thinking in the European Tradition, Londres, Duckworth, 3 t.,
1994, cite par Hacking I., « Vrai », les valeurs et les sciences,
op.cit.
* 34 Granjou C., L'expertise
scientifique à destination politique, Cahiers internationaux de
sociologie 2003/1, n° 114, p.175
* 35 Cf. Supra
définition des politiques institutionnelles.
* 36 Cf. Supra, note
13
* 37 C'est-à-dire
auquel s'adonne peu de gens.
* 38 Bourdieu P., Science,
politique et sciences sociales, Actes de la recherche en sciences sociales
2002/2, 141, p. 9-12
* 39 LOADA A, Blaise
Compaoré ou l'architecte d'un nouvel ordre politique. Op. cit, p. 287
* 40 Entretien avec Ph
Ouedraogo, délégué du PAI, Juillet 2010
* 41 Loada A, Blaise
Compaoré ou l'architecte d'un nouvel ordre politique, op cit. p. 290
* 42 Qui était
l'unique journal paraissant à cette époque.
* 43 Cf. le récit de
BONGNESSA A. YE qui la fait remonter à l'année 1988, Les
fondements politiques de la IVe République, PUO, 1995, p. 15
* 44 Voir Ph. Braud
Sociologie politique, 2ème édition, L.G.D.J, 1994, p.
70.
* 45 Sidwaya n°1312 du
10 juillet 1989, p 3
* 46 Cf. sidwaya n°1391
du 03 novembre 1989
* 47 Cf. Carmella Lettieri
« Formes et acteurs des débats publics contemporains. Les tribunes
publiées par la presse écrite en Italie et en France »,
entre 1998 et 2001. Il s'agit d'une thèse soutenue en Janvier 2002 et
reprise partiellement par l'auteure sous forme d'article dans Droit et
société 2005/1, N° 60, p. 374. Les journaux retenus par
l'auteur sont : Le Monde, Le Figaro et Libération pour la France ; la
Repubblica, Corriere della Sera et La Stampa pour l'Italie.
* 48 SIDWAYA n°1330 du
07 juin 1989
* 49 Pierre Bourdieu Ce que
parler veut dire, Paris, Fayard, 1982
* 50 L'auteur parle des
acteurs académiques
* 51 Sidwaya n°1530 du
30 mai 1990
* 52 Luc Adolphe Tiao
Président de la commission à la jeunesse du Front
populaire (Sidwaya du 04/01/1990; Sidwaya 23 avril 90
n°1507 ; Sidwaya 26 avril 1990 n°1510 ; Sidwaya du
04/01/1990; Sidwaya 3août 1990 n°1576;). Jean-Marie Sawadogo Sidwaya
(n°1473 mars 90 p7). Yirzoala Meda, perspective constitutionnelle (Sidwaya
n°1473 mars 90 p2). Alexis Somé, (n°1468
jeudi 22 février 90). Oumarou Clément Ouedraogo,
président de la commission aux affaires politiques, ministre
délégué à la coordination du Front populaire (16
février 90 n°1462). Victor Sanou Aperçu sur les
systèmes politiques que peut embrasser une constitution (Sidwaya
n°1530 du 30 mai 1990). Bamba Mamadou (Sidwaya n°1580 du jeudi 9
août 1990). L'éditorialiste de sidwaya (1er mars 90
n°1471)
* 53 Diplômé du
centre d'études diplomatiques et stratégiques de Paris,
président d'une des commissions spécialisée du Front
populaire (la commission à la jeunesse)
* 54 Sidwaya du
04/01/1990
* 55 Sidwaya 3 août
1990 n°1576
* 56 Voir à ce sujet
l'article de Bernard Ancori, Expertise et citoyenneté : les grecs
anciens et nous. De l'Agora antique aux forums hybrides modernes, in Revue
d'anthropologie des connaissances - 2009/3, p485-529
* 57 Aristote, Constitution
d'Athènes, Emile Bouillon, 1921
* 58 Commentaire de l'oeuvre
de Comte par Bourdeau M., Où en est la politique positive ?
Présentation, Archives de Philosophie 2007/1, Tome 70, p.7
* 59 Cadiou S., Savoirs et
action publique : un mariage de raison ? L'expertise en chantier, Horizons
stratégiques 2006/ 1, n° 1, p. 112-124. Selon l'auteur
« Rares sont les champs d'intervention qui ne disposent pas de leurs
spécialistes appelés à «éclairer» les
décideurs, l'administration ou plus généralement encore
l'opinion.» p. 112
* 60 Cadiou S., Savoirs et
action publique : un mariage de raison ? L'expertise en chantier. Op. cit. p.
112; Berrebi-Hoffmann I. et Lallement M., À quoi servent les experts ?,
Cahiers internationaux de sociologie 2009/1, 126, p. 6
* 61 Cadiou S., Savoirs et
action publique : un mariage de raison ? L'expertise en chantier. Op. cit. p.
112
* 62 Ibid. p. 112 note1
* 63 Ibid.Cité par
Stéphane Cadiou, p. 113
* 64 Granjou C.,
L'expertise scientifique à destination politique, Cahiers
internationaux de sociologie 2003/1, n° 114, p.175
* 65 R. Castel 1991 («
Savoirs d'expertise et production de normes », in F. Chazel et J.
Commaille (éd.), Normes juridiques et régulation
sociale. Paris, LGDJ (Droit et société) : 177-188)
cité par Garcia S., L'expert et le profane : qui est juge de la
qualité universitaire ?, Genèses 2008/1, N° 70, p.
66-87
* 66 Théry I.,
Expertises de service, de consensus, d'engagement : essai de typologie de la
mission d'expertise en sciences sociales, Droit et société
2005/1, N° 60, p. 316 et s
* 67 « Nous,
congressistes, réunis à Ouagadougou les 1er, 2, 3 et 4
mars 1990 [...] donnons mandat à la coordination et au comité
exécutif du Front populaire, pour procéder [...] à la
formation d'une commission -élargie à toutes les
compétences et les sensibilités nationales-... »,
Résolution des congressistes in Bongnessan A. Yé, Les
fondements politiques de la IVe République, op. cit. p. 25
* 68 Ibid. p.183
* 69 Ibid. p. 40
* 70 Cf. kiti n°an VII
0279/FP du 20 avril 1990 portant composition et attribution de la commission
constitutionnelle.
* 71 Théry I.,
Expertises de service, de consensus, d'engagement : essai de typologie de la
mission d'expertise en sciences sociales; op cit. p.316
* 72 Ibid. p.316
* 73 Sidwaya n°1667 du
14 décembre 1990
* 74 Sidwaya n°1666 du
13 décembre 1990.
* 75 « Et que
s'il y a quelque chose qui ne va pas, nous seront corrigés ».
Cf. Sidwaya n°1666 du 13 décembre 1990.
* 76 Le
vice-président du comité national d'organisation des assises
nationales sur l'avant-projet de constitution : « Et que s'il y
a quelque chose qui ne va pas, nous seront corrigés ».
* 77 Aristote, La politique,
éditions Gonthier, 1980, p.155
* 78 Stéphane Cadiou,
Savoirs et action publique : un mariage de raison ? L'expertise en chantier,
op. cit. p.121
* 79 Hans Kelsen, La
théorie pure du droit, op. cit. p. 105 et s
* 80 J. Habermas; J. Rawls,
Débat sur la justice politique, Paris, Humanités, 1997; p. 46
* 81 Elles ont
été identifiées comme étant à la solde du
Front populaire. Entretien avec Philippe Ouédraogo, juillet 2010,
représentant du PAI au sein de la commission constitutionnelle.
* 82 P. Bourdieu,
cité par G. Sapiro, Sapiro G., Modèles d'intervention politique
des intellectuels. Le cas français, Actes de la recherche en
sciences sociales 2009/1-2, n° 176-177, p. 8-31.
* 83 Otayek
René. L'Église catholique au Burkina Faso : un
contre-pouvoir à contretemps de l'histoire ? In : Constantin
F. (ed.), Coulon C. (ed.) Religion et transition démocratique
en Afrique. Paris : Karthala, 1997, p. 243.
* 84 Ibid. p. 244.
* 85 Entretien avec Mgr Paul
Ouédraogo aujourd'hui archevêque de Bobo, le 16 août 2010.
Ancien secrétaire général de la conférence
épiscopale, il était au moment de l'élaboration de la
constitution secrétaire général de la Fondation Jean-Paul
II pour le Sahel. C'est donc en intellectuel avisé qu'il a
été désigné par ses collègues prêtres
pour représenter l'Église catholique au coeur de la commission
constitutionnelle. (Entretien)
* 86 Cahiers pour croire
aujourd'hui, n°32, 15 février 1989 ;
* 87 Sidwaya n°1444, 23
janvier 1990
* 88 Entretien avec Halidou
Ouedraogo (août 2010), actuellement président d'honneur du MBDHP.
