Institut Universitaire Kurt Bösch
en collaboration avec
IL3, Institut de Formació Continua, FernUniversität
Hagen
Universitat de Barcelona
Katholieke Universiteit Leuven Université Paris
Descartes
Université de Sherbrooke Università Suor Orsola,
Benincasa
Università Cattolica del Sacro Cuore, Milano
La médiation sanitaire
Une réponse à l'insatisfaction du
patient
Mémoire présenté en vue de
l'obtention du Master européen en médiation
7ème volée 2007-2009
Tuteur : Présenté par :
Jacques Faget Isabelle Jeanneret
Sion, mars 2009
Table des matières
ABSTRACT
1. LE CONTEXTE SPECIFIQUE DU DOMAINE DE LA
SANTE
|
Pages
8
13
|
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1.1
|
L'individu, la santé et la maladie
|
14
|
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1.2
|
La relation thérapeutique
|
20
|
|
1.3
|
Les droits des patients
|
24
|
|
|
1.3.1. Le droit à l'information
|
27
|
|
|
1.3.2. Le consentement libre et éclairé
|
27
|
|
|
1.3.3. Les directives anticipées et le
représentant
|
|
|
|
thérapeutique
|
28
|
|
|
1.3.4. Le droit au libre choix
|
29
|
|
|
1.3.5. Les mesures de contrainte
|
29
|
|
|
1.3.6. Le secret professionnel
|
30
|
|
|
1.3.7. L'accès au dossier
|
|
|
|
1.3.8. Le droit d'être accompagné
|
32
|
|
|
1.3.9. Les dons d'organe et de tissu
|
33
|
|
1.4
|
Essai de définition de la médiation
|
34
|
|
1.5
|
Conclusion : les enjeux de la médiation sanitaire
|
38
|
2.
|
ETAT DES LIEUX DE LA MEDIATION SANTE EN
EUROPE
|
40
|
|
2.1.
|
Expériences au sein de l'Union européenne
|
42
|
|
|
2.1.1. En Norvège
|
43
|
|
|
2.1.2 Au Royaume-Uni, l'expérience de l'Angleterre
|
46
|
|
|
2.1.3 En Belgique
|
49
|
|
|
2.1.4 En Italie, l'expérience toscane
|
53
|
|
|
2.1.5 Synthèse
|
56
|
|
2.2.
|
Expérience de médiation santé en Suisse
romande
|
57
|
|
|
2.2.1 Analyse des cadres législatifs
|
58
|
|
|
2.2.2 Analyse des pratiques
|
61
|
|
|
2.2.3 Synthèse
|
65
|
|
2.3
|
Conclusions
|
68
|
3.
|
LA MEDIATION SANTE : LE MODELE VAUDOIS
|
69
|
|
3.1.
|
L'origine de la demande de médiation santé
|
70
|
|
3.2.
|
La médiation sanitaire au sein du dispositif de recours
|
72
|
|
3.3.
|
Les objectifs du processus de médiation et les
conditions
|
73
|
|
3.4.
|
Les étapes communicationnelles
|
74
|
|
|
|
2
|
3.5.1 La phase de pré-médiation 76
3.5.2. La phase de médiation 76
3.5.3. La recherche d'accords 77
3.5.4. L'accord de médiation 77
3.5.5. La vérification de la mise en place des accords
78
3.6. Les limites de la médiation 78
3.7. Typologie des plaignants et spécificités des
plaintes 79
3.8. Activités statistiques du BCMS 81
3.8.1. Catégories professionnelles mises en cause 81
3.8.2. Typologie des structures sanitaires mises en cause 82
3.8.3. Articles de loi non respectés : droit des patients
84
3.8.4. Résultats des médiations 85
3.8.5. Activités générales du BCMS 85
3.8.6. Synthèse 87
3.9. Conclusions 88
4. ANALYSE DES EFFETS DE LA MEDIATION SANTE
CHEZ
LES PLAIGNANTS 91
4.1. Méthodologie et outils 92
4.1.1. Procédure 92
4.1.2. L'enquête 92
4.1.3. Le déroulement des entretiens 93
4.1.4. Difficultés 94
4.1.5. L'analyse et le traitement des donnés 94
4.1.6. Limites de la recherche 94
4.2. Analyse qualitative : présentation des
résultats 95
4.2.1. Catégorie «Avant la médiation»
97
4.2.2. Catégorie «La demande de
médiation» 97
4.2.3. Catégorie «Le processus de
réparation» 99
4.2.4. Catégorie «Les métamorphoses
individuelles» 104
4.2.6. Catégorie «La paix sociale» 106
4.3. Synthèse 108
4.4. Analyse des accords de médiation 112
4.5. Conclusion 114
CONCLUSIONS 115
BIBLIOGRAPHIE 118
ANNEXES 120
Liste des abréviations
BCMS : Bureau cantonal de médiation santé
BRP : Bureau des Relations avec le Public (Italie)
CEMAJ : Centre de recherche sur les modes amiables et
juridictionnels de
gestion des conflits, Unine, Neuchâtel
CHUV : Centre universitaire vaudois
CMC : Commission mixte de Conciliation (Italie)
CMS : Centre médical social (aide et soins à
domicile)
CTR : Centre de traitements de réadaptation
DSAS : Département de la santé et des affaires
sociales
EMS : Etablissement médico-social
EVAM : Etablissement vaudois d'accueil aux migrants
FAREAS : Fondation vaudoise pour l'accueil de requérants
d'asile
FSM : Fédération suisse de médiation
HUG : Hôpital Universitaire Genevois
IDS : Institut du droit de la santé de l'Université
de Neuchâtel
IUKB : Institut universitaire Kurt Bösch
LAMal : Loi fédérale sur l'assurance-maladie
NHS : National Health Service (Angleterre)
OMS : Organisation mondiale de la santé
ONU : Organisation des Nations Unies
PALS : Patient Advice and Liaison Service (Angleterre)
SCSP : Service cantonal de la santé publique
UE : Union européenne
Isabelle JEANNERET
La médiation sanitaire Une réponse
à l'insatisfaction du patient
A l'instar des autres champs sociaux, le domaine sanitaire
occidental traverse une période de crise. L'apparition des droits des
patients interroge la relation thérapeutique et invite le malade
à devenir « sujet » , acteur autonome et responsable de son
projet de soins et de sa santé. Or la taylorisation du système de
santé et l' approche organiciste de la médecine parcellisent la
vision holistique de l'être humain et fragmentent la parole. Le soignant
s'éloigne des attentes du patient qui reste dans son statut d'«
objet ». Cette opposition génère une insatisfaction
croissante et une méfiance réciproque.
Ce mémoire explore l'évolution de la
médiation sanitaire institutionnelle articulée à la
protection des droits des patients et la gestion des plaintes dans 5
états européens, en mesure les effets sur l'insatisfaction du
patient et sur le lien soignant-soigné. L'étude met en exergue
les attentes du patient à l'égard des professionnels de la
santé et donne des pistes de solutions pour favoriser le dialogue,
restaurer la confiance mutuelle, et réinventer une relation
thérapeutique partenaire.
Mots-clés :
Institution, santé, maladie, pouvoir,
dépendance, relation, droits des patients, conflit, gestion des
plaintes, médiation, intercompréhension, dialogue éthique,
équité, autonomie, responsabilité, réparation, lien
social, régulation , prévention, qualité.
Remerciements
Je remercie toutes les personnes qui, de près ou de
loin, m'ont apporté leur aide précieuse tout au long de mon
parcours de formation et qui ont contribué à l'élaboration
de ce mémoire.
Je tiens à remercier en premier lieu les patients, les
proches et les professionnels de la santé de leur confiance et du temps
d'échange riche qu'ils m'ont accordés.
Un remerciement particulier va à Madame Chantal
Thouverez, médiatrice et responsable du BCMS à Lausanne pour sa
précieuse contribution sans laquelle cette recherche n'aurait pas
été possible.
Je tiens à remercier Monsieur Olivier Guillod,
directeur de l'Institut du Droit de la Santé, Monsieur le Conseiller
d'Etat Pierre-Yves Maillard, chef du DSAS du canton de Vaud et le Docteur Jean
Martin, ancien médecin cantonal vaudois et membre de la Commission
suisse de bio-éthique de leurs avis éclairés
Merci à Monsieur Jacques Faget, de son soutien, son aide
et ses encouragements durant l'élaboration de ce mémoire.
Je tiens à remercier Madame Marie-France Parel de son
efficace contribution et Madame Christiane Bauer du temps consacré
à la relecture et de son soutien constant.
Enfin, je remercie Mélanie, Véronique, Camille et
Fanny de leur patience et leur soutien tout au long de ma formation.
« Vous n'avez pas l'impression d'être
considéré quand on ne vous dit rien, c'est une facon de dire
« Tu n'es pas aimé ~~ On est perdu ~
« Ces choses retenues, ces
émotions qui restent, qu'on ne peut pas exprimer,
ça peut donner des maladies graves, des cancers »
« Si on ne peut pas s'exprimer, il y aura plus de
problémes de sante, ça peut ronger la sante, ça
l'influence, ça aggrave la situation, ça augmente la souffrance
morale »
« Quand on se sent écouté, on prend de
l'assurance, on peut lutter, on peut se battre. On demande un dialogue
équitable »
« Les gens peuvent se tromper, c'est humain. Mais le
reconnaître c'est important »
« Moi aussi j'ai fait des erreurs, ça veut
dire que je ne suis pas parfait »
« Qui d'autre connaît mieux son corps que le
patient ? Ici, on ne soigne pas les gens, on soigne la santé
»
« Sans confiance, je préférerais mourir
chez moi, je n'irais tout simplement pas me faire soigner »
« Le système américain est dangereux,
nuisible même, dans le sens que les médecins ne peuvent exercer
leur profession sans crainte d'un proces. En cela, la médiation peut
apporter un équilibre entre les soignants et les soignés
Paroles de médiés Mai - Juillet 2008
Abstract Introduction
L'évolution de la société occidentale
amène le citoyen à l'autodétermination et la
responsabilisation : le domaine de la santé n'est pas
épargné par cette tendance. La littérature scientifique
révèle qu'une transformation fondamentale de la relation
soignant-soigné est en cours : «d'objet de soins», le
citoyenpatient-client devient «sujet», partie prenante dans la
relation thérapeutique. Sa perception de la qualité des
prestations et son attente englobent non seulement l'excellence du soin
technique, mais également la dimension relationnelle et
communicationnelle des professionnels de la santé. L'apparition des
droits des patients et leur instauration dans les législations a suivi
cette mutation sociétale récente et modifié les bases du
rapport soignant-soigné, passant d'un modèle
dominant-dominé à un modèle de partenariat. L'Etat, garant
de la protection des intérêts citoyens, est censé s'adapter
à ces changements et mettre à disposition de la population des
moyens favorisant le dialogue et le respect.
Parallèlement, l'évolution de la médecine
vers une technicisation de plus en plus pointue a orienté nos
systèmes de santé dans une logique de spécialisation : la
pluralité d'acteurs et de disciplines qui interagissent autour du
patient complexifie la coordination et la communication : l'organisation et le
fonctionnement, basés sur l'efficacité et
l'économicité, hiérarchisent la parole et fractionnent la
vision holistique du patient et les actions de soins. De ce fait, les
professionnels de la santé ont tendance, malgré eux, à
percevoir la personne de manière réductrice au travers de sa
pathologie ou de sa dépendance et à oublier l'importance d'une
prise en charge individualisée et du dialogue éthique dans la
relation thérapeutique : le patient redevient «objet de
soins».
Le désir du patient de prendre part à son projet
de soins, d'être informé clairement, de prendre des
décisions concernant sa santé et sa vie et de prendre la parole
se confronte à l'évolution du monde sanitaire qui lui
s'écarte sensiblement des attentes citoyennes et de l'idéal
soignant : un terrain propice à la conflictualité.
Le champ sanitaire neuchâtelois n'échappe
à cette évolution qui fragilise les rapports
soignant-soigné en recherche d'un nouvel équilibre,
fragilité augmentée par la mise en oeuvre, dès 2006, d'une
nouvelle planification sanitaire qui engendre depuis lors des
résistances, des souffrances, une démotivation chez les soignants
et une insatisfaction grandissante de la population à l'égard de
leur système de soins . La complexité de cette situation expose
les soignants à des manquements relationnels qui réduisent
l'espace de parole du patient et le respect de sa dignité.
L'émergence d'une tension de masse est perceptible depuis plusieurs mois
au travers des médias et du discours de rue.
Dans le cadre de notre activité professionnelle, nous
nous sommes aperçus d'une baisse manifeste du nombre de plaintes
émanant de notre champ de pratique.
Depuis l'an 2000, nous occupons le poste d'infirmière
de santé publique au Service de la santé publique du canton de
Neuchâtel, en Suisse. Notre activité principale réside dans
la surveillance des institutions pour personnes âgées et la
gestion administrative des plaintes : évaluation de la qualité
des soins et de l'accompagnement, traitement des problèmes de non
respect des droits fondamentaux humains, des droits des patients et de la
personne âgée dépendante. Sur la base d'une statistique,
nous avons constaté une nette diminution du nombre de plaintes
dès le début 2006, confirmée en 2007. Voulant
vérifier si ce constat se limitait à notre domaine
d'activité, nous avons identifié auprès du médecin
cantonal de l'époque - chargée de la gestion des plaintes et de
la protection des droits des patients - le même phénomène
dans les autres champs sanitaires. D'autre part, les dossiers
déposés auprès de l'Autorité de conciliation en
matière de santé restaient peu nombreux depuis son instauration
en 1995. Autre constat : des plaintes émanant du champ sanitaire
neuchâtelois nous sont parvenues par le biais d'une association vaudoise
pour la défense des personnes âgées.
Une étude récente a montré que le trois
quart de la population résidant en Suisse consulte au moins une fois
par année. Ceci revient à dire que sur une population totale
de 170'000 habitant, 127'500 d'entre-eux entrent annuellement
en relation thérapeutique. A supposer que le 0,036% des
citoyens soit insatisfait, à l'instar de la réalité
vaudoise1, ce ne sont pas moins de quarantecinq personnes qui
annuellement souhaitent hypothétiquement exprimer leur
insatisfaction.
Or depuis deux ans et dans un contexte de changement
structurel et organisationnel, le nombre de plaintes reçues par les deux
instances officielles non juridictionnelles2 est insignifiant. Que
traduit ce silence ?
Hypothèse
Nous estimons qu'un conflit sociétal sous-jacent existe
et que la parole du patient insatisfait n'est pas favorisée dans notre
canton. Dans ce cas, l'on peut admettre que le dispositif de recours non
juridictionnel de notre canton ne répond pas aux besoins citoyens et ne
garantit pas le respect de leurs droits. Sensibles à cette observation,
nous avons choisi de mener une recherche sur la médiation sanitaire
liée aux droits des patients, partant de l'idée que :
? La médiation institutionnelle offre un espace de
parole particulier qui garantit la prévention du non respect des droits
du patient.
Objectifs
Cette étude a tenté :
o au niveau européen, d'identifier les
différents modèles de gestion des plaintes en lien avec les
droits des patients, la place de la médiation au sein de ces dispositifs
et son mode d'application;
o au niveau suisse, d'analyser un modèle de
service de médiation basé sur une approche normative de la
médiation et privilégiant sa logique communicationnelle;
1 Moyenne annuelle de 185 plaintes traitées
par les Commissions d'examen et le Bureau cantonal de médiation
Santé pour 700'000 habitants
2 Service de la santé publique - Autorité de
conciliation en matière de santé
o au niveau des médiés, d'analyser les
attentes des plaignants et les effets de la médiation sur leur
insatisfaction et sur les rapports soignant-soigné.
Méthodologie
o constitution d'une bibliographie et d'un porte-feuille de
documentation; o sélection des chapitres et documents utiles;
o recueils d'informations lors des stages : BCMS, HUG,
Médiation Jura
o entretiens semi-dirigés d'une à deux heures
avec huit personnalités professionnelles, politiques, juridiques et
éthiques, dix plaignants et neuf professionnels de la santé ayant
vécu une médiation au BCMS , quatre citoyens
neuchâtelois
o ? élaboration d'une grille d'entretien
pour chaque groupe cible; o analyse qualitative réalisée sur les
entretiens avec les plaignants.
Résultats
L'étude européenne ciblée sur la
Norvège, l'Angleterre, la Belgique, l'Italie et les six cantons romands
a démontré l'instauration des droits des patients dans tous les
textes de loi et un développement discret de la pratique de la
médiation dans sa forme enseignée à l'IUKB au sein des
dispositifs de recours. Chaque état étudié protège
les patients de manière plus ou moins affirmée selon leur culture
propre. Seule l'Angleterre prévoit l'intervention d'un médiateur
formé. Mis à part la Belgique, les trois autres pays
étudiés ont développé une politique de gestion des
plaintes visant l'amélioration des prestations de soins alors que cette
cohérence ne se retrouve pas en Suisse romande. Neuchâtel est le
seul canton romand à n'avoir pas instauré la médiation
sanitaire dans sa loi de santé. La médiation jurassienne et
valaisanne est légiférée, mais son mode d'application ne
répond pas à ses caractéristiques. Le modèle
vaudois reste le plus fidèle aux principes déontologiques de la
médiation et son mode opératoire s'appuie sur sa logique
communicationnelle.
L'analyse qualitative démontre que la médiation
vaudoise répond aux attentes des plaignants et montre des effets
bénéfiques à long terme qui contribuent à
la restauration de la confiance et du lien social avec les professionnels de
la santé
et stimulent leur autodétermination et leur
responsabilisation face à la gestion de leur vie et de leur
santé.
En revanche, la médiation ne garantit pas la
prévention du non respect des droits du patients mais y contribue
largement, moyennant certaines conditions que le modèle vaudois remplit,
notamment le respect de l'indépendance du tiers et du principe de
confidentialité, la saisine directe et la formation du
médiateur.
Limites de la recherche
Les documents à disposition pour mener l'étude
européenne ne contenaient pas de statistiques suffisamment
étoffées sur les activités des dispositifs de recours pour
en mesurer l'efficacité sur l'insatisfaction des plaignants.
Concernant l'analyse qualitative, nous souhaitions
initialement mettre en perspective les représentations
réciproques des patients et des professionnels de la santé. C'est
à contre coeur que nous avons renoncé à traiter le corpus
relatif aux professionnels de la santé.
Nous espérons que certains étudiants en
médiation, sensibles au domaine de la santé,
s'intéresseront à mener cette recherche croisée .
Depuis une vingtaine d'année, le domaine sanitaire
occidental est touché par la crise de l'Etat Providence. Des politiques
de rationalisation ont obligé les systèmes de santé
à se réorganiser selon une logique économique. De plus, le
développement de la science médicale et les avancées
techniques ont induit un fonctionnement fragmenté selon des logiques de
spécialisation pour soigner efficacement la maladie au détriment
d'une vision holistique de la personne. L'identité sociale du patient se
réduit donc à sa maladie ou à l'organe en souffrance :
«le cancéreux stade 4, le foie du 27, l'appendicite d'hier».
Le danger d'une déshumanisation des soins est nettement perceptible :
«Cette politique de rationalisation à outrance
s'est concrétisée par une sorte de taylorisme médical qui
a provoqué une parcellisation des tâches et transformé les
hôpitaux en des usines à soigner»3.
Or, l'évolution de nos sociétés
amène les patients et leurs proches à mieux s'informer sur la
maladie - notamment par Internet - et sur leurs droits et à revendiquer
une prise en soins individualisée dont la clé de voûte est
l'établissement d'une relation soignant-soigné égalitaire
faite de confiance mutuelle, d'une communication transparente, d'un dialogue
discursif et d'un accompagnement humain empreint de tolérance et
d'empathie. Autrefois légitimés par leurs savoirs et leurs
compétences, les professionnels de la santé se voient aujourd'hui
confrontés à des patients consommateurs et des proches exigeants
qui remettent leurs pratiques et leurs capacités communicationnelles en
question. On est loin de l'image du patient modèle, issue de la
théorie fonctionnaliste de Talcott Parson, sociologue américain,
qui consiste en une approche opérationnelle de la construction du lien
social supposant, dans le cas du médecin, à garder une distance
affective avec ses patients dont le rôle attendu est fait
d'obéissance et de coopération. De récentes études
ont démontré des différences individuelles et culturelles
face au vécu de la maladie, de la douleur et de la souffrance morale qui
nécessitent une approche individualisée du patient dans un esprit
collaboratif et la prise en compte des
3 J.-P. Bonafé-Schmitt, «La
santé, cycle de vie, société et environnement», Ed.
Réalités sociales, Lausanne, 2004, p.131
familles dans le projet de soins, sachant que la maladie est
désorganisatrice du lien social.
Le domaine sanitaire vit donc une période de mutation
sociétale entre le déclin de rôles sociaux établis
et l'émergence de nouvelles formes identitaires et culturelles. Le
désordre qui en résulte génère une crise de
confiance nourrie par l'insécurité et le doute des citoyens non
seulement à l'égard des professionnels de la santé mais
aussi à l'égard de l'ensemble du système sanitaire.
Avant de mesurer les enjeux de la médiation dans ce
contexte , nous souhaitons mettre en évidence les éléments
particuliers liés à la santé et la maladie, à la
relation soignant-soigné, présenter les droits des patients
garantis par les Etats romands et un essai de définition de la
médiation.
1.1. L'individu, la santé et la maladie
La santé est un état précaire qui ne
présage rien de bon
J. Romains
Le thème de la santé est une
préoccupation universelle qui aujourd'hui est au centre d'un
questionnement profond dans nos sociétés occidentales. Sous
l'angle humoristique, la phrase de Jules Romains sous-entend la notion
d'équilibre fragile qui caractérise la santé et la
finalité inexorable de la vie : la mort. Mais qu'est-ce la santé
? Que signifie être en santé ? Que veut dire avoir droit à
la santé ? Enfin, comment définir le concept de la santé ?
Celui-ci est en réalité une idée assez récente,
issue du développement de la science médicale et de
l'amélioration des conditions de vie datant du 20ème
siècle.
Avant l'ère industrielle, l'histoire fut marquée
par le combat pour la survie de l'espèce humaine, l'incapacité
à lutter contre la maladie ne permettant pas de concevoir la
santé. Les découvertes scientifiques médicales, notamment
celles des bactéries, amenèrent une compréhension du
phénomène de nombreuses maladies et influencèrent la
représentation de la santé qui, jusqu'ici, était
considérée comme la simple absence de maladie. Les recherches et
l'organisation des actions de soins étaient désormais
destinées à lutter contre les attaques microbiologiques, à
repousser les vagues épidémiques en vue de
protéger la population contre les maladies
transmissibles, entre autres la tuberculose et la syphilis. C'est à
partir de ces nouvelles stratégies sanitaires et sociales qu'est
née la conception de la santé qui, aujourd'hui encore, influe sur
les structures sanitaires européennes.
