La responsabilité des dirigeants en cas de procédure collective contre la société( Télécharger le fichier original )par Michel Justancia ILOKI Université de Poitiers, faculté de droit et des sciences sociales - DEA master recherche en droit privé fondamental 2005 |
B. Le prononcé de la sanctionLa sanction, facultative, est prononcée par le tribunal de la procédure collective saisi à cet effet par le mandataire judiciaire, le liquidateur ou le ministère public. L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce l'ouverture de la procédure de redressement ou liquidation judiciaire. En cas de carence du mandataire judiciaire ayant qualité pour agir, la majorité des créanciers nommés contrôleurs peut saisir le tribunal à toute époque de la procédure (art. L. 653-7, al. 2). Cette carence est établie lorsque ce mandataire de justice n'a pas engagé les actions prévues dans les articles définissant les cas de faillite personnelle dans les deux mois suivant la mise en demeure qui lui a été adressée par au moins deux créanciers contrôleurs88(*). Bien que les textes disposent que cette sanction doit être prononcée au cours de la procédure collective (donc avant le jugement de clôture de la procédure collective), la Cour de cassation se contente de ce que le tribunal ait été saisi avant la clôture de la procédure collective par une décision de justice passée en force de chose jugée89(*). Qu'en est - il des effets de la faillite personnelle ? C. Les effets de la faillite personnelle. Les effets de la faillite personnelle comportent les interdictions et déchéances (1) et les autres effets isolés (2). 1. / Les interdictions et déchéances Ces interdictions sont de deux ordres : l'élimination du failli de toute fonction dirigeante ou de contrôle et l'élimination éventuelle du failli de toute fonction publique élective. A cela s'ajoute la durée de l'interdiction. - Elimination du failli de toute fonction dirigeante ou de contrôle Selon l'article L. 653-2 : « la faillite personnelle emporte, à l'égard du failli, interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale ». La généralité de la formule, dans sa nouvelle rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005, conduit à éliminer temporairement le dirigeant sanctionné non seulement de la vie des affaires, mais également de toute activité professionnelle et toute responsabilité dans les secteur associatif, sauf pour lui à utiliser des prête-noms non décelés, ou à être salariés ou VRP. En même temps qu'elle a élargi les activités interdites au dirigeant sanctionné, la reforme de 2005 a, à l'inverse, réduit la liste des interdictions accompagnant de plein droit la faillite personnelle. A en effet été abrogé l'ancien article L. 625-2, al. 2 du Code de commerce qui disposait que la faillite personnelle entraînait les interdictions et déchéances applicables « aux personnes qui étaient déclarées en état de faillite au sens donné à ce terme antérieurement au 1er janvier 1968 ». Le failli était ainsi soumis à un certain nombre de déchéances civiques, honorifiques (interdiction de port de certaines décorations), ainsi que professionnelles. La faillite personnelle était un cas d'interdiction d'accès par exemple aux professions juridiques et judiciaires90(*). Il conservait toutefois ses droits de famille (tel que l'autorité parentale).
