FACULTE DE DROIT ET DES
SCIENCES SOCIALES
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MEMOIRE POUR L'OBTENTION DU MASTER RECHERCHE EN DROIT PRIVE
FONDAMENTAL
THEME : LA RESPONSABILITE DES DIRIGEANTS EN
CAS DE PROCEDURE COLLECTIVE CONTRE LA SOCIETE
Sous la Direction du Professeur
Jean Claude Hallouin
Présenté par : Michel Justancia
ILOKI
Année Académique 2005 - 2006
REMERCIEMENTS
Mes remerciements vont ici à ceux qui m'ont permis
d'apprendre l'essentiel de ce que je sais dans ce domaine,
particulièrement
M. Jean Claude Hallouin dont les
observations attentives et éclairées m'ont été
particulièrement précieuses, à mon amie Isis
Mabiala, et à ma femme Eléonore
ILOKI née THOIREY, ainsi
qu'à tous ceux qui m'ont aidé de leurs encouragements.
ABREVIATIONS
al.
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alinéa
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A.N. ou Ass. Nat.
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Assemblée Nationale
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art.
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article
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B.O
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Bulletin officiel
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Bull. soc. ou Bull. Joly
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Bulletin mensuel d'information des sociétés
Joly
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Bull. Cass. civ.
|
Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (chambres
civiles)
|
B.R.D.A.
|
Bulletin rapide de droit des affaires Francis Lefebvre
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Cass. ou C. cass.
|
Cour de cassation
|
Cass. civ.
|
Chambre civile de la Cour de cassation
|
Cass. com.
|
Chambre commerciale de la Cour de cassation
|
Cass. crim.
|
Chambre criminelle de la Cour de cassation
|
Cass. Req.
|
Chambre des requêtes de la Cour de cassation
|
C. civ.
|
Code civil
|
C. com.
|
Code de commerce
|
C. const.
|
Conseil constitutionnel
|
C.E. ou Cons. Etat
|
Conseil d'Etat
|
C.J.C.E.
|
Cour de justice des Communautés Européennes
|
comm.
|
commentaire
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concl.
|
conclusions
|
cit.
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cité
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Chr. ou Chron.
|
Chronique
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D.
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Recueil Dalloz
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D.H.
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Dalloz hebdomadaire
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D.P.
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Dalloz périodique
|
Doct.
|
Doctrine
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Dr. Sociétés
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Droit des sociétés
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éd.
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édition
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fasc.
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fascicule
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Gaz. Pal.
|
Gazette du Palais
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ibid.
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ibidem (au même endroit)
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I.R.
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Informations rapides
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Jcl.
|
Jurisclasseur
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J.C.P. ou J.C.P. (éd. G.)
|
Jurisclasseur périodique, édition
générale
|
JCP (éd. E)
|
Jurisclasseur édition entreprise
|
J.O.
|
Journal Officiel
|
Les P.A.
|
Les pétites affiches
|
L.
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Loi
|
obs°
|
observations
|
op. cit
|
opus citatum (ouvrage cité)
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préc.
|
précité
|
R.D.Com.
|
Revue de droit commercial
|
Rec. Const. D'Et.
|
Recueil des décisions du Conseil d'Etat
|
Rép. min.
|
Réponse ministérielle
|
R.J.C.
|
Revue de jurisprudence commerciale
|
Rev. proc. coll.
|
Revue des procédures collectives
|
Rev. soc.
|
Revue des sociétés
|
RJDA
|
Revue de jurisprudence de droit des affaires
|
R.T.D. Com.
|
Revue trimestrielle de droit commercial
|
S.
|
Recueil Sirey
|
s.
|
suivant
|
SA
|
Société Anonyme
|
SARL
|
Société à Responsabilité
Limitée
|
SNC
|
Société en nom collectif
|
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SOMMAIRE
INTRODUCTION..................................................................................7
Chapitre I LES SANCTIONS PATRIMONIALES
ENCOURUES PAR LES DIRIGEANTS EN CAS DE PROCEDURE COLLECTIVE CONTRE LA SOCIETE
DEPUIS LA LOI DU 26 JUILLET
2005......................................................15
Section I La responsabilité des
dirigeants pour insuffisance d'actif social.........16
Paragraphe 1 Le maintien des conditions
générales de la responsabilité pour insuffisance
d'actif................................................................................18
Paragraphe 2 La procédure et la large
autonomie reconnue au tribunal..................24
Paragraphe 3 Les conséquences de la
condamnation des dirigeants pour insuffisance
d'actif................................................................................................28
Section II Le remplacement des
procédures collectives sanctions par la nouvelle obligation aux dettes
sociales du nouveau article L 652-1 du C. Com. issue de la loi du 26 juillet
2005.................................................................................32
Paragraphe 1 Les conditions du prononcé de la
sanction (les cinq cas de l'article L
652-1).....................................................................................................34
Paragraphe 2 La
procédure......................................................................35
Paragraphe 3 La condamnation au paiement des
dettes.....................................36
Chapitre II LES SANCTIONS
PROFESSIONNELLES ET PENALES ENCOURUES PAR LES DIRIGEANTS EN CAS DE PROCEDURE
COLLECTIVE CONTRE LA SOCIETE DEPUIS LA LOI DU 26 JUILLET
2005.........................................40
Section I Les sanctions
professionnelles....................................................41
Paragraphe 1 La faillite
personnelle............................................................41
Paragraphe 2 L'interdiction de gérer
..........................................................49
Section II Les sanctions
pénales..............................................................51
Paragraphe1 Délit de
banqueroute..............................................................51
Paragraphe 2 Les autres
infractions............................................................54
CONCLUSION....................................................................................56
INTRODUCTION
«Si tous subissent le choc de l'ouverture d'une
procédure collective, les conséquences en sont évidemment
différentes pour les dirigeants, pour lesquels se posent avant tout la
question de leur responsabilité dans cet échec et donc des
sanctions »1(*).
La mise sous procédure collective d'une entreprise a
des répercussions sur la situation de son ou ses dirigeants même
si l'idée d'une distinction entre l'homme et l'entreprise, chère
au doyen Houin, s'est imposée depuis la loi du 13 juillet 1967. Ainsi,
malgré l'écran que constitue la personne morale, les lois
successives ont maintenu la possibilité de condamner ceux qui sont les
véritables maîtres de l'affaire.
Il est assez légitime de s'interroger sur l'incidence
des fautes des dirigeants sur la défaillance de l'entreprise
débitrice chaque fois que celle-ci ne peut plus être
redressée, et de mettre en cause le cas échéant leur
responsabilité personnelle pour réparer le préjudice subi
par les créanciers. La question ne se pose cependant que dans les
personnes morales puisque le débiteur personne physique est
déjà sanctionné par le droit de gage des créanciers
sur la totalité de son patrimoine.
Au gré des réformes successives, le
législateur s'est attaché à restaurer le couple
pouvoir-responsabilité en permettant d'exposer, au delà de
l'écran de la personne morale, les dirigeants à des sanctions,
à finalité indemnitaire, disciplinaire, préventive ou
punitive.
Pourtant le droit des entreprises en difficulté a
récemment encore été qualifié de
« branche du droit bien
décourageante »2(*). Il est vrai qu'il aboutit rarement aux
résultats escomptés. Malgré la distinction de l'homme et
de l'entreprise initiée en 1967, malgré les textes de 1985
guidés par la volonté de redressement de l'entreprise, 95 % de
procédures se terminent par une liquidation judiciaire. Pour reprendre
une expression récemment employée par le président de la
Chambre commerciale de la Cour de Cassation, Monsieur Daniel Tricot,
« quel gâchis : 5 % environ de sauvetages !
»3(*).
En réponse à ce propos le législateur a
parlé une nouvelle fois : la loi n° 2005-845 du 26 juillet
2005 de sauvegarde des entreprises publiée au Journal officiel
de la République française du 27 juillet 2005 modifie en
profondeur la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et
à la liquidation judiciaires des entreprises, elle-même largement
remaniée par la loi n° 94-475 du 10 juin 1994 sur la
prévention et le traitement des difficultés des entreprises, puis
intégrée dans le Livre VI du Code de commerce crée, pour
sa partie législative, par l'ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre
2000. L'évolution est évidente : déjà en 1994
le législateur insistait sur la prévention ; en 2005 il
affiche la sauvegarde.
Le nouveau droit des entreprises en difficulté est
arrivé. C'est la cinquième réforme des procédures
collectives en cinquante ans. La durée de vie moyenne des textes en la
matière est donc facile à calculer4(*). Le moins que l'on puisse dire est que cette
réforme était attendue. Depuis 19985(*), document d'orientation, document préparatoire,
avant-projet et projet de loi ont donné lieu à discussions et
colloques. Ils ont engendré une abondante littérature juridique.
Toutes les personnes et institutions concernées se sont
manifestées : parlementaires6(*), Cour de cassation7(*), Conférence générale des
tribunaux de commerce, Chambre de commerce et d'industrie de Paris, MEDEF,
Conseil national et associations professionnelles des mandataires de justice
etc. Cette concertation a pris une telle ampleur qu'il serait fastidieux
d'énumérer de manière exhaustive ceux qui y ont pris part
et l'avalanche de communications auxquelles elle a donné lieu. On ne
peut manquer, cependant, de rendre hommage aux services de la Chancellerie qui
ont dirigé ce chantier difficile avec ardeur et compétence. Le
projet de loi diffusé le 26 janvier 2004 a été
sensiblement revu par le Conseil d'État avant d'être
déposé le 12 mai 2004 à l'Assemblée
nationale8(*). Il n'a
été examiné, en première lecture, après
déclaration d'urgence, qu'en mars 2005 à l'Assemblée et en
juin au Sénat, pour être définitivement voté par les
deux assemblées, après réunion d'une Commission mixte
paritaire, le 13 juillet. Le Conseil constitutionnel ayant
été saisi par des parlementaires de l'opposition, la
constitutionnalité des dispositions contestées a
été reconnue par décision du 22 juillet9(*) et la
loi
n° 2005-845 de sauvegarde des entreprises a été
promulguée le 26 juillet 2005 et publiée au
Journal
Officiel du 27 Juillet 2005.
La réforme est assurément d'ampleur, au moins
quantitativement, puisque le texte de loi définitif compte 196 articles.
Autant dire que la plupart des articles du livre VI du Code de commerce
subissent des modifications plus ou moins importantes, allant de l'abrogation
à la réécriture, en passant par des améliorations.
Pour autant, il est difficile de mesurer la véritable ampleur des
changements. Tout au plus peut-on dès à présent constater
qu'il ne s'agit pas d'un bouleversement entraînant un changement de
philosophie comme en 1985, mais à l'inverse il ne s'agit pas non plus
d'un toilettage, même approfondi comme en 1994. Révolutionnaire,
cette loi l'est plus par la méthode que par les objectifs qu'elle
s'assigne, qui ne changent pas par rapport à la législation
précédente10(*).
Néanmoins la loi de sauvegarde constitue une
évolution incontestablement importante de la législation. Chacun
s'accorde à constater les emprunts à la législation
américaine et spécialement au chapitre 11, qui consacre la
possibilité pour l'entreprise de se placer sous la sauvegarde de la
justice, sans être en état de cessation des paiements. La loi
nouvelle s'inscrit également dans la lignée d'autres
législations européennes du droit des procédures
collectives, qui, pour nombre d'entre elles, viennent d'être
modifiées, d'autres devant l'être très prochainement. L'axe
principal est le même : celui de l'anticipation dans le traitement
des difficultés des entreprises. Ce phénomène d'alignement
de la législation française sur celles des autres pays
européens est nouveau, mais n'est pas le fruit du hasard. La
législation du 25 janvier 1985 constitue un épouvantail à
créanciers, qui détourne les potentiels partenaires
européens. La loi de sauvegarde des entreprises apporte, sur ce terrain,
des réponses nouvelles, plus conformes à la vision des autres
législateurs européens.
Certaines innovations sont assurément spectaculaires,
du moins au regard de l'appréhension traditionnelle des
difficultés des entreprises par le droit français. Il suffit pour
s'en convaincre de se reporter à la nouvelle procédure de
sauvegarde instituée par cette loi, procédure qui est une
véritable procédure collective, puisqu'elle se traduit par la
mise en place d'une discipline collective des créanciers et par la
suspension de leurs poursuites, mais procédure qui ne peut être
ouverte qu'avant cessation des paiements. Depuis des années, et
même en 1985, la notion de cessation des paiements avait
été discutée, critiquée, d'aucuns la jugeant trop
rigoureuse, d'autres estimant qu'elle entraînait un recours beaucoup trop
tardif à un traitement judiciaire. La réforme de 2005 ne modifie
pas cette notion, elle fait beaucoup plus, puisque désormais un
débiteur peut bénéficier d'une procédure collective
avant d'être en cessation des paiements, ou plus
précisément, il ne peut bénéficier de cette
procédure qu'avant d'être en cessation des paiements. Si on
hésite à employer le terme de révolution, il n'en reste
pas moins qu'il y a là plus qu'une simple innovation, et en ce sens, le
texte du 26 juillet 2005 constitue assurément une réforme et
non un simple toilettage approfondi.
Dans l'exposé des motifs du projet de loi11(*), il est affirmé que
notre droit des difficultés des entreprises «est
désormais inadapté à notre économie»,
affirmation qui doit être nuancée puisque la philosophie des
textes de 1985 n'est pas véritablement remise en cause. Si le
législateur de 2005 critique les lois de 1985, qui selon lui, trouvaient
leur place «dans une économie dirigée» et se
traduisaient par «un considérable amoindrissement des droits
des créanciers», il rappelle également que
«l'objectif de la sauvegarde de l'entreprise est
crucial» ; et cet objectif doit être poursuivi. Il s'agit
donc, non pas de revenir à une conception patrimoniale de la
matière, mais de poursuivre cette recherche de traitement des
difficultés des entreprises, «par des moyens
diversifiés, sans porter d'atteintes excessives aux autres entreprises
que sont les créanciers». L'accent est plus que jamais mis sur
la prévention, sur le traitement préventif, traitement
préventif qui peut au besoin être judiciaire. La liquidation
judiciaire n'est pas oubliée, elle est redéfinie, ou
plutôt, elle est enfin définie et appréhendée comme
une véritable procédure, et non comme une sorte d'incidente
faisant suite à l'échec du redressement.
