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La responsabilité des dirigeants en cas de procédure collective contre la société

( Télécharger le fichier original )
par Michel Justancia ILOKI
Université de Poitiers, faculté de droit et des sciences sociales - DEA master recherche en droit privé fondamental 2005
  

Disponible en mode multipage

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FACULTE DE DROIT ET DES

SCIENCES SOCIALES

 

 

 

MEMOIRE POUR L'OBTENTION DU MASTER RECHERCHE EN DROIT PRIVE FONDAMENTAL

THEME : LA RESPONSABILITE DES DIRIGEANTS EN CAS DE PROCEDURE COLLECTIVE CONTRE LA SOCIETE

Sous la Direction du Professeur

Jean Claude Hallouin

Présenté par : Michel Justancia ILOKI

Année Académique 2005 - 2006

REMERCIEMENTS

Mes remerciements vont ici à ceux qui m'ont permis d'apprendre l'essentiel de ce que je sais dans ce domaine, particulièrement

M. Jean Claude Hallouin dont les observations attentives et éclairées m'ont été particulièrement précieuses, à mon amie Isis Mabiala, et à ma femme Eléonore ILOKI née THOIREY, ainsi qu'à tous ceux qui m'ont aidé de leurs encouragements.

ABREVIATIONS

al.

alinéa

A.N. ou Ass. Nat.

Assemblée Nationale

art.

article

B.O

Bulletin officiel

Bull. soc. ou Bull. Joly

Bulletin mensuel d'information des sociétés Joly

Bull. Cass. civ.

Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (chambres civiles)

B.R.D.A.

Bulletin rapide de droit des affaires Francis Lefebvre

Cass. ou C. cass.

Cour de cassation

Cass. civ.

Chambre civile de la Cour de cassation

Cass. com.

Chambre commerciale de la Cour de cassation

Cass. crim.

Chambre criminelle de la Cour de cassation

Cass. Req.

Chambre des requêtes de la Cour de cassation

C. civ.

Code civil

C. com.

Code de commerce

C. const.

Conseil constitutionnel

C.E. ou Cons. Etat

Conseil d'Etat

C.J.C.E.

Cour de justice des Communautés Européennes

comm.

commentaire

concl.

conclusions

cit.

cité

Chr. ou Chron.

Chronique

D.

Recueil Dalloz

D.H.

Dalloz hebdomadaire

D.P.

Dalloz périodique

Doct.

Doctrine

Dr. Sociétés

Droit des sociétés

éd.

édition

fasc.

fascicule

Gaz. Pal.

Gazette du Palais

ibid.

ibidem (au même endroit)

I.R.

Informations rapides

Jcl.

Jurisclasseur

J.C.P. ou J.C.P. (éd. G.)

Jurisclasseur périodique, édition générale

JCP (éd. E)

Jurisclasseur édition entreprise

J.O.

Journal Officiel

Les P.A.

Les pétites affiches

L.

Loi

obs°

observations

op. cit

opus citatum (ouvrage cité)

préc.

précité

R.D.Com.

Revue de droit commercial

Rec. Const. D'Et.

Recueil des décisions du Conseil d'Etat

Rép. min.

Réponse ministérielle

R.J.C.

Revue de jurisprudence commerciale

Rev. proc. coll.

Revue des procédures collectives

Rev. soc.

Revue des sociétés

RJDA

Revue de jurisprudence de droit des affaires

R.T.D. Com.

Revue trimestrielle de droit commercial

S.

Recueil Sirey

s.

suivant

SA

Société Anonyme

SARL

Société à Responsabilité Limitée

SNC

Société en nom collectif

 
 

SOMMAIRE

INTRODUCTION..................................................................................7

Chapitre I LES SANCTIONS PATRIMONIALES ENCOURUES PAR LES DIRIGEANTS EN CAS DE PROCEDURE COLLECTIVE CONTRE LA SOCIETE DEPUIS LA LOI DU 26 JUILLET 2005......................................................15

Section I La responsabilité des dirigeants pour insuffisance d'actif social.........16

Paragraphe 1 Le maintien des conditions générales de la responsabilité pour insuffisance d'actif................................................................................18

Paragraphe 2 La procédure et la large autonomie reconnue au tribunal..................24

Paragraphe 3 Les conséquences de la condamnation des dirigeants pour insuffisance d'actif................................................................................................28

Section II Le remplacement des procédures collectives sanctions par la nouvelle obligation aux dettes sociales du nouveau article L 652-1 du C. Com. issue de la loi du 26 juillet 2005.................................................................................32

Paragraphe 1 Les conditions du prononcé de la sanction (les cinq cas de l'article L 652-1).....................................................................................................34

Paragraphe 2 La procédure......................................................................35

Paragraphe 3 La condamnation au paiement des dettes.....................................36

Chapitre II LES SANCTIONS PROFESSIONNELLES ET PENALES ENCOURUES PAR LES DIRIGEANTS EN CAS DE PROCEDURE COLLECTIVE CONTRE LA SOCIETE DEPUIS LA LOI DU 26 JUILLET 2005.........................................40

Section I Les sanctions professionnelles....................................................41

Paragraphe 1 La faillite personnelle............................................................41

Paragraphe 2 L'interdiction de gérer ..........................................................49

Section II Les sanctions pénales..............................................................51

Paragraphe1 Délit de banqueroute..............................................................51

Paragraphe 2 Les autres infractions............................................................54

CONCLUSION....................................................................................56

INTRODUCTION

«Si tous subissent le choc de l'ouverture d'une procédure collective, les conséquences en sont évidemment différentes pour les dirigeants, pour lesquels se posent avant tout la question de leur responsabilité dans cet échec et donc des sanctions »1(*)

La mise sous procédure collective d'une entreprise a des répercussions sur la situation de son ou ses dirigeants même si l'idée d'une distinction entre l'homme et l'entreprise, chère au doyen Houin, s'est imposée depuis la loi du 13 juillet 1967. Ainsi, malgré l'écran que constitue la personne morale, les lois successives ont maintenu la possibilité de condamner ceux qui sont les véritables maîtres de l'affaire.

Il est assez légitime de s'interroger sur l'incidence des fautes des dirigeants sur la défaillance de l'entreprise débitrice chaque fois que celle-ci ne peut plus être redressée, et de mettre en cause le cas échéant leur responsabilité personnelle pour réparer le préjudice subi par les créanciers. La question ne se pose cependant que dans les personnes morales puisque le débiteur personne physique est déjà sanctionné par le droit de gage des créanciers sur la totalité de son patrimoine.

Au gré des réformes successives, le législateur s'est attaché à restaurer le couple pouvoir-responsabilité en permettant d'exposer, au delà de l'écran de la personne morale, les dirigeants à des sanctions, à finalité indemnitaire, disciplinaire, préventive ou punitive.

Pourtant le droit des entreprises en difficulté a récemment encore été qualifié de « branche du droit bien décourageante »2(*). Il est vrai qu'il aboutit rarement aux résultats escomptés. Malgré la distinction de l'homme et de l'entreprise initiée en 1967, malgré les textes de 1985 guidés par la volonté de redressement de l'entreprise, 95 % de procédures se terminent par une liquidation judiciaire. Pour reprendre une expression récemment employée par le président de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation, Monsieur Daniel Tricot, « quel gâchis : 5 % environ de sauvetages ! »3(*).

En réponse à ce propos le législateur a parlé une nouvelle fois : la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises publiée au Journal officiel de la République française du 27 juillet 2005 modifie en profondeur la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, elle-même largement remaniée par la loi n° 94-475 du 10 juin 1994 sur la prévention et le traitement des difficultés des entreprises, puis intégrée dans le Livre VI du Code de commerce crée, pour sa partie législative, par l'ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000. L'évolution est évidente : déjà en 1994 le législateur insistait sur la prévention ; en 2005 il affiche la sauvegarde.

Le nouveau droit des entreprises en difficulté est arrivé. C'est la cinquième réforme des procédures collectives en cinquante ans. La durée de vie moyenne des textes en la matière est donc facile à calculer4(*). Le moins que l'on puisse dire est que cette réforme était attendue. Depuis 19985(*), document d'orientation, document préparatoire, avant-projet et projet de loi ont donné lieu à discussions et colloques. Ils ont engendré une abondante littérature juridique. Toutes les personnes et institutions concernées se sont manifestées : parlementaires6(*), Cour de cassation7(*), Conférence générale des tribunaux de commerce, Chambre de commerce et d'industrie de Paris, MEDEF, Conseil national et associations professionnelles des mandataires de justice etc. Cette concertation a pris une telle ampleur qu'il serait fastidieux d'énumérer de manière exhaustive ceux qui y ont pris part et l'avalanche de communications auxquelles elle a donné lieu. On ne peut manquer, cependant, de rendre hommage aux services de la Chancellerie qui ont dirigé ce chantier difficile avec ardeur et compétence. Le projet de loi diffusé le 26 janvier 2004 a été sensiblement revu par le Conseil d'État avant d'être déposé le 12 mai 2004 à l'Assemblée nationale8(*). Il n'a été examiné, en première lecture, après déclaration d'urgence, qu'en mars 2005 à l'Assemblée et en juin au Sénat, pour être définitivement voté par les deux assemblées, après réunion d'une Commission mixte paritaire, le 13 juillet. Le Conseil constitutionnel ayant été saisi par des parlementaires de l'opposition, la constitutionnalité des dispositions contestées a été reconnue par décision du 22 juillet9(*) et la loi n° 2005-845 de sauvegarde des entreprises a été promulguée le 26 juillet 2005 et publiée au Journal Officiel du 27 Juillet 2005.

La réforme est assurément d'ampleur, au moins quantitativement, puisque le texte de loi définitif compte 196 articles. Autant dire que la plupart des articles du livre VI du Code de commerce subissent des modifications plus ou moins importantes, allant de l'abrogation à la réécriture, en passant par des améliorations. Pour autant, il est difficile de mesurer la véritable ampleur des changements. Tout au plus peut-on dès à présent constater qu'il ne s'agit pas d'un bouleversement entraînant un changement de philosophie comme en 1985, mais à l'inverse il ne s'agit pas non plus d'un toilettage, même approfondi comme en 1994. Révolutionnaire, cette loi l'est plus par la méthode que par les objectifs qu'elle s'assigne, qui ne changent pas par rapport à la législation précédente10(*).

Néanmoins la loi de sauvegarde constitue une évolution incontestablement importante de la législation. Chacun s'accorde à constater les emprunts à la législation américaine et spécialement au chapitre 11, qui consacre la possibilité pour l'entreprise de se placer sous la sauvegarde de la justice, sans être en état de cessation des paiements. La loi nouvelle s'inscrit également dans la lignée d'autres législations européennes du droit des procédures collectives, qui, pour nombre d'entre elles, viennent d'être modifiées, d'autres devant l'être très prochainement. L'axe principal est le même : celui de l'anticipation dans le traitement des difficultés des entreprises. Ce phénomène d'alignement de la législation française sur celles des autres pays européens est nouveau, mais n'est pas le fruit du hasard. La législation du 25 janvier 1985 constitue un épouvantail à créanciers, qui détourne les potentiels partenaires européens. La loi de sauvegarde des entreprises apporte, sur ce terrain, des réponses nouvelles, plus conformes à la vision des autres législateurs européens.

Certaines innovations sont assurément spectaculaires, du moins au regard de l'appréhension traditionnelle des difficultés des entreprises par le droit français. Il suffit pour s'en convaincre de se reporter à la nouvelle procédure de sauvegarde instituée par cette loi, procédure qui est une véritable procédure collective, puisqu'elle se traduit par la mise en place d'une discipline collective des créanciers et par la suspension de leurs poursuites, mais procédure qui ne peut être ouverte qu'avant cessation des paiements. Depuis des années, et même en 1985, la notion de cessation des paiements avait été discutée, critiquée, d'aucuns la jugeant trop rigoureuse, d'autres estimant qu'elle entraînait un recours beaucoup trop tardif à un traitement judiciaire. La réforme de 2005 ne modifie pas cette notion, elle fait beaucoup plus, puisque désormais un débiteur peut bénéficier d'une procédure collective avant d'être en cessation des paiements, ou plus précisément, il ne peut bénéficier de cette procédure qu'avant d'être en cessation des paiements. Si on hésite à employer le terme de révolution, il n'en reste pas moins qu'il y a là plus qu'une simple innovation, et en ce sens, le texte du 26 juillet 2005 constitue assurément une réforme et non un simple toilettage approfondi.

Dans l'exposé des motifs du projet de loi11(*), il est affirmé que notre droit des difficultés des entreprises «est désormais inadapté à notre économie», affirmation qui doit être nuancée puisque la philosophie des textes de 1985 n'est pas véritablement remise en cause. Si le législateur de 2005 critique les lois de 1985, qui selon lui, trouvaient leur place «dans une économie dirigée» et se traduisaient par «un considérable amoindrissement des droits des créanciers», il rappelle également que «l'objectif de la sauvegarde de l'entreprise est crucial» ; et cet objectif doit être poursuivi. Il s'agit donc, non pas de revenir à une conception patrimoniale de la matière, mais de poursuivre cette recherche de traitement des difficultés des entreprises, «par des moyens diversifiés, sans porter d'atteintes excessives aux autres entreprises que sont les créanciers». L'accent est plus que jamais mis sur la prévention, sur le traitement préventif, traitement préventif qui peut au besoin être judiciaire. La liquidation judiciaire n'est pas oubliée, elle est redéfinie, ou plutôt, elle est enfin définie et appréhendée comme une véritable procédure, et non comme une sorte d'incidente faisant suite à l'échec du redressement.