L'Encyclopédie Larousse nous dit que la santé
est:
«L'état de quelqu'un dont l'organisme fonctionne
normalement» ou encore «un fonctionnement satisfaisant, un
bon équilibre psychique»4.
La maladie, quant à elle, est définie comme une
«altération organique ou fonctionnelle qui atteint
quelqu'un»5.
La santé est vue ici comme un état d'être
satisfaisant qui relève d'un fonctionnement physique ou mental normal
alors que la maladie est traduite comme une dégradation de cette
normalité : une vision du «tout ou rien» sans prise en
considération des interactions potentielles entre les deux aspects
biologiques structurants de l'individu ni, d'ailleurs avec son environnement.
C'est après la deuxième guerre mondiale que le concept de la
santé vit un tournant important suite à la définition de
l'OMS de 1948 : «Etat de complet bien-être physique, mental et
social ne consistant pas seulement en une absence de maladie ou
d'infirmité»6.
Cette notion de la santé souligne deux idées
nouvelles d'importance :
1. la santé ne se caractérise pas uniquement par
l'absence de maladies. D'une part, le sentiment de bien-être global ne
dépend pas nécessairement de la présence d'une
altération ou d'une modification de la santé. D'autre part, la
présence de troubles ne signifie pas forcément «perte»,
mais plutôt «diminution» de la santé, qui
présuppose des actions de soins ciblées sur les capacités
restantes et non sur la maladie uniquement;
2. la santé est un état dynamique, les aspects
physique, mental et social de l'individu étant en interrelation.
4 Encyclopédie Larousse, vol. 9,
Larousse, Lizy-sur-Ourcq, 1985, p. 9317
5 Encyclopédie Larousse, vol. 6,
Larousse, Lizy-sur-Ourcq, 1985, p. 6567
6 Site Internet :
http://pedagogie.ac-amiens.fr/svt/sante/page%201.htm
Le sens du bien-être englobe «la notion
d'épanouissement personnel ainsi que des valeurs d'identité, de
liberté, de participation et d'utilité»7.
Cette définition va donc bien au-delà du traitement de la
maladie car la réponse aux besoins fondamentaux8 de
l'être humain engage des responsabilités collectives. La
santé selon l'OMS est donc l'affaire de tous.
Cette vision de la santé considère l'être
humain comme un tout indivisible qui devrait orienter les actions
thérapeutiques vers une prise en compte holistique de l'individu. Or,
depuis 1948, l'avancée scientifique et technologique de la
médecine s'est axée sur les aspects physiques puis
génétiques de la maladie. D'autre part, la vie par essence est
une lutte et un effort permanents d'adaptation. Dès lors, comment
considérer le malade dans sa globalité ? Comment concilier un
bien-être total avec le combat perpétuel que représente la
vie ? Ces constats amènent certains auteurs à dire que la
définition de l'OMS en est une vision idéalisée vers
laquelle tendre. Pour Marie-Françoise Collière, la conception
actuelle de la santé recouvre les notions de maladie et de vie :
«L'une et l'autre n'existent pas tant comme des
entités en soi mais elles sont étroitement dépendantes de
la vie dans ses différentes manifestations. [...] Santé et vie
sont intimement liées en ce sens que la santé représente
l'ensemble des possibilités qui permettent à la vie de se
maintenir et de se développer»9.
C'est la reconnaissance du lien entre la santé et la
vie qui, selon l'auteure, permet d'admettre la «grande
complexité» du paradigme de la santé et la prise en compte
des fondamentaux de la vie déterminant la santé. Celle-ci, au
même titre que la vie, consiste en un processus dynamique, en mouvement
constant du fait de l'âge chronologique et des facteurs d'influences
familiaux, sociaux, culturels, économiques, écologiques et
politiques. L'auteure souligne que la santé comme la vie est
«précaire et instable», notion de fragilité
dans l'équilibre, émise dans la «pseudo» plaisanterie
de Jules Romains.
7 L. Berger, D. Mailloux-Poirier «Personnes
âgées, une approche globale, démarche de soins par
besoins», Ed. Etudes vivantes, Montréal, 1989, p. 108
8 La réponse aux besoins
fondamentaux veut dire «la satisfaction des besoins vitaux (nourriture,
logement, etc.)une enfance bien vécue, une personnalité
résiliante, une bonne pratique personnelle de la santé (style de
vie), un bon soutien social, un bon environnement de travail, une justice
sociale et économique (égalité des chances pour tous,
indépendamment du sexe, de l'âge, de la religion, avoir
accès à des services publics et médicaux), la paix et
la
liberté»
9 M.-F. Collière, «Soigner,
le premier art de la vie», InterÉditions, Paris, 1996,
p.219
Pasqualina Perrig-Chiello et Frédéric Darbellay
font référence dans leur ouvrage à la terminologie
«idéale» de l'OMS et à la prolongation de
l'espérance de vie de ses dernières décennies pour
définir la santé comme suit :
«Etat d'équilibre en constante évolution
qu'il s'agit encore et toujours de stabiliser»10.
Au-delà des préoccupations financières
qu'elle suscite aujourd'hui et que nous n'aborderons pas ici, ceux-ci nous
disent encore que la santé est :
«un concept multidimensionnel [...] pris dans un
réseau de causalités multiples et ancrées dans les
biographies individuelles : elle est à la fois objective et
subjective»11.
Selon eux, le sens donné à sa propre santé
est :
«Le reflet d'une réalité individuelle,
biographique, sociale, écologique et économique objectivement
donnée» mais «également l'objet d'une
réalité subjectivement construite par les perceptions
individuelles»12.
Quant à Marie-Françoise Collière, elle
postule que le sens donné à la vie va résolument
influencer la santé, la perception subjective d'être bien, en
forme, heureux, serein, étant indépendante de l'âge, du
degré d'autonomie et de l'état biologique avéré. Le
processus dynamique de la santé individuelle apparaît comme une
:
«découverte et mobilisation permanente du
réseau de capacités et de potentialités de chaque
personne, compte tenu de ses conditions de vie»13.
Par capacités et potentialités, l'on entend,
d'une part, la biologie individuelle regroupant les caractéristiques
physiques et psychiques intrinsèques de l'organisme qui
déterminent les ressources corporelles, cognitives et sociales mises en
jeu dans le maintien de l'autonomie et le processus d'adaptation et, d'autre
part, les valeurs, représentations, habitudes de vie et comportements
qui conditionnent le processus décisionnel en faveur ou défaveur
de la santé.
10 P. Perrig-Chiello / F. Darbellay,
«La Santé: cycle de vie, société et
environnement», collectif, Ed Réalités sociales, Lausanne,
2004, p. 10
11 Ibidem, p. 10
12 Ibidem
13 M.-F. Collière, «Soigner, le
premier art de la vie», InterEditions, Paris, 1996, p. 220
Par conditions de vie, l'on comprend les facteurs d'influence
externes appartenant, d'une part, à l'environnement familial et social
(affectif et relationnel), les conditions socio-économiques, politiques,
écologiques et, d'autre part, les choix de société en
termes d'orientation des actions de santé publique, d'offres de
prestations de soins et la qualité des relations du système
sanitaire avec la population. Du point de vue sociétal, l'organisation
de la santé publique vise à rassembler les moyens
socio-économiques, culturels et pédagogiques afin de permettre
à l'individu de s'épanouir et de se réaliser selon ses
capacités, ses désirs et ses espoirs.
La structure actuelle du système sanitaire est
complexifiée du fait de la multiplicité d'acteurs et de
disciplines scientifiques qui interagissent entre eux et autour de la
pathologie du patient. Il ne s'agit pas de mettre en oeuvre les connaissances
de chacun de manière superposée, mais de trouver un langage et un
mode opérationnel communs qui puissent assurer les reliances entre ces
nombreux savoirs. Médecins, infirmières, psychologues,
sociologues, chercheurs, informaticiens, administrateurs, techniciens suivent
tous le même objectif (agir sur la maladie) et, par là, sont
amenés à mettre en jeu leurs compétences
réciproques dans une dimension transdisciplinaire.
Dans ce milieu, le patient14 intervient en faisant
appel à ses ressources physiques, cognitives et sociales pour comprendre
et s'adapter à ce contexte spécifique dont la pathologie qu'il
présente est au centre des préoccupations. Ainsi, Pasqualina
Perrig- Chiello et Frédéric Darbellay voient le concept de
santé comme :
«[...] un système [...] composé de
sous-systèmes en constante interaction [...] fruit d'une interaction
locale et globale entre les micro- et les macro-systèmes de l'individu,
de la famille et du groupe social, pris dans les contextes culturels et
environnementaux»15.
L'apparition d'une maladie peut être traduite comme un
«état de déséquilibre» au sein de cette
structure dynamique.
14 Le terme «patient»
utilisé dans ce document englobe celui de
«résidant»
15 P. Perrig-Chiello / F. Darbellay,
«La santé: cycle de vie, société et
environnement»,collectif, Ed. Réalités sociales, Lausanne,
2004, p. 12
Pour conclure, l'individu tend à vouloir maintenir le
contrôle sur sa vie et à lui donner sens. Il met en jeu ses
capacités pour structurer son existence, se donner des buts et les
moyens d'y parvenir, construire des relations sociales et s'adapter au monde
environnemental. Ses propres facultés d'interprétation et
d'actions ont une incidence non négligeable sur la qualité et la
durée de sa vie, indépendamment des facteurs d'influence externes
et de son état de santé objectif. Son statut de patient l'inscrit
dans un système de soins dont les actions diagnostiques et
thérapeutiques sont ciblées sur sa pathologie et non sur son
être global. Selon son âge, son sexe, son éducation, sa
culture et les facultés personnelles que nous venons de voir, l'individu
malade se montrera plus ou moins proactif dans le processus de restauration de
sa santé.
Face à cette multiplicité de facteurs
individuels et externes que constitue le concept de la santé, la notion
de «droit à la santé» fait appel non pas à un
droit exclusif, mais à la dimension d'accessibilité et de
qualité des prestations de soins. Il s'agit donc d'un droit collectif et
non individuel.
Enfin, une certaine inégalité à interagir
et à maintenir son autonomie existe entre les individus d'une même
société, chacun ayant son potentiel propre
d'autodétermination. Cela nous amène à postuler que cette
inégalité individuelle ajoutée à la
complexité de l'approche médicale plus organiciste qu'holistique,
participent à l'altération du dialogue et à la
construction d'une tension de masse entre le système de santé et
les citoyens qui se traduit par une conflictualité croissante au sein de
la relation thérapeutique et par des manifestations de violence dans les
structures hospitalières.
La santé n'appartient plus aux seuls soignants, mais
révèle aujourd'hui une problématique qui, outre les
coûts directs et indirects qu'elle engendre16, concerne
l'ensemble de la collectivité. Il s'agit aujourd'hui de tout mettre en
oeuvre pour encourager l'autodétermination du patient, établir un
dialogue éthique dans la relation thérapeutique, restaurer la
confiance entre les citoyens et leur système de santé.
16 Multiplication des examens diagnostics
et des hospitalisations par défaut de coordination, renforcement de la
sécurité dans les hôpitaux, juridicisation des
conflits
1.2. La relation thérapeutique
L'idée de «colloque singulier» date de la
deuxième moitié du 18ème siècle,
époque à laquelle le médecin, dans les
sociétés occidentales, acquiert, de par son savoir et la
naissance de corporations, une identité professionnelle et une
notoriété publique reconnues. Les échanges entre patients
et médecins s'organisent alors dans une relation duale, intime,
dépassant souvent le cadre médical, scène de débats
d'idées et de confrontations de savoirs17.
Le Petit Robert définit «la relation» comme
un «lien, rapport; lien de dépendance ou d'influence
réciproque (entre personnes); le fait de communiquer, de se
fréquenter».
Conditionnée par des aspects historiques, sociaux et
culturels, la relation thérapeutique, forte des caractéristiques
de dépendance ou d'influence de tout rapport, s'articule autour de deux
principes fondamentaux : la bienfaisance18 du médecin et
l'autonomie du patient. Cette relation particulière convoque d'une part,
deux individus et, d'autre part, deux fonctions différenciées: la
personne du médecin à qui l'on demande des prestations de soins
et la personne requérante de soins qui alors devient un patient.
L'interrelation et les échanges qui en découlent évoluent
sur deux niveaux: le premier relevant de l'histoire, des expériences et
des valeurs culturelles et sociales individuelles et, le deuxième,
lié au contexte social dans lequel s'inscrit la relation
thérapeutique, déterminée par certains aspects tels que la
figure du médecin et de la médecine, le degré de confiance
qu'elle génère, la représentation et l'imaginaire
collectifs sur lesquels se construisent les attentes du patient.
Les progrès de la médecine et l'apparition des
droits des patients ont provoqué des changements profonds complexifiant
le cadre de la relation thérapeutique actuelle. D'un côté,
l'importance du soin du corps prévaut aujourd'hui sur celui de
l'âme, la priorité étant donnée à
l'efficacité scientifique de la médecine au
17 M. Louis-Courvoisier, «Le malade
et son médecin : le cadre de la relation thérapeutique dans la
deuxième moitié du XVIII siècle»,
http://www.cbmh.ca/archive/00000526/01/cbmhbchmv18n2louis-courvoisier.pdf
18 Le principe de bienfaisance nous
vient du précepte de la médecine hippocratique «d'abord ne
pas nuire», notion fondatrice du code déontologique des
médecins qui détermine leurs comportements et attitudes et la
mission sociale qui leur est confiée. La version moderne du serment
d'Hippocrate, «le serment médical» intègre le paradigme
des droits des patients et valorise l'approche médicale humaniste et
l'autonomie du patient
détriment d'une vision holistique du patient et d'une
réponse individualisée. Les découvertes médicales
telles les antibiotiques ou la biogénétique ont accentué
l'image d'une médecine surpuissante et, par là, renforcé
la figure du médecin, autant que les attentes du patient à son
égard. De l'autre côté, les législateurs
occidentaux, suivant les principes de la Déclaration de la promotion des
Droits des patients de 1994, ont instauré ceux-ci dans leurs textes,
soucieux de défendre l'autonomie de leurs citoyens au nom des principes
d'égalité et du respect de leur libre arbitre. Ces nouveaux
droits remettent en cause le modèle paternaliste de la médecine
ancré depuis le début du siècle passé et convoquent
un modèle participatif qui repose sur les principes
d'autodétermination du patient et de responsabilité
médicale. Or, le passage «abrupt» d'un archétype
défini par un rapport «dominant-dominé» à un
modèle participatif ne se fait pas sans difficulté :
«Nombreux sont les médecins qui ont senti une
mise en cause de leur mission et, sans doute, de leur autorité. Ils on
dû apprendre la transparence et l'humilité : partager
l'information comme le doute, s'incliner devant une volonté contraire
à la leur. Du côté des patients, certains se sont senti
dépassés, la responsabilité des décisions
thérapeutiques générant plus d'angoisse que ne leur
procurait de réconfort la liberté de les prendre. Ils ont
dû apprendre l'autonomie et la confiance en eux : demander l'information,
accepter le doute, affirmer leur choix»19.
L'acquisition de l'autonomie du patient et l'abandon du
pouvoir médical dans ce contexte idéalisé d'une
médecine «qui peut tout» complexifient la construction d'une
relation soignant-soigné dans laquelle le patient et le professionnel
sont censés établir un rapport de confiance, un partage
équitable, prenant en compte les composants de la relation
thérapeutique20 et les limites de la science médicale:
déficiences technologiques, erreurs humaines, impuissance face au
vieillissement, à des maladies incurables et à la mort. A cela
s'ajoute la dimension sociale du patient dont la maladie peut affecter la
constellation familiale et appelle à une relation thérapeutique
élargie, plus particulièrement dans des situations chroniques, de
fin de vie ou d'incapacité de discernement dans lesquelles les proches
expriment le besoin d'être associés au projet de soins.
19 O. Guillod in « La relation
thérapeutique : état des lieux», D. Sprumont ( sous la dir.
de), Rapport IDS No 1, 2003, p.47
20 Composants de la relation
thérapeutique : confiance, respect, intimité, empathie et
pouvoir
Ordre des infirmières et infirmiers de l'Ontario,
«La relation thérapeutique», 2006, p.3
http://www.cno.org/docs/prac/51033nurseclient.pdf
Un placement à demeure, une hospitalisation de longue
durée ou encore des soins ambulatoires réguliers accentuent le
degré de dépendance de la personne fragilisée, son besoin
de réassurance et celui de ses proches.
Si un réel partenariat s'est développé
par des adaptations mutuelles progressives, des représentations et
comportements antérieurs peinent à disparaître et
«parsèment d'embûches cette
évolution»21. Certains professionnels
résistent encore à l'idée d'aborder les questions de prise
en charge financière, à partager leurs doutes, voire à
proposer des alternatives de traitements, l'information perdant alors de sa
substance puisqu'elle paraît vouloir convaincre le patient
d'adhérer à la proposition unique.
Le besoin d'informations compréhensibles et les
nombreux questionnements qu'il génère, la remise en question des
propositions de traitement et l'expression de l'insatisfaction devraient
être accueillies par le soignant avec empathie et respect et donner lieu
à une discussion équitable et authentique.
«Ce processus doit s'ancrer dans la confiance. Or la
confiance ne peut pas simplement découler d'un argument
d'autorité ou de l'affirmation d'un savoir. Elle se construit, notamment
à travers la transparence, la tolérance et la
sincérité»22.
C'est donc par l'établissement d'un dialogue
éthique et humain que le rapport de confiance peut s'établir
entre le soignant et le soigné, et participer autant au
développement d'une intercompréhension au sein du colloque
singulier qu' à l'empowerment23 du patient et plus largement
à l'humanisation des soins.
Pour Jean Martin, la capacité de dialogue
éthique relève de compétences propres à l'exercice
de la médecine dans les règles de l'art et non pas uniquement
d'une «composante optionnelle» à bien plaire, le
défaut d'échanges et d'informations claires étant
considéré aujourd'hui comme un fait de malpractis parfois
condamnable24.
21 O. Guillod, «La relation
médecin-patient : état des lieux», D. Sprumont (sous la dir.
de) Rapport. IDS No 1, 2003,
p. 48
22 Ibidem, p. 49
23 J. Martin, «Dialoguer pour
soigner : les pratiques et les droits », Ed. Médecine &
Hygiène, Chêne-Bourg-Genève,
2001, p. 6 : «Empowerment ou capacitation :
participation active des patients aux démarches préventives,
thérapeutiques et de réadaptation»
24 Ibidem, p.14
D'autre part, l'auteur estime que la manifestation
spontanée d'empathie, de regrets ou d'excuses lors d'un
événement fâcheux, défavorable à la
santé physique ou morale du patient, qu'il soit d'ordre relationnel ou
technique, est «humainement souhaitable, et déontologiquement
normale» mais aussi «le meilleur moyen d'éviter
d'envenimer la situation»25.
Selon Jocelyne Pourveur, l'accroissement du nombre de plaintes
et de procès qui remettent en question le pouvoir médical
relèverait plus d'une contestation sur la manière dont il
s'exerce que sur son existence et serait l'expression du désir
d'autonomie et «d'une plus grande prise de conscience de sa propre
santé»:
«Le patient interpelle et demande au corps
médical comment il s'y prend. Le
modèle de la relation patient-médecin dans
laquelle le médecin, compte-tenu de sa compétence, est
doté d'un pouvoir de décision absolu dans ce
quiintéresse et touche directement au malade et à sa
vie, tendrait à être
dépassé»26.
La légitimation des droits des patients et
l'idée d'une médecine surpuissante ont modifié la
perception citoyenne de la science médicale et les rapports de
l'individu avec les acteurs du système de santé, le
médecin se transformant en magicien. Face à un résultat
thérapeutique insatisfaisant, les attentes déçues et le
désarroi du patient ou de ses proches s'expriment par la colère
et un profond sentiment d'injustice, qui sans dialogue transparent,
sincère et empathique, l'orienteront vers un dépôt de
plainte.
C'est dans ce contexte que l'intervention de la
médiation , au-delà de sa logique de gestion des conflits, permet
de lever les malentendus, d'instaurer un dialogue éthique entre les
partenaires, de donner un sens à l'événement douloureux,
de favoriser la réconciliation et la restauration du lien social et, par
les engagements du professionnel de la santé, d'agir sur la
qualité des soins et le respect des droits du patient.
25 J. Martin , Dialoguer pour soigner :
les pratiques et les droits», Ed. Médecine & Hygiène,
Chêne-Bourg, Genève 2001, pp. 15-16
26 J. Pourveur, «La médiation
en milieu hospitalier : du mythe à la réalité»,
Mémoire Master IUKB, Sion 2001, p. 27
1.3. Les droits des patients
La notion de droits conférés au patient est
relativement récente dans le sens qu'elle découle directement des
principes fondamentaux des Droits de l'Homme (1948) qui reconnaissent
l'importance à accorder à l'intérêt et au
bien-être de la personne. Cette reconnaissance se manifeste entre autre
:
«[...] par le consentement aux soins, le respect de
la vie privée, l'interdiction de toute forme de discrimination en raison
du patrimoine génétique, l'encadrement du don d'organe et de
tissus»27.
La Déclaration de l'OMS sur la promotion des droits des
patients de 1994 traduit cette évolution de pensée en
reconnaissant à chacun les droits suivants :
o droit au respect de sa personne en tant qu'être
humain;
o droit à l'autodétermination;
o droit à l'intégrité physique et
mentale;
o droit à la sécurité de sa personne;
o droit au respect de sa vie privée;
o droit au respect de ses valeurs morales, culturelles;
o droit au respect de ses convictions religieuses et
philosophiques;
o droit à la protection de sa santé par des mesures
appropriées de prévention des maladies et de soins;
o droits aux moyens d'atteindre le meilleur état de
santé dont on est capable.
En 1997, une Convention européenne des droits de
l'homme et de la biomédecine est signée par la majorité
des Etats, indépendamment du degré de développement de
leur système de santé : une reconnaissance officielle des droits
du patient en Europe qui met en exergue le respect de la personne,
l'encouragement à exercer son libre arbitre et l'engagement des Etats
à se donner les moyens d'assurer des soins de qualité en les
adaptant à leur propre contexte. Cette convention fait appel à
des droits collectifs et individuels.