Ensuite, le législateur de 2005 a souhaité
diversifier les procédures de traitement des difficultés des
entreprises et il n'est pas inutile d'énoncer dès à
présent les instruments mis à disposition des entreprises :
désignation d'un mandataire ad hoc ; procédure de
conciliation qui se substitue au règlement amiable, tout en conservant
son caractère souple et consensuel ; procédure de
sauvegarde, à condition que le débiteur ne soit pas en cessation
des paiements, et qui a vocation à donner lieu à un plan de
sauvegarde, sorte de plan de continuation de l'entreprise ;
procédure de redressement judiciaire, après cessation des
paiements ; liquidation judiciaire étant précisé que
désormais est instituée une liquidation judiciaire
simplifiée pour les entreprises de taille très modeste et que
cette liquidation peut également se traduire par une cession globale ou
partielle de l'entreprise, mais que cette liquidation tend enfin à
devenir une procédure autonome et non la fin ou la suite d'une tentative
de redressement.
En d'autres termes, le droit français met
désormais à disposition du débiteur trois
procédures collectives de traitement judiciaire de ses
difficultés, la sauvegarde, le redressement et la
liquidation. Soit, le débiteur anticipe la cessation des paiements et il
recourt à la procédure de sauvegarde, bénéficiant
des avantages de cette procédure ; soit il peut, dans les
quarante-cinq jours de la cessation des paiements recourir au redressement
judiciaire, mais cette procédure ne lui offre pas les mêmes
avantages et, dans la même situation, il peut recourir à la
procédure de conciliation (à tel point que l'on peut se demander
si la procédure de redressement judiciaire n'aura pas à terme,
vocation à devenir une procédure résiduelle... mais sans
doute est-ce là faire preuve de trop d'optimisme...), qui, si elle n'est
pas une procédure collective n'en a pas moins beaucoup d'attraits. Soit
le redressement paraît impossible, et il convient de liquider
l'entreprise et plus précisément de liquider son patrimoine, le
débiteur étant alors écarté, et la liquidation de
ce patrimoine pouvant se traduire par un maintien de tout ou partie de
l'activité à travers une cession, mais s'il faut liquider, il
faut alors le faire, si possible, rapidement, personne n'ayant à gagner,
ni le débiteur, ni ses créanciers à ce que cette
procédure s'éternise.
La loi de 2005 se distingue aussi par l'instauration des
procédures plus attractives et plus rapides. Sur ces
deux points, des efforts sensibles ont été faits.
Le législateur tente d'améliorer la
prévention, et tente également de rendre les procédures de
traitement judiciaire plus attractives, précisément en vue
d'inciter le débiteur à recourir à ces procédures
sans appréhension en cas de difficulté.
C'est particulièrement le cas pour la nouvelle
procédure de sauvegarde, qui notamment «revalorise la situation
du débiteur»12(*). L'une des idées-forces de cette
réforme, très ambitieuse sur ce point, est d'encourager le
recours précoce aux instruments juridiques de traitement des
difficultés ; le souhait du législateur est que la faillite
ne soit plus considérée par le chef d'entreprise et par les
milieux économiques comme un aveu d'échec
irrémédiable. Il faut donc «savoir dépasser les
réticences du chef d'entreprise et de l'opinion publique
économique»13(*). Afin d'encourager le recours aux traitements
préventif ou curatif, la
loi
du 26 juillet 2005 "redistribue" pour partie les rôles dans la
procédure. Outre l'amélioration de la situation du
débiteur qui accepte de recourir à un traitement de
manière suffisamment précoce, les créanciers sont
invités à participer plus activement à la recherche d'une
solution, notamment dans les grandes entreprises, par la mise en place de deux
comités de créanciers. On constate également un certain
recul du rôle du tribunal de commerce qui est désormais
«consacré comme un organe protecteur des entreprises qui
peuvent se placer sous main de justice sans être en cessation des
paiements»14(*),
recul qui se traduit par une présence plus active du ministère
public. On relèvera également le souci d'accélérer
le déroulement des procédures. À cet effet, avec
pragmatisme, est notamment mise en place une procédure de liquidation
simplifiée qui permettra au débiteur n'ayant que peu d'actifs
d'obtenir la clôture de la procédure dans l'année qui suit
son dépôt de bilan.
D'autres innovations peuvent également dès
à présent être signalées et en particulier
l'extension du champ d'application du droit des entreprises en
difficulté aux personnes physiques exerçant une activité
professionnelle indépendante, y compris une profession libérale
soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le
titre est protégé, qui vont enfin pouvoir
bénéficier d'un mode de traitement collectif de leurs
difficultés. Le texte tente également d'améliorer les
droits des créanciers antérieurs, de limiter le passif
postérieur privilégié, de simplifier certaines mesures...
autant de modifications qui le plus souvent ne bouleversent pas l'ancien
régime du droit des entreprises en difficulté mais qui ne sont
pas négligeables pour autant.
Quant aux sanctions, ce sur quoi porte notre travail,
elles sont également modernisées. À cet égard, le
législateur de 2005 poursuit l'oeuvre de séparation de l'homme et
de l'entreprise initiée en 1967.
L'étude consacrée au Chapitre V de la
Loi du 26 juillet 2005 nous paraît tout à fait opportun car elle
nous amène à nous interroger sur une question nouvelle faisant
partie de l'actualité brûlante du droit des sociétés
et à laquelle peu d'études sont menées à l'heure
actuelle. Ce qui nous conforte dans cette mission c'est de s'être
donné la tâche de figurer parmi les pionniers investis à
son étude.
En revanche, la mission que nous nous sommes
confiée pour cette tâche n'est pas de faire une étude sur
la responsabilité des dirigeants des sociétés en
général, mais d'étudier la responsabilité des
dirigeants dans des circonstances très particulières des
procédures collectives. Ce qui nous évite d'ailleurs de faire une
étude exhaustive de la loi du 26 juillet 2005, mais plutôt de nous
intéresser à son chapitre V
intitulé : « Des responsabilités et
sanctions ». Il s'agit bien entendu de la responsabilité
des dirigeants sociaux en cas de procédure collective que nous devons
traiter.
La délimitation s'avère très
nécessaire pour notre travail de peur de sombrer dans l'évasion
sans pour autant répondre à la question essentielle qui constitue
la matière de notre étude.
De ce fait, la question à résoudre se
pose de la manière suivante : quels sont les apports de la loi du
26 juillet 2005 et les nouveaux sorts qu'elle édicte aux dirigeants
sociaux soumis à des procédures collectives par rapport aux lois
qui lui ont précédée ?
La réponse à cette question nous dicte de
l'aborder sous deux angles classiques : d'une part, les sanctions
patrimoniales encourues par les dirigeants en cas de procédure
collective contre la société (I) et d'autre part, les sanctions
professionnelles et pénales (II).
CHAPITRE I
_______________________________________________________________________________________________________________________________Chapitre
I LES SANCTIONS PATRIMONIALES ENCOURUES PAR LES DIRIGEANTS EN CAS DE PROCEDURE
COLLECTIVE CONTRE LA SOCIETE DEPUIS LA LOI DU 26 JUILLET 2005.
Auparavant, le dirigeant d'une société faisant
l'objet d'une procédure collective encourait deux sortes de sanctions
patrimoniales : la mise en redressement ou en liquidation judiciaire
personnel et l'obligation de supporter tout ou partie des dettes sociales,
sanction connue sous le nom de comblement du passif social. Cette
dernière a été conservée par la loi de 2005
moyennant quelques modifications. La loi nouvelle n'évoque pas
l'idée des sanctions pécuniaires mais celle de
responsabilité. Ces mesures constituent en effet un mode particulier de
mise en jeu de la responsabilité civile délictuelle15(*). Elle reprend, sous quelques
adaptations, l'action en comblement de passif de la législation
antérieure, en évoquant désormais « la
responsabilité pour insuffisance d'actif », mais supprime le
redressement et la liquidation judiciaires personnels, du fait de la
suppression systématique de la procédure collective sanction. Une
des innovations principales de la loi de sauvegarde des entreprises est donc
celle là. Désormais, une telle procédure est
nécessairement liée à l'existence d'une cessation des
paiements.
En substitution de cette sanction, la loi crée une
nouvelle « obligation aux dettes sociales » que nous
appellerons dans les développements qui suivent, « obligation
aux dettes de l'article L 652-1 nouveau du Code de Commerce ».
Dans le projet initial, cette nouvelle sanction apparaissait
comme une sanction aggravée de l'action en comblement de passif car le
dirigeant condamné devait supporter la totalité des dettes
sociales, sans que le tribunal ait le pouvoir de moduler la sanction. Mais au
fil des travaux parlementaires, la distinction entre les deux sanctions s'est
atténuée-le tribunal s'étant vu reconnaître le
pouvoir de moduler le montant de la dette mise à la charge du
dirigeant-, de sorte que ces deux sanctions pécuniaires sont devenues
très proches l'une de l'autre. Les sections (I) et (II) de notre
Chapitre leur seront respectivement consacrées.
Section I La responsabilité des dirigeants pour
insuffisance d'actif social.
L'action en comblement de passif devenue l'action en
responsabilité pour insuffisance d'actif est une action en
responsabilité civile délictuelle16(*), à caractère non répressif,
solution déjà posée sous l'empire de la loi du 13 juillet
196717(*), mais
exclusivement indemnitaire18(*), ayant pour objet la réparation du
préjudice subi par la collectivité des créanciers. La
solution permet d'écarter le jeu de l'article 4 du protocole n° 7
de la Convention Européenne des droits de l'homme et des libertés
fondamentales qui interdit de punir deux fois pour des mêmes
faits19(*).
Sous l'empire de la loi du 13 juillet 1967, l'action en
comblement de passif présentait par rapport à l'action en
responsabilité civile, une particularité évidente :
le demandeur à l'action était disposé de prouver la faute
et le lien de causalité entre la faute et le préjudice. Deux des
trois éléments classiques de la trilogie constitutive d'une
action en responsabilité étaient présumés. Cette
absence d'assimilation entre l'action en responsabilité civile contre
les dirigeants de sociétés, telle celle visée aux articles
52 et 244 de la loi du 24 juillet 1966 (devenus C. com., art. L. 223-22 et L.
225-251), et l'action en comblement de passif emportait des
conséquences. Le syndic en tant que représentant de la masse des
créanciers, avait le choix d'engager une action en comblement de passif
contre les dirigeants sociaux ou une action en responsabilité de droit
commun des sociétés sur le fondement des articles 52 et 244 de la
loi du 24 juillet 1966 ou 1382 et 1383 du Code civil20(*). Cette dualité
d'actions autorisait les créanciers, invoquant un préjudice
personnel, à agir contre les dirigeants sociaux, ut singuli. En
outre, pour obtenir réparation de leur fraction individuelle de
préjudice collectif, ils pouvaient agir si le syndic n'agissait pas.
La loi du 26 juillet 2005 retraduit la nature juridique de
l'action en comblement de passif en la traitant dans un chapitre
intitulé « de la responsabilité pour insuffisance
d'actif ». La nature d'action en responsabilité est donc
affirmée.
L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif
est aujourd'hui à l'encontre du dirigeant d'une personne morale
débitrice, la seule action en responsabilité civile
recevable21(*).
Il est interdit d'actionner un dirigeant, fut-il de fait, sur
le fondement de l'action en responsabilité civile de l'article 1382 du
Code civil et sur le fondement de l'action en comblement de passif ou sur celui
du redressement ou de la liquidation judiciaires personnels22(*). L'action en
responsabilité de droit commun contre les dirigeants sociaux est
cependant recevable, si elle tend à la réparation d'un
préjudice postérieur au jugement d'ouverture23(*). En même temps, la cour
de cassation énonce pour la première fois, une règle
prétorienne déjà souvent affirmée par les juges du
fond : celle de la recevabilité d'une action en
responsabilité personnelle engagée par un créancier
à l'encontre du dirigeant d'une société mise en
procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement
d'ouverture24(*).
Selon l'article 128 de la loi
n° 2005-845, 26 juill. 2005, et le nouvel article
L.651-2 al.1 du Code de commerce :
« lorsque la résolution d'un plan de
sauvegarde ou de redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une
personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal
peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette
insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale
seront supportées, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit
ou de fait ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la
faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut,
par décision motivée, les déclarer solidairement
responsables. »
L'article L. 624-3 devenu l'article L. 651-2 subit
quelques retouches afin de prendre en compte la nouvelle procédure de
sauvegarde. Ce n'est plus l'ouverture d'une procédure de redressement
qui autorise une action en responsabilité pour insuffisance d'actif mais
la résolution du plan de continuation. En principe, l'exécution
du plan doit permettre l'apurement du passif, ce qui exclut une action pour
insuffisance d'actif. Le législateur a été convaincu par
cette analyse25(*).
Voilà pourquoi la mise en oeuvre de l'action en responsabilité
pour insuffisance d'actif supposera la résolution du plan de
redressement26(*). La
même solution est retenue à propos de la procédure de
sauvegarde pour un motif similaire. De surcroît, le maintien de la
solution appliquée à l'actuel redressement aurait
été de nature à dissuader les dirigeants de recourir
à cette procédure. Comme aujourd'hui, la liquidation judiciaire
autorisera l'action en insuffisance d'actif.
Avant comme après la réforme, on retrouve la
trilogie classique : faute (B), dommage (A) et lien de causalité
(C) entre les deux.
La loi nouvelle comme l'ancienne emploie la même formule
"faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance
d'actif". En l'absence de définition de la faute de gestion ou du
lien de causalité, les solutions retenues actuellement en jurisprudence
ont vocation à être reconduites sous l'empire de la loi nouvelle.
Nous constatons le maintien des conditions générales de la
responsabilité pour insuffisance d'actif avec à sa suite
l'évolution en matière de saisine.
Paragraphe1 Le maintien des conditions
générales de la responsabilité pour insuffisance
d'actif.
Alors que sous l'empire des textes antérieurs à
la réforme de 2005, un dirigeant pouvait être poursuivi en
comblement de passif même lorsque la société était
mise en redressement judiciaire, il ne peut désormais plus l'être
en cas d'ouverture d'une procédure de redressement ou de sauvegarde.