Ensuite, le législateur de 2005 a souhaité diversifier les procédures de traitement des difficultés des entreprises et il n'est pas inutile d'énoncer dès à présent les instruments mis à disposition des entreprises : désignation d'un mandataire ad hoc ; procédure de conciliation qui se substitue au règlement amiable, tout en conservant son caractère souple et consensuel ; procédure de sauvegarde, à condition que le débiteur ne soit pas en cessation des paiements, et qui a vocation à donner lieu à un plan de sauvegarde, sorte de plan de continuation de l'entreprise ; procédure de redressement judiciaire, après cessation des paiements ; liquidation judiciaire étant précisé que désormais est instituée une liquidation judiciaire simplifiée pour les entreprises de taille très modeste et que cette liquidation peut également se traduire par une cession globale ou partielle de l'entreprise, mais que cette liquidation tend enfin à devenir une procédure autonome et non la fin ou la suite d'une tentative de redressement.

En d'autres termes, le droit français met désormais à disposition du débiteur trois procédures collectives de traitement judiciaire de ses difficultés, la sauvegarde, le redressement et la liquidation. Soit, le débiteur anticipe la cessation des paiements et il recourt à la procédure de sauvegarde, bénéficiant des avantages de cette procédure ; soit il peut, dans les quarante-cinq jours de la cessation des paiements recourir au redressement judiciaire, mais cette procédure ne lui offre pas les mêmes avantages et, dans la même situation, il peut recourir à la procédure de conciliation (à tel point que l'on peut se demander si la procédure de redressement judiciaire n'aura pas à terme, vocation à devenir une procédure résiduelle... mais sans doute est-ce là faire preuve de trop d'optimisme...), qui, si elle n'est pas une procédure collective n'en a pas moins beaucoup d'attraits. Soit le redressement paraît impossible, et il convient de liquider l'entreprise et plus précisément de liquider son patrimoine, le débiteur étant alors écarté, et la liquidation de ce patrimoine pouvant se traduire par un maintien de tout ou partie de l'activité à travers une cession, mais s'il faut liquider, il faut alors le faire, si possible, rapidement, personne n'ayant à gagner, ni le débiteur, ni ses créanciers à ce que cette procédure s'éternise.

La loi de 2005 se distingue aussi par l'instauration des procédures plus attractives et plus rapides. Sur ces deux points, des efforts sensibles ont été faits.

Le législateur tente d'améliorer la prévention, et tente également de rendre les procédures de traitement judiciaire plus attractives, précisément en vue d'inciter le débiteur à recourir à ces procédures sans appréhension en cas de difficulté.

C'est particulièrement le cas pour la nouvelle procédure de sauvegarde, qui notamment «revalorise la situation du débiteur»12(*). L'une des idées-forces de cette réforme, très ambitieuse sur ce point, est d'encourager le recours précoce aux instruments juridiques de traitement des difficultés ; le souhait du législateur est que la faillite ne soit plus considérée par le chef d'entreprise et par les milieux économiques comme un aveu d'échec irrémédiable. Il faut donc «savoir dépasser les réticences du chef d'entreprise et de l'opinion publique économique»13(*). Afin d'encourager le recours aux traitements préventif ou curatif, la loi du 26 juillet 2005 "redistribue" pour partie les rôles dans la procédure. Outre l'amélioration de la situation du débiteur qui accepte de recourir à un traitement de manière suffisamment précoce, les créanciers sont invités à participer plus activement à la recherche d'une solution, notamment dans les grandes entreprises, par la mise en place de deux comités de créanciers. On constate également un certain recul du rôle du tribunal de commerce qui est désormais «consacré comme un organe protecteur des entreprises qui peuvent se placer sous main de justice sans être en cessation des paiements»14(*), recul qui se traduit par une présence plus active du ministère public. On relèvera également le souci d'accélérer le déroulement des procédures. À cet effet, avec pragmatisme, est notamment mise en place une procédure de liquidation simplifiée qui permettra au débiteur n'ayant que peu d'actifs d'obtenir la clôture de la procédure dans l'année qui suit son dépôt de bilan.

D'autres innovations peuvent également dès à présent être signalées et en particulier l'extension du champ d'application du droit des entreprises en difficulté aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, qui vont enfin pouvoir bénéficier d'un mode de traitement collectif de leurs difficultés. Le texte tente également d'améliorer les droits des créanciers antérieurs, de limiter le passif postérieur privilégié, de simplifier certaines mesures... autant de modifications qui le plus souvent ne bouleversent pas l'ancien régime du droit des entreprises en difficulté mais qui ne sont pas négligeables pour autant.

Quant aux sanctions, ce sur quoi porte notre travail, elles sont également modernisées. À cet égard, le législateur de 2005 poursuit l'oeuvre de séparation de l'homme et de l'entreprise initiée en 1967.

L'étude consacrée au Chapitre V de la Loi du 26 juillet 2005 nous paraît tout à fait opportun car elle nous amène à nous interroger sur une question nouvelle faisant partie de l'actualité brûlante du droit des sociétés et à laquelle peu d'études sont menées à l'heure actuelle. Ce qui nous conforte dans cette mission c'est de s'être donné la tâche de figurer parmi les pionniers investis à son étude.

En revanche, la mission que nous nous sommes confiée pour cette tâche n'est pas de faire une étude sur la responsabilité des dirigeants des sociétés en général, mais d'étudier la responsabilité des dirigeants dans des circonstances très particulières des procédures collectives. Ce qui nous évite d'ailleurs de faire une étude exhaustive de la loi du 26 juillet 2005, mais plutôt de nous intéresser à son chapitre V intitulé : « Des responsabilités et sanctions ». Il s'agit bien entendu de la responsabilité des dirigeants sociaux en cas de procédure collective que nous devons traiter.

La délimitation s'avère très nécessaire pour notre travail de peur de sombrer dans l'évasion sans pour autant répondre à la question essentielle qui constitue la matière de notre étude.

De ce fait, la question à résoudre se pose de la manière suivante : quels sont les apports de la loi du 26 juillet 2005 et les nouveaux sorts qu'elle édicte aux dirigeants sociaux soumis à des procédures collectives par rapport aux lois qui lui ont précédée ?

La réponse à cette question nous dicte de l'aborder sous deux angles classiques : d'une part, les sanctions patrimoniales encourues par les dirigeants en cas de procédure collective contre la société (I) et d'autre part, les sanctions professionnelles et pénales (II).

CHAPITRE I

_______________________________________________________________________________________________________________________________Chapitre I LES SANCTIONS PATRIMONIALES ENCOURUES PAR LES DIRIGEANTS EN CAS DE PROCEDURE COLLECTIVE CONTRE LA SOCIETE DEPUIS LA LOI DU 26 JUILLET 2005.

Auparavant, le dirigeant d'une société faisant l'objet d'une procédure collective encourait deux sortes de sanctions patrimoniales : la mise en redressement ou en liquidation judiciaire personnel et l'obligation de supporter tout ou partie des dettes sociales, sanction connue sous le nom de comblement du passif social. Cette dernière a été conservée par la loi de 2005 moyennant quelques modifications. La loi nouvelle n'évoque pas l'idée des sanctions pécuniaires mais celle de responsabilité. Ces mesures constituent en effet un mode particulier de mise en jeu de la responsabilité civile délictuelle15(*). Elle reprend, sous quelques adaptations, l'action en comblement de passif de la législation antérieure, en évoquant désormais « la responsabilité pour insuffisance d'actif », mais supprime le redressement et la liquidation judiciaires personnels, du fait de la suppression systématique de la procédure collective sanction. Une des innovations principales de la loi de sauvegarde des entreprises est donc celle là. Désormais, une telle procédure est nécessairement liée à l'existence d'une cessation des paiements.

En substitution de cette sanction, la loi crée une nouvelle « obligation aux dettes sociales » que nous appellerons dans les développements qui suivent, « obligation aux dettes de l'article L 652-1 nouveau du Code de Commerce ».

Dans le projet initial, cette nouvelle sanction apparaissait comme une sanction aggravée de l'action en comblement de passif car le dirigeant condamné devait supporter la totalité des dettes sociales, sans que le tribunal ait le pouvoir de moduler la sanction. Mais au fil des travaux parlementaires, la distinction entre les deux sanctions s'est atténuée-le tribunal s'étant vu reconnaître le pouvoir de moduler le montant de la dette mise à la charge du dirigeant-, de sorte que ces deux sanctions pécuniaires sont devenues très proches l'une de l'autre. Les sections (I) et (II) de notre Chapitre leur seront respectivement consacrées.

Section I La responsabilité des dirigeants pour insuffisance d'actif social.

L'action en comblement de passif devenue l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif est une action en responsabilité civile délictuelle16(*), à caractère non répressif, solution déjà posée sous l'empire de la loi du 13 juillet 196717(*), mais exclusivement indemnitaire18(*), ayant pour objet la réparation du préjudice subi par la collectivité des créanciers. La solution permet d'écarter le jeu de l'article 4 du protocole n° 7 de la Convention Européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui interdit de punir deux fois pour des mêmes faits19(*).

Sous l'empire de la loi du 13 juillet 1967, l'action en comblement de passif présentait par rapport à l'action en responsabilité civile, une particularité évidente : le demandeur à l'action était disposé de prouver la faute et le lien de causalité entre la faute et le préjudice. Deux des trois éléments classiques de la trilogie constitutive d'une action en responsabilité étaient présumés. Cette absence d'assimilation entre l'action en responsabilité civile contre les dirigeants de sociétés, telle celle visée aux articles 52 et 244 de la loi du 24 juillet 1966 (devenus C. com., art. L. 223-22 et L. 225-251), et l'action en comblement de passif emportait des conséquences. Le syndic en tant que représentant de la masse des créanciers, avait le choix d'engager une action en comblement de passif contre les dirigeants sociaux ou une action en responsabilité de droit commun des sociétés sur le fondement des articles 52 et 244 de la loi du 24 juillet 1966 ou 1382 et 1383 du Code civil20(*). Cette dualité d'actions autorisait les créanciers, invoquant un préjudice personnel, à agir contre les dirigeants sociaux, ut singuli. En outre, pour obtenir réparation de leur fraction individuelle de préjudice collectif, ils pouvaient agir si le syndic n'agissait pas.

La loi du 26 juillet 2005 retraduit la nature juridique de l'action en comblement de passif en la traitant dans un chapitre intitulé « de la responsabilité pour insuffisance d'actif ». La nature d'action en responsabilité est donc affirmée.

L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif est aujourd'hui à l'encontre du dirigeant d'une personne morale débitrice, la seule action en responsabilité civile recevable21(*).

Il est interdit d'actionner un dirigeant, fut-il de fait, sur le fondement de l'action en responsabilité civile de l'article 1382 du Code civil et sur le fondement de l'action en comblement de passif ou sur celui du redressement ou de la liquidation judiciaires personnels22(*). L'action en responsabilité de droit commun contre les dirigeants sociaux est cependant recevable, si elle tend à la réparation d'un préjudice postérieur au jugement d'ouverture23(*). En même temps, la cour de cassation énonce pour la première fois, une règle prétorienne déjà souvent affirmée par les juges du fond : celle de la recevabilité d'une action en responsabilité personnelle engagée par un créancier à l'encontre du dirigeant d'une société mise en procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture24(*).

Selon l'article 128 de la loi  n° 2005-845, 26 juill. 2005, et le nouvel article L.651-2 al.1 du Code de commerce :

« lorsque la résolution d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. »

L'article L. 624-3 devenu l'article L. 651-2 subit quelques retouches afin de prendre en compte la nouvelle procédure de sauvegarde. Ce n'est plus l'ouverture d'une procédure de redressement qui autorise une action en responsabilité pour insuffisance d'actif mais la résolution du plan de continuation. En principe, l'exécution du plan doit permettre l'apurement du passif, ce qui exclut une action pour insuffisance d'actif. Le législateur a été convaincu par cette analyse25(*). Voilà pourquoi la mise en oeuvre de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif supposera la résolution du plan de redressement26(*). La même solution est retenue à propos de la procédure de sauvegarde pour un motif similaire. De surcroît, le maintien de la solution appliquée à l'actuel redressement aurait été de nature à dissuader les dirigeants de recourir à cette procédure. Comme aujourd'hui, la liquidation judiciaire autorisera l'action en insuffisance d'actif.

Avant comme après la réforme, on retrouve la trilogie classique : faute (B), dommage (A) et lien de causalité (C) entre les deux.

La loi nouvelle comme l'ancienne emploie la même formule "faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif". En l'absence de définition de la faute de gestion ou du lien de causalité, les solutions retenues actuellement en jurisprudence ont vocation à être reconduites sous l'empire de la loi nouvelle. Nous constatons le maintien des conditions générales de la responsabilité pour insuffisance d'actif avec à sa suite l'évolution en matière de saisine.

Paragraphe1 Le maintien des conditions générales de la responsabilité pour insuffisance d'actif.

