Avant de présenter la discussion autour des
hypothèses, nous présentons d'abord un point discussion sur le
statut vaccinal des enfants enquêtés.
~ Statut vaccinal des enfants
Les enfants 12 à 23 mois vaccinés contre le VAR
avant l'âge d'un an représentent 84.8%.Ce résultat est
similaire à celui trouvé dans la revue du PEV au Burkina en 2009
qui était de 87.6% [20] mais diffère des 57%
[10] trouvé dans la revue du PEV au Benin en 2008. Le
taux d'abandon entre le BCG et le VAR de 15.2% [11,2 ; 19,8] est
supérieur à la norme OMS (moins de 10%).Ce taux est aussi
supérieur à celui trouvé lors de la revue du PEV 2009 au
Burkina (5.4%) [20] mais semble se rapprocher de celui du
niveau national de 2009 selon les données administratives qui
était de 14.40% [11] et des 15.96% que SAWADOGO S.,
[21] a trouvé en 2002 dans la région du
Centre-Est.
Le sexe et le rang de naissance de l'enfant ne sont pas
associés à l'abandon de la vaccination dans notre étude
(p=0.29 et 0.90). Par contre MAGATTE et Col. [24], avaient
trouvé que les enfants de sexe masculin avaient plus de chance
d'être complètement vaccinés et JENNIFER N. [26]
avait trouvé un lien entre le rang de naissance et le statut
vaccinal de l'enfant.
Hypothèse 1 : Les caractéristiques
sociodémographiques des parents d'enfants déterminent la
fréquence élevée des abandons de la vaccination entre le
BCG et le VAR chez les enfants de 0 à 11 mois dans la ville de
Pouytenga.
· . Influence des occupations des
parents
Les occupations des mères pour les activités
génératrices de revenu peuvent avoir une influence sur le suivi
vaccinal des enfants surtout si le temps d'attente est long et aussi si les
programmes de vaccination coïncident avec les sorties de vente dans les
marchés.
Dans notre étude, la majorité des
mères/tutrices d'enfants sont des femmes au foyer (58,95%). Celles qui
mènent d'autres occupations représentent 41,05%. Les pères
menant des activités telles que le commerce, le travail salarié,
les activités artisanales etc., représentent 45,90%. Bien que
certains reports de vaccination soient attribués aux occupations des
mères, notre étude n'a pas trouvé de lien statistiquement
significatif entre l'occupation des mères et l'abandon de la vaccination
(p=0.083). Dans leur étude portant sur Les facteurs individuels et du
milieu de vie associés à la vaccination complète des
enfants en milieu rural au Burkina, SIA D., KOBIANE JF. , SONDO B K., FOURNIER
P., [1] avaient trouvé un lien entre les occupations
des mères et leurs conjoints avec la vaccination complète.
· . Influence du niveau d'instruction des
parents
77
Les parents « instruits »
(alphabétisés, primaire, secondaire, supérieur)
représentent 38,28%. Parmi les pères 57.38% sont instruits. Les
mères/tutrices n'ayant aucune instruction représentent 62.88% et
37.12% sont « instruites ». Il existe une association statistiquement
significative entre le niveau d'instruction des parents et le statut vaccinal
de leurs enfants (p=0.0029). OUEDRAOGO L.T. et coll. [25]
avaient aussi trouvé que l'analphabétisme (73.3%) des
mères influençait l'adhésion à la vaccination des
enfants. Le faible niveau d'instruction peut constituer un handicap à
l'accès à l'information sur la vaccination.
Le niveau d'instruction plus élevé des pères
pourrait être un atout important s'ils sont impliqués dans les
activités de sensibilisation.
+ Influence de la situation matrimoniale
La grande majorité des parents enquêtés
vit en couple (99.31%). MAGATTE et Col. [25], ainsi que
MAKOUTODE M. et col. [28], avaient trouvé des
résultats semblables avec respectivement 98% et 95% de mariés. La
vie en couple est un atout si les deux conjoints s'impliquent dans la
vaccination de l'enfant et si les questions de vaccination sont
discutées ensemble. Toutefois notre étude a montré que les
enfants nés de couples polygames abandonnent plus la vaccination
(p=0.0448).cela peut s'expliquer par la charge des travaux domestiques.