Il les énumère : partage équitable des richesses avec
les populations pauvres, le statut de la femme et de l'enfant, lutte contre
l'excision, le mariage forcé, le problème des castes, de la
chefferie traditionnelle et de la féodalité, le problème
des vieilles personnes, etc.
* 89 Cf. Philippe
Ouédraogo, La contribution du P.A.I. à l'avènement d'un
État de droit au Burkina Faso. Conférence lors du 45ème
anniversaire du P.A.I. le 15 août 2008 à
Ouagadougou, (document disponible au siège du parti).
* 90 Ibid.:
« L'AVANT-GARDE, numéro spécial de février 1990,
« 1ère intervention de la délégation
du PAI à la Commission constitutionnelle » (08/05/90),
« A propos de quelques idées défendues par la
délégation du PAI lors de la discussion du projet de
règlement intérieur de la Commission
constitutionnelle » (9/06/90), « Déclaration du PAI
sur le canevas de l'avant-projet de Constitution » (03/07/90),
« Sur quelques questions restées en suspens à la
Commission constitutionnelle » (14/08/90), « Ce que le PAI
attend des assises nationales sur le projet de Constitution »
(4/12/90) ».
* 91 Ibid.
* 92 Cf. Philippe
Ouédraogo, La contribution du P.A.I. a l'avènement d'un
État de droit au Burkina Faso. op. cit.
* 93 Cf. Constitution du 02
juin 1991 : article 109, 141 et 142
* 94 Cf. articles 141 et 142
de la Constitution non révisée du 02 juin 1991.
* 95 CADIOU S., Savoirs et
action publique : un mariage de raison ? L'expertise en chantier, op cit p.
116
* 96 Théry I.,
Expertises de service, de consensus, d'engagement : essai de typologie de la
mission d'expertise en sciences sociales, Op Cit.
* 97 Bernard Ancori,
Expertise et citoyenneté : les grecs anciens et nous de l'agora antique
aux forums hybrides modernes, op. Cit.
* 98 Tibor Mende De
l'aide à la recolonisation. Les leçons d'un échec,
éditions du seuil, 1972, p.55
* 99 Ibid. p.56
* 100 Ibid. p.57
* 101 Measures for the
Economic Development of Under-Developed Country, Report by a Group of Experts
appointed by the Secretary-General of United nations, New York, 1951, E/1968
ST/ECA/10, cité par Tibor Mende, De l'aide à la recolonisation,
Op cit. p.58
* 102 Cf. A. Loada, Les
fortunes d'un concept anglo-saxon en Afrique francophone: la réception
du concept de 'good govemance.
http://www.google.com/search?q=Loada%2C+les+fortunes+d'un+concept+anglo-saxon&ie=utf-8&oe=utf-8&aq=t.
* 103 Cf. Bolle S.,
La conditionnalité démocratique dans la politique africaine de la
France,
http://www.afrilex.u-bordeaux4.fr/sites/afrilex/IMG/pdf/2dos3bolle.pdf
* 104 « Soucieux
d'améliorer les institutions existantes, tous [les différents
présidents de l'American Political Science Association :
il s'agit de Goodnow, Price, Lowel et Wilson] croient fermement que les
études politiques doivent avoir une utilité directe pour l'action
politique pratique. Mais pour pouvoir réformer, il faut d'abord observer
et connaître les faits. C'est-à-dire rompre avec la tendance
précédente à la philosophie ou à la théorie
politique, prêchant ce qui devrait être au lieu de décrire
ce qui est.» Schwartzenberg, R.-G., Sociologie politique.
Éléments de sciences politiques, 2ème édition,
Éditions Monteschieu, Paris, 1974. p. 9
* 105Membres
fondateurs : Australie, Barbade, Belgique, Chili, Costa Rica, Danemark,
Finlande, Inde, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Afrique du Sud, Espagne,
Suède. Adhérents : Botswana, Canada, Ile Maurice, Namibie,
Uruguay.
* 106 Cf. Conférence
de fondation de l'Institut pour la Démocratie et L'assistance
Électorale : Déclaration.
http://www.idea.int/upload/Declaration.pdf
* 107 Rapport annuel
International IDEA La démocratie en devenir, p.7 cf.
http://www.idea.int/
* 108 Ibid. p.4
* 109 Des vingt-et-six
personnes impliquées, on comptait dix Juristes (professeurs, magistrats
et avocats confondus), sept politologues (professeurs et docteurs), deux
économistes (docteur et consultant) un historien (docteur), un
ethnolinguiste (doctorant), un journaliste, quatre professionnels, provenant de
différents pays dont la Belgique, le Benin, le Canada, l'Espagne, la
France, le Mali, les Pays-Bas, le Sénégal et bien
évidemment le Burkina Faso.
* 110 MAEP, Huitième
réunion du Forum pour le partenariat avec l'Afrique, Berlin, Allemagne
22 au 23 mai 2007, cf. site web
www.ouestaf.com
* 111 Marie
Angélique SAVANE Sociologue Membre du Panel du MAEP « Mettre
en oeuvre la gouvernance par la recherche en Afrique : le mécanisme
africain d'évaluation par les pairs (MAEP) du NEPAD »
symposium chercheurs-décideurs : impact de la recherche sur la prise de
décision politique pour la bonne gouvernance Yaoundé 21-22 juin
2006, Cameroun, cf.
www.idrc.ca/uploads/user-s
* 112 Ibid. p.6
* 113 Dont le CGD,
qui s'occupait du volet « démocratie et gouvernance
politique» Cf. Julien K. Natielsé Le processus du MAEP au BURKINA
FASO Janvier 2009 In
www.compressdsl.com. Les autres
institutions techniques sont : l'INSD, l'ISSP, et le CAPES.
* 114 Jean Meynaud, La
technocratie. Mythe ou réalité? Paris, Les Éditions Payot,
1964. Nous utilisons l'édition électronique publiée par le
Site web:
http://classiques.uqac.ca/, p
264.
* 115 Le plan national de
bonne gouvernance a couvert la période 1998-2003. La politique nationale
de bonne gouvernance qui l'a relayé va de 2003 à 2015.
* 116 United Nations
Development Assistance Framework
* 117 Cf. Conseil des
ministres du 13 Avril 2011, in L'Observateur Paalga du Jeudi 14 avril 2011,
n°7861
* 118 Cf. J. Meynaud, Les
techniciens et le pouvoir. In: Revue française de science politique, 7e
année, n°1, 1957, pp. 5-37,
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1957_num_7_1_392403
* 119 Collectif des
Organisations Démocratiques de Masses et de Partis Politiques.
* 120 Discours à la
nation du chef de l'État, 21 mai 1999.
* 121 « Dans
laquelle un spécialiste est mandaté à la fois pour
proposer une analyse scientifique, établir un diagnostic et s'engager
sur des propositions pour l'action (réformes juridiques, réformes
des politiques publiques) [...] En effet, la caractéristique de
l'expertise d'engagement est qu'il n'est nullement demandé au
spécialiste mandaté d'établir quelle est la
démarche qui peut faire consensus, mais à l'inverse d'argumenter
clairement une option possible parmi d'autres. »Théry
I, Expertises de service, de consensus, d'engagement : essai de typologie de la
mission d'expertise en sciences sociales, op cit.
* 122 J. Meynaud, La
technocratie. Mythe ou réalité? Paris : Les Éditions
Payot, 1964, 297 pp.
* 123 Article 6 du
décret N°99-158/PRES portant création composition et
missions du collège des sages
* 124 Ibid., article 3
* 125 Décret
n°99-389/PRES/PM du 29 octobre 1999 portant création d'une
commission de concertation des partis politiques.
*
126 Décret
n°99-417/PRES/PM portant création d'une commission de concertation
sur les réformes politiques.
* 127 Les mouvements
syndicaux, les mouvements féministes, les associations de
licenciés (ALDRO), le Barreau, les mouvements des droits de l'homme en
raison de 2 par association.
* 128 Article 1 du
décret n°99-417/PRES/PM portant création d'une commission de
concertation sur les réformes politiques.
* 129 Ibd.