Alors que sous l'empire des textes antérieurs à la réforme de 2005, un dirigeant pouvait être poursuivi en comblement de passif même lorsque la société était mise en redressement judiciaire, il ne peut désormais plus l'être en cas d'ouverture d'une procédure de redressement ou de sauvegarde.

En effet, les dirigeants peuvent être condamnés à supporter tout ou partie des dettes sociales - mesure connue sous le nom d'action en comblement de passif - lorsque la résolution du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire de la société fait apparaître une insuffisance d'actif.

La condamnation pour insuffisance d'actif suppose à présent comme toujours, la réunion de trois conditions :

§ Une insuffisance d'actif de la personne morale révélée après la résolution du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire et lors de la liquidation judiciaire (A) ;

§ Une faute de gestion du dirigeant (B);

§ Un lien de causalité entre ces deux éléments (C), dans la mesure où, pour l'article L.651-2 al.1 du Code de commerce, la faute de gestion doit avoir « contribué » à l'insuffisance d'actif 27(*) écartant toute condamnation des dirigeants alors pourtant qu'ils avaient commis des fautes de gestion, au motif que l'insuffisance d'actif social trouvait son origine non dans ces fautes mais dans la mésentente entre les associés.

A. Insuffisance d'actif

Le tribunal saisi doit d'abord constater chez la personne morale une insuffisance d'actif, qui est en quelque sorte le préjudice réparable. D'après la Cour de cassation28(*) l'existence et le montant de l'insuffisance de l'actif social doivent être appréciés au moment où statue la juridiction saisie de l'action tendant à faire supporter tout ou partie de cette insuffisance d'actif par un dirigeant, et non pas au jour de l'ouverture de la procédure collective.

L'évaluation de l'actif et du passif en cours de procédure laisse la place à une certaine marge d'erreur, puisque seul l'achèvement des opérations de la procédure collective permet de l'établir avec certitude.

Toutefois, le seul passif à prendre en compte est celui constitué par les créances nées avant l'ouverture de la procédure collective : donc pas par les frais de justice entraînés par cette dernière29(*).

Une telle insuffisance d'actif existe, même avant la clôture des comptes, dès que la différence entre le passif et l'actif paraît indiscutable, des variations seraient-elles susceptibles d'intervenir30(*).

Plus généralement, l'insuffisance d'actif n'a pas à être définitivement chiffrée pour que les dirigeants sociaux puissent être condamnés31(*) ; il suffit qu'il soit établi de manière certaine au moment où le tribunal ou la cour d'appel statue que la procédure d'apurement du passif atteignant la personne morale ne permettra pas de payer intégralement tous les créanciers antérieurs au jugement d'ouverture32(*).

Ainsi la clôture pour insuffisance d'actif n'est pas un obstacle à l'action en comblement de passif. Cela étant, il y a lieu d'exclure la responsabilité pécuniaire d'un dirigeant dont l'action a pour effet de réduire globalement l'insuffisance d'actif de la société33(*).

La gestion sociale qui ne peut donner lieu à l'action en comblement du passif est celle qui est postérieure à l'ouverture de la procédure collective et non celle qui est postérieure à la déclaration de la cassation des paiements34(*). Seule la gestion antérieure au jugement d'ouverture peut donc être « incriminée »35(*). Et l'insuffisance d'actif existant à ce moment-là constitue le plafond de la condamnation que peut encourir le dirigeant36(*). L'insuffisance d'actif en tant préjudice ne saurait exister sans la commission par le dirigeant d'une ou des fautes de gestion.

B. Faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif37(*).

Les erreurs de gestion peuvent présenter des degrés de gravité plus ou moins importants; l'acte répréhensible peut se produire de manière isolée mais le plus souvent il existe un faisceau de faits positifs ou de simples abstentions ou imprudences qui, au bout du compte, caractérise la faute de gestion. Celle-ci est donc composée d'éléments divers. Elle peut apparaître dès la création de l'entreprise, mais le plus souvent c'est au cours de l'activité et/ou durant la période de la cessation de paiement jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure collective qu'elle est la plus fréquente engendrant ainsi la responsabilité des dirigeants en cas d'insuffisance d'actif.

La condamnation pour insuffisance d'actif des dirigeants suppose la preuve d'une faute de gestion38(*). La qualification de la faute de gestion, qui n'est pas définie par le Code de commerce, relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond, et doit être déduit du comportement passé du dirigeant par comparaison à ce qu'aurait été le comportement d'un dirigeant normalement compétent et placé dans la même situation39(*).

La jurisprudence a une conception très large de la faute de gestion, à l'image de celle développée en matière de responsabilité des dirigeants d'une société in bonis40(*). Elle la déduit d'une véritable appréciation qualitative de la gestion. Elle retient aussi bien un défaut de surveillance ou de diligence que des décisions imprudentes, fruit d'erreurs d'appréciation graves, notamment sur le financement des investissements ou le niveau des risques financiers41(*).

La difficulté concrète est alors de déterminer le seuil de gravité à partir duquel l'erreur dans l'appréciation des opportunités de gestion commise lors de la prise de décision, qui fait partie des aléas de la vie des affaires, devient une faute de gestion au titre de la responsabilité civile des dirigeants. Il est incontestable que les mauvais résultats d'une décision ne sont pas en eux-mêmes un élément suffisant pour caractériser la faute.

Sont ainsi des fautes de gestion par exemple des absences répétées ou des délégations facilement consenties à des personnes incompétentes42(*). L'administrateur « homme de paille » encourt par ce biais un risque réel de condamnation.

Les éléments de preuve de la faute de gestion peuvent être puisés dans le rapport d'un expert-comptable établi à la demande du juge-commissaire.

La faute peut exister dès la création de la personne morale, par exemple par cause d'insuffisance des financements réunis par rapport aux investissements à réaliser ou de fixation d'une rémunération disproportionnée par rapport aux résultats prévisionnels, ou encore de défaut de libération intégrale du capital dès la première année alors même que la loi n'en fait pas obligation.

Elle est également constatée, le plus souvent, en cours d'exploitation par exemple :

§ pour cause de poursuite d'une exploitation déficitaire sans prendre les mesures nécessaires, même si la société n'est pas déjà en état de cessation des paiements43(*) et alors que sa situation était déjà compromise lorsque le dirigeant a pris ses fonctions44(*) ;

§ ou encore pour cause d'octroi, irrégulier, par le dirigeant lui-même d'une rémunération (auto rémunération) alors que la société était dans une situation difficile45(*).

La faute de gestion du dirigeant a été encore notamment retenue :

§ à l'encontre de trois administrateurs d'une société anonyme dans un cas où cette société, qui exploitait un fonds de distribution en gros de viande, avait perdu, pour défaut de paiement des loyers et charges la concession dont elle était titulaire au marché de Rungis46(*) ;

§ à l'encontre du gérant d'une SARL qui n'avait pas respecté l'obligation légale de demander l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire dans les quinze jours de la cessation des paiements et avait ainsi laissé s'accumuler les pertes, ce qui avait rendu impossible le sauvetage de l'entreprise ;

§ à l'encontre du gérant d'une SARL au motif qu'il avait poursuivi l'activité d'une société qui, en moins d'une année, avait perdu plus des quatre cinquièmes de son capital47(*) ;

§ à l'encontre d'un dirigeant de droit qui a laissé opérer à sa guise un dirigeant de fait48(*) ;

§ à l'encontre des dirigeants qui n'ont pas pris les mesures de restructuration qu'appelaient les difficultés de trésorerie et qui n'ont pas davantage pris de mesures alors que pourtant, les commissaires aux comptes avaient déclenché une procédure d'alerte49(*) ;

§ à l'encontre de dirigeants qui ont mis en place un montage juridique masquant la situation réelle de leur groupe et dont ils ont retiré des avantages financiers au détriment du groupe et des petits actionnaires, poursuivant une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements50(*)...

Une fois ces fautes énumérées de façon non exhaustive, reste à traiter du lien de causalité justifiant la contribution de celles-ci à l'insuffisance d'actif.

C. Le lien de causalité entre la faute de gestion et l'insuffisance d'actif

Pour satisfaire à l'exigence d'un lien de causalité entre la faute de gestion et l'insuffisance d'actif, il faut et il suffit que cette faute de gestion ait contribué à l'insuffisance d'actif. L'exigence d'une simple contribution permet à la Cour de cassation de décider que le dirigeant d'une personne morale peut être déclaré responsable sur le fondement de l'article L.624-3 (devenu l'actuel article L 651-2) du Code de commerce même si la faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif et qu'il peut être condamné à supporter la totalité des dettes sociales, même si sa faute n'est à l'origine que d'une partie d'entre elles51(*). Cette construction de droit positif est particulièrement utile. En effet, la défaillance d'un débiteur dans le cadre de son activité professionnelle est souvent due à une multiplicité d'éléments qui interagissent (insuffisance des fonds propres, défaillance d'un client, incompétence et négligence des dirigeants sociaux, nouvelle donne concurrentielle, événement naturel constituant un cas de force majeure, etc.), et parmi lesquels il est difficile d'isoler un facteur causal déterminant52(*). La réunion des trois conditions de l'action en comblement de passif implique le déclenchement de la procédure juridictionnelle avec au final, les sanctions y afférentes.

Paragraphe 2 La procédure et la large autonomie reconnue au tribunal

Une fois les trois conditions de l'action en comblement du passif réunies, il incombe à la juridiction compétente de statuer suivant une procédure aboutissant à sa large autonomie de prise de décision.

A. La procédure

Le tribunal compétent pour statuer sur l'action en comblement de passif est celui qui a ouvert ou prononcé la sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaire de la personne morale : toute autre juridiction serait incompétente53(*). Ce tribunal est également compétent à l'égard d'un dirigeant de nationalité étrangère et dont le domicile est à l'étranger, l'action en paiement des dettes sociales étant indissociable de la procédure de la société54(*).

Les règles de saisine du tribunal ont été modifiées (art. L. 651-3 al. 1 et 2 nouveau). Désormais, la saisine est ouverte au mandataire judiciaire, au liquidateur et au ministère public55(*).

Par ailleurs, la loi de 2005 a ouvert la saisine du tribunal à la « majorité des créanciers nommés contrôleurs » agissant dans l'intérêt collectif des créanciers lorsque le mandataire de justice ayant qualité pour agir n'aura pas engagé l'action après une mise en demeure restée sans suite dans un délai et des conditions fixées par le décret (art. L. 653-3 al 2 nouveau). Le projet initial permettait à un créancier contrôleur d'agir seul. Mais, craignant, que des contrôleurs désireux d'exercer des pressions sur le débiteur à des fins personnelles n'usent à mauvais escient de la faculté de saisine du tribunal, les parlementaires ont préféré confier la saisine non plus à chaque créancier contrôleur, mais à la majorité d'entre eux56(*). Cette saisine a un caractère subsidiaire puisqu'elle est subordonnée à l'inaction du mandataire de justice après une mise en demeure restée sans suite. Précisons que l'action des contrôleurs agissant à la majorité en cas de carence du mandataire judiciaire a un caractère civil.

La loi de sauvegarde des entreprises a également modifié les règles de prescription de l'action, par coordination avec l'impossibilité d'intenter une action en comblement lors du jugement arrêtant le plan de redressement. Alors qu'auparavant, l'action se prescrivait par trois à compter du jugement arrêtant le plan de redressement ou, à défaut, du jugement prononçant la liquidation judiciaire, l'action se prescrit désormais par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire ou la résolution du plan de redressement ou de sauvegarde (art. L. 651-2 al. 2 nouveau)57(*). La simplification de la procédure de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif implique la large autonomie reconnue au tribunal dans sa prise de décision.

B. La large autonomie reconnue au tribunal

L'autonomie du tribunal compétent à statuer sur l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif se justifie doublement : quant à la sanction des dirigeants concernés et quant au montant de leur condamnation.

1. / Quant à la sanction des dirigeants concernés

Qui sont les dirigeants concernés par l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif ?

La catégorie des dirigeants visés obéit à une double limitation.

La première ne soulève plus de difficultés : sont concernés les dirigeants des personnes morales de droit privé, quels que soient la nature de leur activité et le but recherché par ces dernières. Ainsi les dirigeants d'associations ou de syndicats sont mis sur le même pied d'égalité que les dirigeants des sociétés commerciales, ce qui montre bien que l'objectif de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif est de réparer le préjudice des créanciers. La délimitation de la catégorie des personnes morales de droit privé correspond logiquement au domaine d'application des procédures collectives.

Mais peu importe que ces dirigeants soient des personnes physiques ou des personnes morales, sauf que dans ce dernier cas la responsabilité des personnes physiques représentants permanents peut être engagée dans les mêmes conditions58(*).

La deuxième limitation mérite, elle, des explications approfondies dont l'effort ne nous appartient pas : la loi vise en effet les dirigeants de droit ou de fait, sans les définir.

Par ailleurs se pose la question des anciens dirigeants. Les dirigeants même retirés de la personne morale à l'ouverture de la procédure collective peuvent néanmoins être sanctionnés s'ils étaient en fonctions au moment où a pris naissance la situation qui a conduit à l'insuffisance d'actif59(*). Cette solution évite que les dirigeants fautifs s'assurent l'impunité en abandonnant leur société en difficulté. Elle soulève cependant le problème de la preuve du lien de causalité entre leur gestion et l'insuffisance révélée éventuellement plusieurs années après.

