SECTION 2 : LE REGLEMENT JURIDICTIONNEL DES
DIFFERENDS
Le règlement juridictionnel des différends
repose sur trois caractéristiques des litiges qui sont soumis à
la volonté des parties et cela ne peut se faire qu'en vertu de la clause
facultative de juridiction obligatoire. Seulement, la solution obligatoire est
plus souvent
fondée en droit. Dans ce cas, les Etats peuvent soumettre
leurs différends à un arbitre (parag. 1) ou à une
juridiction permanente en particulier la Cour internationale de justice (parag.
2).
PARAGRAPHE 1 : L'ARBITRAGE
L'art. 37 de la Convention de la Haye de 1907 définit
l'arbitrage comme étant « le règlement des litiges entre
les Etats par des juges de leur choix et sur la base du respect du droit
». L'arbitre est un véritable juge dont la décision
s'impose aux parties. L'arbitrage permet de régler un litige sans passer
par les tribunaux étatiques mais par une juridiction arbitrale en
confiant le différend à un ou plusieurs particuliers choisis par
les parties. Il s'agit pour ces dernières d'accepter de faire trancher
leur litige par un ou plusieurs tiers.
En effet, l'art. 38 de la même Convention ajoute que
« le recours à l'arbitrage implique l'engagement de se
soumettre de bonne foi à la sentence » car les parties, ayant
accepté de soumettre leur litige à un tiers doivent absolument se
soumettre aux décisions y afférents. Son origine en
matière étatique remonte à la guerre de sécession
à l'issu de laquelle les Etats unis obtiennent des
dommages-intérêts de la part du Royaume uni qui avait armé
le navire l'Alabama pour le compte des Sudistes37. La maîtrise
de la saisine (1) de l'arbitrage nous permettra de mieux cerner les
compétences du tribunal arbitral (2).
1- Saisine :
- Le recours à l'arbitrage :
« L'arbitrage reposant sur le consentement des Etats en
conflit, le recours à ce procédé ne peut se faire
qu'avec leur accord ». Cet accord préalable peut prendre deux
formes : soit les Etats concluent à l'occasion d'un litige un compromis
d'arbitrage qui définit l'objet du litige, les conditions de
désignation des arbitres, leurs compétences, etc. ; soit
l'engagement intervient pour des différends qui pourraient naître
et prend la « forme d'une clause compromissoire stipulée
à titre accessoire dans un traité dont le
contenu principal porte sur une autre matière ou d'un traité
d'arbitrage obligatoire permanent. Mais tous ces engagements, quel que soit
leur contenu, ne concernent que la soumission à l'arbitrage. Ils ne
créent qu'une obligation de principe d'y recourir ».
Pour que le recours devienne effectif, il faut que les parties
déterminent la composition, les règles de fonctionnement et les
pouvoirs de l'organe arbitral. Un nouvel accord entre elles est donc
nécessaire.
- Déroulement de la procédure, choix
de l'arbitre et du droit applicable : Lorsque les Etats
décident de recourir à l'arbitrage, ils désignent eux
même et c'est une particularité par rapport à une
juridiction ceux qui règlent leur différend. La procédure
se déroule selon les règles établies par les parties dans
le compromis ou d'autres instruments conventionnels. La tendance
générale est à la juridictionnalisation par le recours aux
règles normalement applicables par une juridiction permanente. Le choix
de l'arbitre peut s'agir d'un tribunal unique ou d'un tribunal arbitral. Les
parties choisissent, elles mêmes, le droit qui leur sera applicable.
Seulement, la détermination de règles procédurales
applicables semble échapper aujourd'hui à la volonté des
parties à cause de l'institutionnalisation de l'arbitrage et cela est
affirmé par l'art. 30 parag. 138 du statut de la cour qui
habilite cette dernière a élaboré son règlement sur
un plan général. C'est ainsi que la cour rappelait, dans les
arrêts rendus sur les essais
nucléaires, qu'elle possédait << un
pouvoir inhérent qui l'autorise à prendre toute mesure voulues
d'une part pour faire en sorte que si sa compétence au fond est
établie que l'exercice de cette compétence ne se
révèle pas vain ; d'autre part pour assurer le règlement
régulier de tous les coins en litige ».