* 130 Cf. Le
règlement intérieur de la commission In Sidwaya n°3920 du 27
décembre 1999, supplément p.X
* 131 Le rapport du
collège de sages du 10 juillet 1999, le rapport public 1998 du conseil
supérieur de l'information, le mémorandum du 09 novembre 1997 des
avocats du Burkina Faso, Sidwaya n°3920 du 27 décembre 1999,
supplément p.II
* 132 « Soulignons
qu'au plan parlementaire, les articles :
- 114 qui permet à un tiers (1/3) de
députés de signer la motion de censure ;
- 157 qui autorise un cinquième (1/5) au moins des
membres de l'Assemblée nationale à saisir la cour suprême
;
- 154 qui impose la majorité qualifiée de ¾
pour l'adoption d'un projet de révision de la constitution étant
ainsi un moyen de blocage pour l'opposition, toutes ces dispositions
participent du statut de l'opposition pour peu que celle-ci ait une certaine
importance numérique à l'Assemblée Nationale ». Il
s'agit en fait des articles 115, 157, 164 de la constitution du 11 juin
1991.
* 133 Encinas de Munagorri
R., Quel statut pour l'expert ?, Revue française d'administration
publique 2002/3, N° 103, p. 379-389.
* 134Cf. M. Weber,
Économie et société cité par Nicolas Jabko
Expertise et politique à l'âge de l'euro : la banque centrale
européenne sur le terrain de la démocratie, Revue
française de science politique, 2006/1 vol. 51, p. 903-931
* 135 Cf. N. Belloubet
conseiller l'État/ A.M-.G Loada, L.M Ibriga, Droit constitutionnel et
institutions politiques, 2007, p.398
* 136 RESTIER-MELLERAY C.,
1990, «Experts et expertise scientifique. Le cas de la France», Revue
française de science politique, vol. 40 (4). / Cadou S., Savoirs et
action publique : un mariage de raison ? L'expertise en chantier, Horizons
stratégiques 2006/1, n° 1, p. 112-124.
* 137 Entretien avec Jacob
Ouédraogo, Président de la CAGIDH, le 17/08/2010
* 138 -la
citoyenneté, les droits civiques et l'exercice des libertés
publiques,
-la nationalité, les régimes matrimoniaux,
les successions et les libéralités,
-la procédure selon laquelle les coutumes seront
constatées et mises en harmonie avec les principes fondamentaux de la
Constitution,
-la protection de la liberté de la presse et
l'accès à l'information,
-l'intégration des valeurs culturelles
nationales.
* 139 « Le projet
de révision est dans tous les cas soumis au préalable à
l'appréciation de l'Assemblée des députés du peuple
après avis de la Chambre des représentants »
* 140 M. Savadogo,
« Démocratie et institutions » in Josiane
BOULAD-AYOUB et Luc Bonneville, (sous dir) Souverainetés en crise, pp.
517-531. Collection: Mercure du Nord. Québec: L'Harmattan et Les Presses
de l'Université Laval, 2003, 569 pp.
* 141 Entretien avec le
président de la CAGIDH, le député Jacob Ouédraogo,
op. cit.
* 142 Ramata
Balma/Ouedraogo, Études des clientèles du centre de documentation
de l'Assemblée nationale du Burkina Faso, rapport de stage pour le
brevet de technicien supérieur de l'information documentaire (BTS-SID),
2008, p. 12.
* 143 Ibid. Même si
l'auteur fait remarquer la « faible fréquentation du centre
par les usagers internes : 45% des Députés viennent au
centre de documentation quelques fois par an, et 60% des fonctionnaires
parlementaires le fréquentent occasionnellement. » et la
fréquentation beaucoup plus forte par les usagers externes : les
étudiants et les élèves. p28
* 144Exemples : J. C.
BOUDA du CDP : « la constitution qui est le fondements de tout
pouvoir, est un acte qui régit la vie et l'évolution politique.
Cela veut dire que c'est un document qui n'est pas immuable [...] Nous, nous
avons la chance d'avoir une constitution écrite. Je sais qu'il y a des
pays qui ne disposent pas de constitutions écrites [...] je citerai
l'exemple de la Grande Bretagne où ce sont des textes constitutionnels
disparates [...] Si l'on se réfère à l'expérience
constitutionnelle française, on sait qu'il y a eu plusieurs
révisions constitutionnelles; ça veut dire qu'à certaines
étapes et à certaines évolutions de la vie politique, il
faudrait qu'on puisse adapter le texte constitutionnel... » cf.
PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE PLÉNIÈRE
DU 27 JANVIER 1997.
Pr J. KI-ZERBO du PDP/PS « j'ai lu quelque part dans
un ouvrage de droit constitutionnel, à propos du mandat
présidentiel en France, je cite : cette durée qui est de 7
ans est souvent considérée comme excessive. C'est plutôt
celle d'un règne... L'expérience de plusieurs pays africains
prouve hélas! que ces mandats présidentiels renouvelables
`'nolens, volens'' peuvent conduire à 30 ans de permanence à la
tête de l'État, comme le montre un exemple qui est proche de nous.
[...] Autre question : quel est le fait nouveau qui pourrait expliquer,
sinon justifier ce retournement d'attitude, pour ne pas dire de
« veste », d'une constitution à l'autre? » cf.
PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE PLÉNIÈRE
DU 27 JANVIER 1997.
D. S. SAWADOGO du CDP : « Moi, de mon
point de vue, le rapport de forces doit être dicté par la raison
et le bon sens. Et cette raison et ce bon sens nous amènent à
suivre exactement les voies que les uns et les autres ont suivies, pour
éviter que les gens ne disent : « Oui ! C'est le
nombre. Oui ! Ils ont travesti la... ». Non ! On n'a rien
travesti. » Cf. PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE
PLÉNIÈRE DU JEUDI 30 AVRIL 2009
* 145 Cf.
Décret portant composition du gouvernement, in L'Observateur Paalga
n°7867 du
vendredi 22 au lundi 25 avril 2011
* 146 Entretien avec
Halidou Ouedraogo (août 2010)
* 147 B Frydman, Habermas
et la société civile contemporaine, In Benoît
FRYDMAN (dir.), La société civile et ses droits
Bruxelles, Bruylant, 2004
* 148 M. SAVADOGO, la
parole et la cité. Essais de philosophie politique, Paris, l'Harmattan,
2002; Augustin Loada Réflexions sur la société civile en
Afrique : Le Burkina de l'après-Zongo Politique
Africaine, n°76 Décembre 1999 p.136 ; Guèye B., La
démocratie en Afrique : succès et résistances, Pouvoirs
2009/2, N° 129, p. 5-26.
* 149 Y. Bérard, De
la ville comme objet de recherche aux experts comme acteurs des politiques
urbaines : le cas de l'agglomération rennaise, Droit et
société 2005/1, N° 60, p. 411-426.
* 150 Cf. Mahamadé
Savadogo, Philosophie et existence, op. cit. p.199 et s.
* 151 Qui, du reste, est
contenue dans celle de Mahamadé Savadogo.
* 152
YouTube
- Entrevista a Sartre completa (1 de 6) Dossier Sartre de Beauvoir,
entretien réalisé par Claude Lanzmann et Madeleine Gobeil en
1967.
* 153
YouTube
- Sartre on Intellectualism
* 154
YouTube
- Sartre on Intellectualism
* 155 Sapiro G.,
Modèles d'intervention politique des intellectuels. Le cas
français, op. cit. p. 22
* 156 Cité par
Gisèle Sapiro in Modèles d'intervention politique des
intellectuels. Le cas français, op. cit. p. 22
* 157 Cf. IDEA, Rapport sur
la démocratie au Burkina Faso, 1998, p. 76
http://www.afrimap.org/english/images/documents/file421f5ee5d9be9.pdf
* 158 A. Garané,
L'acte II du processus démocratique au Burkina Faso : portée
juridique et politique de la loi du 14 février 1997 portant
révision de la constitution, Cf. Revue burkinabé de droit,
n° 1998
* 159 Professeur
agrégé de droit public et de science politique, directeur
exécutif du Centre pour la gouvernance démocratique, membre de
WVA (World Value Survey) et intervenant à international IDEA (institut
international pour la démocratie et l'assistance électorale)
* 160 Pr de droit public
à l'Université de Ouagadougou, directeur du CEEI (Centre
d'études européennes et internationales, directeur du FOCAL
(Forum des Citoyennes et Citoyens de l'Alternance) depuis sa création en
2009, membre de l'IDEF (Institut international de droit d'expression et
d'inspiration françaises)
* 161 Bourdieu Pierre.
Décrire et prescrire. In: Actes de la recherche en sciences sociales.
Vol. 38, mai 1981. pp. 69-73.
* 162 Rapporter par San
Finna N°580 du 30 Août au 05 Septembre 2010
* 163 Revue
électronique Afrilex, n°03/2003 Limitation du nombre de mandats
présidentiels en Afrique francophone
* 164 L'Observateur Paalga
n° 6907 du 15 au 17 juin 2007 « État et chefferies
traditionnelles au Burkina Faso L'exemple du Ghana »
* 165 Le Pays /
LeFaso.Net (Burkina Faso), 03 mars 2010.