L'article L. 651-2 du Code de commerce laisse au tribunal le pouvoir de décider ou non la condamnation d'un dirigeant fautif. Ce choix se prolonge même par la possibilité de sélectionner parmi les dirigeants celui ou ceux qu'il entend condamner au comblement du passif social (en prenant implicitement en compte notamment la solvabilité de chacun), mais à la condition que ces dirigeants aient contribué à la faute de gestion.

La condamnation à combler le passif a un caractère facultatif. Même si les conditions de fond de l'action sont réunies, il appartient aux juridictions du fond de décider souverainement de prononcer ou non la condamnation60(*). C'est ainsi qu'une cour d'appel a pu décider, après avoir relevé des fautes de gestion intervenues dans un contexte particulier, en usant de son pouvoir souverain d'appréciation, de ne pas prononcer de sanction61(*).

En 2001, 450 condamnations ont été prononcées sur 657 demandes de sanctions. En 2002, 431 condamnations ont été enregistrées sur 625 demandes62(*).

Cette dernière précision, introduite par la loi du 26 juillet 2005, devrait impliquer que le jugement de condamnation fasse apparaître le rôle de chacun, sans se contenter de l'existence d'une faute commune.

Lorsque plusieurs dirigeants sont condamnés, le tribunal peut, par une décision motivée, les déclarer solidairement responsables.

Pour préparer sa décision, le président du tribunal peut charger le juge-commissaire ou un autre juge de lui établir un rapport sur la situation patrimoniale des dirigeants sociaux et des représentants permanents. Le juge désigné qui peut se faire assister de toute personne de son choix, peut alors obtenir communication de tout document ou information sur cette situation patrimoniale auprès des administrations et organismes publics, des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que des établissements de crédit (C. com. Art. L. 651-4 et Décret. 2005, art. 318). Mais s'agissant d'une simple faculté pour le président du tribunal, il ne peut lui être reproché d'avoir statué en l'absence de ce rapport lorsqu'il n'avait pas désigné de « juge enquêteur »63(*). La reforme de 2005 a consacré une large autonomie du tribunal dans la détermination du montant de la condamnation.

2. / Quant au montant de la condamnation

Le tribunal dispose d'une grande latitude dans la détermination du montant de la condamnation (en tenant compte implicitement, et contrairement aux principes de la responsabilité civile, de la gravité des fautes). Avant la reforme de 2005, il lui fallait simplement respecter le plafond de l'insuffisance d'actif telle qu'elle résultait de la gestion sociale antérieure au jugement d'ouverture et qu'elle était évaluée par le jugement de condamnation64(*). Même si elle ne se réduit pas à cela, la fonction réparatrice du dommage de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif commande cette solution.

Les termes du nouvel article L. 651-2 du Code de commerce (lorsque la résolution du plan fait apparaître une insuffisance d'actif) devraient conduire à intégrer dans cette insuffisance d'actif les conséquences de la gestion postérieure à l'ouverture d'une procédure visant au redressement, mais antérieures à la résolution du plan de réorganisation.

Le montant de la condamnation peut même être différent selon les dirigeants. Certains peuvent être condamnés à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif alors que la contribution d'un ou plusieurs autres dirigeants peut être limitée à un montant beaucoup plus faible.

Mais en cas d'extension à d'autres personnes morales pour cause de confusion, le passif mis à la charge du dirigeant ne peut comprendre celui de ces autres personnes dont il n'a pas été dirigeant65(*). Les sanctions relatives à l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif étant précisées reste à envisager les conséquences qu'elles soulèvent.

Paragraphe 3 Les conséquences de la condamnation des dirigeants

Les conséquences de la condamnation des dirigeants donnant suite à l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif seront étudiées en tenant compte de la destination des sommes de la condamnation et du sort du dirigeant refusant de payer les sommes dues.

A. Destination des sommes versées par le dirigeant condamné

D'emblée la question à se poser est celle de savoir quelle est la nature juridique des sommes versées par le dirigeant condamné ?

Une question d'apparence simple mais délicate tant la nature même de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif elle-même dont elles émanent n'est pas élucidée. La tentation est très grande et penche du côté de l'affirmation que les sommes versées par le dirigeant condamné ont une vocation réparatrice du dommage et par conséquent constituent les dommages intérêts. Cela recoupe l'idée que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif est une action en responsabilité civile délictuelle à caractère particulier. Ceci reste du moins discutable car les dommages intérêts sont corrélativement évalués au montant du préjudice. Ce qui n'est forcement pas le cas pour l'action responsabilité pour insuffisance d'actif où le dirigeant peut être condamné partiellement ou totalement, le tribunal étant ici investi d'un pouvoir discrétionnaire inhabituel pour prononcer ou non la condamnation.

Tout de même pèse sur le dirigeant condamné une dette personnelle dont la charge est transmissible à ses successibles et dont il doit s'exécuter dans les termes fixés par le tribunal. Cette dette ne peut faire l'objet d'aucune transaction avec le liquidateur : la Cour de cassation a condamné fermement toute tentative de négociation sur ce point provoquée par les dirigeants condamnés66(*).

Le dirigeant ne peut non plus invoquer une compensation avec des créances qu'il aurait contre la société en raison de l'absence de toute connexité entre les deux67(*). Cette charge est cependant est atténuée par le fait que le dirigeant condamné est autorisé à imputer les paiements effectués sur ses revenus imposables68(*) et qu'il a ainsi au moins la consolation de payer moins d'impôts...s'il conserve quelques revenus69(*).

Dans l'hypothèse où le dirigeant condamné est lui-même en redressement ou en liquidation judiciaire, la décision de condamnation est portée directement sur l'état des créances de la procédure collective dont fait l'objet ce dirigeant. La Cour de cassation en déduit, malgré une doctrine contraire quasi-unanime, que le mandataire de justice n'est pas tenu de procéder à une déclaration de créance dans cette dernière procédure70(*).

La solution a cependant l'avantage d'éviter la forclusion de la créance de dommages intérêts chaque fois que le jugement de condamnation intervient bien après l'ouverture du redressement judiciaire à l'encontre du dirigeant.

Les sommes sont alors réparties entre tous les créanciers au marc le franc (C.com., art. L. 651-2, al 3.), ce qui interdit aux créanciers privilégiés de faire valoir leur droit de préférence et laisse aux créanciers chirographaires quelque espoir de recevoir des dividendes. Toutefois, les frais de justice auxquels a été condamné le dirigeant sont payés par priorité (C. com., art. L 651-3, al.4).

La Cour de cassation, en application de ce texte (dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005) admettait même que la répartition de ces sommes s'effectue sans accorder un rang prioritaire aux créanciers super privilégiés71(*). Puisque les créanciers super privilégiés priment les créanciers de l'article L. 622-17, on doit en conclure, contrairement à l'opinion doctrinale dominante que ces derniers ne peuvent non plus faire valoir un droit de préférence sur cette fraction du patrimoine de leur débiteur. L'obligation au versement des sommes dues par le dirigeant condamné est une véritable contrainte à défaut de laquelle ledit dirigeant est exposé à d'autres sanctions.

B. Sanctions en cas de non paiement par le dirigeant des sommes dues

Pour s'assurer de l'exécution de la condamnation, le président du tribunal peut ordonner toute mesure conservatoire utile à l'égard des biens des dirigeants concernés (C. com., art. L 651-4 al. 2).

Les dirigeants qui ne s'acquitteraient pas des dettes mises à leur charge sont sous la menace d'une double sanction :

§ ils sont tout d'abord punissables pénalement des peines de la banqueroute s'ils ont, de mauvaise foi, détourné ou dissimulé (ou seulement tenté de détourner ou dissimuler) tout ou partie de leurs biens, en vue de les soustraire aux poursuites de la personne morale en état de redressement ou de liquidation judiciaire, ou à celles de ses associés ou créanciers (C. com., art L. 654-14) ;

§ le tribunal peut ensuite prononcer leur faillite personnelle (C. com., art. L.653-6), sanction qui sera développée dans notre second chapitre.

Sur la question des sanctions en cas de non paiement par le dirigeant des sommes dues, la loi du 25 janvier 1985 (C. com., anc. art. L. 624-4) prévoyait une troisième sanction : le tribunal pouvait ouvrir une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à l'égard du dirigeant défaillant, quel qu'ait été son statut personnel et sans avoir à constater son état de cessation des paiements : cette ouverture, facultative, d'une procédure collective à titre de sanction a été supprimée par la loi du 26 juillet 2005, en cohérence avec la volonté générale de cantonner les procédures collectives à leur rôle de traitement des difficultés, à l'exclusion de toute idée de sanction des comportements passés72(*).

Section II Le remplacement des procédures collectives sanctions par la nouvelle obligation aux dettes sociales du nouveau article L 652-1 du C. Com. issue de la loi du 26 juillet 2005.

Depuis le début du XXe siècle, une jurisprudence s'est progressivement forgée pour réagir contre les abus de la personnalité morale et atteindre par l'extension de la faillite - au sens ancien et patrimonial du terme - ceux qui détournaient à leur profit les mécanismes du droit des sociétés afin de réaliser les fraudes. Elle touchait deux catégories différentes : d'une part la société fictive ou les personnes dont le patrimoine était confondu et d'autre part, le maître de l'affaire qui se dissimulait derrière la façade d'une société ainsi que le dirigeant abusif.

D'abord, le décret-loi du 8 août 1935 avait prévu que :

« en cas de faillite d'une société, la faillite peut être déclarée commune à toute personne qui, sous le couvert de cette société masquant ses agissements, a fait dans son intérêt personnel des actes de commerce et disposé en fait des biens sociaux comme des siens propres ».

Ce texte fut repris par le décret-loi n° 55-602 du 20 mai 1955 et modifié par la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 qui en a élargi le domaine d'application au cas où l'entreprise était mise en règlement judiciaire ; il concerne en outre toutes les personnes morales de droit privé non commerçantes, à l'exclusion de celles qui n'avaient pas d'objet économique et ne poursuivaient ni en droit ni en fait un but lucratif et s'appliquera à « tout dirigeant de droit ou de fait ».

Alors que l'ancien article 437 du Code de commerce exigeait seulement que la personne ait, à la fois, fait dans son intérêt personnel des actes de commerce et disposé des biens sociaux comme des siens propres, le législateur de 1967 énumérera des cas distincts : « sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, fait des actes de commerce dans son intérêt personnel - ou disposé des biens sociaux comme des siens propres - ou poursuivi abusivement dans son intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ».

La loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 avait apporté quelques modifications (C.com., art. L.624-2 et L 624-5 à L. 624-7 ancien) et la loi n° 94-475 du 10 juin 1994 ajouta un autre cas d'ouverture : le fait d'avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète au regard des dispositions légales (C.com., art.L.624-5, I-7°, ancien).

Cette possibilité d'ouverture d'une procédure collective à titre de sanction a pris fin en 2005. La loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 y a substitué une nouvelle action en responsabilité « l'obligation aux dettes sociales ».

L'obligation aux dettes sociales en cas de liquidation judiciaire supprimant les procédures collectives sanctions est prévue à l'article L. 652-1 du Code de commerce :

« Au cours d'une procédure de liquidation judiciaire, le tribunal peut décider de mettre à la charge de l'un des dirigeants de droit ou de fait d'une personne morale la totalité ou une partie des dettes de cette dernière lorsqu'il est établi, à l'encontre de ce dirigeant, que l'une des fautes ci-après a contribué à la cessation des paiements... ».

La nouvelle obligation aux dettes de l'article L. 652-1 ressemble étrangement à l'obligation aux dettes qui existait avant la reforme de 2005 et connue sous le nom de l'action en comblement de passif. Dans les deux cas, le dirigeant peut être condamné à payer tout ou partie des dettes sociales s'il a commis une faute.

Sur le plan des principes, l'obligation aux dettes, n'est pas une action en responsabilité, contrairement à l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif (qualifiée comme telle par la loi) pour la quelle sont exigés une faute, un préjudice (insuffisance d'actif) et un lien de causalité entre les deux (l'insuffisance d'actif doit trouver sa cause dans la faute du dirigeant) et qui conduit à condamner le dirigeant à réparer le préjudice en comblant le passif. L'obligation aux dettes ne tend pas à réparer le préjudice (la cessation de paiement) que l'agissement du dirigeant cause à la société. Il s'agit d'une sanction patrimoniale applicable dès lors que l'un des faits limitativement énumérés à l'article L. 652-1 a été commis par le dirigeant, sans corrélation avec le préjudice qui a pu en résulter pour la société.

Admettons néanmoins que la nature juridique de l'obligation aux dettes est controversée. Comme l'action en comblement de l'insuffisance d'actif, l'obligation aux dettes sociales est une action en responsabilité civile fondée sur les fautes de gestion, mais celles-ci sont limitativement énumérées et doivent avoir contribué à la cessation des paiements de la personne morale73(*). De ce fait elle est parfois présentée comme une « action en comblement de l'insuffisance d'actif aggravée »74(*), car le dirigeant n'aura pas seulement à supporter l'insuffisance d'actif, mais tout ou partie des dettes de la personne morale. Enfin, elle se rapproche pour certains auteurs, d'une peine que d'un mécanisme de responsabilité civile75(*).

