INTRODUCTION GENERALE
1. Présentation du sujet
La condition de la femme ainsi que le rôle qui peut
être le sien dans la société contemporaine pose un
problème général suscité par des conditions
constamment changeantes de la vie moderne et des espoirs nouveaux y
correspondant.
Cet état des choses ou mieux cette condition de la
femme est très souvent abordé à travers de nombreuses
littératures sous l'angle de comparaison soit dans le temps
(traditionnelle et moderne) soit dans l'espace (rurale et urbaine, africaine ou
européenne, etc.) soit encore par rapport à l'homme. La condition
de la femme ne constitue réellement un problème de
société qu'à partir d'une comparaison faite de ce que sont
les femmes avec le sort apparemment ou objectivement privilégié
que se réservent les hommes dans une société. D'où
la nécessité, pour nous, d'aborder cette étude sous
l'aspect genre pour éviter de soulever les susceptibilités
liées aux problèmes d'égalité ou de
supériorité entre les sexes.
La femme congolaise en général et lushoise en
particulier, soumise à l'accélération vertigineuse de la
mondialisation de l'histoire humaine et de l'évolution des idées
et de leur diffusion instantanée à travers le monde est encore
contrariée par une vision traditionnelle rétrograde
d'écartèlement, d'exclusion qui paralyse ses efforts. Elle
charrie ainsi une conscience erronée d'incapacité,
d'irresponsabilité par rapport à l'homme.
La question fondamentale que soulève ce mémoire
est aussi bien celle de la position sociale de la femme, pour qui la
préoccupation doit être de savoir comment concilier avec plus ou
moins de bonheur sa spécificité constitutionnelle ou biologique
de mère, créatrice de vie, d'épouse et ce que doit
être désormais son rôle dans la nouvelle
société congolaise en général et lushoise en
particulier, afin de participer activement et véritablement au
développement économique et social de son pays.
Considérée dans le cadre de collaboration pour
l'édification de notre pays, la femme congolaise se trouve en retard
dans la marche du progrès. Comparativement à l'homme, elle doit
être pourtant un agent indispensable de l'évolution de la
communauté humaine. Elle ne pourrait alors être tenue pour
longtemps à l'écart de la production sociale, ou ravalée
indéfiniment au rang de simple et passive consommatrice de la nouvelle
civilisation interplanétaire.
En abordant la question du Genre et lutte contre la
pauvreté à Lubumbashi, nous tenons à faire
reconnaître et à dénoncer le fait que la femme lushoise ait
vécu depuis longtemps par et pour les autres seulement. Elle doit donc
maintenant se voir donner, au même titre que son partenaire homme, les
mêmes chances au départ de survie et de réussite
personnelle. C'est à cette condition seulement que nous pensons qu'en
ayant les mêmes conditions d'accès aux microcrédits, elle
pourra être vraiment à la hauteur de ses tâches domestiques
et familiales habituelles, et aussi lutter contre la pauvreté en
explorant ses capacités encore en friche en réduisant les
écarts qui la séparent encore de l'homme.
Cependant, il nous semble que, tant à travers le
langage que dans la plupart des écrits sur la condition de la femme dans
la société contemporaine, les gens discutent et argumentent le
plus souvent sur base des préjugés. Dès lors, il y a une
colossale mystification qui sous-tend subrepticement mais solidement les
superstructures religieuses, juridiques, sociales, politiques,
économiques et culturelles, lesquelles superstructures constituent
à leur tour autant d'alibis tendant à donner à l'homme, en
tant qu'etre du sexe masculin, la bonne conscience, qui est en fait une pseudo
justification rationnelle ou logique de son attitude et de son comportement
cavaliers à l'égard de la femme, qui se traduit par un rapport
exagérément inégal et discriminatoire entre l'homme et la
femme. Ce rapport, se répercutant sur l'institution familiale et comme
celle-ci est elle-même à la base de la société, se
traduit sur le plan social sous forme d'une conscience sociale, difficile
à ébranler.
Sans pour autant s'attarder sur la prétendue
supériorité naturelle de l'homme, comme d'ailleurs l'a si bien
fait KITENGE Ya(1), nous nous emploierons à montrer que
l'autonomisation de la femme lushoise à travers le microcrédit
doit viser l'amélioration de la condition des femmes à partir du
respect des hommes envers elles jusqu'à la reconnaissance de celles-ci
en tant que membres apportant une contribution au développement de leur
société.
2. Choix et intérêt du Sujet
Le choix et l'intérêt du sujet sont la
première des choses que doit faire quiconque veut s'engager dans une
recherche en sociologie. Le choix du sujet, ses délimitations ainsi que
l'intérêt qu'il présente pour le chercheur conditionnent le
déroulement de l'étude et sa réussite
finale.(2)
Il convient donc de noter qu'aucun hasard ne nous a soumis
l'étude du « genre et lutte contre la pauvreté à
Lubumbashi ; une contribution à l'analyse praxéologique des
manifestations de l'autonomisation de la femme à travers le
microcrédit ». Il revient néanmoins de préciser que
le choix et l'intérêt portés à cette question
sociale s'inscrivent dans la perspective de la sociologie du
développement et relèvent d'un triple souci qu'au départ
il convient de légitimer.
1. Intérêt personnel
En tant qu'homme épris de paix et de justice, nous
avons cherché à apporter notre pierre à l'approche genre
et développement. En effet, même si les femmes sont les plus
nombreuses en République démocratique du Congo en
général et à Lubumbashi en particulier, la majorité
d'entre elles demeurent très pauvres et travaillent dans des conditions
nettement inférieures à celles des hommes. Cette
(1) Lire à ce sujet KITENGE Ya, le rôle de la
femme zaïroise dans la société contemporaine. Aspects
épistémologiques et analyse qualitative de la condition
féminine, Thèse de doctorat en sociologie, Lubumbashi,
UNAZA-FSSPA, 1977, p 49-65.
(2) MULUMBATI NGASHA, Manuel de sociologie
générale, Ed. Africa, L?shi, 1980, p.20
vulnérabilité du genre qui frise la
discrimination et l'exclusion de la femme dans les processus du
développement s'est accrue, d'autant que les femmes ont une triple
charge d'encadrement quotidien des enfants, l'entretien de la maison et des
activités de subsistance. On les retrouve seules au front de cette lutte
caractérisée surtout par leur isolement et par l'absence du
soutien du conjoint lui aussi noyé dans la débrouillardise
dictée par la périphérisation de l'économie
mondiale. Afin de compléter les revenus familiaux, là où
ils existent, la femme est appelée à travailler durement pour
refuser de mourir, elle et les siens.
Au moment où la femme commence à se
déterminer et à se débarrasser d'anciennes
considérations autour de sa personne, il nous paraît vraiment
impérieux de nous pencher sur le rôle et la place à elle
réservés pour le développement de notre
société. D'autres éléments confrontent autant le
choix de ce sujet : la femme est appelée à revendiquer ses droits
et à gravir aussi les hiérarchies professionnelles, son apport au
travail productif devient visible à tous les niveaux de la vie (pays,
ville, foyer). Combattre ainsi les positions anachroniques sur les droits de la
femme, restituer à cette dernière ses droits en tant qu'etre
humain appelé à s'épanouir, voila autant
d'éléments qui justifient le choix de ce sujet.
2. Intérêt sociétal
A travers cette étude, nous voudrions aider la femme
à comprendre que la quête d'égalité entre l'homme et
la femme doit intégrer la reconnaissance selon laquelle
l'égalité va de pair avec et ne menace pas ni moins encore ne
contredit la reconnaissance de la différence et de la
complémentarité qui existent entre l'homme et la femme. Car sans
cette reconnaissance, la lutte pour l'égalité ne serait pas non
seulement authentique mais se caractériserait par une approche
antagoniste mettant en exergue les oppositions entre les hommes et les femmes.
De la sorte, la femme se dresserait davantage contre l'homme et vice-versa, et
toute quete d'identité se baserait sur la négation de l'autre.
L'approche genre et de l'autonomisation de la femme conduit
cependant à la reconnaissance réciproque de
l'identité et du rôle de l'un à l'égard de
l'autre.
La tendance consiste à réduire, ou même
à nier totalement les différences artificielles entre les hommes
et les femmes afin d'éviter la domination d'un sexe sur l'autre, leurs
différences sont à considérer comme de simples
conséquences de conditionnements historiques et culturels. La
différence physique est sous estimée, tandis que la dimension
purement culturelle est exacerbée et considérée comme
primordiale. Ce flou qui existe actuellement dans les différences a des
conséquences sur la stabilité de la société et des
familles, mais également sur la qualité des relations entre les
hommes et les femmes.
L'adoption de l'approche genre, dans cette étude,
montre qu'il y a une différence dans les besoins spécifiques des
hommes et des femmes et permet aussi d'évaluer les incidences, à
la faveur des femmes comme des hommes dans la lutte contre la
pauvreté.
3. Intérêt scientifique
Les rapports nationaux sur le développement humain
durable soulèvent aujourd'hui une question d'actualité qui est
celle du genre et de la lutte contre la pauvreté. Les
préoccupations affichées par les organisations internationales et
nationales sur les discriminations et les inégalités de sexe
pèsent sur la croissance d'un pays. Il faut donc aider les femmes
à contribuer au développement. Car bien qu'étant les plus
pauvres, surtout les plus vulnérables et les plus
défavorisées, les femmes utilisent davantage leurs ressources
pour le bien-être de la famille : dépenses alimentaires,
d'éducation ou de santé, alors que les hommes sont souvent
accusés de gaspiller leurs revenus en consommation non productive.
étude sur le Genre et la lutte contre la
pauvreté tente de mettre en lumière les différentes
théories relatives à l'intégration de l'approche genre
dans le processus du développement, notamment dans la réalisation
de l'un des objectifs de développement du millénaire qui vise la
réduction de la pauvreté. Il s'agit ici de comprendre la
capacité du microcrédit à améliorer durablement le
niveau de vie des populations.
En analysant les manifestations de l'autonomisation de la
femme à travers le microcrédit, cette étude se propose de
montrer comment le microcrédit permet d'offrir des produits financiers
et des crédits à celles qui sont exclues du système
financier classique pour les aider à conduire des activités
productives et génératrices de revenus lesquels leur permettent
ainsi de développer des petites entreprises. Enfin ce mémoire
explique l'intérêt que nous attachons en tant que scientifique et
sociologue aux rôles des rapports de genre sur le développement
humain durable.
3.Délimitation du sujet
Toute recherche scientifique doit être
délimitée dans le temps et dans l'espace. Dans le temps, cette
étude portera sur la période allant de 2007 à 2010, soit
une période de quatre ans. Dans l'espace, notre étude sur le
genre et lutte contre la pauvreté à Lubumbashi aura comme cadre
d'enquete la ville de Lubumbashi. Et pour analyser les manifestations de
l'autonomisation de la femme à travers le microcrédit, nous avons
organisé une enquête auprès de quelques hommes et femmes
ayant bénéficié des microcrédits auprès des
institutions de la Microfinance installées dans la ville de
Lubumbashi.
4.Etat de la question
L'état de la question sert à dégager
l'originalité et la spécificité du sujet de la recherche
par rapport aux travaux précédents. En d'autres termes,
l'état de la question permet de pénétrer les
pensées de chercheurs précédents, d'apprécier les
difficultés qu'ils ont rencontrées et les moyens qu'ils ont
utilisés pour les surmonter, de saisir l'originalité de leurs
contributions et les lacunes dont une autre recherche devra
tenir compte. Elle permet, en outre, d'utiliser les
résultats déjà acquis pour que la recherche à
entreprendre soit mieux faite et plus utile.
La question du genre où même de la lutte contre
la pauvreté étant d'actualité, nous n'avons pas la
prétention de croire que nous sommes le premier à l'aborder.
Plusieurs études ont été menées et semblent
même étouffer toute nouvelle tentative d'explication sur la
question. Mais qu'à cela ne tienne, nous allons essayer de
procéder par une analyse critique des travaux antérieurs et
préciser l'originalité de notre démarche.
Elisabeth HOFMAN et Marius GNANOU, dans leur article sur
« L'approche genre dans la lutte contre la pauvreté : l'exemple de
la microfinance »(1) , se sont placés dans un contexte
où la lutte contre la pauvreté est prioritaire et le
microcrédit en vogue. Ils se sont posé la question de savoir si
l'intégration du concept de genre permet à la microfinance de
mieux atteindre ses objectifs, à savoir la réduction de la
pauvreté des bénéficiaires.
Pour mieux cerner l'incidence de ce concept sur
l'efficacité de lutte contre la pauvreté, ils rappellent les
évolutions des concepts en matière de pauvreté, de prise
en compte des inégalités entre hommes et femmes et de
microfinance. Ils constatent sur base des études qui ont
été menées dans plusieurs pays, notamment au Bangladesh et
en Inde que les femmes démunies ne peuvent sortir durablement de la
pauvreté sans une réduction des inégalités de
genre.
Cette étude a eu le mérite d'avoir bien
fixé l'historique de l'approche du genre et de la pauvreté, ainsi
que la prise en compte de microfinance dans la lutte contre la pauvreté.
Bien que prenant partie à cette approche, nous pensons qu'il convient de
préciser que la démarche vers l'autonomisation de la femme doit
d'abord s'inscrire dans le cadre de la complémentarité entre les
hommes et les femmes. Si au
départ, les valeurs intrinsèques à
l'homme et à la femme ne sont pas prises en compte pour bien
dégager le champ de leur complémentarité, il y aura risque
certain de raviver l'opposition entre l'homme et la femme. Et si,
l'enquête de terrain relève ce défi en montrant comment le
microcrédit contribue à l'autonomisation de la femme lushoise.
Dans une étude presque similaire, consacrée
à un autre maillon faible de la société, Anaïs
HAMELIN, a examiné Les limites du microcrédit dans la lutte
contre la pauvreté : l'exemple du travail des
enfants(1). A travers cette étude, l'auteur analyse le
rôle que la microfinance peut jouer dans l'enrayement du travail des
enfants. Au travers d'une revue de la littérature théorique et
empirique, il dégage les principes déterminants du travail des
enfants. Il montre que le travail des enfants résulte avant tout de la
pauvreté et de la vulnérabilité des ménages.
L'approfondissement du concept de vulnérabilité
a permis de comprendre comment le travail des enfants peut constituer un outil
dans la stratégie de gestion des risques par le ménage. Il
s'interroge alors sur la potentialité du microcrédit à se
substituer efficacement au travail des enfants, en tant qu'amortisseur des
tensions conjoncturelles. Il constate que l'utilisation du microcrédit
peut être efficace dans ce cadre, en permettant au ménage de
lisser sa consommation.
Quoiqu'important et soulevant une question d'actualité,
ce travail, devrait cependant rester prudent dans ses conclusions. L'auteur ne
circonscrit pas le cadre particulier et le type de travail des enfants. Pour
nous, nous pensons aborder l'apport de microcrédit dans l'autonomisation
de la femme en démontrant comment cette autonomisation a pu
accroître la force sociale et économique de la femme tant sur le
plan individuel que collectif afin d'éliminer des obstacles qui la
pénalisent et l'empêchent d'être pleinement
intégrée dans les divers secteurs de la société. Ce
qui place concrètement la femme dans la position d'affronter les
pratiques discriminatoires qui excluent les femmes des processus du
développement.
Jeanne BISILLIAT et Christine VERSCHUUR, ont écrit
Le genre : un outil nécessaire(1) . Les
deux auteurs ont voulu, par ce livre, créer un espace de connaissance
autour de thématiques genre et développement, apporter aux femmes
francophones et aux hommes bien évidemment des outils de
réflexion, et cela dans un esprit d'ouverture envers leurs devanciers
anglais, américains et latino-américains. Elles ont repris des
concepts féministes ou en ont forgé des nouveaux pour les adapter
aux situations spécifiques créées par les politiques et
les projets de développement. Ils se présentent comme des
repères intellectuels pour toutes celles et tous ceux qui cherchent,
avec bonne volonté, à comprendre la formidable complexité
du développement afin que leur action soit plus efficace, plus
complète, et non plus source de distorsions socioéconomiques
préjudiciables à tous, ou pire, source de détresses
matérielles et psychologiques.
Ce livre de Jeanne BISILLIAT et Christine VERSCHUUR a
l'avantage d'être un outil conceptuel sur la question du genre et
développement. Nous pensons, à travers notre étude,
être beaucoup plus pragmatique en traitant l'approche du genre dans la
lutte contre la pauvreté et surtout en analysant les manifestations de
l'autonomisation de la femme à travers le microcrédit à
Lubumbashi.
5. Problématique
D'après Marcel MERLES, la problématique est
l'ensemble d'interrogations que pose une discipline ou que pose un chercheur
autour d'un problème donné en vue de comprendre ou d'expliquer un
phénomène(2).
Selon Raymond QUILVY et Luc COMPENHOLD, la
problématique est une approche ou perspective théorique que l'on
décide d'adopter pour traiter le problème posé par la
question de départ(3) .
(1) BISILLIAT, J. et VERACHUUR, C., Le genre : un outil
nécessaire, Paris, L?Harmattan, 2000
(2) MERLES, M., Sociologie des relations internationales,
Paris, PUF, 1980, p.35
(3) QUILVY, R. et COMPENHOLD, L. Manuel de recherche en
sciences sociales, Paris, Ed. Du Nord, 1998, p 17.
Pour nous, la problématique constitue une série de
questions qu'un chercheur se pose sur un sujet de recherche donné afin
de découvrir la vérité.
D'aucuns pensent que, le Vingt- unième siècle va
marquer une jonction critique dans la promotion et la protection d'une culture
de droits humains en Afrique. Comme le monde devient de plus en plus
interdépendant, les systèmes régionaux de
coopération jouent un rôle de plus en plus important dans la
promotion d'un ordre positif de droits humains et de la promotion de la
personne humaine. Les Etats africains se sont engagés dans
différents documents de politiques internationale et régionale
à la promotion de droits humains.
Les mécanismes internationaux sur le genre les plus
significatifs sont la Convention sur l'élimination de toutes formes de
discrimination à l'égard de la femme (CEDAW) de 1979, et la
Plateforme d'Action de Beijing (PFA) de 1995, la Charte Africaine des Droits
Humains et des Peuples (CADHP), la Conférence Internationale sur la
Population et le Développement (ICPDPOA), la Déclaration
Solennelle sur l'Egalité des Genres, le Nouveau Partenariat pour le
Développement de l'Afrique (NEPAD), les Objectifs de
Développement du Millénaire (ODM), l'Acte Constitutif de l'Union
Africaine (UA), le Cadre Stratégique de Lutte Contre la Pauvreté
(CSLP). Toutes ces conventions et cadre de politiques engagent le Gouvernement
Congolais à aborder la question du Genre, de la lutte contre la
pauvreté et de l'autonomisation de la femme.
Lorsqu'on passe en revue tous ces accords et documents, il y a
lieu de noter que l'Afrique a enregistré un certain progrès aux
niveaux national, régional et sous régional. Car la plupart des
pays ont également élaboré des mécanismes et
politiques du genre. Néanmoins, il y a toujours des défis majeurs
dans tous les domaines, dans la mesure où la majorité des
stratégies restent non encore mises en oeuvre.
Dans les Objectifs de Développement du
Millénaire, 191 gouvernements se sont résolus à promouvoir
l'égalité des genres et l'autonomisation de la femme en tant que
des moyens efficaces pour combattre la pauvreté, la faim, les maladies
et pour
stimuler le développement durable. Cependant en
dépit de cet engagement, la femme congolaise en général et
lushoise en particulier n'est aucunement dans une meilleure situation
qu'auparavant. On peut même dire que les promesses ne sont parvenues
qu'à faire monter la pointure des souliers si jamais elles ont fait
quelque chose. La stagnation dans certains aspects et la
détérioration dans d'autres suscitent plutôt des
préoccupations.
Ceci est d'autant plus vrai que depuis quelques années,
on ne parle plus que de la lutte contre la pauvreté en Afrique. Le terme
développement est rarement utilisé par les dirigeants africains
et leurs tuteurs que sont les institutions financières internationales.
Ainsi donc, il semble bien qu'une bonne partie de l'Afrique, dont la
République Démocratique du Congo, ait abdiqué face aux
énormes défis du développement au profit des politiques
sectorielles à court terme visant plus à ralentir la progression
de la pauvreté qu'à réduire celle-ci comme le
prétendent les discours officiels.
Dans ces conditions, genre et lutte contre la pauvreté
se trouvent théoriquement confrontés aux problèmes
situationnels liés non seulement à la condition de la femme dans
la société mais aussi et surtout institutionnels. Car toutes les
questions que soulève l'approche genre ou encore l'autonomie de la femme
dans la lutte contre la pauvreté tendent à dégager
l'importance des phénomènes sociaux qui proviendrait, comme l'a
dit Duverger, de la réalité matérielle de ceux-ci mais
aussi de l'idée qu'on s'en fait (les représentations collectives,
les idées, les croyances, les systèmes de valeurs qui se
développent autour d'eux. Peu importe que ces représentations
collectives correspondent ou non à la réalité, qu'elles
soient illusoires ou non : l'essentiel, c'est l'adhésion que leur
apporte le groupe social. Aussi, toute institution est à la fois un
modèle structural et un ensemble de représentations collectives
plus ou moins valorisées. C'est-à-dire que toute institution se
réfère plus ou moins directement à un système de
valeur, c'est-à-dire à une conception du bien et du mal, du juste
et l'injustice, impliquant une prise de position pour ou contre(1).
C'est dans
(1) DUVERGER, (M), Sociologie politique, Paris,
PUF, 1968, pp 104-105
ce cadre qu'il conviendra de poser notre problématique
en ces termes : Est-ce que l'approche genre peut réellement contribuer
à la lutte contre la pauvreté? Quels sont les changements
importants intervenus chez la femme lushoise par suite de mutations historico-
culturelles, plus précisément de son autonomisation à
travers le microcrédit ? En d'autres termes, quel est l'apport du
microcrédit dans la mise en oeuvre des programmes d'autonomisation de la
femme lushoise ?
Telles sont quelques unes des interrogations qui méritent
d'être élucidées et que nous nous proposons d'analyser dans
ce mémoire.
6. Hypothèse opératoire
Il ne suffit pas, dans une étude scientifique, de bien
poser la question. Mais faut-il encore tenter d'y répondre. Pierrette
RONGERE définit l'hypothèse comme étant la proposition de
réponse aux questions que l'on pose à propos de l'objet de la
recherche, formulée en des termes tels que l'observation et l'analyse
puissent fournir une réponse (1).
La quête légitime d'égalité entre
les hommes et les femmes tout comme de l'autonomie de la femme a
enregistré certes des résultants positifs dans le domaine de
l'égalité des droits, comme en témoignent des nombreux
documents et actes déjà évoqués dans ce travail.
Mais nous pensons que l'approche genre dans la lutte contre la pauvreté
ne peut être atteinte que lorsque les différences entre les sexes
seront reconnues et considérées comme complémentaires et
que l'élément culturel du genre sera compris dans son contexte
spécifique.
Pour ce qui est de l'attitude des hommes à
l'égard du problème de l'autonomisation de la femme, il
semblerait qu'en principe les hommes qui exercent une profession à
carrière plane ayant peu d'impact salarial, de même que les
économiquement faibles sont dans leur grande majorité,
réticents, voire hostile à toute
(1) RONGERE, P., Méthodes des Sciences
sociales, Paris, Dalloz, 1971, p.20
évolution féminine véritable,
singulièrement celle de leurs propres femmes, car ils y voient souvent
une menace à leur autorité maritale et un défi à
l'ordre naturel. Cette catégorie d'hommes est donc pour le maintien du
statu quo et tiennent à considérer la femme que suivant sa
dimension biologique. Cependant, s'il advient que le rôle de la femme
n'est plus étroitement conditionné par des faits d'ordre
biologique, lorsqu' évoluent en même temps les aspects
démographiques et économiques qui dictaient impérativement
ce rôle, les hommes s'évertuent alors à définir
celui-ci sur le plan moral. Aussi, la justification du rôle de la femme
prend plus ou moins un aspect sacral. De là toute tentative tendant
à modifier ce rôle engendre un débat idéologique. Ce
qui d'ailleurs rend toute prise de position pour ou contre très
difficile.
L'autonomisation de la femme signifie l'accroissement de sa
force sociale, politique, économique et spirituelle, tant sur le plan
individuel que collectif, ainsi que l'élimination des obstacles qui
pénalisent la femme et l'empêchent d'être pleinement
intégrées dans les divers secteurs de la société.
Concrètement, cela signifie qu'il faut affronter les pratiques
discriminatoires qui excluent la femme dans des processus de prise des
décisions et du développement. Car, il ne peut y avoir dans notre
pays de véritable développement économique tant qu'il ne
sera pas suffisamment tenu compte d'abord du facteur humain, des ressources
humaines existantes. Autrement dit, toute politique économique
réaliste implique, en Afrique noire surtout, en même temps une
politique familiale en profondeur tout aussi réaliste, en ayant
présentes à l'esprit les possibilités réelles du
pays, les idées et les valeurs culturelles essentielles
spécifiques aussi bien qu'universelles. Or le mariage ainsi que la
famille qui en découle aliènent encore la dignité de la
femme. D'où la nécessité de réforme du droit
matrimonial et familiale dans notre pays.
L'autonomisation de la femme à travers le
microcrédit s'inscrit donc dans le cadre des programmes
d'amélioration de la condition de la femme, qui va du respect accru de
la part des hommes à la reconnaissance en tant que membres apportant une
contribution importante à la société ; d'une meilleure
santé familiale à une conscience accrue de la valeur de
l'éducation ; d'une plus grande estime de soi à un rôle
prédominant dans la réduction de la
pauvreté. Le microcrédit encourage les microprojets au niveau
local et induit des mutations à la base. Ces effets positifs et
multiplicateurs de l'autonomisation de la femme montrent que le
microcrédit doit être vigoureusement soutenu en faveur de la femme
lushoise en particulier et Congolaise en général.
Les bénéfices de l'autonomisation produits par
le microcrédit doivent aller de pair avec le besoin d'éducation
et de prise de conscience, en particulier au niveau des communautés
locales. L'éducation des femmes en particulier demeure l'instrument le
plus important dans la promotion de l'égalité entre les hommes et
les femmes et dans l'autonomisation des femmes en vue de contribuer pleinement
dans la lutte contre la pauvreté. Surtout lorsqu'on sait que les femmes
ont été éduquées de façon à croire
à tout moment que leur position de subordination par rapport aux hommes
est normale et naturelle, qu'elle procède de l'ordre social, voire
même divin. Une socialisation ainsi acceptée sans discussion
conduit la majorité des femmes congolaises en général et
lushoises en particulier à approuver leur subordination et à y
contribuer.
Même si certains néo- féministes
assimilent la situation de la femme à celle du colonisé, voire du
prolétaire, force nous est de considérer, à titre
provisoire tout au moins, la femme comme faisant partie d'une vaste
catégorie sociale aux contours encore non précisés, celle
des opprimés de la société contemporaine, qui pendant une
période relativement récente, mais en petit nombre cependant, se
voie progressivement accepter dans des secteurs de la vie jusque- là
exclusivement réservés à l'homme. Seule donc la
démarche qualitative de sa condition est à même de nous
faire toucher du doigt cette dernière et nous faire saisir la
portée des changements intervenus dans le processus de son
autonomisation et de la lutte contre la pauvreté. Voilà pourquoi
nous pensons que cette étude aidera les hommes et les femmes à se
dépouiller des coutumes rétrogrades et avilissantes afin de
s'engager résolument dans la lutte contre la pauvreté.
7. Méthodologie de la recherche
7.1. Méthode de recherche
La recherche revêt une importance capitale dans le
processus de production des connaissances. C'est pourquoi, nous avons recouru
à une méthode qui nous a aidé à traiter les
données que nous avons recueillies auprès des institutions de
microfinance de Lubumbashi sur les microcrédits ainsi qu'auprès
des quelques associations féminines bénéficiaires de ces
microcrédits.
La méthode est définie par Pinto RONGERE et
Madeleine GRAWITZ comme étant la démarche rationnelle de
l'entreprise pour arriver à la vérité. C'est un ensemble
d'opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche
à atteindre les vérités qu'elle poursuit, les
démontre et les vérifie(1). Maurice DUVERGER, quant
à lui, soutient que la méthode est toute démarche
scientifique qui est un mode de raisonnement théorique et qui aide le
chercheur à étudier un sujet donné.(2) Nous
avons opté, dans le cadre de cette étude sur le genre et la lutte
contre la pauvreté pour la méthode dialectique qui, comme on le
sait, opère à travers quatre principes ci après :
1. Le Principe de contradiction
Il stipule que la réalité sociale se
conçoit en termes d'éléments opposés qui sont en
lutte : c'est la lutte des contraires. Concrètement il apparaît
des contradictions dans l'approche genre et lutte contre la pauvreté. En
effet, la République Démocratique du Congo est un pays pauvre
très endetté. Comment concevoir que celui qui est pauvre lutte
contre la pauvreté et s'engage à payer sa dette, dans une
conjoncture d'austérité budgétaire ? Comment concevoir
aussi que la femme qui a été depuis longtemps
éduquée de façon à se contenter d'une position de
subordonnée au sein de la société et par rapport à
l'homme puisse se débarrasser de ses coutumes
(1) RONGERE, P. et GRAWITZ, M., Méthodes des Sciences
Sociales, Paris, Dalloz, 1971, p.289.
(2) DUVERGER, M., Méthodes des Sciences Sociales,
Paris, PUF, 1961, p.40
sociales et s'engage dans la lutte contre la pauvreté tout
en revendiquant son autonomie ? C'est là quelques arguments qui
justifient ce principe de contradiction.
2. Le principe d'action réciproque ou d'unité
des contraires
Ce principe suppose que les oppositions
énoncées au premier principe agissent les unes sur leurs
opposées et vice versa : c'est là l'action réciproque. Par
ailleurs, les éléments de la totalité finissent par leur
unité plutôt que par la destruction de l'un par l'autre. C'est
dans ce cadre que nous soutenons que le Genre et l'autonomisation de la femme
ne tiennent pas à réduire ou à nier totalement les
différences entre les hommes et les femmes. Mais à
reconnaître les différences entre les sexes tout en
considérant comme complémentaires leurs efforts dans la lutte
contre la pauvreté.
3. Le Principe du changement dialectique
Il stipule que le non respect de l'égalité des
droits sociaux des hommes et des femmes n'a toujours pas connu la même
ampleur dans toutes les sociétés humaines en
général et en République Démocratique du Congo en
particulier, depuis de temps immémoriaux. Il a évolué
à travers le temps et l'espace. Il y a peu, l'approche genre et lutte
contre la pauvreté n'était pas une préoccupation majeure
qu'il ne l'est aujourd'hui. Elle attire désormais l'attention non
seulement des dirigeants, mais aussi celle des mécanismes et instruments
de protection et de propagation du capitalisme international, ainsi que celle
de nombreux chercheurs.
4. Le principe du changement quantitatif en changement
qualificatif
Ce principe sous entend l'idée que la
réalité sociale peut naturellement se présenter comme
étant bonne ou mauvaise. Dans un monde où les coutumes et
l'argent condamnent la femme à l'exclusion et à la
résignation, penser au genre dans la lutte contre la pauvreté est
un défi à la tradition et pourquoi pas à l'ordre divin.
Dès lors que
le système financier n'a plus aucun sens : l'argent ne
profite qu'à ceux qui en ont déjà beaucoup. Ceux qui en
ont vraiment besoin se heurtent toujours à des refus, sous
prétexte qu'ils n'ont pas de travail, alors qu'on ne leur donne pas les
moyens d'exercer leurs compétences! La solution humaine consiste
à donner à ces personnes démunies les conditions qui leur
permettent de s'accomplir en tant qu'etre humain. On n'est pas obligé de
travailler pour quelqu'un d'autre pour acquérir la dignité. Nul
d'entre nous ne connaît vraiment son potentiel, ses limites, parce que la
société nous impose une foule de restrictions de toutes natures.
Comme ceux qui sont exclus du système bancaire traditionnel tout
simplement parce qu'ils sont pauvres ; celles qui sont exclus du débat
et de la lutte contre la pauvreté parce qu'elles sont femmes et pauvres.
C'est donc cela que nous pensons être un changement de quantité en
changement de qualité.
7.2. Techniques de recherche
Par technique, nous entendons l'ensemble des
procédés de recherche se situant au niveau de la collecte de
l'information, autrement dit ce sont les moyens utilisés afin de
concrétiser une méthode quelconque. Pour BRIMO, la technique est
un procédé pour collecter les faits qui apparaissent les mieux
adaptés à l'objet de la recherche(1).
En ce qui concerne le présent mémoire, nous avons
fait usage des techniques ci-après :
7.2.1. L'observation indirecte ou documentaire
Celle-ci nous a permis d'éplucher certaines
informations qui ont servi à élaborer théoriquement et
pratiquement ce mémoire. Nous avons lu différents écrits
qui nous ont aidé à récolter les données ayant
servi a l'élaboration des théories tant sur le genre, sur la
pauvreté que sur l'autonomisation et le microcrédit.
Pratiquement, nous
(1) BRIMO, A., Méthode de Sciences
Sociales, Paris, Ed. Mont Chrétien, Paris, 1972, p. 207
nous sommes servis dans le cadre de l'observation documentaire
des ouvrages, archives, rapports et articles pour rédiger la majeure
partie de ce mémoire.
7.2.2. L'Interview
L'interview est selon Albert BRIMO, une technique qui a pour
but d'organiser un rapport de communication verbale entre deux personnes
à savoir l'enqueteur et l'enqueté, afin de permettre à
l'enqueteur de recueillir certaines informations de l'enquete concernant un
objet précis.(1)
Spécialement dans le cadre de ce travail nous nous sommes
servis de l'interview directe et de l'interview structurée.
L'interview directe nous a permis de savoir directement par
jeu des questions et réponses ce que les sujets enquêtés
pensent, ressentent, désirent, savent, font ou sont. Pendant que
l'interview structurée est celle à travers laquelle
l'enqueté répond à une série de questions dont le
nombre, l'ordre et l'énoncé ont été fixés
à l'avance dans le protocole d'interview.
Ainsi une enquête a été organisée
par nous-mêmes entre novembre 2010 et janvier 2011 auprès de
certaines institutions de microfinance de la ville de Lubumbashi ainsi
qu'auprès de quelques bénéficiaires de
microcrédits. Cette enquête avait pour cible les hommes et les
femmes habitant la ville de Lubumbashi et ayant bénéficié
au moins une fois d'un microcrédit. Elle a porté sur 32
bénéficiaires de microcrédits auprès de FINCA, TMB
et TUJENGE. La méthodologie d'échantillonnage non probabiliste
(non aléatoire) en boule de neige a
été utilisée pour constituer l'échantillon. Le
choix de cette méthodologie de sondage s'est justifié par
l'inexistence d'une liste exhaustive des bénéficiaires des
microcrédits. En effet, il s'agit d'une méthodologie de sondage
qui permet d'atteindre les autres personnes à enqueter, grace
(1) BRIMO, A., Op. Cit., p. 207
aux renseignements fournis par les premiers enquêtés
(c'est-à-dire les unités enquêtées servent comme
source d'identification d'échantillonnage additionnelles).
Ainsi, pour constituer notre échantillon, nous sommes
partis d'un groupe constituer autour de maman Clémentine TSHIKUNG qui
bénéficie des microcrédits auprès de FINCA. C'est
à partir de ce groupe que nous avons pu atteindre les autres hommes et
femmes qui ont déjà bénéficiés des
microcrédits. L'aide de ce groupe nous a donc été vraiment
précieuse.
8. Difficultés rencontrées
Au cours de la recherche et des enquêtes sur terrain,
nous avons été butés à beaucoup de
difficultés. Celles-ci ont été d'abord d'ordre
administratif : comme le note si bien Thierry LAMBERT qu'en raison du secret
administratif et de l'obligation de réserve auxquels sont tenus les
fonctionnaires, l'utilisation des documents administratifs n'est pas toujours
aisée(1). Ainsi, compte tenu du caractère
sécuritaire et discrétionnaire que revêt la question de
revenus et d'épargne, l'accès aux informations sur la
pauvreté et aux microcrédits n'a pas été facile.
Les documents administratifs auprès des institutions de microfinances et
des bénéficiaires eux-mêmes sont très confidentiels.
A cela s'ajoute la rareté des données statistiques sur la
microfinance en République démocratique du Congo.
Enfin, nous avions souhaité faire une étude plus
ou moins complète orientée vers les associations féminines
en vue de bien pénétrer la dimension du genre dans la lutte
contre la pauvreté et aussi celle de l'autonomisation de la femme
lushoise à travers les microcrédits mais cela n'a pas
été tout afin possible à cause du sentiment de
méfiance et de réserve qu'a affiché ces associations et
les institutions de microfinance au cours de nos enquetes. C'est ainsi que nous
avons ouvert notre enquête vers les hommes et des femmes qui ont
bénéficié au moins d'un microcrédit et
(1) LAMBERT, (T), Vérification fiscale
personnelle, Paris, Economica, 1984, p.4.
intégré leurs opinions sur le genre et la lutte
contre la pauvreté et aussi sur les microcrédits. Car la question
du genre ne peut pas être réduite seulement à la femme.
Nonobstant ces difficultés, nous avions usé de notre
expérience scientifique et de notre savoir faire pour recueillir les
informations nécessaires pour la réalisation de ce
mémoire.
9. Subdivision du mémoire
Tout travail scientifique se veut une subdivision en parties, en
chapitres et en sections, afin d'éclairer l'enchaînement logique
de la pensée ou de son contenu.
Le présent mémoire, outre l'introduction et la
conclusion générale, est subdivisé en cinq chapitres.
Le premier chapitre, porte sur les
généralités concepto- théoriques. Au cours de ce
chapitre, l'accent sera mis sur les généralités, sur les
concepts de base et connexes. Le deuxième chapitre dégage
l'importance socio-économique du microcrédit et ou de la
microfinance. Le troisième chapitre s'attèle à montrer les
manifestations de la pauvreté de la femme lushoise. Le quatrième
chapitre porte sur la politique de l'autonomisation de la femme en
République Démocratique du Congo et à Lubumbashi. Enfin,
le cinquième chapitre portera sur l'analyse des manifestations de
l'autonomisation de la femme lushoise à travers le microcrédit.
Ce dernier chapitre sera purement pratique, il comprend deux sections. La
première section présente le milieu d'investigation à
savoir la ville de Lubumbashi. La seconde section met l'accent sur la
présentation et l'interprétation des données
récoltées sur terrain au moyen de l'enquete sociologique, puis un
essai de théorisation a posteriori. Une conclusion
générale clôturera ce mémoire.
CHAPITRE I : GENERALITES CONCEPTO- THEORIQUES
1.1. Introduction
Citant Georges Gurvitch, le professeur BUSHABU PIEME KUETE
dans sa thèse sur la famille et urbanité à Lubumbashi note
que l'adéquation du langage scientifique au réel n'est pas une
question qui se situe en dehors de l'histoire, mais qui épouse une
évolution dialectique variant selon le milieu de culture(1).
C'est que les concepts, les mots que, nous scientifiques, utilisons doivent
être non seulement saisis dans leur évolution, mais aussi peuvent
avoir plusieurs significations suivant les milieux et suivant les cultures.
C'est ainsi qu'ils doivent être soigneusement interprétés
en tant qu'outils et produits sociaux.
Pour sa part, Gaspàr Fajth, Chef de l'Unité
d'analyse économique et de Politique Sociale à l'UNICEF dit que
la façon de définir un concept détermine comment nous
allons l'aborder ; le concept détermine l'action, la façon dont
un canon va projeter la balle en direction de sa cible. La conceptualisation
est essentielle à l'élaboration des politiques. Les concepts, en
effet, définissent la façon dont les données sont
compilées et/ou analysées, et posent les principes directeurs de
l'action et du débat sur la politique sociale, mais aussi de la
promotion, du contrôle et du suivi des politiques(2).
Voila pourquoi nous pensons qu'avant d'aborder cette
étude sur le genre et lutte contre la pauvreté, il est
nécessaire de commencer par restituer aux concepts principaux de notre
sujet leurs significations premières, donc par la définition des
concepts de base. Toutefois, comme pour beaucoup d'autres concepts
sociologiques qui sont encore loin de gagner l'unanimité des chercheurs
en sciences sociales, nous n'avons pas ici la prétention de croire que
celles que nous donnons rencontrent déjà la
(1) BUSHABU PIEMA KUETE, Famille et urbanité à
Lubumbashi, Thèse de doctorat en Sociologie, Lubumbashi, UNILU,
1994, p, 32.