*
166L'Événement du 31 juillet 2009
* 167 Dignitaire du
régime, ambassadeur du Burkina en Autriche, qui a été
momentanément suspendu des instances du parti majoritaire, le CDP, dont
il était le vice-président pour avoir traité le
régime compaoré de régime patrimonial et appelé
à passer à une Ve République qui serait de nature purement
parlementaire, dans une interview qu'il a accordé, de Vienne, au
quotidien burkinabé, L'Observateur Paalga (voir sa livraison du 9
juillet 2009).
* 168 Le Pays du jeudi 31
décembre 2009
* 169 L'Indépendant,
n° 908 du mardi 8 février 2011
* 170 La République,
numéro spécial Octobre 2003
* 171 Bendré, lundi
28 août 2005 où il faisait sa profession de foi d'intellectuel
engagé en affirmant notamment que les intellectuels
« doivent donner leur opinion par rapport à certains sujets.
S'ils considèrent par exemple que certaines choses sont fondées
ou non, ils doivent le dire »
* 172
L'événement du 2 mars 2009
* 173 L'Observateur Paalga
du 21 juillet 2009
* 174
L'opinion, n°614 du 22 au 28 juillet 2009
* 175 Fasozine, mercredi 03
mars 2010,
http://ww.fasozine.com/index.php/societe/societe/2596-politique-nationale-luc-marius-ibriga-distille-ses-verites
* 176 Le Pays N°4680
du jeudi 19 août 2010
* 177 Afrik.com Samedi 20
Novembre 2010,
http://www.afrik.com/burkina-faso-presidentielle-2010
* 178 Professeur titulaire
de Philosophie politique et morale ainsi que d'histoire de la philosophie
moderne et contemporaine à l'université de Ouagadougou, fondateur
et président du Manifeste des Intellectuels pour la Liberté
(MIL).
* 179 enseignant-chercheur
de sociologie à l'Université de Ouagadougou
* 180 Cf. Le Fasonet du
mardi 1er septembre 2009,
http://www.lefaso.net/
* 181 Cf. Le journal
l'Évènement du 15 décembre 2009,
http://www.evenement-bf.net/index.htm
* 182 Cf. Le journal Le
Reporter n°33
http://www.reporterbf.net/index.php/home/30-le-reporter-nd33/25-article-37
* 183 Cf. B. Frydman,
Habermas et la société civile contemporaine, op. cit. p. 138
* 184 C'est ce qui ressort
de la typologie élaborée par G. Sapiro, Modèles
d'intervention politique des intellectuels. Le cas français, Op.
cit.
* 185 Cf. site internet du
Focal,
http://www.alternancebf.org/index.php?alterna=3#
* 186 Cf. L'Observateur
Paalga, n°7373 du lundi 04 mai 2009, Forum des citoyens de l'alternance.
Procès d'une « démocratie
inachevée ».
* 187 Cité par B.
Frydman, Habermas et la société civile contemporaine, op. cit. p.
140
* 188 Hilgers et
Mazocchetti cité par le CGD, L'alternance et les règles du jeu
démocratique au Burkina Faso ;
http://www.cgd-igd.org/
* 189 Le groupe de contact
d'International IDEA pour le rapport sur la démocratie au Burkina Faso
était constitué de membres issus de la société
civile qui ont participé également au dialogue. Cf. Rapport
d'International IDEA, La démocratie au Burkina Faso, Annexe 3 :
contributeurs et participants, p. 161.
* 190 Coenen H.,
Recherche-action : rapports entre chercheurs et acteurs, Revue
internationale de psychosociologie 2001/1-2, N° 16-17, p. 19-32.
* 191 Nous pensons à
la distinction que Jean Marc Ferry établit entre justice sociale et
justice politique dans la lecture comparée qu'il fait de l'oeuvre de
Habermas et de celle de Rawls. Dans sa réflexion, il aboutit à la
conclusion que la justice sociale qui implique la distribution équitable
des richesses économiques est concevable sans la démocratie.
Mais que celle-ci est inconcevable sans une justice politique qui, en plus de
la justice sociale, renferme la reconnaissance des droits civils et
politiques. Cf. J-M Ferry, Philosophie de la communication. Justice politique
et démocratie procédurale, Tome II, éditions du Cerf,
1994, pp 9-24. Pour les associations en question, il est difficile de se
contenter purement et simplement d'une justice sociale. Il leur faut absolument
la démocratie.
* 192 J Copans,
intellectuels visibles, intellectuels invisibles, Politique Africaine, No.51,
Octobre 1993, pp.7-25.
* 193 Certains de leurs
membres faisaient partie du groupe de contact mis en place par IDEA dans le
cadre du dialogue démocratique entrepris au Burkina Faso la même
année. Cf. IDEA, la démocratie au Burkina Faso, rapport 1998.
* 194 En effet, ces
quatorze associations évoluaient déjà au sein d'un
Collectif pour l'Observation des Élections créé en 1992
par le MBDHP et le GERDDES pour tenter de garantir un minimum de transparence
aux scrutins. Le MBDHP s'y était déjà essayé tout
seul dans les scrutins précédents.
* 195 Interview de Halidou
Ouédraogo président d'honneur du MBDHP. In
http://www.evenement-bf.net/pages/dossier_1_177.htm
ou L'évènement du 15 décembre 2009.
* 196 Cf. R. Otayek,
L'Église catholique au Burkina Faso. Un contre-pouvoir à
contretemps de l'histoire ?
* 197 Ibid.
* 198 Cf. Conférence
Épiscopale Burkina-Niger, 2è assemblée
plénière annuelle, Message des
Évêques (Fada N'Gourma du 15 au 21 février 2010) in Le
Pays du 20 février 2010
* 199 Ibid.
* 200 Ibid.
* 201 Cf. Le Pays du mardi
7 décembre 2010
* 202 JO N°05 du 31
janvier 2008
* 203Cf. L'Observateur
Paalga n°7419 du mercredi 08 juillet 2009
* 204S. Cadiou, Savoirs et
action publique : un mariage de raison ? L'expertise en chantier, Horizons
stratégiques 2006/1, n° 1, p. 112-124.
* 205 McGann J.-G. et
Weaver R.-K., 2000, «Think Tanks and Civil Societies in a Time of
Change», in McGann J.-G. et Weaver R.-K. (eds.), Think Tanks and Civil
Societies. Catalysts for Ideas and Action, New Brunswick, Transaction
Publishers. Cité par S. Cadiou, Ibid.
* 206 Ibid.
* 207 LIEHOUN Mariam
(chargée de programme du GERDDES), entretien du 12/11/2010.
* 208 Cf. le
dépliant GERDDES, disponible au GERDDES-Burkina.
* 209 LIEHOUN Mariam
(chargée de programme du GERDDES), entretien du 12/11/2010
* 210 M. Savadogo,
Démocratie et institutions, op. cit.
* 211 Document : Rapport
synthétique sur le thème de l'articulation entre politiques et
sciences sociales, Revue internationale des sciences sociales 2006/3,
N° 189, p. 447-458.
* 212
http://www.cgd-igd.org/
* 213 Cf. site web du CGD,
Plan stratégique 2008-2012,
http://www.cgd-igd.org/
* 214 La qualité de
la démocratie et de la gouvernance au Burkina Faso conférence de
presse du lundi 19 janvier 2009/ Le travail parlementaire au Burkina Faso
première session ordinaire de l'année 2009/ L'alternance et les
règles du jeu démocratique au Burkina Faso/ Rapport - atelier de
présentation et de dissémination d'Afrobaromètre 2008 aux
partis politiques et a la société civile, le 12 février
2009/ Ateliers de Kaya et de ZINIARE du samedi 27 décembre 2008 sur les
valeurs démocratiques constitutionnelles et traditionnelles/
Constitutionnalisme et révisions constitutionnelles en Afrique de
l'ouest : le cas du bénin, du Burkina Faso et du Sénégal/
Enquête Afrobaromètre, round 4, Bulletin n°2 « les
burkinabé et la démocratie », Janvier 2009/ Les
burkinabé et les valeurs 2008/
* 215 « Organe de
recherche et de conception » selon LIEHOUN Mariam (chargée de
programme du GERDDES) qui la distingue ainsi des organisations de la
société civile actives sur le terrain. Entretien du
12/11/2010.
* 216 L'autre
Burkina/PSR ; le Parti Écologiste pour le Développement du
Burkina (PEDB) ; le Parti National Républicain/Juste Voie
(PNR/JV) ; le Rassemblement des Écologistes du Burkina Faso
(RDEBF) ; l'Union Nationale pour la Démocratie et le
Développement (UNDD) ; le Parti Africain de l'Indépendance
(PAI) ; le Parti Républicain pour l'Intégration et la
Solidarité (PARIS) ; le Parti Socialiste Paysan (PSP); Union pour
la Démocratie et le Développement (UDD).