+ Influence du nombre d'enfants de moins de 5 ans par
mère Le nombre d'enfants de moins de 5 ans en charge par
mère varie de 1 à 3 avec une moyenne de 1.26 enfants ; 25,17% des
mères ont au moins 2 enfants de moins de 5 ans. Les enfants de moins de
cinq ans nécessitent beaucoup d'attention et constituent une charge
surtout pour leurs mères d'autant plus lourde que leur nombre est
élevé. Ce qui pourrait expliquer le fait que chez les
mères ayant en charge deux enfants ou plus de moins de 5 ans, le taux
d'abandon de la vaccination soit plus élevé que chez celles ayant
un seul enfant en charge (p=0.025). JENNIFER N. et coll. [26],
avaient trouvé des résultats différents. Dans leur
étude, le nombre d'enfants de moins de 5 ans en charge par les parents
n'avait pas de lien avec la vaccination complète.
+ Influence du lieu de résidence des
parents
Parmi les parents d'enfants enquêtés, 43,40%
résident dans une zone non lotie et 56.60% en zone lotie. La proportion
des cas d'abandon dans les quartiers non lotis (23,8%) est statistiquement plus
élevée que celle constatée dans les quartiers lotis
(8,5%). Les enfants dont les parents résident en zone non lotie sont
plus sujet à l'abandon de la vaccination
(p=0.0003). B. BOLANDA, P. TALANI, P. NZABA et al
[22] à Brazzaville avec 42.8% parents résidant
en zone périurbaine et 57.2% en zone urbaine avaient également
trouvé le même lien.
+ Influence du non respect des rendez-vous de
vaccination Le nombre de désistement des parents les jours
indiqués pour la vaccination de leur enfant varie de 1 à 4. Parmi
les parents ayant déjà désisté à une
séance de vaccination, 84,6% (35) l'ont fait plus d'une fois ; 28.20%
des désistements ont été occasionnés par les chefs
de ménage ou le père de l'enfant. Parmi les raisons de ces
désistement figurent en bonne place les activités commerciales
/Marché (41,03%), les occupations familiales (25,64%). Les enfants dont
les parents ne respectent pas les rendez-vous de vaccination, sont plus sujet
à l'abandon de la vaccination (p=0.0001). La prise en compte
des occupations des mères dans la programmation des activités de
vaccination est donc une nécessité.
Vérification de l'hypothèse
1
L'analyse de nos résultats montre que le niveau
d'instruction des parents, le quartier de résidence (non loti), le
nombre d'enfants de moins de 5 ans ainsi que le non respect de rendez-vous de
la vaccination favorisent l'abandon de la vaccination. Ce qui confirme notre
hypothèse de départ selon laquelle les caractéristiques
sociodémographiques des populations déterminent la
fréquence élevée des abandons de la vaccination.
79
Hypothèse 2 : L'insuffisance de
connaissances des parents d'enfants en matière de vaccination
détermine la fréquence élevée des abandons entre le
BCG et le VAR chez les enfants de 0 à 11 mois dans la ville de
Pouytenga.
+ Influence de la connaissance des avantages de la
vaccination
Les avantages de la vaccination sont bien connus par les
parents (98.88%) ce qui montre une bonne prédisposition à
l'adhésion à celle-ci. Ce résultat est similaire à
celui trouvé par KABORE J. [29] en 2007 dans le DS de
OUAHIGOUYA au Burkina Faso qui était de 95.74%. OUEDRAOGO E.,
[23] avait également trouvé à Ouagadougou
que 92.42% des mères connaissent des avantages à la vaccination.
Il faut cependant noter dans cette étude, que certains parents (4.88%)
pensent que la vaccination est un acte curatif (on vaccine les enfants pour
soigner les maladies). BOA A., [30] avait aussi trouvé
en Bouna en Côte d'Ivoire que la vaccination était comprise comme
un acte curatif.