27 N. Fraselle, in «Nouvelle
encyclopédie de bioéthique : médecine et environnement
biotechnologique», de G. Hottois et J.-N. Missa, collectif, Ed. De Boeck
Université, Paris Bruxelles, 2001, p. 330
Nadine Fraselle précise que cette convention
«vise à protéger l'être humain dans sa
dignité et son identité et à garantir à toute
personne, sans discrimination, le respect de son intégrité et de
ses autres droits et libertés fondamentaux à l'égard des
applications de la biologie et de la
médecine»28.
Il est à noter que l'importance de
l'autodétermination émane, d'une part, des progrès de la
médecine et des risques inhérents à son
développement, de la complexification des systèmes de
santé qui déshumanise la prise en charge du patient et, d'autre
part, de mouvements sociaux en faveur du respect des droits de l'Homme qui se
développaient dans le monde entier. Ces différents facteurs ont
généré un changement sociétal dans le sens qu'ils
ont contribué à encourager la proactivité du patient en le
considérant consommateur de prestations de services médicaux
à visée curative, préventive, réparatrice ou
prédictive.
L'auteure précise :
«Appliqué au secteur des soins de
santé, le droit à la consommation s'affine pour rendre au patient
la place première qui lui revient dans la relation patient -
médecin, à savoir celle d'un sujet de droits, maître de son
destin et non celle d'un objet du processus de
consommation»29.
Les droits reconnus aux patients, d'une part, visent à
protéger leur identité, leur dignité et leur
intégrité en tant que personne humaine, à préserver
leurs
droits et libertés face à la bio-médecine
et, d'autre part, engagent la collectivité à mettre sur pied des
moyens qui garantissent la qualité des prestations de soins et de les
adapter dans le but d'assurer l'exercice de ces droits. Selon Nadine Fraselle,
la société est tenue de favoriser l'expression de
l'insatisfaction en prévoyant des dispositifs de recours à
l'égard des patients qui estiment que leurs droits n'ont pas
été respectés. Elle dit en substance :
«Ainsi, les patients qui estiment que leurs droits
n'ont pas été respectés doivent avoir la
possibilité de porter plainte. A côté des tribunaux, des
mécanismes indépendants doivent, notamment, garantir que les
informations concernant la procédure sont mises à disposition des
patients et que ceux-ci peuvent avoir recours et accès à une
personne indépendante qui les conseille sur la meilleure
28 N. Fraselle in «Nouvelle
encyclopédie de bioéthique : médecine et environnement
biotechnologique», de G. Hottois et J.-N. Missa collectif, Ed. De Boeck
Université, Paris Bruxelles, 2001, p. 330
29 Ibidem
façon d'agir[...]. Les patients ont le droit
d'obtenir que leurs plaintes soient examinées et qu'il soit
statué à leur sujet de façon approfondie, équitable
et rapide et d'être informée de la suite qui leur est
donnée»30.
En Suisse, l'ensemble des lois de santé romandes
contiennent une majorité des droits reconnus au patient, suite à
leur révision datant en principe du début des années 2000.
L'édition en 2005 d'une brochure intitulée «L'Essentiel sur
les droits des patients» est la résultante d'une recherche
d'uniformisation en termes de promotion de ces droits par les services de
santé publique de six cantons31. Cette brochure
décline les neuf droits reconnus au patient mais rappelle, au
préalable, ses devoirs qui s'apparentent aux logiques de collaboration
et de compliance attendues dans un processus de soins et de traitements :
«[...] ils ont aussi d'ailleurs, dans leur propre
intérêt, certaines responsabilités. Ainsi, il leur incombe
d'informer de la manière la plus exacte possible le soignant des
symptômes ressentis, des traitements reçus ou en cours, ainsi que
des effets des thérapies déjà suivies. De même, il
est de la responsabilité du patient de suivre le traitement prescrit ou,
en cas d'interruption, de l'annoncer à son
soignant»32.
Il est stipulé en fin d'introduction :
«[...] une relation transparente permet le
développement d'un cadre thérapeutique de qualité et que
celui-ci peut contribuer à rendre la maladie et les traitements plus
supportables»33.
Nous comprenons par là que le respect de l'
autodétermination du patient par les professionnels de la santé
contribue à la construction d'une relation thérapeutique de
confiance basée sur un dialogue éthique et que ce dernier est un
facteur de qualité des prestations de soins qui peut influencer
l'état de santé. Les droits reconnus au patient clarifiant les
relations entre le soigné et le soignant se déclinent comme suit
:
30 N. Fraselle in «Nouvelle
encyclopédie de bioéthique : médecine et environnement
biotechnologique», de G. Hottois et J.-N. Missa collectif, Ed. De Boeck
Université, Paris Bruxelles, 2001, p. 333
31 Cantons concernés : Vaud,
Valais, Fribourg, Neuchâtel, Jura et Bern
32 Brochure «L'essentiel sur les
droits des patients dans les cantons de Berne, Fribourg, Jura, Neuchâtel,
Vaud et Valais», Ed. Sanimédia, Information en santé
publique, Lausanne, 2005, p. 3
33 Ibidem, p. 4
1.3.1. Le droit à l'information34
«Le patient a le droit d'être informé de
manière claire et appropriée sur son état de santé,
sur les examens et traitements envisageables, sur les conséquences et
les risques éventuels qu'ils impliquent, sur le pronostic et sur les
aspects financiers du traitement.
Au moment de son admission dans un établissement
sanitaire, le patient reçoit, en principe, une information écrite
sur ses droits et ses devoirs et sur les conditions de son
séjour».
Sans demande particulière du patient, le professionnel
de la santé est tenu de lui donner naturellement une information
complète, objective, précise et claire qui permette d'exercer son
libre arbitre, soit de consentir ou non à un traitement, de demander un
second avis professionnel interne ou externe, de lever le secret pour une
transmission d'informations le concernant entre professionnels ou à son
représentant thérapeutique. L'information donnée lui est
donc en principe strictement destinée Deux particularités
limitent toutefois cette information : l'une concerne son «refus de
savoir» sans restriction de soins et, l'autre, les situations d'urgence
dans lesquelles l'information par évidence suit les décisions et
les actions de soins effectuées sans son consentement.
1.3.2. Le consentement libre et éclairé35
«Aucun soin ne peut être donné sans le
consentement libre et éclairé du patient capable de discernement,
qu'il soit majeur ou mineur.
Le patient capable de discernement a le droit de refuser
des soins, d'interrompre un traitement ou de quitter un établissement
sanitaire s'il le souhaite».
Sur la base d'une information claire et complète, le
patient peut ainsi exercer son pouvoir de décision en toute connaissance
de cause, libre en tout temps de revenir sur celle-ci. La capacité de
discernement, par principe reconnue à tout être humain est
traduite par l'aptitude à évaluer une situation et à
exercer son libre arbitre de manière cohérente. Sont
considérés exempts de cette faculté, les enfants en bas
âge et les personnes souffrant d'une altération cognitive de
naissance, par suite de maladie psychiatrique, traumatisme ou consommation
34 Ibidem, p. 4
35 Ibidem, p. 6
abusive d'alcool ou de drogues. Les troubles psychiques, le
grand âge, la mise sous tutelle ou encore être mineur ne sont pas
considérés comme «incapacités de
discernement».
1.3.3. Les directives anticipées et le
représentant thérapeutique36
«Toute personne a le droit de formuler des directives
anticipées pour spécifier le type de soins qu'elle aimerait
recevoir ou non, au cas où elle ne serait plus en mesure d'exprimer sa
volonté.
Elle peut aussi désigner une personne, un
représentant thérapeutique, chargée de se prononcer
à sa place sur le choix des soins à lui prodiguer dans les
situations où elle ne peut plus s'exprimer».
Le professionnel de la santé doit respecter les
désirs de la personne. Ceci relève donc de la
responsabilité du patient de remettre à ses proche, soit au
directeur de l'institution, au médecin ou à son
représentant thérapeutique, un document daté et
signé de sa main qui précise ses volontés en termes de
soins dans son propre cas : par exemple refus d'acharnement
thérapeutique lors d'un cancer, d'un coma prolongé, d'un
état de vieillesse avancée ou encore refus d'une prise en charge
allopathique. Ces directives anticipées sont modifiables en tout temps
ou peuvent, le cas échéant, être annulées par la
personne ellemême. Dans une situation d'incapacité de
discernement, le professionnel de la santé est tenu de rechercher ces
directives, de se renseigner si un représentant thérapeutique a
été désigné et, dans ce cas, de lui fournir
l'information claire et précise permettant à ce dernier
d'accepter ou de refuser le traitement proposé en faveur de la personne.
Le secret professionnel est donc levé face à lui. La
présomption des désirs intervient dans des situations d'urgence
dans lesquelles les professionnels agissent sans le consentement de la personne
mais au plus près de ses intérêts. Dans les cantons de
Neuchâtel et du Jura, la loi prévoit que les proches consentent
sans l'accord du patient, alors que les lois vaudoise, fribourgeoise et
bernoise stipulent que le professionnel doit prendre l'avis des proches sans
«toutefois être lié par cet avis». Quant à la loi
valaisanne, elle ne prévoit pas le devoir de prendre avis des
proches.
36 Ibidem, p. 8
1.3.4. Le droit au libre choix37
«Dans le cas d'un traitement ambulatoire, le patient a
le droit de choisir librement le professionnel de la santé auquel il
souhaite s'adresser.
En principe, il a également le droit de choisir
librement l'établissement sanitaire d'intérêt public
où il souhaite être soigné.
La prise en charge par l'assurance de base peut cependant
s'avérer partielle pour les traitements ambulatoires hors du lieu de
résidence ou de travail, ainsique les traitements
hospitaliers hors canton, sauf en cas d'urgence ou de nécessité
médicale».
Pratiquement, le patient choisit le professionnel de la
santé qui peut l'orienter vers un confrère s'il ne peut
répondre à la demande par indisponibilité ou limites de
compétences spécifiques. Dans les institutions sanitaires
publiques, le patient est tenu d'accepter d'être soigné par les
médecins à sa disposition. Il peut cependant demander un second
avis médical provenant d'un professionnel externe à
l'établissement.
Toutefois, le libre choix est limité dans deux situations
:
o l'institution choisie doit correspondre aux besoins de
traitement du patient en termes de moyens et avoir un lit disponible pour
lui;
o une personne couverte par la seule assurance de base LAMal
ne peut être hospitalisée ou institutionnalisée dans un
établissement hors canton pour des raisons de remboursement.
En cas de doute, les patients sont «vivement»
conseillés de se renseigner préalablement auprès de leur
caisse maladie en ce qui concerne la prise en charge d'un traitement ou d'une
hospitalisation.
1.3.5. Les mesures de contrainte38
«Par principe, toute mesure de contrainte à
l'égard des patients est interdite».
37 Ibidem, p. 10
38 Ibidem, p. 12
Partant du principe du droit fondamental de l'être
humain à son entière liberté d'action et de
décision, la mise en place d'une mesure de contrainte est un acte grave,
exempt du consentement libre et éclairé de la personne et qui
limite la liberté individuelle. Elle ne peut être
considérée comme une mesure thérapeutique. Par mesure de
contrainte, l'on entend «l'enfermement, l'interdiction de circuler
librement ou d'entrer en contact avec ses proches, l'isolement, l'attachement
ou la contention médicamenteuse»39. Pratiquement,
l'attachement s'effectue au moyen de ceintures, de gilets ou de draps. Celui-ci
risque donc de porter atteinte à la dignité et à
l'intégrité de la personne. Toute mesure de contrainte doit
être limitée dans le temps, documentée, argumentée
objectivement et réévaluée régulièrement
pour définir la pertinence de son maintien ou de sa levée. En cas
d'incapacité de discernement, l'accord du représentant
thérapeutique est requis.
1.3.6 Le secret professionnel40
«Le patient a droit au respect de la
confidentialité.
Les professionnels de la santé ont l'obligation de
respecter le secret professionnel, aussi appelé secret médical.
Ils doivent garder pour eux les informations dont ils ont eu connaissance dans
la pratique de leur profession. Sauf exception prévue par la loi, ils ne
peuvent pas les transmettre sans l'accord de leur patient.
Le secret professionnel s'applique également entre
professionnels de la santé». Le secret professionnel est
à la base du lien de confiance qui doit s'établir dans la
relation thérapeutique et «protège le patient et ses
intérêts». Celui-ci ne peut être invoqué contre
le patient qui garde sans cesse le droit à l'information et à
l'accès au dossier : le soignant ne peut donc pas invoquer le secret
professionnel pour refuser l'information au patient ou l'accès à
son dossier, ni lorsqu'un conflit les oppose. La transmission d'informations ou
de documents à d'autres professionnels ou aux assureurs ne peut se faire
qu'avec accord de l'intéressé. Ce dernier peut, en revanche,
exiger la transmission de son dossier à un autre professionnel de son
choix.
39 Ibidem, p. 12
40 Ibidem, p. 14
Le secret professionnel n'est pas absolu dans quatre situations
prévues par la loi. Ainsi, le professionnel de la santé est
délié du secret :
o lorsqu'une loi fédérale ou cantonale le
contraint à éclairer les autorités, notamment en cas de
maladies transmissibles telles la tuberculose, la méningite, la rougeole
ou le SIDA;
o lorsque ces lois l'autorisent à informer
l'autorité comme, par exemple, la loi sur la circulation routière
qui autorise le médecin à révéler l'état de
santé altéré d'un patient qui restreint ses
facultés de conduite;
o sur sa demande et pour des raisons importantes, celui-ci
peut être délié du secret par l'autorité
compétente, par exemple lorsqu'un médecin désire informer
le conjoint sur la maladie grave et transmissible de son patient qui refuse de
renseigner son partenaire;
o en cas de constat de maltraitance de mineurs ou d'actes de
soins dangereux ou de maltraitance perpétrés par des
professionnels de la santé sur un patient, celui-ci est tenu de les
dénoncer à l'Office des mineurs ou au médecin cantonal.
1.3.7. L'accès au dossier41
«Le patient a le droit de consulter son dossier et de
s'en faire expliquer la signification.
Il peut s'en faire remettre en principe gratuitement les
pièces, en original ou en copie, et peut les transmettre au
professionnel de la santé de son choix».
Le dossier médical n'est consultable que par le patient
lui-même, les proches ne pouvant y accéder que sur son accord
préalable. Ce droit recouvre les documents relatifs à
l'historique médical, les diagnostics actifs, le suivi de
l'évolution de l'état de la personne, la médication
prescrite, les résultats d'examens et d'expertises et les rapports
post-opératoires ou d'hospitalisation. Les notes dites personnelles du
professionnel sont sous le seau du secret
41 Ibidem, p. 16
professionnel et donc non accessibles. Par notes personnelles,
l'on entend des écrits de type «aide-mémoire» qui
servent à se rappeler rapidement de la situation et du nom de la
personne.
En revanche, les observations, même écrites
à la main, ne sont pas considérées comme notes
personnelles si celles-ci sont intégrées au dossier et font
partie du suivi de l'évolution du patient (observations
infirmières, par exemple).
Dans le cas où le professionnel de la santé
estime que la consultation du dossier risque d'entraîner des
conséquences graves pour le patient, il peut demander que celui-ci le
consulte en sa présence ou celle d'un autre professionnel de son choix.
Enfin, le dossier d'un patient décédé n'est pas accessible
aux proches sans autorisation officielle de l'organe de surveillance.
1.3.8. Le droit d'être accompagné42
«Un patient qui séjourne dans un
établissement sanitaire a droit à une assistance et des conseils
pendant toute la durée de son séjour.
Il a le droit de demander le soutien de ses proches et de
maintenir le contact avec son entourage.
S'il le souhaite, il peut faire appel à un
accompagnant extérieur».
Sur demande du patient, un proche ou un accompagnant peut
l'assister dans les démarches administratives liées à une
hospitalisation ou un placement en institution médico-social et est
autorisé à participer à des colloques de réseau ou
à des entretiens avec des instances.
Il est à noter que ce droit est strictement
réservé au patient qui peut accepter ou refuser les visites de
l'accompagnant.
42 Ibidem, p. 18
Par proche, l'on entend toute personne connaissant bien le
patient, qui entretient avec lui une relation de parenté ou amicale dans
un esprit bienveillant : famille, amis, partenaire. L'accompagnant
supplée au manque de réseau social du patient par sa
présence empathique et sa chaleur humaine, son soutien et ses
conseils.
1.3.9. Les dons d'organe et de tissu43
«Une personne peut décider de son vivant de
donner ses organes à des fins de transplantation.
Le don d'organe ou de tissus ne peut en aucun cas faire
l'objet de transactions commerciales».
La loi fédérale du 1er juillet 2007
sur la transplantation d'organes, de tissus et de cellules, intitulée
«Loi sur la transplantation», prévoit une
réglementation uniforme du champ de la transplantation. Sans directives
anticipées sur ce sujet ou l'expression ferme et récurrente de
son opposition, le consentement de la personne décédée est
présumé en ce qui concerne le prélèvement de ses
organes ou tissus; les proches doivent alors être consultés au
préalable et ont le droit de refuser le prélèvement.
Si la personne de son vivant exprime clairement son opposition,
son désir doit être respecté, les proches ne pouvant s'y
opposer.
Un problème éthique réside dans
l'application des droits à l'information et au consentement libre et
éclairé qui touchent à l'une des valeurs essentielles
émanant de l'évolution des pratiques de la médecine :
l'autonomie.
«Le principe selon lequel le médecin dispose
de la liberté thérapeutique ne l'affranchit nullement de
l'obligation de mettre le patient en situation de prendre une décision
en connaissance de cause quant à son propre corps [...]. En
matière médicale comme dans tout autre rapport contractuel, le
consentement des parties est requis pour que le contrat soit valable. Depuis
longtemps, l'exigence est confirmée dans le chef du médecin qui
doit recueillir le consentement libre et éclairé du
patient»44.
43 Ibidem, p. 20
44 N. Fraselle in "Nouvelle
encyclopédie de bioéthique : médecine et environnement
biotechnologique", de G. Hottois et J.-N. Missa, collectif, Ed. De Boeck
Université, Paris Bruxelles, 2001, p. 333
Or, nous verrons au travers de notre recherche que ces deux
droits constituent la source principale de plaintes avant le refus
d'accès au dossier et que l'harmonie recherchée dans la relation
thérapeutique recourt indubitablement au respect de
l'autodétermination du patient.
1.4. Essai de définition de la
médiation
Le flou conceptuel autour de la médiation émane,
selon Jean-Pierre BonaféSchmitt, d'une «polysémie» des
pratiques de la médiation dans tous les champs sociaux, qui rend son
concept encore plus nébuleux et amène à la confusion.
Cette variabilité de l'exercice de la médiation existant aussi
dans le domaine sanitaire appelle, en premier lieu, à une classification
en deux catégories distinctes : les activités et les instances de
médiation :
1. Les activités de médiation
«[...] action menée par un tiers
impliqué dans une relation triangulaire, en dehors de toute relation de
pouvoir. L'action de ce tiers peut porter aussi bien dans le champ de la
gestion des conflits que dans celui de la communication ou encore celui de la
sécurité»45.
Toute personne intervenant dans des rapports entre patients -
soignants ou l'administration hospitalière dans une position de tiers
est aussitôt désignée «médiateur».
En Suisse, l'ouverture de «L'espace de
médiation» au coeur du HUG, en novembre 2007, en est un exemple
concret. L'espace de médiation participe à l'amélioration
de la communication entre les patients et les unités de soins par le
biais de coordinatrices en lien direct avec l'ensemble des acteurs
hospitaliers, sans que soit pratiquée la médiation au sens de la
littérature et de la formation IUKB. Cette initiative s'inscrit dans une
démarche d'amélioration continue articulée à la
gestion des plaintes, démarche soutenue par le directeur de
l'institution hospitalière genevoise depuis une dizaine d'années.
Le terme «médiation» choisi pour cet espace de parole
45 J.-P. Bonafé-Schmitt, in
«La santé : cycle de vie, société et
environnement», de P. Perrig-Chiello et H-B. Stähelin, collectif, Ed.
Réalités sociales, Lausanne, 2004, p. 125
rapidement mis sur pied évoquait pour les
coordinatrices et leur supérieur hiérarchique l'idée de
«mise en lien» puis, par expérience, celle de
«visage humain» de l'hôpital.
Dans les rapports conflictuels de travail, le tiers
nommé reste le plus souvent une personne issue du domaine administratif
ou juridique qualifiée de «médiateur naturel». A
Lausanne, le service juridique du CHUV pratique des activités de
médiation dans les conflits opposant patients et professionnels de la
santé.
2. Les instances de médiation
«[...] se distinguent des activités de
médiation non seulement par le statut du tiers, marqué par son
indépendance, son impartialité et son absence de pouvoir, mais
surtout par son mode d'action qui repose sur une rationalité
communicationnelle et non instrumentale comme dans les activités de
médiation»46.
Pour l'auteur, la différence entre l'activité et
l'instance de médiation réside dans l'action du médiateur
: le tiers agit dans le but de favoriser, chez les parties, l'émergence
d'aptitudes communicationnelles les amenant à redevenir acteurs par la
réappropriation de leur conflit et par la co-construction d' une
«intercompréhension», notion issue de la théorie de
«l'agir communicationnel» de Jürgen
Habermas47:
«Dans cette perspective, la médiation
s'apparente à un processus visant à permettre aux personne de se
construire comme acteur, de promouvoir une capacité d'action, une
autonomie dans la gestion de leurs conflits et plus largement de leurs
relations sociales»48.
L'expérimentation réalisée par les
médiés fait référence aux
logiques communicationnelle et éducative de la médiation selon
Jean-Pierre Bonafé-
46 J.-P. Bonafé-Schmitt, «La
santé : cycle de vie, société et environnement», de
P. Perrig-Chiello et H.B. Stähelin, collectif, Ed. Réalités
sociales, Lausanne, 2004, p. 125
47 J.-P. Bonafé-Schmitt, «La
médiation, une alternative à la justice ?, Ed.
Syros-Alternatives, 1992, p. 146 « Si l'on
définit l'action du médiateur comme un
«agir communicationnel», dans le sens où l'entend Jürgen
Habermas, il est nécessaire que soit organisé un processus de
médiation permettant «la mise en discussion» des actes de
langage de manière à rendre possible la compréhension
mutuelle entre acteurs. Comme on peut le voir, ce processus repose sur une
logique communicationnelle, c'est-à-dire que le rôle du
médiateur consiste à créer les conditions processuelles
pour permettre une bonne communication orientée vers
l'intercompréhension.[...] Par essence, la médiation repose sur
une réappropriation par les parties du pouvoir de gérer leurs
conflits, l'intervention du médiateur se limitant à favoriser la
communication entre elles ».