Le dirigeant qui a commis un fait sanctionné par l'obligation aux dettes ne peut pas être poursuivi en comblement du passif. Ainsi la Cour de cassation affirme nettement que le régime spécial de responsabilité de l'action en comblement de passif exclut la possibilité de mettre en oeuvre également l'action en responsabilité de droit commun, qu'elle soit fondée sur les articles L. 223-22 ou L. 225-251 ou encore sur l'article 1382 du Code civil76(*). Cette règle du non-cumul vaut également pour les actions intentées par les créanciers77(*).

Paragraphe1 Les conditions du prononcé de la sanction (les cinq cas de l'article L 652-1).

Une fois la personne morale mise en liquidation judiciaire, le tribunal peut décider de mettre à la charge de l'un des dirigeants de droit ou de fait la totalité ou une partie des dettes de la personne morale. Il faut que soit établie à son encontre, aux termes de l'article L. 652-1 du Code de commerce, l'une des cinq fautes suivantes (et non plus sept comme il était prévu avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005), dès lors qu'elle a contribué à la cessation des paiements :

1. avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres. Sous cette formule sont visé par exemple, parmi les comportements les plus souvent relevés, le fait de faire payer par la société des dépenses ou des investissements strictement personnels, ou encore le versement des rémunérations excessives ;

2. sous couvert de la société masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel. Dans ce cas, la société sans être fictive, masque l'activité du dirigeant maître de l'affaire, qui se comporte en fait comme un véritable entrepreneur individuel ;

3. avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement.

Ce comportement correspond au délit d'abus de biens sociaux tel qu'il est défini dans les (seules) sociétés par actions et la SARL, moins la mauvaise foi qui n'est pas exigée ici ;

4. Avoir poursuivi abusivement dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.

En retardant artificiellement le dépôt de bilan pour en tirer un avantage personnel, le dirigeant a aggravé la situation de la personne morale. L'intérêt personnel peut être par exemple la perception d'une rémunération élevée, le souci de se faire rembourser un compte courant ou faire payer une dette sociale pour laquelle il s'était porté caution, etc. ;

5. Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

L'ancien article L. 624-5 du Code de commerce prévoyait deux cas supplémentaires justifiant l'ancienne sanction de la déclaration personnelle en redressement judiciaire, les deux cas étant par ailleurs des délits comptables.

Ces manquements comptables ne sont pour autant pas dépourvus de sanction, puisque le dirigeant peut être condamné pour ces mêmes faits à la faillite personnelle (sanction professionnelle) et aux peines de la banqueroute (sanction pénale).

Le législateur de 2005 a simplement estimé que les sanctions pécuniaires, se surajoutant aux autres, étaient inutiles.

Paragraphe 2 La procédure.

Le tribunal compétent pour statuer sur l'action en obligation aux dettes de l'article L. 652-1 est celui qui a ouvert ou prononcé la sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaire de la personne morale78(*).

La loi de sauvegarde des entreprises a ouvert cette action aux mêmes personnes que celles qui peuvent agir en comblement de passif. Le tribunal peut donc être saisi par le mandataire judiciaire, le liquidateur, le ministère public ou par la majorité des créanciers nommés contrôleurs agissant dans l'intérêt collectif des créanciers, lorsque le mandataire de justice ayant qualité pour agir n'aura pas engagé l'action après une mise en demeure restée sans suite dans un délai et des conditions fixées par décret.

Afin de garantir l'impartialité des juges, la loi de 2005 prévoit expressément que le juge-commissaire ne peut pas siéger dans la formation de jugement appelée à statuer sur le prononcé de sanctions pécuniaires et qu'il ne peut pas non plus participer au délibéré (art. L 651-3al. 3 nouveau sur renvoi de l'art. L. 652-5 nouveau).

Jusqu'à présent, la décision de confier au juge-commissaire le soin de rechercher des informations sur la situation patrimoniale du dirigeant poursuivi était prise par le tribunal. Cette décision relève désormais du président du tribunal (art. L.651-4). Selon les débats parlementaires, l'attribution de compétence au président vise à alléger et accélérer la procédure puisque celle-ci sera décidée par simple ordonnance79(*).

Afin d'éviter que les dirigeants n'organisent leur insolvabilité pour échapper à l'obligation aux dettes qui peut être prononcée à leur encontre, le président du tribunal peut ordonner toute mesure conservatoire utile à l'égard des biens des dirigeants poursuivis. Bien que ni la loi ni les débats parlementaires ne précisent les mesures qui peuvent concrètement être prises, il nous semble que pourraient par exemple être décidés la mise sous séquestre de certains biens du dirigeant ou le nantissement de ses titres.

L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement prononçant la liquidation judiciaire (C. com. Art. L. 652-4 nouveau).

Paragraphe 3 La condamnation au paiement des dettes

La nouvelle sanction est facultative. Le tribunal peut décider d'écarter toute condamnation même si le dirigeant s'est rendu coupable de l'un des faits visés à l'article L. 652-1. De même, il dispose d'une large faculté d'appréciation pour déterminer si le dirigeant doit prendre en charge toutes les dettes ou seulement une partie d'entre elles80(*).

A. La décision du tribunal et ses effets.

Le tribunal saisi est souverain dans sa décision. La condamnation aux dettes sociales est toujours une mesure facultative, une fois constatées d'une part la réalité de l'un des cinq comportements visés à l'article L.652-1, d'autre part la « contribution » de celui-ci à la cessation des paiements (exigence posée par la loi du 26 juillet 2005, et qui renforce l'obligation de motivation du jugement de condamnation).

En cas de pluralité des dirigeants responsables, il appartient au tribunal de déterminer la part des dettes sociales mises à la charge de chacun. Pour ce faire, il doit tenir compte de la faute de chacun.

Le montant de la condamnation peut varier d'un dirigeant à l'autre, et c'est le critère, délicat à mettre en oeuvre, de la gravité de la faute qui commande la décision du tribunal. Il n'est ainsi pas illogique de penser que la part du directeur général d'une société anonyme sera supérieure à celle d'un simple administrateur de complaisance à qui peut être reproché un défaut de surveillance du premier.

Le principe est celui de l'absence de solidarité entre les dirigeants condamnés. Toutefois, par une décision motivée, le tribunal peut les déclarer solidairement responsables. Tel pourrait être le cas par exemple d'une condamnation de l'ensemble des membres d'un conseil d'administration auxquels il pourrait être imputé une faute dans le choix et le contrôle du directeur général.

B. La destination des sommes et les conséquences d'un défaut de paiement.

« Les sommes recouvrées sont affectées au désintéressement des créanciers selon l'ordre de leurs sûretés » (C. com., art. L. 652-3). Contrairement au produit de l'action en comblement du passif social, les créanciers chirographaires n'ont donc que peu d'espoir de participer à des répartitions à ce titre, puisque les créanciers privilégiés peuvent faire valoir leur droit de préférence.

Toutefois, malgré une rédaction très maladroite du texte, qui vise les seuls créanciers munis de sûretés, toute perspective de versement aux créanciers chirographaires n'est pas exclue puisque les dirigeants peuvent être condamnés à prendre en charge la totalité des dettes de la personne morale.

Le dirigeant qui ne s'acquitterait pas des dettes de la personne morale mises à sa charge peut être sanctionné par la faillite personnelle (C. com., art. L. 653-6). Sur le plan pécuniaire, il est par ailleurs soumis au droit commun du débiteur défaillant. Il ne peut faire l'objet d'une procédure collective que si, par son statut (autre que celui de dirigeant social), il relève du domaine d'application de ces procédures collectives.

CHAPITRE II

Chapitre II LES SANCTIONS PROFESSIONNELLES ET PENALES ENCOURUES PAR LES DIRIGEANTS EN CAS DE PROCEDURE COLLECTIVE CONTRE LA SOCIETE DEPUIS LA LOI DU 26 JUILLET 2005.

La loi de sauvegarde des entreprises a apporté quelques retouches au régime des sanctions professionnelles (faillite personnelle et interdiction de gérer), sans toutefois modifier les sanctions pénales81(*).

Les nouvelles dispositions ne sont pas applicables aux procédures en cours au 1er janvier 2006 à l'exception de l'article L. 653-7 qui modifie la liste des titulaires du pouvoir de saisir le tribunal pour demander le prononcé des sanctions personnelles, et de l'article L. 653-11 concernant la durée des sanctions, les effets de la clôture pour extinction du passif et les cas de relèvement des interdictions et déchéances.

Au delà des sanctions professionnelles, le Code de commerce prévoit des sanctions pénales à l'encontre du dirigeant fautif. L'état de cessation des paiements n'est pas en soi une infraction pénale. Néanmoins dans les cas plus graves, la procédure collective peut donner lieu à des poursuites pénales pour banqueroute ou pour d'autres infractions commise par le dirigeant social.

Notre étude dans cette partie portera sur les sanctions professionnelles (section I) et sur les sanctions pénales (Section II).

Section I Les sanctions professionnelles

Il ne s'agit plus cette fois-ci de faire payer les dirigeants, mais plutôt de les éliminer au moins temporairement de la vie des affaires, en raison de leur inaptitude ou indélicatesse révélée lors d'une procédure collective82(*). C'est la raison pour laquelle ces sanctions ne sont applicables que dans les seules procédures de redressement ou de liquidation judiciaire. Le débiteur personne physique ou les dirigeants d'une personne morale qui ont demandé, et obtenu, l'ouverture de la procédure préventive de sauvegarde échappent donc à ces sanctions, sauf si cette procédure échoue ultérieurement convertie dans l'une des procédures post-cessation des paiements83(*).

Ces sanctions sont d'une toute autre nature que celle résultant d'une action en comblement du passif social. Il n'est plus question de responsabilité civile et la Cour de cassation elle-même a qualifié la première de ces sanctions de mesure d'intérêt public.

La sanction principale est qualifiée par le législateur, de faillite personnelle (C. com., art. L 653-1 et s.). Mais le tribunal peut se contenter de prononcer une mesure d'interdiction de gérer d'une portée plus limitée (C. com., art. L. 653-8).

Paragraphe 1 La faillite personnelle

La dénomination de faillite personnelle peut prêter à confusion : il importe donc d'en préciser les conditions (A) avant d'en examiner les effets (B). Mais il faut insister dès l'abord sur le fait que la sanction est facultative. Le tribunal saisi conserve toujours son entier pouvoir d'appréciation, qui peut aller jusqu'à ne prononcer aucune condamnation alors même que la matérialité des faits est établie84(*), ou à l'inverse sanctionner sans tenir compte des mobiles éventuellement excluant toute intention délictueuse, qui ont pu animer le débiteur85(*). Les efforts faits par le dirigeant pour sauver sa société en difficulté, même non couronnés de succès constituent très certainement un facteur essentiel de la décision du juge.

A. Conditions de la faillite personnelle

Les conditions de la faillite personnelle doivent être étudiées en tenant compte de la catégorie des personnes visées (1) et en même temps des comportements sanctionnés par la faillite personnelle (2).

1. / Personnes visées

Ce sont nécessairement des personnes physiques qui rentrent dans l'une des trois catégories suivantes (C. com. art. L. 653-1-I), et qui étaient en fonction au moment des faits justifiant le prononcé de la sanction :

§ les commerçants(dont les associés d'une SNC), agriculteurs et personnes immatriculées au répertoire des métiers, auxquels s'il faut ajouter depuis la loi de 2005, celles exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire dont le titre est protégé86(*) ;

§ les dirigeants de droit ou de fait d'une personne morale de droit privé : peu importe que cette personne morale ait ou non une activité économique, ou exerce ou non une activité indépendante ;

§ les représentants permanents d'une personne morale dirigeant d'une personne morale soumise à la procédure collective.

En effet, selon la Cour de cassation, la faillite personnelle est une mesure d'intérêt public qui en tant que telle échappe à l'exclusion de la responsabilité civile personnelle dont bénéficient les représentants des collectivités territoriales. Après avoir énuméré les personnes potentiellement passibles de la faillite personnelle, il sied de plancher sur les comportements sanctionnés par la faillite personnelle.

2. / Les comportements sanctionnés par la faillite personnelle

Ils sont définis, limitativement, aux articles L.653-3 à l. 653-6 du Code de commerce87(*). Cinq sont d'application générale, alors que les autres sont spécifiques soit aux personnes physiques exerçant à titre individuel une des activités professionnelles mentionnées à l'article L. 653-1-I-1°, soit aux dirigeants de personnes morales. Plusieurs d'entre eux sont également punissables des peines de la banqueroute.

- Les cas spécifiques aux entrepreneurs individuels (C. Com. art. L 653-3)

A toute époque de la procédure, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne physique exerçant une activité professionnelle qui a :

§ poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ;

§ détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif ; ce qui constitue également le délit pénal de la banqueroute.

- Les cas spécifiques aux dirigeants des personnes morales

Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale :

§ qui a commis des fautes visées à l'article L.652-1, c'est-à-dire les fautes justifiant une condamnation à supporter tout ou partie des dettes sociales ;

§ qui ne s'est pas acquitté des dettes de la personne morale mises à sa charge, que ce soit, en l'absence de distinction dans le texte, au titre de l'action en comblement du passif social ou de l'obligation aux dettes sociales (C. com. art. L. 653-6).