En effet, les dirigeants peuvent être condamnés
à supporter tout ou partie des dettes sociales - mesure connue sous le
nom d'action en comblement de passif - lorsque la résolution du plan de
sauvegarde ou de redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire de la
société fait apparaître une insuffisance d'actif.
La condamnation pour insuffisance d'actif suppose à
présent comme toujours, la réunion de trois conditions :
§ Une insuffisance d'actif de la personne morale
révélée après la résolution du plan de
sauvegarde ou de redressement judiciaire et lors de la liquidation judiciaire
(A) ;
§ Une faute de gestion du dirigeant (B);
§ Un lien de causalité entre ces deux
éléments (C), dans la mesure où, pour l'article L.651-2
al.1 du Code de commerce, la faute de gestion doit
avoir « contribué » à
l'insuffisance d'actif 27(*) écartant toute condamnation des dirigeants
alors pourtant qu'ils avaient commis des fautes de gestion, au motif que
l'insuffisance d'actif social trouvait son origine non dans ces fautes mais
dans la mésentente entre les associés.
A. Insuffisance d'actif
Le tribunal saisi doit d'abord constater chez la personne
morale une insuffisance d'actif, qui est en quelque sorte le préjudice
réparable. D'après la Cour de cassation28(*) l'existence et le montant de
l'insuffisance de l'actif social doivent être appréciés au
moment où statue la juridiction saisie de l'action tendant à
faire supporter tout ou partie de cette insuffisance d'actif par un dirigeant,
et non pas au jour de l'ouverture de la procédure collective.
L'évaluation de l'actif et du passif en cours de
procédure laisse la place à une certaine marge d'erreur, puisque
seul l'achèvement des opérations de la procédure
collective permet de l'établir avec certitude.
Toutefois, le seul passif à prendre en compte est celui
constitué par les créances nées avant l'ouverture de la
procédure collective : donc pas par les frais de justice
entraînés par cette dernière29(*).
Une telle insuffisance d'actif existe, même avant la
clôture des comptes, dès que la différence entre le passif
et l'actif paraît indiscutable, des variations seraient-elles
susceptibles d'intervenir30(*).
Plus généralement, l'insuffisance d'actif n'a
pas à être définitivement chiffrée pour que les
dirigeants sociaux puissent être condamnés31(*) ; il suffit qu'il soit
établi de manière certaine au moment où le tribunal ou la
cour d'appel statue que la procédure d'apurement du passif atteignant la
personne morale ne permettra pas de payer intégralement tous les
créanciers antérieurs au jugement d'ouverture32(*).
Ainsi la clôture pour insuffisance d'actif n'est pas un
obstacle à l'action en comblement de passif. Cela étant, il y a
lieu d'exclure la responsabilité pécuniaire d'un dirigeant dont
l'action a pour effet de réduire globalement l'insuffisance d'actif de
la société33(*).
La gestion sociale qui ne peut donner lieu à l'action
en comblement du passif est celle qui est postérieure à
l'ouverture de la procédure collective et non celle qui est
postérieure à la déclaration de la cassation des
paiements34(*). Seule la
gestion antérieure au jugement d'ouverture peut donc
être « incriminée »35(*). Et l'insuffisance d'actif
existant à ce moment-là constitue le plafond de la condamnation
que peut encourir le dirigeant36(*). L'insuffisance d'actif en tant préjudice ne
saurait exister sans la commission par le dirigeant d'une ou des fautes de
gestion.
B. Faute de gestion ayant contribué à
l'insuffisance d'actif37(*).
Les erreurs de gestion peuvent présenter des
degrés de gravité plus ou moins importants; l'acte
répréhensible peut se produire de manière isolée
mais le plus souvent il existe un faisceau de faits positifs ou de simples
abstentions ou imprudences qui, au bout du compte, caractérise la faute
de gestion. Celle-ci est donc composée d'éléments divers.
Elle peut apparaître dès la création de l'entreprise, mais
le plus souvent c'est au cours de l'activité et/ou durant la
période de la cessation de paiement jusqu'au jugement d'ouverture de la
procédure collective qu'elle est la plus fréquente engendrant
ainsi la responsabilité des dirigeants en cas d'insuffisance d'actif.
La condamnation pour insuffisance d'actif des dirigeants
suppose la preuve d'une faute de gestion38(*). La qualification de la faute de gestion, qui n'est
pas définie par le Code de commerce, relève du pouvoir souverain
d'appréciation des juges du fond, et doit être déduit du
comportement passé du dirigeant par comparaison à ce qu'aurait
été le comportement d'un dirigeant normalement compétent
et placé dans la même situation39(*).
La jurisprudence a une conception très large de la
faute de gestion, à l'image de celle développée en
matière de responsabilité des dirigeants d'une
société in bonis40(*). Elle la déduit d'une véritable
appréciation qualitative de la gestion. Elle retient aussi bien un
défaut de surveillance ou de diligence que des décisions
imprudentes, fruit d'erreurs d'appréciation graves, notamment sur le
financement des investissements ou le niveau des risques financiers41(*).
La difficulté concrète est alors de
déterminer le seuil de gravité à partir duquel l'erreur
dans l'appréciation des opportunités de gestion commise lors de
la prise de décision, qui fait partie des aléas de la vie des
affaires, devient une faute de gestion au titre de la responsabilité
civile des dirigeants. Il est incontestable que les mauvais
résultats d'une décision ne sont pas en eux-mêmes un
élément suffisant pour caractériser la faute.
Sont ainsi des fautes de gestion par exemple des absences
répétées ou des délégations facilement
consenties à des personnes incompétentes42(*). L'administrateur
« homme de paille » encourt par ce biais un risque
réel de condamnation.
Les éléments de preuve de la faute de gestion
peuvent être puisés dans le rapport d'un expert-comptable
établi à la demande du juge-commissaire.
La faute peut exister dès la création de la
personne morale, par exemple par cause d'insuffisance des financements
réunis par rapport aux investissements à réaliser ou de
fixation d'une rémunération disproportionnée par rapport
aux résultats prévisionnels, ou encore de défaut de
libération intégrale du capital dès la première
année alors même que la loi n'en fait pas obligation.
Elle est également constatée, le plus souvent,
en cours d'exploitation par exemple :
§ pour cause de poursuite d'une exploitation
déficitaire sans prendre les mesures nécessaires, même si
la société n'est pas déjà en état de
cessation des paiements43(*) et alors que sa situation était
déjà compromise lorsque le dirigeant a pris ses
fonctions44(*) ;
§ ou encore pour cause d'octroi, irrégulier, par
le dirigeant lui-même d'une rémunération (auto
rémunération) alors que la société était
dans une situation difficile45(*).
La faute de gestion du dirigeant a été encore
notamment retenue :
§ à l'encontre de trois administrateurs d'une
société anonyme dans un cas où cette
société, qui exploitait un fonds de distribution en gros de
viande, avait perdu, pour défaut de paiement des loyers et charges la
concession dont elle était titulaire au marché de Rungis46(*) ;
§ à l'encontre du gérant d'une SARL qui
n'avait pas respecté l'obligation légale de demander l'ouverture
de la procédure de redressement judiciaire dans les quinze jours de la
cessation des paiements et avait ainsi laissé s'accumuler les pertes, ce
qui avait rendu impossible le sauvetage de l'entreprise ;
§ à l'encontre du gérant d'une SARL au
motif qu'il avait poursuivi l'activité d'une société qui,
en moins d'une année, avait perdu plus des quatre cinquièmes de
son capital47(*) ;
§ à l'encontre d'un dirigeant de droit qui a
laissé opérer à sa guise un dirigeant de fait48(*) ;
§ à l'encontre des dirigeants qui n'ont pas pris
les mesures de restructuration qu'appelaient les difficultés de
trésorerie et qui n'ont pas davantage pris de mesures alors que
pourtant, les commissaires aux comptes avaient déclenché une
procédure d'alerte49(*) ;
§ à l'encontre de dirigeants qui ont mis en place
un montage juridique masquant la situation réelle de leur groupe et dont
ils ont retiré des avantages financiers au détriment du groupe et
des petits actionnaires, poursuivant une exploitation déficitaire qui ne
pouvait conduire qu'à la cessation des paiements50(*)...
Une fois ces fautes énumérées de
façon non exhaustive, reste à traiter du lien de causalité
justifiant la contribution de celles-ci à l'insuffisance d'actif.
C. Le lien de causalité entre la faute de
gestion et l'insuffisance d'actif
Pour satisfaire à l'exigence d'un lien de
causalité entre la faute de gestion et l'insuffisance d'actif, il faut
et il suffit que cette faute de gestion ait contribué à
l'insuffisance d'actif. L'exigence d'une simple contribution permet à la
Cour de cassation de décider que le dirigeant d'une personne morale
peut être déclaré responsable sur le fondement de l'article
L.624-3 (devenu l'actuel article L 651-2) du Code de commerce même si la
faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de l'insuffisance
d'actif et qu'il peut être condamné à supporter la
totalité des dettes sociales, même si sa faute n'est à
l'origine que d'une partie d'entre elles51(*). Cette construction de droit positif est
particulièrement utile. En effet, la défaillance d'un
débiteur dans le cadre de son activité professionnelle est
souvent due à une multiplicité d'éléments qui
interagissent (insuffisance des fonds propres, défaillance d'un client,
incompétence et négligence des dirigeants sociaux, nouvelle donne
concurrentielle, événement naturel constituant un cas de force
majeure, etc.), et parmi lesquels il est difficile d'isoler un facteur causal
déterminant52(*).
La réunion des trois conditions de l'action en comblement de passif
implique le déclenchement de la procédure juridictionnelle avec
au final, les sanctions y afférentes.
Paragraphe 2 La procédure et la large autonomie
reconnue au tribunal
Une fois les trois conditions de l'action en comblement du
passif réunies, il incombe à la juridiction compétente de
statuer suivant une procédure aboutissant à sa large autonomie de
prise de décision.
A. La procédure
Le tribunal compétent pour statuer sur l'action en
comblement de passif est celui qui a ouvert ou prononcé la sauvegarde,
le redressement ou la liquidation judiciaire de la personne morale : toute
autre juridiction serait incompétente53(*). Ce tribunal est également compétent
à l'égard d'un dirigeant de nationalité
étrangère et dont le domicile est à l'étranger,
l'action en paiement des dettes sociales étant indissociable de la
procédure de la société54(*).
Les règles de saisine du tribunal ont été
modifiées (art. L. 651-3 al. 1 et 2 nouveau). Désormais, la
saisine est ouverte au mandataire judiciaire, au liquidateur et au
ministère public55(*).
Par ailleurs, la loi de 2005 a ouvert la saisine du tribunal
à la « majorité des créanciers
nommés contrôleurs » agissant dans
l'intérêt collectif des créanciers lorsque le mandataire de
justice ayant qualité pour agir n'aura pas engagé l'action
après une mise en demeure restée sans suite dans un délai
et des conditions fixées par le décret (art. L. 653-3 al 2
nouveau). Le projet initial permettait à un créancier
contrôleur d'agir seul. Mais, craignant, que des contrôleurs
désireux d'exercer des pressions sur le débiteur à des
fins personnelles n'usent à mauvais escient de la faculté de
saisine du tribunal, les parlementaires ont préféré
confier la saisine non plus à chaque créancier contrôleur,
mais à la majorité d'entre eux56(*). Cette saisine a un caractère subsidiaire
puisqu'elle est subordonnée à l'inaction du mandataire de justice
après une mise en demeure restée sans suite. Précisons que
l'action des contrôleurs agissant à la majorité en cas de
carence du mandataire judiciaire a un caractère civil.
La loi de sauvegarde des entreprises a également
modifié les règles de prescription de l'action, par coordination
avec l'impossibilité d'intenter une action en comblement lors du
jugement arrêtant le plan de redressement. Alors qu'auparavant, l'action
se prescrivait par trois à compter du jugement arrêtant le plan de
redressement ou, à défaut, du jugement prononçant la
liquidation judiciaire, l'action se prescrit désormais par trois ans
à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire ou la
résolution du plan de redressement ou de sauvegarde (art. L. 651-2 al. 2
nouveau)57(*). La
simplification de la procédure de l'action en responsabilité pour
insuffisance d'actif implique la large autonomie reconnue au tribunal dans sa
prise de décision.
B. La large autonomie reconnue au tribunal
L'autonomie du tribunal compétent à statuer sur
l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif se justifie
doublement : quant à la sanction des dirigeants concernés et
quant au montant de leur condamnation.
1. / Quant à la sanction des dirigeants
concernés
Qui sont les dirigeants concernés par l'action en
responsabilité pour insuffisance d'actif ?
La catégorie des dirigeants visés obéit
à une double limitation.
La première ne soulève plus de
difficultés : sont concernés les dirigeants des personnes
morales de droit privé, quels que soient la nature de leur
activité et le but recherché par ces dernières. Ainsi les
dirigeants d'associations ou de syndicats sont mis sur le même pied
d'égalité que les dirigeants des sociétés
commerciales, ce qui montre bien que l'objectif de l'action en
responsabilité pour insuffisance d'actif est de réparer le
préjudice des créanciers. La délimitation de la
catégorie des personnes morales de droit privé correspond
logiquement au domaine d'application des procédures collectives.
Mais peu importe que ces dirigeants soient des personnes
physiques ou des personnes morales, sauf que dans ce dernier cas la
responsabilité des personnes physiques représentants permanents
peut être engagée dans les mêmes conditions58(*).
La deuxième limitation mérite, elle, des
explications approfondies dont l'effort ne nous appartient pas : la loi
vise en effet les dirigeants de droit ou de fait, sans les définir.
Par ailleurs se pose la question des anciens dirigeants. Les
dirigeants même retirés de la personne morale à l'ouverture
de la procédure collective peuvent néanmoins être
sanctionnés s'ils étaient en fonctions au moment où a pris
naissance la situation qui a conduit à l'insuffisance d'actif59(*). Cette solution évite
que les dirigeants fautifs s'assurent l'impunité en abandonnant leur
société en difficulté. Elle soulève cependant le
problème de la preuve du lien de causalité entre leur gestion et
l'insuffisance révélée éventuellement plusieurs
années après.