48 J.-P. Bonafé-Schmitt, « La
santé : cycle de vie, société et environnement », de
P. Perrig-Chiello et H.B Stähelin, collectif,Ed. Réalités
sociales, Lausanne, 2004, p. 125
Schmitt, expérimentation qui est supposée se
perpétuer dans la vie familiale, professionnelle et sociale des
médiés par un effet pédagogique.
Il définit la médiation dans sa logique de gestion
des conflits comme :
«[...] un processus, le plus souvent formel, par
lequel un tiers impartial, le médiateur, tente à travers
l'organisation d'échanges entre les parties de leur permettre de
confronter leurs points de vue et de rechercher avec son aide une solution au
conflit qui les oppose»49.
La formalité du processus fait appel au cadre et aux
règles garantis par le médiateur ainsi qu'au comportement attendu
des parties, terrain favorable au débat d'idées, et à la
recherche de solutions.
Michèle Guillaume Hofnung définit la
médiation selon deux notions. La première fait état d'un
mode de gestion des conflits visant à régler un litige ou un
conflit. Cette approche, dit-elle, «peut servir une demande de
médiation institutionnelle visant à gagner du temps et à
apaiser le conflit» :
«La médiation est un mode de résolution
des conflits basé sur la coopération, faisant appel à un
tiers impartial, le médiateur, sans pouvoir décisionnel. Le
médiateur doit amener les parties à exprimer leurs attentes,
besoins et objectifs véritables pour pouvoir ensuite trouver les
solutions qui leur conviennent »50.
Cette définition correspond à la majorité
des pratiques institutionnelles basées sur la logique instrumentale de
la médiation. Nous n'adhérons pas à cette vision
tronquée de la médiation.
La deuxième notion intéresse
particulièrement le domaine de la santé en crise, dans le sens
qu'elle évoque les idées de restauration de la relation dans la
durée et de régulation sociale. Elle intègre non seulement
les concepts de prévention et de résolution des conflits mais, en
sus, ceux de création ou de réparation du lien, de consolidation
du tissu social :
«La médiation est un mode de construction et
de gestion de la vie sociale grâce à l'entremise d'un tiers
impartial, indépendant, sans autres pouvoirs que ceux reconnus par les
partenaires qui s'adressent à lui»51.
49 Ibidem, p. 125
50 M. Guillaume-Hofnung, in
«Hôpital et médiation», (sous la dir. de ), collectif,
Ed. L'Harmattan, Paris, 2001, p. 17
51 Ibidem
Par ses dimensions de construction et de gestion sociale, la
médiation dans le domaine de la santé représente, pour
l'auteure, la possibilité d'établir des «passerelles
entre les partenaires d'un système».
Pour Jean-François Six, la médiation est une
«démarche éthique, une action» et non une
cause à défendre. Parlant de l'initiation à la
médiation, il en explique les quatre principes : la médiation est
un non-pouvoir, n'est pas une vénération de soi, son initiation
ne consiste pas en une manière d'influencer pour obtenir de l'
adhésion à une cause, mais plutôt à ouvrir la voie
à la médiation par la reconnaissance de l'autre.
«Vouloir établir la médiation comme si
c'était une cause à faire triompher n'a pas de sens; elle n'est
pas un absolu à mettre en place mais une perspective relationnelle vers
laquelle on essaie de tendre. Une politique totalitaire, une ferveur religieuse
fanatique sont contraires à la médiation, sans oublier que l'on
peut tout à fait indûment utiliser des médiateurs pour
servir sa propre cause»52.
Quant à Jacqueline Morineau, elle explique l'apparition
de la médiation par la logique actuelle de refus du chaos qui
régit la société, refus exprimé par
l'évitement, la fuite ou la banalisation du désordre qui,
dit-elle, «nous prive dramatiquement des fruits» qu'il nous
offre :
«La prise de conscience des différents
mécanismes ancestraux de domination de l'homme sur l'homme en est un des
éléments essentiels. Mais curieusement, c'est le rejet du
désordre et le besoin d'un espace pour l'accueillir qui vont être
la cause de son avènement.[...i Le conflit indissociable de la violence
est le cri qui surgit pour que le désordre puisse retrouver sa
place.[...]»53.
L'auteure postule que l'acquisition de savoirs a permis
à l'homme moderne de développer un sentiment de contrôle
sur le monde et l'a orienté vers une quête du «bon
fonctionnement», au détriment de la recherche de sa propre
vérité. La rationalité d'ordonnancement, base de la
science, l'autorise à penser aujourd'hui qu'il domine la nature et la
matière, qu'il exerce un plein pouvoir sur l'existence. Comment,
dès lors, lui faire admettre ses limites et ses
vulnérabilités ? Refus du chaos oblige ! Mais à quel prix
? Par la négation des
52 J.-F. Six, «Médiation
», Ed. du Seuil, Paris, 2002, p. 235
53 J. Morineau, «L'esprit de la
médiation», Ed. Erès, Ramonville Saint-Agnes, 2001, p.
63
peurs et de la violence qu'elles génèrent et
dont les expressions sociales ou individuelles ne cessent de croître.
Pour l'auteure, la médiation autorise le conflit, première
manifestation du chaos, à reprendre sa place par le biais de la
rencontre, de lui redonner son vrai sens , d'en comprendre les enjeux et de
permettre à la colère, aux humiliations et injustices, aux
désirs refoulés et la violence «d'être» .
«Proposer un lieu où la violence
réciproque puisse se dire et se transformer, vouloir la
réintégration du désordre participent
nécessairement à une véritable révolution
sociétale car il faut aller à contre-courant d'un état
d'esprit et des usages et coutumes établis. Il s'agit de
reconnaître qu'il s'agit d'un bouleversement dans la relation de l'homme
avec la société et avec luimême»54.
Dans cette perspective, Jacqueline Morineau estime qu'une
rigueur et un cadre spécifique sont nécessaires pour
concéder au tiers la faculté d'accueillir «la
décharge émotionnelle» libérée par la
scénographie du conflit, la reconstruction du «drame»
dans son espace et sa temporalité propres. Cette disposition
particulière fait sans doute référence à une
formation ad hoc et à des aptitudes relationnelles, entre autres
l'humilité, l'impartialité, la créativité, la
bienveillance, l'empathie, l'écoute, l'objectivité et la
capacité de gérer le stress.
1.5. Conclusion : les enjeux de la médiation
sanitaire
On reconnaît la grandeur d'une
civilisation par la qualité des soins qu'elle
s'accorde.
A. Einstein
Toute situation de soins représente une rencontre entre
un soignant et un soigné dans une organisation sociale reflétant
les valeurs culturelles de cette société. Dans le monde
occidental, cette interrelation présuppose une
intercompréhension. Or, à l'annonce d'une maladie, le patient
entre dans un monde qu'il ne comprend pas, dans l'appréhension de sa
mort. Son besoin de reconnaissance se traduit par l'attente d'un dialogue
éthique dans la relation thérapeutique et organisationnelle.
L'enjeu démocratique consiste alors à lui
54 Ibidem, p.65
donner la parole dans ce cadre spécifique et l'enjeu
éthique à le considérer dans son individualité et
sa différence et à répondre à ses propres besoins
de compréhension.
Dans ce cadre là, la médiation dans sa dimension
de régulation sociale peut rétablir non seulement le lien entre
le soigné et le soignant mais, plus largement, entre le soigné et
la société entière au travers de l'institution de
santé. En effet, une relation thérapeutique ne concerne pas
uniquement les acteurs de cette relation, mais l'ensemble de la
société : la quête individuelle d'affirmation de ses droits
que poursuit le patient actuel participe d'un mouvement sociétal en
recherche d'un ordre nouveau au sein du système de santé. Dans le
même ordre d'idée, la crise de confiance perçue dans le
colloque singulier est le symptôme d'un conflit plus profond opposant les
citoyens et leur système de soins. L'enjeu de la médiation est
d'apporter une réponse adaptée au besoin de parole et de
reconnaissance des patients insatisfaits, de rétablir la confiance
réciproque par l'établissement d'un dialogue éthique,
d'une intercompréhension et de restaurer le lien social.
L'Etat, garant de la protection des droits humains
fondamentaux et des patients, est censé mettre en oeuvre un dispositif
de recours favorisant l'expression de l'insatisfaction des patients.
Nous avons mené une étude européenne et
nationale dans le but d'identifier de les modèles de gestion des
plaintes en lien avec les droits des patients, la place de la médiation
au sein de ces dispositifs et son mode d' application.
C'est le résultat de cette recherche que nous
présentons au chapitre suivant.
2. ETAT DES LIEUX DE LA MEDIATION SANTE EN
EUROPE
La déclaration des droits des patients par
l'OMS55 de 1994, issue d'une consultation de 36 pays, poursuit
l'objectif de promouvoir le développement de ces droits en Europe selon
des principes et des stratégies communs. Fin 2002, une charte
européenne émanant du Conseil de l'Europe et de l'OMS
réaffirme cette volonté en précisant quatorze droits qui
semblent menacés56. Dès la fin des années 90,
leur intégration dans les cadres législatifs respectifs s'amorce.
Cependant, l'enjeu est complexe : non seulement ces nouveaux droits
redéfinissent la relation thérapeutique et les rapports entre les
institutions hospitalières et les citoyens, mais ils questionnent aussi
la pertinence des dispositifs usuels de régulation sociale. En cas
d'insatisfaction ou d'erreur médicale, le droit de plainte remet en
cause leurs aspects normatifs administratifs ou juridiques ne répondant
pas aux cas particuliers du contexte sanitaire singulièrement complexe.
Le constat du gouvernement belge à cet égard est probant :
«... le patient qui rencontre des problèmes
à la suite d'une intervention d'un praticien professionnel ignore
souvent à qui les soumettre et quelle action entreprendre. De nombreux
problèmes restent donc sans solution et un sentiment de malaise
s'installe chez le patient. Si le patient entreprend [...] des
démarches, il est rare qu'il bénéficie de toute
l'écoute souhaitée [...] en justice, les procédures sont
souvent très longues et très onéreuses et ne
débouchent que rarement sur une solution»57.
La protection des intérêts du patient appelle
donc les politiques à rechercher de nouveaux moyens non juridictionnels
d'envisager la création de cohésion sociale :
55 A. Jacquerye, «Etude exploratoire de la
médiation hospitalière », Fondation Roi Baudoin, Belgique,
2007, p. 11 : « Droits des patients composés de 5 thèmes :
les droits humains et valeurs dans les soins de santé, l'information, le
consentement, la confidentialité et la préservation de
l'intimité, les soins et le traitement»
56 14 droits essentiels de l'individu sont
réaffirmés dans cette charte : droit à des mesures de
prévention, droit
d'accès, droit à l'information, droit au
consentement, droit au libre choix, droit à la vie privée et
à la confidentialité, droit à la rapidité, droit
à l'observance de standards de qualité, droit à la
sécurité, droit à l'innovation, droit d'éviter les
souffrances inutiles et la douleur, droit à un traitement
personnalisé, droit à la réclamation, droit de
compensation
http://www.activecitizenship.net/index2.php?option=comdocman&task=docview&gid=22&Itemid=86
57 E. Volckrick in «Médiation
et santé : actes du colloque CEMAJ-IDS, O. Guillod et C. Guye-Ecabert,
1er juin 2007, Ed. Weblaw Berne, Schülthess
Zürich-Bâle, 2008, p 22
«La médiation se présente comme un
dispositif qui ne pose pas à priori un modèle de pertinence
normative. Elle convoque différents registres normatifs et cognitifs et
ouvre l'espace non pas à une objectivation mais à une
co-construction interprétative58».
Se référant à une recherche belge sur
«l'évolution des politiques publiques» dans le
domaine de la santé mentale, Elisabeth Volckrick décrit le
modèle de «l'Etat-réseau» qui tend à prendre
forme et à remplacer «l'Etat-providence» :
«Premièrement, il s'accompagne d'une nouvelle
sémantique : y apparaissent des termes comme négociation,
proximité, contrat, projet, efficacité, flexibilité,
management, satisfaction, responsabilisation, citoyenneté, client,
partenariat, ... et aussi médiation. Deuxièmement, si on associe
l'Etat-réseau à des droits, ce serait à une extension et
à une complexification des droits de l'homme vers ce que l'on a
appelé des droits moraux, des droits de participation, des droits
culturels ... mais aussi vers une nouvelle manière d'envisager d'anciens
droits [...] l'action de l'Etat-réseau [...] s'appuie sur de nombreux
intervenants aux statuts très différents : des associations, par
exemple, vont accompagner des exigences éthiques de respect des
usagers59».
Les mutations sociales profondes et les nouveaux
repères qui se dessinent renvoient à l'autonomisation et à
la responsabilisation du citoyen-patient, censé désormais prendre
en charge sa santé et faire respecter ses droits, nouvelle posture qui
interroge sa relation de dépendance face au professionnel de la
santé. L'idée de médiation dans le domaine sanitaire est
le reflet de cette évolution - passage entre la modernité et la
post-modernité que Jacques Faget n'hésite pas à qualifier
de «rupture»60 - et de la recherche d'un nouveau
mode de gouvernance de «sociétés complexes». Son
expansion dans tous les champs sociaux rappelle à l'auteur la
fluidité de l'eau s'infiltrant dans tous les espaces sociaux en se
conformant aux conditions environnementales auxquelles elle est soumise :
«Adoptant les lois de la propagation des fluides, cet
outil des temps brouillés, affranchi des adhérences
institutionnelles et des logiques d'ordre, se répand à la
manière d'une matière mouvante, élastique,
s'immisçant dans les interstices, épousant les formes de son
contenant, se coulant dans des contextes sociaux et institutionnels très
diversifiés. La nécessité d'aménager des jeux de
passage entre des échelles, des espaces et des temporalités
multiples et enchevêtrées, conduit à concevoir des
modalités flexibles, adaptables, modulables de
régulation61».
58 Ibidem, p 20
59 Ibidem, pp. 20-21
60 J. Faget, «Médiation et
action publique - La dynamique du fluide», Ed. Presse universitaire de
Bordeaux, 2005, p. 19
61 Ibidem, p. 12
Pour lui, la légitimité d'un pouvoir
s'acquière aujourd'hui par ses efforts qui traduisent «sa
capacité à produire du flux, du mouvement, à créer
de nouveaux espaces où se bricolent des
micro-ajustements62».
L'état des lieux présenté vise à
identifier, sous l'angle de sa «dynamique fluide», l'essor et les
modalités d'adaptation de la médiation sanitaire articulée
au respect des droits des patients dans le contexte de l'Union
Européenne et en Suisse, plus précisément dans sa partie
francophone.
2.1 Expériences au sein de l'Union
européenne (UE)
L'analyse porte sur la Norvège, le Royaume-Uni, la
Belgique et l'Italie, choix représentatif de l'UE dans une logique
Nord-Sud et repose sur les cadres légaux relatifs aux droits des
patients, la place de la médiation dans les procédures de gestion
des plaintes et la typologie des modèles implantés. Les sources
d'informations proviennent d'une étude exploratoire belge de la
Fondation Roi Baudoin, éditée fin 2007 et les actes du colloque
«Médiation et santé» organisé par l'Institut
suisse du droit de la santé en juin 2007. Nous tenterons de classifier
ces modèles selon trois profils distincts décrits par Jacques
Faget63: l'approche nominaliste, normative et substantialiste de
la
62 Ibidem, p. 12
63 Ibidem, pp.13-14-15 :
« Une approche nominaliste
: la médiation c'est ce que l'on baptise ainsi. Rentrent alors dans son
champ tous les programmes qui s'en réclament. On peut citer, entre
autres exemples, la médiation des apprentissages, la médiation
culturelle ou la médiation thérapeutique [...]. Le terme
médiation semble convoqué pour authentifier le caractère
novateur des projets développés [...] adopter une approche
normaliste présente l'avantage d'éviter le débat complexe
sur la ligne de démarcation entre ce qui est et ce qui n'est pas de la
médiation et d'avoir une vue d'ensemble des usages d'un terme qui doit
probablement son succès à son imprécision[...].
Une approche normative : sont
qualifiées de médiations les pratiques sociales qui correspondent
à des critères éthiques, élaborés par des
praticiens et des universitaires, constituant une «doxa». Ce qui
fonde la médiation, c'est avant tout la posture du tiers. Elle est un
processus consensuel de construction ou de réparation du lien social et
de gestion des conflits dans lequel un tiers impartial, indépendant
(mediare, étymologiquement être au milieu) et sans pouvoir
décisionnel, tente, à travers l'organisation d'échanges
entre les personnes ou les institutions, de les aider soit à
améliorer, soit à établir une relation ou régler un
conflit. Dans cette conception restrictive sont disqualifiées toutes les
pratiques qui s'affranchissent de cette éthique et le concept de
médiation - et donc les techniques d'intervention qui s'en
réclament - est inaltérable, quelles que soient ses niches
institutionnelles ou sociales. La posture du tiers est rigoureusement la
même dans tous les champs de la médiation et ne saurait fluctuer
au gré de leur fragmentation [...]. Ce courant est
représenté en France par Jean-Pierre Bonafé-Schmitt [...],
M. Guillaume-Hofnung [...], J-F. Six .
Une approche substantialiste :
la médiation est un terme générique dans lequel il faut
inclure toutes les façons non verticales (par opposition à la
force, au jugement, à l'arbitrage...) de réguler les conflits ou
d'établir la communication. On nomme ainsi tout processus qui participe
à la résorption des antagonismes et facilite la production d'un
monde commun. Le terme est alors souvent confondu avec la négociation,
le compromis, la conciliation, la régulation ... Cette approche qui
définit la médiation par ses objectifs la considère comme
un processus de production d'une vision du monde dont la fonction est de
maintenir de la cohésion, de produire du global dans une
société qui part en morceaux. De ce point de vue, largement
adopté par les politologues, l'Etat est un médiateur et ses
représentants ou les élus ont une double fonction :
cognitive, ils aident à comprendre le monde, le rendent
intelligible, lui donnent du sens et normative, ils définissent
des critères d'action pour sa transformation ».
médiation. A noter que l'analyse du Royaume-Uni et celle
de l'Italie se limitent aux exemples spécifiques de l'Angleterre et de
la Toscane.
2.1.1. En Norvège
2.1.1.1. Cadre législatif
C'est en 1999 que la Norvège promulgue une loi
intitulée Patients Rights Act, destinée à défendre
les intérêts du patient adulte et de l'enfant. Cette loi engage
l'Etat autant que les provinces, les communes et les professionnels de la
santé à garantir le respect de ces droits. Suit, en 2001, une
réforme qui réorganise le système de santé et
redistribue les responsabilités en matière de soins primaires et
secondaires64.
Autrefois décentralisée, la gestion des soins
secondaires incombe désormais aux cinq Regional Health Authorities,
alors que les communes poursuivent la gestion des soins de première
ligne. Les cinq autorités régionales bénéficient
d'une certaine latitude dans l'administration des services de santé mis
à disposition de la population.
Hormis le financement, l'Etat se porte garant de faciliter les
relations entre les institutions de soins et leur personnel soignant, entre les
organisations nationales et les patients et entre les patients et les
unités de soins.
Le Patient Rights Act prévoit l'introduction d'une
fonction d'Ombudsman dans chacun des dix-neuf comtés :
«... fonction sauvegardant les droits des patients et
garantissant leurs intérêts dans leurs relations avec les services
en soins de santé et étant un outil d'amélioration de la
qualité des services de soins de
santé»65.
Le Patient Ombudsman, dépendant du Ministère de
la santé et des services sociaux, est chargé de traiter les
plaintes émanant des institutions hospitalières,
64 A. Jacquerye, «Etude
exploratoire de la médiation hospitalière », Fondation Roi
Baudoin, Belgique, 2007, p. 81 : Les soins primaires concernent les soins
infirmiers à domicile, les soins de santé préventifs
individuels et environnementaux, les médecins généralistes
et les centres d'appel et d'urgence. Les soins secondaires regroupent les
hôpitaux et les médecins spécialistes»
65 Ibidem, p 84
de participer activement à leur processus
d'amélioration continue et, sur la base d'une analyse globale,
d'émettre des recommandations aux autorités législatives
de sa région.
Externe aux institutions, le Patient Ombudsman
bénéficie d'un pouvoir décisionnel et juridique. Aucune
exigence de formation spécifique n'apparaît dans les dispositions.
En revanche, des connaissances juridiques sont requises pour occuper cette
fonction, ce qui signifie que la plupart d'entre-eux sont avocats. S'initient,
en 2007, des débats politiques à propos de leur domaine de
compétences et de leur pouvoir juridique. Deux volontés se
précisent, l'une visant à étendre leur champ
d'activité au domaine des soins primaires sur le modèle
suédois et l'autre à élargir leur pouvoir juridique sur le
modèle formel du Civil Ombudsman66.
2.1.1.2. Pratique
Le bureau du Patient Ombudsman régional, composé
d'un à dix professionnels bénéficiant d'une double
compétence juridique et médicale, procède selon ses
méthodes propres pour répondre à sa mission :
o accueil du plaignant, information;
o orientation vers le County Medical Officer67 lors de
situations graves;
o orientation du plaignant vers le Norvegian System of
Compensation to Patients68 en cas de dommage corporel;
o investigation;
o transmission de rapports aux hôpitaux en vue
d'élaborer des mesures internes d'amélioration69.
66 A. Jacquerye, «Etude
exploratoire de la médiation hospitalière », Fondation Roi
Baudoin, Belgique, 2007, p. 85 : « Civil Ombudsman ou Parliamentary
Ombudsman : cette fonction de médiation portant sur les actes
administratifs appelée également Civil Ombudsman, existe depuis
1962. La Norvège a voulu offrir un interlocuteur aux citoyens parfois
démunis face à une administration publique conséquente. Ce
dispositif permet de lutter contre les injustices et d'éviter de longs
procès en justice. Parmi toutes les plaintes traitées par le
Civil Ombudsman, seules 20 à 40 d'entre-elles concernent la santé
(soit 2 à 3% de l'ensemble des plaintes). Il faut rappeler qu'à
l'origine ce poste n'était pas destiné pour les soins de
santé. Le Civil Ombudsman dépend directement du Parlement et agit
au niveau national. Il traite les plaintes en deuxième recours
après l'intervention du Patient Ombudsman et il a le pouvoir
d'arbitrage».