* 217 Cf. CGD,
l'alternance et les règles du jeu démocratique au Burkina Faso,
op. cit.
* 218 Cf. B. Arsène
YÉ, les fondements politiques de la IVe République, op. cit. p.
47.
* 219 Ibid. p. 45
* 220 Ibid. p. 48.
* 221 Ibid.
* 222 Cf. R. Otayek,
L'Église catholique au Burkina Faso : un contre-pouvoir
à contretemps de l'histoire ? op. cit.
* 223 Sawadogo F. M.,
L'élaboration de la constitution de la IVe République, op.
cit.
* 224Ibid.
* 225 R. Otayek,
« La revanche du savant sur le politique. Les intellectuels et la
démocratie au Burkina
Faso », in J.-P. Daloz et P. Quantin (dirs.),
Transitions démocratiques africaines, Paris,
Karthala, 1997, p. 279-309.
* 226 Discours de
Blaise Compaoré lors de la présentation des voeux du corps
diplomatique, in Sidwaya du 19 janvier 1990 n°1442.
* 227 M. Crozier, E.
Friedberg, L'acteur et le système. Éditions du seuil 1981, pp 307
et s.
* 228 Cf. Forum des
citoyens et citoyennes de l'alternance, 2ème édition,
1er et 2 mai 2011, document de travail, P. 43.
* 229 Cf. supra
* 230 Rapport IDEA, p.
12
* 231 Ibid., p.93
* 232 Ibid., p.94
* 233 Ibid., p.48
* 234 Ibid., p.48
* 235 Cf. Gérard
Conac, succès et crises du constitutionnalisme africain (introduction),
in Les Constitutions africaines publiées en langues françaises,
1997, t.2 , La Documentation française, Bruxelles, Bruylant
* 236Rapport IDEA, p. 76
* 237 Ibid., p.49
* 238 Ibid., p.76
* 239 Ibid., pp. 25, 30, 67
et 75
* 240 Ibid., p. 75
* 241 CNOE
(Commission Nationale d'Organisation des Élections) devenue, dans la
logique des réformes engagées au lendemain du drame de Sapouy,
CENI (Commission Électorale nationale Indépendante).
* 242 Rapport IDEA, p.76
* 243 Rapport du
collège de sages, solution 2.2.9
* 244 Ibid. Solution
2.3.1.
* 245 Ibid., Solution
2.3.2.
* 246 Sidwaya N°3920
du 27 décembre 1999, p.11
* 247 Stratégie de
croissance accélérée et de développement durable
(SCADD) 2011-2015, p. 26
* 248 Cf. MAEP, Rapport
d'évaluation du Burkina Faso, p. 124
* 249 Ibid. p. 113
* 250 Ibid. p. 130
* 251 Ibid. p. 124
* 252 E. Voegelin, La
Nouvelle science du politique, op. Cit., p. 8
* 253 Procès-verbal
de la Séance Plénière du 27 janvier 1997 sur la
révision de la constitution.
* 254 MBDHP rapport
sur les droits humains 1994-1995, p. 1
* 255 Ibid., p. 1
* 256 Ibid., p. 6
* 257 Ibid., p. 7
* 258 Ibid., p. 60
* 259 Ibid., p. 61
* 260 MBDHP Rapports sur
l'état des droits humains au Burkina Faso. Période :
1996-2002 p. 105
* 261 Ibid., p. 90
* 262 Ibid., p. 91
* 263 MBDHP rapport sur les
droits humains 2008-2009, p. 14
* 264 Ibid., p. 16
* 265 Constitutionnalisme
et révisions constitutionnelle en Afrique de l'Ouest : Burkina,
Bénin, Sénégal; 2009, p. 30 et s,
http://www.cgd-igd.org/
* 266 CGD Info
Numéro 0006 - 2009 Le projet de révision de la constitution de
juin 1991 : une manoeuvre dolosive ?
http://www.cgd-igd.org/
* 267 CGD, rapport atelier
sur les burkinabé et leurs valeurs, jeudi 13 novembre 2008,
http://www.cgd-igd.org/
* 268 CGD, le travail
parlementaire au Burkina Faso : première session ordinaire de
l'année 2009
http://www.cgd-igd.org/
* 269 L'alternance et les
règles du jeu démocratique au Burkina Faso ;
http://www.cgd-igd.org/
* 270 Constitutionnalisme
et révisions constitutionnelle en Afrique de l'Ouest : Burkina,
Bénin, Sénégal ; op cit.
* 271 Ibid. Nous avons
estimé que certaines des idées contenues dans le code de bonne
conduite ne peuvent être efficacement effectives que par une reforme de
la constitution.
* 272 Ibid.
* 273 Ibid.
* 274 Ibid.
* 275 CGD Infos, le projet
de révision de la constitution de juin 1991 : une manoeuvre dolosive ?
Op cit.
* 276 Ibid.
* 277Ibid.
* 278 Ibid.
* 279 Cf. écrit du
Pr. A. Loada in L'Observateur-Paalga du vendredi 15 juin 2007, repris dans
« ateliers de Kaya et de ziniare du samedi 27 décembre 2008
sur les valeurs démocratiques constitutionnelles et
traditionnelles » et dans « CGD Infos, le projet de
révision de la constitution de juin 1991 : une manoeuvre dolosive
? » Op cit.
http://www.cgd-igd.org/
* 280 L'alternance et les
règles du jeu démocratique au Burkina Faso ; op cit. La
proposition de constitutionnaliser la CENI est également reprise dans
« CGD Infos, le projet de révision de la constitution de juin
1991 : une manoeuvre dolosive ? » Op cit.
* 281 Weber M, Essais sur
la théorie de la science. Quatrième essai : «Essai sur le
sens de la « neutralité axiologique » dans les sciences
sociologiques et économiques» (1917) Traduction de l'Allemand et
introduit par Julien Freund. Version numérique, p13 Site web:
http://classiques.uqac.ca/
* 282 D'abord ODP/MT
(Organisation pour la Démocratie et le Progrès/Mouvement du
Travail), il prend en 1996 la dénomination de Congrès pour la
Démocratie et le Progrès (CDP).
* 283Recommandation sur la
relecture de la constitution et du code électoral : « Les
3èmes journées du groupe parlementaire ODP/MT tenues
à Banfora du 23 au 27 mars 1995. -Considérant l'état
actuel de démocratisation de notre pays ;- Appréciant le
fonctionnement des institutions de la IVe République après trois
années de pratique démocratique ; - Estimant que la pratique
peut et doit contribuer à améliorer les textes fondamentaux qui
régissent notre démocratie ; - Recommande au Bureau
exécutif national de prendre toutes dispositions utiles pour
procéder à une relecture très prochaine de la constitution
et du code électoral ». Jeudi 30 mars 1995, Sidwaya,
n°2734
* 284 GARANÉ Amidou,
L'acte II du processus démocratique au Burkina Faso : portée
juridique et politique de la loi du 14 février 1997 portant
révision de la constitution; Revue burkinabè de droit, 1997,
n°33, p.33-59
* 285 Loada Augustin, La
limitation du nombre de mandats présidentiels en Afrique
francophone ; Revue électronique Afrilex n°03/2003
* 286 Ibid.
* 287 La journée
nationale du pardon nous apparaissant comme la mesure ayant couronné la
politique de décrispation sociale engagée depuis le drame de
Sapouy.
* 288 Cf. Rapport d'avis de
la Chambre des Représentants, 11 mars 2000, partie annexe :
Questions des Représentants et réponses du 4ème
vice-président de l'Assemblée Nationale.
* 289 Ibid., p11
* 290 Ibid., p12
* 291 Ibid., p.19.
* 292 Ibid., p.20
* 293 Cf. rapport du
comité Balladur, Chapitre I (A-1-« partage de l'ordre du
jour »)
* 294 Cf. article 23 de la
« LOI constitutionnelle no 2008-724 du 23 juillet 2008 de
modernisation des institutions de la Ve République » modifiant
l'article 48.
* 295 Rapport d'avis de la
Chambre des Représentants, Op. cit, p31
* 296 Ibid., p30
* 297 Ibid., p31
* 298 Dont nous parlerons
plus loin de l'éclatement en plusieurs juridictions supérieures
lors de cette réforme.