(2) Gaspàr Fajth, La pauvreté des enfants en
perspective,
http://www.unicef-
cdc.org/publications/pdf/repcard1e.pdf
préoccupation de tous. Néanmoins elles nous
chemineront vers l'atteinte de nos objectifs de recherche tant sur le plan
conceptuel que sur le plan empirique.
1.2. L'approche conceptuelle et théorique du
genre
D'après le rapport de la Banque Mondiale sur les
politiques de développements Genre et développement
économique, le concept genre fait référence à des
manières d'être particulières, à des comportements
imposés par la société ainsi qu'à des attentes
spécifiques associées à chaque sexe. Les hommes et les
femmes sont différents sur le plan biologique. Les femmes peuvent donner
naissance à des enfants et les nourrir au sein, ce que les hommes ne
peuvent pas faire. Pris donc dans ce sens, le concept Genre prend une dimension
sociale qui établit dans une large mesure l'harmonisation, la
complémentarité, la chance, l'intégration, la
participation et la valorisation d'un individu dans la
société.
La notion du genre se réfère à
l'interprétation socioculturelle de l'identité masculine et
féminine. Elle recherche l'équilibre et l'harmonie des rapports
sociaux entre l'homme et la femme dans la société. Donc il ne
s'agit pas des différences biologiques, mais des différences
établies par la société. Les professions exercées
par les hommes et les femmes, la répartition des tâches
ménagères, les rôles assumés par les hommes et les
femmes, les comportements qu'on attend d'eux. Ceci dénote qu'il existe
entre les hommes et les femmes des différences de deux natures :
Biologique et Sociale.
Le sexe se réfère aux différences
biologiques qui sont universelles tandis que le genre fait
référence aux différences sociales qui sont acquises et
qui varient dans le temps et dans l'espace.
Les femmes sont certes seules à mettre au monde les
enfants, mais la biologie ne détermine pas qui élèvera les
enfants. De ce fait, la femme qui donne naissance aux enfants, est une
donnée biologique, mais que ce soit alors elle qui reste
à la maison pour soigner un enfant malade, garder la
maison, préparer la nourriture, faire la lessive, etc, est un
comportement imposé par la société.
Les activités de la femme qui contribuent dans une
large mesure au bon fonctionnement de la communauté sont la plupart
invisibles et ne sont guère valorisées, voire complètement
méconnues : le rôle des femmes dans l'éducation des enfants
; les soins prodigués aux enfants et aux vieux, l'approvisionnement en
eau, en énergie et en nourriture, leur participation à la vie
sociale et culturelle. Cette immense contribution n'est pas prise en compte
dans le calcul du produit national brut mais est considérée comme
un réservoir inépuisable, acquis une fois pour toutes.
Le but de l'approche genre est de contribuer au changement des
rapports de force entre l'homme et la femme. Pour cela, la femme doit
acquérir davantage de pouvoir au niveau tant économique que
social et politique, et tant comme individu que comme groupe afin d'avoir plus
de contrôle sur sa propre vie et sur la vie quotidienne de la
communauté et de la société. Le genre se rapporte à
un fait social et culturel susceptible de changement, influencés par
certains facteurs comme l'âge, les us et coutumes, la religion, le statut
économique, la classe, etc.
L'analyse de relation selon le genre dans une
société montre ainsi qu'il y a une différence dans les
besoins spécifiques de l'homme et de la femme et que la femme
représente un groupe discriminé et défavorisé par
rapport aux hommes. L'adoption de l'approche genre exprime la volonté de
concrétiser l'égalité entre l'homme et la femme.
L'intégration de cette approche permet d'évaluer les incidences,
à la faveur de la femme comme de l'homme, de toute action
envisagée, notamment la législation, les politiques ou les
programmes, et dans tous les secteurs et à tous les niveaux.
Il s'agit d'une stratégie visant à incorporer
les préoccupations et les expériences tant chez les femmes que
chez les hommes dans l'élaboration, la mise en oeuvre, la surveillance
et l'évaluation des politiques et des programmes dans tous les domaines
(politique, économique et social) de manière à ce que les
femmes et les
hommes bénéficient d'avantages égaux et
que l'inégalité ne puisse se perpétuer. L'objectif
visé est d'atteindre l'égalité entre les sexes, des
profits, des tâches et des responsabilités : les hommes et la
société dans son ensemble aussi.
Joan SCOTT dans « Genre: une catégorie utile
d'analyse historique » publié dans le premier cahier Genre et
développement, intitulé « Genre, un outil nécessaire,
introduction à une problématique » écrivait que ceux
qui se proposent de codifier les sens des mots luttent pour une cause perdue
car les mots, comme les idées et les choses, sont faits pour signifier,
ont une histoire. Ni les professeurs d'Oxford ni l'Académie
française n'ont été entièrement capables d'endiguer
le flot, de capter et fixer des sens dégagés du jeu de
l'invention et de l'imagination humaine.(1) Notre objectif, dans
cette section est loin de s'attarder sur la signification du concept genre mais
de chercher à découvrir l'étendue des rôles sexuels
et du symbolisme sexuel dans différentes sociétés et
périodes, de trouver quel était leur sens et comment ils
fonctionnaient pour maintenir l'ordre social et pour le changer. L'usage du
genre dans beaucoup de littératures scientifiques d'aujourd'hui implique
un éventail aussi bien de positions théoriques que de
références descriptives des rapports entre les sexes. Mais dans
leur majorité, les tentatives de théorisation du genre ne sont
pas sorties des cadres traditionnels des sciences sociales : elles utilisent
des formulations éprouvées qui proposent des explications
causales universelles. Ces théories eurent, dans le meilleur des cas, un
caractère limité parce qu'elles ont tendance à inclure des
généralisations réductrices ou trop simples ; celles-ci
minent non seulement la complexité du sens que propose l'histoire, comme
discipline, de la causalité sociale, mais aussi l'engagement
féministe dans l'élaboration des analyses qui mènent au
changement.
Les approches utilisées par la plupart des historiens
se divisent en deux catégories distinctes. La première est
essentiellement descriptive ; c'est-à-dire qu'elle se
réfère à l'existence des phénomènes ou des
réalités sans interpréter, expliquer ou
(1) Joan SCOTT, Genre: une catégorie utile
d?analyse historique in Genre, un outil nécessaire, introduction
à une problématique , Paris, L?Harmattan, 2000, p 41
attribuer une causalité. Le deuxième usage est
d'ordre causal ; il élabore des théories sur la nature des
phénomènes et des réalités, en cherchant à
comprendre comment et pourquoi ceux-ci prennent les formes qu'ils ont.
Dans son usage récent le plus simple, « Genre
» est synonyme de « femmes ». De livres et articles de toutes
sortes qui avaient comme sujet l'histoire des femmes ont, pendant les
dernières années, substituées dans leurs titres le terme
de « genre » à celui de « femmes ». Dans certains
cas, même si cet usage se réfère vaguement à
certains concepts, il vise en fait à faire reconnaître ce champ de
recherches. Dans ces circonstances, l'usage du terme de « genre »
vise à indiquer l'érudition et le sérieux d'un travail,
car le « genre » a une connotation plus objective et neutre que
« femmes ».
Le « genre » semble s'intégrer dans la
terminologie scientifique des Sciences Sociales et donc, se dissocier de la
politique prétendue tapageuse du féminisme. Dans cet usage, le
terme de « genre » n'implique pas nécessairement une prise de
position sur l'inégalité ou le pouvoir, pas plus qu'il ne
désigne la partie lésée et jusqu'à présent
invisible. Alors que le terme « histoire des femmes »
révèle sa position politique en affirmant que les femmes sont des
sujets historiques valables, le « genre » inclut les femmes, sans les
nommer, et paraît ainsi ne pas constituer de menace critique. Cet usage
de « genre » est un aspect de ce qu'on pourrait appeler la recherche
d'une légitimité institutionnelle par les études
féministes, dans les années 1980.
Mais ce n'est qu'un aspect. « Genre » en tant que
substitut pour « femmes » est également utilisé pour
suggérer que l'information au sujet des femmes est nécessairement
information sur les hommes, que l'un implique l'étude de l'autre. Cet
usage insiste sur le fait que le monde des femmes fait partie du monde des
hommes, qu'il est créé dans et par ce monde. Cet usage rejette la
validité interprétative de l'idée des sphères
séparées et soutient qu'étudier les femmes de
manière isolée perpétue le mythe qu'une sphère,
l'expérience d'un sexe, n'a que très peu ou rien à faire
avec l'autre sexe. De plus, le genre est également utilisé pour
désigner des rapports sociaux
entre les sexes. Son usage rejette explicitement des
explications biologiques, comme celles qui trouvent un dénominateur
commun, pour diverses formes de subordination, dans le fait que les femmes ont
des enfants et que les hommes ont une force musculaire supérieure. Le
genre devient plutôt une manière d'indiquer des «
constructions sociales » - la création entièrement sociale
des idées sur les rôles propres aux hommes et aux femmes. C'est
une manière de se référer aux origines exclusivement
sociales des identités subjectives des hommes et des femmes. Le genre
est selon cette définition une catégorie sociale imposée
sur un corps sexué. Avec la prolifération des études des
sexes et de la sexualité, le genre est devenu un mot
particulièrement utile, car il offre un moyen de distinguer la pratique
sexuelle des rôles sexuels assignés aux femmes et aux hommes. Bien
que les chercheurs reconnaissent le rapport entre le sexe et ce que les
sociologues de la famille ont appelé les « rôles sexuels
» ; ces chercheurs ne posent pas entre les deux un lien simple ou direct.
L'usage de « genre » met l'accent sur tout un système de
relations qui peut inclure le sexe, mais il n'est pas directement
déterminé par le sexe ni ne détermine directement la
sexualité. C'est dans ce sens que nous reconnaissons avec Jeanne
Bisililliat et Christine Verschuur que le « Genre » s'inscrit dans
une analyse des rapports sociaux et reconnait que les relations de pouvoir
entre les hommes et les femmes au sein des différentes instances de la
société sont responsable d'une distribution inégale des
ressources, des responsabilités et du pouvoir entre femme et
homme.(1)
Dans l'analyse des théories sur le genre, on se
retrouve moins embarrassé par la fixation exclusive sur des questions
relatives au sujet et par la tendance à réifier, comme la
dimension principale du genre, l'antagonisme subjectivement produit entre
hommes et femmes. Qui plus est si la manière dont le sujet est construit
reste ouverte, la théorie tend à universaliser les
catégories et le rapport entre féminin et masculin. En fait le
problème de l'antagonisme sexuel, qui tend à confondre le genre
à une lutte de classe plutôt que celui de la redéfinition
des rapports sociaux est souvent envisagé sur deux aspects essentiels :
- premièrement, le genre projette une certaine dimension
(1) Jeanne BISILLIAT et Christine VERSCHUUR, Le
Genre : un outil nécessaire, introduction à une
Problématique, Paris, L?Harmattan, 2000, p.9
éternelle, même quand elle est bien
historicisée, comme chez Sally Alexander, qui soutient que l'antagonisme
entre les sexes est un aspect inévitable de l'acquisition de
l'identité sexuelle~Si l'antagonisme est toujours latent, il est
possible que l'histoire ne puisse pas offrir une solution, mais seulement la
reformulation et réorganisation permanente de la symbolisation de la
différence, de la division sexuelle du travail.(1)
Quoi qu'il en soit, la formulation de Sally Alexander
contribue à fixer l'opposition binaire masculin-féminin comme le
seul rapport possible et comme un aspect permanent de la condition humaine.
Elle perpétue, plutôt qu'elle ne met en cause ce à quoi
Denise Riley se réfère comme à l'insupportable allure
d'éternité de la polarité sexuelle. Celle-ci indique que
le caractère historiquement construit de l'opposition (entre le masculin
et le féminin) produit comme un de ses effets cet air justement
invariable et monotone d'opposition hommes/femmes(2) . C'est
précisément cette opposition, dans tout son ennui et toute sa
monotonie, qui est mise en avant par le travail de Carol Gilligan. Il a
expliqué les différents modes de développement moral des
garçons et des filles, en termes de différences
d'expériences, de réalité vécue. Il n'est pas
surprenant que des historiens des femmes aient repris ses idées et les
aient utilisées pour expliquer les « voix différentes »
que leur travail leur avait permis d'entendre.(3)
Le problème que pose cet aspect de la théorie du
genre est le glissement qui s'opère souvent dans l'attribution de la
causalité : l'argumentation commence par une affirmation du type
l'expérience des femmes les amène à faire des choix moraux
qui dépendent des contextes et des relations pour arriver à dire
que les femmes pensent et choisissent ce chemin parce qu'elles sont femmes.
Cette façon de voir les choses s'inscrit en opposition flagrante avec la
conception plus complexe et historicisée du genre. Car en insistant
toujours sur des différences fixées l'on renforcerait le type de
pensée que nous combattons dans ce travail.
(1) Alexander, S, «Women, class and sexual difference,
p.135» in Cahiers Genre et développement, N°1, 2000, p.
53
(2) Denise Riley, cité dans Cahiers Genre et
développement, N°1, 2000, p.53
(3) Carol Gilligan, cité dans Cahiers Genre et
développement, N°1, 2000, P. 53
- Deuxièmement, le genre rejette l'idée du
caractère fixé et permanent de l'opposition binaire, d'une
historisation et d'une déconstruction authentiques des termes de la
différence sexuelle. Car nous devons devenir plus attentifs aux
distinctions entre notre vocabulaire d'analyse et le matériel que nous
voulons analyser. Nous devons trouver des moyens de soumettre sans cesse nos
catégories à la critique, nos analyses à l'autocritique.
Ce qui signifie qu'analyser dans son contexte la manière dont
opère toute opposition binaire, renversant et déplaçant sa
construction hiérarchique au lieu de l'accepter comme réelle,
comme allant de soi ou comme étant dans la nature des choses. L'histoire
de la pensée émancipatrice de la femme est une histoire du refus
de la construction hiérarchique entre masculin et féminin, ce qui
fut compris comme une tentative de renversement ou de déplacer ses
fonctions.
Les préoccupations théoriques du genre comme
catégorie d'analyse n'ont émergé qu'à la fin du
20e siècle. Elles sont absentes de la majeure partie des
théories sociales formulées depuis le 17e jusqu'au
début du 20e siècle. En fait, certaines de ces
théories ont bâti leur logique sur des analogies avec l'opposition
masculin/féminin, d'autres ont reconnu une question féminine,
d'autres encore se sont préoccupées de la formation de
l'identité sexuelle subjective, mais sans avoir pensé à
envisager le genre comme système de rapports sociaux. Le genre doit
faire partie d'une tentative entreprise par les féministes
contemporaines pour revendiquer un certain terrain de définition, pour
insister sur l'inaptitude des théories existantes à expliquer les
inégalités persistantes entre les femmes et les hommes. C'est
ainsi que le genre prend la forme d'une évolution, des modèles
scientifiques ou de débats théoriques comme le soulignent
l'anthropologue Clifford Geertz. Donc au lieu de chercher des origines uniques,
pour expliquer comment le changement a lieu dans le cadre des rapports sociaux,
nous devons par contre concevoir des processus tellement liés entre eux
qu'ils ne sauraient être séparés. Que nous choisissions des
problèmes concrets à étudier, et ces problèmes
constituent des débuts, ou des prises sur des processus complexes. Ce
sont les processus qu'il faut sans cesse avoir en tête. Il faut nous
demander plus souvent comment les choses se sont passées pour
découvrir pourquoi elles se sont passées ; selon la formulation
de Michelle Rosaldo, nous devons rechercher non pas
une causalité générale et universelle,
mais une explication significative : je vois maintenant que la place de la
femme dans la vie sociale humaine n'est pas directement le produit de ce
qu'elle fait, mais du sens qu'acquièrent ses activités à
travers l'interaction sociale concrète.(1) Pour faire surgir
le sens, nous avons besoin de traiter le sujet individuel aussi bien que
l'organisation sociale et d'articuler la nature de leur interrelation, car tous
deux ont une importance cruciale pour comprendre comment fonctionne le genre,
comment survient le changement. C'est dans ce cadre que s'inscrit l'analyse du
genre dans la lutte contre la pauvreté par l'autonomisation de la femme
katangaise à travers le microcrédit.
La théorisation du genre dans cet aspect de
l'autonomisation de la femme soulève les rapports de pouvoir. Ce serait
même mieux de dire que le genre est un champ au sein duquel ou par le
moyen duquel le pouvoir est articulé. Le genre n'est pas le seul champ,
mais semble avoir constitué un moyen persistant et récurrent de
rendre efficace la signification du pouvoir. Le sociologue français
Pierre Bourdieu a écrit sur la manière dont la division du monde,
fondée sur des références à des différences
biologiques, celles qui se référent à la division sexuelle
du travail, de la procréation et de la reproduction opère comme
la plus fondée des illusions collectives. Etablis comme un ensemble
objectif de références, les concepts de genre structurent la
perception et l'organisation concrète et symbolique de toute la vie
sociale.(2) Dans la mesure où ces références
établissent les distributions de pouvoir, contrôle ou
confère un accès différentiel aux ressources
matérielles et symboliques, le genre devient impliqué dans la
conception et la construction du pouvoir lui-même. L'anthropologue
français Maurice Godeber l'a formulé en ces termes : ce n'est pas
la sexualité qui fantasme dans la société mais
plutôt la société qui fantasme dans la sexualité, le
corps. Les différences entre les corps qui naissent de leur sexe, sont
constamment sollicitées de témoigner
(1) Michel Zimbalist Rosaldo, «The uses and abuses of
Anthropology: Reflections on Feminism and Cross Cultural Understanding »,
Signs, 5(Spring 1980), P400, Cité par Joan Scott, «Le Genre de
l?histoire» in Cahiers du GRIF, Paris, Printemps 1988, pp
125-153.
(2) Pierre Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Ed. De
Minuit, 1980, p.246-247
des rapports sociaux et de réalités qui n'ont rien
à voir avec la sexualité. Non seulement témoigner pour -
c'est-à-dire légitimer.(1)
La fonction de légitimation du genre fonctionne de
plusieurs manières, et dans toutes les sociétés. Bourdieu,
par exemple, a montré comment, dans certaines cultures, l'exploitation
agricole était organisée selon des concepts de temps et de saison
qui reposaient sur des définitions de l'opposition entre masculin et
féminin. Nathalie Davis a, pour sa part, montré comment des
concepts du masculin et du féminin étaient liés à
des perceptions et des critiques des règles de l'ordre social dans la
première période de la France moderne.(2) Nous
tâcherons de ne pas baser notre analyse sur les interprétations
fondées sur l'idée que les langages conceptuels emploient la
différenciation pour établir le sens ou sur le fait de croire que
la différenciation sexuelle est une façon principale de signifier
la différenciation, mais surtout d'envisager le genre comme un moyen de
décoder le sens et de comprendre les rapports complexes entre diverses
formes d'interaction humaine dans la lutte contre la pauvreté.
1.3. L'approche conceptuelle et théorique de la
pauvreté
La pauvreté se définit selon Larousse comme
l'état d'une personne ou d'une chose pauvre. Alors que le pauvre
désigne celui qui a peu de ressources, peu de biens, donc
dépourvu de biens, de ressources.
En effet, comme le souligne Gaspar Fajth, la pauvreté -
qui s'entend très souvent comme le manque grave de ressources - est un
concept chargé de connotations négatives. C'est une question que
bien des gouvernements, notamment les régimes autoritaires
indétrônables, tendent à éluder le plus possible et
n'ont guère envie d'évoquer et pourtant elle est un miroir, elle
nous renvoie l'image des sociétés telles qu'elles sont et non pas
telles qu'elles se prétendent être grace à des discours
(1) Maurice Godeber, « Les rapports hommes /femmes : le
problème de la domination masculine », in La Condition
Féminine, Paris, Ed. Sociales, 1978, P.17
(2) Nathalie Zemon Davis, «Women on top», in
Society in early modern France, Standford, Calif, 1975, p124-151,
cité dans Cahiers Genre et développement, N°1, 2000,
P. 59
idéologiques et politiques(1). Il cite pour
référence les anciens régimes communistes d'Europe
orientale qui bien ayant un revenu national modeste, considéraient la
pauvreté comme un sujet tabou et disaient officiellement qu'ils avaient
éradiqué au moyen d'une stratégie combinant plein emploi
et les services sociaux accessibles à tous.
L'analyse de la pauvreté est un bon moyen pour
apprécier l'ampleur de la crise que traverse l'économie mondiale.
Les approches de la pauvreté couvrent tout un éventail de
concepts, des droits de l'homme au droit à la charité et à
l'assistance sociale. Dans ces conditions, certaines de ces approches sont
accusées de faire plus de mal que de bien en ouvrant la porte à
des conceptions détournées du bien-être, ou en
renforçant l'exclusion sociale parce que ciblées sur un trop
étroit segment de la société et par conséquent ces
programmes d'aide deviennent comme des filets de sécurité
réservés aux individus se trouvant dans l'incapacité de
s'en sortir par leurs propres moyens. C'est ainsi que dans le cadre de cette
étude notre intérêt sera porté non seulement
à la définition ou encore moins sa mesure mais à
évaluer les projets et les politiques de lutte contre la
pauvreté.
La difficulté essentielle que l'on rencontre dans la
définition de la pauvreté provient du fait qu'elle
présente deux caractéristiques fondamentales difficiles à
formaliser : sa relativité dans l'espace et dans le temps ; son double
niveau de responsabilité (individuel ou social). Ce qui poussera
à parler de l'approche culturelle de la pauvreté afin de mieux
aborder le phénomène et pose tout l'enjeu de l'efficacité
des politiques de sa lutte.
Jean Jacques GOUGUET, maître de conférences en
Sciences économiques à l'Université de Limoges, soutient
que toutes les approches définitionnelles commencent très souvent
par une présentation des critères utilisés pour
définir et mesurer la pauvreté. La première tentative
consiste à effectuer des estimations
(1) Gaspar Fajth, Op. Cit,
http://www.unicef-
cdc.org/publications/pdf/repcard1e.pdf
monétaires de besoins jugés comme essentiels :
les seuils de pauvreté(1). Devant les insuffisances d'une
telle définition en termes de flux, des estimations en termes de stock
de capital humain ont été proposées. Nous montrerons le
réductionnisme de ces analyses traditionnelles pour appréhender
la pauvreté dans toute sa complexité, et nous présenterons
la nécessité d'une approche culturelle qui posera tout l'enjeu de
la gouvernance face à la pauvreté.
La définition de la pauvreté en termes de flux,
du minimum physiologique et minimum social. Tout homme quel qu'il soit et
où qu'il se trouve a besoin de manger et de boire pour vivre. C'est de
cette notion élémentaire de minimum physiologique que sont partis
les premiers chercheurs pour définir la pauvreté. On retenait
ainsi comme critère de pauvreté le revenu monétaire
correspondant à la satisfaction des besoins vitaux indispensables
à la survie (essentiellement la nourriture). Cette conception de la
pauvreté absolue étant néanmoins trop étroite, le
concept de minimum physiologique au sens strict s'est peu à peu
élargi pour inclure d'autres éléments que la seule
nourriture : logement, habillement~.ce qui posait de nouveaux problèmes,
pour savoir jusqu'où aller dans le nombre et le niveau de satisfaction
des nouveaux besoins.
En effet, le minimum physiologique avait eu la faveur des
premiers auteurs au début du 20ième siècle
(comme Booth et Rowntree cités par Gouguet(2)) car on pouvait
ainsi définir scientifiquement la pauvreté sur les bases de la
science nutritionnelle. Or, la pauvreté contemporaine ne pouvant plus se
limiter aux besoins vitaux, elle doit se définir par rapport aux normes
couramment admises dans une société donnée à un
moment donné. C'est ainsi que les chercheurs ont tenté de
définir la notion de minimum social par opposition à la notion de
minimum physiologique : quantité minimale de biens et services
considérée comme normale par la société et dont
devrait disposer n'importe lequel de ses membres. La difficulté est
toujours de déterminer ensuite le revenu correspondant nécessaire
pour couvrir ces besoins, ce que montre la très grande diversité
des montants proposés traduisant une ambiguïté :
(1) Jean Jacques GOUGUET, Réflexions
méthodologiques sur la connaissance de la pauvreté,
Thèse d?Etat- Université de Bordeaux 1, 1978. p.118
(2) Jean Jacques GOUGUET, Op. Cit, p 118
· Dans la conception des besoins minima qui varient selon
les instances qui calculent ces seuils,
· Dans le fait de savoir si les individus disposant d'un
tel montant d'argent peuvent effectivement satisfaire les besoins
précédents.
On peut s'interroger ainsi sur le seuil des 1$ ou 2$ par jour
utilisé par la Banque Mondiale ou le PNUD. Si cela donne une image de la
répartition géographique de la pauvreté la plus extreme et
de son ampleur globale, un tel seuil n'est guère opérationnel.
Les seuils fixes de pauvreté présentent
l'énorme inconvénient de ne pas refléter le
caractère essentiel de relativité de la pauvreté.
Voilà pourquoi des propositions ont été faites pour
définir la pauvreté selon une base relative et non plus absolue.
On prend par exemple (Union Européenne) un pourcentage (40% ou 50%) du
revenu moyen disponible dans un Etat comme critère du montant dont
devrait disposer tout individu pour s'intégrer normalement dans la
société.
On voit donc ici commencer à se dessiner tous les
débats qui auront lieu sur les inégalités de revenus. Le
problème est de déterminer la dose d'inégalité
qu'une société est prête à tolérer en son
sein : quel écart est considéré comme acceptable entre les
pauvres (ceux au bas de l'échelle des revenus) et les autres groupes
sociaux, ou, à l'inverse, quel écart maximum entre les plus
pauvres et les plus riches est tolérable pour correspondre à une
certaine idée de la justice sociale ?
Il faut bien reconnaître à l'heure actuelle que
l'ampleur des inégalités de richesse à l'intérieur
des pays du Sud ou entre le Nord et le Sud est indécente (PNUD. 1998).Ce
dernier rapport note par exemple que les trois personnes les plus riches du
monde ont une fortune supérieure au PIB total des 48 pays en
développement les plus pauvres de la planète ! Là encore,
des indicateurs plus ou moins sophistiqués et composites sont
utilisés pour dresser un état des lieux de la pauvreté
planétaire et pour faire comprendre que ces inégalités
sont structurelles. Néanmoins, pour comprendre l'origine même de
la pauvreté et agir efficacement, d'autres indicateurs sont
nécessaires. En effet, étudier la
pauvreté selon la seule référence monétaire revient
à se priver de l'explication de l'origine de ces flux qui est
déterminante dans l'élaboration d'une politique de lutte
efficace.
C'est dans ce cadre que s'inscrivent les études sur
l'égalité des chances des individus dans le processus de lutte
contre la pauvreté. Il s'agit donc de déterminer le stock de
capital humain (éducation, santé, qualification...) dont tout
individu a besoin pour s'intégrer dans la société. Comme
le souligne encore une fois J.J.GOUGUET, pour respecter la justice sociale, il
suffirait ensuite d'améliorer la dotation en capital humain des plus
démunis. C'est le sens profond du deuxième principe de la justice
de J.Rawls : une société est juste si elle permet
l'amélioration des aspirations de ceux qui sont au bas de
l'échelle sociale. Lutter contre la pauvreté revient ainsi
à promouvoir une politique d'égalité des chances, ce qui
implique la connaissance de la relation entre capital humain et pauvreté
: la pauvreté d'être ou de devenir pauvre dépend du fait de
posséder ou non certaines caractéristiques
sociodémographiques : sexe, age, localisation géographique,
éducation....La corrélation établie entre ces
caractéristiques et la pauvreté donne une mesure du risque de
pauvreté et permet d'établir des profils de
pauvres(1).
Ce genre de calcul peut être intéressant comme
première approche mais la première critique qui peut être
adressée à ce critère concerne le fait que les variables
retenues (santé, éducation..) avaient une dimension individuelle.
Cela présente l'avantage de personnaliser la pauvreté, de
descendre au niveau microéconomique mais, à l'inverse, cela a
l'inconvénient de masquer l'aspect macroéconomique de la
pauvreté. Si le risque de pauvreté évite de
considérer le pauvre comme véritablement responsable de sa
situation, on en reste quand même aux causes individuelles de
pauvreté, les facteurs extérieurs à l'individu sont
négligés. Il est donc nécessaire de remonter aux causes
macroéconomiques de la pauvreté : un individu peut être au
chômage et cela va entraîner pour lui un risque de pauvreté
mais le vrai problème est de savoir pourquoi il est au chômage, et
de même qu'il existe un chômage involontaire,
(1) J .J. GOUGUET, Réflexions
méthodologiques sur la connaissance de la pauvreté, Op. Cit.
, p.120
il y a aussi une pauvreté involontaire. Une telle
analyse macroéconomique se fera à travers l'étude des
poches de pauvreté.
Le concept Poches de pauvreté que développe
Jean-Jacques GOUGUET est né du constat que le risque de pauvreté
varie dans l'espace : les individus qui naissent et vivent dans certaines zones
ont un risque élevé de devenir pauvres. D'une certaine
façon, leur pauvreté devient involontaire. A partir de cette
constatation, on a pu définir les poches de pauvreté : ce sont
les zones où le niveau de vie est particulièrement bas, où
les possibilités d'emploi sont limitées, l'éducation
précaire, les logements insalubres~C'est un véritable risque de
pauvreté au niveau régional ou local.
Néanmoins, ce n'est pas la localisation
géographique en soi de la pauvreté qui est importante. Il s'agit
en fait d'analyser la relation entre certaines caractéristiques
concentrées géographiquement (emploi, santé,
éducation, logement...) et les caractéristiques personnelles
correspondantes. Bien sûr il faut dépasser ce seul constat de la
concentration géographique des pauvres en analysant la structure
économique de ces zones ainsi repérées. En
caractérisant les principales insuffisances en services de base
(santé, éducation, logement, emploi...), le concept de poche de
pauvreté acquiert une certaine opérationnalité.
Néanmoins, une question importante se pose : l'efficacité du
concept dépendra de la capacité à analyser la relation qui
existe entre chaque élément de la structure économique de
la zone et la pauvreté des individus qui y résident. Il faut
connaître les relations particulières emploi - pauvreté,
éducation - pauvreté~c'est-à-dire connaître les
différents risques de pauvreté et leur cumul.
Dans cette perspective, il se pose généralement
le problème de la hiérarchisation des objectifs à
l'intérieur d'une poche de pauvreté, c'est-à-dire de
savoir quel facteur vaut-il mieux privilégier :
· Une politique de création d'emploi peut
s'avérer inefficace si les individus ne sont pas formés,
· Une politique d'éducation et de formation
peut échouer si les débouchés n'existent pas.
Une telle analyse pose en fait la nécessité
d'une approche globale, intégrée et dynamique de la
pauvreté qui remet en cause les politiques sociales traditionnelles
pensées sectoriellement. C'est dans ce cadre que nous aborderons
l'autonomisation de la femme katangaise à travers le microcrédit
comme mécanisme de lutte contre la pauvreté.
On évitera donc de procéder par une conception
réductrice qui repose sur l'ignorance des populations
étudiées en tant qu'acteurs, au profit d'une approche qui
considère uniquement les pauvres comme objet d'étude. C'est dans
la culture de pauvreté qu'il s'agit de pénétrer si l'on
veut avoir quelque espoir de modifier les tendances actuelles de l'exclusion,
notamment de la femme. Comment sortir la femme lushoise, frappée des
préjugés idéologiques et culturels, de la misère,
de la pauvreté. Nous allons constater que la culture de pauvreté
remet ainsi en cause la plupart des politiques sociales contemporaines.
Dans le débat autour de la culture de pauvreté,
on note que le risque de pauvreté ne faisait que constater froidement
une certaine probabilité de devenir pauvre à un moment
donné. Or, on peut penser a priori que ce risque est d'autant plus fort
que l'on naît dans un milieu pauvre et qu'il y a transmission de la
pauvreté de génération en génération. C'est
ce qu'on a appelé la culture de pauvreté. Ce concept a
soulevé de nombreuses polémiques puisque l'on suppose que le
pauvre hérite de sa pauvreté et la transmet à ses propres
enfants. Il y aurait un cercle vicieux dont on ne pourrait sortir, ce qui a
heurté nombre de chercheurs et praticiens en sciences sociales. Nous
disons pour notre part que la prise en compte de la pauvreté selon ses
poches comme présentée par Jean Jacques GOUGUET est une
négation d'une réalité sociale, combien de gens sont
devenus riches à Lubumbashi parce que leurs parents étaient
riches ? Combien d'enfants des pauvres et issue des milieux très pauvres
et ayant étudiés dans les conditions les plus difficiles sont
devenus riches ? Peut on alors croire que tous les
grands directeurs de sociétés, tous les grands
commerçants de Lubumbashi ou d'ailleurs sont nécessairement les
enfants des riches ? Non, croire à une telle théorie c'est
vouloir plaquer des clichés à une société, c'est
penser que la société n'évolue pas, elle stagnante, donc
sans histoire.
C'est certainement Lewis (O) qui doit être
considéré comme l'inventeur du concept : « réaction
et adaptation des pauvres à leur situation marginale
»(1). Latouche (S) dirait plus simplement que la culture est
une réponse que les groupes humains apportent au problème de leur
existence sociale(2). Mais le point intéressant chez Lewis
est la tentative de généralisation qu'il a essayé de faire
en comparant les pauvres de pays différents pour aboutir à la
conclusion qu'ils se comportaient de la même façon, que l'on soit
dans un bidonville de Mexico ou un ghetto de New York. La culture de
pauvreté transcenderait les frontières pour caractériser
la nature profonde d'un système économique qui ne prévoit
rien pour les perdants dans la compétition. De façon
générale cette théorie a été fortement
contestée sur la base de deux éléments : son degré
d'intériorisation par les individus ; le fait de savoir si l'on acquiert
cette culture par héritage ou par basculement.
Pour le degré d'intériorisation, Il s'agit de
savoir avec quelle intensité certaines normes de conduite persisteraient
si certaines opportunités économiques se présentaient.
L'approche de l'exclusion par la culture de pauvreté revient à
essayer de découvrir :
· La rapidité avec laquelle les pauvres vont changer
leur conduite si on leur offre de nouvelles opportunités
économiques ;
· Le type d'opportunités qu'il faudrait
éventuellement proposer pour que les pauvres, compte tenu de leur
culture, puissent en profiter.
Dans le premier cas, on suppose que le degré
d'intériorisation de la culture de pauvreté n'est pas trop
élevé et qu'il existe des possibilités réelles
d'insertion sociale. Dans le second cas, on suppose que les valeurs des plus
pauvres ne sont pas modifiables à
(1) LEWIS (O), La vida, Paris, Gallimard, 1969, p.87
(2) LATOUCHE (S), La déraison de la raison
économique, Du délire d?efficacité au principe de
précaution, Paris, Albin Michel, 2001, cité par J.J GOUGUET,
L?éradication de la pauvreté : de la nécessité
d?une alternative, Op. Cit. Page 121
court terme. Il serait donc plus facile d'adapter des
opportunités économiques à cette culture, ce qui n'est pas
véritablement envisageable dans une société productiviste
où chaque facteur de production doit être rentable.
Pour l'héritage ou basculement, il n'est pas simple de
répondre à une telle question : pourquoi des individus
sortent-ils de la pauvreté alors que d'autres n'y arrivent pas ?
Voilà pourquoi la culture de pauvreté a soulevé de vives
controverses dans la mesure où la thèse de la transmission
intergénérationnelle de la pauvreté condamnait le pauvre
à être exclu à tout jamais de la société. A
l'inverse, les études en Europe sur les « nouveaux pauvres »
soutenaient la thèse du basculement : des individus bien
intégrés dans la société basculaient dans la
pauvreté à la suite d'un événement personnel
malheureux (perte d'emploi, divorce, mauvais placement des fonds...).
Il est difficile de trancher entre les deux thèses mais
nous mentionnons cependant les conclusions du rapport WRESINSKI qui rappelait
que la pauvreté ne frappait pas au hasard. Il apparaît clairement
que, quand on remonte dans la lignée familiale des plus pauvres, on
arrive à trouver des éléments de fragilisation sociale qui
permettent de douter de la thèse du basculement. Cela ne veut pas dire
que cette explication est dénuée de tout sens mais que, en
règle générale, les éléments constitutifs de
l'histoire des individus sont déterminants pour comprendre leur
trajectoire sociale(1). Il souligne également que les
politiques d'appui au secteur informel, dans les pays en voies de
développement, rencontrent les difficultés liées au non
respect des valeurs culturelles spécifiques, c'est-à-dire qu'il
est toujours hasardeux de vouloir faire le bonheur des gens malgré eux,
par rapport à des normes qui leur sont extérieures et
étrangères. N'est-ce pas là que s'inscrit l'ambition de
bon nombre d'organisations internationales de relire le phénomène
de la pauvreté au travers du concept de gouvernance pour montrer
l'inefficacité des politiques menées et la
nécessité de les repenser en tenant compte des multiples acteurs
concernés (institutions, ONG, ~et les pauvres eux - mêmes !). Cela
impliquerait en particulier l'invention de nouvelles formes
de négociation collective pour éviter d'imposer des
modèles inadaptés au contexte local. Nous y reviendrons.
1.4. Approche conceptuelle et théorique de la
lutte
La lutte signifie combat, affrontement entre deux personnes ou
deux groupes. C'est dans ce cadre qu'elle est souvent associée à
la théorie de la lutte des classes. Elle désigne également
un combat, un antagonisme.
La lutte des classes est une théorie qui explique les
enjeux et les tensions dans une société divisée en classes
sociales, chacune luttant pour sa situation sociale et économique. Ce
concept est apparu au XIXe siècle chez les historiens français de
la Restauration, François Guizot, l'initiateur, Augustin Thierry,
Adolphe Thiers et François-Auguste Mignet, auxquels Karl Marx l'a
emprunté. A ce sujet Karl Marx écrivait en 1852 : « Ce n'est
pas à moi que revient le mérite d'avoir découvert ni
l'existence des classes dans la société moderne, ni leur lutte
entre elles. Bien longtemps avant moi, des historiens bourgeois avaient
décrit l'évolution historique de cette lutte des classes, et des
économistes bourgeois en avaient analysé l'anatomie
économique »(1)
La lutte des classes est un concept majeur de la philosophie
politique marxiste, qui cherche à rendre compte des enjeux historiques
et des tensions économiques au sein d'une société
divisée en classes sociales antagonistes. Pour Karl Marx et Friedrich
Engels, qui ont assuré la diffusion internationale de cette notion, la
lutte des classes est un moteur des transformations des sociétés
et de l'histoire moderne. La classe dominante de la société
capitaliste est identifiée à la bourgeoisie (ou classe
capitaliste) ; elle domine ce qu'ils appellent le prolétariat. Cette
théorie a été adoptée par de nombreux courants
syndicalistes, socialistes, communistes, révolutionnaires ou
réformistes, aux XIXe siècle, XXe siècle et XXIe
siècle, et a fourni un cadre théorique aux luttes pour
l'amélioration des conditions de vie des travailleurs.
(1) KARL Marx, Sociologie critique, Paris,
Payot, 1852, p.85 (traduit par Maximilien Rubel et publier aux éditions
Payot et Rivages, Paris, 2008
Cette analyse, qui a acquis une autonomie vis-à-vis du
cadre marxiste, a été utilisée par de nombreux
sociologues, philosophes, et théoriciens politiques, notamment Jean
Jaurès, Rosa Luxemburg, Herbert Marcuse, Guy Debord, etc.
Le modèle de société organisée en
classes concurrentes, donc comparables, s'oppose à celui de
société polysegmentaire ou de société de castes
dans lesquelles des groupes différenciés occupent des fonctions
séparées et prédéfinies, à l'exemple des
activités militaires et religieuses. Des sociétés de
classes apparaissent sous l'Antiquité, à Rome entre autres, et
dans les sociétés urbaines modernes avec l'émergence de la
Bourgeoisie.