+ Influence de la connaissance des maladies cibles du
PEV
par les parents
Les maladies les plus connues sont la poliomyélite
(82.1%), la rougeole (78.3%), la méningite (74.4%). SAWADOGO M.
[27] a également trouvé ces trois principales
maladies avec toutefois des proportions différentes des nôtres :
52.16% pour poliomyélite 39.30% pour la rougeole et 29.31% pour la
méningite. La forte prédominance de ces maladies est probablement
due aux multiples campagnes de vaccination de masse organisées au cours
ces dernières années.
Le niveau de connaissance des parents sur les maladies cibles
du PEV (au moins cinq maladies citées) est faible (27,59%). Il est plus
faible chez les pères/tuteurs (18,03%) que les mères/tutrices
30,13%. Aussi certains parents ont cité des maladies qui ne sont
ciblées par le PEV. Le
81
niveau de connaissance des parents avait également
été jugé faible (30%) au Benin par MAKOUTODE M. et coll.
[28]. Nous avons trouvé que les parents instruits
(alphabétisés, primaire, secondaire, supérieur)
connaissent plus les maladies cibles du PEV par rapport à ceux non
instruits (p= 0.00082). Aussi ceux qui ont une connaissance acceptable des
maladies cibles achèvent mieux la série vaccinale des enfants
(p=0.00894).
+ Influence de la connaissance du calendrier
vaccinal
Concernant le nombre de contacts nécessaires pour
l'immunisation complète d'un enfant, 68,62% des parents savent qu'il en
faut cinq ; 83,79% des parents savent que le premier contact vaccinal commence
à la naissance et 61.37% connaissent le calendrier spécifique du
VAR (9 mois). La connaissance du calendrier vaccinal est acceptable seulement
chez 47,2% des parents. Elle est de 54,59% chez les mères/tutrices
contre 19,67% chez les pères ou tuteurs. Ce résultat chez les
mères est supérieur à celui trouvé par
OUEDRAOGOL.T. et
coll. au Burkina qui était 17.7%
[25], mais se rapprocher de celui de FAYE A., SECK I., DIA AT
[9] au Sénégal qui avaient trouvé que
seulement 38.1% des parents connaissaient le calendrier vaccinal.
Les parents instruits (alphabétisés, primaire,
secondaire, supérieur) connaissent mieux le calendrier vaccinal que ceux
non instruits (p=0.000062). Par ailleurs, l'insuffisance de connaissance sur le
calendrier vaccinal par les parents occasionne des cas d'abandon de vaccination
de l'enfant (p<0.05). Ce qui corrobore avec les résultats obtenus par
SAWADOGO S., [21] et B. BOLANDA, P. TALANI, P. NZABA et coll.
[22] qui avaient trouvé que la méconnaissance du
calendrier vaccinal était l'une des raisons majeures de non vaccination
des enfants de 12 à 23 mois.
Les hommes ont une faible connaissance sur la vaccination des
enfants. Cela n'est pas favorable à leur implication dans le suivi
vaccinal des enfants. Cela pourrait être du à une exploitation non
diversifiée des canaux de communication surtout ceux communautaires.
Effet nos résultats montrent que la plupart des parents sont
informés par les agents de santé. La communication étant
au centre de toute action de prévention, nous pensons que celle-ci doit
être faite au travers de canaux et supports adaptés.
+ Influence des connaissances des MAPI par les
parents
Les MAPI simples sont bien connues par les parents (93.1%) et
principalement la fièvre (83.8%). Concernant la connaissance de la
fièvre, des résultats similaires ont été
trouvés au Bénin dans la revue du PEV 2008 [10]
et au Burkina par SAWADOGO M. [27], qui
étaient respectivement de 86% et 85.34%. Les autres MAPI simples sont
toutefois moins connues dans la présente étude.
Vérification de l'hypothèse
2
Concernant cette hypothèse notre analyse montre que le
niveau de connaissance des parents sur les maladies cible du PEV et sur le
calendrier vaccinal est faible respectivement de l'ordre de 27.59% et 47.2%.
Ces niveaux de connaissance se sont trouvés statistiquement
associés à l'abandon de la vaccination des enfants. Ce qui
confirme cette hypothèse.