- Les cas d'application générale (art. L 653-5)

Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 pour :

1°/ avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi (mais pas seulement par les textes sur le redressement judiciaire...) ;

2°/ Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;

3°/ Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale;

4°/ Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers : est en cause la rupture de l'égalité entre les créanciers.

5°/ Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement : ce cas, introduit par la loi du 26 juillet 2005, est formulé dans des termes très généraux et laisse un très large pouvoir d'appréciation au juge.

6°/ Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables. Là encore, ce cas constitue également le délit pénal de la banqueroute.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005, n'est plus sanctionné par la faillite personnelle le fait d'avoir omis de faire, dans le délai de quinze (15) jours, la déclaration de l'état de cessation des paiements (article L .625-5 5° ancien). Toutefois, cette omission, dans un délai de 45 jours, peut faire l'objet d'une simple interdiction de gérer.

Des comportements sanctionnés par la faillite personnelle, passons au prononcé de la sanction proprement dit.

B. Le prononcé de la sanction

La sanction, facultative, est prononcée par le tribunal de la procédure collective saisi à cet effet par le mandataire judiciaire, le liquidateur ou le ministère public. L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce l'ouverture de la procédure de redressement ou liquidation judiciaire.

En cas de carence du mandataire judiciaire ayant qualité pour agir, la majorité des créanciers nommés contrôleurs peut saisir le tribunal à toute époque de la procédure (art. L. 653-7, al. 2).

Cette carence est établie lorsque ce mandataire de justice n'a pas engagé les actions prévues dans les articles définissant les cas de faillite personnelle dans les deux mois suivant la mise en demeure qui lui a été adressée par au moins deux créanciers contrôleurs88(*).

Bien que les textes disposent que cette sanction doit être prononcée au cours de la procédure collective (donc avant le jugement de clôture de la procédure collective), la Cour de cassation se contente de ce que le tribunal ait été saisi avant la clôture de la procédure collective par une décision de justice passée en force de chose jugée89(*).

Qu'en est - il des effets de la faillite personnelle ?

C. Les effets de la faillite personnelle.

Les effets de la faillite personnelle comportent les interdictions et déchéances (1) et les autres effets isolés (2).

1. / Les interdictions et déchéances

Ces interdictions sont de deux ordres : l'élimination du failli de toute fonction dirigeante ou de contrôle et l'élimination éventuelle du failli de toute fonction publique élective. A cela s'ajoute la durée de l'interdiction.

- Elimination du failli de toute fonction dirigeante ou de contrôle

Selon l'article L. 653-2 : « la faillite personnelle emporte, à l'égard du failli, interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale ».

La généralité de la formule, dans sa nouvelle rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005, conduit à éliminer temporairement le dirigeant sanctionné non seulement de la vie des affaires, mais également de toute activité professionnelle et toute responsabilité dans les secteur associatif, sauf pour lui à utiliser des prête-noms non décelés, ou à être salariés ou VRP.

En même temps qu'elle a élargi les activités interdites au dirigeant sanctionné, la reforme de 2005 a, à l'inverse, réduit la liste des interdictions accompagnant de plein droit la faillite personnelle. A en effet été abrogé l'ancien article L. 625-2, al. 2 du Code de commerce qui disposait que la faillite personnelle entraînait les interdictions et déchéances applicables « aux personnes qui étaient déclarées en état de faillite au sens donné à ce terme antérieurement au 1er janvier 1968 ». Le failli était ainsi soumis à un certain nombre de déchéances civiques, honorifiques (interdiction de port de certaines décorations), ainsi que professionnelles. La faillite personnelle était un cas d'interdiction d'accès par exemple aux professions juridiques et judiciaires90(*). Il conservait toutefois ses droits de famille (tel que l'autorité parentale).

- L'élimination éventuelle du failli de toute fonction publique élective

Le tribunal qui prononce la faillite personnelle peut prononcer l'incapacité d'exercer une fonction publique élective. L'incapacité est prononcée pour une durée égale à celle de la faillite personnelle (art. L 653- 10).

L'ancien article 194 de la loi de 1985 interdisait au failli, ainsi d'ailleurs qu'à toute personne physique mise en liquidation judiciaire, d'exercer une fonction publique élective. Mais cet article avait été d'abord déclaré inconstitutionnel91(*)avant d'être abrogé par l'ordonnance de codification du Code de commerce du 18 septembre 2000. Les commerçants mis en liquidation judiciaire n'étaient donc plus frappés de plein droit d'une incapacité d'exercer par exemple un mandat de député, comme le prévoyait cet article 194. L'avantage du nouvel article L.653-10 est de fixer très clairement le régime de cette interdiction, dont le prononcé est laissé à l'appréciation des juges de fond.

Les interdictions venant d'être connues, combien de temps durent donc t-elles ?

- La durée de l'interdiction

La durée de ces interdictions et déchéances est fixée expressément par le tribunal, sans pouvoir être augmentée par la cour d'appel92(*). Mais elle ne peut pas être supérieure à quinze ans93(*).

La décision du tribunal est naturellement influencée par l'analyse du comportement passé de la personne sanctionnée, notamment pendant la période précédent le dépôt de bilan.

Ces interdictions peuvent cependant prendre fin avant l'arrivée du terme :

- d'abord de plein droit lorsque est intervenu un jugement de clôture pour extinction du passif, y compris après exécution de l'obligation aux dettes sociales prononcée à son encontre ;

- ensuite sur décision du tribunal, prise à la demande du dirigeant failli lui-même, qui peut le relever, en tout ou partie, des déchéances et interdictions s'il a apporté une contribution suffisante au paiement du passif (C.com.art.L.653-11, al 3). L'imprécision de la notion de « contribution suffisante » laisse ainsi une large place à l'appréciation souveraine des juges du fond, qui peuvent être influencés par exemple par le degré d'implication du failli dans la création passée de ce passif94(*). Mais la seule constatation qu'un dirigeant condamné à combler le passif social s'est acquitté de sa dette ne suffit pas à établir que sa contribution au passif est suffisante : le montant de la condamnation au titre de l'article L.651-2 du Code de commerce peut en effet être inférieur au passif à combler.

Lorsque le relèvement est total, la personne condamnée est réhabilitée, et se voit rétablie dans l'intégralité de ses droits.

La violation de ses interdictions, dont la poursuite d'une activité commerciale par l'intermédiaire d'un prête-nom, constitue un délit pénal lourdement sanctionné (2 ans d'emprisonnement et/ou 375 000 € d'amende : art.L.654-15).

2. / Les autres effets

Le dirigeant failli est non seulement écarté de toute fonction dirigeante en général, mais il est également privé de tout pouvoir dans l'entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire. En effet, lorsque le failli est associé de la personne morale soumise à la procédure collective, la faillite personnelle le prive de son droit de vote (qui est alors exercé par un mandataire désigné par le tribunal).

Le tribunal peut même prononcer son exclusion de la société en lui enjoignant de céder ses parts ou actions, et au besoin en ordonnant leur cession forcée : le produit de la vente est alors affecté au paiement de la part des dettes sociales mises à la charge du dirigeant (C.com, art.L.653-9, al. 1 et 2).

Enfin, et la mesure profite aux créanciers du débiteur personne physique, la faillite personnelle de ce dernier lui interdit de se prévaloir des dispositions de l'article L. 643-11-I du Code de commerce (prévoyant l'apurement du passif non payé en cas de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif).

A défaut du prononcé de la faillite personnelle, le tribunal peut se contenter de prononcer une mesure d'interdiction de gérer d'une portée plus limitée (C. com., art. L. 653-8).

Paragraphe 2 L'interdiction de gérer : diminutif de la faillite personnelle

Le tribunal peut interdire au dirigeant fautif de diriger, gérer, administrer ou contrôler, soit toute entreprise commerciale, artisanale ou agricole et toute personne morale, soit seulement une ou plusieurs de celles-ci. Cette sanction est moins lourde que la faillite personnelle pour laquelle l'interdiction de gérer qu'elle emporte est générale. Pour mieux appréhender cette notion, notre effort consistera d'abord à énumérer les cas d'application (A) y relatifs afin d'envisager la sanction requise (B).

A. Les cas d'application

A la place de la faillite personnelle, le tribunal peut prononcer une sanction aux effets moins rigoureux, qui est définie à l'article L. 653-8 du Code de commerce comme une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci. Le régime de l'action (personnes ayant qualité pour saisir le tribunal, délai de prescription) est le même que dans le cas de faillite personnelle.

Le Code de commerce (art. L. 653-8, al. 2 et 3) prévoit en outre deux cas spécifiques d'application de cette sanction à toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 (c'est-à-dire celles visées par la faillite personnelle) :

§ qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois (renseignement à fournir au moment de l'inventaire à l'ouverture de la procédure). Cette condition de la mauvaise foi peut expliquer par exemple l'absence de sanction à l'égard d'un gérant nommé depuis moins detrois mois dans une SARL dans un état d'abandon et dépourvue de comptabilité, ce qui l'empêchait de constituer la liste exhaustive des créanciers95(*).

§ ou qui « aura omis de faire, dans le délai de 45 jours, la déclaration de cessation des paiements, sans avoir par ailleurs demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation ».

La loi de 2005, à la suite d'un amendement parlementaire, a été d'une certaine manière jusqu'au bout de cette démarche en ne faisant de cette omission qu'un cas d'interdiction de gérer, et non plus de faillite personnelle. Il est par ailleurs conforme à la nouvelle architecture des procédures que cette sanction soit écartée lorsque a été demandée l'ouverture d'une procédure de conciliation à l'intérieur de ce délai de 45 jours. Que reste t-il de la sanction ?

B. La sanction

A la grande différence de la faillite personnelle, l'interdiction de gérer peut être limitée à deux ou plusieurs entreprises, ce qui confère aux juges un pouvoir d'appréciation très utile dans l'application de la sanction, et ce qui explique qu'elle lui soit souvent préférée. Toutefois les entreprises libérales ne sont pas mentionnées dans celles pouvant faire l'objet d'une interdiction (la question étant sans doute entièrement absorbée par les règles disciplinaires). Le non respect de cette interdiction est sanctionné pénalement (emprisonnement de deux ans et une amende de 375 000 € : art. L 654-15).

Outre les sanctions professionnelles, le Code de commerce prévoit des sanctions pénales à l'encontre du dirigeant fautif. L'état de cessation des paiements n'est pas en soi une infraction pénale. Néanmoins dans les cas plus graves, la procédure collective peut donner lieu à des poursuites pénales pour banqueroute ou pour d'autres infractions commise par le dirigeant social.

Section II Les sanctions pénales

Ne pas payer ses dettes n'est pas en soi une infraction. Mais l'état de cessation des paiements s'accompagne souvent, ou est précédé, de manoeuvres ou pratiques visant à en retarder ou à en dissimuler la constatation. Le droit de la faillite a fait l'objet pendant longtemps d'une forte pénalisation, le failli étant souvent assimilé à un véritable délinquant ayant trompé ses créanciers et devant être sanctionné des peines de banqueroute. Le législateur a même distingué dans le passé la banqueroute simple (délit pénal) et la banqueroute frauduleuse qui, jusqu'en 1958, a constitué un crime passible de la Cour d'assises.

Cette politique répressive s'est révélée peu efficace, et une aspiration à la dépénalisation s'est développée avant d'être reçue dans la loi 1985 et amplifiée dans celle du 26 juillet 2005 : le délit de banqueroute a été unifié et les anciens cas de banqueroute simple ne sont plus sanctionnés pénalement. Le délit de banqueroute reste cependant le délit majeur, le Code de commerce définissant à côté de lui quelques infractions de moindre portée.

Paragraphe1 Délit de banqueroute

Aux termes de l'article L. 654-2 du Code de commerce :

« en cas d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées à l'article L. 654-1 contre lesquelles a été relevé l'un des faits ci-après :

1. avoir dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, soit fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;

2. avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif du débiteur ;

3. avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur ;

4. avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l'entreprise ou de la personne morale ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité « lorsque les textes applicables en font obligation » ;

5. avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales ».

Le délit de banqueroute suppose l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Le débiteur personne physique ou le dirigeant d'une personne morale qui demande l'ouverture d'une procédure de sauvegarde n'encourt donc aucun risque au titre de cette infraction. Ce délit reste limité au cas d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ; il n'a pas été étendu à la procédure de sauvegarde.

Son étude nous intéresse sur deux points : les personnes visées (A) et la saisine du tribunal et les sanctions qu'il prononce (B)

A. Personnes visées

L'article L. 654-1 nouveau reprend la liste de l'ancien article L. 626-1 (commerçant, agriculteur, personne immatriculée au répertoire des métiers, dirigeant de personne morale, représentant permanent d'une personne morale dirigeante) en y ajoutant les personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire, ou dont le titre est protégé. Cette extension s'inscrit dans le prolongement des autres dispositions de la loi qui ont étendu à ces personnes les procédures collectives ou de conciliation.

A la différence des sanctions personnelles, la loi n'exclut pas les professions libérales soumises à des règles disciplinaires propres, en raison du caractère pénal de la banqueroute. En effet, de telles règles ne sauraient prévaloir sur les poursuites pénales, qui ne relèvent ni des ordres professionnels, ni d'une quelconque autorité professionnelle.