67 County Medical Officer :
autorité de surveillance instituée dans les 19
comtés
68 Norvegian System of Compensation to
Patients : section administrative du ministère de la santé
composé de 50 personnes dont 10 médecins conseil qui traitent les
plaintes selon les logiques «no-fault» et «malpractice
system».
69 A. Jacquerye, «Etude exploratoire
de la médiation hospitalière», Fondation Roi Baudoin,
Belgique, 2007, p.84
La procédure de plainte prévoit une saisine
directe par écrit, téléphone ou sur rencontre, l'anonymat
étant garanti sur demande du patient. Le Patient Ombudsman a droit
d'accès à toutes les informations provenant des instances
publiques ou administratives, autorités et services de santé pour
traitement de la plainte qui, in fine, débouche sur une décision
ou une prise de position ferme à l'attention du service de soins ou de
l'hôpital. Une copie du rapport final envoyée au plaignant
l'informe sur les actions entreprises.
Sur les 10'000 plaintes déposées chaque
année, 5'000 d'entre-elles sont traitées par les Patient
Ombudsmen :
o 23% : besoin de clarification
o 19% : reconnaissance d'une faute
o 17% : besoin de conseils
o 16% : démarche citoyenne dans une logique de
prévention o 12% : demande de compensation
o 12% : demande d'examen ou de traitement
différent70.
Publié dans la presse, le rapport annuel relève les
activités, les prises de positions et les conclusions de l'Ombudsman.
La fonction d'Ombudsman, intimement liée à
l'amélioration continue des services et institutions de soins, est
perçue favorablement par les acteurs professionnels de la santé.
Elle reflète la préoccupation des pouvoirs publics
norvégiens à répondre aux besoins des citoyens et traduit
l'existence d'une culture du dialogue et de remise en question bien
ancrée (Civil Ombudsman depuis 1962). Agnès Jacquerye
relève un taux de 75% de satisfaction chez les plaignants. Il n'est pas
impensable que l'ouverture d'esprit, la transparence et la pro-activité
du Patient Ombudsman dans le processus d'amélioration continue qui
caractérisent le modèle norvégien soient à
l'origine de ce résultat.
L'action du tiers n'est pas basée sur
l'établissement de la communication et ne favorise pas le dialogue
éthique entre patients et professionnels de la santé : les
parties ne se rencontrent pas. La plainte investiguée par les experts
du
70 A. Jacquerye, «Etude exploratoire
de la médiation hospitalière», Fondation Roi Baudoin,
Belgique,2007. p.86
bureau du Patient Ombudsman donne lieu à une prise de
position et des décisions qui visent à l'amélioration de
comportements professionnels et des prestations des soins. Cependant, l'espace
d'expression qu'il offre aux patientsplaignants, son rôle d'information,
ainsi que le pouvoir qui lui est conféré contribuent à la
création d'un sens commun. Rappelons la satisfaction des plaignants et
des professionnels de la santé à l'égard des interventions
du tiers. L'on peut donc admettre que ce modèle qui participe à
la régulation sociale est apparenté à l'approche
substantialiste de la médiation.
Rien ne laisse présager un éventuel essor de la
médiation dans ce dispositif bien établi, hormis la
volonté des pouvoirs publics de mener une étude sur les sources
d'insatisfaction du 25% de plaignants, étude qui pourrait
peut-être mettre en exergue l'attente d'une rencontre avec le
professionnel mis en cause.
2.1.2. Au Royaume-Uni, l'expérience de
l'Angleterre
Le National Health Service (NHS) régit l'ensemble du
système sanitaire du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et de l'Irlande du
Nord. Suite à l'enregistrement croissant de plaintes liées aux
délais d'attente, à la qualité des soins et au
comportement des professionnels, le NHS élabore, en 1992, la National
Health Service Patient's Charter dans le but d'améliorer les prestations
de soins. Cette charte, faite de droits des patients et de recommandations
destinées aux professionnels, est perçue par le personnel comme
un «document politique» destiné à réduire les
plaintes qui, dans son application, encourage la critique du patient. En 1997,
les conclusions d'une étude mandatée par le Ministère de
la santé mettent en exergue l'inadéquation de cette charte dont
l'effet pervers principal est le consumérisme médical qu'elle
induit. La proposition d'édicter des chartes locales est retenue.
Conscient des faiblesses de son champ sanitaire, le Royaume-Uni s'engage,
dès 2001, dans une réforme qui cherche à impliquer les
citoyens et les malades dans les soins, ainsi qu'à améliorer la
qualité des prestations et les comportements professionnels à
l'égard des patients. En 2003, le NHS édicte la brochure
d'information publique«Your guide to the NHS» et des normes
de qualité destinées aux établissements hospitaliers, The
Standards for Better Health.
2.1.2.1. Cadre législatif
En matière de droits des patients, la Human Rights in
Health - A Framework for Local Action, éditée en 2007,
prévoit des principes uniformes issus des droits humains -
dignité, égalité, respect, équité, autonomie
- à l'intention des autorités locales chargées
d'élaborer leur propre charte. D'autre part, des normes de
qualité, The Standards for Better Health, obligent les institutions
hospitalières à mettre en place un système interne de
régulation des plaintes : information, garantie d'absence de
représailles, de suivi et d'actions d'amélioration. Celles-ci
doivent justifier d'améliorations concrètes qui, fin 2008, feront
l'objet d'une publication. La charte anglaise se compose de droits concernant
l'accès aux services, la considération et le respect du
patient-consommateur et l'information. Agnès Jacquerye relève que
ces droits, diffusés avec parcimonie et sans effort d'explication, se
perçoivent néanmoins dans les pratiques.
La gestion des plaintes anglaise est régie par une loi,
la Social Care England-The Local Autority Social Service Complaints -
Regulation, entrée en vigueur en 2006 et diffusée au public sous
forme d'une brochure nommée «Learning from
complaints». En vue de répondre aux attentes des patients, le
système de plaintes doit être en mesure de garantir certains
critères : visibilité, accessibilité, rapidité,
impartialité, efficacité71. Les principes retenus
révèlent une volonté d'allier la gestion des plaintes
à l'amélioration continue des services de soins et de
résoudre les insatisfactions dans une logique de
proximité72.
2.1.2.2. Pratique
Chaque institution de soins est donc tenue de créer une
fonction de Complaint Manager. Sa mission repose sur l'élaboration de la
procédure de plaintes, l'information, le conseil, l'orientation, la
résolution des problèmes, le soutien aux équipes de soins,
la réalisation d'enquêtes en collaboration avec des Investing
71 A. Jacquerye, «Etude exploratoire de la
médiation hospitalière», Fondation Roi Baudoin, Belgique,
2007, p.106
72 Ibidem : «Une bonne
procédure de plainte devrait arriver à ce que les patients qui se
plaignent aient leurs problèmes résolus de manière rapide
et si possible par des agents de l'établissement. Les plaintes devraient
être considérées comme des informations donnant l'occasion
aux établissements hospitaliers de s'améliorer sans tomber dans
un processus négatif de blâme. Les autorités locales
devraient développer une culture d'écoute et d'apprentissage
à partir des informations apportées par les plaintes qui
devraient être intégrées dans le programme qualité.
Cette culture devrait donner des occasions de travailler en partenariat avec
les prestataires de soins»
Officers et la gestion de l'ensemble des dossiers de plaintes.
Une information écrite sur le suivi de la plainte est envoyée au
patient insatisfait par le directeur de l'établissement hospitalier.
Dans certains cas, le Complaint Manager et le patient peuvent
d'un commun accord faire appel à un médiateur externe
certifié par le Center for Effective Dispute Resolution. En situation
grave, le gestionnaire des plaintes bénéficie d'une aide directe
du «Health Service Ombudsman73» national.
Une fonction complémentaire d'accompagnement, le
Patient Advice and Liaison Service (PALS), collabore étroitement avec le
Complaint Manager. Il se charge d'actes de présence, de renseignements,
d'aide ou de liaison entre l'institution hospitalière et le NHS. Ses
interventions de proximité permettent de résoudre certains
problèmes en amont de la procédure de plainte et de faire des
recommandations au directeur de l'Hôpital et au NHS. Agnès
Jacquerye parle de «Early Warning system» national.
En cas d'insatisfaction du traitement local, le patient
transmet sa plainte à la «Healthcare Commission» responsable
de la surveillance du respect des normes de qualité. La procédure
décrite fait mention - sans autre précision - de conciliation et
de médiation confondues :
«Après avoir vérifié que la
plainte est recevable, cette commission délègue la charge
d'examiner la plainte à une personne (ou plusieurs, en
général 3 membres si le cas est grave) qui constituent
l'Independant Review Panel. Une recherche de conciliation ou de
médiation est alors engagée»74.
La réforme sanitaire de 2001, nous explique
Agnès Jacquerye, a instillé une dynamique de changement radical
dans le champ sanitaire anglais tant au niveau culturel, structurel
qu'organisationnel. Priorité est donnée aujourd'hui au
bien-être des patients et des soignants, dans un souci
d'amélioration constante des prestations de soins, la
préoccupation première restant la diminution du temps
d'attente.
73 Ibidem, p. 108: « Le Health
Service Ombudsman a pour mission d'investiguer les plaintes qui concernent les
services prodigués ou qui auraient dû être prodigués
par les professionnels de la santé, introduites aux paliers
précédents mais qui n'ont pas été
clôturées, introduites en cas d'erreurs de décision
médicale. Au-delà de la gestion des plaintes, l'Ombudsman tient
également un rôle dans l'amélioration de la qualité
en formulant des recommandations. Le Health Service Ombudsman est
organisé en plusieurs bureaux et emploie plus de 270 personnes dont des
responsables d'enquêtes et des conseillers, les Internal Professionnal
Advisers IPAS»
74 Ibidem p.107
Des efforts perceptibles sont déployés pour
améliorer la communication au sein des institutions
hospitalières. Le rôle combiné du PALS et du Complaint
Manager nous fait penser au modèle développé par
l'Hôpital universitaire genevois depuis un an qui, dès les
premières tensions, favorise l'expression de l'insatisfaction,
accompagne et soutient le plaignant et interagit directement dans les
unités pour remédier aux défauts et aux manques avant la
plainte manifeste. Les tiers anglais comme, les coordinatrices genevoises,
assurent la reliance entre le patient, les services de soins et la direction
pour remédier aux défauts et aux manques dans un but global
d'amélioration de la qualité des prestations de soins et de
résorber les tensions. Le dispositif anglais participe donc à la
régulation des rapports sociaux au sein des institutions sanitaires,
sans toutefois que le plaignant et le professionnel mis en cause ne se
rencontrent, ce qui nous laisse penser à une approche substantialiste de
la médiation. Or, la médiation professionnelle est prévue
dans le dispositif de proximité lors de conflits patents. C'est dire que
le modèle anglais s'assimile à l'approche normative. Au
même titre que dans les autres champs sociaux, il n'est pas impensable
que celle-ci connaisse un essor favorable dans les prochaines années.
2.1.3. En Belgique
L'implantation de la médiation sanitaire a suivi le
mouvement lancé par l'OMS. Dès 1999, le gouvernement belge montre
la volonté d'élaborer des droits du patient. Il faudra trois ans
de débats politiques pour aboutir à la concrétisation de
dispositions législatives.
2.1.3.1. Cadre législatif
Une loi «Droits des patients», promulguée en
2002, notifie huit droits et prévoit l'instauration d'une fonction de
médiation médicale pour toute plainte relative au non respect de
ces droits (art.17) :
«La mission prioritaire de la fonction de
médiation est de prévenir autant que possible le
dépôt de plaintes. Ainsi, lors de chaque manifestation de
mécontentement du patient, la fonction de médiation encourage
celui-ci à prendre contact avec le praticien professionnel
concerné»75.
Les attentes du gouvernement face à la médiation
expliquent les autres missions dévolues à cette fonction qui
visent à éviter une procédure de dommage et
intérêts :
1. la prévention des questions et des plaintes par le
biais de la promotion de la communication entre le patient et le prestataire de
soins;
2. la communication d'informations sur l'organisation, le
fonctionnement et les règles de procédure de la fonction de
médiation;
3. Le traitement des plaintes en vue de trouver une solution;
4. L'information du patient au sujet des possibilités en
matière de règlement de sa plainte en l'absence de
solution76.
D'autre part, la loi prévoit des conditions relatives
à la fonction de médiateur face à
«l'indépendance, le secret professionnel, l'expertise, la
protection juridique, l'organisation, le fonctionnent, le financement, les
règles de procédure et le ressort
»77.
Cette même loi institue une commission
fédérale «Droits des patients» (art.16) qui a pour
mission de conseiller le Ministre de la santé publique, la mise sur pied
des services de médiation, l'évaluation de leur fonctionnement et
le traitement des plaintes à leur sujet. Au sein de cette commission, un
service de médiation fédéral «Droits du patient»
est compétent pour le renvoi des plaignants à la fonction locale
de médiation et pour le traitement des plaintes provenant des secteurs
ambulatoires : médecins privés, soins à domiciles,
thérapeutes.
Un arrêté royal datant du 8 juillet 2003 est
modifié en mars 2007 par un nouvel arrêté qui stipule
que le médiateur ne peut prendre position au cours du processus de
médiation et relève les notions d'incompatibilité entre la
fonction
75 Ibidem, p.12
76 Ibidem
77 Ibidem, p. 13
de médiateur et d'autres emplois au sein de
l'institution hospitalière. Une loi récente, datant de mai 2007,
prévoit une procédure, dite «no-fault», d'indemnisation
des patients lors de dommages causés par des prestations de soins.
2.1.3.2. Pratique
L'hôpital, libre d'instaurer un service de
médiation propre ou commun à d'autres institutions,
désigne son médiateur par le directeur. Un rapport annuel, non
accessible au public, renseigne les autorités sur les activités
de médiation.
L'évaluation faite en 2006 par le Conseil national des
Etablissements hospitaliers met en exergue un résultat décevant
de l'exercice de la médiation hospitalière depuis son
instauration :
o une minorité d'institutions hospitalières ont
institué la fonction de médiation liée à la
relation soignant-soigné;
o une majorité d'entre-elles voient cette fonction
dévier vers une gestion de plaintes hétéroclites qui ne
relèvent pas des soins : notion «fourre-tout» qui affaiblit
l'autorité morale de la fonction de médiation;
o la notion d'indépendance n'est pas respectée
lorsque le directeur assume cette fonction de médiation;
o la notion du secret professionnel n'est pas respectée
dans des pratiques particulières, comme la transmission de la plainte
à l'égard d'un médecin à son chef
hiérarchique qui, lui-même, intervient dans le traitement. De ce
fait, la fonction de médiation est perçue comme dépendante
de la direction et perd son aspect de neutralité78.
Les associations de patients autant que le Conseil national de
l'Ordre des médecins expriment leurs insatisfactions face au
fonctionnement de ces services : flou législatif quant à
l'indépendance et aux compétences des médiateurs locaux et
aux champs d'activité de la médiation. Quant aux tiers
concernés, ils émettent le souhait d'améliorer leur
pratique. Dans le but de mener une réflexion de fond sur les enjeux et
la pratique de la médiation, les
78 Ibidem, p.13 : Conseil national
Fonction de médiation-loi du 22 août relative aux droits du
patient. Bulletin 113 (22.04.06) »
médiateurs francophones et néerlandophones ont
créé, en 2005, deux associations soeurs de médiateurs en
institution de soins (AMIS79.- WOVAZ)80. C'est dire que
la médiation hospitalière belge ne répond pas aux attentes
de départ.
La médiation hospitalière est pensée dans
sa logique instrumentale de gestion des conflits dans un but gestionnaire
d'améliorer les prestations de soins et d'éviter les
procédures de dommage et intérêts. L'absence de
définition de la médiation et du profil du tiers dans la loi
relative aux droits des patients est un terrain propice à la
diversité d'interprétation et de pratiques qui se rapprochent de
l'arbitrage : prise de position du tiers, recommandations. L'exemple belge
s'inscrit donc davantage dans une dimension de contrôle social que dans
une logique de défense des droits des patients et de restauration du
lien social. La révision successive des textes, ajoutée à
la réflexion des médiateurs sur leurs pratiques - et dans un pays
coutumier des rapports négociés dû à son contexte
multiculturel -, nous laissent en présager un développement
ultérieur favorable dans sa dimension normative, quand bien même
l'on perçoit des résistances au niveau gestionnaire et une
volonté politique mitigée d'en comprendre les enjeux sociaux.
Pourtant, il ne faut pas négliger le fait que la Belgique se dirige vers
un état confédéral de type suisse qui risque, par la
redistribution des pouvoirs centraux aux provinces, de provoquer une
fragmentation des législations sur la médiation.
Pour conclure, il est intéressant de relever que
l'environnement hospitalier belge est confronté à des
problèmes liés à l'interculturalité. Elisabeth
Volckrick81 évoque, sans autre précision, le besoin de
médiation culturelle liée aux difficultés de langue mais
également à la diversité des conceptions de la
santé qui s'est traduite par 65'000 interventions en dix-neuf langues
dans les hôpitaux belges durant l'année 2005. L'on peut supposer
l'existence de personnes-relais - idée développée depuis
plusieurs années en France - issues des communautés migrantes
représentatives qui font office de traducteurs au sein de la relation
soignant-soigné.
79 http://www.mediateurs-amis.be/
80 E. Volckrick, «Médiation
et santé», Actes du colloque CEMAJ-IDS, 1er juin 2007,
Ed. Weblaw Berne, Schultess Zürich- Bâle, 2008, p.24
81 Ibidem, p. 24-25
2.1.4. En Italie, l'expérience toscane
L'Italie connaît une importante réforme
dès 1990, qualifiée par Manuel Bellonzi82 de
«révolution copernicienne» en termes de
réorganisation de l'administration centrale et locale. Dès 1992,
le système sanitaire national (SSN) subit une révision de fond de
ses réglementations.
2.1.4.1. Cadre légal national
Un nouveau Décret (No 502- 30.12.92) concède
l'article 14 aux droits des citoyens et à leur protection
administrative. La protection des droits du patient est alors pensée
dans une logique extra-juridique. Par des principes d'efficience,
d'économicité et de fiabilité, cette loi prévoit la
mise sur pied d'un dispositif d'amélioration des prestations qui repose
sur la participation des «citoyens - usagers-patients»; en cas
d'insatisfaction, ceux-ci peuvent désormais déposer, par voie
administrative, «une observation, une opposition, une
dénonciation ou une plainte» dans un délai de 15 jours.
Ce même droit est octroyé aux associations représentatives
de la communauté L'expression du patient devient donc la
référence en termes d'évaluation non seulement du respect
de ses droits, mais également de la qualité des prestations de
soins sur les points professionnels techniques et sur «les aspects
relationnels et organisationnels» :
«... la personnalisation et l'humanisation de
l'assistance, le droit à l'information, les prestations
hôtelières, ainsi que le fonctionnement de l'activité de
prévention des maladies ...]. Pour la première fois, le
thème de la protection extrajudiciaire des droits des usagers est
abordé dans les cas où des actes ou des comportements
empêchent ou limitent l'accès à des prestations
d'assistance2»83.
Un Décret du Président du Conseil des Ministres
de 1995 réaffirme l'objectif de la Charte des services sanitaires
publics, à savoir la protection des droits des usagers et le droit
à la plainte, comme le prévoit le Décret No 502.
82 M. Bellonzi, «Médiation et
santé», actes du colloque CEMAJ-IDS, 1er juin 2007, Ed.
Weblaw Berne, Schulthess, Zürich-Bâle, 2008, p. 4
83 Ibidem, p. 5-6
L'expression de l'insatisfaction est alors destinée
à la mesure de la qualité du service telle qu'elle est
perçue par les usagers et non plus à l'évaluation des
aspects professionnels techniques. Pour ce faire, deux organes internes
à l'hôpital sont prévus par la loi :
o organe de première instance : le Bureau des Relations
avec le Public (BRP) chargé d'initier des améliorations et de
gérer les plaintes, la décision finale relevant de la
direction;
o organe de seconde instance : la Commission Mixte de
Conciliation (CMC) destinée à étudier les
problématiques mises en exergue par la plainte, en collaboration avec
les associations de volontaires et de protection. Présidée par le
Médiateur régional84, la CMC se compose de
collaborateurs de l'institution hospitalière et de représentants
associatifs. Cette instance est censée enquêter plus que traiter
les conflits sur un mode négocié.
La mise en application de ce dispositif de protection s'effectue
selon les conditions spécifiques à chaque région.
2.1.4.2. Pratique toscane
Dès 1995, la Toscane adopte une
Délibération de la Junte Régionale destinée
à l'application de la Directive sur la Charte des services sanitaires
publics et, plus spécifiquement, à la mise en vigueur d'un projet
de règles liées à la protection des usagers-patients.
Celles-ci visent à renforcer les aspects qualitatifs de
l'activité sanitaire et les mesures de protection requises par le
Décret national No 502. En 2004 et 2006, des ajustements
législatifs tentent de «débureaucratiser» la
procédure de plainte en instaurant la possibilité de rencontre
entre le plaignant et les personnes mises en cause en vue d'une conciliation.
Le dispositif ne prévoyant pas de système « Dommage et
intérêts », le but de ces rencontres est bien de traiter le
conflit à sa source et de reconstruire le rapport de confiance entre le
patient et le soignant :
84 Médiateur régional :
greffé sur l'organisation administrative régionale-rôle de
défenseur des droits civiques, chargé d'enquêtes et de
recommandations à l'égard des institutions
«La médiation de la CMC ne peut avoir pour but
de produire une mesure contraignante, mais bien de réaliser les
conditions d'une satisfaction réciproque des parties. Cette occasion de
redonner la parole aux sujets concernés permet d'ouvrir des canaux de
communication brisés, de rétablir des liens sociaux compromis, de
partager à nouveau un même langage ou d'en créer un
nouveau»85.
Les plaintes des usagers-patients font l'objet d'une étude
par un Observatoire régional de la Charte des services sanitaires
publics. Celles-ci se répartissent en huit catégories : «les
aspects relationnels, l'humanisation, les informations, les temps d'attente,
les aspects hôteliers et de confort, la structure et la logistique, les
aspects bureaucratiques et administratifs et les aspects
technicoprofessionnels». La relative stabilité du nombre de
plaintes enregistrées et traitées en majorité par le BRP
dans trois établissements hospitaliers entre 1999 et 2005 - moyenne
annuelle de 2'800 plaintes - relève une variation significative entre
les diverses catégories : diminution au niveau des aspects
bureaucratiques, administratifs et technico-professionnels
(14,5%), augmentation au niveau des aspects relationnels (19%) et des temps
d'attente (31,5%)86. Le nombre de dossiers traités par les
CMC entre 2003 et 2005 ant plus que doublé en trois ans (77 à 159
plaintes). Manuel Bellonzi explique cette variation brutale par la mise en
oeuvre successive de plusieurs commissions dans l'ensemble du réseau
régional. A fin 2005, quatorze hôpitaux - des seize institutions
que compte le panel hospitalier toscan - sont dotés d'une CMS.