83
Hypothèse 3 : Les perceptions des parents
d'enfants vis-à-vis des services de vaccination déterminent la
fréquence élevée des abandons de la vaccination entre le
BCG et le VAR chez les enfants de 0 à 11 mois dans la ville de
Pouytenga.
~ Perceptions sur la qualité des prestations
+ Influence de l'accueil
La majorité des mères 95.63% disent qu'elles
sont bien reçues lors des séances de vaccination. Toutefois, 3.5%
d'entre elles ont déclaré qu'elles n'ont pas été
reçues dans l'ordre d'arrivée et 37.7% n'ont pas eu une place
assise pendant l'attente. FAYE A., SECK I., DIA AT [9] avaient
également trouvé que l'accueil était bien
apprécié (99.8%).
+ Influence du temps d'attente
Le temps d'attente a été jugé long ou
très long par 85,6% des mères. Dans un contexte de ville
commerciale l'attente longue est incompatible avec les occupations de
mères. Ce résultat diffère de celui trouvé par
OUEDRAOGO L.T et Coll., [25] où le temps d'attente a
été jugé long par seulement 33.6%. Le long temps d'attente
dans cette étude engendre des coûts pour les mères qui sont
obligées de se restaurer.
+ Influence des informations reçues lors des
séances
Seulement 27.51% des mères ont déclaré
qu'elles recevaient les trois informations clés sur la vaccination.
Elles sont dans leur majorité informées sur les prochains
rendez-vous (98.25%) et des éventuelles MAPI (82.10%). Par contre elles
sont moins informées (31.44%) sur nature des antigènes lors des
différents contacts vaccinaux. Ces résultats corroborent avec
ceux trouvés dans le district sanitaire de Boussé [25] où
47.7% des mères disaient être informées sur les maladies
concernées par la vaccination, 63.8% sur les réactions
indésirables de la vaccination et 90.8% sur les MAPI. La faible
proportion
des mères informées sur la nature des
antigènes lors des contacts vaccinaux, explique leur faible niveau de
connaissance sur les maladies cibles du PEV toute chose qui a une influence sur
l'abandon de la vaccination.
~ Perception sur l'Organisation des services de
vaccination + Influence des occasions
manquées
Les mères qui ont manqué une occasion de faire
vacciner leur enfant représentent 24.0%. Ce résultat est
similaire au 16.9% d'occasion manquée trouvée par OUEDRAOGO L.T
et Coll., [25]. Dans notre étude, les mères qui
ont manqué plus d'une occasion représentent 61.82%. Nous avons
trouvé un lien entre les occasions manquées par les mères
et le statut vaccinal de l'enfant. La proportion de cas d'abandon est plus
élevée chez les mères ayant expérimenté un
ou plusieurs occasions manquées (p=0.001).
+ Influence du dispositif de rappel
Dans le cadre de la vaccination, un dispositif de rappel
et/ou de recherche des perdus de vue est important. Dans cette étude, la
majorité des mères disent être informée sur les
prochains rendez-vous (79.48%), mais 78.60% d'entre elles disent que la date du
prochain rendez-vous n'est pas inscrite dans le carnet de l'enfant. C'est ce
qui explique pourquoi certaines mères se trompent de date de
rendez-vous. Aussi, les mères ne sont pas informées (95.63%) de
l'existence d'un dispositif de rappel des enfants perdus de vue dans le cadre
de vaccination dans la ville de Pouytenga. Même parmi les cas d'abandons,
personne n'est au courant d'un quelque système de recherche des enfants
défaillants. On peut déduire qu'aucun d'entre eux, n'a jamais
été rappelé. Ce qui traduit une faiblesse du
système de recherche des perdus de vue en ville.
Vérification de l'hypothèse
3
En somme concernant les perceptions des mères
vis-à-vis des services de vaccination nos résultats montrent que
le long temps d'attente et les occasions manquées sont statistiquement
liés à l'abandon de la vaccination dans notre étude. Nous
en déduisons donc que notre troisième hypothèse est
confirmée.