L'article L. 651-2 du Code de commerce laisse au tribunal le
pouvoir de décider ou non la condamnation d'un dirigeant fautif. Ce
choix se prolonge même par la possibilité de sélectionner
parmi les dirigeants celui ou ceux qu'il entend condamner au comblement du
passif social (en prenant implicitement en compte notamment la
solvabilité de chacun), mais à la condition que ces dirigeants
aient contribué à la faute de gestion.
La condamnation à combler le passif a un
caractère facultatif. Même si les conditions de fond de l'action
sont réunies, il appartient aux juridictions du fond de décider
souverainement de prononcer ou non la condamnation60(*). C'est ainsi qu'une cour
d'appel a pu décider, après avoir relevé des fautes de
gestion intervenues dans un contexte particulier, en usant de son pouvoir
souverain d'appréciation, de ne pas prononcer de sanction61(*).
En 2001, 450 condamnations ont été
prononcées sur 657 demandes de sanctions. En 2002, 431 condamnations ont
été enregistrées sur 625 demandes62(*).
Cette dernière précision, introduite par la loi
du 26 juillet 2005, devrait impliquer que le jugement de condamnation fasse
apparaître le rôle de chacun, sans se contenter de l'existence
d'une faute commune.
Lorsque plusieurs dirigeants sont condamnés, le
tribunal peut, par une décision motivée, les
déclarer solidairement responsables.
Pour préparer sa décision, le président
du tribunal peut charger le juge-commissaire ou un autre juge de lui
établir un rapport sur la situation patrimoniale des dirigeants sociaux
et des représentants permanents. Le juge désigné qui peut
se faire assister de toute personne de son choix, peut alors obtenir
communication de tout document ou information sur cette situation patrimoniale
auprès des administrations et organismes publics, des organismes de
prévoyance et de sécurité sociale ainsi que des
établissements de crédit (C. com. Art. L. 651-4 et Décret.
2005, art. 318). Mais s'agissant d'une simple faculté pour le
président du tribunal, il ne peut lui être reproché d'avoir
statué en l'absence de ce rapport lorsqu'il n'avait pas
désigné de « juge enquêteur »63(*). La reforme de 2005 a
consacré une large autonomie du tribunal dans la détermination du
montant de la condamnation.
2. / Quant au montant de la condamnation
Le tribunal dispose d'une grande latitude dans la
détermination du montant de la condamnation (en tenant compte
implicitement, et contrairement aux principes de la responsabilité
civile, de la gravité des fautes). Avant la reforme de 2005, il lui
fallait simplement respecter le plafond de l'insuffisance d'actif telle qu'elle
résultait de la gestion sociale antérieure au jugement
d'ouverture et qu'elle était évaluée par le jugement de
condamnation64(*).
Même si elle ne se réduit pas à cela, la fonction
réparatrice du dommage de l'action en responsabilité pour
insuffisance d'actif commande cette solution.
Les termes du nouvel article L. 651-2 du Code de commerce
(lorsque la résolution du plan fait apparaître une
insuffisance d'actif) devraient conduire à intégrer dans
cette insuffisance d'actif les conséquences de la gestion
postérieure à l'ouverture d'une procédure visant au
redressement, mais antérieures à la résolution du plan de
réorganisation.
Le montant de la condamnation peut même être
différent selon les dirigeants. Certains peuvent être
condamnés à supporter l'intégralité de
l'insuffisance d'actif alors que la contribution d'un ou plusieurs autres
dirigeants peut être limitée à un montant beaucoup plus
faible.
Mais en cas d'extension à d'autres personnes morales
pour cause de confusion, le passif mis à la charge du dirigeant ne peut
comprendre celui de ces autres personnes dont il n'a pas été
dirigeant65(*). Les
sanctions relatives à l'action en responsabilité pour
insuffisance d'actif étant précisées reste à
envisager les conséquences qu'elles soulèvent.
Paragraphe 3 Les conséquences de la condamnation
des dirigeants
Les conséquences de la condamnation des dirigeants
donnant suite à l'action en responsabilité pour insuffisance
d'actif seront étudiées en tenant compte de la destination des
sommes de la condamnation et du sort du dirigeant refusant de payer les sommes
dues.
A. Destination des sommes versées par le
dirigeant condamné
D'emblée la question à se poser est celle de
savoir quelle est la nature juridique des sommes versées par le
dirigeant condamné ?
Une question d'apparence simple mais délicate tant la
nature même de l'action en responsabilité pour insuffisance
d'actif elle-même dont elles émanent n'est pas
élucidée. La tentation est très grande et penche du
côté de l'affirmation que les sommes versées par le
dirigeant condamné ont une vocation réparatrice du dommage et par
conséquent constituent les dommages intérêts. Cela recoupe
l'idée que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif
est une action en responsabilité civile délictuelle à
caractère particulier. Ceci reste du moins discutable car les dommages
intérêts sont corrélativement évalués au
montant du préjudice. Ce qui n'est forcement pas le cas pour l'action
responsabilité pour insuffisance d'actif où le dirigeant peut
être condamné partiellement ou totalement, le tribunal
étant ici investi d'un pouvoir discrétionnaire inhabituel pour
prononcer ou non la condamnation.
Tout de même pèse sur le dirigeant
condamné une dette personnelle dont la charge est transmissible à
ses successibles et dont il doit s'exécuter dans les termes fixés
par le tribunal. Cette dette ne peut faire l'objet d'aucune transaction avec le
liquidateur : la Cour de cassation a condamné fermement toute
tentative de négociation sur ce point provoquée par les
dirigeants condamnés66(*).
Le dirigeant ne peut non plus invoquer une compensation avec
des créances qu'il aurait contre la société en raison de
l'absence de toute connexité entre les deux67(*). Cette charge est cependant
est atténuée par le fait que le dirigeant condamné est
autorisé à imputer les paiements effectués sur ses revenus
imposables68(*) et qu'il a
ainsi au moins la consolation de payer moins d'impôts...s'il conserve
quelques revenus69(*).
Dans l'hypothèse où le dirigeant condamné
est lui-même en redressement ou en liquidation judiciaire, la
décision de condamnation est portée directement sur l'état
des créances de la procédure collective dont fait l'objet ce
dirigeant. La Cour de cassation en déduit, malgré une doctrine
contraire quasi-unanime, que le mandataire de justice n'est pas tenu de
procéder à une déclaration de créance dans cette
dernière procédure70(*).
La solution a cependant l'avantage d'éviter la
forclusion de la créance de dommages intérêts chaque fois
que le jugement de condamnation intervient bien après l'ouverture du
redressement judiciaire à l'encontre du dirigeant.
Les sommes sont alors réparties entre tous les
créanciers au marc le franc (C.com., art. L. 651-2, al 3.), ce qui
interdit aux créanciers privilégiés de faire valoir leur
droit de préférence et laisse aux créanciers
chirographaires quelque espoir de recevoir des dividendes. Toutefois, les frais
de justice auxquels a été condamné le dirigeant sont
payés par priorité (C. com., art. L 651-3, al.4).
La Cour de cassation, en application de ce texte (dans sa
rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005)
admettait même que la répartition de ces sommes s'effectue sans
accorder un rang prioritaire aux créanciers super
privilégiés71(*). Puisque les créanciers super
privilégiés priment les créanciers de l'article L. 622-17,
on doit en conclure, contrairement à l'opinion doctrinale dominante que
ces derniers ne peuvent non plus faire valoir un droit de
préférence sur cette fraction du patrimoine de leur
débiteur. L'obligation au versement des sommes dues par le dirigeant
condamné est une véritable contrainte à défaut de
laquelle ledit dirigeant est exposé à d'autres sanctions.
B. Sanctions en cas de non paiement par le dirigeant
des sommes dues
Pour s'assurer de l'exécution de la condamnation, le
président du tribunal peut ordonner toute mesure conservatoire utile
à l'égard des biens des dirigeants concernés (C. com.,
art. L 651-4 al. 2).
Les dirigeants qui ne s'acquitteraient pas des dettes mises
à leur charge sont sous la menace d'une double sanction :
§ ils sont tout d'abord punissables pénalement des
peines de la banqueroute s'ils ont, de mauvaise foi, détourné ou
dissimulé (ou seulement tenté de détourner ou dissimuler)
tout ou partie de leurs biens, en vue de les soustraire aux poursuites de la
personne morale en état de redressement ou de liquidation judiciaire, ou
à celles de ses associés ou créanciers (C. com., art L.
654-14) ;
§ le tribunal peut ensuite prononcer leur faillite
personnelle (C. com., art. L.653-6), sanction qui sera développée
dans notre second chapitre.
Sur la question des sanctions en cas de non paiement par
le dirigeant des sommes dues, la loi du 25 janvier 1985 (C. com., anc. art. L.
624-4) prévoyait une troisième sanction : le tribunal
pouvait ouvrir une procédure de redressement ou de liquidation
judiciaire à l'égard du dirigeant défaillant, quel qu'ait
été son statut personnel et sans avoir à constater son
état de cessation des paiements : cette ouverture, facultative,
d'une procédure collective à titre de sanction a
été supprimée par la loi du 26 juillet 2005, en
cohérence avec la volonté générale de cantonner les
procédures collectives à leur rôle de traitement des
difficultés, à l'exclusion de toute idée de sanction des
comportements passés72(*).
Section II Le remplacement des procédures
collectives sanctions par la nouvelle obligation aux dettes sociales du nouveau
article L 652-1 du C. Com. issue de la loi du 26 juillet 2005.
Depuis le début du XXe
siècle, une jurisprudence s'est progressivement forgée pour
réagir contre les abus de la personnalité morale et atteindre par
l'extension de la faillite - au sens ancien et patrimonial du terme - ceux qui
détournaient à leur profit les mécanismes du droit des
sociétés afin de réaliser les fraudes. Elle touchait deux
catégories différentes : d'une part la société
fictive ou les personnes dont le patrimoine était confondu et d'autre
part, le maître de l'affaire qui se dissimulait derrière la
façade d'une société ainsi que le dirigeant abusif.
D'abord, le décret-loi du 8 août 1935
avait prévu que :
« en cas de faillite d'une
société, la faillite peut être déclarée
commune à toute personne qui, sous le couvert de cette
société masquant ses agissements, a fait dans son
intérêt personnel des actes de commerce et disposé en fait
des biens sociaux comme des siens propres ».
Ce texte fut repris par le décret-loi n°
55-602 du 20 mai 1955 et modifié par la loi n° 67-563 du
13 juillet 1967 qui en a élargi le domaine d'application au cas
où l'entreprise était mise en règlement judiciaire ;
il concerne en outre toutes les personnes morales de droit privé non
commerçantes, à l'exclusion de celles qui n'avaient pas d'objet
économique et ne poursuivaient ni en droit ni en fait un but lucratif et
s'appliquera à « tout dirigeant de droit ou de
fait ».
Alors que l'ancien article 437 du Code de commerce exigeait
seulement que la personne ait, à la fois, fait dans son
intérêt personnel des actes de commerce et disposé des
biens sociaux comme des siens propres, le législateur de 1967
énumérera des cas distincts : « sous le
couvert de la personne morale masquant ses agissements, fait des actes de
commerce dans son intérêt personnel - ou disposé des biens
sociaux comme des siens propres - ou poursuivi abusivement dans son
intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne
pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne
morale ».
La loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 avait apporté
quelques modifications (C.com., art. L.624-2 et L 624-5 à L. 624-7
ancien) et la loi n° 94-475 du 10 juin 1994 ajouta un autre cas
d'ouverture : le fait d'avoir tenu une comptabilité manifestement
incomplète au regard des dispositions légales (C.com.,
art.L.624-5, I-7°, ancien).
Cette possibilité d'ouverture d'une procédure
collective à titre de sanction a pris fin en 2005. La loi n°
2005-845 du 26 juillet 2005 y a substitué une nouvelle action en
responsabilité « l'obligation aux dettes
sociales ».
L'obligation aux dettes sociales en cas de liquidation
judiciaire supprimant les procédures collectives sanctions est
prévue à l'article L. 652-1 du Code de commerce :
« Au cours d'une procédure de liquidation
judiciaire, le tribunal peut décider de mettre à la charge de
l'un des dirigeants de droit ou de fait d'une personne morale la
totalité ou une partie des dettes de cette dernière lorsqu'il est
établi, à l'encontre de ce dirigeant, que l'une des fautes
ci-après a contribué à la cessation des
paiements... ».
La nouvelle obligation aux dettes de l'article L. 652-1
ressemble étrangement à l'obligation aux dettes qui existait
avant la reforme de 2005 et connue sous le nom de l'action en comblement de
passif. Dans les deux cas, le dirigeant peut être condamné
à payer tout ou partie des dettes sociales s'il a commis une faute.
Sur le plan des principes, l'obligation aux dettes, n'est pas
une action en responsabilité, contrairement à l'action en
responsabilité pour insuffisance d'actif (qualifiée comme telle
par la loi) pour la quelle sont exigés une faute, un préjudice
(insuffisance d'actif) et un lien de causalité entre les deux
(l'insuffisance d'actif doit trouver sa cause dans la faute du dirigeant) et
qui conduit à condamner le dirigeant à réparer le
préjudice en comblant le passif. L'obligation aux dettes ne tend pas
à réparer le préjudice (la cessation de paiement) que
l'agissement du dirigeant cause à la société. Il s'agit
d'une sanction patrimoniale applicable dès lors que l'un des faits
limitativement énumérés à l'article L. 652-1 a
été commis par le dirigeant, sans corrélation avec le
préjudice qui a pu en résulter pour la société.
Admettons néanmoins que la nature juridique de
l'obligation aux dettes est controversée. Comme l'action en comblement
de l'insuffisance d'actif, l'obligation aux dettes sociales est une action en
responsabilité civile fondée sur les fautes de gestion, mais
celles-ci sont limitativement énumérées et doivent avoir
contribué à la cessation des paiements de la personne
morale73(*). De ce fait
elle est parfois présentée comme une « action en
comblement de l'insuffisance d'actif aggravée »74(*), car le dirigeant n'aura pas
seulement à supporter l'insuffisance d'actif, mais tout ou partie des
dettes de la personne morale. Enfin, elle se rapproche pour certains auteurs,
d'une peine que d'un mécanisme de responsabilité civile75(*).