Le modèle toscan reflète cette recherche de
régulation sociale visant à quitter la logique juridique du
règlement des conflits pour garantir la protection du citoyen-patient. A
la lumière des statistiques qui mettent en exergue une augmentation du
contentieux liée aux rapports soignant-soigné, l'auteur entrevoit
des perspectives de développement de la médiation sanitaire
toscane du fait d'un besoin évident d'approches amiables rapides et peu
coûteuses pour résoudre les conflits d'ordre relationnels :
«Si l'on pense à toutes les hypothèses
de conflit qui concernent la dynamique relationnelle entre médecins et
patients, on comprendra aisément qu'il n'est pas possible de trouver un
juge habilité à trancher de telles
controverses»87.
85 M. Bellonzi, «Médiation et
santé», actes du colooque CEMAJ-IDS, 1er juin 2007, Ed
Weblaw Berne, Schulthess Zürich-Bâle, 2008, p.11
86 Ibidem , p. 15 : Chiffres 2005 sur un
total de 2819 plaintes
87 Ibidem, p. 18
Si la mission intéressante du BRP rappelle le
rôle d'alarme du PALS anglais - organe de première ligne qui
désamorce les prémices de tension, le BRP résolvant plus
de 90% des plaintes - la médiation toscane des CMC relève d'une
approche substantialiste décrite par Jacques Faget88 à
savoir le règlement du conflit, l'établissement de la
communication, la construction d'un monde commun et une confusion entre les
concepts de médiation et de conciliation. Il faut savoir que les CMC
toscanes se composent de sept membres devant lesquels les parties sont
censées communiquer et restaurer des liens brisés. L'on peut
aisément imaginer la pression de masse exercée sur les parties au
moment de la séance. Rien ne laisse penser à un processus dans
lequel le tiers, impartial et neutre, tente d'amener les parties à
trouver elles-mêmes des solutions. D'autre part, le médiateur
régional assure une fonction administrative d'Ombudsman dont le
rôle est de défendre les intérêts citoyens. Son
approche ne peut être considérée dans sa dimension
normative. La constance du nombre de dossiers enregistrés et la
surenchère d'insatisfaction provenant des aspects relationnels -
corrélés à une culture du combat qui juridicise les
rapports sociaux89 et à une culture religieuse catholique peu
encline aux rapports transversaux - ne nous permettent pas de penser que la
médiation puisse se profiler aussi facilement dans les «niches
institutionnelles» toscanes, voire italiennes à l'instar des
exemples précédents. De ce fait, la culture de la
médiation peine à prendre racine dans tous les champs sociaux
italiens confondus.
2.1.5. Synthèse
A la lumière de que nous venons de voir, nous relevons
que chaque pays étudié a intégré les droits des
patients dans sa législation ou dans un cadre formel et a
procédé à la mise en place d'un système de
régulation des plaintes non juridictionnel suite à la
Déclaration de la promotion des Droits des patients de l'OMS en 1994.
Selon leur culture et les motivations des pouvoirs publics, ce dispositif vise,
dans trois cas sur quatre, à défendre ou à protéger
les droits du
88 J. Faget in «Médiation et
action publique -La dynamique du fluide», (sous la dir. de) , Ed. Presses
universitaire de Bordeaux, 2005, p.12
89 Scatolero Duccio, cours Master , IUKB,
2007
citoyen-patient-consommateur, la Belgique souhaitant
prévenir les plaintes dans une logique de contrôle social. La
gestion des plaintes est intégrée au processus de qualité
interne et, dans le cas du PALS anglais, au processus d'amélioration au
niveau national. Chaque système de régulation des plaintes
ambitionne de favoriser la communication au sein des institutions
hospitalières, dont trois encouragent explicitement l'expression de
l'insatisfaction, la Belgique se montrant plus réservée à
cet égard. Trois pays sur quatre disposent d'une instance de recours
interne, le Patient Manager norvégien intervenant en seconde ligne. Dans
deux cas, une offre d'aide de proximité agit en amont du
dépôt officiel de plainte. Il s'agit du PALS anglais et du BRP
italien. Enfin, la médiation est pensée dans son approche
substantialiste dans trois pays sur quatre, l'Angleterre faisant appel à
des médiateurs formés et agréés.
Approches de médiation et niveau
d'intervention
Synthèse
|
Norvège
|
Angleterre
|
Belgique
|
Italie
|
Types d'approches en médiation
|
Substantialiste
|
Normative
|
Substantialiste
|
Substantialiste
|
Niveau interne
|
|
Complaint Manager
Patient Advice and Liaison Service PALS
|
Médiateur sans formation
Médiation culturelle
|
Bureau des relations avec le public BRP Commission
mixte de conciliation CMC
|
Niveau régional
|
Patient - Ombudsman
|
Médiateur certifié indépendant
|
|
Médiateur régional
|
Niveau national
|
County Medical Officer
Norvegian System of Compensation
|
Health Service Ombudsman
|
Commission Fédérale « Droits de
patients »
Médiation
|
|
Nous passons maintenant à l'état des lieux de la
médiation sanitaire en Suisse romande.
2.2. Expérience de médiation santé
en Suisse romande
Pour des raisons linguistiques, nous avons ciblé notre
recherche sur les cantons de langue française, à savoir Vaud,
Genève, Jura, Fribourg, Valais et Neuchâtel. L'analyse romande
porte sur les textes légaux qui régissent la fonction de
médiation et sur sa mise en pratique. Nous avons procédé
au recueil des données pratiques par un stage au Bureau cantonal de
médiation
santé vaudois (BCMS), une rencontre avec la
médiatrice jurassienne, un entretien téléphonique avec les
médiateurs valaisans et genevois et un échange de courriel avec
le médiateur fribourgeois.
2.2.1. Analyse des cadres législatifs
Nous relevons d'emblée que le canton de Neuchâtel
n'a pas instauré de fonction de médiation, l'autorité de
conciliation en matière de santé et le service de la santé
publique, par le médecin cantonal, faisant office de dispositif de
recours. Concernant les cinq cantons qui intéressent donc notre
étude, la médiation s'inscrit dans les lois de santé
cantonales entre 1996 et 200690.
Pour Johanne Gagnebin, la place de la médiation dans
les textes de loi respectifs est d'importance car celle-ci détermine la
nature de ses liens avec les instances de surveillance et de recours existants
:
«Le canton de Vaud insère la médiation
dans les dispositions concernant l'organisation et les compétences des
autorités chargées de l'application des lois sanitaires et prend
forme d'un organe indépendant de l'administration, mais rattaché
au Conseil d'Etat. Le canton de Genève la place dans le chapitre
consacré aux autorités, mais renvoie pour les détails
à la loi cantonale sur la commission de surveillance des professions de
la santé et des droits des patients. Les cantons de Fribourg, du Jura et
du Valais préfèrent la placer, respectivement, pour les deux
premiers dans les dispositions concernant les droits des patients et, pour le
troisième, dans celles concernant la relation entre les patients,
professionnels de la santé et établissements
sanitaires»91.
Hormis l'exemple vaudois92 qui relie le
médiateur aux deux commissions d'examen des plaintes, la
médiation dans les autres cantons est articulée à la
commission de surveillance des professionnels de la santé et des droits
des patients de manière plus ou moins accentuée. Cette relation
est perceptible au
90 Loi VS sur la santé du 9
février 1996 (RSVS 800.01) / Loi FR sur la santé du 16 novembre
1999 (RSF 821.0.1) / Loi VD sur la santé publique du 29 mai 1985,
modifiée le 19 mars 2002 (RSV 800.01) / Loi GE sur la santé du 7
avril 2006 (RSG K 1 03) / Loi JU du 14 décembre 1990, modifiée le
20 décembre 2006 (RSJU 810.01)
91 J. Gagnebin in «Médiation
et santé», actes du colloque CEMAJ-IDS, 1er juin 2007,
Ed. Weblaw Berne, Schulthess Zürich Bâle, 2008, pp.55-56
92 Vaud : Règlement du 17 mars 2004 sur le
médiateur, l'organisation des commissions d'examen et des plaintes
de patients, le fonctionnement du Conseil d'Etat et la procédure en
matière de sanctions et de retrait d'autorisation
travers des règles d'application qui concernent le statut
du médiateur, ses compétences et la procédure de
médiation93.
La définition de la médiation n'apparaît
pas dans les législations et les termes utilisés dans les textes
pour qualifier le conflit et réglementer la procédure rappellent
une approche plus juridique qu'amiable : «litige, affaire, convocation,
citation, assignation, instruction, comparaître, négociation,
conciliation ». A cet égard, Johanne Gagnebin estime qu'il est
rendu difficile aux patients et professionnels de la santé de se situer
par rapport à la conciliation ou l'arbitrage, de se faire une
idée précise de la médiation et d'en mesurer les avantages
spécifiques. Cette confusion pourrait être renforcée par la
possibilité d'assistance juridique prévue dans les dispositions
jurassienne, valaisanne et fribourgeoise. La présence d'un juriste dans
le processus risque de dénaturer les objectifs de la médiation
-qui rappelons-le, consistent en la restauration de la communication, la
réappropriation du conflit par les parties, la recherche commune de
solutions et la restauration du lien social- par une approche plus juridique
que communicationnelle,
Concernant la formation du médiateur, la loi
jurassienne définit les compétences requises pour la fonction de
médiation à l'art. 4, al. 3 de l'Ordonnance sur les droits des
patients : formation sans précision, expériences et
compétences relationnelles.
Les dispositions genevoises à cet égard sont les
plus complètes, les critères de sélection étant
liés à l'inscription du médiateur sur une liste de
professionnels agréés par le Conseil d'Etat94.
En ce qui concerne les droits des patients, nous relevons que
trois lois sur cinq contiennent les neufs droits élaborés par
Sanimédia, le Jura et le Valais n'ayant
93 Genève : loi sur la commission de surveillance
des professionnels de la santé et des droits des patients, du 7 avril
2006 (K 3 03) et le règlement sur la constitution et le fonctionnement
de la commission de surveillance des professionnels de la santé, du 22
août 2006 (K 3 03.01) / Fribourg : règlement du 21 novembre 2000
concernant les fournisseurs de soins et la commission de surveillance (RSF
821.0.12) / Valais : ordonnance du 20 novembre 1996 sur l'exercice des
professions de la santé et leur surveillance (RSVS 811.10) / Jura :
ordonnance du 24 avril 2007 concernant les droits des patients (RSJU 810.021)
qui réglemente aussi les compétences du médiateur et la
procédure face à l'autorité de surveillance des
professions de la santé
94 RComPS GE, art. 9, al. 4, lettres a -f
pas retenu d'articles concernant le droit d'être
accompagné. Enfin, si le canton de Genève assimile l'approche en
médiation à la gestion des conflits opposant patients et
professionnels de la santé dans une logique d'intérêt
public, les quatre autres cantons la relient à la protection des
citoyens et à la promotion des droits des patients dans les cas vaudois
et fribourgeois.
Aucune législation ne prévoit une reliance entre
la gestion des plaintes, l'instance de médiation et un processus
d'amélioration des prestations de soins.
Une corrélation plus ou moins proche entre le gouvernement
et la fonction de médiation existe dans les cinq cantons :
o les Conseils d'Etat vaudois, jurassien et valaisan
détiennent le pouvoir de
nommer le médiateur avec une spécificité
vaudoise : le tiers est
préalablement désigné par la Commission
d'examen des plaintes;
o la commission de surveillance fribourgeoise nomme un de ses
membres;
o le médiateur genevois prête serment devant le
Conseil d'Etat avant de
s'inscrire sur un tableau de médiateurs
agréés.
Le rapport de dépendance accru, perceptible dans les
modèles des cantons de Vaud, Jura, Valais et Fribourg, pourrait mettre
en question les notions d'indépendance et de confidentialité
indispensables à l'exercice de la médiation. Il faut relever que
les lois vaudoise95 et genevoise96 stipulent clairement
la notion d'indépendance du médiateur face aux autorités,
l'exemple vaudois allant jusqu'à définir cette
indépendance au niveau du fonctionnement global. Les dispositions
genevoises limitent le temps de procédure à trois mois,
prévoient la transmission de l'accord pour information au bureau de la
commission de surveillance qui peut interrompre ladite procédure en cas
d'intérêt public97, respectant l'autonomie du
médiateur au sein du processus. Seul Genève s'assure de l'absence
de pouvoir du médiateur sur les parties98.
95 LSP VD, art. 15a, al.2
96 RComPS GE , art. 10, al.1
97 LCSPSDP GE, art. 16, al.1, 2, 3,
5
98 Op cit
L'on peut donc admettre que les modèles des cantons de
Vaud et de Genève respectent de manière plus tangible que les
trois autres les aspects d'indépendance et de confidentialité
propres à la médiation.
Enfin, la possibilité de saisir directement l'instance
de médiation existe dans quatre cantons, la commission de surveillance
genevoise étant habilitée à recevoir toute plainte et, le
cas échéant, à orienter le patient vers un
médiateur agréé. Dans ce cas seulement, la
procédure genevoise est gratuite. Le Valais prévoit un
«modeste émolument», alors que les trois cantons restants
stipulent clairement la gratuité de la procédure dans leurs
textes.
2.2.2. Analyse des pratiques
Cette analyse de pratiques tentera de classifier les cinq
fonctions de médiation selon la définition de l'instance de
médiation, selon Jean-Pierre Bonafé Schmitt, qui repose sur le
statut du tiers et sur son mode d'action. Rappelons-en les
caractéristiques : indépendance, impartialité, absence de
pouvoir et mode d'action communicationnelle non instrumentale.
2.2.2.1. Vaud : Le bureau cantonal de médiation
santé
La médiatrice vaudoise, au bénéfice d'un
doctorat en sciences de gestion et d'une formation universitaire en
médiation, est liée par un contrat de travail au
département de la santé. Engagée à plein temps,
elle gère les dossiers de plaintes et promeut la culture de la
médiation et les droits des patients dans les institutions de soins et
les associations civiles. Responsable du Bureau cantonal de médiation
santé (BCMS), elle jouit d'une totale indépendance
environnementale, organisationnelle et fonctionnelle. Seul un rapport annuel
informe les pouvoirs publics de ses activités et met en exergue des
problématiques de santé publique sujettes à
réflexion. La loi ne prévoyant pas de suppléant en cas de
récusation, la médiatrice peut faire appel à un ancien
stagiaire fort de compétences reconnues en médiation et de
connaissances du domaine de la santé.
La pratique vaudoise s'apparente à la conception
normative de la médiation enseignée à l'IUKB : entretien
préalable, séance de médiation dans une logique
communicationnelle, évaluation de la mise en application des accords.
L'élaboration des accords repose sur des aspects d'amélioration
de comportements et de prestations de soins en lien avec les droits des
patients. Ceux-ci sont signés par chaque partie quelques jours
après la séance, leur laissant ainsi le loisir de se
récuser.
Depuis l'ouverture du Bureau de médiation en mai 2004,
plus de 600 dossiers de plaintes ont été traités par la
médiatrice, dont le tiers en médiation.
Les quatre notions qualifiant une instance de médiation
sont, à notre avis, présentes dans cet exemple, ce qui permet
d'expliquer le résultat de l'activité du Bureau depuis son
ouverture.
2.2.2.2. Genève : L'instance de médiation
Les trois médiatrices genevoises
désignées par le Conseil d'Etat répondent aux
critères de reconnaissance de la Fédération suisse de
médiation (FSM). Formées en médiation familiale, deux
d'entre-elles possèdent une formation initiale d'avocate, de laborantine
pour la troisième. L'approche en médiation prévoit un
entretien préalable et privilégie en séance la reprise du
dialogue pour tenter de concilier les parties dans la rationalité
gagnant-gagnant.
Alors que la loi mentionne clairement qu'un mandataire n'est
pas admis dans le processus, celui-ci est accepté tacitement, mais
plutôt déconseillé par le tiers saisi. Les plaintes
émanent principalement d'un défaut de communication. Depuis
l'instauration de la médiation sanitaire en 2007, la commission de
surveillance a transmis six dossiers au total, ce qui ne satisfait pas les
médiatrices attitrées qui souhaiteraient plus
d'indépendance et une procédure moins formelle afin de favoriser
l'essor de la médiation dans ce domaine. Fervent défenseur de la
médiation, le conseiller d'Etat en charge du
Département de la santé souhaitait traiter la
moitié des dossiers de plaintes par ce biais.
L'indépendance relative des médiatrices face
à la commission de surveillance peut expliquer en partie le nombre
restreint de plaintes traitées en médiation. Un deuxième
facteur défavorisant est lié au mode de saisine qui
définit sa gratuité : une procédure de médiation
enclenchée par une saisine directe est payante au tarif habituel. A
contrario, si le plaignant est orienté vers la médiatrice par la
commission, la procédure est gratuite. Considérant les propos
recueillis et la loi qui définit les notions d'indépendance et
d'absence de pouvoir, ajoutée à cela une formation ad hoc, nous
estimons que l'approche genevoise correspond à la qualification d'une
instance de médiation.
2.2.2.3. Fribourg : La fonction de médiation
Le médiateur fribourgeois est formé
spécifiquement à la médiation santé. La question de
la supervision était en cours au moment de l'enquête, fin
septembre 2008.
Les séances de médiation se passent dans les
locaux de la direction du Service de la santé publique. Toute personne
susceptible d'aider à la résolution du conflit est admise,
mandataire inclus. Cependant, le processus réunit le plus souvent les
parties en conflits et le tiers. La procédure utilisée consiste
en un téléphone ou entretien préalable avec chaque partie
suivi d'une à trois séances de médiation de 1 heure et
demie à 2 heures qui suffisent en principe à résoudre le
conflit. Une copie des accords signés est classée dans un dossier
qui réunit l'ensemble des éléments de plaintes : ce
dossier n'est accessible qu'aux parties et au tiers.
Le processus de médiation se divise en plusieurs
étapes : consentement à la médiation, facilitation au
dialogue, emphase et reformulation. L'action du tiers favorise la recherche de
solutions par les parties elles-mêmes. Annuellement, six à huit
plaintes sont traitées en médiation, dont 80% aboutissent
à un accord
et 60% permettent la restauration du lien social entre le patient
et le professionnel de la santé.
A l'instar de l'exemple genevois, nous retrouvons une
indépendance relative face à la commission de surveillance qui
reçoit les plaintes et oriente le patient ou non en médiation.
D'autre part, les médiations s'effectuent dans des locaux
étatiques. Mis à part ce bémol, nous estimons que la
médiation fribourgeoise relève d'une instance de médiation
si l'on considère l'autonomie laissée au médiateur dans la
conduite de la procédure et du processus.
2.2.2.4. Jura : Le service de médiation
santé
Les textes de loi jurassiens précisent certains
critères en termes de formation et de procédure. Or, la
médiatrice désignée par le Gouvernement n'est pas
formée en médiation. Médecin, elle a suivi une
sensibilisation de deux jours à la médiation.
Le processus utilisé est le suivant :
o écoute empathique par téléphone;
o proposition d'une rencontre avec le professionnel mis en cause;
o envoi du résumé de la plainte au mis en cause;
o entretien téléphonique avec le mis en cause.
L'entretien empathique suffit à apaiser la
majorité des patients qui refusent, en principe, une rencontre avec le
professionnel de la santé. Entre le 1er janvier et le 30
septembre 2008, douze plaintes ont été enregistrées, dont
une a suscité la rencontre des parties. Dans ce cas, une salle et une
secrétaire du Service de la santé publique sont mis à
disposition. Un procès-verbal signé en fin de séance est
remis à chaque partie, une copie étant réservée au
Service de la santé publique. La médiatrice estime que le service
de médiation répond en partie aux attentes des patients
insatisfaits, le reste relevant d'attentes irréalistes.
2.2.2.5. Valais : La fonction de médiation
La situation valaisanne francophone est proche de l'exemple
jurassien. Des dispositions législatives précisent la
procédure, alors que celles-ci ne sont pas appliquées. Le
médecin-médiateur du Bas-Valais n'est pas formé en
médiation, ni en communication. Aucune rencontre entre les parties en
conflit n'a eu lieu depuis son début d'activité en 2004. La
procédure d'ordre administratif repose, dans un premier temps, sur une
évaluation de la problématique sur dossier, voire par un
entretien avec le plaignant pour compléter les données. Dans un
deuxième temps, le «confrère» est contacté par
téléphone pour un entretien de sensibilisation : le
médiateur tente alors de le persuader d'envoyer des excuses ou une
explication écrite au plaignant. Cette activité est compatible
avec l'exercice de sa profession dans la mesure où il traite trois
plaintes annuelles. Un rapport circonstancié, établi par sa
secrétaire, justifie de son activité auprès des
autorités chargées de le rémunérer. Le
médiateur interrogé estime que cette fonction doit être
exercée par un médecin fort de compétences relationnelles
et de connaissances spécifiques du domaine médical.
Les notions d'indépendance, d'impartialité,
d'absence de pouvoir et de mode d'action communicationnelle non instrumentale
ne sont pas présentes dans ces deux exemples. La gestion des conflits
consiste en une approche hybride entre régulation naturelle empirique et
gestion administrative. A notre avis, il n'existe pas de médiation
sanitaire au Jura et en Valais.
2.2.3. Synthèse
La médiation sanitaire en Suisse romande - mis à
part le cas du canton de Neuchâtel - s'est instaurée dans les
législations sur des modèles hétérogènes
dont certains traits communs peuvent être mis en exergue :
o l'instance ou la fonction de médiation est
rattachée aux pouvoirs publics et placée hors des institutions
hospitalières;
o l'offre de médiation concerne les conflits opposant
professionnels de la santé et patients dans l'ensemble du domaine
sanitaire cantonal;
o elle ne concerne pas les résidants à demeure des
établissements sociaux tels que des institutions pour
handicapés;
o aucune définition de la médiation n'est
déclinée dans les dispositions législatives cantonales;
o les termes utilisés dans les textes font
référence à une approche plus juridique que
communicationnelle.
En conséquence, nous estimons que
l'institutionnalisation de la médiation santé dans les cantons
étudiés répond à une nécessité de
moyens de contrôle social. A l'instar de la situation internationale, la
médiation suisse romande est pensée dans sa logique instrumentale
de gestion des conflits, ignorant les avantages sociaux plus larges qui
reposent sur ses aspects communicationnels et pédagogiques :
établissement d'un dialogue éthique, restauration de la confiance
et du lien social.