Les professionnels libéraux dotés d'une autorité disciplinaire peuvent donc être condamnés pour banqueroute mais, selon les travaux parlementaires, ils ne peuvent pas être mis en faillite personnelle à titre complémentaire.

Une fois les prétendus responsables énumérés, reste à traiter des questions de la saisine du tribunal et des sanctions qui en découlent.

B. La saisine du tribunal correctionnel et les sanctions

Sans trop reformer la matière pénale de responsabilité des dirigeants, la loi du 26 juillet 2005 a dû retoucher, du moins, les questions de la saisine du tribunal répressif et des sanctions qu'il prononce.

1. / La saisine

Les personnes qui pouvaient jusqu'alors saisir le tribunal correctionnel le peuvent encore (ministère public, administrateur, mandataire judiciaire, représentant des salariés, commissaire à l'exécution du plan, liquidateur). La loi de sauvegarde des entreprises (art. L. 654-17) ajoute à cette liste la majorité des créanciers nommés contrôleurs en cas de carence du mandataire de justice, dans les mêmes conditions que celles définies pour les sanctions civiles.

En reconnaissant, pour la première fois, la possibilité à la majorité des créanciers contrôleurs de se constituer partie civile, même sous condition, la loi du 26 juillet 2005 a accentué la pression pénale des créanciers et favorisé la mise en oeuvre de ces sanctions pénales.

Il n'en reste pas moins qu'un créancier pris individuellement se voit toujours interdire la voie de la citation directe. Il ne peut non plus se constituer partie civile, sauf à pouvoir invoquer un préjudice personnel particulier, distinct du montant de sa créance, ce qui en pratique est assez rare. Il n'a donc a priori pas de pouvoir direct de déclencher le procès pénal pour banqueroute96(*).

2. / Les sanctions

Les sanctions encourues sont, à titre principal, un emprisonnement de 5 ans et ou une amende de 75 000 € (art. L. 654-3). Les personnes morales encourent, elles, des peines plus lourdes (art. L. 654-7 qui renvoie aux articles 131-38 et 131-39 du Code pénal, prévoyant notamment une peine pouvant être jusqu'à cinq fois plus élevée que pour les personnes physiques).

Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires, énoncées à l'article L. 654-5 du Code de commerce : parmi celles-ci figurent :

§ l'interdiction des droits civiques, civils et de famille ;

§ l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, « d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, à moins qu'une juridiction civile ou commerciale ait déjà prononcé une telle mesure par une décision définitive ».

§ l'exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus.

Le tribunal correctionnel peut en outre prononcer soit la faillite personnelle, soit l'interdiction de gérer.

La détermination de la durée de l'interdiction de gérer ne devrait plus poser de problème majeur depuis la reforme de 2005. L'interdiction d'exercer l'activité professionnelle, siège du délit, est plafonnée à 5 ans. Celle prononcée au titre de faillite personnelle ou au titre de l'interdiction de gérer est soumise au plafonnement de 15 ans.

A ces sanctions pénales s'ajoute la nécessité d'assurer la réparation intégrale du préjudice découlant de l'infraction.

Ainsi, le délit de banqueroute se prescrit par trois ans à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective lorsque les faits incriminés sont apparus avant cette date, à compter de leur révélation aux tiers s'ils ont été commis postérieurement (art L. 654-16).

Au délit de banqueroute on retrouve parallèlement d'autres infractions pénales mais à portée mineure.

Paragraphe 2 Les autres infractions

Parmi les autres infractions définies par l'article L. 654-8 à L. 654-14 du Code cde commerce, il faut relever tout particulièrement le délit de malversation qui peut être imputé à « tout administrateur, mandataire judiciaire, liquidateur, commissaire à l'exécution du plan ou toute autre personne, à l'exception des représentants des salariés...ayant participé à la procédure », qui auraient commis des détournements de fonds, se serait attribué à son profit des avantages indus, ou se serait rendu acquéreur pour son compte de biens du débiteur (art. L. 654-12-II).

Selon la Cour de cassation peuvent ainsi être sanctionnés au titre de cette infraction les juges consulaires ayant siégé dans la formation du tribunal ayant prononcé le jugement d'ouverture97(*), mais certainement pas l'expert-comptable du débiteur en liquidation judiciaire (Cass. crim. 15 déc. 2004), et sans doute pas non plus les collaborateurs d'un mandataire judiciaire.

L'article L. 654-8 contribue à réprimer un certain nombre de comportements qui ont pour effet de rompre l'égalité entre les créanciers ou de ne pas respecter les engagements inclus dans un plan de réorganisation.

Est ainsi passible d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 €, le fait pour toute personne à laquelle peut être imputée le délit de banqueroute :

§ d'avoir payé une dette pendant la période d'observation en violation de l'interdiction ;

§ d'avoir consenti une hypothèque ou un nantissement, ou d'avoir fait un acte de disposition sans l'autorisation du juge-commissaire ;

§ d'avoir effectué un paiement en violation des modalités de règlement du passif prévues au plan de sauvegarde ou de redressement, d'avoir fait un acte de disposition sur un bien indiqué dans le plan sans l'autorisation du tribunal, ou d'avoir procédé à la cession d'un bien rendu inaliénable dans le cadre d'un plan de cession.

Au-delà de la liste des infractions spéciales du droit des procédures collectives, les agissements des mandataires de justice, et plus largement « du personnel de la procédure », peuvent relever d'autres qualifications pénales. Par exemple peut être imputé aux mandataires judiciaires le délit de « prise illégale d'intérêts »98(*).

CONCLUSION

Le titre V du nouveau livre VI du Code de commerce consacré aux responsabilisés et sanctions intéresse particulièrement le droit des personnes morales. Désormais, ni l'associé tenu solidairement du passif ni le dirigeant ne pourront être mis en redressement ou en liquidation. Ce dernier pourra toutefois être condamné à payer les dettes sociales, étant entendu que cette sanction ne se cumule pas avec une action en comblement de passif. La durée et les effets de la faillite personnelle sont précisés. Enfin, ces diverses sanctions s'adressent à tous les dirigeants, même lorsque la personne morale n'exerce pas d'activité économique99(*).

La loi du 13 juillet 1967 avait institué un régime plus favorable au bénéfice du débiteur de bonne foi en séparant le sort de ce dernier de celui de l'entreprise. Les lois postérieures ont poursuivi cette évolution.

Celle du 26 juillet 2005 propose « un nouvel assouplissement du régime des sanctions tout en veillant à en renforcer l'efficacité »100(*) Jusqu'à la loi du 10 juin 1994, seuls les dirigeants des personnes morales ayant une activité économique étaient passibles d'une sanction ( L. 25 janv. 1985, art. 179 dans sa version d'origine). La référence aux personnes morales exerçant une activité économique a été supprimée par la loi du 10 juin 1994 à propos de l'exercice de l'action en comblement de passif101(*), mais conservée en matière de faillite personnelle (actuel art. L. 625-1) et de banqueroute (art. L. 626-1 actuel). La loi du 26 juillet 2005 achève l'évolution : les textes sur les sanctions s'appliquent à tous les dirigeants de personnes morales de droit privé ( C. com., art. L. 653-1 nouveau pour la faillite personnelle. - C. com., art. L. 654-1, L. 654-3 nouveau pour la banqueroute).

Toutefois la loi du 26 juillet 2005 institue une exception au profit des dirigeants de personne morale exerçant une activité libérale à statut réglementé et soumise à des règles disciplinaires qui ne peuvent faire l'objet d'une sanction civile personnelle. L'exception ne concerne que la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer. Elle ne se retrouve pas en matière de banqueroute.

En définitive, quant aux responsabilités civiles des dirigeants, la loi du 26 juillet 2005 a sensiblement fait évoluer le régime de cette responsabilité, sans qu'il puisse être affirmé que cela leur est plutôt favorable.

La reforme la plus importante a consisté sans doute à ne plus admettre d'action en comblement du passif social, ou d'obligation au paiement des dettes sociales lorsqu'un plan de redressement ou de sauvegarde a été adopté. Le message adressé aux dirigeants est clair : la recherche en temps utile de la protection judiciaire pour redresser leur entreprise en difficulté peut contribuer à réduire leur risque personnel. En même temps, le législateur de 2005 rompt avec une idée force du droit français, qui était de dissocier le sort de l'entreprise et celui de l'homme à sa tête : cette dissociation ne reste vraie pour l'avenir qu'en cas de liquidation judiciaire, où le dirigeant n'est pas nécessairement sanctionné.

En convertissant l'ancien redressement judiciaire personnel en « simple obligation aux dettes sociales », le législateur a également fait un pas important : une procédure collective n'est pas une sanction, mais une procédure destinée à traiter la défaillance d'un débiteur. La situation des dirigeants n'en est pas pour autant confortable puisqu'ils ne peuvent pas se prévaloir d'une quelconque suspension des poursuites de leurs créanciers et que le montant de l'obligation aux dettes sociales mise à leur charge peut les conduire à un état de cessation des paiements ou à leur insolvabilité.

Enfin, le législateur a facilité l'exercice de ces actions en responsabilité, en élargissant le cercle des personnes ayant qualité pour intenter l'action.

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* 1 A. Jacquemont, Droit des entreprises en difficulté, 4e éd. Lexisnexis, Litec février 2006, p.37.

* 2 M.-A. Frison-Rochet et S. Bonfils, Les grandes questions du droit économique. Introductions et documents, PUF, 2005, p. 109.

* 3 D. Tricot, Avant-propos : Gaz. Pal., 29-30 avril 2005, p. 4.

* 4 Ce recensement ne tient pas compte du bouleversement des textes lors de la "codification à droit constant" de 2000.

* 5 C. Saint-Alary-Houin, Du document d'orientation préparatoire à la réflexion sur un avant-projet de loi : Lamy commercial, bull. A mai 1999, p.1.

* 6 J.-J. Hyest, Office parlementaire d'évaluation de la législation, Prévention et traitement des difficultés des entreprises : une évaluation des procédures et de leur mise en oeuvre, 5 déc. 2001 : Doc. AN 2001-2002, n° 3451 et Doc. Sénat 2001-2002, n° 120.

* 7 Cour de cassation, Suggestions sur la réforme du droit des entreprises en difficulté in Rapport annuel 2002 : Doc. fr. 2003, p. 27.

* 8 Projet de loi n° 1596, Sauvegarde des entreprises : Doc. AN, 12 mai 2004.

* 9 Cons. const., n° 2005-522 DC, 22 juill. 2005 : Journal Officiel 27 Juillet 2005

* 10 P.-M. Le Corre, Premiers regards sur la loi de sauvegarde des entreprises (loi n°2005-845 du 26 juillet 2005), Chron. Recueil Dalloz, 2005 supplément au n°33 / 7218e. p. 2298.

* 11 Projet de loi n° 1596 précité.

* 12 C. Saint-Alary-Houin, Le projet de loi sur la sauvegarde des entreprises : continuité, rupture ou retour en arrière ? : Dr. et patrimoine janv. 2005, p. 24, spécialement p. 38.

* 13 P. Clément : Rapp. info. AN n° 2094, 20, p. 15

* 14 P. Clément : ibid. p. 15.

* 15 Rapp. J.-J. Hyest, n° 335, p. 443.

* 16 Répon. min. à QE n° 25638, JO Sénat Q. 6 févr. 1986, p. 223.

* 17 Cass. Com, 15 nov. 1988, Bull. civ. IV, n° 305.

* 18 CA Pau, 2e ch., 23 mars 2004, RD Banc. et fin. 2004/5, p. 332, n° 214, obs. F.-X. Lucas.

* 19 CA Pau, 2e ch., 23 mars 2004, RD Banc. et fin. 2004/5, p. 332, n° 214, obs. F.-X. Lucas.

* 20 Cass. Com., 7 janvier 1981, Bull. civ. IV, n° 11.

* 21 Cass. com., 5 mars 2002, Act. proc. coll. 2002/8 n° 104.

* 22 Cass. com., 8 juillet 2003, Act. proc. coll. 2003/16, n° 215.

* 23 Cass. com., 14 mars 2000, Act. proc. coll. 2000/8, n° 95; D. 2000, AJ p. 188, obs. A. Lienhard.

* 24 Cass. com., 7 mars 2006, Recueil Dalloz, 2006, n° 12, p. 857 à 859, obs. A. Lienhard

* 25 Rapport Sénat, n° 335, Session ordinaire 2004-2005, mai 2005, par le sénateur Jean-Jacques Hyest, t. I, p. 448 citant P.-M. Le Corre, Les sanctions dans l'avant-projet de réforme des entreprises en difficultés : Gaz. pal. 2003, 2e sem, doct, p. 3682 s.

* 26 Rapp. Sénat préc., p. 452.

* 27 C. Henry, note sous Cass. Com., 16 avr.1996, n°94-13.526, Rev. Sociétés 1997, p.611 ; aussi CA Paris, 3e ch. C, 1er fév. 2002, Lejeunec/Moyrand ès qual., BRDA 2002, n°8, p. 5

* 28 Cass. Com., 27 fév. 1978, Bull. civ.IV, n°78, p.63. ; Cass. Com., 30 mars 1999, Bull. Joly 1999, p. 757 et p. 759, note C. Saint Alary-Houin

* 29 CA Paris, 3e ch. A, 19 mars 1991, Rev. Sociétés 1992, p. 787, note Honorat.