On trouve les notions de classes et de lutte des classes
employées dans des contextes historiques très variés:
· lutte entre les esclaves et les maîtres dans les
sociétés esclavagistes ou métèques et esclaves des
sociétés antiques,
· lutte entre plèbe et propriétaires
terriens, illustrée par les Gracques
· lutte entre le Tiers état et la noblesse à
la veille de la Révolution française,
· lutte entre les salariés et leurs employeurs dans
la société capitaliste moderne,
· séparation entre colons et indigènes dans
les colonies,
· dichotomie marquée entre pays du Nord et pays du
Sud,
· ségrégations raciales et/ou
socioculturelles dans les métropoles,
· lutte entre hommes et femmes dans les
sociétés patriarcales, où l'exploitation domestique est le
nerf de la hiérarchie sociale1, etc.
Cependant la notion de classe est essentiellement
économique, et l'appartenance à une classe n'est pas toujours
facile à déterminer par des critères légaux
objectifs. L'homogénéité d'une classe est assurée
par un fonctionnement de la société où les réseaux
sont indispensables et où les inégalités sont durables (on
naît dans une famille riche ou pauvre), ainsi que par des
mécanisme sociaux subtils,
1 Christine DELPHY, L?ennemi principal,
l?économie politique du Patriarcat, Tome 2, Penser du genre, Paris,
Ed. Syllepse, 2001, p.52
conscients ou inconscients (critique de l'idéologie), et
non par des contraintes légales explicites, comme l'étaient les
états de l'Ancien Régime.
La lutte des classes n'a pas toujours lieu entre la classe
dominante et la classe dominée, mais peut avoir lieu entre deux classes
dominantes pour asseoir leur suprématie sur les classes dominées.
C'est pourquoi Marx qualifie la Révolution française de
révolution bourgeoise, considérant que c'est le moment historique
où la bourgeoisie a évincé la noblesse et le clergé
pour asseoir son oppression sur les classes populaires. Cette analyse, qui
délégitime la bourgeoisie parvenue au pouvoir à la faveur
de ce coup de force, a été remplacée par la version la
plus courante aujourd'hui, celle d'une révolution démocratique
faite par le peuple pour le peuple.
Le concept de « lutte des classes » apparaît
chez François Guizot dans son cours d'histoire moderne sur l'Histoire
générale de la civilisation en Europe depuis la chute de l'empire
romain jusqu'à la Révolution française donné
à la Sorbonne en 1828, ouvrage dans lequel il explique que « Le
troisième grand résultat de l'affranchissement des communes,
c'est la lutte des classes, lutte qui remplit l'histoire moderne. L'Europe
moderne est née de la lutte des diverses classes de la
société(1). » Dans son esprit, la lutte des
classes est un phénomène qui tire son origine de la
conquête franque Ve siècle, opposant deux peuples ou, selon la
formulation du temps, deux races, c'est-à-dire un tiers état
d'origine gallo-romaine, assimilé à la bourgeoisie, et une
noblesse d'origine franque depuis le mouvement communal du XIIe siècle
jusqu'aux révolutions de 1789 et de 1830. On le retrouve chez la plupart
des historiens français de la Restauration, en particulier Augustin
Thierry, auteur notamment d'un Essai sur l'histoire de la formation et des
progrès du tiers état (1853), Adolphe Thiers et
FrançoisAuguste Mignet(2).
Les auteurs français de cette théorie
libérale de la lutte des classes sont inspirés par Jean-Baptiste
Say ou Antoine-Louis Destutt de Tracy. Cependant, cette
(1) GUIZOT (F), Cours d?histoire moderne : histoire
générale de la civilisation en Europe depuis la chute de
l?empire romaine jusqu?à la Révolution française,
Paris, Pichon et Didier, 1828, P. 29
(2) WALCH (J), Les Maîtres de l?histoire, 1515-
1850 : Augustin Thierry, Mignet, Guizot, Thiers ...,Slakine, 1986
théorie reprend des thèmes que l'on retrouve
dans des mouvements plus anciens comme celui de combat pour
l'égalité des Levellers anglais au XVIIe siècle ou dans
celui d'exploitation des écrits de Turgot et de Jeremy Bentham qui se
sont intéressés à la « recherche de rente ».
Dans la lignée de ces travaux, et des premiers théoriciens de la
lutte des classes, des penseurs comme Charles Comte ou Charles Dunoyer
présentèrent l'État comme le siège de la recherche
de rentes financées par l'impôt. Par conséquent, ils
distinguèrent deux grandes classes dans la société
industrielle : les producteurs de richesses qui acquittent l'impôt (tiers
état) et les consommateurs d'impôts (la noblesse)(1).
Leurs intérêts de classe sont clairement antagonistes, puisque les
premiers désirent être moins taxés alors que les seconds
sont en faveur d'une augmentation de l'imposition.
Le marxisme a développé une théorie
complexe à propos de la lutte des classes et de son évolution
historique, à laquelle le Manifeste du Parti communiste fournit une
introduction. Cette théorie a connu un engouement majeur pendant le XXe
siècle et a influencé le destin d'un grand nombre de pays.
S'inspirant de nombreux auteurs philosophes,
économistes ou historiens, Marx et Engels mettent en relation
différents concepts afin de comprendre au mieux la société
et ses structures. Le concept de lutte des classes des libéraux,
associé à une critique de certains aspects de la pensée de
Hegel ainsi qu'à une conception matérialiste de l'histoire
constituent des éléments contribuant à expliquer les
mouvements historiques. Le marxisme envisage que la classe exploitée (le
prolétariat) s'émancipera en renversant la domination de la
classe exploiteuse (la bourgeoisie) pour atteindre l'égalité (la
société sans classe).
Selon la perspective marxiste, l'histoire de la
société jusqu'à nos jours reflète la division de la
société en classes sociales (« homme libre et esclave,
patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et
compagnon, en un mot oppresseurs et opprimés ») qui s'opposent dans
une lutte ininterrompue, tantôt déclarée, tantôt
larvée,
(1) COMTE (Charles), De l?organisation sociale, vol
2, Paris, CNRS, 1977, p 13
pacifique ou non. La société capitaliste
moderne, en renversant les divisions en ordres de la société
féodale n'a pas aboli les antagonismes de classe, mais les a
remplacés par des nouveaux. Elle les a également
simplifiés, et de nos jours, la « société se divise
de plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classes
diamétralement opposées : la bourgeoisie et le prolétariat
».
Marx distingue toujours au moins deux classes fondamentales :
· les capitalistes ou bourgeois, classe dominante qui
possède le capital et dispose ainsi des moyens de faire travailler
autrui à son profit en pesant sur le cours d'achat de la force de
travail ;
· le prolétariat, regroupant les personnes qui
n'ont pas de capital et sont contraintes de vendre leur force de travail pour
subsister. Il s'agit de la classe salariée.
Outre qu'il distingue parfois des sous-classes (opposant par
exemple la bourgeoisie industrielle et financière...) à ces deux
classes fondamentales s'ajoute une classe intermédiaire, comme flottante
au niveau de ses intentions d'émancipation :
· la petite bourgeoisie, regroupant les personnes qui
possèdent leurs propres moyens de subsistance (petits
commerçants, professions libérales, etc.), ce qui leur
confère une autonomie précaire par rapport aux capitalistes. Ils
n'ont pas besoin de se salarier mais ne sont pas eux-mêmes patrons, et
doivent travailler pour vivre.
Toutefois, selon lui, seule la bourgeoisie et le
prolétariat peuvent avoir une politique réellement
indépendante, les diverses couches de la petite bourgeoisie étant
soit attirée par le prolétariat, au point d'y confondre parfois
ses intérêts, soit au contraire respectant et enviant les grands
capitalistes, confondant ainsi sa vision politique avec celle du grand
patronat.
Cette lutte embrasserait tous les domaines de la vie sociale,
économique, politique et idéologique et serait un moteur à
l'évolution sociale, et donc de l'histoire. Le capitalisme exercerait
une pression pour diminuer la part de la production destinée aux
prolétaires, conduisant à accroître
l'exploitation des travailleurs et leur paupérisation, et augmentant le
capital, masse de richesses qui sont consommées dans la lutte (ou
concurrence) qui oppose les capitalistes entre eux. Le mouvement ouvrier
(notamment la lutte syndicale), force opposée, tend à augmenter
la part des richesses recueillies par la classe laborieuse, tout en
établissant leurs revendications dans le strict cadre du salaire. Les
acquis sociaux représentent la part que le capital alloue au
prolétariat pour préserver la stabilité de la paix de la
société (qui lui est toujours favorable), souvent après
des bouleversements majeurs tels que la grève générale
spontanée de 1936. La petite bourgeoisie serait, de son
côté, condamnée à régresser (à se
prolétariser) en raison de son incapacité à soutenir la
concurrence avec les capitalistes.
Pour les marxistes, à l'exception notable des
maoïstes, la lutte des classes donne un sens à l'histoire et
explique la dynamique qui mue les sociétés, « L'histoire de
toute société jusqu'à nos jours n'a été que
l'histoire de luttes de classes » (Karl Marx). Elle s'arrêtera
lorsqu'une révolution prolétarienne mondiale conduira à
une société où, après un temps où la classe
dominante serait également la classe laborieuse (« dictature du
prolétariat »), les différences de classes seront
définitivement abolies, conduisant ainsi à une «
société sans classe » et donc à
l'Égalité. Selon cette perspective, si l'organisation sociale
elle-même encourage la cohésion du prolétariat, alors les
richesses produites pourront être employées de manière
optimale pour améliorer le sort de l'humanité ; la production
pourra répondre exclusivement à une demande (et non à un
besoin de conquérir des marchés), et le pouvoir politique ne sera
plus un instrument au service des capitalistes mais l'expression
véritable d'une démocratie. La révolution communiste
permettrait donc de faire cesser la division de la société en
classes.
Pour atteindre cet objectif, les marxistes considèrent
que le prolétariat doit acquérir une conscience de classe
(c'est-à-dire doit prendre conscience de ce qu'il est, tel que le
conçoit la théorie marxiste, dans le cadre général
de la société), et prendre confiance dans sa capacité
à organiser la société de manière solidaire, sans
plus se soumettre à la classe capitaliste. Cela se serait produit
à plusieurs reprises au cours de l'histoire, notamment pendant la
Commune de Paris (1871) et la révolution russe en
1917 (même si, sur ce dernier événement,
les avis sont très divisés entre les différents courants
marxistes).
Aujourd'hui, la lutte des classes se manifeste formellement
par les mouvements sociaux comme les grèves ou les manifestations. Les
principaux motifs des grèves sont : pour exiger du patronat des
augmentations de salaires ; pour empêcher des licenciements ; contre les
conditions pénibles de travail.
Au cours du XXe siècle, ont été mis en
place de nombreux mécanismes ou organismes paritaires , reposant sur la
dichotomie employeurs/employés. Il s'agit, au niveau de l'entreprise du
comité d'entreprise, ou au niveau national d'organismes de formation
professionnelle, de convention collective, du conseil de prud'hommes, etc. Ces
mécanismes offrent un cadre légal et institutionnel aux relations
entre classes. Ils peuvent donc rentrer dans le cadre de la collaboration entre
classes.
Pour Raymond Aron, le fait décisif de
l'évolution sociale est l'élévation du revenu global, qui
diminue la rivalité des classes en intensité et en violence de
sorte que la lutte des classes laisse la place à la « satisfaction
querelleuse(1) ». Aron a indiqué que cette
évolution historique démentait des prédictions de Marx
même si elle pouvait s'expliquer par son système. En effet, pour
Karl Marx, les lois de la production capitaliste conduisent à la
paupérisation des masses, rendant crédible la perspective d'une
révolution. Partant du constat de l'élévation du niveau de
vie, Aron dégage les tendances de la lutte pour la répartition du
revenu national qui sont la réduction de la passivité,
l'intensification des revendications et l'affaiblissement des mouvements
révolutionnaires et de la propension à utiliser la violence.
Cependant, pour le trotskyste Ernest Mandel, « la théorie de la
paupérisation absolue du prolétariat ne se trouve pas dans
l'oeuvre de Marx » mais lui a été attribuée par ses
adversaires politiques. Il estime que cette idée, formulée par
Malthus, correspond à la loi d'airain de Lassalle, qui a
été
(1) RAYMOND Aron, La lutte de classes, nouvelles
leçons sur les sociétés industrielles, Paris,
Gallimard, 1967, p.214 et 226
combattue par Marx. Marx préfère parler de
paupérisation relative. Marx défend par ailleurs l'idée
que:
· les progrès du capitalisme, de la grande
industrie et du grand commerce transforment en prolétaires une partie
des membres d'autres classes (paysans, artisans, petits commerçants) et
les privant parfois de toute ressource
· une partie du prolétariat est
éjectée du processus de production et subit une
paupérisation absolue (chômeurs, vieillards, mutilés,
invalides, etc.) et constituant l'armée industrielle de
réserve.
Par ailleurs, les crises économiques peuvent appauvrir
pour un temps la société entière: « dans ces crises,
une grande partie, non seulement des produits déjà
créés, mais encore des forces productives existantes est
livrée à la destruction. Une épidémie sociale
éclate, qui, dans toute autre époque, eut semblé absurde :
l'épidémie de la surproduction. Brusquement, la
société se voit rejetée un état de barbarie
momentanée : on dirait qu'une famine, une guerre de destruction
universelle qui ont coupé les vivres ; l'industrie, le commerce semblent
anéantis »(1).
De tout ce qui précède, d'aucuns se demandent si
cette étude sur le genre et la lutte contre la pauvreté soutend
l'idée de lutte de classes ou tout simplement d'une lutte pour la vie
qu'attend mener ou que mènent les femmes lushoises à travers les
microcrédits.
Nous pouvons dire avec SYLVIA PANKHUST que pour les marxistes
la racine de toutes les formes d'oppression justifie la division de la
société en classes. Et pour de nombreux féministes,
l'oppression des femmes s'enracinerait dans la nature des hommes. Ce serait un
phénomène, non pas social, mais biologique. C'est là une
conception du genre humain complètement statique, non scientifique et
non dialectique(2). Cette vision anhistorique de la condition
humaine tient à des conditions profondément pessimistes :
supériorité de l'homme par rapport à la femme,
l'oppression
(1) Lire Le manifeste du parti communiste
(2) Sylvia Pankhurst, Cité par Alan Woods, « La
lutte des classes et l?émancipation des femmes », in La
Riposte du 19 juillet 2001.
de l'homme sur la femme, etc. Donc l'idée d'oppression,
de discrimination ou d'exclusion de la femme par l'homme renvoie à celle
de conflit entre l'homme et la femme.
Tout en reconnaissant que l'histoire monte, que la question
des classes est déterminante et qu'il y a toujours eu une lutte intense
dans le processus révolutionnaire où certains ont utilisé
la question de l'oppression des femmes pour promouvoir leur propres objectifs
égoïstes et aussi qu'à chaque étape cette
différence de classe s'est manifestée de façon très
nette, exemple au 17e siècle lorsque les femmes
commencèrent à défendre des revendications pour leur
émancipation sociale et politique, la révolution anglaise a vu
une large implication des femmes dans la lutte contre la monarchie, pour la
démocratie et l'égalité des droits (voir la
pétition des femmes de Londres en 1649 dans NOT IN GOD'S
IMAGE de J. O FOALAIN et L. MARTINES,
ou encore dans la révolution française, lire George
RUDE, la femme dans la révolution française) ; les femmes pauvres
ne concevaient pas la lutte comme une lutte des femmes contre les hommes, mais
plutôt comme une lutte de toute la classe des pauvres, des
exploités contre les riches oppresseurs. C'est dans ce cadre que nous
adoptons le concept Genre, « Gender » .
Dans le processus de lutte contre la pauvreté, les
hommes et les femmes doivent collaborer pour leur propre transformation et pour
la transformation de la société, car pour parvenir à une
véritable autonomisation, la femme lushoise en particulier et congolaise
en général doit renoncer à la lutte pour le renversement
des préjugés sociaux qui tendent à réduire ses
actions à la lutte contre les hommes. Ces cicatrices psychologiques de
la barbarie de classe, de l'égoïsme calculateur et de la
cupidité masculine ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Dans
la lutte contre la pauvreté, le genre doit nous amener à la lutte
pour l'amélioration des rapports sociaux nouveaux, libres et
véritablement humains. Nous y reviendrons.
1.5. La modélisation: genre et lutte contre la
pauvreté
Afin de mieux cerner l'incidence du concept de genre sur
l'efficacité de la lutte contre la pauvreté, il nous semble
utile, dans un premier temps, de rappeler brièvement les
évolutions des concepts concernant la pauvreté et la
manière dont l'on considère la femme dans la lutte contre la
pauvreté.
Pendant de très nombreuses années, à
l'instar des institutions de Bretton Woods, l'approche de la pauvreté
est surtout restée monétaire et se basait essentiellement sur le
critère du revenu : était pauvre celui qui avait un revenu
inférieur à un dollar américain par jour (en valeur de
1985). Si cette approximation peut avoir une certaine utilité, notamment
pour des comparaisons internationales, elle s'avérait toutefois trop
réductrice pour capter les multiples dimensions de la
réalité des vies des êtres humains concernés.
Avec le Rapport Mondial sur le Développement Humain du
PNUD en 1990, le concept de développement humain a eu très
rapidement des répercussions sur l'approche de la pauvreté.
Celle-ci se caractérise non plus uniquement par le faible niveau de
revenu ou de consommation, mais également par un faible niveau
d'instruction, par une santé précaire et un vieillissement
précoce. L'édition de 1997 de ce rapport introduit en outre le
concept de "pauvreté humaine", tout en soulignant que l'indicateur
élaboré à cette occasion(1) ne saisit pas la
totalité des aspects de ce concept. La pauvreté y est alors
désormais considérée comme "la négation des
opportunités et des possibilités de choix les plus essentielles
au développement humain - longévité, santé,
créativité, mais aussi conditions de vie décentes,
dignité, respect de soi-même et des autres, accès à
tout ce qui donne sa valeur à la vie" (PNUD, 1998).
L'économiste Armatya SEN est l'un des penseurs qui a le
plus fortement influencé cette évolution du concept. Selon lui,
la pauvreté est avant tout une privation des capacités
élémentaires même si "cette définition ne vise en
aucune manière à nier
(1) L'IPH ou Indicateur de Pauvreté Humaine.
l'évidence : un revenu faible constitue bien une des
causes essentielles de la pauvreté, pour la raison, au moins, que
l'absence de ressources est la principale source de privation des
capacités d'un individu" (SEN, 2000). Ce théoricien de la
pauvreté a également développé le concept de
capital social qu'il envisage comme un phénomène
inhérent aux interactions sociales, c'est-à-dire à la
structure des relations entre les personnes, qu'il s'agisse de relations
intragroupes, intergroupes ou environnementales. Le capital social d'un agent
(de l'individu à l'Etat) apparaît ainsi comme une ressource
sociale dont la faiblesse est l'une des caractéristiques de la
pauvreté. Il est issu des interactions culturelles et/ou structurelles,
avec d'autres agents capables de générer des externalités
durables qui changent leur situation économique. On retrouve ici le
principe des économies d'échelle, qui induit des diminutions des
coüts individuels et donc un gain d'efficience.
L'autre évolution remarquable du concept de
pauvreté a été le passage vers une vision plus dynamique
du phénomène. Un tel élargissement peut être
illustré à travers l'exemple de la pauvreté
monétaire. Les ménages ou les individus considérés
comme "pauvres" ne se situent désormais plus simplement à un
niveau stable, en dessous du seuil de la pauvreté, et la lutte contre la
pauvreté ne peut plus se réduire à l'idée de
rehausser ce niveau au-dessus de ce seuil. Des analyses plus fines ont en effet
démontré que le revenu est sujet à des fluctuations
importantes et que la pauvreté se traduit aussi par une
incapacité de maintenir un niveau de bien-être
spécifié. C'est en effet l'absence de stabilité qui
caractérise ces situations de pauvreté et qui rend les individus
ou les ménages très vulnérables.
Cette complexité du concept de pauvreté a
récemment été confirmée par une large enquête
menée par la Banque Mondiale et destinée à montrer la
pauvreté telle que la ressentent les plus démunis. Les
statistiques obtenues expriment ainsi des facettes multiples de la
pauvreté ayant surtout trait à des formes d'impuissance et de
mal-être. Un des aspects évoqués par les
femmes concerne par exemple les relations conflictuelles et inégales
avec l'autre sexe(1).
De 1975 à 1985, la "Décennie de la Femme" a eu
le mérite de focaliser l'attention de l'ensemble des pays sur la
condition féminine. En témoigne la forte augmentation du nombre
d'analyses, d'études et de publications sur les femmes du tiers monde,
concernant notamment la division sexuelle du travail et l'impact des projets de
développement sur les femmes. Les résultats de ces études
et leurs répercussions ont alors sorti les femmes des "niches sociales"
du développement en leur reconnaissant un rôle productif.
Cette période a ainsi vu naître l'approche
Intégration des Femmes dans le Développement (IFD) qui tentait
d'intégrer les femmes dans le processus de développement
existant, afin de le rendre plus efficient et efficace. A travers des projets
pour femmes, ou des projets intégrants des volets "femmes", cette
approche visait à accroître la productivité et le revenu
des femmes. On essayait donc de surmonter la pauvreté en agissant sur la
faiblesse des ressources et des compétences, sans pour autant s'adresser
aux causes de cette faiblesse. Cette approche a été remise en
question progressivement, principalement pour deux raisons : en premier lieu,
parce que les tentatives de considérer les femmes d'une manière
isolée se sont avérées finalement peu
opérationnelles, en deuxième lieu, parce que ce type d'approche
n'a pas pu surmonter le fait que le modèle de développement ne
reconnaissait pas aux femmes de place égale avec les hommes.
L'approche "genre" qui succède à l'approche IFD
vers les années 1990, tente de pallier cette dernière lacune.
Elle met ainsi l'accent sur les relations inégales de pouvoir comme
facteur majeur conditionnant la situation des femmes. Le terme "genre" fait ici
désormais référence à la construction sociale des
rôles féminins ou masculins qui ne sont donc pas seulement
définis par le caractère biologique du sexe mais comme le
résultat des conditions de production et de reproduction propres
à chaque société et en
(1) NARAYAN, D, « Silence et impuissance : le lot
des pauvres », in Finances et Développement, FMI,
Washington, vol. 37, n° 4, 2000
constante évolution. "Les genres ont une base
culturelle ; ils sont définis par la société qui en
détermine les activités, les statuts, les caractéristiques
psychologiques, culturelles et démographiques, dont le point de
départ est la différence sexuelle, mais qui ne peuvent pas se
résumer ou se justifier par cette seule différence
sexuelle"(1).
De plus en plus fréquemment, les chercheurs
intègrent cet aspect genre dans l'analyse de la
pauvreté(2). Le cadre d'analyse se complexifie et construit
une vision plus large des causes. A titre d'exemple, on peut citer la
distinction entre intérêts pratiques et intérêts
stratégiques des femmes(3). Alors que les
intérêts pratiques concernent surtout la satisfaction des besoins
fondamentaux et l'accès à une source de revenu stable, les
intérêts stratégiques remettent en question la position de
la femme dans la société. En effet, des analyses selon le genre
montrent que des aspects tels que le contrôle masculin de la force de
travail des femmes ou encore leur accès limité au pouvoir
politique et à des ressources à forte valeur sociale et
économique sont à l'origine de leur accès limité
à une source de revenu. Ces résultats ont de toute
évidence des répercussions sur les politiques de lutte contre la
pauvreté. D'un point de vue opérationnel, il s'agit d'identifier
en même temps les besoins pratiques et les intérêts
stratégiques des femmes afin qu'elles puissent sortir durablement de
leur condition de pauvreté.
Les enjeux stratégiques se retrouvent ainsi dans le
concept d'autonomisation de la femme que certains auteurs comme
JACQUET(4) désignent par l'empowerment. L'autonomisation
correspond à l'acquisition d'un droit à la parole et à la
reconnaissance sociale. Ce concept fait ainsi référence à
la nature des structures décisionnelles dans des contextes particuliers
: qui prend les décisions ? Par quels processus sont-elles prises ?
Comment ce processus peut-il être modifié ? Le terme
(1) HOFMANN, E et cie, L?approche genre dans la lutte contre
la pauvreté ; l?exemple de la microfinance , Paris, Presses
Universitaires de Bordeaux III, 2003, P .4
(2) LACHAUD, J.P, Pauvreté, ménages et genre en
Afrique subsaharienne, CED, Série de recherche 3, Université
Montesquieu, Bordeaux IV, 1999, p.56
(3) HOFMANN, Op. Cit, P.4
(4) JACQUET, I, Développement au masculin,
féminin -- le genre, outil d?un nouveau concept, Paris, L?Harmattan,
1995, p.75
autonomisation ou empowerment décrit donc un processus
vers l'égalité entre les hommes et les femmes.
Les acteurs de la mondialisation, notamment la Banque Mondiale
et les organismes liés à l'ONU, font de plus en plus
référence au concept de genre. Ils insistent sur la contribution
nécessaire des programmes de développement à
l'autonomisation des femmes, comme le prouve le dernier rapport de
l'UNIFEM(1). Plus précisément, l'intégration
des rapports de genre dans des programmes ou projets de développement
signifie que ces derniers visent une modification des rapports de genre en
faveur des femmes ; en d'autres termes, ils ont l'objectif de contribuer
à l'autonomisation de celles-ci, par l'amélioration du bien
être : accès plus large à la microfinance permet aux femmes
d'augmenter le bien être de leur foyer et par cela d'améliorer
leur statut au sein du ménage et de la communauté. Ceci leur
donne une plus grande confiance en elles, une part plus grande dans les
dépenses de consommation, on suppose que l'autonomisation des femmes et
la réduction de la pauvreté se renforcent mutuellement et de
façon inévitable.
Ce n'est pas un hasard si l'évolution des approches par
rapport aux femmes dans le contexte du développement s'est produite
parallèlement à l'évolution du concept de la
pauvreté. SEN a en effet fortement insisté sur l'importance de la
fonction d'agent ("agency") des femmes, en ces termes : "Elles ne sont plus les
destinataires passives d'une réforme affectant leur statut, mais les
actrices du changement, les initiatrices dynamiques de transformations
sociales, visant à modifier l'existence des hommes aussi bien que la
leur"(2). DUBOIS applique son cadre d'analyse de la pauvreté
à dimensions multiples pour vérifier si les politiques de lutte
contre la pauvreté prennent en compte les "inégalités
sexuées"(3). Quant aux diverses formes d'impuissance qui
caractérisent la pauvreté, il est évident qu'elles ne
concernent pas uniquement les conditions de vie des femmes pauvres. Or, en plus
des discriminations ou des
(1) UNIFEM, The progress of women, empowerment and
economic, 2000
(2) SEN, A, Un nouveau modèle économique :
développement, justice, liberté, Paris, Ed. Odile Jacob,
2000, p.87
(3) DUBOIS, J-L ; Comment les politiques de lutte contre la
pauvreté peuvent-elles prendre en compte les inégalités
sexuées ? In Rapports de genre et questions de population, dossiers
et recherches, n°85, INED, Paris, 2000
conditions défavorables qui touchent également les
hommes (dues à l'ethnie, l'age, la classe, la caste, etc.), les femmes
pâtissent des relations inégales avec les hommes.
Le concept autonomisation, associé à cette
étude, ne prétend pas pour autant que les femmes forment un
groupe homogène face aux rapports de genre. Les différences
restent énormes entre la condition de femmes de différentes
classes à l'intérieur d'une seule société, aussi
bien qu'entre femmes de différentes cultures. Il s'agit plutôt
d'analyser dans chaque contexte culturel ce que l'autonomisation peut signifier
pour un groupe donné. Ceci est crucial dans le domaine de la lutte
contre la pauvreté : l'augmentation durable des revenus
contrôlés par les femmes peut représenter un indicateur
d'autonomisation (parmi d'autres), si elle est la manifestation visible d'une
série de changements plus fondamentaux et structurels. Ces derniers se
trouvent aux niveaux de l'accès et du contrôle des ressources
ainsi que du partage des responsabilités et ils se situent au coeur des
rapports de genre.
1.6. Conclusion partielle
Fixées comme objectif du millénaire pour le
développement, la réduction de la pauvreté et
l'égalité entre les genres acquièrent depuis plus d'un
demi-quart de siècle une place de choix dans les débats
politiques et scientifiques. La définition de la pauvreté a au
fil de cette évolution changée : autrefois assimilée
à la seule pauvreté de revenus, elle est maintenant conçue
d'une manière multidimensionnelle. Aujourd'hui, la pauvreté est
envisagée dans ses dimensions humaines aussi bien que dans ses causes
structurelles. De même, la conception du genre a également
évolué, mais de manière plus lente et plus inégale.
L'inégalité homme-femme est maintenue et légitimée
par des clichées sur la différence et l'inégalité
qui ne font qu'exprimer des convictions et des valeurs plus
générales et plus profondes entourant la nature de la
masculinité et de la féminité. En circonscrivant le permis
et l'interdit, ces convictions et ces valeurs généralisées
ont fini par déterminer le comportement humain et dans la sphère
économique influencer la répartition du travail productif et
reproductif entre les sexes.
Le concept de genre s'intéresse aux rapports sociaux
entre les sexes, à leurs interactions, et met en évidence la
construction sociale des rôles féminins et masculins ainsi que la
hiérarchie qui marque cette forme de relations. Les
inégalités dont sont victimes les femmes ne sont pas immuables,
elles peuvent être modifiées. Car ce ne sont pas les
différences biologiques qui justifient les inégalités
entre les hommes et les femmes mais bien la manière dont chaque
société définit leurs rôles sociaux respectifs.
D'où le genre doit être considéré comme un principe
organisateur majeur de la répartition du travail, de la
propriété et des autres ressources que la société
valorise.
C'est dans cadre que nous nous proposons, dans ce travail, de
voir si les femmes des ménages pauvres de Lubumbashi jouent un
rôle crucial dans les activités génératrices de
revenus et de réduction de la pauvreté. En d'autres termes, il
s'agit de dégager le lien entre la pauvreté des ménages et
l'activité rémunérée des femmes à la suite
des crises économiques et des facteurs qui poussent celles-ci sur le
marché du travail afin de lutter contre la pauvreté à
travers l'amélioration d'accès aux possibilités
économiques.
CHAPITRE II : L'IMPORTANCE SOCIO-ECONOMIQUE DU
MICROCREDIT
2.1. Introduction
Depuis maintenant trois décennies, le microcrédit
connaît un
développement important au regard du nombre de
personnes touchées par la microfinance qui est passé de 7,5
millions en 1997 à 113 millions en 2005, sous l'influence de
l'année 2005 décrétée l'année du
microcrédit.(1) Mais si l'engouement pour le
microcrédit occupe aujourd'hui l'avant scène dans la lutte contre
la pauvreté et comme instrument de développement majeur, il reste
cependant à savoir si cet instrument n'a pas d'effets pervers.
Ainsi pour mieux cerner l'incidence du microcrédit sur
la vie socioéconomique de la population bénéficiaire et
surtout sur son efficacité dans la lutte contre la pauvreté, nous
avons jugé utile de fixer et rappeler dans un premier temps
l'évolution de ce concept en matière de la lutte contre la
pauvreté et de la prise en compte des inégalités entre les
hommes et les femmes.
L'objectif de ce chapitre est donc d'apporter quelques
éléments de réponse aux questions de savoir si le
microcrédit a réellement un impact sur la lutte contre la
pauvreté, sur les femmes pauvres et si l'efficacité de ce
programme de réduction de la pauvreté se trouve augmentée
par l'intégration de considérations liées aux genres.
2.2. Définition de la microfinance et du
microcrédit
Selon Marc Labie (1999), on appelle microfinance, l`octroi de
services financiers (généralement du crédit et/ou de
l`épargne), à des personnes développant une
activité économique productive, le plus souvent de l`artisanat ou
du commerce, et
n`ayant pas accès aux institutions financières
commerciales en raison de leur profil socio-économique (il s`agit des
pauvres, sans revenus fixes, qui n`offrent aucune des garanties en vigueur dans
les institutions bancaires commerciales)(1).
L`aspect le plus connu de la microfinance est le
microcrédit. Il consiste le plus souvent à octroyer des
prêts à cours terme, soit pour permettre la constitution du fonds
de roulement, soit pour réaliser de petits investissements (par exemple
une machine à coudre pour un artisan, achat des semences pour les
maraîchers, etc.). Les prêts sont ainsi octroyés à
des individus ou à des groupes appelés « groupes solidaires
» en raison de l`obligation faite à leurs membres de se couvrir les
uns les autres (si un membre du groupe ne remplit pas ses obligation en
matière de remboursement, les autres doivent les assumer). Les taux
d`intérêts appliqués sur ces prêts sont au moins
égaux, voire supérieurs, à ceux du système bancaire
traditionnel. Quant aux garanties, elles peuvent être réelles ou
morales mais elles reposent avant tout sur des mécanismes de pression
sociale (groupe solidaire ou chef du village) et sur la motivation de se
préserver un accès à des services financiers (notamment
à des crédits dont les montants peuvent aller croissant). Ici, il
faut noter que les mécanismes de pression sociale souvent
utilisés comme garantie semblent de plus en plus critiqués car
tendant à restreindre les libertés individuelles. En effet,
très généralement dès qu`un membre d`un groupe est
en retard, les autres membres se rabattent sur sa famille pour le
remboursement.
Reste à mentionner une caractéristique
méthodologique essentielle : le concept de proximité. En effet,
quelles que soient les mesures envisagées, un point commun à
l`ensemble des programmes et institutions de microfinance est constitué
par la proximité avec les clients micro-entreprenneurs, proximité
à la fois géographique, mais aussi sociale. Cette
caractéristique directement inspirée de la finance informelle est
une condition indispensable pour établir une relation fiable entre le
micro-
(1) LABIE , ( M), La microfinance en question.
Limites et choix organisationnels, Bruxelles, Editions LUC PIRE, 1999, pp
116
entreprenneur et le prêteur. Elle est, dans une large
mesure, à l`origine des succès rencontrés par les
organisations actives en microfinance.
Dans ce travail il est plus question, bien entendu, du
microcrédit qui est la forme la plus pratiquée de la microfinance
à travers le monde, notamment en République Démocratique
du Congo et à Lubumbashi en particulier.
En abordant le genre et lutte contre la pauvreté
à Lubumbashi, nous voulons donc savoir si le microcrédit
qu'accordent les institutions de la microfinance aux femmes lushoises leur a
permis d'améliorer leurs situations socio-économiques et de
lutter contre la pauvreté.
2.3. Typologie des Systèmes financiers
décentralisés en République Démocratique du
Congo
Les Institutions du Système de Financement
Décentralisé (SFD) en RDC peuvent être structurées
en deux catégories, à savoir les coopératives
d`épargne et de crédit et les Institutions de Microfinance au
sens strict.
Quantitativement, les Coopératives d`Epargne et de
Crédit (COOPEC) représentent le premier secteur de financement de
proximité en RDC. Elles procèdent à la collecte de
l`épargne de ses membres avant de leur consentir du crédit.
Le secteur coopératif congolais est organisé en
trois niveaux. Par ailleurs, deux structures faîtières de
3ème niveau, Union des Coopératives Centrales d`Epargne et de
Crédit (UCCEC) et la Confédération Nationale des
Coopératives d`Epargne et de Crédit (CONACEC), encadrent au total
15 centrales.
Cependant, il y a lieu de retenir qu`à
côté de ces regroupements se sont développées
également des coopératives indépendantes qui fonctionnent
tant à Kinshasa qu`à l`intérieur du pays.
Trois types d`Institutions de microfinance sont retenus dans
l`instruction réglementaire édictée par la Banque Centrale
du Congo. Il s`agit de la caisse de Micro Finance, de la société
de Microfinance et de l`entreprise de Micro finance.
a. Les caisses de microfinance sont celles qui collectent
l`épargne de leurs membres pour l`affecter à des
opérations de microcrédit à leur profit.
b. Les sociétés de microfinance sont celles qui
collectent l`épargne du public et lui octroient des
micro-crédits.
c. Les entreprises de microcrédit sont celles qui
accordent des microcrédits aux tiers.
Les Coopératives financières (CFs) en
microfinance sont les plus répandues en Afrique Subsaharienne. Le
développement de cette structure dans cette région du monde a
été facilité par la présence des tontines. Les
tontines sont composées de membres volontaires qui épargnent une
somme égale à période fixée. La somme réunie
est alors remise aux membres à tour de rôle. L'avantage majeur des
coopératives financières en microfinance, c'est leur
capacité à joindre un grand nombre de déposants (les
pauvres et moins pauvres). De ce fait, elles utilisent ces épargnes pour
offrir un service diversifié à leurs membres. Elles se
démarquent également par leur capacité à
s'organiser en fédération.
Les membres des coopératives financières en
microfinance ont souvent une identité de groupe. Il y a une forme
d'homogénéité des intérêts, ce qui est
facteur crucial pour la dynamique sociale et la performance de la
coopérative financière. La communauté
d'intérêt et d'esprit est très forte. Les
coopératives financières en microfinace arrivent à joindre
des populations qui autrement seraient exclues du système financier
formel.
2.4. Approche méthodologique de la
microfinance
En microfinance, la méthodologie de crédit
repose plus sur le profil de l`emprunteur (l`évaluation des
crédits est centrée sur la volonté et la capacité
des clients à rembourser), que sur les actifs pouvant être saisis
en cas de non-remboursement.
Même si certaines institutions de microfinance prennent
des garanties matérielles en dépôt, ces dernières
constituent rarement le fondement de leurs décisions d`octroi de
crédit.
Les méthodologies de crédit peuvent être
classées en deux grands groupes (Nsabimana, 2005)(1) : les
modèles de crédits individuels et les modèles de
crédit de groupe.
Les modèles de crédits individuels recourent,
lorsque c`est possible, à des garanties matérielles, comme le
nantissement des actifs, terrains et constructions, etc. Cependant, la
légalité et la pratique de ce type de mesures de garanties sont
souvent remises en cause. Dans la pratique, la plus part des institutions de
microfinance adoptent des techniques de sélection fondées sur une
évaluation sur base du profil individuel.
Les modèles de crédit de groupe recourent
à des groupes solidaires, constitués généralement
de quatre à six membres, qui sont voisins, ou qui exercent des
métiers dans le même quartier ou dans le même secteur
d`activité. Le système de sélection mutuelle qui est
à l`origine de la constitution de tels groupes renforce la confiance de
l`institution envers le groupe.
Dans la méthodologie de crédit aux groupes, et
plus particulièrement dans le cas de groupes de grande taille, les
agents de crédit ont tendance à mener une analyse minimale des
caractéristiques individuelles du client ou de son activité.
Cette analyse est plutôt implicitement déléguée aux
autres membres du groupe, qui ont une connaissance les uns des autres plus
complète que celle des agents de crédit.
(1) NSABIMANA A., « Microfinance : outil de lutte
contre la pauvreté ? », L`Africain n° 218, 2005
Cautionnement solidaire
Le cautionnement solidaire est le type de garantie qui a
été développée par l`expérience de la
Grameen Bank, lorsque M. Yunnus, dans le début des années 70,
octroya un crédit à 2 personnes d`un groupe de 5, puis aux deux
suivantes, puis à la dernière. Les 5 membres de ce groupe de
caution solidaire étant solidairement responsables du remboursement du
crédit. Cette expérience a montré les conditions de
fonctionnement et les avantages de ces groupes solidaires : la sélection
des emprunteurs, la discussion sur l`objet du crédit (rendant plus
sûr le succès de l`activité de finance), la facilité
dans la gestion et le remboursement. Les ressorts sociaux mis en jeu par le
cautionnement solidaire sont davantage la pression sociale ou le sens de
l`honneur qu`une véritable solidarité.
Depuis lors, le principe de cautionnement solidaire a
été largement utilisé et adapté aux situations
locales sous formes variées. Il n`est, aujourd`hui, pas rare de trouver
des IMF qui associent l`épargne individuelle préalable, le
crédit individuel et le cautionnement solidaire.
Limites de la caution
solidaire
La caution solidaire traite en égaux chacun des membres
du groupe (même montant d`où même responsabilités
dans les remboursements). Pourtant, lorsque les membres ont reçu
plusieurs prêts, leurs opportunités et volonté d`investir
peuvent être différenciées, et certains peuvent rechercher
des prêts dont les montants plus élevés ne sont plus
compatibles avec une responsabilité commune dans le remboursement. Le
principe de la caution solidaire peut donc limiter l`accès à des
prêts de montants élevés ce qui peut être
préjudiciable pour les clients (pas de réponse à leurs
besoins) et à l`institution (pas d`économies d`échelle,
mauvaise fidélisation des bons clients).