Le dirigeant qui a commis un fait sanctionné par
l'obligation aux dettes ne peut pas être poursuivi en comblement du
passif. Ainsi la Cour de cassation affirme nettement que le régime
spécial de responsabilité de l'action en comblement de passif
exclut la possibilité de mettre en oeuvre également l'action en
responsabilité de droit commun, qu'elle soit fondée sur les
articles L. 223-22 ou L. 225-251 ou encore sur l'article 1382 du Code
civil76(*). Cette
règle du non-cumul vaut également pour les actions
intentées par les créanciers77(*).
Paragraphe1 Les conditions du prononcé de la
sanction (les cinq cas de l'article L 652-1).
Une fois la personne morale mise en liquidation judiciaire, le
tribunal peut décider de mettre à la charge de l'un des
dirigeants de droit ou de fait la totalité ou une partie des dettes de
la personne morale. Il faut que soit établie à son encontre, aux
termes de l'article L. 652-1 du Code de commerce, l'une des cinq fautes
suivantes (et non plus sept comme il était prévu avant
l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005), dès lors
qu'elle a contribué à la cessation des paiements :
1. avoir disposé des biens de la personne morale
comme des siens propres. Sous cette formule sont visé par exemple, parmi
les comportements les plus souvent relevés, le fait de faire payer par
la société des dépenses ou des investissements strictement
personnels, ou encore le versement des rémunérations
excessives ;
2. sous couvert de la société masquant ses
agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt
personnel. Dans ce cas, la société sans être fictive,
masque l'activité du dirigeant maître de l'affaire, qui se
comporte en fait comme un véritable entrepreneur
individuel ;
3. avoir fait des biens ou du crédit de la personne
morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à
des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise
dans laquelle il est intéressé directement ou
indirectement.
Ce comportement correspond au délit d'abus de biens
sociaux tel qu'il est défini dans les (seules) sociétés
par actions et la SARL, moins la mauvaise foi qui n'est pas exigée
ici ;
4. Avoir poursuivi abusivement dans un
intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne
pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne
morale.
En retardant artificiellement le dépôt de bilan
pour en tirer un avantage personnel, le dirigeant a aggravé la situation
de la personne morale. L'intérêt personnel peut être par
exemple la perception d'une rémunération élevée, le
souci de se faire rembourser un compte courant ou faire payer une dette
sociale pour laquelle il s'était porté caution, etc. ;
5. Avoir détourné ou dissimulé tout
ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la
personne morale.
L'ancien article L. 624-5 du Code de commerce prévoyait
deux cas supplémentaires justifiant l'ancienne sanction de la
déclaration personnelle en redressement judiciaire, les deux cas
étant par ailleurs des délits comptables.
Ces manquements comptables ne sont pour autant pas
dépourvus de sanction, puisque le dirigeant peut être
condamné pour ces mêmes faits à la faillite personnelle
(sanction professionnelle) et aux peines de la banqueroute (sanction
pénale).
Le législateur de 2005 a simplement estimé que
les sanctions pécuniaires, se surajoutant aux autres, étaient
inutiles.
Paragraphe 2 La procédure.
Le tribunal compétent pour statuer sur l'action en
obligation aux dettes de l'article L. 652-1 est celui qui a ouvert ou
prononcé la sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaire de
la personne morale78(*).
La loi de sauvegarde des entreprises a ouvert cette action aux
mêmes personnes que celles qui peuvent agir en comblement de passif. Le
tribunal peut donc être saisi par le mandataire judiciaire, le
liquidateur, le ministère public ou par la majorité des
créanciers nommés contrôleurs agissant dans
l'intérêt collectif des créanciers, lorsque le mandataire
de justice ayant qualité pour agir n'aura pas engagé l'action
après une mise en demeure restée sans suite dans un délai
et des conditions fixées par décret.
Afin de garantir l'impartialité des juges, la loi de
2005 prévoit expressément que le juge-commissaire ne peut pas
siéger dans la formation de jugement appelée à statuer sur
le prononcé de sanctions pécuniaires et qu'il ne peut pas non
plus participer au délibéré (art. L 651-3al. 3 nouveau sur
renvoi de l'art. L. 652-5 nouveau).
Jusqu'à présent, la décision de confier
au juge-commissaire le soin de rechercher des informations sur la situation
patrimoniale du dirigeant poursuivi était prise par le tribunal. Cette
décision relève désormais du président du tribunal
(art. L.651-4). Selon les débats parlementaires, l'attribution de
compétence au président vise à alléger et
accélérer la procédure puisque celle-ci sera
décidée par simple ordonnance79(*).
Afin d'éviter que les dirigeants n'organisent leur
insolvabilité pour échapper à l'obligation aux dettes qui
peut être prononcée à leur encontre, le président du
tribunal peut ordonner toute mesure conservatoire utile à l'égard
des biens des dirigeants poursuivis. Bien que ni la loi ni les débats
parlementaires ne précisent les mesures qui peuvent concrètement
être prises, il nous semble que pourraient par exemple être
décidés la mise sous séquestre de certains biens du
dirigeant ou le nantissement de ses titres.
L'action se prescrit par trois ans à compter du
jugement prononçant la liquidation judiciaire (C. com. Art. L. 652-4
nouveau).
Paragraphe 3 La condamnation au paiement des dettes
La nouvelle sanction est facultative. Le tribunal peut
décider d'écarter toute condamnation même si le dirigeant
s'est rendu coupable de l'un des faits visés à l'article L.
652-1. De même, il dispose d'une large faculté
d'appréciation pour déterminer si le dirigeant doit prendre en
charge toutes les dettes ou seulement une partie d'entre elles80(*).
A. La décision du tribunal et ses effets.
Le tribunal saisi est souverain dans sa décision. La
condamnation aux dettes sociales est toujours une mesure facultative, une fois
constatées d'une part la réalité de l'un des cinq
comportements visés à l'article L.652-1, d'autre part la
« contribution » de celui-ci à la cessation des
paiements (exigence posée par la loi du 26 juillet 2005, et qui renforce
l'obligation de motivation du jugement de condamnation).
En cas de pluralité des dirigeants responsables, il
appartient au tribunal de déterminer la part des dettes sociales mises
à la charge de chacun. Pour ce faire, il doit tenir compte de la faute
de chacun.
Le montant de la condamnation peut varier d'un dirigeant
à l'autre, et c'est le critère, délicat à mettre en
oeuvre, de la gravité de la faute qui commande la décision du
tribunal. Il n'est ainsi pas illogique de penser que la part du directeur
général d'une société anonyme sera
supérieure à celle d'un simple administrateur de complaisance
à qui peut être reproché un défaut de surveillance
du premier.
Le principe est celui de l'absence de solidarité entre
les dirigeants condamnés. Toutefois, par une décision
motivée, le tribunal peut les déclarer solidairement
responsables. Tel pourrait être le cas par exemple d'une condamnation de
l'ensemble des membres d'un conseil d'administration auxquels il pourrait
être imputé une faute dans le choix et le contrôle du
directeur général.
B. La destination des sommes et les conséquences
d'un défaut de paiement.
« Les sommes recouvrées sont
affectées au désintéressement des créanciers selon
l'ordre de leurs sûretés » (C. com., art. L.
652-3). Contrairement au produit de l'action en comblement du passif
social, les créanciers chirographaires n'ont donc que peu d'espoir de
participer à des répartitions à ce titre, puisque les
créanciers privilégiés peuvent faire valoir leur droit de
préférence.
Toutefois, malgré une rédaction très
maladroite du texte, qui vise les seuls créanciers munis de
sûretés, toute perspective de versement aux créanciers
chirographaires n'est pas exclue puisque les dirigeants peuvent être
condamnés à prendre en charge la totalité des dettes de la
personne morale.
Le dirigeant qui ne s'acquitterait pas des dettes de la
personne morale mises à sa charge peut être sanctionné par
la faillite personnelle (C. com., art. L. 653-6). Sur le plan
pécuniaire, il est par ailleurs soumis au droit commun du
débiteur défaillant. Il ne peut faire l'objet d'une
procédure collective que si, par son statut (autre que celui de
dirigeant social), il relève du domaine d'application de ces
procédures collectives.
CHAPITRE II
Chapitre II LES SANCTIONS PROFESSIONNELLES ET PENALES
ENCOURUES PAR LES DIRIGEANTS EN CAS DE PROCEDURE COLLECTIVE CONTRE LA SOCIETE
DEPUIS LA LOI DU 26 JUILLET 2005.
La loi de sauvegarde des entreprises a apporté quelques
retouches au régime des sanctions professionnelles (faillite personnelle
et interdiction de gérer), sans toutefois modifier les sanctions
pénales81(*).
Les nouvelles dispositions ne sont pas applicables aux
procédures en cours au 1er janvier 2006 à l'exception
de l'article L. 653-7 qui modifie la liste des titulaires du pouvoir de saisir
le tribunal pour demander le prononcé des sanctions personnelles, et de
l'article L. 653-11 concernant la durée des sanctions, les effets de la
clôture pour extinction du passif et les cas de relèvement des
interdictions et déchéances.
Au delà des sanctions professionnelles, le Code de
commerce prévoit des sanctions pénales à l'encontre du
dirigeant fautif. L'état de cessation des paiements n'est pas en soi une
infraction pénale. Néanmoins dans les cas plus graves, la
procédure collective peut donner lieu à des poursuites
pénales pour banqueroute ou pour d'autres infractions commise par le
dirigeant social.
Notre étude dans cette partie portera sur les sanctions
professionnelles (section I) et sur les sanctions pénales (Section
II).
Section I Les sanctions professionnelles
Il ne s'agit plus cette fois-ci de faire payer les dirigeants,
mais plutôt de les éliminer au moins temporairement de la vie des
affaires, en raison de leur inaptitude ou indélicatesse
révélée lors d'une procédure collective82(*). C'est la raison pour laquelle
ces sanctions ne sont applicables que dans les seules procédures de
redressement ou de liquidation judiciaire. Le débiteur personne physique
ou les dirigeants d'une personne morale qui ont demandé, et obtenu,
l'ouverture de la procédure préventive de sauvegarde
échappent donc à ces sanctions, sauf si cette procédure
échoue ultérieurement convertie dans l'une des procédures
post-cessation des paiements83(*).
Ces sanctions sont d'une toute autre nature que celle
résultant d'une action en comblement du passif social. Il n'est plus
question de responsabilité civile et la Cour de cassation
elle-même a qualifié la première de ces sanctions de mesure
d'intérêt public.
La sanction principale est qualifiée par le
législateur, de faillite personnelle (C. com., art. L 653-1 et s.). Mais
le tribunal peut se contenter de prononcer une mesure d'interdiction de
gérer d'une portée plus limitée (C. com., art. L. 653-8).
Paragraphe 1 La faillite personnelle
La dénomination de faillite personnelle peut
prêter à confusion : il importe donc d'en préciser les
conditions (A) avant d'en examiner les effets (B). Mais il faut insister
dès l'abord sur le fait que la sanction est facultative. Le tribunal
saisi conserve toujours son entier pouvoir d'appréciation, qui peut
aller jusqu'à ne prononcer aucune condamnation alors même que la
matérialité des faits est établie84(*), ou à l'inverse
sanctionner sans tenir compte des mobiles éventuellement excluant toute
intention délictueuse, qui ont pu animer le débiteur85(*). Les efforts faits par le
dirigeant pour sauver sa société en difficulté, même
non couronnés de succès constituent très certainement un
facteur essentiel de la décision du juge.
A. Conditions de la faillite personnelle
Les conditions de la faillite personnelle doivent être
étudiées en tenant compte de la catégorie des personnes
visées (1) et en même temps des comportements sanctionnés
par la faillite personnelle (2).
1. / Personnes visées
Ce sont nécessairement des personnes physiques qui
rentrent dans l'une des trois catégories suivantes (C. com. art. L.
653-1-I), et qui étaient en fonction au moment des faits justifiant le
prononcé de la sanction :
§ les commerçants(dont les associés d'une
SNC), agriculteurs et personnes immatriculées au répertoire des
métiers, auxquels s'il faut ajouter depuis la loi de 2005, celles
exerçant une activité professionnelle indépendante y
compris une profession libérale soumise à un statut
législatif ou réglementaire dont le titre est
protégé86(*) ;
§ les dirigeants de droit ou de fait d'une personne
morale de droit privé : peu importe que cette personne morale ait
ou non une activité économique, ou exerce ou non une
activité indépendante ;
§ les représentants permanents d'une personne
morale dirigeant d'une personne morale soumise à la procédure
collective.
En effet, selon la Cour de cassation, la faillite personnelle
est une mesure d'intérêt public qui en tant que telle
échappe à l'exclusion de la responsabilité civile
personnelle dont bénéficient les représentants des
collectivités territoriales. Après avoir
énuméré les personnes potentiellement passibles de la
faillite personnelle, il sied de plancher sur les comportements
sanctionnés par la faillite personnelle.
2. / Les comportements sanctionnés par la
faillite personnelle
Ils sont définis, limitativement, aux articles L.653-3
à l. 653-6 du Code de commerce87(*). Cinq sont d'application générale,
alors que les autres sont spécifiques soit aux personnes physiques
exerçant à titre individuel une des activités
professionnelles mentionnées à l'article L. 653-1-I-1°, soit
aux dirigeants de personnes morales. Plusieurs d'entre eux sont
également punissables des peines de la banqueroute.
- Les cas spécifiques aux entrepreneurs
individuels (C. Com. art. L 653-3)
A toute époque de la procédure, le tribunal peut
prononcer la faillite personnelle de toute personne physique exerçant
une activité professionnelle qui a :
§ poursuivi abusivement une exploitation
déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des
paiements ;
§ détourné ou dissimulé tout ou
partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif ; ce qui
constitue également le délit pénal de la banqueroute.
- Les cas spécifiques aux dirigeants des
personnes morales
Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout
dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale :
§ qui a commis des fautes visées à
l'article L.652-1, c'est-à-dire les fautes justifiant une condamnation
à supporter tout ou partie des dettes sociales ;
§ qui ne s'est pas acquitté des dettes de la
personne morale mises à sa charge, que ce soit, en l'absence de
distinction dans le texte, au titre de l'action en comblement du passif social
ou de l'obligation aux dettes sociales (C. com. art. L. 653-6).