Concernant l'analyse des pratiques, nous relevons que trois
cantons sur six ont mis sur pied une fonction de médiation
apparentée aux critères d'une instance, décrite par
Jean-Pierre Bonafé-Schmitt.
Enfin, si les textes traduisent la volonté politique
unanime d'utiliser la médiation dans sa rationalité instrumentale
de gestion des conflits, il semble que la formation du tiers puisse orienter le
processus vers une approche plus communicationnelle propice à la
construction de l'intercompréhension selon Habermas.
L'indépendance environnementale et fonctionnelle, le mode de saisine
directe, la confidentialité et la promotion de la culture de la
médiation et des droits des patients qui caractérisent le
modèle vaudois paraissent également jouer en sa faveur.
Panorama des dispositions cantonales
|
VD
|
GE
|
JU
|
FR
|
VS
|
Désignation du médiateur
|
Conseil d'Etat
|
Liste par
Conseil d'Etat
|
Gouvernement
|
Commission surveillance
|
Conseil d'Etat
|
Critères de désignation
|
|
Formation universitaire 30 ans Expérience
Connaissances juridiques et médicales Qualification et
aptitudes a la médiation Probité
|
Formation Expériences
Compétences relationnelles
|
Membre
Commission de surveillance
|
|
Révocation du médiateur
|
Commissions
|
Conseil d'Etat
|
Elu pour 4 ans
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Domaine de compétences
|
Droits patients Information
|
Aide aux parties
|
Droits patients
|
Droits patients Information
|
Droits patients
|
Groupes cibles
|
Patients Résidant
|
Patients Professionnels.
|
Patients
|
Patients
|
Patients
|
Limites de compétences
|
Q. financieres
|
Intént public
|
Honoraires
|
Honoraires Comportements professionnels
|
H onoraires Comportements professionnels incorrects
|
|
|
|
|
|
|
Pouvoir sur la procédure
|
|
Commission
|
|
|
|
Délai de procédure de médiation
|
|
3 mois
|
|
|
|
Procédure gratuite
|
OUI
|
OUI
|
|
OUI
|
NON
|
|
|
|
|
|
|
Saisine
|
Directe
|
Commission
|
Directe
|
Directe
|
Directe
|
Mandataire accepté
|
NON
|
NON
|
OUI
|
OUI
|
OUI
|
Accompagnant du patient
|
OUI
|
|
|
|
|
Procès verbal de la séance
|
|
|
OUI
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Indépendance
|
OUI
|
OUI
|
|
|
|
Impartialité - neutralité
|
Récusation
|
Récusation
|
Suppléance
|
Suppléance Récusation Suppléance
|
Récusation
|
Confidentialité
|
OUI
|
OUI
|
OUI
|
OUI
|
OUI
|
Absence de pouvoir
|
|
OUI
|
|
|
|
Tableau comparatif des pratiques
|
VD
|
GE
|
JU
|
FR
|
VS
|
Formation en médiation
|
OUI
|
OUI
|
NON
|
OUI
|
NON
|
Autres formation
|
Dr en sciences de gestion
|
Avocat- laborantine
|
Médecin
|
Non enregistré
|
Médecin
|
Gestion des conflits
|
médiation
|
médiation
|
administrative
|
médiation
|
administrative
|
Organisation d'échange
|
OUI
|
OUI
|
NON
|
OUI
|
NON
|
Nombre de plaintes traitées
|
160 / an
|
6 / 2 ans
|
12 en 9 mois
|
6 -- 8 / an
|
3 / an
|
Instance de médiation
|
OUI
|
OUI
|
NON
|
OUI
|
NON
|
Indépendance
|
OUI
|
OUI
|
NON
|
OUI
|
NON
|
Impartialité
|
OUI
|
OUI
|
NON
|
OUI
|
NON
|
Absence de pouvoir
|
OUI
|
OUI
|
NON
|
OUI
|
NON
|
Action communicationnelle non instrumentale du tiers
|
OUI
|
OUI
|
NON
|
OUI
|
NON
|
2.3. Conclusions
En conclusion, les pouvoirs publics ont su s'adapter aux
changements des rapports sociaux entre patients et professionnels, notamment
induits par l'apparition des droits des patients en s'efforçant, de
façon plus ou moins réussie, de créer des espaces
d'expression et de communication dans un but de régulation ou de
contrôle social, espaces dans lesquels la médiation s'est
profilée en épousant la forme de son contenant :
o modèles anglais et genevois : intervention d'un
médiateur externe, formé et reconnu par les autorités;
o modèle fribourgeois : médiateur formé,
issu de la commission de surveillance;
o modèle belge : médiateur sans formation,
collaborateur de l'institution sanitaire;
o modèle norvégien : Ombudsman externe à
plein temps, équipe d'experts;
o modèle vaudois : médiateur formé à
plein temps, promotion de la culture de la médiation;
o modèle italien : commission conciliatoire.
On peut se demander pour quelle raison la défense des
droits des patients ne concerne que le domaine hospitalier dans les pays
européens, alors que les trois instances de médiation romandes
offrent leurs prestations pour les plaintes issues du domaine sanitaire
primaire et secondaire. Qu'advient-il des insatisfactions liées aux
prestataires de première ligne tels que les médecins
installés, les services de soins à domicile ? La même
question se pose de manière générale sur le sort de
l'insatisfaction issue des institutions sociales ou spécialisées
pour personnes handicapées. Une révision de la loi de
santé publique vaudoise en cours va dans ce sens en prévoyant
d'étendre l'offre de médiation santé à tout citoyen
résidant à demeure dans une institution sociale ou
spécialisée. C'est dire que les autorités vaudoises
favorisent l'expression du plaignant et soutiennent le développement de
la démocratie sanitaire.
L'on peut envier le système anglais qui intègre de
manière manifeste la gestion des plaintes au système
Qualité global.
Il est toutefois regrettable que l'essor de l'approche
normative de la médiation reste modeste en Europe et que les politiques
s'intéressent à sa logique de gestion des conflits, alors que ses
rationalités communicationnelle et pédagogique
génèrent autodétermination et responsabilisation des
acteurs du conflit et participent à la restauration de la confiance de
la population dans son système de soin, à la cohésion
sociale et à l'amélioration de la qualité des soins. Les
autorités belges, genevoises et fribourgeoises montrent, à notre
avis, une certaine ambivalence face à la médiation malgré
son instauration. Des facteurs défavorisant son essor sont probants :
main mise des commissions de surveillance sur la saisine pour les uns, choix de
tiers non formés pour l'autre. Comment expliquer ce
phénomène. D'une part, la protection des droits des patients
incombe à l'Etat et la médiation répond à des
critères économiques et temporels avantageux (rapide, simple, peu
coûteuse). D'autre part, la symbolique de paix que le terme suscite dans
les esprits et l'aspect confidentiel du processus qui entretient une image
«mystique et occulte» peuvent engendrer une crainte de perte de
contrôle.
C'est dire la méconnaissance manifeste de la
médiation et de ses avantages et la nécessité de
promouvoir sa culture au sein de la collectivité.
Après ce survol européen, nous passons au
chapitre suivant qui présente une analyse pointue du Bureau cantonal de
médiation santé vaudois, modèle qui à notre avis
répond à l'éthique de la médiation autant qu'aux
attentes des intéressés : politiques et plaignants.
3. LA MÉDIATION SANTÉ : LE MODÈLE
VAUDOIS
Comme nous venons de le voir dans l'analyse
précédente, le Bureau cantonal de médiation santé
(BCMS) est un fait unique en Suisse romande. Ouvert en 2004, son champ
d'activité s'étend au domaine de santé public ou
privé, offrant des prestations de médiation entre patients et
professionnels de la santé en situation de conflit, des entretiens
d'évaluation et d'orientation et des séances de promotion des
droits des patients au sein de la collectivité associative et
professionnelle. Unique en son genre par son caractère
indépendant au niveau fonctionnel et environnemental, le BCMS respecte
l'entière confidentialité, exempt de tout droit de regard
étatique sur le traitement des dossiers de
plaintes. Seul un rapport annuel renseigne les
autorités sur le fonctionnement global du service et sur ses
activités. Le modèle de médiation utilisé poursuit
les objectif centraux de restauration du lien social entre le soignant et le
soigné ou ses proches et l'amélioration de la qualité des
prestations de soins. L'action du tiers favorise la communication,
l'instauration d'un dialogue équitable entre les parties et l'action
commune de recherche de solutions. Les protagonistes se réapproprient
leur conflit et co-construisent de nouvelles normes par l'élaboration
d'accords qui les engagent dans l'avenir à des modifications
d'attitudes, de comportements et, au niveau des professionnels de la
santé, des améliorations organisationnelles ou
communicationnelles au sein des structures prestataires de soins. Enfin, le
BCMS est un des rares lieux de stages pratiques qui accueille une vingtaine
d'étudiants en médiation par an. Nous avons personnellement
bénéficié d'une semaine de stage, d'un encadrement
formateur et participé à huit séances de
médiation.
Pour ces raisons, nous présentons ce modèle de
service institutionnalisé qui, nous le verrons dans le prochain
chapitre, répond en grande majorité aux attentes des plaignants,
à la nécessité de l'«établissement de
passerelles» comme l'entend Guillaume-Hofnung entre les différents
acteurs du domaine sanitaire en crise mais également aux attentes de
l'Etat en termes de régulation sociale et de prévention du non
respect des droits des patients.
3.1. L'origine de la demande de médiation
santé
Au début des années 90, plusieurs affaires
traitant de maltraitance sur des personnes âgées
institutionnalisées furent dénoncées par voie de presse.
Fait d'urgence, l'Etat mit sur pied une unité de surveillance des
prestations de soins dans le cadre des 150 établissements
médico-sociaux (EMS) vaudois, ainsi qu'une commission d'examen des
plaintes. Plusieurs cantons romands suivirent cette initiative dont
Neuchâtel qui créa, en 1992, un poste d'infirmière de
santé publique. En 1996, la médiatisation de nouveaux actes de
malveillants et des abus financiers dans certains EMS ébranlèrent
le canton. Le mode de gestion des plaintes et de surveillance ne suffirent
manifestement pas à éviter ces dérives. L'Etat, garant du
respect de la dignité de ses citoyens, fut remis en
question. Une enquête parlementaire menée entre
1997 et 2001 mit en lumière des problématiques jugées
«sérieuses». Le rapport de la commission releva entre autre
:
o une méconnaissance du phénomène de la
maltraitance; o une inadéquation de l'appareil légal et
réglementaire;
o une sous-dotation en personnel des services
concernés;
o un manque de contrôle, une réaction tardive du
Conseil d'Etat99.
Ses propositions et recommandations visaient à garantir
la protection des personnes très âgées, notamment par le
biais d'un renforcement en dotation soignante et en surveillance, d'une
amélioration des conditions de travail du personnel, de l'interdiction
des mesures de contention et du traitement forcé, de l'instauration
d'une Commission d'examen des plaintes (COP) avec anonymisation du plaignant et
la mise en place de la médiation, sans oublier l'adaptation des textes
de loi et la demande d'une étude universitaire sur la maltraitance.
D'autres cas graves émanant d'institutions mirent en exergue la
nécessité globale d'une cohérence dans le traitement des
problématiques, soit la création d'une deuxième commission
destinée à traiter les plaintes émanant du domaine
hospitalier aigu. Du point de vue de Pierre-Yves Maillard, actuel chef du DSAS,
l'instauration du nouveau dispositif de recours s'imposait : «Il
existe une évolution de la société face à
l'autorité. On ne peut plus traiter les patients comme
avant100». Dès 2002, une commission parlementaire
fut chargée de réviser la loi selon les recommandations du
rapport d'enquête : accorder plus d'importance aux droits des patients,
de leurs proches et définir clairement la mission des commissions
d'examen des plaintes et celle du médiateur. Elle fut acceptée en
mars 2003. Jean Martin, ancien médecin cantonal, se souvient :
«Je n'ai eu aucun problème à passer le projet au
parlement [...]. Mais il fallait un service indépendant ! C'était
important. Aussi au niveau architectural, hors Etat101».
La même année, la commission d'examen des plaintes
«Patients» entra en fonction, suivie de peu par l'ouverture du bureau
cantonal de médiation santé, le 1er mai 2004.
99 «Rapport de la Commission
d'enquête parlementaire sur les EMS», 30 janvier 2001, page
185
100 P.-Y. Maillard, «Entretien du 22 août
2008», Extraits
101 J. Martin, «Entretien du 7 février
2008», Extraits
Par respect des notions de neutralité et de
confidentialité propres à la déontologie de la
médiation, des locaux détachés de l'appareil
étatique furent loués au centre de Lausanne. C'est donc une
conjonction d'éléments qui amena la médiation santé
à s'inscrire dans le champ sanitaire vaudois : les scandales
médiatisés, la pression de mouvements sociaux, la mise en
lumière des problématiques, la volonté politique d'y
remédier et l'apparition des droits des patients.
3.2. La médiation sanitaire au sein du
dispositif de recours
Conseil de santé 16 membres Mesures
disciplinaires- Décision
Commission d'examen des plaintes EMS 13
membres Instruction- Préavis
Commission d'examen des plaintes « Patients
» 13 membres Instruction- Préavis
Bureau cantonal de
médiation santé 1 médiateur
formé Evaluation- Médiation
Le dispositif officiel mis à disposition de la
population vaudoise (700'000 habitants) a l'avantage de diversifier le
traitement des plaintes selon leur nature : insatisfaction, malpractis,
comportements et attitudes incorrects ou abusifs des professionnels. Le BCMS
est un organe de premier recours destiné au traitement des plaintes en
saisine directe et de manière rapide, gratuite et confidentielle. Les
affaires de moeurs, les fautes professionnelles, les différends
concernant les honoraires, les vols et spoliations de biens ainsi que les
conflits avec des assureurs-maladie ne relèvent pas de la
médiation santé vaudoise. La médiatrice,
désignée par les commissions d'examen des plaintes et
nommée par le Conseil d'Etat, exerce son activité à 100%
en totale indépendance. Les compétences lui sont reconnues pour
traiter les dossiers relatifs au non respect des droits des patients. En cas de
non aboutissement de la médiation, le
plaignant est orienté vers la Commission d'examen des
plaintes pour instruction et préavis au chef du DSAS ou au Conseil de
santé pour enquête et décision disciplinaire.
3.3. Les objectifs du processus de médiation et
les conditions
L'idée qui sous-tend l'action de la médiatrice
rejoint, à notre avis, celle de Bonafé-Schmitt, à savoir
que la relation soignant-soigné est une relation sociale et non
uniquement thérapeutique. De ce fait, le rapport
«dominant-dominé» est réajusté par la
médiatrice au travers des actes de langage jusqu'à l'instauration
d'une «approche plus participative et
consensuelle102» servant la compréhension mutuelle
et la collaboration des parties à la recherche de leurs propres
solutions.
D'autre part, le processus de médiation agit sur le
rapport de dépendance instauré dans la relation
thérapeutique entre «celui qui sait» et «celui qui
demande» en associant les acteurs du conflit à une prise de
décision commune et satisfaisante pour chacun : l'élaboration des
points d'accords.
Les conditions processuelles amènent le professionnel
de la santé à abandonner un langage hermétique et une
posture supérieure au profit d'un dialogue éthique.
Le rétablissement de l'équilibre dans le rapport
soignant - soigné résulte d'un mode opératoire qui
s'inspire de la logique communicationnelle de la médiation basée
sur l'organisation des échanges de paroles et la mise en discussion des
actes de langage des parties allant vers l'intercompréhension selon
BonaféSchmitt.
102 J.-P. Bonafé-Schmitt in «La Santé :
cycle de vie, société et environnement», de P.
Perrig-Chiello et H.B. Stähelin, Ed. Réalités sociales,
Lausanne, 2004 p. 1
3.4. Les étapes communicationnelles
Les étapes
communicationnelles103
|
Disposition personnelles
|
Se rencontrer
|
Ecoute - Franchise
|
S'expliquer sur les faits
|
Humilité -Ouverture d'esprit
|
Parler de son ressenti
|
Capacité à comprendre les explications
données
|
Dissiper les malentendus
|
Capacité à se remettre en cause
|
Renouer le dialogue
|
Capacité à reconnaître ses erreurs
|
Confronter ses points de vue
|
Capacité à se mettre à la place de
l'autre
|
Mieux se comprendre
|
Capacité à présenter ses excuses
|
Se réconcilier
|
Capacité à excuser, à pardonner
|
Restaurer la confiance
|
Capacité à réparer
|
Recherche des solutions
|
Capacité à éviter la reproduction de
l'incident
|
Elaborer un accord
|
Autocritique
|
|
Empathie
|
Selon le nombre de participants, le degré de charge
émotionnelle et de souffrance du plaignant, la complexité de la
situation et les dispositions individuelles des acteurs, l'exploitation des
différentes étapes communicationnelles implique deux à
quatre heures de séance, voire une deuxième rencontre de
durée comparable. L'explication des événements, du
ressenti et les questionnements réciproques dans l'écoute et le
respect mutuels enrichissent l'échange de paroles et le débat
d'idées utiles à l'intercompréhension.
Le passage d'une étape à l'autre n'est pas
linéaire : la réconciliation approchant, il n'est pas rare que le
débat d'idées reprenne sur un point ou un autre. L'entrée
en médiation requiert néanmoins des médiés quelques
dispositions, notamment le désir de résoudre le conflit, de se
réconcilier, la sensibilité aux soucis de l'autre et des
capacités communicationnelles constructives. La reconnaissance des
erreurs, l'expression d'excuses sincères et le pardon désignent
une étape clé que nous qualifierons de «seconde
rencontre» dans le sens que les personnes, à cet instant
précis, entrent dans un registre de communication vrai, humain qui
révèle l'établissement d'un rapport équitable par
un changement de perceptions réciproques.
103 C. Thouverez, «Présentation du fonctionnement
et de l'activité du BCMS», cours IUKB, 2007, p. 3
L'organisation de ces échanges comme l'explique
Bonafé-Schmitt permet «une confrontation des points de
vue» et une «capacité d'action» en vue
d'une recherche de solutions.
3.5. Le modèle d'action de la
médiatrice
Comme nous l'avons précédemment
énoncé, l'action de la médiatrice repose sur la
rationalité communicationnelle de la médiation, ce qui signifie
qu'elle crée les conditions processuelles qui facilitent une
communication de qualité allant vers l'intercompréhension et la
réappropriation du conflit par les parties, devenant alors
«actrices de leur conflit : organisation des échanges de paroles,
mise en discussion des actes de langage et processus». Il incombe au
tiers, par son action d'empowerment, de faire émerger des
capacités de langage et l'autonomie de chaque partie et des dispositions
de coopération dans la recherche de solutions. Le mode opératoire
de la médiatrice vaudoise s'inspire de la théorie de l'agir
communicationnel de Habermas dont les effets pédagogiques sur les
médiés s'apparentent à l'expérience du monde
vécu. Le processus utilisé s'allie au modèle d'action
communicationnelle décrit en cinq phases par
Bonafé-Schmitt104:
Modèle d'action communicationnelle
|
|
Modèle du BCMS105
|
|
1.a.
|
Entretien préalable avec le plaignant
|
1. Phase de pré-médiation
|
1.b.
|
Entretien préalable avec la personne mise en cause
|
|
2.a.
|
Séance de médiation avec les parties
|
2. Phase de médiation
|
2.b.
|
2ème séance en cas de
nécessité
|
3. La recherche de l'accord
|
3.
|
Rédaction d'une convention d'accord
|
4. L'accord de médiation
|
4.
|
Signature des accords
|
5. La vérification de l'exécution de l'accord
|
5.
|
Vérification de la mise en place des accords
|
|
La rédaction d'une convention d'accord sous-entend son
élaboration et son projet dans le cadre d'une action commune de
recherche de solutions par les parties.
104 J.-P. Bonafé-Schmitt in «La médiation,
une alternative à la justice ? », Ed. Syros-Alternatives, Paris,
1992, pp. 211- 226
105 C. Thouverez, «Présentation du fonctionnement
et de l'activité du BCMS», cours IUKB, 2007, p. 6
Dans la pratique du BCMS, la signature des accords suit la
séance de médiation de quelques jours.
3.5.1. La phase de pré-médiation
L'entretien préalable individuel est destiné
à l'analyse de situation :
o «comprendre le vécu de chaque partie;
o cerner les spécificités;
o identifier le ressenti;
o identifier les objectifs, les logiques d'acteur;
o expliquer l'approche en médiation et les
règles de comportement; o évaluer si les conditions
d'entrée en médiation sont remplies106».
La démarche d'analyse pointue met en lumière la
nature de la problématique et son degré de gravité,
l'état psychique, les attentes non exprimées (financières)
et la capacité de compréhension du plaignant qui
déterminent l'entrée ou non en médiation. L'accueil de
décharges émotionnelles, parfois intenses, et une explication de
l'approche apaisent les personnes et les prédisposent à l'esprit
de médiation.
3.5.2. La phase de médiation
La construction de l'intercompréhension par
l'organisation des échanges de paroles et l'agir communicationnel de la
médiatrice transforme les deux versions initiales des faits en une
lecture partagée et une compréhension mutuelle des
problématiques. Cette approche communicationnelle crée un espace
d'expression au niveau de la pensée et des émotions, un espace
d'échange et d'écoute favorable à l'introspection dans
lequel se modifient peu à peu les perceptions réciproques. Les
transformations cognitives opérées durant cette phase permettent
à chaque personne de retrouver son autonomie par la reprise de pouvoir
sur elle-même et la reconnaissance de l'autre. Cette mutation profonde se
manifeste chez le professionnel de la santé par la
106 BMVD, « Rapport d'activité 2007 », p.
2
reconnaissance de ses torts scellée par l'expression
d'excuses ou de regrets sincères et la prédisposition à
mener des actions concrètes d'améliorations personnelles ou
organisationnelles. Le plaignant, quant à lui, accueille les excuses et
lui accorde son pardon.
3.5.3. La recherche d'accords
Cette phase de création se caractérise par l'action
commune dans la recherche de solutions satisfaisantes pour les deux parties.
De nouvelles normes relatives à l'amélioration
des rapports soignant - soigné et des prestations de soins
émergent de cette coopération sous-tendue par
l'autodétermination et la responsabilisation. La retranscription
écrite des points d'accords sur le flip shart et la vérification
auprès des médiés de la justesse des termes aiguisent leur
intérêt et favorisent l'appropriation du projet.