* 30Cass.com., 9mars 1976, n°74-12.576, Quot. jur.29 sept. 1976.

* 31J.-P. Legros, Montant de l'insuffisance d'actif, Dr. des soc., n°11, nov. 2005, comm.194 sous Cass. Com., 7 juin 2005  Nébodonc/André : Juris-Data n°2005-028869 : « L'application des dispositions relatives à l'action en comblement de passif ne nécessite pas que le montant de l'insuffisance soit chiffré ».

* 32 Cass. Com., 28 mai 1991, Bull. civ. IV, n°187, p. 133, Rev. sociétés 1992, p.373, note Honorat.

* 33 Cass. Com., 25 juin 2002, RJDA2002, n°12, n°1306, p. 1103.

* 34 Cass. Com., 14 mars 2000, Dr. sociétés 2000, n°75, Obs. Chaput

* 35 Cass. Com, 14 mars 2000 précité

* 36 Cass. Com 20 déc. 1988, Rev. Sociétés, 1989, p. 502, note Honorat

* 37 M. Bourrie-Quenillet, La faute de gestion du dirigeant de société en cas d'insuffisance d'actif, pratique judiciaire : JCP E 1998, p.455-461. ; A. Martin-Serf, Panorama des fautes de gestion : RTD com.1999, p.983.

* 38 M. Vasseur, Le droit français [et spécifiquement l'article 99 de la loi du 13 juillet 1967] est-il un handicap pour l'apporteur de fonds propres ?: Banque 1979, p. 7 et 187. ; Cass. com., 11 janv. 1994, pourvoi n° 92-10-914.

* 39 A. Jacquemont, Droit des entreprises en difficulté, 4e éd. Lexis-nexis Litec, février 2006, n°897, p.450.

* 40 S. Hadji-Artinian, La faute de gestion en droit des sociétés, Litec 2002.

* 41 Voir par exemple à propos de l'erreur sur la viabilité d'une chaîne de télévision : T. com. Paris, 23 nov. 1992, aff. La Cinq : Bull. Joly Sociétés 1993, p. 255, note M.-J. Campana.

* 42 Cass.com., 25 mars 1997 : JCP E 1997, pan. 531, à propos d'un Comité de développement économique administrateur négligent d'une société.- Dans le même sens la passivité reprochée à une société de capital-risque qui détenait à la fois 20% du capital et 3 postes sur 7 au Conseil d'administration d'une SA. : Cass. Com., 30 oct. 2000 : Bull. Joly Sociétés 2001, § 5, p. 27, note J.-J. Daigre.

* 43 Cass. Com., 27 avr.1993 : JCP 1993, I, 277 § 20.

* 44 Cass.com., 23 mai 2000 : JCP E. 2000, p. 1165.

* 45 CA Lyon, 3e ch. Civ., 12 sept. 2002 : Dr. Sociétés 2004-1, n° 7, obs. J.-P. Legros.

* 46 CA. Paris, 3e ch. B 24 nov. 1989, BRDA 1990, n° 8, p. 21.

* 47 CA Versailles, 13e ch., 3 mai 1990, Bull. Joly 1990, p. 664.

* 48 CA Paris, 3e ch. B, 19 nov. 1999, Fabrec/Pelligrini ès qual., BRDA 2000, n° 4, p. 5.

* 49 Cass.com., 25 juin 2002, RJDA 2002, n° 1306, p. 1103.

* 50 CA Versailles, 13e ch., 4 mai 1995, Flouquet c/Chavinier, Bull. Joly 1995, p. 788, note Courret.

* 51 Cass. com., 30 nov. 1993 : Bull. Joly Sociétés, 1994, p.410, obs. Ph. Petel.

* 52 A. Jacquemont, précité, n° 900, p.452.

* 53 Décret du 28 décembre 2005, article 316. ; Cass. com., 14 mars 2000 : RJDA 7-8/2000, n°786.

* 54 Cass. com., 5 mai 2004 : D 2004, p.1796, J.-L.Vallens

* 55 Dossiers Pratiques Francis Lefebvre, Réforme des procédures collectives, nouveau régime applicable au 1er janvier 2006 après la loi de sauvegarde des entreprises et son décret d'application, éd. Francis Lefebvre 2006, n°6165 et s, p. 33-34 :

La loi de sauvegarde des entreprises a donc retiré au tribunal la faculté de se saisir d'office. Selon les débats, cette modification se justifie doublement (Rapport Assemblée Nationale n° 2095 p. 427 ; Rapport Sénat n° 335 p. 450) :

D'une part, le maintien de la saisine d'office est incompatible avec la philosophie de la reforme qui tend à conforter la mission de prévention confiée au président du tribunal et à inciter le chef d'entreprise à faire part de ses difficultés au tribunal le plus tôt possible. En effet, il aurait été difficile de promouvoir cette mission si le président avait été également celui qui pouvait décider ultérieurement d'engager une action pour sanctionner financièrement le dirigeant.

D'autre part, cette modification est conforme à une suggestion de la Cour de Cassation qui, dans son rapport pour 2002, a affirmé que la saisine d'office crée des risques de violation de l'article 6, §1 de la Convention européenne des droits de l'Homme en raison de la confusion des rôles d'engagement de la procédure et de jugement, et que le ministère public, mieux informé qu'auparavant, a les moyens de provoquer les sanctions financières.

La faculté de saisine a également été retirée au commissaire à l'exécution du plan, ce retrait reprenant là aussi une préconisation de la Cour de cassation dans son rapport précité.

De même, l'administrateur judiciaire ne fait plus partie des autorités habilitées à mettre en oeuvre l'action en comblement de passif. Selon les travaux parlementaires, cette solution s'explique par le souci légitime de mieux distinguer les deux métiers de mandataires et d'administrateur judiciaires (Rapport Sénat précité).

* 56 Rapport Sénat n° 335 p. 451.

* 57 Bien que le délai de trois ans reste inchangé par rapport au régime précédent, la modification du point de départ du délai n'est pas sans conséquence pour le dirigeant. En effet, compte tenu de la durée pendant laquelle un plan peut être arrêté (dix ans en principe), le dirigeant peut être poursuivi treize ans après le jugement ayant ouvert la procédure de sauvegarde ou de redressement. Si ce dispositif entraîne une certaine insécurité juridique pour les dirigeants, il est en revanche favorable aux créanciers.

* 58 C. com., art. L. 651-1.

* 59 Cass. Com., 1er juill. 1975: Rev. sociétés 1976, note Sortais

* 60 CA Versailles, 13e ch., 27 sept. 2001, Act. Proc. Coll. 2002/9, n° 117.

* 61 CA Paris, 3e ch. A, 11 janvier 2005, Gaz. Proc. Coll. 2005/1, p. 51.

* 62 Rapp. J.-J. Hyest, précité

* 63 Cass. com., 24 sept. 2003 : JCP E 2004, 202, §18, obs. Ph. Petel

* 64 Cass. Com., 17 juill. 2001: RJDA 12/2001, n° 1239, p. 1034.

* 65 Cass. com., 23 mai 2000 JCP E 2000, p. 1568.

* 66 Cass. com., 5 nov. 2003 : JCP E 2004,1058, p.1155, note M.-P. Dumont-Lefrand.

* 67 Cass. com., 18 mai 1981, Rev. sociétés 1981, p.640, note A. Honorat.

* 68 CE, 27 mai 1977 : Dr. fisc. 1987, n° 43, comm. 1998.

* 69 Sur les conditions de cette déductibilité, M. Cozian, Le dirigeant contraint d'acquitter un passif social peut-il déduire de ses revenus imposables les paiements qu'il a effectués ?: JCP E 2002, n°366.

* 70 Cass.com., 22 janv. 2002 : JCP E 2002, 807, n° 17, Ph. Petel.

* 71 Cass. com., 20 mai 1997 : JCP E 1998, n° 16, p.34.

* 72A. Jacquemont, précité, n° 905, p.454.

* 73 D. Vidal, Droit des procédures collectives, éd. Gualino, févr. 2006, p. 313. ;

A. Lienhard, obs. sous Cass. com., 7 juin 2005, D. 2005, AJ p. 1697.

* 74 Rapp. J.-J. Hyest. n° 335, p. 61.

* 75 P.- M. Le Corre, op. cit., D. 2005, Chron. p. 2306. n° 33.

* 76 Cass. Com., 19 fév. 2002, n°424 : RJDA 7/02, n°777.

* 77 Cass. Com., 11 avr. 1995 : Bull. Joly 1995 p. 684 note Daigre.

* 78 Décret du 28 décembre 2005 article 321.

* 79 Rapport AN n° 2095 p.431

* 80 Cette liberté accordée au tribunal pour décider du montant des dettes mises à la charge du dirigeant résulte d'un amendement introduit par les députés. Le projet de loi prévoyait que le dirigeant condamné au titre de l'article L.652-1 devait obligatoirement supporter l'ensemble des dettes sociales. La modification a été apportée pour permettre au tribunal de moduler la sanction en fonction de chaque situation (prise en compte, notamment, de la gravité de la faute du dirigeant ou de sa situation personnelle).

* 81 C. Robaczewski, La non reforme des sanctions pénales dans la loi de sauvegarde des entreprises : Gaz. Pal, des 9 et 10 sept. 2005 p. 48

* 82 A. Jacquemont, Op. cit., n° 915, p.459.

* 83 A. Jacquemont, Ibidem, n° 915, p.459 : Les auteurs du projet de loi soumis au Parlement en 2005 avaient prévu de ne pas faire d'exception pour la procédure de sauvegarde. Mais les parlementaires ont craint que la perspective de ces sanctions professionnelles ne dissuade entièrement les chefs d'entreprise de faire la démarche du dépôt de bilan préventif et ont donc, dans le cadre de la loi du 26 juillet 2005, réservé ces sanctions aux seules procédures de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

* 84Cass. Com., 23 mai 2000 : Rev. Proc. Coll. 2001, p. 50, Obs. A Barret, : cas de déclaration tardive de la cessation des paiements

* 85 Cass.com., 27 oct. 1998, Bull. Joly Sociétés 1999, p. 57.

* 86 La possibilité de prononcer la faillite personnelle à l'égard des membres des professions libérales a été débattue lors du vote de la loi du 26 juillet 2005. Si le principe en a finalement été retenu, les parlementaires l'ont cependant assorti d'une exception importante : échappent à la faillite personnelle les personnes exerçant une activité professionnelle indépendante qui, à ce titre sont soumises à des règles disciplinaires (art. L 653-1-I).

Que ce soit donc par la voie générale de la faillite personnelle ( cas des agents commerciaux qui ne sont soumis à à aucune règle disciplinaire), ou par celle des sanctions disciplinaires propres à la profession, tous les membres des professions libérales sont susceptibles d'être notamment privés de la possibilité d'exercer temporairement leur activité.

* 87 Pour un exemple d'arrêt d'appel cassé pour avoir retenu un cas non prévu par la loi, en l'espèce l'absence de remise de certains documents au liquidateur, Cass. com. 13 mai 2003, Dr. Soc. 2004-2, n°25, obs. J.-P. Legros

* 88 Décret 28 déc. 2005, art. 324.

* 89 Cass. Com., 22 oct. 1996 : JCP E 1997, I, 623, n° 12.

* 90 B. Soinne, Traité des procédures collectives, Litec, 2e éd. 1995, n° 2689-2695.

* 91 Cons. Const., 15 mars 1999 : JO 21 mars 1999.

* 92 Cass. Com. 3 nov. 1992, Bull. civ., IV. n° 343.

* 93 En se contentant de fixer une durée maximale, importante, la loi du 26 juillet 2005 a renversé l'approche ancienne, puisque l'ancien article L. 625-10 du Code de commerce imposait à l'inverse une durée minimale de cinq ans, sans limite supérieure, sauf l'impossibilité d'une condamnation à vie. Est ainsi donnée au tribunal la possibilité d'adapter plus finement sa sanction à chaque cas d'espèce. Les interdictions et déchéances prononcées plus de quinze ans avant la date de publication de la reforme (27 juillet 2005) ont donc pris fin de plein droit à cette date (L. 2005, art. 190 2° et Cass. Com. 29 nov. 2005, JCP E 2005-365

* 94 CA Paris, 12 juin 1990 : RJ com. 1991, p.181, note J-P Marchi.

* 95 CA Paris, 3e ch., 7 mars 2003 : Dr. sociétés, déc. 2003, n°210, obs. J.-P. Legros.

* 96 A. Jacquemont, op. cit., n° 939, p.472 

* 97 Cass. crim. 30 juin 1999, Act. Proc. Coll. 1999, n° 209, obs. J. Vallansan

* 98 Cass. crim. 26 sept. 2001 : Act. Proc. Coll. 2001-20, n°267.

* 99 J.-P. Legros, La loi du 26 juillet de sauvegarde des entreprises. Le sort des membres et dirigeants des personnes morales (4e partie). Dr. sociétés, 10 janvier 2006, p.10.

* 100 Rapport Sénat, n° 335, Session ordinaire 2004-2005, mai 2005, par le sénateur Jean-Jacques Hyest, t. I, p. 441.

* 101 (Rapp. Assemblée Nationale, n° 2095, XIIe Législature, févr. 2005, par le député Xavier de Roux, p. 424)






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