* 299 GARANÉ Amidou,
L'acte II du processus démocratique au Burkina Faso : portée
juridique et politique de la loi du 14 février 1997 portant
révision de la constitution; op cit. A propos de la Chambre des
Représentants, l'auteur s'exprimait en effet en ces termes :
« Ayant accusé énormément de retard dans sa mise
en place par rapport aux autres institutions prévues par la
Constitution, elle devra convaincre de son opportunité et de son
utilité pratique dans l'univers constitutionnel du Burkina.
Démunie du moindre rôle législatif, elle devra convaincre
de sa notoriété à travers ses avis. La Chambre des
Représentants, au regard de l'ensemble de ces insuffisances,
réunit nécessairement contre elle, tous les facteurs
d'inefficacité et de marginalisation croissante ».
* 300 International
IDEA, La démocratie en devenir, rapport annuel 1999, p. 25
http://www.idea.int/about/upload/ar1999_fr.pdf.
Quoique que le rapport parle de Conseil des sages, il ne fait aucun doute
qu'il s'agit du même collège de sages.
* 301 Cf. Décision
n°2010-015/CC portant déchéance et remplacement par un
suppléant du député Mihyemba Louis Armand Ouali. M. Louis
Armand Ouali est un député à l'Assemblée nationale
qui, ayant quitté son parti (le Rassemblement pour le
Développement du Burkina RDB) pour un autre parti (l'Union pour le
Progrès et le Changement UPC), est tombé sous les coups de la
nouvelle disposition constitutionnelle sur le nomadisme politique
(adoptée en 2009). Mais invoquant le principe de la
non-rétroactivité pour contester cette décision, il a
aussi rejeté la désignation de la personne qui devait le
suppléer.
* 302 Loi organique
n°011-2000/AN du 27 avril 2000 portant composition, organisation,
attributions et fonctionnement du Conseil constitutionnel et procédure
applicable devant lui. On peut même se demander si, sur le plan
strictement juridique, cette loi organique respecte absolument la constitution.
En effet celle-ci dispose en son article 160 qu'« une loi organique
fixe l'organisation et le fonctionnement du Conseil constitutionnel et
détermine la procédure applicable devant lui »,
étant entendu qu'elle a déjà fixé elle-même
sa composition et ses attributions. Or cette loi organique, comme son titre
l'indique, défonce manifestement des portes ouvertes en allant traiter
encore de la composition et des attributions du Conseil constitutionnel.
* 303 Procès-verbal
de la séance plénière du mardi 11 avril 2000, p20.
* 304 L'article 141 ancien
« Des organes de contrôle, des instances et organes
consultatifs sont créés par loi. Leur
compétence recouvre les questions à caractère
économique, social et culturel d'intérêt national. La
composition, les attributions et le fonctionnement de ces organes de
contrôle, instances et organes consultatifs sont fixés par la
loi » est repris en partie dans l'article 142 nouveau « Des
organes de contrôle sont créés par la loi. Leur
compétence recouvre des questions à caractère
économique, social et culturel d'intérêt national. La
composition, les attributions et le fonctionnement de ces organes de
contrôle sont fixés par la loi ».
* 305 Weber M, Essais sur
la théorie de la science. Quatrième essai : «Essai sur le
sens de la « neutralité axiologique » dans les sciences
sociologiques et économiques», op cit. p13
* 306 Rapport IDEA, p.76
* 307 Cf. le rapport de la
Commission chargée des affaires générales et
institutionnelles (CAGI), dossier n°05 relatif au projet de loi portant
révision de la constitution, p 3.
* 308 Ibid. p. 3.
* 309 Ibid. p. 5
* 310 Cf. écrit du
Pr. A. Loada in L'Observateur-Paalga du vendredi 15 juin 2007
* 311 Cf. CGD,
« Ateliers de Kaya et de ziniare du samedi 27 décembre 2008
sur les valeurs démocratiques constitutionnelles et
traditionnelles », 2008
http://www.cgd-igd.org/
* 312 Voir Manifeste des
refondateurs du 5 avril 2008, l'interview de Salif Diallo, Ambassadeur du
Burkina en Autriche, 8 juillet 2009
* 313 Le chef de
l'État affirmait dans ce discours « La construction de la
démocratie et de l'État de droit est une oeuvre de longue haleine
qui exige de nous, un esprit d'ouverture et le respect de l'autre. A ce titre,
j'invite l'ensemble des citoyens à approfondir les réflexions sur
les réformes politiques indispensables à l'enracinement, dans
notre société, des valeurs de démocratie et de
citoyenneté responsable ».
* 314 Cf. Décret
N°2011-004 PRES/PM portant composition du Gouvernement.
* 315 Voir supra
* 316 Cf. Le pays du 12
aout 2010 où ils font une déclaration en ce sens.
* 317 Cf. rapport de
synthèse du troisième congrès extraordinaire du CDP in
http://www.cdp-burkina.org
* 318 Cf. Bendré
mardi 10 août 2010, Congrès extraordinaire du CDP.
* 319 Cf. Mahama Sawadogo,
Le pays du 18 mai 2010
* 320 Ibid.
* 321 CGD, rapport atelier
sur les burkinabé et leurs valeurs, jeudi 13 novembre 2008, op. cit.
* 322 Le rapport IDEA par
exemple affirmait que, « Nonobstant l'affirmation du multipartisme et
du pluralisme politique, le pouvoir, exécutif, législatif et
même judiciaire, reste concentré entre les mains du parti
majoritaire, le Congrès pour la Démocratie et le Progrès
(CDP) », cf. la démocratie au Burkina, p. 25. On peut citer
aussi le rapport du collège de sages qui dans sa deuxième partie
consacrée au « Domaine politique et administratif »
notait au point « 2.1.7. Le contrôle effectif de l'appareil
d'État par un seul parti », le CDP bien entendu. Le plan
national de bonne gouvernance n'est pas en reste : il évoque le
« verrouillage du jeu parlementaire et démocratique par le
parti majoritaire» (p 9) et s'inquiète que « Sur le plan
politique, la prépondérance du parti majoritaire, le
Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), sur les
institutions de la République pourrait constituer un risque de
monopolisation des pouvoirs si des garde-fous ne sont pas
érigés » p. 8. Le même constat est établi
par le rapport du MAEP aux pages 9, 36, 37, 59, 73, 74 et notamment 101
où il met au passif du régime politique
« l'interpénétration du parti majoritaire et de
l'État dans toutes ses instances et structures ». Quant au
CGD, dans une étude publiée en 2009, après avoir
noté la « persistance du phénomène
"parti-État" » à travers le CDP, constate que celui-ci
« organise une parfaite confusion entre les activités du parti
et celles qui relèvent de l'État », cf. CGD,
l'alternance et les règles du jeu démocratique au Burkina Faso, p
56,
http://www.cgd-igd.org et, sous
une forme interrogative par le Document de stratégie pays 2001-2007
(Burkina Faso-Communauté européenne) :
« Dans le contexte burkinabé, il est légitime
de se demander si l'hégémonie du parti majoritaire ne constitue
pas un frein à l'épanouissement de la
démocratie » p. 13
* 323 International IDEA,
La démocratie au Burkina Faso, rapport de 1998, p. 25
* 324 Meynaud, J, La
technocratie. Mythe ou réalité?, op. cit., p. 202
* 325 « La limitation
du nombre de mandats présidentiels en Afrique : le cas du Burkina Faso
»
* 326 CGD Infos, le projet
de révision de la constitution de juin 1991 : une manoeuvre dolosive ?
Op cit.
* 327 Cf.
Supra : intellectuel collectif.
* 328 Rapport IDEA, La
démocratie au Burkina Faso, op. cit. p.76
* 329 Constitutionnalisme
et révisions constitutionnelles en Afrique de l'Ouest : Burkina,
Bénin, Sénégal ; op cit.
* 330 Révision du
code électoral et adoption d'un mode de scrutin plus
équitable.
* 331 Avis et
décisions commentés de la justice constitutionnelle
burkinabé de 1960 a nos jours, CGD, 2010
* 332 Constitutionnalisme
et révisions constitutionnelles en Afrique de l'Ouest : Burkina,
Bénin, Sénégal ; op cit.
* 333 "La révision
de notre constitution ne doit pas être l'affaire du seul CDP" Le Pays
jeudi 31 décembre 2009
* 334 Cf. écrit du
Pr. A. Loada in L'Observateur-Paalga du vendredi 15 juin 2007, repris dans
« ateliers de Kaya et de ziniare du samedi 27 décembre 2008
sur les valeurs démocratiques constitutionnelles et
traditionnelles » et dans « CGD Infos, le projet de
révision de la constitution de juin 1991 : une manoeuvre dolosive
? » Op cit.
http://www.cgd-igd.org/
* 335 P. Bourdieu,
Décrire et prescrire, In: Actes de la recherche en sciences sociales.