- Les cas d'application générale (art. L
653-5)
Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute
personne mentionnée à l'article L. 653-1 pour :
1°/ avoir exercé une activité commerciale,
artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une
personne morale contrairement à une interdiction prévue par la
loi (mais pas seulement par les textes sur le redressement
judiciaire...) ;
2°/ Avoir, dans l'intention d'éviter ou de
retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de
liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du
cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
3°/ Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans
contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur
conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la
personne morale;
4°/ Avoir payé ou fait payer, après
cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un
créancier au préjudice des autres créanciers :
est en cause la rupture de l'égalité entre les
créanciers.
5°/ Avoir, en s'abstenant volontairement de
coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à
son bon déroulement : ce cas, introduit par la loi du 26
juillet 2005, est formulé dans des termes très
généraux et laisse un très large pouvoir
d'appréciation au juge.
6°/ Avoir fait disparaître des documents
comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes
applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive,
manifestement incomplète ou irrégulière au regard des
dispositions applicables. Là encore, ce cas constitue également
le délit pénal de la banqueroute.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet
2005, n'est plus sanctionné par la faillite personnelle le fait d'avoir
omis de faire, dans le délai de quinze (15) jours, la déclaration
de l'état de cessation des paiements (article L .625-5 5° ancien).
Toutefois, cette omission, dans un délai de 45 jours, peut faire l'objet
d'une simple interdiction de gérer.
Des comportements sanctionnés par la faillite
personnelle, passons au prononcé de la sanction proprement dit.
B. Le prononcé de la sanction
La sanction, facultative, est prononcée par le tribunal
de la procédure collective saisi à cet effet par le mandataire
judiciaire, le liquidateur ou le ministère public. L'action se prescrit
par trois ans à compter du jugement qui prononce l'ouverture de la
procédure de redressement ou liquidation judiciaire.
En cas de carence du mandataire judiciaire ayant
qualité pour agir, la majorité des créanciers
nommés contrôleurs peut saisir le tribunal à toute
époque de la procédure (art. L. 653-7, al. 2).
Cette carence est établie lorsque ce mandataire de
justice n'a pas engagé les actions prévues dans les articles
définissant les cas de faillite personnelle dans les deux mois suivant
la mise en demeure qui lui a été adressée par au moins
deux créanciers contrôleurs88(*).
Bien que les textes disposent que cette sanction doit
être prononcée au cours de la procédure collective (donc
avant le jugement de clôture de la procédure collective), la Cour
de cassation se contente de ce que le tribunal ait été saisi
avant la clôture de la procédure collective par une
décision de justice passée en force de chose
jugée89(*).
Qu'en est - il des effets de la faillite personnelle ?
C. Les effets de la faillite personnelle.
Les effets de la faillite personnelle comportent les
interdictions et déchéances (1) et les autres effets
isolés (2).
1. / Les interdictions et
déchéances
Ces interdictions sont de deux ordres :
l'élimination du failli de toute fonction dirigeante ou de
contrôle et l'élimination éventuelle du failli de toute
fonction publique élective. A cela s'ajoute la durée de
l'interdiction.
- Elimination du failli de toute fonction dirigeante
ou de contrôle
Selon l'article L. 653-2 : « la faillite
personnelle emporte, à l'égard du failli, interdiction de
diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou
indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale ou toute entreprise
ayant toute autre activité indépendante et toute personne
morale ».
La généralité de la formule, dans sa
nouvelle rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005, conduit à
éliminer temporairement le dirigeant sanctionné non seulement de
la vie des affaires, mais également de toute activité
professionnelle et toute responsabilité dans les secteur associatif,
sauf pour lui à utiliser des prête-noms non décelés,
ou à être salariés ou VRP.
En même temps qu'elle a élargi les
activités interdites au dirigeant sanctionné, la reforme de 2005
a, à l'inverse, réduit la liste des interdictions accompagnant de
plein droit la faillite personnelle. A en effet été abrogé
l'ancien article L. 625-2, al. 2 du Code de commerce qui disposait que la
faillite personnelle entraînait les interdictions et
déchéances applicables « aux personnes qui
étaient déclarées en état de faillite au sens
donné à ce terme antérieurement au 1er janvier
1968 ». Le failli était ainsi soumis à un certain
nombre de déchéances civiques, honorifiques (interdiction de port
de certaines décorations), ainsi que professionnelles. La faillite
personnelle était un cas d'interdiction d'accès par exemple aux
professions juridiques et judiciaires90(*). Il conservait toutefois ses droits de famille
(tel que l'autorité parentale).
- L'élimination éventuelle du failli de
toute fonction publique élective
Le tribunal qui prononce la faillite personnelle peut
prononcer l'incapacité d'exercer une fonction publique élective.
L'incapacité est prononcée pour une durée égale
à celle de la faillite personnelle (art. L 653- 10).
L'ancien article 194 de la loi de 1985 interdisait au
failli, ainsi d'ailleurs qu'à toute personne physique mise en
liquidation judiciaire, d'exercer une fonction publique élective. Mais
cet article avait été d'abord déclaré
inconstitutionnel91(*)avant d'être abrogé par l'ordonnance
de codification du Code de commerce du 18 septembre 2000. Les
commerçants mis en liquidation judiciaire n'étaient donc plus
frappés de plein droit d'une incapacité d'exercer par exemple un
mandat de député, comme le prévoyait cet article 194.
L'avantage du nouvel article L.653-10 est de fixer très clairement le
régime de cette interdiction, dont le prononcé est laissé
à l'appréciation des juges de fond.
Les interdictions venant d'être connues, combien de
temps durent donc t-elles ?
- La durée de l'interdiction
La durée de ces interdictions et
déchéances est fixée expressément par le tribunal,
sans pouvoir être augmentée par la cour d'appel92(*). Mais elle ne peut pas
être supérieure à quinze ans93(*).
La décision du tribunal est naturellement
influencée par l'analyse du comportement passé de la personne
sanctionnée, notamment pendant la période précédent
le dépôt de bilan.
Ces interdictions peuvent cependant prendre fin avant
l'arrivée du terme :
- d'abord de plein droit lorsque est intervenu un jugement de
clôture pour extinction du passif, y compris après
exécution de l'obligation aux dettes sociales prononcée à
son encontre ;
- ensuite sur décision du tribunal, prise à la
demande du dirigeant failli lui-même, qui peut le relever, en tout ou
partie, des déchéances et interdictions s'il a apporté une
contribution suffisante au paiement du passif (C.com.art.L.653-11, al 3).
L'imprécision de la notion de « contribution
suffisante » laisse ainsi une large place à
l'appréciation souveraine des juges du fond, qui peuvent être
influencés par exemple par le degré d'implication du failli dans
la création passée de ce passif94(*). Mais la seule constatation qu'un dirigeant
condamné à combler le passif social s'est acquitté de sa
dette ne suffit pas à établir que sa contribution au passif est
suffisante : le montant de la condamnation au titre de l'article L.651-2
du Code de commerce peut en effet être inférieur au passif
à combler.
Lorsque le relèvement est total, la personne
condamnée est réhabilitée, et se voit rétablie dans
l'intégralité de ses droits.
La violation de ses interdictions, dont la poursuite d'une
activité commerciale par l'intermédiaire d'un prête-nom,
constitue un délit pénal lourdement sanctionné (2 ans
d'emprisonnement et/ou 375 000 € d'amende : art.L.654-15).
2. / Les autres effets
Le dirigeant failli est non seulement écarté de
toute fonction dirigeante en général, mais il est
également privé de tout pouvoir dans l'entreprise en redressement
ou en liquidation judiciaire. En effet, lorsque le failli est associé de
la personne morale soumise à la procédure collective, la faillite
personnelle le prive de son droit de vote (qui est alors exercé par un
mandataire désigné par le tribunal).
Le tribunal peut même prononcer son exclusion de la
société en lui enjoignant de céder ses parts ou actions,
et au besoin en ordonnant leur cession forcée : le produit de la
vente est alors affecté au paiement de la part des dettes sociales mises
à la charge du dirigeant (C.com, art.L.653-9, al. 1 et 2).
Enfin, et la mesure profite aux créanciers du
débiteur personne physique, la faillite personnelle de ce dernier lui
interdit de se prévaloir des dispositions de l'article L. 643-11-I du
Code de commerce (prévoyant l'apurement du passif non payé en cas
de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif).
A défaut du prononcé de la faillite personnelle,
le tribunal peut se contenter de prononcer une mesure d'interdiction de
gérer d'une portée plus limitée (C. com., art. L. 653-8).
Paragraphe 2 L'interdiction de gérer :
diminutif de la faillite personnelle
Le tribunal peut interdire au dirigeant fautif de diriger,
gérer, administrer ou contrôler, soit toute entreprise
commerciale, artisanale ou agricole et toute personne morale, soit seulement
une ou plusieurs de celles-ci. Cette sanction est moins lourde que la faillite
personnelle pour laquelle l'interdiction de gérer qu'elle emporte est
générale. Pour mieux appréhender cette notion, notre
effort consistera d'abord à énumérer les cas d'application
(A) y relatifs afin d'envisager la sanction requise (B).
A. Les cas d'application
A la place de la faillite personnelle, le tribunal peut
prononcer une sanction aux effets moins rigoureux, qui est définie
à l'article L. 653-8 du Code de commerce comme une interdiction de
diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou
indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute
exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de
celles-ci. Le régime de l'action (personnes ayant qualité
pour saisir le tribunal, délai de prescription) est le même que
dans le cas de faillite personnelle.
Le Code de commerce (art. L. 653-8, al. 2 et 3) prévoit
en outre deux cas spécifiques d'application de cette sanction à
toute personne mentionnée à l'article L. 653-1
(c'est-à-dire celles visées par la faillite
personnelle) :
§ qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis à
l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui
communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois (renseignement
à fournir au moment de l'inventaire à l'ouverture de la
procédure). Cette condition de la mauvaise foi peut expliquer par
exemple l'absence de sanction à l'égard d'un gérant
nommé depuis moins detrois mois dans une SARL dans un état
d'abandon et dépourvue de comptabilité, ce qui l'empêchait
de constituer la liste exhaustive des créanciers95(*).
§ ou qui « aura omis de faire, dans le
délai de 45 jours, la déclaration de cessation des paiements,
sans avoir par ailleurs demandé l'ouverture d'une procédure de
conciliation ».
La loi de 2005, à la suite d'un amendement
parlementaire, a été d'une certaine manière jusqu'au bout
de cette démarche en ne faisant de cette omission qu'un cas
d'interdiction de gérer, et non plus de faillite personnelle. Il est par
ailleurs conforme à la nouvelle architecture des procédures que
cette sanction soit écartée lorsque a été
demandée l'ouverture d'une procédure de conciliation à
l'intérieur de ce délai de 45 jours. Que reste t-il de la
sanction ?
B. La sanction
A la grande différence de la faillite personnelle,
l'interdiction de gérer peut être limitée à deux ou
plusieurs entreprises, ce qui confère aux juges un pouvoir
d'appréciation très utile dans l'application de la sanction, et
ce qui explique qu'elle lui soit souvent préférée.
Toutefois les entreprises libérales ne sont pas mentionnées dans
celles pouvant faire l'objet d'une interdiction (la question étant sans
doute entièrement absorbée par les règles disciplinaires).
Le non respect de cette interdiction est sanctionné pénalement
(emprisonnement de deux ans et une amende de 375 000 € : art. L
654-15).
Outre les sanctions professionnelles, le Code de commerce
prévoit des sanctions pénales à l'encontre du dirigeant
fautif. L'état de cessation des paiements n'est pas en soi une
infraction pénale. Néanmoins dans les cas plus graves, la
procédure collective peut donner lieu à des poursuites
pénales pour banqueroute ou pour d'autres infractions commise par le
dirigeant social.
Section II Les sanctions pénales
Ne pas payer ses dettes n'est pas en soi une infraction. Mais
l'état de cessation des paiements s'accompagne souvent, ou est
précédé, de manoeuvres ou pratiques visant à en
retarder ou à en dissimuler la constatation. Le droit de la faillite a
fait l'objet pendant longtemps d'une forte pénalisation, le failli
étant souvent assimilé à un véritable
délinquant ayant trompé ses créanciers et devant
être sanctionné des peines de banqueroute. Le législateur a
même distingué dans le passé la banqueroute simple
(délit pénal) et la banqueroute frauduleuse qui, jusqu'en 1958, a
constitué un crime passible de la Cour d'assises.
Cette politique répressive s'est
révélée peu efficace, et une aspiration à la
dépénalisation s'est développée avant d'être
reçue dans la loi 1985 et amplifiée dans celle du 26 juillet
2005 : le délit de banqueroute a été unifié et
les anciens cas de banqueroute simple ne sont plus sanctionnés
pénalement. Le délit de banqueroute reste cependant le
délit majeur, le Code de commerce définissant à
côté de lui quelques infractions de moindre portée.
Paragraphe1 Délit de banqueroute
Aux termes de l'article L. 654-2 du Code de commerce :
« en cas d'ouverture d'une procédure de
redressement ou de liquidation judiciaire, sont coupables de banqueroute les
personnes mentionnées à l'article L. 654-1 contre lesquelles a
été relevé l'un des faits ci-après :
1. avoir dans l'intention d'éviter ou de retarder
l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, soit fait des
achats en vue d'une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens
ruineux pour se procurer des fonds ;
2. avoir détourné ou dissimulé tout
ou partie de l'actif du débiteur ;
3. avoir frauduleusement augmenté le passif du
débiteur ;
4. avoir tenu une comptabilité fictive ou fait
disparaître des documents comptables de l'entreprise ou de la personne
morale ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité
« lorsque les textes applicables en font
obligation » ;
5. avoir tenu une comptabilité manifestement
incomplète ou irrégulière au regard des dispositions
légales ».
Le délit de banqueroute suppose l'ouverture d'une
procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Le
débiteur personne physique ou le dirigeant d'une personne morale qui
demande l'ouverture d'une procédure de sauvegarde n'encourt donc aucun
risque au titre de cette infraction. Ce délit reste limité au cas
d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation
judiciaire ; il n'a pas été étendu à la
procédure de sauvegarde.