En l`absence de garanties matérielles, l`incitation
à rembourser pour les membres du groupe solidaire repose sur la promesse
d`accès à un prêt futur (généralement d`un
montant plus élevé que le précédent). Or ce
système ne peut fonctionner que s`il n`y a pas de système
financier concurrent sur la zone qui puisse aussi offrir un service identique
(risque de concurrence) ou différencié (risque de contradictions
dû aux règles différentes) aux mêmes clients (Lapenu
C. et al, 2002)(1).
Malgré les critiques et les difficultés
soulignées ci-dessus, l`analyse approfondie des alternatives possibles
montrent souvent que la caution solidaire reste un outil nécessaire au
regard des objectifs et des publics-cibles des Institutions de microfinance
(IMF) qui l`utilisent, mais il demande une gestion rigoureuse, et souvent des
mesures complémentaires de gestion et de garanties.
La caution solidaire, ne peut être supprimée car
elle n`a pas d`alternative crédible par rapport aux contraintes des
populations ciblées ; par ailleurs, son principe n`est
généralement pas mis en cause par les emprunteurs. Ce qui est
important c`est son contexte d`insertion au sein des groupes (qualité de
la gestion interne), et la mise en oeuvre de moyens pour la renforcer ou la
sanctionner.
Lien commun
Le lien commun est celui qui unit les
bénéficiaires-clients au sein d`une IMF. Il est le ciment de la
cohésion du groupe et renforce le caractère identitaire et
participatif de ceux-ci à l`institution. Le lien commun peut être
de nature géographique ou territoriale (exemple : les membres de l`IMF
appartiennent à tel village, communauté rurale, quartier, zone,
région,...) ou professionnel ou sectoriel (exemple : les artisans, les
pêcheurs, les agriculteurs, les maraîchers,...). Il peut
également s`appuyer sur un genre exclusif (exemple : les femmes d`un
quartier donné). Un « lien commun » fort facilite la
constitution des groupes de « caution femmes d`un quartier donné).
Un « lien commun
(1) LAPENU C., CERISE, FOURNIER Y., ICHANJU P.,
Potentialités et limites de la caution solidaire, Fiche
d`approfondissement du séminaire de Dakar n° 8, 2002
» fort facilite la constitution des groupes de «
caution solidaire ». Toutefois, une trop grande
homogénéité des membres d`une IMF, en particulier dans le
type d`activité économique, peut présenter un risque
systémique accru pour l`institution en cas de mauvaise (ou absence de)
récolte par exemple ou d`autres types de calamités. Une
couverture géographique suffisante pour assurer la diversité des
risques et des activités sera à cet égard
recherchée (Tollenaere, 2002)(1).
2.5. Rôle socio économique du
microcrédit
Les réussites de la microfinance et des
microcrédits sont importantes. La microfiannce a démontré
que les pauvres sont aussi des clients viables et fiables. Lors du sommet de
2004, le G8 a adopté les Principes clés de la microfinance
mis en place par le CGAP (voir les Principes Clés de la
Microfinance). Ces principes portent entre autres sur la mise en place et
l'accès des services financiers pour tous, la lutte contre la
pauvreté, le taux d'intérêt, la divulgation de
l'information, etc. Ces principes ont contribué à faire de la
microfinance un outil de développement social et économique.
La microfinance est un outil majeur de développement
socio économique. En effet, le crédit est utilisé pour des
activités nécessaires au développement et à la
lutte contre la pauvreté de l'individu et de sa communauté: payer
les frais de scolarité des enfants, les frais de santé,
l'acquisition d'un terrain pour construire sa maison, etc. La microfinance
crée plusieurs possibilités pour la personne d'améliorer
son bien-être et son savoir-faire. Cela s'aligne avec la théorie
du «Développement comme Liberté» de l'économiste
et gagnant d'un prix Nobel Amartya Sen. Cette théorie de Sen explore
cinq types de libertés instrumentales: les facilités
économiques, les libertés politiques, les dispositions sociales,
les garanties de transparence et la sécurité protectrice.
Toujours d'après Amartya Sen, ces cinq libertés sont
interconnectées, ce qui fait en sorte que l'amélioration d'un
aspect affectera positivement les autres. Il les définit ainsi: «
Par libertés politiques, au sens le plus général, incluant
donc les droits civiques, tout l'éventail des droits politiques que l'on
associe au fonctionnement démocratique ... Par
facilités économiques, j'entends les
opportunités, offertes aux individus, d'utiliser les ressources
économiques à des fins de consommation, de production ou
d'échanges. L'accès au financement exerce une influence
prépondérante sur les facilités que les agents
économiques sont capables de s'assurer. Cela vaut aussi bien pour les
grandes entreprises (employant des centaines de milliers de salariés)
que pour les sociétés unipersonnelles fonctionnant au moyen de
microcrédits ... Par opportunités sociales, j'entends les
dispositions prises par une société en faveur de
l'éducation, de la santé ou d'autres postes et qui accroissent la
liberté substantielle qu'ont les personnes de vivre mieux. La notion de
garanties de transparence prend en compte l'exigence de nonduplicité,
présupposée dans les relations sociales. Ces garanties jouent un
rôle instrumental dans la prévention de la corruption, de
l'irresponsabilité financière et des ententes illicites. La
sécurité protectrice doit servir à fournir aux couches de
populations vulnérables un filet de protection sociale, afin qu'elles ne
se trouvent en aucun cas, réduites à la misère, voire,
dans des situations extrêmes, à la famine ou à la mort.
»(1).
La microfinance est un élément de
facilité économique, de par l'interconnexion entre les cinq
libertés, elle affectera positivement les autres, et ainsi amène
le développement. De plus, elle s'insère pleinement dans
l'approche des capacités développée par Audas:
«The major constituents of the capacity approach are functions
and capabilities. Functions are the being and doing of a person whereas a
person's capability is the various combinations of functionings that a person
can achieve. »(2) C'est à dire selon
Audas, les fonctions représentent les opportunités et les limites
des capacités d'un individu. En donnant la possibilité aux
consommateurs d'apprendre sur le fonctionnement du système financier et
d'avoir accès aux services financiers, les Institutions de Microfinance
améliorent les fonctions de la personne, ce qui aboutira à
l'augmentation de ses capacités. Donc, cette amélioration de la
capacité individuelle contribue largement à son
développement.
(1) Sen, Amartya, un nouveau modèle économique.
Développement, Justice, Liberté, Paris, Editions Odile Jacob,
1999, p.59-61
(2) Audas, michelle Lynn, Evaluating microfinance. Economic
developpement redefined reevaluated, New Brunswick, The University of New
brunswick, 2002, p.19
Afin de comprendre comment les Institutions de microfinance
ont une connaissance intime des conditions locales qui leurs permettent
d'absorber une grande quantité de petites économies et de lutter
contre la pauvreté par une approche participative, qui soutend
d'ailleurs le rôle socio-économique du microcrédit, nous
présentons ici les principes de base de la microfinance.
Les Principes Clés de la Microfinance
l. Les pauvres ont besoin de toute une gamme de
services financiers et non pas seulement de prêts. Les pauvres
ont comme tout le monde, besoin d'une gamme de services financiers pratiques,
souples et d'un prix raisonnable. Selon la situation dans laquelle ils se
trouvent, les pauvres peuvent avoir besoin non seulement de crédit, mais
aussi d'instruments d'épargne, de service de transfert de fonds et
d'assurance.
2. La microfinance est un instrument puissant de
lutte contre la pauvreté. L'accès à des services
financiers viables permet aux pauvres d'accroître leurs revenus, de se
doter d'actifs et de se protéger dans une certaine mesure des chocs
extérieurs. La microfinance permet aux ménages pauvres de ne plus
avoir à lutter au quotidien pour simplement survivre mais de faire des
plans pour l'avenir et d'intervenir afin d'améliorer leur nutrition,
leurs conditions de vie et la santé et l'éducation de leurs
enfants.
3. La microfinance est le moyen de mettre des
systèmes financiers au service des pauvres. Les pauvres
constituent la vaste majorité de la population dans la plupart des pays
en développement. Or un nombre considérable d'entre eux n'ont
toujours pas accès à des services financiers de base. Dans
beaucoup de pays, la microfinance continue d'être
considérée comme un secteur marginal et relever essentiellement
des activités de développement des bailleurs de fonds, des
pouvoirs publics, et d'investissements soucieux des intérêts de la
collectivité. Pour qu'elle puisse réaliser pleinement son
potentiel en desservant un grand nombre de pauvres, il faudrait que la
microfinance devienne une partie intégrante du secteur financier.
4. Il est nécessaire d'assurer la
viabilité financière des opérations pour pouvoir couvrir
un grand nombre de pauvres. La plupart des pauvres ne sont pas en
mesure d'avoir accès à des services financiers en raison de
l'absence d'intermédiaires financiers solides offrant des services de
détail. La mise en place d'institutions financièrement viables
n'est pas une fin en soi. C'est la seule façon d'accroître
l'envergure et l'impact des opérations de manière à porter
leur volume à un niveau supérieur à ce que peuvent offrir
les bailleurs de fonds. La viabilité s'étend de la
capacité d'une entité fournissant des microfinancements à
couvrir l'intégralité de ses coüts. Elle permet d'assurer la
poursuite des opérations de l'entité en question et de la
fourniture de services financiers aux pauvres. La viabilité
financière passe par la réduction des coüts de transaction.
L'offre de meilleurs produits et services répondant aux besoins des
clients, et l'adoption de nouveaux moyens de servir les pauvres qui n'ont pas
accès aux services bancaires.
5. La microfinance implique la mise en place
d'institutions financières locales permanentes. Pour
créer des systèmes financiers destinés aux pauvres, il
faut mettre en place des intermédiaires financiers intérieurs
solides en mesure de fournir en permanence des services financiers à
ceux-ci. Ces institutions doivent pouvoir mobiliser et réinjecter
l'épargne intérieure dans l'économie, accorder des
crédits et fournir toute une gamme de services. La mesure dont elles
dépendent des financements des bailleurs de fonds et de pouvoirs publics
y compris les banques de développement financées au niveau des
Etats diminuera progressivement à mesure qu'elles et les marchés
des capitaux privés se développeront.
6. Le microcrédit n'est pas toujours la
solution. L'octroi de microcrédits n'est pas
nécessairement une solution adéquate pour tout le monde ou dans
toutes les situations. Les indigents et ceux qui souffrent de la faim qui n'ont
ni revenus ni moyens de rembourser un emprunt doivent recevoir d'autres formes
de soutien avant de pouvoir emprunter. Souvent, il vaut mieux faire de petits
dons améliorer les infrastructures, mettre en place des programmes
d'emploi et de formation et fournir d'autres services non financiers pour
lutter contre la pauvreté. Dans toute la mesure
du possible, ces services non financiers doivent aller de pair
avec la constitution d'une épargne.
7. Le plafonnement des taux d'intérêt
peut nuire à l'accès des pauvres aux services
financiers. Il est beaucoup plus onéreux un grand nombre de
petit prêts qu'un petit nombre de prêts de montant
élevé. A moins que les fournisseurs de microfinancement ne
puissent demander de taux d'intérêt nettement supérieurs
aux taux moyens des prêts bancaires, ils ne seront pas en mesure de
couvrir leurs coûts de sorte que leur croissance et leur
visibilité soient tributaires d'une offre très limitée et
incertaine de financements à des taux bonifiés. Lorsque les
pouvoirs publics réglementent le taux d'intérêt, ils fixent
généralement ces derniers à des niveaux trop bas pour que
les opérations de microfinancement puissent être viables.
Toutefois, il importe aussi que les fournisseurs de microfinancement ne
répercutent pas les coûts que pourraient entraîner des
inefficacités dans leurs opérations sur leurs clients en fixant
leurs prix (taux d'intérêt et autres commissions) à des
niveaux nettement supérieurs à ce qu'ils devraient être.
8. Les pouvoirs publics doivent faciliter la
prestation de services financiers mais non les fournir directement.
Les autorités nationales jouent un rôle important en menant une
action favorable au développement des services financiers tout en
protégeant l'épargne des pauvres. Les mesures les plus favorables
au microfinancement qu'un gouvernement peut prendre consistent à assurer
la stabilité macroéconomique, à ne pas plafonner les taux
d'intérêt et à éviter d'introduire sur le
marché les distorsions qu'engendrerait la poursuite de programme de
prêts bonifiés non viables et sources d'arriérés
considérables. Les autorités peuvent aussi appuyer les services
financiers destinés aux pauvres en améliorant le climat des
affaires en luttant contre la corruption et en améliorant l'accès
aux marchés et à l'infrastructure. Dans certains cas en l'absence
d'autres financements, l'Etat peut avoir de bonnes raisons de financer des
institutions de microfinancement indépendantes et solides lorsqu'il
n'existe pas d'autres financements.
9. Les financements bonifiés des bailleurs de
fonds doivent compléter les capitaux du secteur privé, ils ne
doivent pas les remplacer. Il importe que les bailleurs de fonds
utilisent, pendant un temps des instruments appropriés de don, de
prêt et de participation pour renforcer les capacités
institutionnelles des prestataires de services financiers. Développent
l'infrastructure nécessaire (agence de notation, agence
d'évaluation du crédit, capacités d'audit etc..), et
appuient des services et produits innovants. Dans certains cas, il leur faudra
peut-être fournir plus longtemps des financements bonifiés pour
pouvoir atteindre des groupes de population qui sont difficiles à
toucher parce qu'ils vivent dans des régions faiblement peuplées
ou pour d'autres raisons. Pour que leur appui financier soit efficace, les
bailleurs de fonds doivent chercher à intégrer les services
financiers axés sur les pauvres dans les opérations des
marchés financiers locaux, faire appel à des compétences
spécialisées pour la conception et la mise en oeuvre des projets
: exiger que les institutions financières et les autres partenaires
respectent des normes de performance minimales pour continuer à
bénéficier d'un appui ; et planifier dès le début
leur stratégie de désengagement.
10. Le manque des capacités institutionnelles
et humaines constitue le principal obstacle. La microfinance est un
domaine spécialisé qui astreint les services bancaires à
des objectifs sociaux. Un renforcement des capacités est
nécessaire à tous les niveaux, des institutions
financières aux instances de réglementation et de contrôle
aux systèmes d'information, jusqu'aux organismes de développement
de l'Etat et aux bailleurs de fonds. La majeure partie des investissements,
publics et privés, effectués à ce titre devrait viser le
renforcement des capacités.
11. L'importance de la transparence des
activités financières et des services d'information. Il
est indispensable de disposer d'informations exactes, comparables et
présentées selon un format standard sur les résultats
financiers et la performance sociale des institutions financières qui
fournissent des services aux pauvres. Les organes de contrôle et de
réglementation des banques. Les bailleurs de fonds, les investisseurs
et, surtout, les pauvres, qui sont les clients des services de
microfinancement, doivent avoir accès à ces
informations pour bien évaluer les risques et les avantages de leurs
opérations.
Source: CGAP. 2004. Les principes clés de la
microfinance. Washington
2.6. Expériences du microcrédit
2.6.1. Dans le monde
L'expérience du microcrédit peut être
mieux conçue à la suite d'une brève explication du
dualisme du système de financement(1) et de son histoire. Ce
dualisme résulte de la constatation de l'objet du secteur financier
consistant à mettre en relation les agents à excédents de
capitaux avec les agents à besoin de capitaux. Les banques et le
marché financier jouent parfaitement ce rôle. Selon la logique
marchande un certain nombre d'agents économiques sont exclus d'office du
système qui ne s'intéresse pas à eux. Exclus du
système de financement formel, ils recourent donc dans la
majorité des cas à un autre système de financement
coûteux(2) dit « informel ». Dans ces deux
systèmes de financement, les choses ne se passent pas de la même
façon.
Le secteur formel est normalement financé par les
banques. Les banques, qui font commerce de l'argent et qui sont donc en
quête de rentabilité, peuvent parfaitement refuser le
crédit en raison de l'absence du droit au crédit. Les emprunteurs
dont la situation financière est très modeste et qui ne peuvent
pas répondre aux critères de sélection des banques, n'ont
pas d'accès au financement. Pendant ce temps, les populations locales
manquent d'argent pour développer des activités qui sont souvent
informelles, certes, mais qui sont génératrices de revenus.
Exclues du financement classique, elles sont tributaires du secteur de
financement informel.
(1) OULD NEMINE Ahmed, Le rôle du micro crédit
dans le financement du développement, Thèse de doctorat
à l?Université de Nice, 15/12/2004, p.27 et 60-80
(2) E. LITTLEFIELD et R. ROSENBERG, « Une
démarcation de plus en plus réduite entre la microfinance et
secteur financier formel », in Le Rapport moral sur l'argent dans le
monde, éd. Association d'économie financière, 2006, p.
139-149.
Force est de constater le rôle limité des
banques. Soit elles sont peu présentes dans les campagnes, soit elles
sont peu sollicitées parce que leurs services ne sont pas adaptés
aux besoins des populations locales. Le secteur informel facilite alors
l'accès au crédit, mais du point de vue du financement, ne
fonctionne pas selon les normes et les mécanismes du secteur formel. A
côté de l'usurier proprement dit, on peut emprunter à la
famille ou à des amis. On peut aussi se regrouper pour se prêter
et s'emprunter les uns aux autres, le «Likelemba » ou «
kinkurimba » dans le contexte congolais. Le développement du
secteur informel est dû à l'impossibilité des banques
d'étendre leurs activités au segment de la clientèle
visée par le secteur informel. Il s'agit bien d'un secteur de
financement puisqu'il permet aux personnes exclues du système bancaire
classique d'avoir accès au crédit. Il est informel du fait qu'il
n'est pas soumis au cadre juridique. Ce secteur informel n'existe qu'en marge
du secteur formel qu'il ne prétend pas remplacer. Il est par ailleurs
complémentaire à ce dernier. Malgré cette constatation, on
trouve que dans des pays en voie de développement, tels que le Cambodge,
le secteur informel de financement est plus étendu que le secteur
classique des banques. Il a été très pratiqué parce
qu'il s'inscrit naturellement dans la vie de tous les jours.
Dans le secteur informel, les relations entre les
débiteurs et les créanciers sont des relations personnelles
résultant du lien de proximité, ce qui conditionne sa plus grande
efficacité. Comme les personnes se connaissent bien, l'information sur
la solvabilité des unes et l'insolvabilité des autres est
suffisante. Il y a peu de risque de non remboursement. Bien qu'il
présente cet aspect positif, le secteur informel de financement
comporte, par ailleurs, des inconvénients pour l'emprunteur qui doit
payer des coûts de crédit très élevés.
Conscients de ce problème, les gouvernements et les Organisations non
gouvernementales (ONG) ont mis en place des programmes de crédit rural.
Mais le résultat était décevant notamment en ce qui
concerne l'offre très limitée de crédit aux pauvres. C'est
dans cette optique que l'idée de microcrédit a été
accueillie avec enthousiasme. Il s'agit d'une innovation importante qui a
transformé la manière d'envisager l'octroi du crédit.
La logique financière tient les personnes
démunies à l'écart du circuit bancaire parce qu'elles sont
fragiles. Les besoins de ces populations ne sont pas couverts par le circuit
classique. Cette exclusion financière constitue un obstacle important
pour les personnes désireuses de créer leurs activités
indépendantes et donc de trouver leur citoyenneté
économique. C'est précisément cet obstacle et le souhait
de faire de ces personnes des acteurs économiques comme les autres que
le microcrédit se propose de surmonter. La compréhension du
développement du concept de microcrédit réside dans son
histoire.
On a l'impression que tout a commencé en février
1997 quand s'est tenu à Washington le premier Sommet mondial du
microcrédit, sous le patronage de l'exPrésident Bill Clinton, qui
a eut pour objectif d'atteindre cent millions de familles parmi les plus
pauvres de la terre de là à 2005. En réalité,
même si on ne parle du microcrédit que depuis ces dernières
années, il s'inscrit, en revanche, dans une histoire un peu plus longue.
L'histoire de microcrédit remonte aux années 1 840(1).
F. W. Raiffeisen lança en 1848(2), en Rhénanie, la
première coopérative de crédit pour lutter contre l'usure
qui surchargeait les paysans contrairement aux
Monts-de-Piété(3) remontant au Moyen-âge en
1462. La première raison de cette coopérative était la
prise en compte des pratiques usuraires. Ici comme ailleurs, les paysans
empruntent, en argent ou en nature, surtout dans les mois qui
précèdent la récolte, d'un commerçant, d'un
prêteur professionnel, à des taux exorbitants pouvant atteindre 50
à 100% pour une durée qui n'importe pas mais qui est toujours
courte. La coopérative avait pour premier but d'offrir des cautions
mutuelles aux banques afin que ses membres puissent évoluer vers la
collecte de l'épargne pour pouvoir prêter directement à
leurs membres. Elles furent à l'origine de toutes les banques
mutualistes d'Europe.
(1) Jaques ATTALI, « La micro-finance, aujourd'hui »,
in Le rapport moral sur l'argent dans le monde, éd. Association
d'économie financière, Paris, 2006, p. 153
(2) Laurent LHERIAU, Précis de réglementation
de la micro-finance, tome I : le droit financier et la micro finance,
Paris, AFD, 2005, p. 19-22.
(3) Pour une histoire des Monts-de-Piété et du
Crédit Municipal, voir le site Internet du Crédit Municipal de
Paris :
http://www.creditmunicipal.fr/.
Cent ans après la première coopérative
d'épargne-crédit initiée par Raiffeisen, le monde
redécouvert dans les années 1970. Il est donc difficile d'en
accorder la paternité au professeur Yunus.
La conception du microcrédit ainsi redécouverte
s'est manifestée avec la création de la Grameen
Bank(1), une banque rurale bénéficiant d'un
statut spécial, au Bangladesh en 1976. Après une terrible famine,
un professeur d'Université, Mohamed Yunus, a eu l'idée d'accorder
de petits crédits à quelques groupes de femmes pauvres pour les
aider à développer une activité qui leur procure un
modeste revenu. Accordé pour un an au taux de 20%, le crédit
commence à être remboursé dès la deuxième
semaine par celle qui a emprunté. Ces femmes travaillent en groupes de
cinq personnes « comme les cinq doigts de la main » avec la
caution solidaire de tous les membres. Si l'une des femmes ne rembourse pas
à l'échéance, le groupe doit le faire à sa place.
Sinon, elle est privée de tout autre crédit postérieur.
Lorsque le premier crédit sera remboursé, une autre femme pourra
emprunter à son tour, et ainsi de suite. Quand toutes auront
emprunté et remboursé, elles pourront emprunter un peu plus.
Cette formule est basée sur un groupe dont les membres se connaissent
bien.
La méthode de Grameen Bank s'adaptait parfaitement
à la situation des zones rurales du Bangladesh. Il montre donc que les
pauvres et notamment les femmes de paysans sans terre sont « un
bon risque bancaire », c'est-à-dire que les pauvres,
n'ayant pas d'autres alternatives, font tout pour rembourser correctement leur
crédit, si on sait s'adapter à leurs conditions (petits
crédits avec des montants progressant régulièrement si le
remboursement s'effectue intégralement, etc.). Cette façon de
faire le crédit a été reprise aussi bien dans beaucoup de
pays du Sud que dans des pays du Nord. Le microcrédit se
développe rapidement et constitue désormais l'une des
préoccupations de la communauté internationale qui proclame la
mise en place d'un « système financier ouvert à
tous ». Il fait aussi partie de la politique de l'Union
européenne qui a, à travers la Commission européenne,
adopté des mesures politiques pour promouvoir l'utilisation du
microcrédit en Europe à des fins d'inclusion sociale. En
(1) Le site officiel de la Grameen Bank (en
anglais) :
www.grameen-info.org.
2003, un réseau européen de microfinance qui
regroupe à ce jour 28 institutions les plus diverses s'intéresse
particulièrement au microcrédit.
Grâce à son immense succès, le
modèle Grameen Bank a été imité par plusieurs pays.
Aujourd'hui, l'idée de microcrédit est une préoccupation
internationale et s'est étendue dans d'autres pays en Europe notamment
en France. Contrairement aux pays du sud, cette adoption a été
très lente.
Le microcrédit appliqué au Bangladesh a
été reproduit aussi bien en France qu'au Cambodge. Il est
très important de remarquer que reproduire la Grameen Bank ne consiste
pas à reprendre in extenso le modèle, à tenir compte des
caractéristiques du milieu et de l'adapter au contexte du pays. Il
s'agit tout simplement de revenir à son essence, à son objectif,
à son formidable esprit d'initiative et d'innovation. Le cas de France
illustre cette observation, le microcrédit est importé en France
dans un contexte de chômage, d'exclusion financière, alors qu'il
est importé au Cambodge dans un contexte de pauvreté et surtout
dans le cadre du programme de développement.
Si la France est un pays fortement bancarisé, 80% des
ménages français ont recours pour tout paiement supérieur
à 100 euros à des moyens de paiement, une partie de la
population, estimée à près de cinq millions
d'habitants(1), reste en situation d'exclusion bancaire. Une partie
importante de la population n'a pas accès au crédit. Or,
l'accès au crédit est un moyen déterminant de la
citoyenneté économique. Le marché français de
microcrédit est jugé sous-dimensionné par rapport aux
besoins. Désormais, le microcrédit piétine en France. La
crise dans les banlieues de novembre 2005 a suscité l'implication du
gouvernement dans le projet d'exclusion financière. En outre, le prix
Nobel de la paix attribué au M. Yunus constitue un nouvel élan de
lutte contre l'exclusion financière.
La dynamique française du microcrédit qui
conjugue la mise à la disposition d'un financement et d'un
accompagnement personnalisé a déjà prouvé son
(1) Maria NOWAK, on ne prête pas (que) aux
riches, Paris, JC Lattès, 2005, p. 142
efficacité à travers des structures comme
l'Association pour le droit à l'initiative économique
(ADIE)(1), France Active, France Initiative Réseau et le
Réseau Entreprendre(2). En France, avant la création
de l'Association pour le droit à l'initiative économique, il n'y
avait aucune association de microcrédit ou de lutte contre l'exclusion
financière. Au début, l'ADIE travaillait en partenariat avec les
établissements de crédit en partageant avec ces derniers les
risques du crédit à hauteur de 70%. En cas de défaillance
du débiteur, l'ADIE s'engage à racheter la part du risque
supporté par les banques. Cette forme de partenariat est toujours
encouragée du fait qu'il procure des avantages incontestables. De
nouvelles formes de mécénat ont été mises en
place(3). Avec l'amendement de l'article 11 de la loi bancaire de
1984, elle peut désormais emprunter pour reprêter à ses
clients directement. Cet amendement encourage le développement du
microcrédit.
En raison de la montée en puissance du
microcrédit en France, le gouvernement veut bâtir une politique
publique pour lutter contre l'exclusion financière et mobiliser les
grandes banques. Le lancement du Fonds de cohésion sociale (FCS)
créé par la loi Borloo du 18 janvier 2005 à l'occasion de
la Semaine du microcrédit montre bien cette politique. Cette loi
crée une nouvelle typologie du microcrédit, dite
microcrédit social. La naissance en France du microcrédit social,
appelé par certains, des « prêts à la consommation
sociaux(4)» est une avancée, modeste mais incontestable
dans la lutte contre l'exclusion financière. Toutefois, le débat
sur le surendettement des particuliers ne manque pas puisque les particuliers,
bénéficiaires de ces crédits sociaux, sont
déjà, par définition, en situation financière
très difficile. Cette invention suppose en plus de revoir la
définition du microcrédit. Le lancement de la
(1) L'Association pour le droit à l'initiative
économique est une association qui a été
créée suivant le modèle de la loi de 1901. Son rôle
est exercé conformément à la disposition
dérogatoire au monopole bancaire en matière d'opérations
de crédit. Il s'agit d'un principal acteur du microcrédit,
créé en 1989 à l'initiative de madame Maria NOWAK. Elle a
accordé 6740 crédits en 2005, en hausse de 20% mais ne
répondant qu'à environ 10% des demandes.
(2) Ces organismes sont des organismes de finance solidaire.
La finance solidaire désigne l'ensemble des dispositifs de financement
destinés à soutenir la création ou le développement
d'activités socialement utiles, à partir des instruments de
l'épargne et de l'investissement solidaires. Ces opérateurs de la
finance solidaire mettent en fait à la disposition des créateurs
des quasi-fonds propres destinés à servir de levier au
crédit bancaire. V. Sylvain ALLEMAND, La microfinance n'est plus une
utopie, Paris, édition Autrement, 2007, p.192.
(3) Patrick SAPY, « Réseaux bancaires et
microcrédit : vers de nouvelles formes de mécénat »,
Banque, juin 2005, p. 27-28.
(4) Anne MICHEL, « Naissance en France des prêts
à la consommation sociaux », in Le monde, 6 janvier 2006
Semaine du microcrédit en avril 2005 constitue bien une
promotion du microcrédit en France.
Le même souci de lutter contre l'exclusion
financière a été expérimenté au Cambodge. En
effet, le système bancaire cambodgien a été réduit
à néant à l'époque des Khmers rouges (1975-1979).
90% de la population n'a pas accès au prêt
classique(1). Aucune banque de développement n'existait
à la sortie du régime Khmer rouge. Ainsi, dans les années
90 après les Accords de Paris en 1991, les ONG ont commencé
à proposer des services de microcrédit aux populations
démunies des zones rurales, dans le cadre du programme de
développement. La plus importante ONG spécialisée dans le
financement de proximité est l'Association des agences de
développement économique local, mieux connue sous l'acronyme
anglais ACLEDA(2), qui a été créée en
1993 avec le soutien du PNUD (Programme des Nations Unies de
développement). Elle est devenue une banque spécialisée en
2000. Il est à noter que le microcrédit mené par les ONG
dans les années 90 n'était pas réglementé puisqu'il
était appliqué avant l'adoption même de la loi sur les
institutions bancaires et financières du 18 novembre 1999. Aujourd'hui,
le microcrédit est affiché comme une priorité du
gouvernement.
2.6.2. En Afrique
Dans le passé et encore aujourd'hui dans certaines
parties de l'Afrique, le microcrédit a souvent été
lié à l'usure. Les marchands, dans le Sud comme dans le Nord, qui
accordent de petits crédits à ceux qui ne peuvent joindre les
deux bouts ont été les premiers à prêter de petites
sommes aux villageois qui n'avaient pas l'argent pour payer les
médicaments ou les frais de scolarité des enfants. Malgré
les taux d'intérêt très élevés, souvent
camouflés en remboursements en nature au moment de la récolte,
les usuriers avaient du succès et s'étaient enrichis car
étant proches des besoins des populations parmi lesquelles ils vivaient.
Cette proximité et cette intégration du prêteur dans le
milieu culturel des emprunteurs sont importantes car cette connaissance
réciproque était le moyen de la couverture du risque. Mais peu
à peu, ces
(1) « Micro finance of Cambodia », National Bank of
Cambodia, 2006.
(2) Pour en savoir plus :
www.gdrc.orf/icm/country/acleda-base.html (page sur ACLEDA).
prêteurs furent contestés à cause
d'intérêts trop importants qu'ils demandaient. Ce furent alors
dans certaines régions les églises et les prêtres qui
prirent l'initiative d'organiser le petit crédit local. Le premier
objectif de ces initiatives fut de rassembler l'épargne des populations.
Le curé de la paroisse fut souvent le trésorier assurant la
garantie que l'argent épargné était bien en
sécurité. Mais l'épargne, dans ces caisses locales servait
souvent à des dépenses de consommation. Ce n'est que plus tard
que l'épargne globale de ces caisses devenant importante, furent
créées de petites banques qui commencèrent à
prêter pour promouvoir des entreprises locales et soutenir des
activités économiques.
En Afrique existaient déjà depuis plusieurs
siècles les tontines qui étaient des associations de personnes
qui, unies par des liens familiaux, d'amitié, de profession, de clan ou
de région, se retrouvaient à des périodes d'intervalles
plus ou moins variables afin de mettre en commun leur épargne pour
résoudre des problèmes particuliers ou collectifs. En effet, les
Africains se sont depuis longtemps groupés pour travailler ensemble
successivement dans le champ de chacun d'eux ou construire chaque maison l'une
après l'autre dans le village. Ils constituaient de cette façon
une tontine de travail qui pouvait servir par exemple à creuser les
tombes, ou alors une tontine en nature pour acheter des tuiles ou organiser une
fête. Ce n'est que plus récemment, quand la monnaie a
commencé à circuler, qu'ils ont constitué des tontines
d'argent. Il n'y a que peu de temps que des écrits mentionnant
l'existence de tontines en Afrique sont apparus. En 1952, W.R. Bascom parle de
l'esusu au Nigéria et dans les pays voisins où il est couramment
pratiqué par les musulmans yorubas. L'esusu serait apparu en
réalité vers le milieu du 19ème
siècle(1).
Au cours de ces dernières années, les
gestionnaires du microcrédit se sont développés et
diversifiés face à la demande, ce qui nous permet de les classer
de la manière suivante :
(1) Ernest HARSCH, le microcrédit progresse en
Afrique, ses partisans préconisent qu?on lui accorde davantage
d?attention dans la région, dans le site
www.ceformad.org
1. Les caisses locales d'épargne et de
crédit et les tontines, esusu, likelemba, kinkurimba...
Il existe de nombreux clubs de crédit qui selon les
pays s'appellent tontines, esusu, likelemba, kinkurimba etc. Ces derniers
existent depuis plusieurs décennies et sont la forme traditionnelle la
plus efficace de l'épargne et du petit crédit. Tout comme les
caisses locales et mutuelles, ils ne sont pas reliés à de grandes
organisations et à des banques. Ils agissent de façon autonome
pour un groupe de villages ou un quartier urbain. Ils reçoivent
l'épargne de leurs membres, fixent euxmêmes les taux
d'intérêt sans tenir compte des lois et du marché
financier. Ils sont par conséquent informels. Les membres se
prêtent entre eux l'argent épargné et ils font donc
rarement appel au marché financier et à l'aide extérieure.
Ils répondent parfaitement aux besoins locaux et les remboursements sont
excellents car tout le monde se connaît. Tous ces groupes ne visent
cependant pas en priorité les plus pauvres, mais leur présence
dans certains des villages les plus petits et les plus reculés, la
souplesse de leurs procédures et le fait qu'ils soient disposés
à prêter en tenant compte de garanties à caractère
social plutôt que de la possession de biens fonciers, permettent aux
petits emprunteurs de s'adresser à eux bien plus facilement qu'aux
grandes banques. Au Nigéria par exemple, 30 à 50 % de la
population adulte fait partie d'un esusu.
2 Les syst~mes nationaux et internationaux
d'épargne et de crédit.
De nombreuses caisses locales d'épargne et de
crédit se sont organisées en Afrique pour obtenir davantage de
crédit que les possibilités créées par leur
épargne et répondre ainsi à la demande locale ou pour
placer l'épargne non prêtée. Elles ont donc
constitué des unions et fédérations, quelquefois
puissantes comme l'Association Africaine de crédit agricole. Au niveau
national, prenons l'exemple de l'Afrique de l'Ouest où des organisations
telles que Nyesigiso et Kafo Jiginew au Mali, l'ACEP au Sénégal,
la FECECAM au Bénin rassemblent des dizaines de milliers de membres
épargnants et/ou emprunteurs. Ce sont de plus des partenaires efficaces
et incontournables de l'attribution du crédit au monde paysan ou aux
artisans du secteur
non formel urbain. Ces unions et fédérations
sont bien organisées, les taux d'intérêt utilisés
pour rétribuer l'épargne ou prêter aux paysans, aux
commerçantes ou aux femmes entrepreneurs varient selon les cas mais sont
souvent en-dessous des prix du marché. Il n'est pas rare de constater
que ces caisses ne s'autofinancent pas, principalement à cause des frais
engendrés par leurs efforts de formation.
3 Les fondations et ONG, gestionnaires de
microcrédits.
Depuis une vingtaine d'années, de très
nombreuses fondations ou ONG se sont créées pour distribuer et
gérer le microcrédit en Afrique. Ces organisations agissent comme
des intermédiaires entre les « financeurs » (agences de
coopération, ONG du Nord, banques, etc.) et les demandeurs de
crédit, isolés ou organisés en petits groupes
professionnels. C'est ainsi que dans l'optique de répondre aux besoins
exprimés par les producteurs locaux, se sont créés l'APEM
à Madagascar, Start Up Fund en Afrique du Sud... Des millions de petits
producteurs ou commerçants dépendent de leur action. Le
problème de ces organisations est que leur coût d'intervention
étant élevé, elles doivent facturer leurs services au prix
coütant, ce qui entraîne une forte augmentation des taux
d'intérêt.
4 Les Banques de microcrédit.
Depuis quelques années, entraînées par
l'expérience de la Grameen Bank du Bangladesh, de grandes Fondations et
ONG du microcrédit de plusieurs pays d'Afrique sub-saharienne ont leur
propre banque. Limitées dans leur financement et souvent par des
règles administratives nationales, ces organisations, face à la
demande considérable de crédit émanant des petits
producteurs et commerçants du milieu informel mais aussi des petites et
moyennes entreprises naissantes ou en développement, ont instauré
des instruments financiers qui ont évolué vers la création
d'institutions financières formelles et de banques,
spécialisées dans le financement du microcrédit. A titre
d'exemple la Banque K-REP et la JAMII BORA du Kenya qui gèrent chacun un
portefeuille de microcrédit supérieur à 10 millions de
dollars américains et qui figurent sur la liste des institutions
financières de proximité, avant-gardistes et
résolument engagées dans la lutte contre la
pauvreté(1) . Par ailleurs, les professionnels du
microcrédit se sont dotés des instruments financiers et des
banques nécessaires pour bénéficier des lignes de
crédit accordées par les Banques internationales de
développement ou les Agences bilatérales de
coopération.
Une étude menée dans 17 pays d'Afrique
subsahariens par le PNUD et la Banque mondiale a permis d'identifier 98
établissements de micro financement et de financement rural. La
moitié des entités ainsi recensées sont des organisations
non gouvernementales qui fournissent des services financiers de petite
échelle, un tiers sont des associations d'épargne et de
crédit, le reste se compose de banques et autres institutions
financières qui octroient de petits prêts. Par ailleurs,
d'après un document d'information sur les associations de crédit
africaines récemment publié par Afrique Relance, le nombre
officiel de membres des mutuelles affiliées à l'Association des
coopératives d'épargne et de crédit d'Afrique ( ACECA )
est passé de 1,6 million en 1984 à 5,6 en 1994. Le Kenya en
compte à lui seul 1,3 million, dont l'épargne atteint au total
presque 338 millions de dollars.
Mais pour favoriser l'essor du microcrédit en Afrique,
il est nécessaire de mieux encadrer ce système. En effet suite au
sommet du microcrédit de Washington de 1997, les représentants
africains ont déploré que ce dernier se soit surtout
intéressé au succès du Microcrédit en Asie et en
Amérique Latine. La représentante de la « Women`s world
Banking du Ghana » avait alors déclaré : « On n'a pas
du tout prêté attention à l'Afrique ». Dans le but par
conséquent de pallier à ce manque d'intérêt de la
communauté internationale et d'améliorer la gestion de la
microfinance sur le continent africain, divers forums se sont mis en place et
aujourd'hui le système de microcrédit africain semble susciter un
intérêt certain de la part de l'Occident. Ainsi, le rapport 2006
sur la campagne du microcrédit fait état des résultats
atteints par la communauté internationale. En date du 31 décembre
2005, 31333 institutions de microcrédit ont par exemple affirmé
desservir 113 261 390 clients ayant un prêt en cours, dont 81 949 036
(1) Lambert MIMPIYA Akan, « la microfinance
éradique- t- elle la pauvreté ? » In Congo Afrique
n°428 octobre 2008, p 666
étaient considérés comme faisant partie
des plus pauvres lorsqu'ils ont contracté leur premier emprunt. Selon ce
rapport, depuis 1997 le microcrédit a connu une évolution
indéniable, et cela est notamment valable pour l'Afrique sub-saharienne.