- L'élimination éventuelle du failli de toute fonction publique élective Le tribunal qui prononce la faillite personnelle peut prononcer l'incapacité d'exercer une fonction publique élective. L'incapacité est prononcée pour une durée égale à celle de la faillite personnelle (art. L 653- 10). L'ancien article 194 de la loi de 1985 interdisait au failli, ainsi d'ailleurs qu'à toute personne physique mise en liquidation judiciaire, d'exercer une fonction publique élective. Mais cet article avait été d'abord déclaré inconstitutionnel91(*)avant d'être abrogé par l'ordonnance de codification du Code de commerce du 18 septembre 2000. Les commerçants mis en liquidation judiciaire n'étaient donc plus frappés de plein droit d'une incapacité d'exercer par exemple un mandat de député, comme le prévoyait cet article 194. L'avantage du nouvel article L.653-10 est de fixer très clairement le régime de cette interdiction, dont le prononcé est laissé à l'appréciation des juges de fond. Les interdictions venant d'être connues, combien de temps durent donc t-elles ? - La durée de l'interdiction La durée de ces interdictions et déchéances est fixée expressément par le tribunal, sans pouvoir être augmentée par la cour d'appel92(*). Mais elle ne peut pas être supérieure à quinze ans93(*). La décision du tribunal est naturellement influencée par l'analyse du comportement passé de la personne sanctionnée, notamment pendant la période précédent le dépôt de bilan. Ces interdictions peuvent cependant prendre fin avant l'arrivée du terme : - d'abord de plein droit lorsque est intervenu un jugement de clôture pour extinction du passif, y compris après exécution de l'obligation aux dettes sociales prononcée à son encontre ; - ensuite sur décision du tribunal, prise à la demande du dirigeant failli lui-même, qui peut le relever, en tout ou partie, des déchéances et interdictions s'il a apporté une contribution suffisante au paiement du passif (C.com.art.L.653-11, al 3). L'imprécision de la notion de « contribution suffisante » laisse ainsi une large place à l'appréciation souveraine des juges du fond, qui peuvent être influencés par exemple par le degré d'implication du failli dans la création passée de ce passif94(*). Mais la seule constatation qu'un dirigeant condamné à combler le passif social s'est acquitté de sa dette ne suffit pas à établir que sa contribution au passif est suffisante : le montant de la condamnation au titre de l'article L.651-2 du Code de commerce peut en effet être inférieur au passif à combler. Lorsque le relèvement est total, la personne condamnée est réhabilitée, et se voit rétablie dans l'intégralité de ses droits. La violation de ses interdictions, dont la poursuite d'une activité commerciale par l'intermédiaire d'un prête-nom, constitue un délit pénal lourdement sanctionné (2 ans d'emprisonnement et/ou 375 000 € d'amende : art.L.654-15). 2. / Les autres effets Le dirigeant failli est non seulement écarté de toute fonction dirigeante en général, mais il est également privé de tout pouvoir dans l'entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire. En effet, lorsque le failli est associé de la personne morale soumise à la procédure collective, la faillite personnelle le prive de son droit de vote (qui est alors exercé par un mandataire désigné par le tribunal). Le tribunal peut même prononcer son exclusion de la société en lui enjoignant de céder ses parts ou actions, et au besoin en ordonnant leur cession forcée : le produit de la vente est alors affecté au paiement de la part des dettes sociales mises à la charge du dirigeant (C.com, art.L.653-9, al. 1 et 2). Enfin, et la mesure profite aux créanciers du débiteur personne physique, la faillite personnelle de ce dernier lui interdit de se prévaloir des dispositions de l'article L. 643-11-I du Code de commerce (prévoyant l'apurement du passif non payé en cas de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif). A défaut du prononcé de la faillite personnelle, le tribunal peut se contenter de prononcer une mesure d'interdiction de gérer d'une portée plus limitée (C. com., art. L. 653-8).
* 88 Décret 28 déc. 2005, art. 324. * 89 Cass. Com., 22 oct. 1996 : JCP E 1997, I, 623, n° 12. * 90 B. Soinne, Traité des procédures collectives, Litec, 2e éd. 1995, n° 2689-2695. * 91 Cons. Const., 15 mars 1999 : JO 21 mars 1999. * 92 Cass. Com. 3 nov. 1992, Bull. civ., IV. n° 343. * 93 En se contentant de fixer une durée maximale, importante, la loi du 26 juillet 2005 a renversé l'approche ancienne, puisque l'ancien article L. 625-10 du Code de commerce imposait à l'inverse une durée minimale de cinq ans, sans limite supérieure, sauf l'impossibilité d'une condamnation à vie. Est ainsi donnée au tribunal la possibilité d'adapter plus finement sa sanction à chaque cas d'espèce. Les interdictions et déchéances prononcées plus de quinze ans avant la date de publication de la reforme (27 juillet 2005) ont donc pris fin de plein droit à cette date (L. 2005, art. 190 2° et Cass. Com. 29 nov. 2005, JCP E 2005-365 * 94 CA Paris, 12 juin 1990 : RJ com. 1991, p.181, note J-P Marchi. |
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