Son étude nous intéresse sur deux points :
les personnes visées (A) et la saisine du tribunal et les sanctions
qu'il prononce (B)
A. Personnes visées
L'article L. 654-1 nouveau reprend la liste de l'ancien
article L. 626-1 (commerçant, agriculteur, personne immatriculée
au répertoire des métiers, dirigeant de personne morale,
représentant permanent d'une personne morale dirigeante) en y ajoutant
les personnes physiques exerçant une activité professionnelle
indépendante, y compris une profession libérale soumise à
un statut législatif ou réglementaire, ou dont le titre est
protégé. Cette extension s'inscrit dans le prolongement des
autres dispositions de la loi qui ont étendu à ces personnes les
procédures collectives ou de conciliation.
A la différence des sanctions personnelles, la loi
n'exclut pas les professions libérales soumises à des
règles disciplinaires propres, en raison du caractère
pénal de la banqueroute. En effet, de telles règles ne sauraient
prévaloir sur les poursuites pénales, qui ne relèvent ni
des ordres professionnels, ni d'une quelconque autorité professionnelle.
Les professionnels libéraux dotés d'une
autorité disciplinaire peuvent donc être condamnés pour
banqueroute mais, selon les travaux parlementaires, ils ne peuvent pas
être mis en faillite personnelle à titre complémentaire.
Une fois les prétendus responsables
énumérés, reste à traiter des questions de la
saisine du tribunal et des sanctions qui en découlent.
B. La saisine du tribunal correctionnel et les
sanctions
Sans trop reformer la matière pénale de
responsabilité des dirigeants, la loi du 26 juillet 2005 a dû
retoucher, du moins, les questions de la saisine du tribunal répressif
et des sanctions qu'il prononce.
1. / La saisine
Les personnes qui pouvaient jusqu'alors saisir le tribunal
correctionnel le peuvent encore (ministère public, administrateur,
mandataire judiciaire, représentant des salariés, commissaire
à l'exécution du plan, liquidateur). La loi de sauvegarde des
entreprises (art. L. 654-17) ajoute à cette liste la majorité des
créanciers nommés contrôleurs en cas de carence du
mandataire de justice, dans les mêmes conditions que celles
définies pour les sanctions civiles.
En reconnaissant, pour la première fois, la
possibilité à la majorité des créanciers
contrôleurs de se constituer partie civile, même sous condition, la
loi du 26 juillet 2005 a accentué la pression pénale des
créanciers et favorisé la mise en oeuvre de ces sanctions
pénales.
Il n'en reste pas moins qu'un créancier pris
individuellement se voit toujours interdire la voie de la citation directe. Il
ne peut non plus se constituer partie civile, sauf à pouvoir invoquer un
préjudice personnel particulier, distinct du montant de sa
créance, ce qui en pratique est assez rare. Il n'a donc a priori pas de
pouvoir direct de déclencher le procès pénal pour
banqueroute96(*).
2. / Les sanctions
Les sanctions encourues sont, à titre principal, un
emprisonnement de 5 ans et ou une amende de 75 000 € (art. L. 654-3).
Les personnes morales encourent, elles, des peines plus lourdes (art. L. 654-7
qui renvoie aux articles 131-38 et 131-39 du Code pénal,
prévoyant notamment une peine pouvant être jusqu'à cinq
fois plus élevée que pour les personnes physiques).
Les personnes physiques encourent également les peines
complémentaires, énoncées à l'article L. 654-5 du
Code de commerce : parmi celles-ci figurent :
§ l'interdiction des droits civiques, civils et de
famille ;
§ l'interdiction, pour une durée de cinq ans au
plus, « d'exercer une fonction publique ou d'exercer
l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise,
à moins qu'une juridiction civile ou commerciale ait déjà
prononcé une telle mesure par une décision
définitive ».
§ l'exclusion des marchés publics pour une
durée de cinq ans au plus.
Le tribunal correctionnel peut en outre prononcer soit la
faillite personnelle, soit l'interdiction de gérer.
La détermination de la durée de l'interdiction
de gérer ne devrait plus poser de problème majeur depuis la
reforme de 2005. L'interdiction d'exercer l'activité professionnelle,
siège du délit, est plafonnée à 5 ans. Celle
prononcée au titre de faillite personnelle ou au titre de l'interdiction
de gérer est soumise au plafonnement de 15 ans.
A ces sanctions pénales s'ajoute la
nécessité d'assurer la réparation intégrale du
préjudice découlant de l'infraction.
Ainsi, le délit de banqueroute se prescrit par trois
ans à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective
lorsque les faits incriminés sont apparus avant cette date, à
compter de leur révélation aux tiers s'ils ont été
commis postérieurement (art L. 654-16).
Au délit de banqueroute on retrouve
parallèlement d'autres infractions pénales mais à
portée mineure.
Paragraphe 2 Les autres infractions
Parmi les autres infractions définies par l'article L.
654-8 à L. 654-14 du Code cde commerce, il faut relever tout
particulièrement le délit de malversation qui peut être
imputé à « tout administrateur, mandataire judiciaire,
liquidateur, commissaire à l'exécution du plan ou toute autre
personne, à l'exception des représentants des
salariés...ayant participé à la
procédure », qui auraient commis des détournements de
fonds, se serait attribué à son profit des avantages indus, ou se
serait rendu acquéreur pour son compte de biens du débiteur (art.
L. 654-12-II).
Selon la Cour de cassation peuvent ainsi être
sanctionnés au titre de cette infraction les juges consulaires ayant
siégé dans la formation du tribunal ayant prononcé le
jugement d'ouverture97(*),
mais certainement pas l'expert-comptable du débiteur en liquidation
judiciaire (Cass. crim. 15 déc. 2004), et sans doute pas non plus les
collaborateurs d'un mandataire judiciaire.
L'article L. 654-8 contribue à réprimer un
certain nombre de comportements qui ont pour effet de rompre
l'égalité entre les créanciers ou de ne pas respecter les
engagements inclus dans un plan de réorganisation.
Est ainsi passible d'un emprisonnement de deux ans et d'une
amende de 30 000 €, le fait pour toute personne à laquelle
peut être imputée le délit de banqueroute :
§ d'avoir payé une dette pendant la période
d'observation en violation de l'interdiction ;
§ d'avoir consenti une hypothèque ou un
nantissement, ou d'avoir fait un acte de disposition sans l'autorisation du
juge-commissaire ;
§ d'avoir effectué un paiement en violation des
modalités de règlement du passif prévues au plan de
sauvegarde ou de redressement, d'avoir fait un acte de disposition sur un bien
indiqué dans le plan sans l'autorisation du tribunal, ou d'avoir
procédé à la cession d'un bien rendu inaliénable
dans le cadre d'un plan de cession.
Au-delà de la liste des infractions spéciales du
droit des procédures collectives, les agissements des mandataires de
justice, et plus largement « du personnel de la
procédure », peuvent relever d'autres qualifications
pénales. Par exemple peut être imputé aux mandataires
judiciaires le délit de « prise illégale
d'intérêts »98(*).
CONCLUSION
Le titre V du nouveau livre VI du Code de commerce
consacré aux responsabilisés et sanctions intéresse
particulièrement le droit des personnes morales. Désormais, ni
l'associé tenu solidairement du passif ni le dirigeant ne pourront
être mis en redressement ou en liquidation. Ce dernier pourra toutefois
être condamné à payer les dettes sociales, étant
entendu que cette sanction ne se cumule pas avec une action en comblement de
passif. La durée et les effets de la faillite personnelle sont
précisés. Enfin, ces diverses sanctions s'adressent à tous
les dirigeants, même lorsque la personne morale n'exerce pas
d'activité économique99(*).
La loi du 13 juillet 1967 avait institué un
régime plus favorable au bénéfice du débiteur de
bonne foi en séparant le sort de ce dernier de celui de l'entreprise.
Les lois postérieures ont poursuivi cette évolution.
Celle du 26 juillet 2005 propose « un
nouvel assouplissement du régime des sanctions tout en veillant à
en renforcer l'efficacité »100(*) Jusqu'à la
loi
du 10 juin 1994, seuls les dirigeants des personnes morales ayant une
activité économique étaient passibles d'une sanction (
L.
25 janv. 1985, art. 179 dans sa version d'origine). La
référence aux personnes morales exerçant une
activité économique a été supprimée par la
loi
du 10 juin 1994 à propos de l'exercice de l'action en
comblement de passif101(*), mais conservée en matière de faillite
personnelle (actuel art. L. 625-1) et de banqueroute
(art. L. 626-1 actuel). La
loi
du 26 juillet 2005 achève l'évolution : les textes
sur les sanctions s'appliquent à tous les dirigeants de personnes
morales de droit privé (
C.
com., art. L. 653-1 nouveau pour la faillite personnelle. -
C.
com., art. L. 654-1, L. 654-3 nouveau pour la banqueroute).
Toutefois la
loi
du 26 juillet 2005 institue une exception au profit des dirigeants de
personne morale exerçant une activité libérale à
statut réglementé et soumise à des règles
disciplinaires qui ne peuvent faire l'objet d'une sanction civile
personnelle. L'exception ne concerne que la faillite personnelle ou
l'interdiction de gérer. Elle ne se retrouve pas en matière de
banqueroute.
En définitive, quant aux responsabilités civiles
des dirigeants, la loi du 26 juillet 2005 a sensiblement fait évoluer le
régime de cette responsabilité, sans qu'il puisse être
affirmé que cela leur est plutôt favorable.
La reforme la plus importante a consisté sans doute
à ne plus admettre d'action en comblement du passif social, ou
d'obligation au paiement des dettes sociales lorsqu'un plan de redressement ou
de sauvegarde a été adopté. Le message adressé aux
dirigeants est clair : la recherche en temps utile de la protection
judiciaire pour redresser leur entreprise en difficulté peut contribuer
à réduire leur risque personnel. En même temps, le
législateur de 2005 rompt avec une idée force du droit
français, qui était de dissocier le sort de l'entreprise et celui
de l'homme à sa tête : cette dissociation ne reste vraie pour
l'avenir qu'en cas de liquidation judiciaire, où le dirigeant n'est pas
nécessairement sanctionné.
En convertissant l'ancien redressement judiciaire personnel en
« simple obligation aux dettes sociales », le
législateur a également fait un pas important : une
procédure collective n'est pas une sanction, mais une procédure
destinée à traiter la défaillance d'un débiteur. La
situation des dirigeants n'en est pas pour autant confortable puisqu'ils ne
peuvent pas se prévaloir d'une quelconque suspension des poursuites de
leurs créanciers et que le montant de l'obligation aux dettes sociales
mise à leur charge peut les conduire à un état de
cessation des paiements ou à leur insolvabilité.
Enfin, le législateur a facilité l'exercice de
ces actions en responsabilité, en élargissant le cercle des
personnes ayant qualité pour intenter l'action.
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* 1 A. Jacquemont, Droit des
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* 2 M.-A. Frison-Rochet et S.
Bonfils, Les grandes questions du droit économique. Introductions et
documents, PUF, 2005, p. 109.
* 3 D. Tricot,
Avant-propos : Gaz. Pal., 29-30 avril 2005, p. 4.
* 4 Ce recensement ne tient
pas compte du bouleversement des textes lors de la "codification à droit
constant" de 2000.
* 5
C. Saint-Alary-Houin, Du document d'orientation préparatoire
à la réflexion sur un avant-projet de loi : Lamy
commercial, bull. A mai 1999, p.1.
* 6 J.-J. Hyest, Office
parlementaire d'évaluation de la législation, Prévention
et traitement des difficultés des entreprises : une
évaluation des procédures et de leur mise en oeuvre,
5 déc. 2001 : Doc. AN 2001-2002, n° 3451 et Doc.
Sénat 2001-2002, n° 120.
* 7 Cour de cassation,
Suggestions sur la réforme du droit des entreprises en difficulté
in Rapport annuel 2002 : Doc. fr. 2003, p. 27.
* 8 Projet de loi
n° 1596, Sauvegarde des entreprises : Doc. AN, 12 mai
2004.
* 9 Cons. const.,
n° 2005-522 DC, 22 juill. 2005 :
Journal
Officiel 27 Juillet 2005
* 10 P.-M. Le Corre,
Premiers regards sur la loi de sauvegarde des entreprises (loi n°2005-845
du 26 juillet 2005), Chron. Recueil Dalloz, 2005 supplément au
n°33 / 7218e. p. 2298.
* 11 Projet de loi
n° 1596 précité.
* 12
C. Saint-Alary-Houin, Le projet de loi sur la sauvegarde des
entreprises : continuité, rupture ou retour en
arrière ? : Dr. et patrimoine janv. 2005, p. 24,
spécialement p. 38.
* 13
P. Clément : Rapp. info. AN n° 2094, 20,
p. 15
* 14
P. Clément : ibid. p. 15.
* 15 Rapp. J.-J. Hyest, n°
335, p. 443.
* 16 Répon. min.
à QE n° 25638, JO Sénat Q. 6 févr. 1986, p. 223.
* 17 Cass. Com, 15 nov.
1988, Bull. civ. IV, n° 305.
* 18 CA Pau, 2e
ch., 23 mars 2004, RD Banc. et fin. 2004/5, p. 332, n° 214, obs. F.-X.
Lucas.
* 19 CA Pau, 2e
ch., 23 mars 2004, RD Banc. et fin. 2004/5, p. 332, n° 214, obs. F.-X.
Lucas.
* 20 Cass. Com., 7 janvier
1981, Bull. civ. IV, n° 11.
* 21 Cass. com., 5 mars
2002, Act. proc. coll. 2002/8 n° 104.
* 22 Cass. com., 8 juillet
2003, Act. proc. coll. 2003/16, n° 215.
* 23 Cass. com., 14 mars 2000,
Act. proc. coll. 2000/8, n° 95; D. 2000, AJ p. 188, obs. A. Lienhard.
* 24 Cass. com., 7 mars 2006,
Recueil Dalloz, 2006, n° 12, p. 857 à 859, obs. A. Lienhard
* 25 Rapport
Sénat, n° 335, Session ordinaire 2004-2005, mai 2005, par le
sénateur Jean-Jacques Hyest, t. I, p. 448 citant P.-M. Le
Corre, Les sanctions dans l'avant-projet de réforme des entreprises
en difficultés : Gaz. pal. 2003, 2e sem, doct,
p. 3682 s.