En effet, étant donné que l'Afrique est la seule région du
monde où l'on prévoit une aggravation de la pauvreté, il y
a là une solide raison d'accorder une attention particulière aux
familles les plus démunies de ce continent. Cependant dans ce contexte
il est aussi essentiel d'analyser le rôle des gouvernements africains
dans le développement du microcrédit.
C'est à titre d'exemple dans cette optique que le 8
avril 2005 les dirigeants de 20 pays africains se sont rassemblés
à Cotonou pour discuter des défis posés par le
microcrédit en Afrique. Ministres des finances et gouverneurs de Banques
centrales ont donc examiné avec les responsables des institutions de
microfinance, partenaires au développement et investisseurs
privés, les conditions qui permettront au continent africain, à
travers son secteur de la microfinance, de réaliser les objectifs
assignés par les Nations-Unies pour l'édification d'ici 2015 d'un
secteur financier accessible au plus grand nombre. Les gouvernements africains
commencent donc à s'intéresser aux opportunités de
développement qu'offre le microcrédit. Prenons l'exemple du
gouvernement burkinabé qui à Ouagadougou a décidé
de mettre en place une stratégie avec les partenaires techniques et
financiers permettant de généraliser l'accès des
burkinabés (surtout les plus démunis) à un système
financier ouvert. Ce plan d'action de la stratégie nationale de
microfinance est à hauteur de 12, 555 milliards de nos francs et
s'articule autour de cinq axes principaux : il s'agit d'aménager le
cadre légal, réglementaire et fiscal ; renforcer les
capacités de gestion des institutions de microfinance ;
développer et diversifier les services financiers ; et enfin
professionnaliser les institutions et améliorer leur système
d'information et de communication en vue de favoriser l'intégration du
secteur au système global. Il y a ainsi une réelle volonté
de ce gouvernement de faire de la microfinance « un puissant
système alternatif d'intermédiation financière capable de
toucher les plus défavorisés ». Selon le Directeur
Général du Trésor Public et de la Comptabilité,
Lucien Marie Noël Bembamba, le plan d'action vise à lever les
contraintes auxquelles fait face le secteur. Il s'agit de pallier au faible
taux de couverture et de gouvernance au sein de ces institutions et ce, pour
permettre à la microfinance de jouer pleinement son
rôle d'outil de lutte contre la pauvreté.
2.6.3. En RDC
D'après MPANZU Balomba1 l`histoire de la
microfinance en République Démocratique du Congo se subdivise en
trois périodes, à savoir :
· De la période coloniale à 1970 ;
· De 1970 à 1990 ;
· De 1990 à nos jours
De la période coloniale à 1970
Par le décret du 24 mars 1956, le législateur a
organisé la création et le fonctionnement des «
sociétés coopératives indigènes » dont l`objet
social était de promouvoir, par la mise en oeuvre des principes de la
coopération, les intérêts économiques et sociaux de
leurs membres exclusivement.
Toutes les sociétés de type coopératif, y
compris les coopératives d`épargne et de crédit ou COOPEC,
étaient assujetties à cette loi et placées sous la tutelle
du Gouverneur de province. A cette période, aucune structure
financière de proximité formelle d`initiative privée n`a
été agréée. Par contre, le pouvoir colonial a
créé la Caisse d`Epargne du Congo (CADECO), Institution de droit
public, afin de collecter les petites épargnes.
Après l`indépendance, en 1969
précisément, la première COOPEC congolaise, « la
Caisse Populaire Coopérative » fut créée à
Mbuji-Mayi (Province du Kassaï Oriental) mais son expérience ne
fût pas concluante faute de cadres compétents.
1 MPANZU Balomba, Microfinance en République
Démocratique du Congo : cas du site maraicher de Ndjili/ CECOMAF
à Kinshasa, DES en Economie et Sociologie rurale de la
Faculté Universitaire de Gembloux (FUSAGx) et UCL, 2004-2005, P
23-24.
De 1970 a 1990
Cette période est caractérisée par
l`émergence des coopératives d`épargne et de crédit
(COOPEC), en raison notamment de l`accessibilité des services offerts
aux membres et de leur implantation dans les milieux les plus reculés du
pays dépourvus de banques. Toutefois, faute d`un cadre légal
spécifique, ces dernières continueront à se conformer aux
dispositions du décret de 1956 et de ce fait seront désormais
placées sous la tutelle du Ministère du Développement
Rural.
Le mouvement coopératif congolais se développa
donc autour de trois foyers principaux notamment Bansankusu (Equateur) en 1970,
Bukavu (Kivu) et Kinshasa en 1971 avec la création du réseau
« Fédération des Caisses Populaires de Crédit
LUYMAS/CBCO ». Dès ce moment, le mouvement s`est répandu sur
tout le territoire national et plus sensiblement à Kinshasa, dans les
provinces du Bas-Congo, du Bandundu et du Kivu.
La structure des COOPEC congolaises est
caractérisée par une organisation à trois niveaux, le
niveau primaire (COOPEC), le niveau secondaire (Centrale) et le niveau
tertiaire (Union ou Fédération).
Les COOPEC se chargent de la mobilisation et de l`octroi des
crédits aux membres. Les centrales regroupent plusieurs COOPEC dont
elles assurent entre autres la cohésion. L`Union a plusieurs missions
dont celle de représentation et de coordination des activités du
réseau.
En 1987, les coopératives détenaient
l`équivalent de 7% de l`épargne du secteur bancaire. Elles
étaient pour la plupart affiliées à des centrales
provinciales regroupées à leur tour au niveau national en une
Union des Coopératives Centrales d`Epargne et de Crédit «
UCCEC ». En 1989, l`UCCEC supervisait cinq réseaux
provinciaux totalisant 145 coopératives primaires, 274.389
membres et 4,9 millions de dollars américains d`épargne (Lebughe
M. et al, 2003)(1).
De 1990 a nos jours
Depuis 1991, le contexte socio-économique et politique
difficile caractérisé notamment par les pillages,
l`hyperinflation, la prise des mesures monétaires incohérentes et
l`instabilité politique, a contribué à fragiliser le
système financier en RDC et particulièrement les COOPEC.
Ainsi, les coopératives ont perdu, entre 1991 et 1993,
près de 80 % de leur clientèle et 66 % des fonds placés
dans les banques de dépôt, justifiant ainsi le climat de
méfiance des membres envers ce mouvement (Lebughe M. et al,
2003)(2).
La plupart des COOPEC se sont regroupées en 15
centrales et ont adhéré à des structures
faîtières de 3ème niveau, à savoir
l`Union des Coopératives Centrales d`Epargne et de Crédit (UCCEC)
et la Confédération Nationale des Coopératives d`Epargne
et de Crédit (CONACEC).
Les Institutions de microfinance autres que les COOPEC, se
sont développées en RDC dans les années 1990, dans le
secteur informel. Elles sont l`oeuvre, dans la quasi majorité des cas,
des Organisations Non Gouvernementales « ONG » et des initiatives
locales de Développement.
Avec la crise économique qui sévit en
République Démocratique du Congo depuis plus d`une
décennie et qui a laissé des séquelles sur le
système financier (caractérisé par - la faillite des
banques commerciales contrôlées par l`Etat et l`essoufflement de
celles à capitaux privés ; - la réduction significative
des activités des institutions financières non bancaires ; - le
ralentissement sensible de l`activité des
(1) LEBUGH N., NDOBA E. et GERE K, Systèmes financiers
décentralisés en Afrique de l`Est. Cas de la RDC cité par
MPANZU BALOMBA, Op. Cit, p.24, 2003
(2) MPANZU BALOMBA, Op. Cit, p.24, 2003
COOPEC en matière de collecte de l`épargne et de
distribution de crédit), la nécessité de promouvoir des
structures alternatives de financement capables d`assurer la mobilisation de la
petite épargne, d`octroyer du crédit en milieu rural et milieux
urbains défavorisés, et de créer des conditions d`une
insertion progressive du secteur informel de l`économie moderne se fit
sentir.
En plus, de nombreux ménages, confrontés au
problème de pauvreté, ont entrepris des activités
nouvelles capables de générer des revenus et à concevoir
des microprojets en quête de micro financements. En réponse
à ces attentes, on a assisté à l`éclosion d`une
catégorie d`institutions chargées de mobiliser des ressources
tant internes qu`externes et capable d`octroyer des microcrédits. Elles
ont donc commencé à offrir des services financiers, de
crédit et/ou d`épargne, aux personnes les plus démunies ne
pouvant accéder aux avantages du système bancaire classique.
C'est ainsi que la Banque Centrale du Congo (BCC) se verra
confié par l'état congolais la tache d'encadrement institutionnel
des institutions de microfinance. En effet, le secteur de la microfinance
étant devenu un outil d`émancipation économique et
sociale, une Sous-Direction chargée de la microfinance a
été mise en place au mois de septembre 2000 au sein de la BCC.
Ainsi, les missions ci-après ont été assignées
à cette Sous- Direction :
> dresser le diagnostic du secteur et constituer une base de
données fiables et actualisées ;
> vérifier et contrôler la conformité des
opérations aux instructions réglementaires y relatives;
> s`assurer de la régularité de la gestion
interne et de la conformité des activités des organismes de
microfinance aux dispositions légales en la matière.
2.7. Conclusion partielle
À travers ce chapitre, nous avons effectué une
revue de littérature sur le microcrédit et aussi sur la
microfinance grâce aux théories qui selon Robinson cité par
Koveos et Cie., ont contribué au développement, et à la
croissance de la microfinance à
savoir: l'asymétrie d'information et la théorie
d'agence, les coûts de transaction, le système de gouvernance
préconisé par le Comité d'Echanges, de Réflexion et
d'Information sur les Systèmes d'Epargne- Crédit (CERISE).
En somme du slogan énoncé à l'occasion du
Sommet mondial du microcrédit en février 1997 à
Washington, l'importance et la reconnaissance du microcrédit comme
étant une nouvelle forme innovante s'accroissent jour en jour. Son
objectif, nous l'avons déjà souligné, est de permettre
à des personnes exclues du système bancaire d'accéder
à un crédit afin d'entreprendre une activité
génératrice de revenus et de réduire, par
conséquent, la pauvreté. Cette reconnaissance a été
doublement remarquée, d'une part, par l'adoption de l'année 2005
comme l'Année internationale du microcrédit et par le Sommet
global du microcrédit en 2006 à Halifax(1), et d'autre
part, par l'attribution du 13 octobre 2006 du prix Nobel de la paix au
professeur Mohamad Yunus(2) et à sa banque, la
Grameen Bank.
Mais cet engouement suscité par le sommet de Washington
soulève encore aujourd'hui beaucoup de réflexions sur la
réalité de l'efficacité du microcrédit quant au
rôle qui lui est confié. Ce mémoire de DEA en Sociologie
à l'Université de Lubumbashi, s'inscrit dans ce cadre. Car bien
que économiquement et socialement utile et séduisant, le
microcrédit dans le contexte de genre et de lutte contre la
pauvreté doit nous amener à vérifier si les prêts
(microcrédits) accordés aux femmes lushoise leur ont permis de
modifier positivement leurs situations socio-économiques.
(1) Ce Sommet s'est tenu du 12 au 15 novembre 2006 à
Halifax, Nouvelle-Écosse, au Canada.
(2) Professeur d'économie à l'université
Chittagong et fonctionnaire à la Banque Mondiale et au FMI. Il a fait
ses études de doctorat et son PHD aux Etats-Unis et a commencé
à enseigner l'économie à l'Université de Chittagong
en 1972. Le prix Nobel de la paix lui a été attribué et
à sa Banque, le 13 octobre 2006. Le président du comité
Nobel, Ole Danbolt Mjoes, a déclaré que « une paix
durable ne peut pas être obtenue sans qu'une partie importante de la
population trouve les moyens de sortir de la pauvreté ». Ce
prix contribue à la reconnaissance internationale du microcrédit
comme outil de lutte contre la pauvreté.
CHAPITRE III : LES MANIFESTATIONS DE LA PAUVRETE DE LA
FEMME LUSHOISE
3.1. Introduction
Dans ce chapitre, nous allons faire un aperçu
général sur la pauvreté, c'est-à-dire nous
aborderons les approches conceptuelles ainsi que les méthodes d'analyse
de la pauvreté avant de préciser celle que nous utiliserons dans
ce mémoire.
En effet, s'inscrivant dans le cadre de genre et lutte contre
la pauvreté à Lubumbashi, ce travail voudrait montrer que la
pauvreté affecte aussi bien les ménages dirigés par des
hommes que ceux dépendant économiquement d'une femme, en
dépit de la discrimination sociale que subissent, en
général, ces dernières en matière de revenus et
d'emplois.
Ce chapitre montre également qu'au delà de sexe
du chef de ménage, traité dans le sous point : « la
répartition sexospécifique du travail à Lubumbashi »,
le manque d'actifs sur le marché du travail est un facteur
déterminant de la pauvreté des ménages. Voilà
pourquoi le travail des femmes, bien que secondaire pour les uns, constitue
l'une des articulations majeures des stratégies de survie, en
particulier dans les ménages dont le chef est un homme ; une majeure
stratégie de lutte contre la pauvreté. C'est dans ce cadre que
nous aborderons la question du travail des femmes et la survie des
ménages.
3.2. Cadre d'analyse et de calcul de la
pauvreté
Si tout le monde prétend avoir une idée de ce
qu'est la pauvreté, notons cependant que cette notion fait encore
l'objet depuis des années de plusieurs réflexions et de plusieurs
approches. Dans ce cadre Mitonga souligne, Si dans le sens le plus large chacun
s'accorde à considéré la pauvreté comme un
état individuel où le
niveau de bien être est insuffisant et socialement
inacceptable, il n'en va pas de même en ce qui concerne les
modalités de son identification et de sa mesure(1).
L'analyse de la pauvreté est un bon moyen pour
apprécier l'ampleur de la crise que traverse l'économie mondiale,
car elle est un miroir qui nous renvoie l'image des sociétés
telles qu'elles sont et non telles qu'elles se prétendent être
grace à des discours idéologiques. Jean Jacques GOUGUET dit
même qu'on ne triche pas avec la pauvreté, car au delà de
tous les discours sur la capacité de nos sociétés modernes
à réaliser le bonheur du plus grand nombre, il faut bien se
rendre à l'évidence : la pauvreté subsiste au niveau
mondial, y compris dans le pays riches qui ont pourtant largement les moyens de
l'éliminer(2). Voila pourquoi nous pensons qu'il faut relire
le phénomène de la pauvreté en tenant compte des acteurs
locaux, c'est-à-dire des ONG et les pauvres eux-mêmes.
La réduction de la pauvreté est un objectif
majeur, mais l'influence d'un processus de croissance sur la résorption
de la pauvreté dépend aussi bien de l'accroissement des revenus
que de la distribution des revenus, autrement dit de l'ampleur des
inégalités.
On distingue généralement deux options
méthodologiques de la pauvreté. La première
qualifiée d'approche « selon les capacité »,
privilégie les aspects non monétaires de la pauvreté,
qu'elle envisage comme une privation de droits. C'est l'optique retenue par les
Nations-Unies dans le rapport mondial sur le développement humain (PNUD
2000). Les individus sont appréhendés comme les détenteurs
des droits élémentaires reflétés par leur
caractéristiques individuelles, tels que leur niveau de revenu, leur
état de santé général, leur niveau
d'éducation, etc. Ces droits caractérisent l'espace des
capacités individuelles, c'est-à-dire les facultés de
chacun à accéder à un certain niveau de bien être
mais également à augmenter les champs de possibilités.
(1) MITONGA Kabwebwe H, La pauvreté-
déterminant majeur et conséquence de l?épidémie du
VIH/SIDA dans une contrée frontalière en Afrique australe, cas
de la frontière de Kasumbalesa (RDC-Zambie), thèse de
doctorat en santéPublique, UNILU, 2009-2010, P.75
(2) GOUGUET J. J., L?éradication de la
pauvreté... Op Cit, P.116
Dans une telle perspective, la pauvreté peut alors se
mesurer directement par l'estimation des « fonctions de capacités
» de chaque individu (Ravalions, 1998)(1).
En fait, cette première approche a été
aussi développée par Amartya Sen(2) et a
amélioré la compréhension du phénomène de
pauvreté et celui de vulnérabilité. Selon cette approche,
la pauvreté se caractérise par « l'absence des
capacités fondamentales pour fonctionner », pour « être
et faire ». Cette approche sur les capacités réconcilie les
notions de pauvreté absolue et relative, puisque un manque relatif de
revenus et de biens peut conduire à un manque absolu des
capacités minimales. Le concept de « pauvreté humaine »
qui a été introduit par le PNUD dans son Rapport sur le
développement humain de 1997, ainsi que le concept de «
développement humain soutenable », sont basés sur cette
approche des « capacités » d'Amartya sen. Distincte de la
« pauvreté de revenu », mais néanmoins liée, la
« pauvreté humaine » fait référence à la
dénégation des opportunités et des choix pour
accéder à une vie tolérable. La pauvreté est vue
comme multidimensionnelle. De plus, la pauvreté est un
phénomène relatif : même dans un pays riche où la
pauvreté monétaire est moins fréquente, la pauvreté
monétaire relative peut engendrer une pauvreté absolue dans
certaine dimensions du développement humain telles que l'estime de soi
ou la capacité à trouver un emploi décent. Les causes de
la pauvreté et pas simplement ses symptômes.
Un index de pauvreté humain (IPH) a été
construit par le PNUD afin de mesurer la privation de développement
humain élémentaire, à travers l'absence de
capacités, comme une faible espérance de vie, le manque
d'éducation de base, le manque d'accès à l'eau potable et
aux soins de santé. Malgré les difficultés
inhérentes à une telle mesure, le développement de ce
nouvel indicateur sur la pauvreté est très utile pour
évaluer la situation actuelle et son évolution, mais il est
regrettable que l'IPH ne soit sexué.
(1) MITONGA Kabwebwe H, op Cit, p76
(2) SEN, A, un nouveau modèle économique :
développement, justice, liberté, Paris, Ed. Odile Jacob,
2000, p.112
La seconde approche méthodologique peut être
qualifiée d'approche « par l'utilité » (Banque Mondiale
2000). La pauvreté y est considérée essentiellement sous
son aspect monétaire et, face à l'impossibilité
d'évaluer directement l'utilité des agents, c'est le niveau des
dépenses de consommation qui est choisi pour mesurer le bien être
individuel. Cette approche suppose en fait implicitement que chaque individu
adopte un comportement maximisateur et que les biens consommés sont les
arguments principaux de leur fonction de-bien-être (Banque Mondial,
2000).
A ce sujet, parlant de l'Aggravation de la pauvreté en
République Démocratique du Congo, MPANZU Balomba, souligne que
sont considérés comme pauvres dans le pays les ménages qui
consacrent plus de 50% du budget de consommation à l'alimentation. Sur
cette base, une enquête budgets-ménages effectuée dans les
grandes villes en 1995 indique que la pauvreté frappe un peu plus de 80%
des populations urbaines en République Démocratique du Congo. Par
ailleurs, le PIB par habitant est passé de 96,8 dollars US en 1997
à 68,3 dollars en 2000, soit 0,19 $ par jour et par personne. Ce qui est
loin du seuil de 1 $ par jour préconisé au niveau international
(Ministère du Plan et de la reconstruction, 2002).
Le même rapport du Ministère du Plan et de la
Reconstruction affirme que les dépenses de santé sont
tombées de 0,8% du PNB en 1990 à 0,02% en 1998 contre une moyenne
de 1,8% du PNB pour l'Afrique sub-saharienne. Elles ont
représenté 0,3% des dépenses totales en 1998 contre 3,9%
en 1990. En conséquence, toutes les maladies jadis
éradiquées ont resurgi (trypanosomiase, lèpre, peste,
etc.). S'agissant des dépenses de l'éducation, elles se sont
maintenues à environ 0,1% du PNB entre 1990 et 1998, contre des moyennes
sub-saharienne et des pays en développement se chiffrant respectivement
à un peu moins de 5,0% et 3,0% du PNB en 1998. Le taux de scolarisation
(tous niveaux confondus) évalué à 39% en 1997 est
inférieur à la moyenne des pays en développement (59%) et
de l'Afrique sub-saharienne (44%). Malgré l'intervention des ONG's, des
confessions religieuses ainsi que la contribution croissante
des parents pour soutenir ce secteur, le système
éducatif connaît encore d'énorme difficultés
(Ministère du Plan et de la reconstruction, 2002).
La structure de consommation des ménages indique, selon
une enquête urbaine de l`INS en 1985 que la pauvreté frappe
indistinctement et à des degrés divers, toutes les classes
sociales. Près de 74% de ménages des cadres et plus de 80% de
ménages des employés sont pauvres. Toutes les deux
catégories sociales frisent l`indigence. Ces proportions, très
élevées, caractérisent bien la pauvreté en RDC, qui
en fait est un véritable phénomène de masse. Elle frappe
tout le territoire national aussi bien le milieu urbain que le milieu rural
(DSRP, 2002)(1).
Le concept de pauvreté de revenu ne permet pas
d'approfondir la relation entre le genre et la pauvreté : les mesures
quantitatives basées sur ce concept considèrent le ménage
comme une entité homogène, et supposent une répartition
équitable entre ses membres. Les promoteurs de la croissance pour lutter
contre la pauvreté veulent faire croire que les bénéfices
de la croissance se répandent automatiquement sur les ménages les
plus pauvres, ce qui est largement démenti par les faits. De même,
le concept de pauvreté de revenu laisse supposer que le
bénéfice d'un revenu est réparti également entre
les membres du ménage. C'est ignoré les conflits,
inégalités et relations de pouvoir bien réelles à
l'intérieur des ménages. Partout la loi, la tradition ou la
religion désigne l'homme comme chef de famille et lui attribue le
pouvoir de décision sur l'ensemble des biens et décisions
concernant le ménage. Mais, non seulement l'homme dispose le plus
souvent de la décision sur l'utilisation des ressources. Il ne les
utilise pas de la même manière : des études ont mis en
évidence les différences suivant que c'est l'homme ou la femme
qui dispose des ressources : contrairement à l'homme, la femme consacre
la plus grande part de ses ressources à la santé des enfants et
à une meilleure nutrition(2). Le concept de pauvreté
de revenu reproduit donc les carences des théories économiques
classiques qui assimilent le ménage à une unité
indivisible, avec une répartition égalitaire des ressources et
des
(1) MPANZU Balomba, Op. Cit, p.12-13
(2) UNICEF, rapport sur le progrès des femmes, 2000
capacités ; il est inapte à fournir une analyse et
une mesure de féminisation de la pauvreté.
Le concept de pauvreté de revenu ne permet pas
d'approfondir la relation entre le genre et la pauvreté : les mesures
quantitatives basées sur ce concept considèrent le ménage
comme une entité homogène, et supposent une répartition
équitable entre ses membres. Les promoteurs de la croissance pour lutter
contre la pauvreté veulent faire croire que les bénéfices
de la croissance se répandent automatiquement sur les ménages les
plus pauvres, ce qui est largement démenti par les faits. De même,
le concept de pauvreté de revenu laisse supposer que le
bénéfice d'un revenu est réparti également entre
les membres du ménage. C'est ignoré les conflits,
inégalités et relations de pouvoir bien réelles à
l'intérieur des ménages. Partout la loi, la tradition ou la
religion désigne l'homme comme chef de famille et lui attribue le
pouvoir de décision sur l'ensemble des biens et décisions
concernant le ménage. Mais, non seulement l'homme dispose le plus
souvent de la décision sur l'utilisation des ressources. Il ne les
utilise pas de la même manière : des études ont mis en
évidence les différences suivant que c'est l'homme ou la femme
qui dispose des ressources : contrairement à l'homme, la femme consacre
la plus grande part de ses ressources à la santé des enfants et
à une meilleure nutrition(1). Le concept de pauvreté
de revenu reproduit donc les carences des théories économiques
classiques qui assimilent le ménage à une unité
indivisible, avec une répartition égalitaire des ressources et
des capacités, il est inapte à fournir une analyse et une mesure
de féminisation de la pauvreté.
Le concept de pauvreté humaine permet d'éclairer
la relation entre le genre et la pauvreté. Le ménage reste une
unité très importante pour l'analyse de la pauvreté, mais
il est décomposé pour permettre d'évaluer la
pauvreté et le bien être relatif de chacun de ses membres. Cette
approche met en évidence les inégalités entre les hommes
et les femmes concernant la privation d'éducation de base,
l'accès aux soins de santé, l'espérance de vie, ainsi que
les contraintes sociales pesant sur les
femmes, que ce soit dans le cadre, mais aussi hors du cadre du
ménage, les contraintes sur les castes les plus basses, les
minorités, etc.
A la question de savoir si les femmes sont plus pauvres que
les hommes, l'approche selon la perspective de la pauvreté humaine et
des capacités : d'une part permet de répondre, d'autre part
montre que les femmes sont effectivement plus pauvres dans la plupart des
sociétés, et dans la plupart des dimensions constituées
par les différentes capacités comme l'éducation et la
santé.
Les femmes et les filles, on l'a dit, sont très souvent
pénalisées dans l'allocation des ressources à
l'intérieur des ménages à cause du système
patriarcal, hérité de la tradition Judéo-
chrétienne. Il est plus difficile pour elles de transformer leurs
capacités en revenus ou bien-être. Dans toutes les cultures et
quel que soit le niveau de développement, les femmes assument le travail
non rémunéré de reproduction et de soins. Partout, leur
temps total d'activités payées et non payées est plus
important que celui des hommes(1). En moyenne, les femmes
travaillent plus. Malgré de grandes difficultés d'accès
aux crédits et à la formation, elles travaillent le plus souvent
dans le secteur informel, ces activités leur permettent de combiner leur
travail payé et celui non payé de reproduction. Le secteur
informel signifie aussi absence de protection sociale, d'assurance maladie et
de droit à la retraite. Les normes sociales peuvent les empêcher
de prendre un travail payé, ou les contraindre à une
mobilité réduite, les conséquences des guerres font que
les femmes et les enfants constituent la grande majorité dont des
réfugiés. Enfin les violences envers les femmes sont une
réalité dont on mesure de plus en plus l'ampleur à
l'échelle mondiale : le problème de la violence constitue un
handicap très lourd à l'autonomie et à la dignité
des femmes. Pour toutes ces raisons, les femmes voient leurs capacités
restreintes, et elles sont à la fois plus pauvres et plus
vulnérables à la pauvreté chronique.
La nouvelle conceptualisation de la pauvreté
basée sur les capacités permet donc de mettre en évidence
pourquoi et en quoi les femmes sont plus pauvres. Etant multidimensionnelle,
cette approche de la pauvreté est essentiellement une
méthode qualitative et montre comment les
méthodes strictement quantitatives reproduisent les liens sexistes (
cfr. la répartition des ressources
dans le ménage). L'analyse quantitative, toujours nécessaire,
doit être menée dans le cadre de cette approche qualitative, et en
référence avec ses différentes dimensions.
Ainsi l'examen des statistiques qui existent permet
d'appréhender la situation comparée des hommes et des femmes
concernant différents aspects de la pauvreté. Même si elles
sont encore insuffisantes, des données sexuées existent dans
beaucoup de pays, elles concernent les capacités reconnues
indispensables pour vaincre la pauvreté, comme l'alphabétisation,
l'accès à la scolarisation (primaire, secondaire,
supérieur), les salaires (à défaut de statistiques exactes
sur les revenus), l'espérance de vie, la santé, la
mortalité maternelle, l'anémie des femmes enceintes, la
malnutrition des enfants de moins de 5 ans, ~
Ces données sont éloquentes : les filles
représentent les 2/3 de l'ensemble des enfants non scolarisés
dans le monde, et les femmes 70% des adultes analphabètes (Cependant,
dans certains pays d'Europe et d'Amérique du Sud, la scolarisation des
filles est équivalente à celle des garçons dans
l'enseignement primaire et secondaire même plus forte dans l'enseignement
supérieur).
Les salaires des femmes varient suivant les pays entre 44 et
84% de ceux des hommes. 80 à 90% des familles sont des ménages
avec des femmes seules et des enfants (familles monoparentales).
L'espérance de vie est la seule dimension où les femmes
bénéficient normalement d'un avantage analysé comme
biologique et estimé à environ 5 ans. Mais dans la plupart des
pays, l'avantage réel est inférieur à 5 ans, ce qui
traduit le fait que les femmes n'ont pas accès aux soins au même
titre que les hommes. Dans certaines sociétés, l'espérance
de vie des femmes est même inférieure à celles des
hommes(1): - à cause d'une forte mortalité due
à la maternité - à chaque minute une femme meurt en
accouches par manque de soins ; - à cause de la malnutrition et du
manque de soins accordés aux filles et aux femmes, -
à cause de l'infanticide des filles, - et de la progression du Sida qui
touche de plus en plus les femmes.
Néanmoins, au vu des données disponibles, et
avec les réserves qui ont été présentées, on
comprend les sources de l'évaluation usuelle de 70% pour la
féminisation de la pauvreté : elle reprend les statistiques
concernant la non scolarisation des filles, l'analphabétisme des femmes,
leur manque d'accès aux ressources et aux soins, leur handicap
vis-à-vis des salaires, leur prépondérance dans les
ménages monoparentaux frappés par la pauvreté. Compte tenu
de ces diverses dimensions, l'évaluation de 70% représente un
ordre de grandeur cohérent.
Si l'on peut placer un mot sur l'évolution de la
pauvreté et la part des femmes dans la pauvreté, disons que
globalement à l'échelle mondiale, la pauvreté a à
peine évolué au cours de la dernière décennie :
1,28 milliard de personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour en 1990, on
est passé à 1,15 milliard en 1999(1). Où sont
les bienfaits annoncés de la mondialisation financière et du
libre échange ? Si la situation s'est améliorée en Asie de
l'Est, ou est restée à peu près stable en Amérique
latine et Caraïbes (sauf dans la dernière année où
elle s'est dégradée en Argentine), elle a subi une forte
régression en Afrique et en Europe centrale et orientale. La question de
la dette et les plans d'ajustement structurels imposés à ces pays
ont pesé lourd dans l'aggravation de leur situation à travers les
restrictions des dépenses publiques de santé, d'éducation
et de protection sociale. L'impact de ces politiques a particulièrement
touché les femmes : lorsque l'éducation est devenue payante, on a
observé dans de nombreux pays un recul de la scolarisation des petites
filles qui est considérée comme moins importante que celle des
garçons. L'aggravation des conditions de vie des femmes dans des
régions comme l'Afrique et l'Europe de l'Est, directement liée
à la mondialisation libérale, est une des causes du
développement de la traite des femmes et de leur prostitution. Les
inégalités entre les hommes et les femmes dans la vie
économique et le manque de participation des femmes aux décisions
constituent une des causes de la pauvreté chronique de tous les membres
d'un ménage. La pauvreté
(1) Chiffres PNUD, 2002
mondiale ne reculera que si on associe étroitement la
lutte contre les inégalités de genre à la lutte contre la
mondialisation libérale. L'objectif d'égalité entre les
sexes est une condition préalable à l'élimination de la
pauvreté mondiale.
L'analyse sur la pauvreté recouvre deux dimensions
essentielles. D'une part, elle suggère que l'on identifie le
bien-être des individus ou des ménages afin de déterminer
qui est pauvre. D'autre part, elle se rapporte à la façon
d'appréhender et d'évaluer l'importance relative de la
pauvreté au sein d'une population donnée. A cet égard,
dans les pays en développement, la méthode des coûts des
besoins de base est généralement utilisée pour
déterminer un niveau de vie de référence, appelé
seuil de pauvreté. Par ailleurs, l'identification du bien- être
des ménages implique que l'on ait recours à des outils d'analyse
permettant d'effectuer des ajustements liés à leur taille et
à leur composition.
En pratique le seuil minimal en deçà duquel un
individu peut être identifié comme pauvre ou non pauvre est
signifié par un panier pondéré des biens, valorisé
selon le système des prix en vigueur, et qualifié selon des
lignes de pauvreté.
La ligne de pauvreté peut être absolue
lorsqu'elle repose sur des critères universels tels que le besoin
nutritionnel minimum des individus, ou relative lorsqu'elle tient compte des
régularités de distribution au sein de la société
considérée, comme par exemple seuil de deux tiers de la
consommation moyenne par tête ajustée des ménages. Parfois,
un deuxième seuil correspondant à une ligne dite «
d'extrême pauvreté », est fixé au tiers de cette
consommation moyenne par tête ajustée. (Jean- Marc Montaud,
CDE).
Les données individuelles exhaustives sur des
populations sont rares, c'est pourquoi des indices composites de «
pauvreté » ou de défaveur sociale » ont
été construits à partir des différentes
unités géographiques. Leur intérêt a
été largement démontré comme mesure de
pauvreté / précarité, ainsi que pour leur relation avec
les
phénomènes de santé ou encore avec la
mortalité, les plus utilisés étant les indices
développés par Carstairs (Carstairs, 2000) et Townsend (Townsend,
1987).
Les mesures territoriales de la pauvreté ou de la
précarité peuvent être construites, soit à partir
des méthodes additives (somme pondérée des variables)
(carstairs, 2000 Townsend, 1991), soit par une approche multidimensionnelle de
données (analyse en composante principale), comme par exemple l'indice
de « défavorisation » développé par Pampalon et
al. (Pampalon2000). Certains de ces indices sont utilisés comme outil
pour la planification des accès aux soins et pour des
phénomènes de santé (Pampalon ,2000 ; Laurent, 2000).
La pauvreté est un phénomène complexe
à appréhender, nécessitant ainsi différentes
approches. Il est cependant devenu classique de distinguer trois principales
écoles de pensées sur la mesure de la pauvreté :
l'école Welfarist, l'école des besoins de base et l'école
des capacités. Ces trois écoles semblent être au moins
d'accord sur le points suivant (Asselin et dauphin, 2000) : est
considéré comme pauvre, toute personne qui n'atteint pas un
minimum de satisfaction raisonnable ». Ce qui le distingue, cependant,
c'est la nature et le niveau de ce minimum de satisfaction. Voyons
brièvement l'argumentaire de chacune de ces trois approches.
a) I 'éFRlI-IJIZ I-lI.tJ(frt
Selon welfarist la « chose » en question est bien
être économique.
Le concept du bien-être est approché à
celui de l'utilité. Il est définit comme le degré de
satisfaction atteint par l'individu par rapport au bien-être, ainsi que
les décisions relatives à l'action publique qui sont
fondées uniquement sur les préférences des individus. Le
classement de ces préférences pour les biens est
présenté par une fonction d'utilité dont la valeur est
censée résumer statistiquement le bien-être d'une personne.
Ainsi considérées, les utilités forment alors la base des
préférences sociales y compris des comparaisons de
pauvreté.
La théorie du bien-être sert de
référence à l'analyse de la pauvreté
monétaire. Du fait de l'impossibilité de mesurer les
utilités, elle s'appuie sur l'utilisation du revenu(ou de la
consommation) comme mesure du bien-être. En d'autres termes, si les
individus partagent les mêmes préférences et donc ont la
même fonction d'utilité non observable et s'ils font face au
même système de prix, le classement par revenu sera le même
que le classement par utilités à travers un des pré-ordres
identiques (S. Marniesse, 1999).
L'école Welfarist souligne l'importance d'un
accroissement des revenus, à travers une augmentation de
productivité et de l'emploi comme stratégie de lutte contre la
pauvreté.
b) IJ,FRl-IJG-s besoins de base
Pour l'approche des besoins de base, la « chose manquante
» dans la vie des pauvres est un sous-ensemble de biens et services
spécifiquement identifiés et perçus comme universels,
communs aux hommes de différentes cultures et civilisations. Cette
pauvreté des « conditions de vie » ou « pauvreté
d'existence », traduit une situation de manque dans le domaine relatif
à l'alimentation, à la santé, à l'éducation,
au logement, etc. Cette approche de la pauvreté réclame d'une
vision humaniste qui dépasse l'économie pour en appeler à
la morale et à un développement de l'homme dans toutes ses
dimensions (Destremau et Salama,2002).
Un des principaux problèmes auxquels est
confrontée cette approche, est la détermination de ces besoins
essentiels qui peuvent varier d'un individu à l'autre selon l'age et le
sexe. Cette approche privilégie les politiques orientées vers la
satisfaction des besoins essentiels dans la lutte contre la pauvreté.
b) L'école des
capacités
Pour cette école, la chose qui manque n'est ni
l'utilité ni la satisfaction des besoins de base, mais des
habilités ou capacités humaines. Cette approche qui
découle des travaux de Sen, prix Nobel d'économie en 1988 (prix
Nobel des pauvres selon la presse britannique), se démarque en termes
des besoins fondamentaux et s'inscrit dans le champ d'une réflexion sur
la justice sociale, l'égalité et les inégalités.
Les trois principales composantes de cette approche sont « les
commodités », les « fonctionnements » et les «
capabilités ».
Les commodités correspondent à l'ensemble des
biens et services et possèdent la caractéristique de rendre
possibles les « fonctionnements ». Ces derniers prennent en compte
les accomplissements des individus, c'est-à-dire ce qu'ils « sont
» et ce qu'ils « font » avec leurs ressources. La
«capabilité» corresponde à l'ensemble des
opportunités qui se présentent à une personne et parmi
lesquelles elle peut choisir : ce sont les diverses combinaisons de
fonctionnement qu'une personne peut réaliser. Ainsi, cette approche
permet d'aborder la pauvreté en la considérant comme le
résultat d'une incapacité à saisir les opportunités
qui se présentent en raison d'un manque de capacité
résultant d'une santé déficiente, d'une éducation
insuffisante, de déséquilibres nutritionnels, etc.
La stratégie de lutte contre la pauvreté
étudiée dans ce travail porterait évidemment ici sur le
renforcement des capacités humaines de la femme lushoise.
On utilise, pour évaluer la pauvreté, l'indice
de pauvreté qui rapporte le nombre de pauvres à l'ensemble de la
population, et l'indice volumétrique de pauvreté, qui se mesure
par le transfert de ressources qu'il faudrait opérer pour la même,
disparaitre la pauvreté.
forme d'une capacité monétaire de consommation.
Il s'agit de déterminer quel est le niveau monétaire de
consommation qui puisse être considéré comme minimale ou,
plus exactement, quelle est la limite du pouvoir d'achat qui permet de
satisfaire les besoins élémentaires de l'homme.
L'étude de Ravallion (1998) fait le point sur la notion
de la pauvreté absolue, au sens étroit en fonction des besoins
nutritionnels. Pour chaque individu, les capacités d'activité
sont fonction de la consommation alimentaire et de caractéristiques de
l'individu (age, emploi...), étant entendu que les emplois
requièrent plus au moins d'énergie selon qu'il s'agit de taches
physiques ou de bureau.
Le seuil de la pauvreté est défini comme la
consommation qui permet de maintenir un état de santé correct et
d'exécuter les taches professionnelles.
Les travaux empiriques s'accordent sur la nature de la
relation suivante : la consommation des calories est une fonction croissante
non linaire (concave) de la dépense alimentaire. On peut estimer au
moyen d'une régression cette relation ou, plus simplement
considérer des ensembles homogènes de ménage (même
activité, même système de prix) et les classer selon la
dépense alimentaire et la consommation de calories par adulte.
En fonction d'une consommation minimale donnée des
calories, on en déduit la valeur monétaire de la consommation qui
garantit la satisfaction des besoins nutritionnels de base. Comme les
enquêtes sur les budgets indiquent à la fois la consommation
alimentaire et la consommation totale on connait en même temps la
dépense totale correspondant au seuil de pauvreté.
Pour appliquer cette définition de seuil de
pauvreté, il faut estimer empiriquement la relation entre dépense
alimentaire(ou dépense totale) et consommation de calories. Si l'on fixe
un seuil minimal de calorie (2450 calories par adulte, par exemple chiffre
retenu selon la norme OSM) et dès lors, connaissant la
relation entre dépense alimentaire et consommation de
calories, on en déduit le montant de dépense alimentaire de
calories « food-energy initake » est connue depuis longtemps (avec
Dandekar et Rath, 1971) et a été appliquée à de
nombreux pays singulièrement en Afrique.
Plusieurs avantages justifient cette méthode. D'abord,
d'après les nutritionnistes, toute personne qui consomme un certain
nombre de calories par jour est quasiment assurée que ses besoins en
protéines, vitamines et autres nutritifs figurent parmi les
données assez fiables que l'on collecte dans les enquetes sur budgets
des familles.