Vol. 38, mai 1981. pp. 69-73. doi : 10.3406/arss.1981.2120
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1981_num_38_1_2120
* 336 Comme le dit L.
Boltanski en parlant de ces intellectuels qui ne se laissent pas facilement
mettre « le licou », cf. Le pouvoir est de plus en
plus savant, op. cit.
* 337 Ibid.
* 338 M. Uhalde,
L'instrumentalisation de la sociologie en situation d'intervention : analyse
critique d'une notion ordinaire, Sociologies Pratiques 2008/1, N°
16, p. 95-113.
* 339 Cf. Sidwaya 16
février 1990, n°1462, conférence de presse du ministre
délégué à la coordination du Front populaire.
* 340 En effet, selon
toujours le ministre, « il s'agira pour nous de recenser les
connexions qui existent au sein de l'appareil politique, au sein de l'appareil
administratif, qui existent entre l'appareil politique et l'appareil
administratif. Il nous faut connecter tout ceci en tenant compte de la partie
juridique de notre Révolution, je veux parler de tout ce qui est TPC,
TPR, etc. Il nous faut tenir compte de tout cela pour qu'enfin notre peuple
à travers un document unique puisse se prononcer ... Voilà ce que
nous appelons renforcement de la révolution par l'écriture de la
constitution ». Selon lui c'est claire, « la constitution
doit approfondir la RDP ». Ibid.
* 341 L'article 4 du Kiti
n°an VII 0279/FP du 20 avril 1990 disposait que « la commission
constitutionnelle est chargée de la rédaction d'un avant-projet
de constitution sur la base des directives et des matériaux mis à
sa disposition par le Comité exécutif du Front populaire.
L'avant-projet de constitution devra être soumis à l'examen d'un
congrès du Front populaire ».
* 342 Edmond Jouve, Yves
Dousset avocat, docteur en droit, maître de conférence des
facultés de droit
* 343 Cf. Sidwaya n°
3885, « ... il nous a paru superfétatoire que les
décrets insistent sur le caractère consultatif des commissions,
sauf à vouloir heurter la susceptibilité des partenaires,
à éveiller leurs légitimes suspicions et à leur
donner le sentiment que leurs travaux n'engageront qu'eux seuls. [...] Le
GERDDES-Burkina estime que la notion qui devrait être mis en exergue dans
les deux décrets, c'est le caractère consensuel des
décisions à pendre par les deux commissions. [...] Le
GERDES-Burkina reste disponible pour apporter sa contribution dans la recherche
de solutions de sortie de crise, à condition que le consensus
prévale dans la formulation de toute structure créée
à cet effet ».
* 344 A. Loada, Les
fortunes d'un concept anglo-saxon en Afrique francophone: la réception
du concept de "good governance"
www.grandslacs.net/doc/1175.pdf
* 345 Cf. Supra, Le
planisme burkinabé.
* 346
Déclaration de politique générale de son excellence
monsieur Tertius Zongo, premier ministre burkinabé, chef du
gouvernement prononcée devant l'assemblée nationale le 17
mars 2011 In
http://www.gouvernement.gov.bf/spip.php?article645.
Il affirme que « Le rapport du Mécanisme africain
d'évaluation par les pairs (MAEP) reconnaît d'ailleurs que
" La révision du cadre institutionnel et juridique, y compris la
charte des partis politiques et le fichier électoral, mais aussi les
questions des droits humains, de la transhumance politique et de
l'accessibilité de la justice pour les masses, font partie de cet effort
d'enracinement de la démocratie et de la gouvernance
politique" ».
* 347 Une
volonté de paraître démocratique à tout prix. Le
témoignage de Norbert Zongo (réalisé en juillet 1997), que
Article 19 a republié dans Issue n°54 Décembre 1999,
« Burkina Faso: Un an après et toujours pas de justice. A la
mémoire de Norbert Zongo » peut éclairer davantage ces
mises en scène d'hypocrisie démocratique. Dans ce
témoignage, l'écrivain et journaliste d'investigation raconte les
difficultés qu'il a rencontrées pour créer son journal et
la stratégie qu'il a employé pour enfin le faire paraître
sans être inquiété. Selon les dispositions légales
en vigueur à cette époque, celui qui veut créer son
journal en reçoit le récépissé au plus tard un mois
à compter de la date de dépôt de la demande. Mais six mois
après, il n'avait pas toujours son récépissé.
Profitant d'une invitation du gouvernement danois qui lui demande de
représenter les écrivains d'Afrique de l'Ouest à une
rencontre au Danemark, il publie les premiers numéros de son journal peu
de temps avant le départ. « S'ils m'arrêtent, dit le
journaliste, la conférence n'aura pas lieu. Les Danois sauront qu'il n'y
a pas la liberté de presse. S'ils me laissent, le journal sort. Voila!
Donc, j'ai sorti le journal juste avant de partir. C'était un bon
moment. On avait besoin d'argent également, il fallait dire que la
liberté de presse va très bien ».
* 348 IDEA,
Démocratie en Développement. Consultations globales sur le
rôle de l'Union européenne dans la construction de la
démocratie In
http://www.idea.int/publications/democracy_in_development/fr.cfm
* 349 Habermas: La
technique et la science comme « idéologie », op. cit.
* 350 Ibid.
* 351 C'est la conception
wébérienne du rôle du savant et de la science par rapport
à la politique. Cf. M. Weber, Le savant et le politique ainsi que ses
Essais sur la théorie de la science. Traduit de l'Allemand et introduit
par Julien Freund. Paris : Librairie Plon, 1965, 539 pages.
Collection : Recherches en sciences humaines, no 19. Édition
électronique,
http://classiques.uqac.ca/
* 352 Cité par
Habermas, la technique et la science comme idéologie, op. cit.
* 353 J. Meynaud, La
technocratie. Mythe ou réalité ? Op. cit. p. 161
* 354 Ibd. p.34
* 355 CGD, Les
burkinabé et les valeurs, 2007. Les résultats de cette
enquête par sondage ont fait l'objet d'un débat le 13 novembre
2008 à Ouagadougou.
* 356 C'est une
réalité incontestable révélée depuis 1998
par le rapport d'international IDEA qui observait déjà que,
« dans l'administration publique et parapublique, la
répartition des responsabilités obéit à des
considérations davantage politiques que méritocratiques ou
techniques, ce qui nuit à la mise en oeuvre d'une véritable bonne
gouvernance ». Depuis lors, c'est devenu presqu'un lieu commun. Le
Collège de sages (Domaine politique et administratif, point 2-1-6), le
rapport du MAEP (qui en parle itérativement : pp. 10, 16, 75, 106,
123, 145, 202, 222, 392, 408, etc.) et les études du CGD (dialogue
démocratique du mercredi 27 mai 2009) rappellent que c'est une
réalité toujours prégnante.
* 357 J. Copans, La longue
marche de la modernité africaine. Savoirs, intellectuels,
démocratie, éditions Karthala, 1990, p.231
* 358 Ibid. p.371
* 359 Sartre J.-P,
Les Mains sales. Gallimard, 1948.
* 360 Par exemple, le CGD
utilise la méthode de la recherche-action.
* 361 J. Meynaud, Les
techniciens et le pouvoir Meynaud Jean. Les techniciens et le pouvoir. In:
Revue française de science politique, 7e année, n°1, 1957.
pp. 5-37.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1957_num_7_1_392403
* 362 Cf. Carol H.
Weiss, Préface au livre de Fred Carden, Des connaissances aux
politiques, op. cit. Voir aussi Entretien avec le CEDRES 10 mai 2011.
* 363 Cf. annexe du rapport
d'avis de la Chambre des représentants, 9-22 mars 2000 :
« questions au quatrième vice-président de
l'assemblée nationale ». Concernant la présidence du
parlement par le président de l'assemblée nationale (idée
que la Chambre des représentants n'a jamais admise), le
Vice-président déclare qu'il s'agit pour eux de
« consacrer une pratique du reste reprise à son compte par le
président du Faso aux cours d'allocution et qui n'a jamais connu
d'objections », p. 38. Voir aussi rapport du MAEP, p. 519.
* 364 Cf. Rapport du MAEP,
Annexe II, commentaires et corrigenda du gouvernement burkinabé, p. 503
et ss
* 365Qualifiées de
racistes par J. F. Bayart, La démocratie à l'épreuve de la
tradition en Afrique subsaharienne, Pouvoirs 2009/2, N° 129, p.
27-44. C'est dans ce sens que certains hommes politiques appellent souvent
à faire des réformes conformes à nos
réalités africaines. C'est un discours qui, au Burkina Faso,
remonte au temps du Front populaire qui ne voulait pas du tout de la
démocratie libérale.
* 366 Rapport du
collège de sages, Recommandation 1.2.7.