* 26 Rapp. Sénat
préc., p. 452.
* 27 C. Henry, note sous
Cass. Com., 16 avr.1996, n°94-13.526, Rev. Sociétés 1997,
p.611 ; aussi CA Paris, 3e ch. C,
1er fév. 2002, Lejeunec/Moyrand ès qual., BRDA 2002,
n°8, p. 5
* 28 Cass. Com., 27
fév. 1978, Bull. civ.IV, n°78, p.63. ; Cass. Com., 30 mars 1999,
Bull. Joly 1999, p. 757 et p. 759, note C. Saint Alary-Houin
* 29 CA Paris,
3e ch. A, 19 mars 1991, Rev. Sociétés 1992, p. 787,
note Honorat.
* 30Cass.com., 9mars
1976, n°74-12.576, Quot. jur.29 sept. 1976.
* 31J.-P. Legros,
Montant de l'insuffisance d'actif, Dr. des soc., n°11, nov. 2005,
comm.194 sous Cass. Com., 7 juin 2005 Nébodonc/André :
Juris-Data n°2005-028869 : « L'application des
dispositions relatives à l'action en comblement de passif ne
nécessite pas que le montant de l'insuffisance soit
chiffré ».
* 32 Cass. Com., 28 mai
1991, Bull. civ. IV, n°187, p. 133, Rev. sociétés 1992,
p.373, note Honorat.
* 33 Cass. Com., 25 juin
2002, RJDA2002, n°12, n°1306, p. 1103.
* 34 Cass. Com., 14 mars
2000, Dr. sociétés 2000, n°75, Obs. Chaput
* 35 Cass. Com, 14 mars
2000 précité
* 36 Cass. Com 20
déc. 1988, Rev. Sociétés, 1989, p. 502, note Honorat
* 37 M. Bourrie-Quenillet,
La faute de gestion du dirigeant de société en cas
d'insuffisance d'actif, pratique judiciaire : JCP E 1998,
p.455-461. ; A. Martin-Serf, Panorama des fautes de gestion :
RTD com.1999, p.983.
* 38 M. Vasseur, Le droit
français [et spécifiquement l'article 99 de la loi du 13 juillet
1967] est-il un handicap pour l'apporteur de fonds propres ?: Banque
1979, p. 7 et 187. ; Cass. com., 11 janv. 1994, pourvoi
n° 92-10-914.
* 39 A. Jacquemont,
Droit des entreprises en difficulté, 4e éd.
Lexis-nexis Litec, février 2006, n°897, p.450.
* 40 S. Hadji-Artinian,
La faute de gestion en droit des sociétés, Litec
2002.
* 41 Voir par exemple
à propos de l'erreur sur la viabilité d'une chaîne de
télévision : T. com. Paris, 23 nov. 1992,
aff. La Cinq : Bull. Joly Sociétés
1993, p. 255, note M.-J. Campana.
* 42 Cass.com., 25 mars
1997 : JCP E 1997, pan. 531, à propos d'un Comité de
développement économique administrateur négligent d'une
société.- Dans le même sens la passivité
reprochée à une société de capital-risque qui
détenait à la fois 20% du capital et 3 postes sur 7 au Conseil
d'administration d'une SA. : Cass. Com., 30 oct. 2000 : Bull.
Joly Sociétés 2001, § 5, p. 27, note J.-J. Daigre.
* 43 Cass. Com., 27
avr.1993 : JCP 1993, I, 277 § 20.
* 44 Cass.com., 23 mai
2000 : JCP E. 2000, p. 1165.
* 45 CA Lyon, 3e ch.
Civ., 12 sept. 2002 : Dr. Sociétés 2004-1, n° 7, obs.
J.-P. Legros.
* 46 CA. Paris, 3e
ch. B 24 nov. 1989, BRDA 1990, n° 8, p. 21.
* 47 CA Versailles,
13e ch., 3 mai 1990, Bull. Joly 1990, p. 664.
* 48 CA Paris, 3e ch. B, 19
nov. 1999, Fabrec/Pelligrini ès qual., BRDA 2000, n° 4, p. 5.
* 49 Cass.com., 25 juin 2002,
RJDA 2002, n° 1306, p. 1103.
* 50 CA Versailles,
13e ch., 4 mai 1995, Flouquet c/Chavinier, Bull. Joly 1995, p. 788,
note Courret.
* 51 Cass. com., 30 nov.
1993 : Bull. Joly Sociétés, 1994, p.410, obs. Ph.
Petel.
* 52 A. Jacquemont,
précité, n° 900, p.452.
* 53 Décret du 28
décembre 2005, article 316. ; Cass. com., 14 mars 2000 :
RJDA 7-8/2000, n°786.
* 54 Cass. com., 5 mai
2004 : D 2004, p.1796, J.-L.Vallens
* 55 Dossiers Pratiques
Francis Lefebvre, Réforme des procédures collectives, nouveau
régime applicable au 1er janvier 2006 après la loi de
sauvegarde des entreprises et son décret d'application, éd.
Francis Lefebvre 2006, n°6165 et s, p. 33-34 :
La loi de sauvegarde des entreprises a donc retiré
au tribunal la faculté de se saisir d'office. Selon les débats,
cette modification se justifie doublement (Rapport Assemblée Nationale
n° 2095 p. 427 ; Rapport Sénat n° 335 p.
450) :
D'une part, le maintien de la saisine d'office est
incompatible avec la philosophie de la reforme qui tend à conforter la
mission de prévention confiée au président du tribunal et
à inciter le chef d'entreprise à faire part de ses
difficultés au tribunal le plus tôt possible. En effet, il aurait
été difficile de promouvoir cette mission si le président
avait été également celui qui pouvait décider
ultérieurement d'engager une action pour sanctionner
financièrement le dirigeant.
D'autre part, cette modification est conforme à une
suggestion de la Cour de Cassation qui, dans son rapport pour 2002, a
affirmé que la saisine d'office crée des risques de violation de
l'article 6, §1 de la Convention européenne des droits de l'Homme
en raison de la confusion des rôles d'engagement de la procédure
et de jugement, et que le ministère public, mieux informé
qu'auparavant, a les moyens de provoquer les sanctions
financières.
La faculté de saisine a également
été retirée au commissaire à l'exécution du
plan, ce retrait reprenant là aussi une préconisation de la Cour
de cassation dans son rapport précité.
De même, l'administrateur judiciaire ne fait
plus partie des autorités habilitées à mettre en oeuvre
l'action en comblement de passif. Selon les travaux parlementaires, cette
solution s'explique par le souci légitime de mieux distinguer les deux
métiers de mandataires et d'administrateur judiciaires (Rapport
Sénat précité).
* 56 Rapport Sénat
n° 335 p. 451.
* 57 Bien que le
délai de trois ans reste inchangé par rapport au régime
précédent, la modification du point de départ du
délai n'est pas sans conséquence pour le dirigeant. En effet,
compte tenu de la durée pendant laquelle un plan peut être
arrêté (dix ans en principe), le dirigeant peut être
poursuivi treize ans après le jugement ayant ouvert la procédure
de sauvegarde ou de redressement. Si ce dispositif entraîne une certaine
insécurité juridique pour les dirigeants, il est en revanche
favorable aux créanciers.
* 58 C. com., art. L. 651-1.
* 59 Cass. Com., 1er
juill. 1975: Rev. sociétés 1976, note Sortais
* 60 CA Versailles,
13e ch., 27 sept. 2001, Act. Proc. Coll. 2002/9, n° 117.
* 61 CA Paris, 3e
ch. A, 11 janvier 2005, Gaz. Proc. Coll. 2005/1, p. 51.
* 62 Rapp. J.-J. Hyest,
précité
* 63 Cass. com., 24 sept.
2003 : JCP E 2004, 202, §18, obs. Ph. Petel
* 64 Cass. Com., 17 juill.
2001: RJDA 12/2001, n° 1239, p. 1034.
* 65 Cass. com., 23 mai 2000
JCP E 2000, p. 1568.
* 66 Cass. com., 5 nov.
2003 : JCP E 2004,1058, p.1155, note M.-P. Dumont-Lefrand.
* 67 Cass. com., 18 mai 1981,
Rev. sociétés 1981, p.640, note A. Honorat.
* 68 CE, 27 mai 1977 :
Dr. fisc. 1987, n° 43, comm. 1998.
* 69 Sur les conditions de
cette déductibilité, M. Cozian, Le dirigeant contraint
d'acquitter un passif social peut-il déduire de ses revenus imposables
les paiements qu'il a effectués ?: JCP E 2002, n°366.
* 70 Cass.com., 22 janv.
2002 : JCP E 2002, 807, n° 17, Ph. Petel.
* 71 Cass. com., 20 mai
1997 : JCP E 1998, n° 16, p.34.
* 72A. Jacquemont,
précité, n° 905, p.454.
* 73 D. Vidal, Droit des
procédures collectives, éd. Gualino, févr. 2006, p.
313. ;
A. Lienhard, obs. sous Cass. com., 7 juin 2005, D. 2005, AJ
p. 1697.
* 74 Rapp. J.-J. Hyest. n°
335, p. 61.
* 75 P.- M. Le Corre, op. cit.,
D. 2005, Chron. p. 2306. n° 33.
* 76 Cass. Com., 19 fév.
2002, n°424 : RJDA 7/02, n°777.
* 77 Cass. Com., 11 avr.
1995 : Bull. Joly 1995 p. 684 note Daigre.
* 78 Décret du 28
décembre 2005 article 321.
* 79 Rapport AN n°
2095 p.431
* 80 Cette
liberté accordée au tribunal pour décider du montant des
dettes mises à la charge du dirigeant résulte d'un amendement
introduit par les députés. Le projet de loi prévoyait que
le dirigeant condamné au titre de l'article L.652-1 devait
obligatoirement supporter l'ensemble des dettes sociales. La modification a
été apportée pour permettre au tribunal de moduler la
sanction en fonction de chaque situation (prise en compte, notamment, de la
gravité de la faute du dirigeant ou de sa situation personnelle).
* 81 C. Robaczewski, La non
reforme des sanctions pénales dans la loi de sauvegarde des
entreprises : Gaz. Pal, des 9 et 10 sept. 2005 p. 48
* 82 A. Jacquemont, Op.
cit., n° 915, p.459.
* 83 A. Jacquemont,
Ibidem, n° 915, p.459 : Les auteurs du projet de loi soumis au
Parlement en 2005 avaient prévu de ne pas faire d'exception pour la
procédure de sauvegarde. Mais les parlementaires ont craint que la
perspective de ces sanctions professionnelles ne dissuade entièrement
les chefs d'entreprise de faire la démarche du dépôt de
bilan préventif et ont donc, dans le cadre de la loi du 26 juillet 2005,
réservé ces sanctions aux seules procédures de
redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.
* 84Cass. Com., 23 mai
2000 : Rev. Proc. Coll. 2001, p. 50, Obs. A Barret, : cas de
déclaration tardive de la cessation des paiements
* 85 Cass.com., 27 oct. 1998,
Bull. Joly Sociétés 1999, p. 57.
* 86 La
possibilité de prononcer la faillite personnelle à l'égard
des membres des professions libérales a été
débattue lors du vote de la loi du 26 juillet 2005. Si le principe en a
finalement été retenu, les parlementaires l'ont cependant assorti
d'une exception importante : échappent à la faillite
personnelle les personnes exerçant une activité professionnelle
indépendante qui, à ce titre sont soumises à des
règles disciplinaires (art. L 653-1-I).
Que ce soit donc par la voie générale de la
faillite personnelle ( cas des agents commerciaux qui ne sont soumis à
à aucune règle disciplinaire), ou par celle des sanctions
disciplinaires propres à la profession, tous les membres des professions
libérales sont susceptibles d'être notamment privés de la
possibilité d'exercer temporairement leur activité.
* 87 Pour un exemple
d'arrêt d'appel cassé pour avoir retenu un cas non prévu
par la loi, en l'espèce l'absence de remise de certains documents au
liquidateur, Cass. com. 13 mai 2003, Dr. Soc. 2004-2, n°25, obs. J.-P.
Legros
* 88 Décret 28
déc. 2005, art. 324.
* 89 Cass. Com., 22 oct.
1996 : JCP E 1997, I, 623, n° 12.
* 90 B. Soinne,
Traité des procédures collectives, Litec, 2e
éd. 1995, n° 2689-2695.
* 91 Cons. Const., 15 mars
1999 : JO 21 mars 1999.
* 92 Cass. Com. 3 nov. 1992,
Bull. civ., IV. n° 343.
* 93 En se contentant de
fixer une durée maximale, importante, la loi du 26 juillet 2005 a
renversé l'approche ancienne, puisque l'ancien article L. 625-10 du Code
de commerce imposait à l'inverse une durée minimale de cinq ans,
sans limite supérieure, sauf l'impossibilité d'une condamnation
à vie. Est ainsi donnée au tribunal la possibilité
d'adapter plus finement sa sanction à chaque cas d'espèce. Les
interdictions et déchéances prononcées plus de quinze ans
avant la date de publication de la reforme (27 juillet 2005) ont donc pris fin
de plein droit à cette date (L. 2005, art. 190 2° et Cass. Com. 29
nov. 2005, JCP E 2005-365
* 94 CA Paris, 12 juin
1990 : RJ com. 1991, p.181, note J-P Marchi.
* 95 CA Paris, 3e
ch., 7 mars 2003 : Dr. sociétés, déc. 2003,
n°210, obs. J.-P. Legros.
* 96 A. Jacquemont, op.
cit., n° 939, p.472
* 97 Cass. crim. 30 juin 1999,
Act. Proc. Coll. 1999, n° 209, obs. J. Vallansan
* 98 Cass. crim. 26 sept.
2001 : Act. Proc. Coll. 2001-20, n°267.
* 99 J.-P. Legros, La loi
du 26 juillet de sauvegarde des entreprises. Le sort des membres et dirigeants
des personnes morales (4e partie). Dr. sociétés, 10
janvier 2006, p.10.
* 100 Rapport
Sénat, n° 335, Session ordinaire 2004-2005, mai 2005, par le
sénateur Jean-Jacques Hyest, t. I, p. 441.
* 101 (Rapp.
Assemblée Nationale, n° 2095, XIIe Législature,
févr. 2005, par le député Xavier de Roux,
p. 424)
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