La méthode de détermination du seuil de
pauvreté appliquée dans cette analyse part toujours du principe
du besoin minimum de consommation énergétique dont la norme a
été fixée par l'OMS à 2450 kcal/j/tête.
Le calcul du seuil de pauvreté se fonde sur, d'une
part, la norme de l'OMS, qui fixe à 2450 Kilocalories le besoin
énergétique journal d'un individu d'age adulte bien portant et
d'autre part, la consommation en équivalent riz( 3500 Kilocalories par
Kg) qui peut lui apporter une telle énergie. La valeur monétaire
de la consommation minimale nécessaire est majorée de sa
moitié pour tenir compte de l'ensemble des consommations non
alimentaires.
Ainsi la dépense minimale (Dm) annuelle par tête qui
est le niveau du seuil de pauvreté est obtenu par la formule :
Dm= 1,5X(2450/3500) X P X 7 jours] X 52
semaines
(Où P est le prix annuel moyen du kg de
riz).
Cette formule peut aussi s'écrire comme ci-dessous :
Seuil=1,5(
Quelle que soit la méthode d'estimation du seuil,
celui-ci est à son tour utilisé dans la construction d'un
ensemble d'indicateurs de mesure de pauvreté, suivant la formule
générale (Foster-Greer-Thorbecke [1984]) :
Où :
S est le seuil de pauvreté
N est la population totale
n est le nombre de pauvres
a est le degré d'aversion pour la pauvreté, a
|
|
Le seuil de pauvreté représente le niveau de
consommation au-dessous duquel nous considérons que les individus sont
pauvres. Le seuil est exprimé sous la forme d'une capacité
monétaire de consommation. Pour cette raison toutes les consommations
des individus ont été valorisées ; il s'agit de
déterminer le niveau monétaire de consommation qui puisse
être considéré comme minimal ou, plus exactement, quelle
est la limite du pouvoir d'achat qui permet de satisfaire les besoins
élémentaires de l'homme. Une telle définition, pour
absolue qu'elle puisse paraître, se révèle relative
à l'usage.
Il est en effet possible de déterminer avec assez de
précision pour un individu donné, ses besoins nutritionnels
tirés sous forme de calories consommées quotidiennement et des
divers nutriments essentiels tirés de son alimentation.
La conversion de ces besoins sous forme monétaire
s'avère plus délicate. Quant à déterminer
l'équivalent monétaire de l'apport minimal d'éducation ou
de santé nécessaire à chaque être humain, cela nous
amènerait à poser de savantes équations qui devraient
intégrer des composantes culturelles, les apports de l'Etat, les
consommations, les capacités individuelles et beaucoup d'autres
variables encore.
Tableau: indicateur et mesure de la
pauvreté
|
P
|
Indicateur
|
Mesure
|
0
|
|
Incidence de pauvreté
|
La proportion de pauvres
|
1
|
|
Profondeur de la pauvreté
|
La distance au seuil de
pauvreté. Le revenu supplémentaire par pauvre
pour atteindre le seuil de pauvreté sera PIS. Le pauvre dispose de
(1-P1) S
|
|
2
|
Sévérité de la pauvreté
|
La moyenne des carrés
des écarts des pauvretés, écarts
exprimés en
proportion du seuil de pauvreté.
|
Source: Foster-Greer-Thorbecke (1984), A class of decomposable
poverty measures. Econometrica, Vol 52. Pp 761-766
L'indice Sen (M-F Jarret, F-R Mathieu (1998) est un indicateur
composite de ces Po (Po et P1) plus l»indice Ginl de distribution des bas
revenus (G) ;
Sen = Po (P1 + G(1-P1))=Po(P1+G-P1G)
On a donc choisi de s'appuyer sur un critère objectif
pour déterminer le seuil de pauvreté. Pour cela on a
déterminé le niveau de dépense au-dessus duquel la
population ne satisfait pas ses besoins alimentaires, soit 2450 kcal.
Pour satisfaire ces besoins alimentaires, MITONGA a choisi du
riz comme aliment pour constituer les 2450 Kcal requises pour une consommation
journalière. Il a justifié ce choix par une double
préoccupation : refléter et tenir compte des données
d'indices de prix à sa disposition.
Au-delà de toutes ces considérations
théoriques, force nous est de retenir ici que, la pauvreté est
une notion toute relative et assez complexe. Alors que dans l`Union
Européenne, on définit comme pauvre, toute personne dont le
revenu est inférieur à la moitié du revenu moyen de
l`ensemble de la population du pays considéré, beaucoup
d`organisations internationales de développement se basent sur la notion
de pauvreté
absolue, laquelle définit le pauvre comme étant
toute personne dont le revenu journalier ne dépasse pas un dollar
américain.
Se basant sur les déclarations des pauvres, la Banque
Mondiale (2000) propose la définition synthétique suivante :
« la pauvreté est un profond dénuement, un manque aigu de
bien-être. Etre pauvre, c`est avoir faim, ne pas avoir un toit, ne pas
avoir des vêtements décents, être malade et ne pas pouvoir
se faire soigner ; c`est être illettré et sans instruction. Les
personnes démunies sont particulièrement exposées à
des événements extérieurs qui échappent à
leur contrôle : maltraitées par les institutions et la
société, n`ont les moyens de se faire entendre, ni d`exercer une
influence quelconque »
En nous basant sur un des quatre niveaux de pauvreté
définis par l`OCDE, nous pouvons nous résumer en
considérant comme pauvre une personne privée de certains cinq
capitaux suivants: Le capital naturel (l`eau, la terre, les ressources
environnementales), le capital social (les liens de solidarités entre
membres d`un groupe social, l`accès aux institutions, ...), le capital
humain (les connaissances, l`aptitude au travail, la santé,...), le
capital physique (le patrimoine, l`accès aux infrastructures de base,
les moyens de productions,...) et le capital financier (l`épargne,
l`accès au crédit, assurances).
C`est donc de ces pauvres, des femmes de Lubumbashi, que la
microfinance tente de s`occuper dans le but les faire sortir de la situation
précaire dans laquelle ils se trouvent.
3.3. La répartition sexospécifique du
travail à Lubumbashi
Dans les régions de patriarcat strict d'Afrique et de
la République Démocratique du Congo, en général, et
de Lubumbashi en particulier, le confinement des femmes induit
généralement un faible taux d'activités féminines.
L'emploi dans la sphère publique représente un discrédit
social pour la femme comme pour sa famille,
surtout s'il s'agit d'un travail salarié fourni pour
autrui, « mwanamuke kani wa kwenda ku wayawaya na kutumikiya
wengine inje ya jamaa yake ». Dans ce même cadre, elle
est considérée, par des mentalités et pratiques
culturelles traditionnelles qui l'avilissent et l'infériorisent
toujours, comme une chèvre devant brouter l'herbe à coté
de la maison « mwanamuke iko sawa buzi anapasha kula mayani
karibu na nyumba». Ce qui revient à dire qu'elle ne
peut pas travailler hors du toit conjugal.
La femme congolaise joue un rôle très important
dans l'économie du pays, plus de 70% des femmes vivant surtout en milieu
rural travaillent dans le secteur agricole. Elles participent à tous les
travaux allant du nettoyage des champs jusqu'à la récolte en
passant par le labour, le semis et le sarclage, alors que les hommes se
limitent seulement à l'abattage de gros arbres. Ce sont encore les
femmes qui assurent elles-mêmes le transport des récoltes, leur
commercialisation ou leur transformation. La commercialisation des produits
agro- alimentaires est assurée à 80% par les
femmes(1). C'est grace à la femme rurale que les centres
urbains, comme Lubumbashi, sont approvisionnés en produits agricoles. En
ville, la pauvreté contraint souvent les femmes à travailler
à l'extérieur de leur domicile, mais toute augmentation des
ressources du ménage les incite ensuite à se retirer du
marché de la main d'oeuvre. Le travail dans le secteur public de
l'économie représente une exception à cette règle
en ceci qu'il constitue une source d'emploi acceptable pour les femmes
instruites. Par ailleurs, le rôle que jouent les femmes dans
l'activité économique réalisée à domicile,
même dans les ménages les mieux nantis, reste le plus souvent
invisible et moins valorisé, autant socialement que statistiquement. Il
est considéré comme un prolongement des taches domestiques
féminines, ce qui a deux conséquences. Premièrement, le
taux d'activités des femmes est extrêmement faible quand on le
calcule selon la définition restrictive de l'organisation internationale
du travail (OIT), car cette définition ne tient compte que des
activités effectuées en contrepartie d'une
rémunération ou d'un profit. Deuxièmement, le travail
rémunéré des femmes et la pauvreté des
ménages sont fortement corrélés.
(1) Programme national de promotion de la femme
congolaise, septembre 1999, p.10
L'analyse de quelques statistiques de la République
Démocratique du Congo nous permettra d'illustrer cette
corrélation et de souligner certaines contraintes qui limitent la
contribution des femmes, selon le principe d'égalité entre les
hommes et les femmes. L'article 14 de la constitution de la République
démocratique du Congo stipule ; ( la femme a droit à
une représentation équitable au sein des institutions nationales,
provinciales et locales. L'Etat garantit la mise en oeuvre progressive de la
parité homme-femme dans lesdites institutions ». A
l'occasion de la journée internationale de la femme le 8 mars 2010,
l'observatoire de la parité a dressé un bilan à travers un
rapport biennal de l'état de la mise en oeuvre progressive de la
parité homme-femme dans les institutions nationales, provinciales et
locales. Ce triste bilan se présente de la manière suivante : -
pouvoir exécutif national, le pourcentage de la femme dans le premier
gouvernement national issu des élections générales de 2006
était de 10,9%, ce qui est évidemment un score très
faible. Le remaniement ministériel de fin février 2010 n'a
malheureusement pas amélioré la situation puisque s'il a
réduit le nombre de ministres de 54 à 43, il a également
fait passer le nombre déjà faible de 6 femmes ministres et
vice-ministres à 5. Au pouvoir législatif, 8,6% des femmes
députés et 5,5% de femmes au sénat. Dans l'exécutif
provincial, aucune femme Gouverneur, aucune femme vice-gouverneur de province.
Au niveau des gouvernements Provinciaux 20 femmes ministres sur 110, pour
l'ensemble de provinces, au Katanga 10%. Au niveau des assemblées
provinciales, le pourcentage de la représentation des femmes est encore
très faible, Maniema 0%, Kinshasa 18,7%, nord Kivu 2,3%, Equateur 2,7%,
Katanga 14,7%.(1) Au niveau de l'administration territoriale au
Katanga, la présence de femmes désignées dans les
fonctions de responsabilité en tant que Maire 50%, Commissaire de
district 50%, Bourgmestre 15,4%, Administrateur du territoire 0%, Chefs de
Division provinciale 2,27% et responsables d'entreprises publiques 16,67%. Au
niveau de l'armée et de la police au Katanga du Général au
Colonel 0% des femmes, Lieutenants colonels 20%, Majors 5%, Capitaines 29,4%,
Lieutenants 40%.(2)
(1) Observateur Kongo en ligne
(2) Division Provinciale Genre, femme et enfant, 3 novembre 2008
(table ronde sur la politique Genre au Katanga
Dans le même ordre d'idée, Ernest WAMBA DIA WAMBA
écrit, « aujourd'hui, on ne voit pas que la politique de l'Etat de
la 3e République s'inscrit dans la promotion de
l'égalité ou encore moins de la parité entre homme et
femme. Sur 60 membres du gouvernement, il n'y a que 10 femmes et sur 608
membres du parlement, il y a au moins 43 femmes.(1) Pour sa part
Christine KAMBA MUKUNDI, analysant les retombées du dialogue inter
congolais à travers les institutions de la transition, note que sur 35
ministres, 5 sont des femmes et sur 25 vice-ministres, une seule est une femme
; sur 4 vice-présidents, aucune femme ; sur 114 sénateurs, 5 sont
femmes. Ce qui amène à une moyenne de 9,5% de la
représentation des femmes au gouvernement de transition. Elle est
finalement arrivée à la conclusion qu'en RD Congo, un homme vaut
9 femmes, en d'autres termes il faut 9 femmes pour réaliser ce que
ferait un homme(2). Un raisonnement certes très dur mais qui
traduit quand même une conception discriminatoire à l'égard
de la femme. « Hakili ya bibi iko sawa ya mutoto kidogo
», en comparant l'intelligence de la femme à celle
d'un petit enfant, on n'est pas en train de vouloir soutenir que la femme est 9
fois moins que l'homme ? « Kolia na mwasi kolia na doki
» qui signifie manger avec une femme c'est manger avec un
sorcier, ne dénote --il pas le refus de l'homme d'associer la femme aux
affaires ?
En plus de restrictions préalablement
mentionnées qui entravent la plupart des femmes, un autre facteur
explique la corrélation très forte que l'on constate entre la
pauvreté des ménages et le travail féminin : les femmes
pauvres sont encore plus mal payées que les hommes pauvres. Leurs gains
servent à combler certains des besoins fondamentaux de la famille mais
ne suffisent pas pour la faire sortir de la pauvreté, surtout quand elle
ne compte aucun homme gagnant un revenu.
En général, les recherches effectuées
dans les zones urbaines de l'Afrique subsaharienne montrent que les femmes
travaillent plutôt dans l'économie informelle que dans
l'économie formelle et, dans cette sphère informelle,
plutôt comme travailleuses autonomes que comme employées. A
l'inverse, des hommes sont plus
(1) Ernest WAMBA DIA WAMBA, La parité homme-Femme, en
RDC, comme spécificité de la 3e
République, Kinshasa, le 28 juillet 2007, p.31
(2) htt://www.missions
africaines.net 09/11/2010
susceptibles d'occuper des postes dans le secteur public et des
emplois salariés dans le secteur formel, mais aussi informel.
Dans la plupart des régions de cette partie du monde,
l'instruction détermine en grande partie l'accès aux emplois non
agricoles mieux rémunérés. Elle s'avère encore plus
déterminante dans le secteur formel que dans le secteur informel, et
plus dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Pour les hommes comme
pour les femmes, elle accroit les chances d'accéder aux emplois du
secteur public. Cependant, des études réalisées dans
plusieurs pays (Cote d'ivoire, Ghana, Guinée, Ouganda) montrent que,
à niveau d'instruction égal et quel que soit ce niveau les hommes
ont plus de chances d'obtenir un emploi dans le secteur public que les femmes-
et ils sont généralement mieux rémunérés
qu'elles. C'est dans le travail autonome, un secteur qui regroupe la plupart
des femmes, que l'impact de l'instruction est moins flagrant. Non seulement les
femmes ont moins de chances que les hommes d'accéder aux emplois du
secteur public dans ces régions mais, de plus elles sont très
nombreuses à avoir été licenciées lors des vagues
de suppressions de postes pratiquées dans le secteur public dans la
foulée des politiques d'ajustement structurel (PAS). Car elles
occupaient pour la plupart des postes peu qualifiés et mal
rémunérés, précisément le type d'emploi le
plus visé par ces compressions. Toutefois, il est probable que cette
observation s'applique uniquement dans le secteur formel car, beaucoup
d'analystes pensent que l'économie informelle urbaine africaine
rassemblait ceux et celles qui n'avaient pas réussi à trouver un
emploi formel mieux rémunéré et offrant de meilleures
possibilités d'avancement(1). C'est ainsi que les hommes et
les femmes des ménages pauvres, qui n'ont ni qualification, ni
instruction, ni capital, sont présents depuis toujours dans
l'économie informelle. Ils y accomplissent des taches très
diverses en contrepartie d'un revenu. Cette économie informelle non
seulement confère assez d'autonomie pour les femmes mais aussi leur
procurent une certaine flexibilité par rapport à leurs
responsabilités domestiques.
Les programmes de microcrédit s'adressant aux femmes
des ménages pauvres visent cette économie informelle de
façon à promouvoir les activités destinées au
marché, à accroître l'autonomie de celles-ci et à
contribuer à l'augmentation de leurs revenus pour lutter contre la
pauvreté.
3.4. Le travail des femmes et la survie des
ménages
Malgré ses immenses ressources naturelles, la
République Démocratique du Congo est l'un des pays les plus
pauvres du Monde. Les populations vivent dans des conditions économiques
et sanitaires déplorables. Près de 80% de la population
congolaise survivent à la limite de la dignité humaine, avec
moins de 1$ par personne par jour, moins de 20% ont accès
régulier à l'électricité(1) . La
pauvreté se manifeste par la malnutrition qui touche entre 30 et 50% des
femmes et des enfants. Au total, 1,6 millions de personnes sont en situation
d'insécurité alimentaire(2) .
Sur le marché du travail, la situation de chômage
ou d'emploi précaire touchait la majorité de la population active
en 2004. La part du travail informel est en constante augmentation et les
salaires sont dérisoires. Aux termes des négociations de
février 2004, un nouveau barème avait été
fixé à 208$ le traitement mensuel du dernier fonctionnaire de
l'Etat et à 2080$ celui du secrétaire général de
l'administration publique. Cependant, cette grille n'est toujours pas
appliquée(3). Un huissier touche 31.000 francs congolais
(environ 34,4$).
L'étude portant sur le comportement des ménages
en temps de crise peut nous aider à comprendre le lien entre la
pauvreté des ménages et le travail des femmes. L'enquete
menée en Tanzanie en 1998, à une époque de crise et de
réforme économique montre que ces deux phénomènes
conjugués ont provoqué une forte baisse des salaires réels
dans le secteur formel et ont incité la population, surtout les
(1) Daniel MUKOKO SAMBA, Conflits armés en RDC. Le
rôle des facteurs économiques et leçons pour la
reconstruction, PNUD, Kinshasa, 2004, P. 11
(2) BAFD/OCDE, Perspectives économiques en Afrique, 2005,
p. 209
(3) idem, p. 245
femmes, à se tourner vers les activités du
secteur informel pour gagner un revenu ou compléter leurs revenus
existants. Cette étude a constaté que 80% des femmes avaient mis
sur pied leur entreprise dans les cinq ans précédant
l'étude, contre 50% des hommes. Cet écart prouve que
l'accroissement de la part des femmes dans le revenu constituait bien une
réponse à la situation de crise. Par ailleurs, le nombre des
travailleurs autonomes vivant en ville a augmenté, passant de 7% dans
les années 1970 à plus de 60% au moment de l'enquete. Souvent, le
capital de démarrage leur était fourni par leur mari. Dans toute
la mesure du possible, les ménages maintenaient leurs liens avec le
secteur formel du marché de l'emploi, mais plutôt pour la
sécurité des revenus ainsi générés que pour
leur montant. Les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de
cumuler plusieurs types d'activités, le plus souvent la gestion d'une
petite entreprise et l'agriculture urbaine (généralement
pratiquée dans des lopins situés dans les zones
périphériques).
Dans une étude menée précédemment
par nous-mêmes (DIKASA Engondo) sur « la dépréciation
continue du zaïre monnaie et l'effritement de pouvoir d'achat du
fonctionnaire zaïrois. Cas de l'enseignant de l'université »,
nous avons eu a démontrer que face à une situation de crise due
à l'effritement du pouvoir d'achat à cause des
dépréciations continues de zaïre monnaie une situation de
défense ou de refus de mourir à amener les fonctionnaires et
leurs familles à multiplier les initiatives pour vivre et palier
à l'insuffisance de revenus. Dans cet article, on peut lire : . . .le
salaire du fonctionnaire congolais (ex Zairois) était et est encore,
jusqu'à nouvel ordre, bien en-deçà du cout de la vie et
envenime ses conditions sociales. Le fonctionnaire congolais s'épuise
dans ses travaux et ses diverses initiatives sans pour autant parvenir vraiment
à se prendre en charge. D'où le climat d'angoisse et
d'inquiétude dans lequel il vit au jour le jour quant à
l'obtention du minimum vital avec le pouvoir d'achat
précaire(1) . Pour être beaucoup plus précis sur
la position de la femme du fonctionnaire dans ce combat pour la survie, DIKASA
écrit encore, « - perplexe et impuissant dans le combat pour la
survie qu'il mène chaque jour, le fonctionnaire zaïrois (congolais)
confronté à
(1) DIKASA Engondo, la dépréciation
continue du zaïre monnaie et l?effritement du pouvoir d?achat du
fonctionnaire Zaïrois. Cas de l?enseignant de l?université. Essai
d?analyse des indices de décembre 1995 à mars 1997, In Les
Annales de l?Institut Supáieur de Statistique, N°6, Aout 1999,
p 67.
l'insuffisance de son salaire et l'amenuisement de son pouvoir
d'achat, se voit obligé de combiner plus d'un emploi.
Conséquences directes de ce cumul des fonctions : la
détérioration de la qualité du travail et de sa
santé, l'absentéisme, sinon les retards et les départs du
service avant l'heure et l'éducation des enfants au rabais au sein des
foyers où l'homme et la femme, en détresse, s'adonnent pour la
survie à des activités économiques
désordonnées ; - On assiste à la maximisation des
activités des spéculation où, pour vivre, tout le monde
devient commerçant. Pour la subsistance du foyer, le fonctionnaire
pratique des activités commerciales contrairement aux statuts qui le
régissent. En réalité, l'importance voire même la
recrudescence du secteur informel est essentiellement due à cet
état des choses. »(1)
En tout état de cause, le travail des femmes constitue
de toute évidence un facteur incontournable de la survie et de la
sécurité des ménages pauvres. Il s'avère en outre
indispensable pour que la famille puisse espérer sortir de la
pauvreté. Les femmes des ménages pauvres se consacrent à
toutes sortes d'activités qui génèrent des revenus ou
réduisent les dépenses. Dans certains cas, elles
complètent l'apport masculin ; dans d'autres, elles assument l'essentiel
ou l'intégralité des moyens d'existence du ménage.
Cependant, les liens entre le travail
rémunéré des femmes et la pauvreté ne sont pas
uniformes. Ils dépendent notamment des particularismes
économiques locaux et du degré de patriarcat des structures
sociales. Dans les régions qui pratiquent la réclusion
féminine, le fait qu'une femme occupe un emploi
rémunéré à l'extérieur de son domicile peut
constituer en soi un indice révélateur de la pauvreté qui
sévit dans son ménage. Dans d'autres régions, ce n'est pas
le fait que les femmes travaillent qui témoigne de la pauvreté,
mais plutôt le type de travail qu'elles (mais aussi les hommes)
accomplissent. La pauvreté féminine n'induit pas toujours et
partout aux mêmes types d'activités et d'emplois.
3.5. Conclusion partielle
Pour lutter contre la pauvreté à Lubumbashi, en
République Démocratique du Congo et dans le monde, il est
indispensable d'améliorer les possibilités économiques des
femmes mais aussi le rendement de leur travail. Les stratégies de
croissance économique reposant sur des projets à forte
intensité de maind'oeuvre et même d'accroissement des revenus ne
peuvent pas, à elles seules, concrétiser cet objectif. Si la
croissance économique ne s'accompagne pas de mesures concrètes
pour atténuer les contraintes qui restreignent les rendements du travail
féminin, les femmes des ménages à faible revenu resteront
dans l'incapacité de tirer profit des nouvelles possibilités
d'actions économiques suscitées par cette croissance. Pour
qu'elles aient accès à ces possibilités nouvelles, il faut
aussi diminuer leur charge de travail dans la sphère domestique. Pour
cela, il est nécessaire aussi de les appuyer dans l'éducation et
les soins des enfants et de promouvoir l'adoption de techniques
d'allègement du travail humain et des tâches domestiques
routinières. Il convient aussi de lutter contre la tendance à
croire que l'amélioration du bien-être du ménage passe par
l'accroissement de la capacité salariale du principal pourvoyeur,
à savoir l'homme chef de famille, car cette hypothèse de l'homme
principal pourvoyeur nuit depuis toujours à l'efficacité des
politiques de développement, y compris les mesures visant
précisément à réduire la pauvreté.
L'égalisation hommes-femmes des possibilités
économiques ainsi que l'accroissement des capacités d'actions
économiques et des capacités salariales des femmes qui en
résulterait constitueraient un moyen efficace pour lutter contre la
pauvreté et d'accroître les capacités humaines des hommes
et des femmes.
CHAPITRE IV : LA POLITIQUE DE L'AUTONOMISATION DE LA
FEMME A LUBUMBASHI
4.1. Introduction
La pauvreté se manifeste, on l'a déjà
souligné, par un dénuement matériel, mais ses causes
s'enracinent dans les relations de pouvoir qui déterminent la
répartition des ressources matérielles, financières et
symboliques les plus valorisées dans la société. Ces
relations placent les hommes, les femmes et les enfants pauvres en position de
subordination et de dépendance par rapport à ceux ou celles qui
possèdent un accès privilégié à ces
ressources. En plus de subir un dénuement matériel, les femmes
lushoises sont aussi dépourvues de pouvoir à cause des
contraintes socio culturelles et économiques qui restreignent les
rendements du travail féminin et même rendent difficile la
transformation de leurs capacités en revenus ou en bien-être.
C'est pourquoi, en tant que stratégie de lutte contre la
pauvreté, l'autonomisation des pauvres en général doit
évidemment accorder une place importante à l'autonomisation des
femmes pauvres.
Ce chapitre s'articule, outre l'introduction et la conclusion, en
trois points : - l'Approche conceptuelle et théorique de
l'autonomisation de la femme ;
- l'évolution des politiques d'autonomisation de la femme
dans le monde, en République Démocratique du Congo et au Katanga
; et
- La modélisation de l'autonomie de la femme lushoise.
4.2. Approche conceptuelle et théorique de
l'autonomisation de la femme
De prime abord, il convient de clarifier le sens du terme
« autonomisation » tel que nous l'entendons ici. Le pouvoir peut
être défini comme étant la capacité de
choisir(1). Pour sa part Jan PRONK définit l'autonomisation
comme le pouvoir de
(1) Naila KABEER, Op.Cit, p.212
contrôler sa propre vie, c'est-à-dire une sorte
de force et de confiance intérieures permettant d'affronter la vie, le
droit de faire des choix dans sa vie et d'influencer le changement
social(1). S'appuyant sur la notion de pauvreté humaine pour
introduire l'indicateur du développement humain (IDH), le Programme des
Nations Unies pour le Développement (PNUD) souligne que la
pauvreté humaine ne se définit pas par ce que l'on possède
ou ne possède pas, mais par les choix auxquels on a, ou non,
accès. L'IDH, par conséquent, n'est pas une mesure de la
prospérité, du bien-être ou du bonheur, mais une mesure de
l'autonomisation. Plusieurs termes décrivent le contraire de
l'autonomisation : l'assujettissement à une subordination, à une
dépendance. Dans tous les cas, ils renvoient à une privation de
choix. A l'inverse, l'autonomisation désigne les processus qui
confèrent la capacité de choix à des personnes qui en
étaient privées jusque-là. Autrement dit, l'autonomisation
suppose une évolution, un changement. Les personnes qui
bénéficient de nombreuses possibilités de choix peuvent en
retirer une grande puissance. On ne peut cependant pas dire qu'elles ont suivi
un parcours d'autonomisation si elles n'ont jamais été
privées de la capacité de choisir.
La notion de choix repose sur deux réalités :
1. Choisir une voie, cela suppose que l'on puisse en choisir
une autre, agir autrement. La pauvreté et le manque d'autonomie vont par
conséquent de pair. En effet, l'incapacité de combler ses propres
besoins fondamentaux entraîne la subordination par rapport à des
personnes possédant le pouvoir de les satisfaire. Elle élimine
donc la possibilité d'un véritable choix. Or, cette absence de
choix ne touche pas les hommes et les femmes de la même façon, car
les inégalités sexospécifiques aggravent en
général les impacts de la pauvreté.
2. Pour choisir véritablement, il faut donc disposer
de plusieurs possibilités d'action. Mais il faut aussi avoir conscience
de ces différentes possibilités d'action. Les relations de
pouvoir sont plus efficaces quand elles ne sont pas perçues comme
telles. Les prérogatives des hommes et des femmes, respectivement,
reposent souvent sur l'acceptation pleine et entière des relations de
pouvoir telles qu'elles
sont. Par exemple, les femmes peuvent accepter sans protester
la violence de leurs maris ou la répartition inéquitable des
ressources dans leur ménage parce que tout autre attitude est
inconcevable pour elles, impossible à entrevoir. Les comportements de ce
type peuvent être considérés comme des choix. En
réalité, ils témoignent au contraire d'une absence de
choix.
Toutes les possibilités de choix ne possèdent
pas une pertinence égale par rapport au pouvoir. En particulier,
certaines ont un impact plus grand que d'autres sur la vie quotidienne.
Plusieurs choix stratégiques jalonnent l'existence : où habiter ?
Se marier ou rester célibataire ? Le cas échéant, qui
épouse ? Ne pas avoir d'enfants ou fonder une famille ? Le cas
échéant, combien d'enfants avoir ? Qui sera chargé de les
éduquer ? Quelles activités entreprendre pour sa survie ? Quelle
liberté de mouvement et d'association maintenir ? Quelle liberté
maintenir dans l'affectation de ses propres ressources ? Ces choix
stratégiques induisent d'autres décisions qui peuvent influencer
sur la qualité de la vie, mais qui n'en fixent pas les paramètres
déterminants.
L'autonomie peut être analysée sous trois angles
connexes: les capacités réelles d'action ; les ressources et les
réalisations. Les capacités réelles d'action conditionnent
la mise en oeuvre des choix. A ce titre, elles constituent l'un des pivots du
processus d'autonomisation. Les ressources sont les outils qui permettent
d'exercer les capacités réelles d'action, pendant que les
réalisations sont les produits des capacités réelles
d'action telles qu'elles ont été mises en oeuvre. Nous allons
brièvement analyser chacune de ces trois dimensions et les relations
qu'elles entretiennent entre elles dans le contexte de l'autonomisation.
Capacités réelles d'action
Les capacités réelles d'action ou
capacités d'action recouvrent les actes observables dans l'exercice d'un
choix (prise de décision, protestations, négociations) ainsi que
les motivations, significations et intentions dont la personne investit son
action. Or, ces motivations et significations dépendent en grande partie
de la manière dont
cette personne est perçue par son entourage et par la
société dans laquelle elle vit. La notion de capacité
réelle d'action peut être teintée d'une connotation
positive ou négative.
· Dans le sens positif, la capacité d'action
correspond au pouvoir personnel d'agir, de définir sa propre vie y
compris contre l'avis d'autrui.
· Dans son sens négatif, la capacité
d'action correspond à l'emprise que certains acteurs peuvent avoir sur
d'autres et qui leur permet de court-circuiter leur volonté d'agir, par
exemple par l'autorité, la violence ou autre forme de coercition.
Ainsi que nous l'avons mentionné, le pouvoir est plus
efficace quand il élimine les possibilités de choix (et donc, les
capacités d'action) sans que les personnes sur lesquelles il exerce en
soient conscientes. Les institutions peuvent ainsi restreindre les choix
stratégiques des gens en éliminant certaines possibilités
d'action. Les normes culturelles ou idéologiques peuvent nier
l'existence des inégalités de pouvoir ou nier qu'elles sont
injustes. S'ils n'entrevoient pas d'autres possibilités d'actions ou si
celles-ci leur semblent assorties d'un coût personnel ou social trop
élevé, les groupes subordonnés ont
généralement tendance à accepter le sort que la
société leur réserve, voire à y adhérer.
Dans l'optique de l'autonomisation, les capacités
réelles d'action consistent non seulement à choisir activement,
mais à choisir d'une manière qui remette en cause les relations
de pouvoir. Comme les croyances, les convictions et les valeurs jouent un
rôle central dans la légitimation de l'inégalité, le
processus d'autonomisation est généralement centrifuge : il part
de l'intérieur de l'individu pour gagner graduellement son
environnement. Pour qu'il advienne, il faut d'abord que les personnes
concernées posent un regard différent sur elles-mêmes (leur
estime de soi) et sur leurs possibilités d'action.
Ressources
Les capacités réelles d'action ne s'exercent pas
dans l'abstrait : elles nécessitent la mobilisation de ressources- les
outils du pouvoir. La répartition de ces ressources est
déterminée par les institutions et par les relations qui
sous-tendent la société. Or, ainsi que nous l'avons vu au
chapitre 3, les institutions sont rarement égalitaires. Certains acteurs
bénéficient d'une position privilégiée dans
l'interprétation des normes, des conventions et des règles
institutionnelles mais aussi dans leur mise en application. Grâce
à la position qu'ils occupent, les chefs de famille, chefs de tribu,
directeurs d'entreprises, dirigeants d'organisations et autres élites de
la collectivité possèdent tous une autorité
décisionnelle dans certaines institutions. La répartition des
ressources dépend par conséquent de l'influence respective des
différents acteurs dans la définition des priorités et
dans le traitement des revendications.
Dans le processus d'autonomisation, les modalités
d'accès aux ressources sont tout aussi importantes que les ressources
elles-mêmes. Si l'accès au travail rémunéré
peut accroître les capacités d'action des femmes dans la
sphère familiale, c'est parce qu'il leur assure une source
indépendante de revenus et donc, qu'il leur procure une position de
repli stratégique plus favorable lors des négociations. Toutes
les conditions de ce travail rémunéré ont également
leur importance. Plus l'emploi est visible, plus ses rendements sont
élevés et plus il s'exerce en dehors des structures familiales
d'autorité - plus il est susceptible de renforcer la position de repli
stratégique de la femme.
Réalisations
Les ressources et les capacités réelles d'action
définissent les possibilités des gens, le potentiel dont ils
disposent pour mener l'existence à laquelle ils aspirent. Leurs
réalisations mesurent le degré de concrétisation de ce
potentiel. Elles constituent donc les fruits de leurs efforts. En ce qui
concerne l'autonomisation, les réalisations doivent être
examinées à l'aune des capacités d'action mises en oeuvre
mais aussi des conséquences de ces actions. Par exemple, les OMD
considèrent l'emploi salarié
comme un marqueur de l'autonomisation des femmes. Pour que
cette autonomisation soit réelle, il faut toutefois que la femme ait
accepté l'emploi salarié pour bénéficier de
possibilités d'action nouvelles ou pour stimuler son propre
développement et sa propre indépendance. Si elle entre sur le
marché du travail uniquement parce qu'elle a besoin d'argent de toute
urgence, il n'est pas sür que cet emploi témoigne d'une
véritable autonomisation. Par ailleurs, l'emploi salarié
contribue à l'autonomisation des femmes s'il leur permet
d'atténuer ou d'éliminer les liens de subordination qui les
assujettissent à leur entourage, pas s'il leur fournit simplement les
moyens de survie au jour le jour.
Les relations entre les capacités d'action, les
ressources et réalisations
Il faut donc établir une distinction nette et claire
entre les capacités d'action passive, qui s'exercent alors que la
personne n'a guère de choix, et les capacités d'action dynamique
ou active qui renvoient à un comportement délibéré.
L'accès aux ressources peut très souvent accroître les
capacités d'action dynamique des femmes. Il convient néanmoins de
distinguer l'efficacité des capacités d'action et leur pouvoir de
transformation. L'efficacité des capacités d'action renvoie aux
résultats que la femme est susceptible d'obtenir dans ses rôles et
responsabilités actuels. Le pouvoir de transformation des
capacités d'action renvoie aux possibilités qui s'offrent aux
femmes de repenser ces rôles et ces responsabilités, de les
remettre en cause et, le cas échéant, de les changer. Par
exemple, nous avons constaté que l'alphabétisation des femmes en
Inde entraîne souvent une réduction de la mortalité
infantile et enfantine. Ce recul de la mortalité résulte d'une
augmentation de l'efficacité des capacités d'action des femmes.
Par contre, la corrélation que nous avons constatée entre
l'alphabétisation des femmes et leur taux d'activité, d'une part,
et l'atténuation des disparités sexospécifiques dans le
taux de mortalité des enfants de 0 à 5 ans, d'autre part,
constitue plutôt un exemple du pouvoir transformateur des
capacités d'action féminine. Dans ce cas, en effet,
l'accroissement de leurs capacités a permis aux femmes d'aller à
contre- courant des valeurs patriarcales traditionnelles.
Le présent chapitre cherche essentiellement à
montrer le pouvoir transformateur des capacités d'action à
travers le microcrédit et les réalisations qui témoignent
d'un accroissement de la capacité des femmes pauvres lushoises à
analyser, contester et contrecarrer les structures patriarcales qui
contraignent leur existence et à lutter contre la pauvreté.
4.3. Evolution des politiques d'autonomisation de la
femme dans le monde, en RDC et au Katanga
L'analyse de la situation du genre en République
Démocratique Du Congo semble de nos jours faire ressortir la persistance
des inégalités et iniquités dans la perception, la
répartition, le contrôle et la gestion des ressources entre les
hommes et les femmes. Ces disparités se reconnaissent aussi dans
l'analyse des différences entre les sexes et les méthodes
d'établissement de cartes de risques et de vulnérabilités
au niveau de la conception de tous les programmes et projets de
développement concernés afin d'améliorer
l'efficacité de la gestion des risques liés aux catastrophes, en
faisant appel à la participation des femmes et des hommes sur un pied
d'égalité.
Ces disparités apparaissent également dans les
traitements que notre société réserve aux filles et aux
garçons, notamment dans l'accès à l'école surtout
en milieu rural, la représentation des hommes et des femmes dans les
instances décisionnelles. En effet, les inégalités entre
les hommes et les femmes constituent un frein à la promotion des droits
humains, à la réduction de la pauvreté, à la
croissance économique et au développement social durable alors
que la réalisation des objectifs de développement durable exige
la participation effective et égalitaire des hommes et des femmes et ce,
à tous les niveaux du processus de la création et de la
redistribution des richesses.
C'est pourquoi, la RDC qui a souscrit à la
déclaration Universelle des Droits de l'homme, à la charte
relative aux droits humains ainsi qu'à l'ensemble des engagements
internationaux qui visent à promouvoir une plus grande justice sociale
et l'égalité entre les hommes et les femmes partout et qui reste
très attachée à la
promotion et à la défense des droits humains et
à la lutte contre toutes formes de discriminations se doit de faire de
la question de l'égalité entre les femmes et les hommes une de
ses préoccupations telle que relevée dans la constitution de la
République Démocratique du Congo en son article 14 en rapport
avec la mise en oeuvre du principe de la parité Homme Femme.
A cet effet, la prise en compte des questions de genre
constituerait l'outil opérationnel pour la mise en oeuvre effective de
la stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la
pauvreté ainsi que pour soutenir efficacement la réalisation de
l'atteinte des Objectifs Millénaires du Développement (OMD).
L'élaboration, donc, du document de la Politique
Nationale Genre (PNG) a visé non seulement à
opérationnaliser les principes constitutionnels d'équité
et d'égalité entre les hommes et les femmes et de respect des
droits humains mais aussi à traduire dans les faits les engagements
nationaux et internationaux de l'Etat congolais en faveur de la promotion de
genre.
Plusieurs conférences régionales et mondiales
ont été organisées avec comme objectif de remodeler la
vision sur les conditions de vie des femmes, les relations de pouvoir entre les
hommes et les femmes et le respect équitable des droits humains dont les
droits des femmes sont une partie intégrante. Ces assises ont permis de
reconnaître le rôle crucial des femmes dans le développement
et la nécessité de leur participation effective et
équitable à la prise des décisions pour asseoir un
développement durable.
La charte des Nations Unies est devenue le premier instrument
international à instaurer le principe d'égalité entre les
hommes et les femmes. Ces droits ont commencé en 1945 par l'octroi aux
femmes de la possibilité de voter et d'être élues. En 1960,
la convention concernant la lutte contre les discriminations dans le domaine de
l'enseignement pose les jalons de l'égalité de chance pour les
femmes et les filles dans l'enseignement ; En 1974, la déclaration sur
la protection des femmes et des enfants en
période d'urgence et des conflits armés confirme
la nécessité de l'égalité entre les hommes et les
femmes ; En 1975, l'Assemblée Générale des Nations Unies
proclame l'année internationale de la femme et convoque la
première conférence mondiale sur la femme à Mexico. En
1979, la convention sur l'élimination de toutes formes des
discriminations à l'égard de la femme (CEDEF) dont la force
exécutoire à réclamer l'égalité de la femme
aussi bien dans les législations que dans les faits est adoptée.