* 367 CGD, Travail
parlementaire, 2009, p. 30. Les questions de compréhension que certains
députés posent en séance plénière montre
à quel point une telle ressource est inexploitée. Lors de la
révision constitutionnelle de 1997, un député a pris
solennellement la parole en séance plénière pour demander
à ses collègues de corriger une erreur de date :
d'après lui, la déclaration des droits de l'homme et du citoyen
aurait été adoptée en 1848 et non en 1789. Il s'agit
vraisemblablement d'une confusion entre la déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 et la déclaration universelle des droits
de l'homme de 1948.
* 368 Constitutionnalisme
et révisions constitutionnelles en Afrique de l'ouest : le cas du
bénin, du Burkina Faso et du Sénégal, 2009, p. 43
* 369 Par exemple, dans le
rapport d'avis de la Chambre des représentants, sur la proposition de
mettre en place une commission technique pour en finir une fois pour toute avec
les insuffisances de la constitution, le vice-président répondait
que « le gouvernement peut [...], l'assemblée nationale peut
[...]. Mais pour l'instant, nous avons jugé opportun d'user d'une autre
prérogative consistant à initier une révision de la
constitution ».
* 370 J. Copans, La longue
marche de la modernité africaine. Savoirs, intellectuels,
démocratie, op. cit., p. 308.
* 371 « Comme en
France, le premier ministre reste, au plan politique et constitutionnel,
subordonné au président, notamment lorsque la majorité
présidentielle est identique à la majorité parlementaire.
Faut-il en déduire que son autorité politique pourrait davantage
s'affirmer s'il disposait d'une majorité parlementaire distincte,
indépendante de celle du président dans le cadre d'une
« cohabitation » ? On peut en douter, car, quelle que
soit la majorité parlementaire, le président du Faso dispose du
pouvoir de fixer « les grandes orientations de la politique de
l'État » (article 36 de la constitution). Il faut
craindre un jour, comme l'ont déjà exprimé plusieurs
auteurs, que cela n'ouvre la porte à d'éventuels conflits en cas
de discordance de majorités présidentielles et
parlementaires», Cf. Les annales du premier
ministère. Édition 2009 p. 29
* 372 C'est ainsi que
l'on désigne communément l'assassinat sauvage et crapuleux du
célèbre journaliste d'investigation Norbert Zongo et trois de ses
compagnons de route. Sapouy est le nom de la localité où il a
été stoppé par ses bourreaux.
* 373 Blaise
Compaoré : "Je suis étonné de constater que le
Collectif n'appréhende pas bien le rôle positif qu'il a pu jouer
dans les récentes avancées que nous avons enregistrées.
Faites le point de toutes les évolutions qu'il y a eu dans notre
processus démocratique, vous conviendrez avec moi que ce n'est pas le
CDP qui a porté ces revendications. Je dois dire qu'il y a eu un apport
important", In L'Événement du 25 juin 2002.
* 374 Hanney SR, Gonzalez
MA, Buxton MJ and Kogan M. 2003. The utilisation of health research in
policy-making: concepts, examples and methods of assessment. Health
Research Policy and Systems cité par Elias T. Ayuk et Mohamed Ali
Marouani, The Policy paradox in Africa. Strengthening Links
between Economic Research and Policymaking, International Development Research
Centre (IDRC)/ AFRICA WORLD PRESS, 2007; p. 10.
* 375 Ibid. « on
fait appel à la recherche lorsque des sollicitations pressantes exigent
qu'une action spéciale soit prise et les décideurs politiques
répondent qu'ils ont commandité une étude pour
examiné la question. Ce genre de travail commandité pourvoit
généralement le système politique en temps
nécessaire pour réfléchir et éviter par
conséquent des décisions politiques
irrationnelles ».
* 376 Par exemple, depuis
le discours du Président du Faso à l'occasion du
49ème anniversaire de l'indépendance, l'idée de
réviser l'article 37 de la constitution a été publiquement
remise en selle.
* 377 Dans le domaine
électoral.
* 378 Principalement
le CGD dans les politiques institutionnelles qui nous préoccupent.
* 379 F. Carden, Des
connaissances aux politiques. Op. cit. p. 4
* 380 Cf. note 356
* 381 Cf. CGD,
l'alternance et les règles du jeu démocratique au Burkina Faso,
op. cit., p. 8
* 382 CEDRES,
entretien du 10 Mai 2011. Même si dans son domaine de compétence
(l'économique et le social) il déclare : « Lorsque
le CEDRES est associé, c'est surtout à titre consultatif. Et
même lorsque notre intervention se fait sous forme d'études, les
recommandations qui en sont issues sont exploitées en fonction des
objectifs des autorités (Ministères) concernées. Bref, il
est difficile de se prononcer sur cette question mais en général,
il apparaît que les conclusions de nos études sont traitées
avec beaucoup d'intérêt et suivies dans certains
cas ».
* 383 O. Giraud, Ph.
Warin, Les politiques publiques, une pragmatique de la démocratie. In
Politiques publiques et démocratie / sous la dir. de Olivier Giraud
et Philippe Warin. Paris, La Découverte, 2008, 428 p. (Recherches /
Territoires du politique)
* 384 Cf. Discours
d'ouverture à l'occasion de la restitution du Rapport sur Science,
Société et Parlements (compte-rendu de la réunion des
commissions et offices chargés de l'évaluation des choix
scientifiques et technologiques des Parlements de l'Union européenne et
du Parlement européen - 22 septembre 2008) In
http://www.assemblee.nationale.fr/13/pdf/rap-off/i1204.pdf
* 385 «Les savoirs
scientifiques entre transcendance et instrumentalisation. Entretien avec Michel
Freitag.» Un article publié dans la revue Anthropologie et
Sociétés, vol. 20, no 1, 1996, pp. 167-186.
* 386 Dont le maintien de
mécanismes extra-africains de connaissance sociale.
* 387 Cf. La longue marche
de la modernité africaine. Savoirs, intellectuels, démocratie.
Op. cit. p. 231 ;
* 388 Ernest Renan,
Cf. J-M. Domenach, Approches de la modernité, Ellipses, 1990, p. 15
* 389 A. Loada, Discours
à la cérémonie d'ouverture de la deuxième
édition du Forum des citoyennes et citoyens pour l'alternance,
1er au 2 mai 2011.
* 390 Il faut y
ajouter aussi l'Exécutif dont la forte politisation de l'administration
selon le rapport d'International IDEA, « nuit à la mise en
oeuvre d'une véritable bonne gouvernance ». Cf. Supra, note
356.
* 391 J. Copans, La
longue marche de la modernité africaine. Savoirs, intellectuels et
démocratie. Op. cit.
* 392 Cf. L.
Boltanski, Le pouvoir est de plus en plus savant, Op. cit.
* 393 Cf. L.
Levy-Bruhl, La morale et la science des moeurs, une édition
électronique réalisée à partir de la 3e
édition publiée en 1927
http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html
* 394 Luc 11 :33
La Bible, version Louis Segond 1910, c2003. Mission Chrétienne
Évangélique.
* 395 Mathieu
5 :15, version Louis Segond 1910, c2003. Mission Chrétienne
Évangélique.
* 396 « Car
il me semblait que je pourrais rencontrer beaucoup plus de
vérité, dans les raisonnements que chacun fait touchant les
affaires qui lui importent, et dont l'événement le doit punir
bientôt après, s'il a mal jugé, que dans ceux que fait un
homme de lettres dans son cabinet, touchant des spéculations qui ne
produisent aucun effet, et qui ne lui sont d'autre conséquence, sinon
que peut-être il en tirera d'autant plus de vanité qu'elles seront
plus éloignées du sens commun, à cause qu'il aura dû
employer d'autant plus d'esprit et d'artifice à tâcher de les
rendre vraisemblables » In Descartes, Discours de la méthode,
p. 10; édition électronique;
http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html
* 397 Cf.
Préface de J. Freund, Premier essai : «L'objectivité de
la connaissance dans les sciences et la politique sociales » (1904)
in Max Weber, Essais sur la théorie de la science
* 398 Par exemple
Bernard Lahire, Cf. « Entretien avec Bernard Lahire »,
Tracés, 2007/2 n°13, p. 235-248
* 399 M. Weber, Le
savant et le politique, p. 10, op. cit.
* 400
« Entretien avec Bernard Lahire », op. cit.
* 401 Cf.
« Conclusion », in Donal B. Cruise O'Brien, John Dunn et
Richard Rathbone (eds), Contemporary West African States, Cambridge, Cambridge
University Press, 1989, p. 192. Cité par J. Copans, La longue marche de
la modernité africaine. Savoirs, intellectuels, démocratie. Op.
Cit, p. 6.
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