Au cours de l'instruction que procède la cour le
pouvoir de décider des enquêtes, des expertises ainsi que des
descentes sur les lieux se font si elle estime que ces mesures sont
nécessaires à l'administration de la preuve.
2- Compétences :
La compétence de l'arbitrage repose sur le fait que sa
décision est obligatoire pour les parties qui n'ont pas à la
ratifier tel un traité ou une convention ; mais son exécution
repose sur la bonne foi. Elle est définitive, seulement, il ne saurait y
avoir d'exécution forcée à cause de la souveraineté
de l'Etat. En règle générale, les sentences arbitrales
sont volontiers exécutées par les Etats qui voient dans cette
procédure beaucoup plus d'avantages que dans les procédures
juridictionnelles ; néanmoins il existe des voies de recours : recours
en interprétation devant l'organe arbitral ; recours en révision
si le compromis le prévoit ; recours en appel ou en rectification si
l'arbitre a commis un excès de pouvoir.
Toutefois, la décision du tribunal arbitral ou de
l'organe arbitral doit être écrite et contenir un exposé
succinct des prétentions respectives des parties et de leurs moyens de
droit. Elle est aussi motivée en droit si l'organe arbitral statue en
droit ou en équité s'il statue en amiable compositeur. La
décision de l'organe arbitral jouit de l'autorité relative de la
chose jugée de ce fait elle peut être opposable aux tiers.
Cependant, elle est dépourvue en tant que telle de force
exécutoire.
Mais, la compétence de l'organe arbitral repose sur le
bon vouloir des parties en litiges. En effet, sa constitution est le fruit d'un
accord entre les parties. L'arbitre unique constitue sa forme traditionnelle;
la tendance est de nos jours pour un tribunal collégial composé
de trois ou cinq membres. << Ses pouvoirs découlent du
compromis d'arbitrage ». Ce qui constitue son caractère
juridictionnel est << qu'il a le pouvoir d'interpréter
celui-ci (comme tout juge, il détient la compétence de sa
compétence ; en contrepartie, une interprétation
irrégulière du compromis d'arbitrage est constitutive
d'excès de pouvoir). L'organe arbitral reçoit parfois le pouvoir
« d'amiable composition », c'est-à-dire d'établir une
solution transactionnelle sur la base de considérations non juridiques :
pratiquement l'arbitrage se transforme alors en une instance de conciliation,
avec le pouvoir de décision en plus. Les clauses d'amiable composition
sont assez fréquentes dans les contestations territoriales39
».
L'institution de l'arbitrage est, par conséquent, de
tous les temps. Il est permis de penser qu'elle a, dans l'histoire,
précédé l'époque où la justice a
été prise en charge et organisée par l'État.
<< La justice romaine de l'époque archaïque, et
même de l'époque classique, présente bien des traits qui
évoquent son origine arbitrale. D'une manière
générale, on peut constater que l'arbitrage prospère dans
les époques oil l'État est faible, incapable souvent d'imposer le
recours à ses tribunaux ou le respect de leurs décisions
».
De ce fait, après avoir été
délaissé pendant quelques décennies, l'arbitrage a
bénéficié d'un regain d'intérêt de la part
des Etats. Parmi les secteurs privilégiés, on trouve
essentiellement le règlement des différends frontaliers et les
délimitations maritimes.
L'arbitrage se développe aussi dans le domaine des
affaires internationales. La confidentialité qui entoure la
procédure est en effet adaptée à ces modes de
règlement des
différends. De nombreux contrats d'Etat
désignent la Chambre de commerce international de Paris qui a
élaboré en 1923 un règlement d'arbitrage. Sont ainsi
rendus de nombreux arbitrages internationaux dans le domaine du commerce et des
investissements à propos desquels il n'est pas faux de parler d'une
véritable jurisprudence arbitrale.
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