En juillet 1985, s'est tenue à Nairobi au Kenya, la conférence
mondiale pour évaluer les résultats de la première
décennie de la femme décidée à Mexico en 1975
où il a été adopté les stratégies
prospectives d'action de Nairobi pour la promotion de la femme ; En 1995, la
conférence de Beijing sur l'évaluation de la 2e
décennie a abouti à l'élaboration du Plan d'Action en 12
domaines prioritaires ; les évaluations périodiques de Beijing +5
en 2000, de la CIPD+10 en 2004 et de Beijing +10 ont constaté le bilan
mitigé obtenu en matière d'équité et
d'égalité des sexes en raison notamment de l'inadéquation
des mécanismes nationaux mis en place et de l'insuffisance des
ressources allouées par les Etats et les donateurs au profit de
l'équité et de l'égalité de genre ; En 2000,
l'adoption des Objectifs du Millénaires pour le développement
(OMD) dont le 3e Objectif consacré à la promotion de
l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes est la preuve
de la détermination des dirigeants du monde à promouvoir
l'égalité entre les hommes et les femmes ; la Résolution
1325 du Conseil des Nations Unies incorpore une démarches
sexospécifiques dans toutes les opérations de maintien de la paix
et prévoit la, participation des femmes aux institutions clés et
aux organes de décision.
Au niveau régional, la mise au point du Nouveau
partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD) a
été l'occasion pour les chefs d'Etat et de Gouvernement de
considérer l'égalité entre hommes et femmes et
l'habilitation de ces dernières comme des facteurs essentiels de
l'éradication de la pauvreté et du développement durable.
Au niveau de la charte de l'Union africaine, il est clairement stipulé
qu'il revient à l'Etat de veiller à l'élimination de toute
discrimination contre la femme et d'assurer la protection des droits de la
femme et de l'enfant tel qu'énoncés dans les déclarations
et conventions internationales ; Au sommet de Maputo, tenu en
juillet 2003, les Chefs d'Etat ont introduit la parité
homme et femme dans le conseil de l'union et ont adopté le protocole
à la charte Africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux
droits de la femme. Le protocole en question traite de manière
spécifique les mesures à prendre pour combattre effectivement la
discrimination à l'égard des femmes sous toutes ses formes. Cet
engagement de l'Union Africaine confirmé à la conférence
des chefs d'Etat et de Gouvernement de 2004 a adopté une
déclaration solennelle en faveur de l'égalité entre hommes
et femmes dans les instances de décision et au niveau des postes
électifs.
En somme, le contexte mondial et Africain offre à la
République
Démocratique du Congo de réelles
opportunités pour réaliser l'équité,
l'égalité et la promotion des hommes et des femmes.
Avec une superficie de 2,4 millions de km2 et une
population estimée à près de 60 millions d'habitants, la
RDC est l'un des pays les plus peuplés d'Afrique avec un taux
d'accroissement démographique de 3,2% et dont près de 80% de la
population survivent avec moins de un dollar (1$US) par jour et par
personne(1). Ce contexte de pauvreté massive a
été aggravé par divers mécanismes et conflits
armés. Face à la persistance de la pauvreté, le
gouvernement de la République démocratique du Congo a
élaboré en 2006, avec la participation des différents
acteurs de la vie politique, économique et sociale, un premier document
de Stratégie Nationale de Croissance et de Réduction de la
Pauvreté (DSCRP). Plusieurs politiques et programmes sectoriels sont
aussi élaborés et mis en oeuvre pour soutenir l'exécution
du DSCRP. On note par exemple, le Programme d'Actions prioritaires (PAP) du
gouvernement et la réalisation des cinq chantiers de la
République et la politique nationale du genre.
Le programme national du Genre se réfère
à la vision du développement à moyen et à long
terme de la RDC telle que définit dans le DSCRP et s'attelle à
bâtir, avec tous les acteurs, une société, sans
discrimination, où les hommes et les femmes, filles et garçons
ont les mêmes chances et droits de participer à son
développement et
(1) Politique Nationale de Genre, Kinshasa,
juillet 2009, P.10
de jouir des bénéfices de sa croissance. Le PNG
a pour finalité de contribuer à la réalisation de
l'équité et de l'égal accès des hommes et des
femmes, des garçons et des filles aux ressources de la
société. Il s'assigne deux objectifs globaux, à savoir
:
1) Instaurer un environnement institutionnel, socioculturel,
juridique et économique favorable à la réalisation de
l'équité de genre et de l'égal accès des hommes et
des femmes, des garçons et des filles aux ressources de la
société.
2) Assurer l'intégration effective du genre en tant
que variable à toutes les étapes des processus d'études et
de recherches sur les conditions socio-économiques des populations,
d'analyse, de planification, de mise en oeuvre, de suivi et d'évaluation
des projets, politiques et programmes de développement.
Il s'appuie sur quatre axes stratégiques, à savoir
:
1) La promotion équitable de la situation et de la
position sociale de la femme autant que l'homme au sein de la famille et dans
la communauté ;
2) La promotion équitable du potentiel et de position de
la femme autant que de l'homme au sein de l'économie du ménage et
dans l'économie de marché ;
3) La promotion de l'exercice équitable des droits et
devoirs des femmes et des hommes et le renforcement de l'accès et de la
position des femmes au niveau des sphères de décision ;
4) L'amélioration de l'impact des interventions en faveur
de l'équité de genre et de l'égal accès des hommes
et des femmes.
Chaque axe stratégique est décliné en
objectifs spécifiques et stratégies d'intervention en vue de
réduire les inégalités de genre.
Dans le cadre de ce travail, nous nous intéressons
particulièrement à la stratégie relative à la
promotion équitable du potentiel et de la position de la femme autant
que de l'homme au sein de l'économie du ménage et dans
l'économie du marché.
Cette stratégie vise l'accroissement de la
productivité, de la capacité de production des femmes et
l'amélioration de leur niveau de revenu à travers les objectifs
suivants :
- Réduire le temps et la corvée des tâches
domestiques ;
- Accroître les rendements, la productivité et la
qualité des productions réalisés par les femmes ;
- Promouvoir le pouvoir économique des femmes ;
- Améliorer la visibilité des contributions des
femmes à l'économie domestique et de marché.
Pour atteindre les objectifs ainsi fixés, les principales
stratégies développées concernent :
1) Le développement de technologies réduisant le
temps consacré aux activités domestiques ;
2) Le renforcement de l'accès et de
l'accessibilité des femmes aux services énergétiques et
d'assainissement notamment l'eau, l'électricité et les
énergies nouvelles et renouvelables ;
3) Le renforcement de la participation effective des femmes
dans tous les secteurs d'activité notamment dans les secteurs porteurs
de croissance retenus par le DSCRP ;
4) Le renforcement de l'accès des femmes aux moyens de
production, aux opportunités économiques et aux nouvelles
technologies internationales de communications (NTIC)
5) L'intégration du genre dans les processus de collecte
et d'analyse des données, de recherche et d'évaluation
économique ;
6) La mise en oeuvre des mesures pertinentes susceptibles de
favoriser des initiatives féminines et une participation
équitable du genre dans la microfinance.
En tant que structure d'exécution des programmes
nationaux en faveur du genre, femme et enfant, la Division provinciale a
organisé le 17 juin 2008 un atelier sur l'analyse contextuelle de la
problématique genre. Cet atelier devrait faire des analyses
profondes et exhaustives de façon à dégager
les stratégies d'intégration du genre en République
démocratique du Congo.
Du 30 octobre au 2 novembre 2008, la Division provinciale a
organisé un atelier sur le renforcement des capacités des leaders
des associations et mouvements coopératifs. Cet atelier avait pour
objectif d'amener les femmes à maîtriser les
éléments de base de la vie associative afin d'améliorer
leur compréhension sur les principaux éléments de base
d'une association et aussi comprendre le processus d'agrément des
associations par les autorités.
Du 3 au 4 novembre 2008, il s'est tenu à Lubumbashi,
sous la supervision de la division provinciale du Genre, Femme et enfant un
atelier sur l'élaboration de la stratégie provinciale sur le
Genre. Avec l'appui du PNUD, cet atelier avait comme objectif majeur
d'impliquer tout le monde dans l'intégration de l'approche Genre dans le
processus de développement de la province quant à la
répartition des rôles et responsabilités entre les hommes
et les femmes.
En fin, du 23 au 25 février 2009, en collaboration avec
l'espace femme, un atelier de formation sur le leadership féminin s'est
tenu à Lubumbashi. Cet atelier visait le renforcement des
capacités des leaders des réseaux féminins membres de
l'espace femme, qu'elles soient en mesure de créer un leadership capable
de redynamiser leurs réseaux. Parmi les recommandations de cet atelier
on note aussi celle relative à la nécessité de coordonner
des programmes d'appui au financement et d'accès au crédit et aux
micro-finances pour soutenir les activités des ONGs et associations et
réseaux des femmes, en vue de leur permettre d'être plus
performants.
4.4. La modélisation de l'autonomisation de la
femme lushoise
Dans les rapports du conseil consultatif de 1985 et 1986,
l'autonomie se présente comme une stratégie pertinente
proposée par les mouvements de femmes du Tiers Monde à la place
d'une intégration reposant sur l'égalité. De plus
l'autonomie est
considérée comme une nécessaire exigence
pour réussir une intégration complète(1).
L'autonomie qui fait appel aux idées d'autorité, de
liberté, d'égalité des chances pour tous, doit alors se
comprendre dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et
l'inégalité au niveau des classes, du genre et des races. En
définissant l'autonomie comme le contrôle sur sa propre vie et son
propre corps, il y a lieu de dégager quatre domaines d'application :
- Du point de vue physique : l'autonomie sous entend le
contrôle total de sa sexualité et de sa fécondité
;
- Du point de vue économique : elle évoque
l'égalité d'accès et le contrôle sur les moyens de
production ;
- Du point de vue politique : le droit de déterminer ses
choix politiques et la création d'une base de pouvoir librement choisir
;
- Du point de vue socioculturel : elle se réfère au
droit d'avoir sa propre identité, le sens de sa valeur et le respect de
soi.
Ces quatre éléments ne peuvent s'envisager ou
s'appliquer séparément, comme dans bien des modèles de
développement, car la signification de ces quatre éléments
s'enrichit justement dans leurs interrelations.
L'autonomie peut s'utiliser comme un outil d'analyse
permettant de comprendre cette relation complexe et ces éléments
constituent un cadre d'analyse dans lequel on peut situer la position des
femmes. D'un coté ce cadre est suffisamment ouvert pour tenir compte des
grandes diversités entre pays, classes, cultures et catégories
des femmes, alors que de l'autre coté il offre une base de comparaison
et d'action rendant l'amélioration possible. Chaque angle d'approche,
physique, économique, politique et socioculturel fournit des
données, certaines étant mesurables et quantifiables alors que
d'autres sont d'ordre qualitatif. Pour nous, l'analyse fournit par l'angle
économique servira d'indicateur pour évaluer le degré
d'autonomie de la femme Lushoise.
(1) Rapport Consultatif n°86, 1986, p. 58
Le livre blanc, un monde de différences, utilise
également le concept d'autonomie dans un sens stratégique et ce,
de deux façons : - un sens idéal enraciné dans une vision
de la société. Il est donc considéré comme un
objectif à long terme ou comme un moyen pour changer la
société dans son ensemble : « la coopération au
développement fondée sur le principe d'autonomie des femmes
signifie que l'on adopte un schéma de partage des pouvoirs dans toutes
ses manifestations ». Le deuxième sens, stratégique, est
plus opérationnel et agit notamment comme une pierre de touche
permettant de choisir les actions à entreprendre à partir de
l'analyse(1). Donc, le fait que le concept d'autonomie oscille entre
l'analyse et les stratégies à court et long terme est, à
notre avis, un avantage important dans l'évaluation non seulement du
Genre mais aussi du microcrédit dans la lutte contre la pauvreté
à Lubumbashi.
Certaines personnes s'inquiètent de l'écart
existant très souvent entre la pratique et l'application des politiques
en faveur de la femme voire du développement. Elles ont raison, car
c'est à l'usage que l'on peut juger de la qualité d'une chose. Il
y a beaucoup à faire pour que soit structurellement appliqué le
programme de développement en faveur de la femme afin de respecter les
exigences opérationnelles d'autonomie. Il faudra mettre en oeuvre des
mesures méthodiques et fonctionnelles importantes pour combler
l'écart entre la politique et la mise en oeuvre et parvenir ainsi
à une véritable réalisation opérationnelle de la
politique d'autonomie de la femme lushoise à travers le
microcrédit.
Voici alors les cinq axes dans lesquels nous envisageons
l'autonomisation de la femme lushoise :
1. Le renforcement de la position économique des
femmes du point de vue du contrôle de leurs revenus et de leurs moyens de
production sans augmentation substantielle de la charge de travail ;
2. Le renforcement de la position politique et
organisationnelle des femmes dans la participation ou le contrôle des
aménagements organisationnels et indépendants
(1) Jan PRONK, Op Cit, p.89
dans la structure du projet. De même pour l'organisation
dans le district, la zone ou le village, ainsi qu'au niveau régional et
national ;
3. L'autonomie de la femme doit viser le renforcement de
l'image que la femme se fait d'elle-même, ou que les autres (les hommes)
ont d'elle, et combattre les principaux préjugés à
l'encontre de la femme.
4. Le renforcement de l'autonomie physique des femmes,
c'est-à-dire que les femmes gagneront en maîtrise de leur propre
corps, contrôleront leur fécondité, leur sexualité
et l'on reconnaîtra ou portera attention à leur problème de
santé
5. Le renforcement de l'expertise des femmes dans la gestion
de micro- entreprises.
Toutefois, quelle que soit la nature des activités
entreprises par les femmes dans le cadre de l'autonomisation, la femme lushoise
doit être attentive aux pièges potentiels et se distancer si
possible - de l'attrait de projets trop ambitieux qui absorberaient les
énergies et qui à la longue se révéleraient
indéfendables, - de la tentation à recourir à tout moment
aux subventions financières qui signifieraient une entorse aux principes
de renforcement de sa position économique eu égard au
contrôle des revenus, - et des promesses de technologies aux apparences
trompeuses qui le dépouilleraient de son patrimoine culturel.
A mesure que la femme lushoise développera davantage
ses capacités et son pouvoir latent, toute la société et
partant les hommes en viendront à la considérer comme capable de
participer au développement intégral de la communauté et
de lutter contre la pauvreté.
L'évaluation de ce modèle d'autonomisation de la
femme lushoise doit montrer que la situation des femmes à Lubumbashi a
été renforcée sur au moins un des cinq critères
cités ci-haut, sans que les autres soient affaiblis.
4.5. Conclusion partielle
Ce chapitre montre en particulier que l'accessibilité
des ressources sociales, économiques et politiques détermine les
capacités réelles d'action des femmes dans la négociation
de leurs rôles productifs mais aussi reproductifs, et donc, d'une
manière plus générale, dans la renégociation de
l'ordre social.
Comme toutes relations sociales, les relations hommes- femmes
comportent de nombreuses dimensions : elles reposent sur des idées, des
valeurs et des identités qu'elles contribuent par ailleurs à
redéfinir constamment ; elles déterminent la répartition
du travail entre les tâches et entre les différents secteurs de
l'activité humaine ; elles définissent la répartition des
ressources ; elles régissent aussi l'octroi de l'autorité, des
capacités d'action et du pouvoir décisionnel. En d'autres termes,
les inégalités sexospécifiques sont multidimensionnelles
et ne peuvent pas être réduites à la simple question de la
contrainte matérielle ou idéologique. De plus, ces relations ne
sont pas toujours cohérentes en elles-mêmes : elles sont porteuses
de déséquilibres et de contradictions, en particulier quand
l'environnement socioéconomique général évolue. En
définitive, toute modification de l'un des aspects des relations
sociales est susceptible d'enclencher une série d'ajustements aux
conséquences imprévisibles.
Certains de ces changements laissent intacte la structure du
pouvoir qui sous-tend les relations sociales. D'autres peuvent avoir d'impacts,
intentionnels ou non, ouvrant la voie à une transformation. Par exemple,
l'entrée des femmes dans l'emploi rémunéré a eu des
conséquences très diverses selon le contexte et la nature du
travail considéré. - alourdissement de la charge de travail des
femmes jusqu'à des niveaux extrêmes d'épuisement ; - une
certaine réorganisation de la division du travail dans la sphère
familiale, la répartition des responsabilités familiales, les
hommes réduisant leur part des dépenses du ménage laissant
un fardeau financier sans cesse grandissant aux femmes.
Somme toute, nous sommes persuadé que l'autonomie de la
femme servira de tremplin à un changement social durable. Ce chapitre a
souligné l'importance de l'action collective en faveur de la promotion
de l'égalité des genres.
CHAPITRE V : L'AUTONOMISATION DE LA FEMME LUSHOISE PAR
LE MICROCREDIT
5.1. Présentation du milieu d'enquête
La yille de Lubumbashi
Lubumbashi est la deuxième ville la plus peuplée
de la République Démocratique du Congo (RDC), après la
ville de Kinshasa du point de vue de la superficie et de l'infrastructure. Sa
population avoisinerait deux millions d'habitants d'après les
dernières estimations.
Elle est située dans la partie australe de la
République Démocratique du Congo dans la province du Katanga. La
ville de Lubumbashi est désignée comme la capitale
cuprifère à cause de la grande production du cuivre.
La ville de Lubumbashi, jadis Elisabethville, doit son origine
et son développement à la découverte d'important gisement
de cuivre en 1892 par le géologue Jules CORNET et leur mise en valeur
par l'Union Minière du Haut- Katanga (U.M.H.K) appelée
aujourd'hui la Générale des Carrières et des Mines
(Gécamines), créée en 1906. Cette grande
société minière décida de préparer
l'exploitation de la mine de l'Etoile pour deux raisons : - d'abord, parce que
cette dernière (la mine de l'Etoile) contenait des minerais
sulfurés dont la métallurgie était bien connue ; - ensuite
et surtout, parce qu'un accord entre le Roi LEOPOLD II et Cecil Rhodes
prévoyait de faire passer la fameuse voie ferrée « Le cap-
Le Caire » par le Katanga(1).
C'est à partir de 1907 que le comité spécial
du Katanga (CSK) qui agissait au nom de l'Etat indépendant du Congo, se
rendra compte du progrès de l'industrie
(1) MALOBA Kale Katyetye, La prévention de
la criminalité dans la ville de Lubumbashi, une contribution à la
théorie sociologique du crime, Mémoire de DEA en sociologie,
UNILU, 2009-2010, p.64
cuprifère de l'U.M.H.K et de la nécessité
de l'existence d'un centre administratif et commercial à
proximité des mines décidant du transfert du siège du
Comité Spécial du Katanga de Lukonzolua (Lac Moero) aux environs
de la mine de l'étoile (Kalukuluku) à Lubumbashi.
Pour l'établissement de ce centre administratif et
commercial à coté des activités minières
menées par l'Union Minières du Haut Katanga (U.M.H.K) qui venait
d'ailleurs d'installer sa fonderie près des chutes de la rivière
Lubumbashi, le Major Emile Wangermée, représentant du
Comité Spécial du Katanga, qui connaissait très bien le
pays se verra confier la mission de créer la nouvelle ville. Il choisit
l'endroit près de la mine de l'étoile et près de l'Union
Minière du Haut Katanga. Il est considéré comme le
fondateur de la ville(1).
En 1909, la ville est créée sur papier avec un
quadrilatère de vingt kilomètres carrés de forêts.
Il faudra alors défricher, raser des termitières avec les moyens
de bord. C'est un plateau caractérisé par une savane infinie,
dominé par des miteux à la terre ocre et à la maigre
végétation : savane verte en saison de pluie et rouge en saison
sèche(2).
L'actuelle ville de Lubumbashi est donc fondée en 1910
par les Belges sous le nom d'Elisabethville (du nom de la reine Elisabeth de
Bavière, épouse du Roi Albert 1er des Belges). Elle
eut son statut de ville en 1941 par l'ordonnance N° 298/Aimo du 25 juin
1941(3).
A l'occasion de la politique et philosophie de recours à
l'authenticité prônée par le Président MOBUTU SESE
SEKO, la ville jadis Elisabethville prit le nom
(1) Anonyme, Elisabethville (1911-1961), mémorial
réalisé à l?occasion de la Foire Internationale
d?Elisabethville en juillet 1961, Bruxelles, Ed. Cuypers, 1961.
(2) Naissance de la ville (
http://users.skynet.be/fa331911/divers/cadre0.htm)
(3) Bulletin Officiel du Congo Belge du 15 janvier 1955,
p.221
de Lubumbashi depuis le 3 octobre 1966. Lubumbashi tire son
origine du nom de la rivière au bord de laquelle elle avait
été créée(1).
Située au sud de la province du Katanga, la ville de
Lubumbashi se trouve à 1230 mètres d'altitude, et s'étend
sur une superficie de 747 kilomètres carrés. Elle est
constituée d'un plateau légèrement vallonnée et
limitée entre 11° 30' de latitude Nord et 11° 42' de latitude
Sud, longitude entre 27° 10' Est et 27° 30' de longitude Quest.
Du nord au nord ouest vers le Sud-Est, la ville de Lubumbashi
est traversée par deux grandes rivières : Kafubu et Lubumbashi.
Son bassin hydrographique comprend les cours d'eau principaux suivants :
katuba, Kimililo, kiashi, naviundu, kampemba, karavia, luano et rwashi.
Le relief de la ville de Lubumbashi est
caractérisé par le plateau incliné du Nord vers le Sud-Est
avec plusieurs vallons où sont implantés des fermes
agropastorales et un sol alluvionnaire et sablo-argileux.
Elle est sous un climat sec avec deux saisons qui sont : - la
saison de pluie allant de fin octobre à mi avril, avec une
pluviométrie de 1228 mm d'eau ; - la saison sèche allant de fin
avril à mi octobre. Il faut cependant noter qu'il y a une forte chaleur
pendant les mois d'aout, de septembre et d'octobre, alors qu'il fait froid au
mois de juin et de juillet. Températures : moyenne 20°C - les plus
basses : 14,8°C en moyenne, mais pouvant descendre jusqu'à 10°
C au mois de juillet ; - les plus hautes 22,5° C en moyenne pouvant monter
à 39° C en octobre(2).
Sur le plan administratif, la ville de Lubumbashi est
subdivisée en sept communes dont une rurale :
· Commune Annexe (Rurale)
· Kamalondo
(1) D?où vient le nom de la ville ? (
http://users,
skynet.be/fa331911/divers/cadre0.htm)
(2) Bureau de la Mairie de Lubumbashi, Rapport annuel des
Affaires intérieures, 1998, p.21
· Kampemba
· Katuba
· Kenya
· Lubumbashi
· Rwashi
La ville de Lubumbashi est limitée au Nord et au sud
comme à l'Est et à l'Ouest par le territoire de Kipushi dans le
District du Haut- Katanga de la manière suivante :
- Au Nord : par la localité Kawama, à 15 km, sur
la route Likasi ;
- Au sud : par la mission catholique salésienne à
Kafubu, à 20 km du centre-ville, et,
- A l'Ouest : par le lac Kipopo, à 25 Km de la ville.
Elle compte cinq institutions de microfinance à savoir
:
· ESPERANCE, située sur l'avenue Kasaï
· FINCA, situé sur l'avenue Maman YEMO
· GALA LETU, situé sur l'avenue Likasi N°2
· TMB, située sur l'avenue Lomami à
coté de DEX GCM
· TUJENGE, située sur l'avenue Kasaï.
5.2. Présentation et interprétation des
données
5.2.1. Présentation des données
L'enquete que nous avons menée a concerné 32
bénéficiaires des microcrédits. Les modalités de
tirage de l'échantillon ont été déjà
présentées dans la partie introductive de ce mémoire, plus
précisément dans la méthodologie de recherche. Le but ici
est de voir si l'approche genre a réellement contribué à
la lutte contre la pauvreté ; comment atteindre l'autonomisation de la
femme lushoise par le microcrédit. Il s'agit en d'autres termes de
déceler les implications éventuelles de la microfinance sur la
situation socio-économique des bénéficiaires.
A l'issu de l'enquete, une base de données sous SPSS a
été conçue pour la centralisation des informations
recueillies en vue d'un traitement. Le traitement des données a
été effectué avec les logiciels de statistiques SPSS et
Excel. Ces logiciels nous ont permis de classer les observations et d'analyser
les données recueillies. Les résultats de l'enquete sont
exprimés sous formes des tableaux de fréquences statistiques.
LEGENDE DU TABLEAU DE PRESENTATION DES
RESULTATS
1. Commune: 1. Lubumbashi, 2 Kamalondo, 3 Kampemba, 4 Kenya, 5
Katuba, 6 Ruashi, 7 Annexe
2. Individu ou groupe: 1. Individu , 2 groupe solidaire
3. Genre/sexe: 1 Masculin 2 féminin
4. Age: 1. 20-30 ans; 2. 30-40 ans, 3. 40-50 ans; 4. 50-60 ans;
5. 60 et +
5. Etudes faites : 1. Primaire; 2. Secondaire; 3.
Universitaire.
6. Etat-civil : 1. Marié; 2. Veuf(ve); 3.
Divorcé(e); 4. Célibataire.
7. Revenu: 1. Moins de 10$; 2. 10-20$; 3. 20-40$; 4. 40-70 $; 5.
100$ et plus.
8. Effectif des membres de l'association
9. Raison groupe : 1. Avoir une activité; 2.
Résider dans le même quartier; 3. Avoir de bonne relation avec au
moins un membre, 4.Avoir une épargne minimum en compte bloqué; 5.
Autres.
10. IMF: 1. FINCA; 2. TMB; 3. TUJENGE.
11. Etat occupation : 1. Propriétaire avec titre; 2.
Propriétaire sans titres; 3. Locataire; 4. Logé par les parents;
5. Loger par l'employeur.
12. Type de mur: 1. Béton armé; 2. Bloc de ciment;
3. Brique cuite; 4. Brique adobe.
13. Type de toiture: 1. En tuile, 2. En tôles
galvanisés, 3. en tôles de récupération,
4. en chaume
14. Type pavement : 1. en bois 2. Carrelage 3. Ciment 4. Terre
battues.
15. Type toilette: 1. Intérieur privé avec chasse
eau; 2. Extérieur privé avec chasse eau; 3. Extérieur
commun avec plusieurs ménages; 4. Pas de toilettes.
16. Nombre de pièce dans la maison: 1. une pièce,
2. deux pièces, 3. Trois pièces,
4. quatre pièces, 5. plus de 4 pièces
17. Source d'eau : 1. Robinet; 2. Forage; 3. Borne fontaine; 4.
Puits protégés.
18. Source d'énergie: 1. Electricité; 2. Groupe
électrogène; 3. Pétrole; 4. Bougie; 5. Autres.
19. Distance par rapport au point de santé : 1. - 1 Km; 2.
1-5 Km; 3. 5 Km et plus.
20. Nombre de repas: 1. 1 seul; 2. 2 repas; 3. 3 repas; 4.
Difficile à déterminer.
21. Avoir reçu crédit: 1. Oui; 2. Non.
22. Ordre de crédit (montant) : 1. 100-250 $; 2. 250-500
$; 3. 500-1000$; 4. +1000 $.
23. Type de crédit: 1. AGR; 2. Construction; 3.
Consommation.
24. Taux d'intérêt : 1. moins de 10$; 2. 10%; 3.
10-30%.
25. Échéance de remboursement : 1. Hebdomadaire; 2.
Mensuel; 3. Bimensuel;
4. Trimestriel; 5. Semestriel;
6. Annuel
26. Garantie: 1. Oui; 2. Non.
27. Type de garantie: 1. Hypothèque; 2. Garantie
personnelle; 3. Parrainage; 4. Notarié; 5. Autres.
28. Cycle de crédit: 1. 1er; 2. 2e; 3. 3e; 4. 4e; 5. 5e;
6. plus de 5.
29. Activité menée: 1. Petit commerce; 2.
Elévage; 3. Agriculture; 4. Artisanal;
5. Service; 6. Autres.
30. Pénalité : 1. Oui; 2. Non.
31. Ordre de pénalité : 1. 2$; 2. 5$; 3. 10$; 4.
plus de 10$.
32. Refus d'accès aux crédits: 1. Oui; 2. Non.
33. Raison non accès : 1. Manque garantie; 2. Manque
parrain; 3. Pas emploi stable;
4. Manque épargne suffisante.
34. Remboursement à temps : 1. Oui; 2. Non.
35. Raison remboursement à temps : 1. Augmenter la
crédibilité; 2. Eviter pénalité.
36. Appréciation taux d'intérêt: 1.
Abordable; 2. Elevé; 3. Trop élevé.
37. Epargnez-vous : 1. Oui; 2. Non.
38. Source d'épargne : 1. AGR; 2. Autre activité;
3. Autres.
39. Origine d'épargne : 1. AGR; 2. Tontine; 3. Autres.
40. Fréquence d'épargne : 1. Journalière;
2. Hebdomadaire ; 3. Mensuel;
4. Occasionnel; 5. Annuel.
41. Autres formes d'épargne: 1. Bijoux; 2. Marchandise;
3. Tontine; 4. Thésaurisation; 5. Autres.
42. Impact Biens avant : 1. Terrain; 2. Maison; 3. TV; 4.
Téléphone; 5. Réchaud;
6. Vélo; 7. Moto; 8. Voiture; 9. Autres
43. Biens après : 1. Terrain; 2. Maison; 3. TV; 4.
Téléphone; 5. Réchaud; 6. Vélo;
7. Moto; 8. Voiture; 9. Autres; 10. Aucun
44. Valeur en dollar
45. Année d'acquisition
46. Amélioration : 1. Oui; 2. Non.
47. Pourquoi non améliorer : 1. Les affaires
n'évoluent pas tellement; 2. Prix élevé
de marchandises; 3. Conjoncture économique ;
4. On est encore au début.
48. Crédit obtenu a permis : 1. Payer les soins de
santé; 2. Payer les études enfants.
49. Confiance à l' IMF : 1. Oui; 2. Non.
50. Pourquoi cette confiance: 1. Accorde facilement
crédit; 2.Travail bien;
3. Organisée.
51. Difficulté accès service IMF : 1.
Formalité administrative trop longue; 2. Manque d'objectivité
dans la sélection
de demande; 3. Manque de confiance; 4. Forte discrimination.
52. Discrimination : 1. Oui; 2. Non.
53. Les plus privilégiés: 1. Les Hommes; 2. Les
Femmes; 3. Les Veuves;
4. Femme seule; 5. Femme mariée; 6. Groupe
Solidaire; 7. Autre.
54. Difficultés dans l'exercice des activités: 1.
manque d'un capital suffisant,
2. bénéfice très faible, 3.Perte, 4. Taxe
élevée,
5. crise économique, 6. charge sociale
élevée, 7. Approvisionnement en marchandise, 8. perturbation
éclectique
55. proposition pour cette difficulté: 1. renforcement de
réseaux électriques, 2. augmentation du capital, 3. stabilisation
des prix des marchandises 4. contrôle régulier de sa gestion
56. Accompagner par l'IMF: 1. Oui; 2. Non.
57. Pourquoi non accompagnement: 1. Ne suit pas
l'évolution de nos affaires, 2. Ne voit que le remboursement
58. Formation : 1. Oui; 2. Non.
59. Type de formation reçue : 1. Comptabilité; 2.
Gestion des entreprises; 3. Agriculture; 4. Gestion épargne; 5.
Management; 6. Apprentissage métier; 7. Autre.
60. Difficultés rencontrées en tant que femme : 1.
Oui; 2. Non.
61. Quelle difficulté: 1. Perte ou escroquerie, 2.
Méfiance
62. Attitude de membres de la famille : 1. Positive; 2.
Négative.
63. Que faire pour lutter contre la pauvreté : 1.
Travailler; 2. Apprendre à se débrouiller.
64. Que faire pour l'autonomisation de la femme: 1. Travailler
en se disant qu'on a la même chance de réussite que l'homme, 2.
Compter sur l'effort du mari
65. Problème résolu?: 1. pas du tout 2.
Partiellement
66. Personne en charge
5.2.2. Interprétation des résultats
I. Profil du bénéficiaire du
microcrédit
Dans cette rubrique, nous présentons le profil du
microcrédit sur base des données issues de notre enquête de
terrain organisée de novembre 2010 à janvier 2011 à
Lubumbashi. Nous avons pour ce faire les éléments suivants : le
genre, l'age ; le niveau d'études, l'état civil, la taille de
ménage. Etant donné que l'octroi du microcrédit est
basé aussi sur le profil individuel des demandeurs, ces
éléments sont importants à relever.
a) Genre des
bénéficiaires
Tableau N°1 Genre des bénéficiaires
Commentaires et
interprétations
Genre
|
Fréquence
|
%
|
Masculin
|
21
|
65,6
|
Féminin
|
11
|
34,4
|
Total
|
32
|
100
|
Source: résultats de nos
enquêtes
Contrairement à certaines allégations qui
considèrent la femme comme une chèvre appelée à
brouter l?herbe à côté de la case de son maître, la
femme s?engage désormais dans les microcrédits. En effet, ce
tableau montre bien que 34,4% des bénéficiaires
enquêtés sont des femmes, contre 65,6% des hommes. Bien qu?il soit
trop tôt pour tirer une conclusion, nous pensons que cela peut
s?expliquer par la prise de risque plus élevé chez les hommes et
le fait que les femmes se réfèrent souvent à leurs maris
pour de tels engagements.
b) Age des
bénéficiaires
Tableau N°2 Ages des bénéficiaires
Commentaires et
interprétations
Age
|
Fréquence
|
%
|
20- 30 ans
|
4
|
12,5
|
30- 40 ans
|
3
|
9,4
|
40- 50 ans
|
8
|
25,0
|
50- 60 ans
|
9
|
28,1
|
60 ans et +
|
8
|
25,0
|
Total
|
32
|
100
|
Source: résultats de nos enquêtes
Au regard de ce tableau, il ressort que les personnes de plus
de 40 ans constituent 78,1% des bénéficiaires de
microcrédits interrogés. Le critère d?age semble donc
être utilisé par les institutions de microfinance pour l?octroi de
crédit. En effet, parmi les conditions d?octroi de crédit il y a
entre autres, les gages, l?épargne (une caution). Or la plupart des
jeunes n?ont pas souvent des biens à mettre en gage et surtout n?ont pas
encore la notion d?épargne. Ce qui explique par conséquent
l?exclusion de la jeunesse du système de microfinance.
c) Niveau d'études des
bénéficiaires
Tableau N°3 Niveau d'études des
bénéficiaires
Commentaires et
interprétations
Niveau d'études
|
Fréquence
|
%
|
Primaire
|
6
|
18,8
|
Secondaire
|
11
|
34,4
|
Universitaire
|
15
|
46,9
|
Total
|
32
|
100
|
Source: résultats de nos enquêtes
Il ressort de ce tableau que la majorité des
bénéficiaires a reçu une instruction de base suffisante
pouvant leur permettre de gérer les formalités inhérentes
à la demande et au bénéfice d?un microcrédit. En
effet, 81,2% des bénéficiaires ont effectué au moins les
études secondaires. Ce qui est d?ailleurs un avantage car très
souvent, les programmes de microfinance sont associés à des
modules de formation à la gestion des petites affaires et autres. Ces
formations nécessitent quand même une certaine capacité
intellectuelle.
d) Etat-civil ou statut matrimonial des
bénéficiaires
Tableau N°4 Etat-civil ou statut matrimonial des
bénéficiaires
Commentaires et
interprétations
Etat-civil
|
Fréquence
|
%
|
Marié(e)
|
22
|
68,8
|
Veuf (ve)
|
2
|
6,3
|
Divorcé(e)
|
5
|
15,6
|
Célibataire
|
3
|
9,4
|
Total
|
32
|
100
|
Source: résultats de nos
enquêtes
La plupart des bénéficiaires interrogés
sont des personnes mariées, soit 68,8%. Alors que les
célibataires ne représentent que 9,4%. Ce pourcentage
élevé des mariés est sans doute lié à
l?idée généralement répandue selon laquelle, les
mariés sont plus responsables et plus sérieux que les personnes
seules. Toutefois il faut souligner ici le fait qu?être marié ou
divorcé et avoir des enfants en charge renforce davantage pour le
demandeur du microcrédit la fongibilité des crédits
octroyés, car dans ce cas les dépenses du ménage sont plus
diversifiées.
e) Commune de résidence des
bénéficiaires
Tableau N°5 Commune de résidence des
bénéficiaires
Commentaires et
interprétations
Commune
|
Fréquence
|
%
|
Annexe
|
1
|
3,1
|
Kampemba
|
7
|
21,9
|
Katuba
|
1
|
3,1
|
Kenya
|
3
|
9,4
|
Kamalondo
|
0
|
0,0
|
Ruashi
|
2
|
6,3
|
Lubumbashi
|
18
|
56,3
|
Total
|
32
|
100
|
Source: résultats de nos enquêtes
Plus de la moitié des bénéficiaires
interrogés résident dans la commune de Lubumbashi, soit 56,3%. La
raison peut être la proximité avec les anciens
bénéficiaires et avec les sièges des institutions de
microfinance. Donc une bonne circulation d?information. 21,9% des
bénéficiaires interrogés sont de la commune de Kampemba,
9,4% de la Kenya, 3,1% de la Katuba, 6,3% de la Ruashi. Le choix de la
méthodologie de sondage « boule de neige »
pourrait aussi justifier ce tableau. Car avec cette méthodologie on
atteignait les autres personnes à enquêter grâce aux
renseignements fournis par les premiers enquêtés.
f) Institution de microfinance d'affiliation des
bénéficiaires
Tableau N°6 Institution de microfinance d'affiliation des
bénéficiaires
Commentaires et
interprétations
Institution
|
Fréquence
|
%
|
FINCA
|
18
|
56,3
|
TMB
|
12
|
37,5
|
TUJENGE
|
2
|
6,3
|
Total
|
32
|
100
|
Il ressort de ce tableau que 56,3% des
bénéficiaires interrogés sont affiliés chez FINCA,
contre 37,5% chez TMB et 6,3% chez TUJENGE. Si les deux premières
institutions citées ont débuté leurs activités des
microfinances en 2008 dans la ville de Lubumbashi, TUJENGE n?a oeuvré
comme institution de microfinance qu?en 2010.
Source: résultats de nos
enquêtes
II. Caractéristiques socio-économique des
bénéficiaires
Les données regroupées dans cette rubrique nous
permettent de nous faire une idée sur les conditions
socio-économiques de personnes interrogées afin de
vérifier si réellement les microcrédits ont permis
d'améliorer leurs conditions de vie, c'est-à-dire que savoir si
les personnes interrogées sont des pauvres et que l'accès aux
microcrédits leur a permis de lutter contre la pauvreté et
d'avoir une certaine autonomie. Figurent donc, dans cette rubrique : le revenu
journalier des bénéficiaires, le statut d'occupation de la
maison, type d'habitation, type de toilettes utilisées, source
d'approvisionnement en eau et le nombre de repas par jour.
Ainsi pour une bonne interprétation des caractéristiques
socioéconomiques de nos enquêtés nous avons
procédé à l'analyse factorielle.
Tableau N°7 Caractéristiques socio-économique
des bénéficiaires
la zone de exte de la ciation.]
Commentaires et
interprétations
En analysant ce tableau on constate que nos
enquêtés se retrouvent presque tous dans les conditions de
pauvreté avec un revenu qui oscille entre moins de 10 et 40 dollars; ils
sont très souvent des locataires ou logés par l'employeur, dans
des maisons en brique adobe ou en brique cuite, utilisant une toilette
extérieure commune à plusieurs ménages ou rarement
extérieure privée. Ils s'approvisionnement en eau soit au robinet
ou borne fontaine et même dans un puits protégé. Du
côté études faites, ils sont soit universitaires ou ayant
terminé l'école secondaire. Ils sont mariés ou
célibataires, leur âge varie entre 30 à 50 ans, contre un
pourcentage vraiment faible de veufs et de divorcés dont l'age est plus
de 60 ans et pour la plupart du sexe féminin. Ils ne mangent
pas plus de deux fois par jour. Beaucoup sont de sexe
masculin. D'où la nécessité pour eux de trouver un moyen
pour sortir de cette situation de pauvreté. Le microcrédit parait
être une aubaine pour eux.
III. CREDIT ET EPARGNE
Tableau N°8 Ordre (Montant) du microcrédit obtenu par
les bénéficiaires
Commentaires et
interprétations
Montant
|
Fréquence
|
%
|
100 à 250$
|
7
|
21,9
|
250 à 500$
|
13
|
40,6
|
500 à 1000$
|
6
|
18,8
|
Plus de
1000$
|
6
|
18,8
|
Total
|
32
|
100
|
Le montant de microcrédit octroyé par les
Institutions de Microfinance oeuvrant à Lubumbashi oscille entre 100 et
plus de 1000 dollars US. Toutefois le montant le plus déclaré par
les bénéficiaires est moins de 500$, soit 61,5%. Ce montant est
loin d?être suffisant pour mener convenablement une activité
génératrice de revenus. Il doit par conséquent chercher
à investir dans des activités plus rentables pour devenir
autonome.
Source: résultats de nos
enquêtes
Tableau N°9 Affectation (type) du microcrédit obtenu
par les bénéficiaires
Commentaires et
interprétations
Affectation (type)
|
Fréquence
|
%
|
AGR
|
30
|
93,8
|
Consommation
|
1
|
3,1
|
Construction
|
1
|
3,1
|
Total
|
32
|
100
|
Source: résultats de nos
enquêtes
Tableau N°10 Autres affectations du
microcrédit
Autres affectation
|
Fréquence
|
%
|
Soins médicaux
|
9
|
28,1
|
Scolarité des
enfants
|
7
|
21,9
|
Autres
|
16
|
50,0
|
Total
|
32
|
100
|
Source: résultats de nos enquêtes
Presque tous les bénéficiaires interrogés
déclarent affecter principalement le microcrédit reçu dans
les activités génératrices de revenus (AGR), soit 93,8%.
Toutefois bon nombre d?entre eux soit 3,1% ont affecté leur
microcrédit à la construction et 3,1% autres dans la consommation
pour les besoins ménagers ou soins de santé.
Un bon nombre d?entre eux reconnaissent avoir affecté,
au moins une fois, le microcrédit reçu à une autre
activité que les AGR. Il s?agit entre autres de soins médicaux,
de frais de scolarisation des enfants mais aussi pour répondre à
une situation d?urgence dans le ménage. La prise en compte de ces
phénomènes nous conduit à parler de fongibilité du
microcrédit. Il s?agit donc de la dilution du microcrédit dans
divers postes d?activités productives et de consommation au point de ne
plus savoir distinguer la destination finale.
L?absence de la délimitation claire entre
l?exploitation des AGR et les besoins familiaux renforce cet effet de dilution
et rend difficile l?étude d?impact de l?intervention des IMF.
Tableau N°11 Nombre (cycle) du microcrédit obtenu par
les bénéficiaires
Commentaires et
interprétations
Nombre(cycle)
|
Fréquence
|
%
|
1er cycle
|
2
|
6,3
|
2e cycle
|
10
|
31,3
|
3e cycle
|
5
|
15,6
|
4e cycle
|
9
|
28,1
|
5e cycle
|
5
|
15,6
|
Plus de 5
|
1
|
3,1
|
Total
|
32
|
100
|
Source: résultats de nos enquêtes
En ce qui concerne le nombre de microcrédits, environ
37,6% déclarent avoir reçu de microcrédits au moins deux
fois. 62,4% ont obtenu au moins trois fois. Nous pensons que l?octroi des
nouveaux crédits aux anciens bénéficiaires consolide les
acquis des crédits passés et aide à devenir autonome avec
le temps et à lutter contre la pauvreté. Il est aussi
évident que l?octroi du nouveau crédit sera conditionné
par des bons résultats du premier reçu. Ceci ne signifie pas
qu?il faut ignorer les nouveaux demandeurs, au contraire avec le succès
des premiers bénéficiaires les IMF peuvent élargir leur
portefeuille de crédit, notamment grace à l?épargne et
être en mesure de servir des nouveaux clients.
Tableau N°12 Echéances de remboursement du
microcrédit par les bénéficiaires
Commentaires et
interprétations
Echéances
|
Fréquence
|
%
|
Hebdomadaire
|
1
|
3,1
|
Mensuel
|
23
|
71,9
|
Bimensuel
|
2
|
6,3
|
Trimestriel
|
1
|
3,1
|
Semestriel
|
4
|
12,5
|
Annuel
|
1
|
3,1
|
Total
|
32
|
100
|
Source: résultats de nos enquêtes
Le tableau ci-contre indique que dans 71,9% des cas, les
bénéficiaires
remboursent le microcrédit reçu mensuellement.
Ce système bien qu?à l?avantage des institutions préteuses
(IMF), n?accorde pas le temps pour le développement des activités
génératrices de revenus pour lesquelles le crédit a
été sollicité, au point que l?on peut commencer à
rembourser avec l?argent emprunté sans avoir débuté une
quelconque activité ou sans que cette dernière commence à
produire.
Tableau N°13 Remboursement à temps du
microcrédit par les bénéficiaires
Commentaires et
interprétations
Rembourseme nt à temps
|
Fréquence
|
%
|
Oui
|
30
|
93,8
|
Non
|
2
|
6,3
|
Total
|
32
|
100
|
Source: résultats de nos
enquêtes
La majorité des personnes interrogées nous ont
déclaré qu?elles remboursent à temps le microcrédit
reçu, soit 93,8%. En remboursant à temps, elles veulent à
tout prix gagner la confiance des IMF afin de bénéfier des
nouveaux crédits. Par contre 6,3% reconnaissent n?avoir pas
remboursé à l?échéance les crédits obtenus
à cause des difficultés socioéconomiques et des
échéances jugées trop courtes. Dans cette rubrique, nous
avons essayé de voir aussi le lien qui existe entre les variables
remboursement à l?échéance et le genre. Tous ceux qui
n?ont pas remboursé à l?échéance sont des hommes.
Ce constat rencontre les considérations généralement
admises en RDC, selon lesquelles les femmes remboursent mieux que des hommes.
Ce qui justifie la spécialisation de certaines IMF en octroi des
crédits aux seules femmes. Mais le problème c?est de comprendre
pourquoi les hommes sont plus concernés par le non remboursement
à l?échéance ? A cette question la réponse n?est
pas évidente, est-ce un problème de charge familiale ou
simplement un problème de la nature des hommes qui seraient moins
effrayés que les femmes aux menaces éventuelles ? Rien à
ce stade ne nous permet d?affirmer toutes ces réflexions. Il faut peut
être une étude précise sur la corrélation genre et
remboursement de microcrédit.
Tableau N°14 Source (Origine d'épargne) des moyens
financiers utilisés pour le remboursement Commentaires et
interprétations
Source
|
Fréquence
|
%
|
AGR
|
21
|
65,6
|
Tontines
|
9
|
28,1
|
Autres
|
2
|
6,3
|
Total
|
32
|
100
|
Source: résultats de nos
enquêtes
S?il est vrai pour les bénéficiaires que les
recettes de leurs activités génératrices des revenus
contribuent toujours au remboursement du microcrédit. Il faut noter que
plusieurs autres sources sont autant utilisées pour le même
objectif. 34,4% des bénéficiaires déclarent utiliser aussi
d?autres sources que les AGR pour rembourser le microcrédit
contacté. Il s?agit généralement de revenus provenant des
tontines et des autres membres de famille. L?on peut ainsi dire que l?emploi
initial d?un microcrédit peut ne pas avoir des relations avec la source
du remboursement futur.
III. IMPACT DU MICROCREDIT
Tableau N°15 Biens acquis grâce à la
microfinance
Commentaires et
interprétations
Bien qu?il soit difficile de dégager l?impact
réel de la microfinance chez tous les bénéficiaires
à cause de l?effet de fongibilité que nous avons
déjà évoqué, nous voyons au regard de ce tableau
que 53,1% ont acquis au moins un terrain, 9,4% ont acquis un
téléphone portable, 6,3% une voiture et 3,1% une moto.
Ce tableau montre l?impact positif de la microfinance sur la
vie des bénéficiaires. Elle assure une amélioration des
conditions socioéconomiques des bénéficiaires en les
sortant tant soit peu de la situation de pauvreté dans laquelle ils se
retrouvaient avant d?accéder à la microfinance.
Biens
|
Fréquence
|
%
|
Terrain
|
17
|
53,1
|
Téléphone p
|
3
|
9,4
|
Moto
|
1
|
3,1
|
Voiture
|
2
|
6,3
|
Autres
|
4
|
12,5
|
Aucun
|
5
|
15,6
|
Total
|
32
|
100
|
Source: résultats de nos
enquêtes
Tableau N°16 Amélioration de niveau de vie
Commentaires et
interprétations
Amélioration
|
Fréquence
|
%
|
Oui
|
25
|
78,1
|
Non
|
7
|
21,9
|
Total
|
32
|
100
|
Source: résultats de nos
enquêtes
Il ressort de ce tableau que 78,1% des
bénéficiaires de microcrédit reconnaissent que leur niveau
de vie s?est amélioré depuis qu?ils sont entrés dans la
microfinance. Dans la mesure où les ménages ou les individus
considérés comme "pauvres" ne se situent désormais plus
simplement à un niveau stable, endessous du seuil de la pauvreté,
mais ont rehaussé ce niveau au-dessus de ce seuil. ils affirment aussi
manger deux fois ou trois fois par jour.
IV. APPRECIATION DU SYSTEME DU MICROFINANCE
Tableau N°17 Appréciation du système de la
microfinance
Commentaires et
interprétations
Appréciation
|
Fréquence
|
%
|
Oui
|
30
|
93,8
|
Non
|
2
|
6,3
|
Total
|
32
|
100
|
Source: résultats de nos enquêtes
93,8% des bénéficiaires de microcrédit
déclarent être satisfaits de la manière dont le
système de microfinance fonctionne, contre 6,3% qui se disent ne pas
être satisfait. Parmi les raisons évoquées par ceux qui ne
sont pas satisfait figurent la petitesse du montant octroyé et les
échéances de remboursement qui sont jugées trop
courtes.
V. CONTRAINTES
Tableau N°18 Discrimination dans l'accès au
système de la microfinance
Commentaires et
interprétations
Discrimination
|
Fréquence
|
%
|
Oui
|
4
|
12,5
|
Non
|
28
|
87,5
|
Total
|
32
|
100
|
Source: résultats de nos enquêtes
Contrairement à ce que d?aucuns pensent aujourd?hui,
87,5% des bénéficiaires reconnaissent qu?il n?y a aucune
discrimination dans l?accès au système de la microfinance. Donc
il y a égale accès à ce système entre homme et
femme. Toutefois 12,5% soutiennent qu?il y a discrimination et que les plus
privilégiés sont des femmes et des groupes solidaires.
Tableau N°19 Difficultés rencontrées dans
l'exercice de ses activités
Commentaires et
interprétations
Tous reconnaissent rencontrer des difficultés dans
l?exercice de leurs activités liées à la microfinance.
Lesquelles difficultés retardent un tout petit peu la progression de
leurs activités. Par ordre décroissant, ces difficultés
sont dues au manque d?un capital suffisant ce qui revient sur la
modicité de microcrédit déjà évoquée
(28,1%), Faible bénéfice (28,1%), approvisionnement en
marchandises et perte (12,5%), charge sociale et perturbation électrique
dans l?ordre de 6,3% et taxe élevée et crise économique
3,1% . Pour résoudre ces difficultés, les
bénéficiaires de microcrédit proposent l?augmentation du
capital par l?octroi des crédits suffisants, l?amélioration du
climat des affaires, le renforcement des réseaux électriques et
le renforcement des capacités de gestion de la part des
bénéficiaires de microcrédit. Pour arriver à ce
résultat, des modules de formation en faveur des
bénéficiaires de microcrédit sont essentiels de
manière à renforcer leur capacité de gestion.
Difficultés
|
Fréquence
|
%
|
Manque d?un capital suffisant
|
9
|
28,1
|
Bénéfice très faible
|
9
|
28,1
|
Perte
|
4
|
12,5
|
Taxe élevée
|
1
|
3,1
|
Crise économique
|
1
|
3,1
|
Charge sociale
|
2
|
6,3
|
Approvisionnement en marchandises
|
4
|
12,5
|
Perturbation électrique
|
2
|
6,3
|
Total
|
32
|
100
|
Source: résultats de nos
enquêtes
Tableau N°20 Formations reçues
Formation
|
Fréquence
|
%
|
Comptabilité
|
3
|
9,4
|
Gestion des entreprises
|
3
|
9,4
|
Gestion des épargnes
|
9
|
8,1
|
Apprentissage d?un métier
|
4
|
2,5
|
Autres
|
3
|
9,4
|
Aucune formation
|
10
|
1,2
|
Total
|
32
|
100
|
Source: résultats de nos
enquêtes
VI. QUESTIONS DESTINEES AUX FEMMES UNIQUEMENT
Tableau N°21 Difficultés rencontrées dans
l'accès au système de la microfinance en tant que femme
Commentaires et
interprétations
Difficulté
|
Fréquence
|
%
|
Oui
|
2
|
18,2
|
Non
|
9
|
81,8
|
Total
|
11
|
100
|
Source: résultats de nos
enquêtes
18,2% des Femmes bénéficiaires de
Microcrédits affirment avoir rencontré des difficultés
dans l?accès au système de la microfinance et que cette
difficulté est souvent due à la résistance de maris de
voir leurs femmes prendre des engagements avec des tierces personnes. Cependant
81,8% balayent du revers de la main cette difficulté prétextant
que les choses ont tellement évolué et que l?homme et la femme
doivent travailler pour le bonheur de leur foyer.
Tableau N°22 Attitude des membres de la famille depuis
l'accès au système de la microfinance
Commentaires et
interprétations
Attitude
|
Fréquence
|
%
|
Positive
|
10
|
90,9
|
Négative
|
1
|
9,1
|
Total
|
11
|
100
|
Source: résultats de nos
enquêtes
90,9% des Femmes bénéficiaires de
Microcrédits ont jugé postive l?attitude des membres de leurs
familles depuis leur accès au système de la microfinance. Cette
situation témoigne un changement positif du comportement de lushois
vis-à-vis de certains préjugés à l?endroit de la
femme, alors que 9,1% rencontrent encore une attitude négative. Cette
position peut être due à notre avis aux croyances traditionnelles
encore présentes même en milieux urbains congolais, sans oublier
le niveau d?instruction bas du conjoint.
Tableau N°23 Que faire pour lutter contre la pauvreté
?
Commentaires et
interprétations
Que faire ?
|
Fréquence
|
%
|
Travailler
|
6
|
54,5
|
Apprendre à
se débrouiller
|
5
|
45,5
|
Total
|
11
|
100
|
Source: résultats de nos enquêtes
La plupart des bénéficiaires femmes disent qu?il
faut travailler pour lutter contre la pauvreté. La femme doit cesser de
penser que son bonheur passe nécessairement par l?époux. Elle
doit participer au bien-être de sa famille par son travail. C?est cela
que certaines femmes parlent de savoir se débrouiller, car elles ne
considèrent pas le commerce comme un travail.
Tableau N°24 Que faire pour l'autonomisation de la femme
?
Commentaires et
interprétations
Pour atteindre l?autonomie72,7% des femmes interrogées
pensent qu?il faut que la femme travaille en se disant qu?elle a la méme
chance de réussite que l?homme. Et qu?elle peut apporter quelque chose
pour le développement de son foyer et de sa société.
Que faire ?
|
Fréquence
|
%
|
Travailler en se disant qu'on a la même
chance de réussite que l'homme
|
8
|
72,7
|
Compter sur l'effort du mari
|
3
|
27,3
|
Total
|
11
|
100
|
5.3. Essai de théorisation a posteriori
Pour une reconstruction théorique, le chercheur peut
partir, dans une explication scientifique, des connaissances théoriques
existantes pour évaluer ou tester les hypothèses
opératoires formulées au début de la recherche en passant
par l'analyse des faits sur terrain, ou bien partir de la réalité
observée sur terrain pour dégager une théorie explicative
spécifique.
En effet, les théories explicatives du genre et lutte
contre la pauvreté que nous avons présentées a priori aux
points 1.2 et 1.3 voire au point 1.5 du premier chapitre de ce mémoire
ont porté chacune sur quelques aspects particuliers, soit du
phénomène « genre », soit de la « pauvreté
». Mais aucune d'elles ne peut donc prétendre à
l'exclusivité, c'est-à-dire à la vérité.
Les théories sur le genre se trouvent le plus souvent
embarrassées par la fixation exclusive sur des questions relatives au
sujet et par la tendance à réduire la dimension du genre à
l'antagonisme subjectif entre l'homme et la femme. C'est le cas chez Sally
Alexander, Denise Riley et Carol Gilligan. Pour eux, l'antagonisme entre les
sexes est un aspect inévitable de l'acquisition de l'identité
sexuelle. Cet antagonisme est, d'après eux, toujours latent et
l'histoire ne peut pas lui offrir une solution mais peut seulement
procéder à la reformulation et à la réorganisation
de la symbolisation de la
différence et de la division sexuelle du travail. Le
problème dans cet aspect de la théorie du genre, c'est le
glissement dans l'attribution de la causalité. En d'autres mots, il
importe d'arriver à croire que les femmes pensent, choisissent et font
certaines choses tout simplement parce qu'elles sont femmes.
Cette façon de voir est en opposition flagrante avec la
conception plus complexe et historicisée du genre soutenue par Michelle
Rosaldo, Pierre Bourdieu et Maurice Godeber. Pour ce groupe, on doit rechercher
non pas une causalité générale et universelle, mais une
explication significative. Ils soutiennent que la place de la femme dans la vie
sociale n'est pas directement le produit de ce qu'elle fait, mais du sens
qu'acquièrent ses activités à travers l'interaction
sociale concrète. C'est donc dans ce sens que nous avons envisagé
et analysé le genre comme moyen de décoder le sens et de
comprendre les rapports complexes entre diverses formes d'interaction
féminine dans la lutte contre la pauvreté.
Pour ce qui concerne la pauvreté, nous avons retenu que
les théories traditionnelles ont focalisé leur étude sur
le minimum physiologique ou minimum social, comme chez Booth et Rowntree. Or,
la pauvreté moderne ne peut plus se limiter simplement aux besoins
vitaux, elle doit se définir par rapport aux normes couramment admises
dans une société donnée et au moment donné. C'est
dans ce cadre que se fixe, par exemple, le seuil de pauvreté à 1
ou 2$ par la Banque Mondiale ou le PNUD. Le seuil fixe ou relatif de
pauvreté, nous l'avons déjà dit, a fini par soulever le
débat autour des inégalités de revenus et celui de
détermination de la dose d'inégalité qu'une
société est prête à tolérer en son sein,
c'est-à-dire de l'écart considéré comme acceptable
entre les pauvres et les riches pour une certaine justice sociale.
Et dans ce cadre, s'inscrivent les études de J.J
GOUGUET et de J. RAWLS qui abordent la question de l'égalité des
chances des individus dans le processus de lutte contre la pauvreté et
déterminent ce qu'ils appellent le capital humain. Ils soutiennent, sur
ce, qu'une société est juste si elle permet l'amélioration
des aspirations de ceux qui sont au bas de l'échelle sociale. Donc pour
eux, lutter contre la
pauvreté revient à promouvoir une politique
d'égalité des chances, ce qui implique la connaissance de la
relation entre le capital humain et la pauvreté. Ils établissent
ainsi une corrélation entre certaines caractéristiques
sociodémographiques et économiques (sexe, age, localisation
géographique, éducation, santé, l'accès aux
ressources, etc) et les risques de la pauvreté. Ce que notre
étude n'a pas justement oublié d'analyser aussi. Nous avons voulu
voir, sur base de notre enquête et au moyen de ces
caractéristiques, si les personnes interrogées se retrouvent dans
le rang de ceux qui sont considérés comme pauvres afin de voir
comment elles sont en train de lutter pour sortir de la pauvreté.
LEWIS, O et LATOUCHE, S ont établi une relation entre
la culture et la pauvreté et parlent de la réaction et de
l'adaptation des pauvres à leur situation marginale. Partant de la
définition de la culture comme une réponse que les groupes
humains apportent au problème de leur existence sociale, ils montrent
que la culture de pauvreté transcende les frontières et
caractérise la nature d'un système économique qui ne
prévoit rien pour ce qu'ils appellent les perdants de la
compétition sociale, donc les pauvres. Cette théorie de LEWIS et
LATOUCHE fut critiquée sur base de deux éléments : son
degré d'intériorisation par l'individu et le fait de savoir si
l'on acquiert cette culture par héritage ou par basculement.
Parmi les critiques, nous avons retenu, celle de WRESINSKI qui
soutient l'idée de l'héritage et rejette celle de basculement. Il
dit que la pauvreté ne frappe pas au hasard, car quand on remonte la
lignée familiale des pauvres, on finit toujours par trouver des
éléments de fragilisation sociale. Là est peut être
la question qui hante aujourd'hui plus d'un congolais en général
et d'un lushois en particulier qui pense qu'il est pauvre parce qu'il est
né pauvre sorti d'une famille pauvre, ou encore que la femme est faible
par rapport à l'homme parce qu'elle est femme, ou même qu'elle
doit rester à la maison garder les enfants et ne pas travailler parce
qu'elle est femme (Buzi anapasha kula mayani karibu na nyumba).
Armatya SEN montre que la pauvreté est avant tout une
privation des capacités élémentaires. Et pour lui, un
revenu faible constitue bien une des causes essentielles de la pauvreté.
L'absence des ressources est la principale source de privation des
capacités d'un individu. C'est à ce niveau que le
théoricien rejoint ceux qui ont parlé du capital social et
envisage les interactions sociales.
L'approche genre que nous avons considérée dans
ce mémoire fait référence justement à la
construction sociale du rôle féminin et masculin qui doit
être entendu non pas par le caractère biologique et statique du
sexe ou en termes d'opposition homme- femme, mais comme le résultat des
conditions de production et de reproduction propres à chaque
société dans son évolution. Il a été donc
question de montrer des besoins pratiques et les intérêts
stratégiques pour que la femme lushoise puisse, par le
microcrédit, sortir de la condition de pauvreté dans laquelle
elle se trouve, c'est ce que nous avons appelé l'autonomisation.
L'accès plus large de la femme lushoise à la
microfinance lui permettra d'augmenter le bien-être de son foyer et
partant l'amélioration de son statut au sein du ménage et de sa
communauté. Ceci a été démontré par la
confiance qu'elle a envers le système de microfinance et envers
elle-même, car elle croit désormais qu'elle a les mêmes
chances de réussite que son compatriote homme. Ici les conclusions de
nos enquêtes ont rejoint celles de SEN et DUBOIS. Ils pensent que les
femmes ne sont plus des destinataires passives d'une reforme affectant leur
statut, mais plutôt les actrices du changement, les initiatrices
dynamiques de transformations sociales visant à modifier l'existence des
hommes et des femmes.
Enfin, la femme lushoise doit être prudente et
comprendre l'approche genre que nous soutenons dans ce mémoire, et
envisager cette autonomisation non pas par opposition ou par comparaison
à l'homme, mais par rapport à elle-même, car l'opposition
et la comparaison risque de susciter chez l'homme une réaction de
défense et de rejet qui bloquerait toute tentative de son
développement intégrale dans la mondialisation.
5.4. Conclusion partielle
Ce dernier chapitre du mémoire a consisté
à l'analyse de l'autonomisation de la femme lushoise. Dans sa recherche
des voies et moyens pour lutter contre la pauvreté, les femmes de
Lubumbashi comme leurs compatriotes hommes recourent à la microfinance.
Après nos investigations et interprétations sociologiques des
réponses de nos enquêtés, le microcrédit semble donc
être une arme efficace et importante en matière de progrès
social. Il permet aussi de réduire des inégalités sociales
non seulement entre les hommes et les femmes mais aussi entre le monde rural et
urbain. D'où l'importance que nous lui avons accordée dans ce
mémoire qui traite de la question du genre dans la lutte contre la
pauvreté.
L'amélioration du niveau de vie de nombreuses femmes et
de beaucoup hommes à Lubumbashi grâce aux microcrédits
dénote de l'impact positif du système de microfinance. Cependant,
nous avons aussi noté que sans l'autonomisation ou « l'empowerment
», les femmes démunies ne peuvent sortir durablement de la
pauvreté. L'autonomisation économique individuelle des femmes
bénéficiaires de microcrédit est très importante,
mais son degré dépend du niveau de contrôle qu'elles
exercent réellement sur l'utilisation de ces crédits et sur les
revenus qui en découlent. Le manque d'autonomisation économique
et socioculturelle voire intellectuelle est très souvent lié au
phénomène de « fongibilité » du
microcrédit. En effet, comme les résultats de nos enquetes l'on
montré, la consommation du microcrédit se répercute et se
dilue dans divers postes d'activités productives et de consommation,
à tel enseigne qu'on ne parvient plus à identifier sa destination
finale. D'où l'absence d'une délimitation claire entre
l'exploitation des activités génératrices des revenus et
les besoins familiaux qui renforce cet effet de dilution et prolonge la
pauvreté.
CONCLUSION GENERALE
La ville de Lubumbashi comme d'ailleurs les autres villes de
la République Démocratique du Congo connaît un
sérieux problème de survie des ménages à cause de
l'ampleur de la crise que traverse son économie nationale. La
présente étude a porté sur « Genre et lutte contre la
pauvreté à Lubumbashi. Une contribution à l'analyse de
l'autonomisation de la femme à travers le microcrédit ». En
réalisant cette étude, nos préoccupations ont
tourné autour des questions suivantes :
1. Est-ce que l'approche genre peut réellement contribuer
à la lutte contre la pauvreté?
2. Quels sont les changements importants intervenus chez la
femme lushoise par suite de mutations historico- culturelles, plus
précisément de son autonomisation à travers le
microcrédit ? En d'autres termes, quel est l'apport du
microcrédit dans la mise en oeuvre des programmes d'autonomisation de la
femme lushoise ?
Pour répondre a priori à ces interrogations,
nous avions pensé que la quête légitime
d'égalité entre les hommes et les femmes tout comme de
l'autonomie de la femme a enregistré certes des résultats
positifs dans le domaine de l'égalité des droits. Mais que
l'approche genre dans la lutte contre la pauvreté ne peut être
atteinte que lorsque les différences entre les sexes seront reconnues et
considérées comme complémentaires et que
l'élément culturel du genre sera compris dans son contexte
spécifique. L'autonomisation de la femme a été
envisagée comme l'accroissement de sa force sociale, politique,
économique et spirituelle, tant sur le plan individuel que collectif,
ainsi que l'élimination des obstacles qui pénalisent la femme,
l'empêchant d'être pleinement intégrée dans les
divers secteurs de la société. Concrètement, cela signifie
qu'il faut affronter les pratiques discriminatoires qui excluent la femme dans
des processus de prise des décisions et du développement. Donc
l'autonomisation de la femme lushoise à travers le microcrédit
s'inscrit donc dans le cadre des programmes d'amélioration de la
condition de la femme. Ces programmes devraient viser le respect de la femme de
la part des hommes et sa reconnaissance en tant que membre apportant une
contribution importante à la société et une plus grande
estime envers celle-ci dans son rôle prédominant dans la
réduction de la pauvreté. Le microcrédit
encourage les microprojets au niveau local et induit des
mutations à la base. Ces effets positifs et multiplicateurs de
l'autonomisation de la femme montrent que le microcrédit doit être
vigoureusement soutenu en faveur de la femme lushoise en particulier et
Congolaise en général.
Les bénéfices de l'autonomisation produits par
le microcrédit doivent aller de pair avec le besoin d'éducation
et de prise de conscience, en particulier au niveau des communautés
locales. L'éducation des femmes demeure particulièrement
l'instrument le plus important dans la promotion de l'égalité
entre les hommes et les femmes et dans l'autonomisation des femmes en vue de
pleinement contribuer à la lutte contre la pauvreté. Surtout
lorsqu'on sait que les femmes ont été éduquées de
façon à croire à tout moment que leur position de
subordination par rapport aux hommes est normale et naturelle, qu'elle
procède de l'ordre social, voire divin.
Outre l'introduction générale et la conclusion
générale, ce mémoire a été subdivisé
en cinq chapitres. Dans l'introduction générale, nous avons, en
premier lieu, présenté l'objet de notre étude et
justifié les raisons qui nous ont motivé pour le choix de ce
sujet. Par la suite, nous avons indiqué la délimitation de
l'étude. Après, nous avons fait la révision des
études antérieures pour bien dégager l'originalité
de notre étude. Nous avons ainsi posé notre problématique
et formulé nos hypothèses opératoires. Nous avons
également indiqué notre méthode ainsi que les techniques
de la recherche. Enfin nous avons présenté les difficultés
rencontrées au cours de la recherche.
Le premier chapitre a porté sur les
généralités concepto-théoriques. Dans ce chapitre,
nous avons précisé le contour sémantique et
théorique des concepts de notre étude, notamment le genre, la
pauvreté et la lutte. Par la suite nous avons revu la
modélisation du genre et lutte contre la pauvreté. Le second
chapitre a consisté à dégager l'importance
socio-économique du microcrédit et de la microfinance. Ce
chapitre nous a permis de fixer les contours du microcrédit et de la
microfinance avant d'en aborder la typologie et la méthodologie. Enfin
nous avons dégagé le rôle socioéconomique du
microcrédit et présenté son expérimentation
à travers le monde. Le
troisième chapitre a été consacré
aux manifestations de la pauvreté de la femme lushoise. Ce chapitre nous
a conduit à montrer comment la pauvreté est vue par les pauvres
eux-mêmes et aussi à montrer la répartition
sexo-spécifique du travail à Lubumbashi. Ce qui a justifié
l'importance des lignes accordées au travail des femmes et à la
survie des ménages. Ce chapitre a été d'un apport non
négligeable dans la mesure où nous nous sommes donné comme
tâche de cerner le concept même de « pauvre » et de
pénétrer les modalités de calcul de pauvreté. Se
basant sur les déclarations des pauvres, la banque Mondiale (2000) a
proposé la définition synthétique suivante : « la
pauvreté est un profond dénuement, un manque aigu de
bien-être. Etre pauvre, c`est avoir faim, ne pas avoir un toit, ne pas
avoir des vêtements décents, être malade et ne pas pouvoir
se faire soigner ; c`est être illettré et sans instruction. Les
personnes démunies sont particulièrement exposées à
des événements extérieurs qui échappent à
leur contrôle : maltraitées par les institutions et la
société, n`ont les moyens de se faire entendre, ni d`exercer une
influence quelconque »
Malgré ses immenses ressources naturelles, la
République Démocratique du Congo est l'un des pays les plus
pauvres du Monde. Les populations vivent dans des conditions économiques
et sanitaires déplorables. Près de 80% de la population
congolaise survivent à la limite de la dignité humaine, avec
moins de 1$ par personne par jour, moins de 20% ont accès
régulier à l'électricité. La pauvreté se
manifeste par la malnutrition qui touche entre 30 et 50% des femmes et des
enfants. Au total, 1,6 millions de personnes sont en situation
d'insécurité alimentaire. Sur le marché du travail, la
situation de chômage ou d'emploi précaire touchait la
majorité de la population active en 2004. La part du travail informel
est en constante augmentation et les salaires sont dérisoires. C`est
donc dans ces conditions que vit la femme lushoise. Cette pauvre qui tente de
sortir avec peine de la situation de précarité dans laquelle elle
se trouve.
Ensuite, le quatrième chapitre a analysé la
politique de l'autonomisation de la femme à Lubumbashi. A cette
occasion, nous avons d'abord montré l'approche conceptuelle et
théorique de l'autonomisation de la femme. Nous avons ensuite
présenté l'évolution des politiques
d'autonomisation de la femme à Lubumbashi avant de terminer par la
modélisation de la femme Lushoise.
Enfin, le cinquième chapitre a été
consacré à l'autonomisation de la femme lushoise par le
microcrédit. Ce chapitre a été subdivisé en deux
sections. La première section nous a permis de présenter le
milieu d'enquete qui est la ville de Lubumbashi. La deuxième section a
présenté les données d'enquete, leur
interprétation.
Pour atteindre les objectifs de cette recherche et
vérifier nos hypothèses opératoires, notre méthode
a été fondamentalement dialectique. Cette méthode a
été appuyée par les techniques d'analyse documentaire,
d'observation directe et d'interview.
Au terme des nos analyses et interprétations
sociologiques enrichies par des débats avec nos enquetés, nous
sommes parvenu à constater l'importance de la question du genre dans la
lutte contre la pauvreté. En effet, parmi les obstacles qui
empêchent la femme de participer au développement de sa
société figurent les pratiques socio culturelles et
économiques discriminatoires qui l'excluent dans le processus de prise
des décisions et du développement. Se trouvant dans un contexte
de crise prolongée touchant l'ensemble des couches moyennes et
inférieures, - où l'expérience la plus commune est
l'insuffisance de revenus monétaires et la cherté de la vie, - la
femme lushoise adopte une démarche nouvelle pour l'amélioration
de ses conditions socioculturelles. Pour pallier à tous ces
problèmes, nous avons proposé l'autonomisation de la femme
à travers le microcrédit.
Cependant, la survalorisation de la microfinance risque de
défavoriser les autres outils de réduction de la pauvreté.
La récupération politique de cette stratégie de lutte
contre la pauvreté peut donner des prétextes pour réduire
encore plus d'autres programmes sociaux comme l'alphabétisation, la
nutrition, l'éducation ou la santé. Pourtant
l'intérêt accordé à la microfinance comme faisant
partie de stratégies de lutte contre la pauvreté ne doit faire
oublier d'autres programmes complémentaires des
secteurs d'éducation, de santé, ou encore de
l'infrastructure. Disons seulement que si le microcrédit permet un
certain développement, cela ne signifie pas qu'il faille ainsi oublier
l'importance des autres acteurs. Encore l'autonomisation de la femme à
travers le microcrédit dépend aussi de l'accompagnement et du
soutien des institutions de la microfinance avec la collaboration d'autres
intervenants.
Nous n'avons aucune prétention à une
étude exhaustive. Certains aspects socio-ontologiques ( la culture, le
développement technologique et économique) ne sont pas
approfondis ici, alors qu'ils interfèrent sur la lutte contre la
pauvreté et sur la question du genre. Nous avons néanmoins
élaboré une ébauche sue laquelle porteraient des
études à venir pour saisir les différents aspects de la
lutte contre la pauvreté et partant, de l'amélioration des
conditions de vie de la femme lushoise.
Nous pensons à juste titre que notre modestie dans la
présentation des données ne cache pas cependant la portée
réelle de notre contribution à la théorie du genre et
développement.
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Zaïrois. Cas de l'enseignant de l'université. Essai d'analyse des
indices de décembre 1995 à mars 1997 », In Les Annales de
l'Institut Supérieur de Statistique, N°6, Aout 1999, p 67.
2. HOFMAN, E., K. Marius GNANOU, `'L'approche genre dans la
lutte contre la pauvreté : l'exemple de la micro finance», In
développement Socialement durable et la pauvreté, Presses
Universitaire de Bordeaux, 2003
3. J.WRESINSKI, Grande pauvreté et
précarité économique et sociale, in Journal
Officiel, Paris, 1987
4. MIMPIYA Akan Lambert, « la microfinance
éradique-t-elle la pauvreté ? » In Congo Afrique
n°428 octobre 2008
5. NARAYAN, D, « Silence et impuissance : le lot des
pauvres », in Finances et Développement, FMI, Washington,
vol. 37, n° 4, 2000
6. NSABIMANA A., « Microfinance : outil de lutte contre la
pauvreté ? », L`Africain n° 218, 2005
7. PRONK, Jan « Femmes dans le développement: le
chemin vers l'autonomie », in Cahiers genre et développement
N°1,2000
8. VINCENT, F., Le système du microcrédit
permet-il le développement ?, In Problèmes Economiques,
n° 2666
III. THESES ET MEMOIRES
1. BUSHABU PIEMA KUETE, Famille et urbanité à
Lubumbashi, Thèse de doctorat en Sociologie, Lubumbashi, UNILU,
1994
2. KITENGE Ya, le rôle de la femme zaïroise dans
la société contemporaine. Aspects épistémologiques
et analyse qualitative de la condition
féminine, Thèse de doctorat en sociologie,
Lubumbashi, UNAZAFSSPA, 1977
3. MALOBA Kale Katyetye, La prévention de la
criminalité dans la ville de Lubumbashi, une contribution à la
théorie sociologique du crime, Mémoire de DEA en sociologie,
UNILU, 2009-2010
4. MITONGA Kabwebwe H, La pauvreté-
déterminant majeur et conséquence de l'épidémie du
VIH/SIDA dans une contrée frontalière en Afrique australe, cas
de la frontière de Kasumbalesa (RDC-Zambie), thèse de
doctorat en santé Publique, UNILU, 2009-2010
5. MPANZU Balomba, Microfinance en République
Démocratique du Congo : cas du site maraicher de Ndjili/CECOMAF à
Kinshasa, DES en Economie et Sociologie rurale de la Faculté
Universitaire de Gembloux (FUSAGx) et UCL, 2004-2005
6. OULD NEMINE Ahmed, Le rôle du microcrédit
dans le financement du développement, Thèse de doctorat
à l'Université de Nice, 2004
7. PALIER, J., Les pratiques urbaines de la microfinance
indienne : de l'efficacité à la pérennité,
Mémoire de DEA d'Economie, Université de Lyon, 2001
8. Serres (DE), Andrée, « L'allocation de
capitaux aux projets innovateurs : étude des pratiques émergentes
dans le domaine des infrastructures publiques ».Thèse de
doctorat, Montréal, école des sciences de la Gestion,
Université du Québec à Montréal, 1999
IV. Sites internet
1. Réseau IMPACT Appui aux politiques publiques de
réduction de la pauvreté et des inégalités
www.reseau-impact.org
2.
http://www.famafrique.org
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GENERALE 1
1. Présentation du sujet 1
2. Choix et intérêt du Sujet 3
3. Délimitation du sujet 6
4. Etat de la question 6
5. Problématique 9
6. Hypothèse opératoire 12
7. Méthodologie de la recherche 15
7.1. Méthode de recherche 15
7.2. Techniques de recherche 17
8. Difficultés rencontrées 19
9. Subdivision du mémoire 20
CHAPITRE I : GENERALITES CONCEPTO- THEORIQUES 21
1.1. Introduction 21
1.2. L'approche conceptuelle et théorique du genre 22
1.3. L'approche conceptuelle et théorique de la
pauvreté 30
1.4. Approche conceptuelle et théorique de la lutte 39
1.5. La modélisation: genre et lutte contre la
pauvreté 48
1.6. Conclusion partielle 53
CHAPITRE II : L'IMPORTANCE SOCIO-ECONOMIQUE DU MICROCREDIT 55
2.1. Introduction 55
2.2. Définition de la microfinance et du
microcrédit 55
2.3. Typologie des Systèmes financiers
décentralisés en République Démocratique du
Congo 57
2.4. Approche méthodologique de la microfinance 58
2.5. Rôle socio économique du microcrédit
62
2.6. Expériences du microcrédit 68
2.6.1. Dans le monde 68
2.6.2. En Afrique 74
2.6.3. En RDC 80
2.7. Conclusion partielle 83
CHAPITRE III : LES MANIFESTATIONS DE LA PAUVRETE DE LA
FEMME LUSHOISE
85
3.1. Introduction 85
3.2. Cadre d'analyse et de calcul de la pauvreté 85
3.3. La répartition sexospécifique du travail
à Lubumbashi 102
3.4. Le travail des femmes et la survie des ménages
107
3.5. Conclusion partielle 110
CHAPITRE IV : LA POLITIQUE DE L'AUTONOMISATION DE LA
FEMME A
LUBUMBASHI 111
4.1. Introduction 111
4.2. Approche conceptuelle et théorique de
l'autonomisation de la femme 111
4.3. Evolution des politiques d'autonomisation de la femme dans
le monde, en RDC et
au Katanga 117
4.4. La modélisation de l'autonomisation de la femme
lushoise 123
4.5. Conclusion partielle 127
CHAPITRE V : L'AUTONOMISATION DE LA FEMME LUSHOISE PAR LE
MICROCREDIT 129
5.1. Présentation du milieu d'enquete 129
5.2. Présentation et interprétation des
données 132
5.2.1. Présentation des données 132
5.2.2. Interprétation des résultats 140
5.3. Essai de théorisation à posteriori 150
5.4. Conclusion partielle 154
CONCLUSION GENERALE 155
BIBLIOGRAPHIE 160
TABLE DES MATIERES 165
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