3.5.4. L'accord de médiation
L'édiction de ces nouvelles normes suscite apaisement
du plaignant et réconciliation des parties. Le contenu des accords porte
principalement sur des engagements visant l'amélioration du respect de
la dignité du patient et de ses droits et celle des prestations de soins
:
o «amélioration du comportement du professionnel
de la santé à l'égard du patient ou de sa famille;
o renforcement de la communication avec le patient, sa
famille ou ses proches;
o associer le patient, sa famille ou ses proches au projet de
soins; renforcer la qualité des soins dans sa pratique
personnelle;
o améliorer la prise en charge des patients, de
leur famille ou de leurs proches au sein de l'établissement sanitaire
dans lequel le professionnel de la santé travaille et en collaboration
avec une équipe107».
La signature des accords qui suit la séance de
médiation de quelques jours clôt le processus dans la
majorité des cas.
107 C. Thouverez, «Implantation de la médiation
sanitaire dans le canton de Vaud» : étude de cas»,
Mémoire DUM, IUKB, Sion, 2005, p. 120
3.5.5. La vérification de la mise en place des
accords
Une séance de vérification, préalablement
définie au moment de l'élaboration de l'accord, est
préconisée dans des situations de relations de dépendance
afin d'évaluer l'application des engagements et d'éviter des
représailles, notamment lorsqu'il s'agit d'une plainte provenant d'un
résidant vivant dans une institution médico-sociale.
3.6. Les limites de la médiation
L'hostilité et l'indifférence aux
préoccupations de l'autre, manifestées par certaines attitudes et
comportements obligent parfois la médiatrice à mettre fin
à la séance de médiation.
Les manifestations inhibitrices de la médiation se
caractérisent chez les professionnels par :
o «un manque d'authenticité et
d'humilité;
o une impossibilité de se remettre en question et
d'améliorer ses prestations (relationnelles et/ou techniques);
o un manque de volonté à résoudre
durablement les problèmes énoncés et à faire
évoluer ses propres comportements et/ou voire ceux de
l'équipe108».
Concernant les plaignants, nous retenons les attitudes et
comportements inadéquats suivants :
o «non-observation des règles et principes de
participation : manifestation exacerbée et prolongée de
colère, manque d'écoute, refus d'entendre les explications
données, impossibilité de progresser, difficultés à
accepter les excuses;
o tendances manipulatrices et fausses accusations à
l'égard des médecins dans l'espoir d'obtenir des
indemnités financières;
o méfiance persistante et enfermement dans des
scénarios très négatifs [...] entraînant un rejet
des explications données;
o désir de prolonger une situation dramatique qui
semble être une raison de vivre ou un moyen de survie;
o incapacité à changer d'avis ou à
adopter le point de vue de l'autre;
o comportement paradoxal : satisfaction à l'issue de
la médiation, puis refus de signer l'accord109».
108 BCMS, Rapports d'activités 2004, 2005, 2006,
2007
109 C. Thouverez, «Présentation du fonctionnement
et de l'activité du BCMS», cours IUKB, 2007, p. 8
D'autre part, les plaintes émanant de personnes
atteintes d'une pathologie psycho-organique qui contestent leur traitement ou
leur hospitalisation forcée à des fins d'assistance posent la
question de leurs facultés de discernement et des risques pour
eux-mêmes et autrui. L'analyse de situation demande une approche
particulièrement prudente :
«Réflexion et précaution s'imposent
d'autant que des démarches ont parfois
étéentreprises conjointement par les médecins
psychiatres auprès de la Justice de Paix, en cours d'hospitalisation,
afin de renforcer la protection du patient110».
Dans ces cas de figure, une proposition de médiation n'est
simplement pas envisageable.
Enfin, par manque de structures spécifiques dans le
canton, certains patients psychiatriques de 40 à 60 ans résident
dans des EMS dont la moyenne d'âge dépasse les 80 ans. Ces
personnes ressentent une profonde injustice qui les motive à
déposer plainte au BCMS. La problématique étant
liée à des orientations politiques, une médiation ne
remédierait pas à leur condition de vie pénible.
3.7. Typologie des plaignants et
spécificités des plaintes
Les plaintes déposées au BCMS émanent
d'une personne, patient ou proche ou des membres d'une famille, suite à
un défaut de communication, de prestations de soins ou d'attitude et de
comportement d'un professionnel de la santé.
Ces manquements proviennent de plusieurs facteurs :
o «absence de philosophie de soins dans l'institution
sanitaire; o défauts d'organisation du travail;
110 Ibidem, p. 9
o carences dans la qualité des prestations
données;
o déontologie professionnelle
déficiente;
o problèmes de compétences;
o méconnaissances ou non application
délibérée de la Loi de santé».
Les caractéristiques des plaintes des patients qui
révèlent une souffrance profonde sont, d'une part, des sentiments
d'abandon, d'impuissance, d'irrespect de leur personne, d'anxiété
face à leur mort prochaine due à un défaut de vigilance ou
d'erreur thérapeutique et, d'autre part, des souffrances physiques dues
à une insuffisance d'évaluation clinique, la peur d'un handicap,
d'une limitation ou d'une dégradation fonctionnelle.
Les personnes se sentent atteintes dans leur dignité
humaine et, parfois, dans leur intégrité provoquant une
altération de leur bien-être.
La demande de médiation traduit la volonté de
reprendre le contrôle sur soi et d'agir pour les autres :
o «comprendre les motifs et leurs circonstance;
o découvrir l'Autre en tant qu'être humain
occupant un poste à responsabilités;
o lui faire prendre conscience de ses omissions, erreurs
et/ou négligences; o modifier les comportements du
professionnel;
o améliorer la qualité des prestations pour la
communauté des futurs malades; o rechercher un apaisement
personnel111».
La médiatrice vaudoise qualifie l'action des plaignants de
démarche responsable, constructive, généreuse et
citoyenne.
Quant aux plaintes déposées par la famille du
patient, elles mettent en exergue une souffrance morale liée à
des sentiments de culpabilité, d'exclusion ou de frustration :
o «culpabilité : désir de
réhabilitation face au proche, désir
d'accompagnement ou d'investissement par devoir;
o exclusion par les professionnels : dans le projet
thérapeutique, l'accompagnement ou le changement d'institution;
o frustration : par manque de dialogue, de
considération ou de partage de savoirs au sujet du
proche112».
111 Ibidem, p.10
112 Ibidem, p. 12
Dans la majorité des cas, les attentes des proches sont
ciblées sur les besoins d'expression et de validation de leur souffrance
par les professionnels mis en cause.
Le volet suivant présente les statistiques du BCMS.
3.8. Activités statistiques du BCMS
Les tableaux comparatifs se basent sur l'étude des
rapports d'activités et, pour l'année 2008, sur des
données qui nous ont été transmises par la
médiatrice. Cependant, certains chiffres 2008 ne sont pas encore
disponibles. La répartition des catégories professionnelles et de
la typologie des structures sanitaires mises en cause, des droits des patients
non respectés, du résultat des médiations et des
activités générales liées au traitement des
plaintes permettent une identification mesurable des problématiques, de
leur source et des moyens pour y remédier.
3.8.1. Catégories professionnelles mises en
cause
Ce tableau comparatif représente les catégories
professionnelles qui ont suscité une médiation directe ou
indirecte.
Catégories professionnelles mises en
cause
2004 2005 2006 2007 2008 Total
|
Directeurs
|
2
|
4
|
6
|
|
|
12
|
Médecins
|
19
|
31
|
33
|
21
|
|
104
|
Infirmières
|
4
|
3
|
15
|
7
|
|
29
|
Equipes pluridisciplinaires
|
|
|
|
8
|
|
8
|
Dentistes
|
4
|
|
|
|
|
4
|
Opticiens
|
1
|
|
|
|
|
1
|
Physiothérapeutes
|
|
1
|
|
|
|
1
|
Ambulanciers
|
|
1
|
|
|
|
1
|
Assistants sociaux
|
|
1
|
|
1
|
|
2
|
Educateurs
|
|
|
1
|
1
|
|
2
|
Agents de sécurité
|
|
|
1
|
|
|
1
|
Pédicure
|
|
|
|
1
|
|
1
|
Total 30 41 56 39 166
Nous constatons que les médecins occupent la
première position (63%), suivis des infirmières (17%) et des
directeurs d'institution (8%). La catégorie des médecins concerne
les professeurs, chefs de clinique, médecins-assistants, médecins
exerçant leur pratique en privé ou en clinique, médecins
des domaines d'entreprise ou pénitencier.
La catégorie des infirmières réunit
l'ensemble des professionnelles, responsables d'unité et praticiennes au
sein d'équipes de soins en institutions hospitalières ou
médico-sociales.
Les catégories des directeurs et des pédicures font
référence en principe à des professionnels d'EMS.
Les directeurs, les médecins et les infirmières
sont mis en cause de manière régulière, alors que les
autres catégories font l'objet de plaintes ponctuelles.
En ce qui concerne les catégories des dentistes et des
opticiens, l'absence de plainte constatée depuis 2005 s'explique par une
orientation de ce type de plaintes vers des associations professionnelles
spécifiques après quelques mois de pratique.
La catégorie des agents de sécurité
appartient au dispositif mis en place par l'hôpital universitaire pour
pallier à la recrudescence de la violence perpétrée contre
les soignants.
3.8.2. Typologie des structures sanitaires mises en
cause
Cette statistique met en évidence le type d'institution
mis en cause soit directement, soit par le biais d'une plainte ciblée
sur un de ses collaborateurs. Il est utile de relever que les médiations
collectives se généralisent depuis deux ans. Ceci s'explique par
le fait que les professionnels de la santé mis en cause s'accompagnent
aujourd'hui de leur supérieur hiérarchique, voire des
responsables infirmiers.
Typologie des structures sanitaires mises en
cause
2004 2005 2006 2007 2008 Total
Hôpitaux universitaires
|
3
|
8
|
10
|
4
|
|
25
|
Hôpitaux de zone et régionaux
|
9
|
10
|
11
|
10
|
|
40
|
Cliniques
|
4
|
2
|
4
|
3
|
|
13
|
EMS
|
4
|
2
|
12
|
9
|
|
27
|
CMS
|
|
2
|
5
|
2
|
|
9
|
CTR
|
|
2
|
1
|
|
|
3
|
Médecins privés
|
6
|
13
|
9
|
9
|
|
37
|
Services santé pénitenciers
|
|
|
1
|
|
|
1
|
Services santé entreprises
|
|
|
1
|
|
|
1
|
Institutions pour handicapés
|
|
1
|
1
|
|
|
2
|
Foyers médico-sociaux
|
|
|
|
1
|
|
1
|
FAREAS
|
|
|
1
|
|
|
1
|
EVAM
|
|
|
|
1
|
|
1
|
Office du tuteur général
|
|
1
|
|
|
|
1
|
Dentistes privés
|
4
|
|
|
|
|
4
|
Total 30 41 56 39 166
A noter, en premier lieu, que le réseau hospitalier
vaudois compte vingt-deux établissements d'intérêt public,
dont trois hôpitaux universitaires, sept hôpitaux de zone, deux
hôpitaux régionaux, trois établissements psychiatriques et
sept centres de traitements et de réadaptation qui représentent
un total de 3'130 lits.
La répartition des structures sanitaires mises en cause
met en évidence les hôpitaux (24%) et les médecins
privés (22,5%) en première position, suivis par les EMS (16%) et
l'hôpital universitaire vaudois (15%) en deuxième position, puis
des cliniques privées (8%) en troisième position.
Les structures mises en cause de manière linéaire
sont les hôpitaux, les cliniques, les EMS, les CMS et les médecins
privés.
Il est intéressant de constater que les services de
santé pénitenciers et d'entreprises, les institutions pour
handicapés, les foyers médico-sociaux de la FAREAS et de l'EVAM
ne sont pas mis en cause avant 2006. Ce phénomène pourrait-il
s'expliquer par la promotion active des droits des patients et du BCMS au sein
de la collectivité depuis quatre ans ? Nous n'avons pas
d'éléments pour confirmer ou infirmer cette hypothèse,
mais pouvons espérer qu'il se poursuive par souci d'équité
et que, désormais, les personnes captives ou étrangères
puissent faire valoir leurs droits en matière de santé au
même titre que les autres citoyens.
Le tableau qui suit met en exergue les droits des patients non
respectés par les structures sanitaires et par les professionnels de la
santé.
3.8.3. Articles de loi non respectés : droit des
patients
Articles de la LS non
respectés113
2004 2005 2006 2007 Total
Art. 20 2ème avis médical
|
|
1
|
|
|
1
|
Art. 20a Accompagnement des patients
|
6
|
1
|
1
|
1
|
9
|
Art. 21 Droit à l'information
|
37
|
17
|
25
|
18
|
97
|
Art. 23 Consentement libre et éclairé
|
1
|
3
|
7
|
6
|
17
|
Art. 23a Directives anticipées
|
6
|
3
|
|
|
9
|
Art. 24 Accès au dossier médical
|
15
|
7
|
4
|
4
|
30
|
Art. 80 Secret professionnel
|
1
|
1
|
|
|
2
|
Art. 89 Secret médical
|
|
|
|
1
|
1
|
Art. 94 /124 Compétences - atteinte à la
dignité
|
|
8
|
16
|
9
|
33
|
Association des articles 21, 23a, 94, 124
|
|
|
3
|
|
3
|
Total 66 41 56 39 202
La répartition des articles de loi non respectés
place clairement en première position l'article «droit à
l'information» (48%), suivi, en deuxième position, des articles 94
et 124 concernant les compétences médicales et
infirmières114 (16%) et de l'article 24 «Accès au
dossier médical» (15%).
Les 33 plaintes liées aux articles 94 et 124 relevant
d'aspects déontologiques ou de mal pratique ont été
orientées par la médiatrice vers des instances habilitées
à prendre des mesures disciplinaires. La violation du droit à
l'information nous renvoie au défaut de dialogue éthique dans la
relation thérapeutique. Les chiffres nous montrent que l'attente
prioritaire du patient est de recevoir des informations claires. Contrairement
à ce que nous pouvions penser, le droit à un deuxième avis
médical, considéré dans le discours comme une marque de
méfiance de la part du patient, provoque en réalité
moins
113 Loi vaudoise sur la santé publique du 29 mai 1985,
mise à jour le 1er octobre 2003
114 Ibidem art. 94 et 124
Art.94 : Compétences : le médecin a seul
qualité :
a) pour déterminer ou apprécier
l'état physique ou psychique des personnes et prescrire les mesures
propres à la conservation et au rétablissement de leur
santé selon l'état des connaissances professionnelles et
scientifiques admises [..]
Art.124: Rôle et compétences :
L'infirmière est une personne formée pour donner
professionnellement les soins ciaprès :
a) soutien et suppléance dans les activités
quotidiennes
b) accompagnement dans les situations de crise et dans la
période de fin de vie [..]
d'insatisfactions que la réticence des médecins
à remettre le dossier, qui selon la loi, appartient au patient.
3.8.4. Résultats des médiations
Médiations abouties et non
abouties115
2004 2005 2006 2007 2008 Total
|
Médiations abouties (accords signés des 2
parties)
|
27
|
37
|
42
|
37
|
27
|
170
|
Médiations non abouties
|
3
|
4
|
14
|
2
|
0
|
23
|
Total
|
30
|
41
|
56
|
39
|
27
|
193
|
2004: 8 mois d'activité
2008 : résultat au 30 septembre = 9 mois
d'activité
La présentation des résultats ne distingue pas
médiations directes et indirectes.
Nous relevons que le taux de réussite confirmé
par la signature des accords atteint 88% en moyenne depuis l'ouverture du BCMS
et que le résultat 2008 montre un taux de réussite de 100% en
neuf mois d'activité.
Le taux de 12% de médiations concerne les
séances interrompues suite au non respect des règles de
participation ou le refus ultérieur de signature de l'accord, quelques
jours après la séance de médiation. Ces situations sont
révélatrices des limites de la médiation santé.
Nous terminons cette étude du modèle vaudois par
une présentation de statistiques de l'ensemble des activités du
BCMS.
3.8.5. Activités générales du BCMS
Cette répartition met en exergue, outre l'approche en
médiation, la variété des modes opératoires de la
médiatrice pour répondre aux attentes et besoins des plaignants
dans le respect de sa mission et des règles éthiques.
Les chiffres indiqués correspondent au nombre de
dossiers traités. Les données 2008 correspondent à 9 mois
d'activité, soit de janvier à septembre. Les totaux sont
représentatifs de 53 mois d'activité.
115 Rapports d'activité BCMS 2004, 2005, 2006, 2007 et
données 2008 recueillies auprès du BCMS
Statistiques BMVD
2004 2005 2006 2007 2008 Total
|
Médiations directes
|
11
|
30
|
36
|
30
|
17
|
201
|
Médiations indirectes
|
19
|
11
|
20
|
9
|
10
|
Dossiers en cours au 30 septembre 08
|
|
|
|
|
8
|
Séances d'évaluation de l'accord
|
|
1
|
6
|
5
|
2
|
14
|
Entretien / orientation vers le professionnel
|
|
8
|
13
|
12
|
10
|
213
|
Entretien / orientation vers autre instance
|
11
|
21
|
20
|
21
|
23
|
Entretien seul
|
25
|
15
|
11
|
14
|
9
|
Orientation immédiate vers autre instance
|
|
27
|
52
|
40
|
37
|
156
|
Ecoute téléph. de personnes fragilisées
|
n.e.
|
n.e.
|
n.e.
|
6
|
5
|
11
|
Personnes indécises: temps de réflexion
|
n.e.
|
7
|
|
n.e
|
n.e.
|
7
|
Abandon du plaignant en cours de procédure
|
n.e.
|
n.e.
|
n.e.
|
6
|
n.e.
|
6
|
Dossiers en cours au 31 .12
|
|
6
|
|
3
|
|
|
Total
|
66
|
120
|
158
|
143
|
121
|
608
|
Conférences sur les droits des
patients
|
22
|
52
|
41
|
43
|
45*
|
158
|
n.e. : non enregistré
|
|
|
|
|
|
|
*Conférences : 36 effectuées - 9 program.
|
|
|
|
|
|
|
2004 : 8 mois d'activité 2008 : 9 mois
d'activité
Le 33% des dossiers de plaintes, ayant trait au non-respect
des droits des patients, a été traité par l'approche en
médiation, soit en médiation directe (65%), soit en
médiation indirecte (35%). L'approche de médiation en navette a
été privilégiée dans des cas de figure particuliers
tels que des conflits à caractère violent, des situations
d'urgence (maltraitance - mesures de contention) ou, au contraire, lors de
petits différends pouvant se régler sans rencontre des
protagonistes.
Le 20% des plaintes a fait l'objet d'un entretien unique ayant
pour effet l'apaisement des plaignants par l'encouragement à
régler le différend directement avec le professionnel de la
santé (37%) ou par un temps d'écoute et de dialogue (63%).
Dans le premier cas de figure, la médiatrice restait
disponible en cas de besoin. Dans le deuxième cas, l'entretien
d'écoute active concernait des personnes en détresse
momentanée qui, après l'expression de leurs ressentis, sont
parvenues d'elles-mêmes à lâcher prise et à
abandonner l'idée de mener une action contre le professionnel de la
santé.
Le 41 % des dossiers, relevant de faits incompatibles avec la
mission du BCMS, a été orienté vers une autre instance,
soit à réception de la plainte (62%), soit après un
entretien préalable (38%). L'orientation vers des professionnels
spécialistes a parfois été jugée nécessaire
en regard des limites de la médiation. En situation de faits graves, les
personne ont été aiguillées vers les commissions d'examen
des plaintes, le conseil de santé, la Fédération des
médecins suisses, la Société vaudoise des médecins,
voire le tribunal.
Le 6% restant concerne des entretiens
téléphoniques de soutien, des dossiers en suspens ou clos pour
abandon du plaignant et des séances d'évaluation de la mise en
place des accords qui, si nous nous référons au modèle
d'action communicationnelle présenté au point 4.5, fait partie
intégrante du processus.
Quant aux conférences sur les droits des patients, les
chiffres indiqués montrent l'importance donnée à ces
activités de promotion de la médiation santé.
3.8.6. Synthèse
Suite à cette analyse précise, nous observons que
les plaintes traitées en médiation portent en majorité
sur:
1. le non respect des articles de loi suivants : o droit
à l'information,
o droit à l'accès au dossier médical,
o droit au consentement libre et éclairé;
2. les catégories professionnelles des médecins et
des infirmières : o médecins hospitaliers et privés;
3. les structures hospitalières, médico-sociales
et les hôpitaux universitaires
Nous remarquons également que le traitement de la
demande se diversifie en fonction de la source du problème
énoncé et que les réponses variées,
complémentaires aux activités de médiation, participent
à :
o la mise en lumière de problématiques liées
aux compétences ou à la déontologie professionnelles;
o l'apaisement des plaignants;
o l'émergence de capacités à gérer
seul le différend;
o l'instauration d'un accompagnement thérapeutique
adapté.
3.9. Conclusions
C'est suite à des scandales médiatisés
que la médiation santé est entrée dans le domaine public
vaudois. Conscients des limites de l'appareil judiciaire et de l'administration
dans la gestion des problématiques relatives au respect de la
dignité et de l'intégrité des patients, les
parlementaires, dans le cadre de leur enquête, recherchèrent une
nouvelle forme de gestion sociale pouvant répondre aux besoins de
l'Etat. L'on peut donc admettre que la médiation santé a
été pensée par les politiques comme un outil de
règlement amiable des conflits permettant le respect des droits des
patients et la paix sociale. Aujourd'hui encore, les membres des commissions
d'examen des plaintes et les responsables politiques expriment leur
satisfaction à l'égard de l'activité du BCMS en regard du
nombre de dossiers clos. L'apaisement des souffrances du patient a
également été évoqué en entretien. Or, nous
l'avons vu dans notre étude, les pratiques du BCMS se basent sur les
logiques communicationnelles et pédagogiques de la médiation et
non sur sa rationalité purement instrumentale de gestion des conflits.
La liste des avantages de la médiation santé vue sous son angle
communicationnel intègre, outre l'évitement de scandales, de
recours aux médias ou à la justice et l'apaisement des
plaignants, des bénéfices qui concourent non seulement à
une cohésion sociale plus approfondie mais également à
l'amélioration de la qualité des soins :
o la restauration de la confiance mutuelle et du lien social;
o le renversement du rapport «dominant-dominé»
qui génère une
humanisation des relations «soignant-soigné» par
des changements de
perceptions et de comportements des professionnels de la
santé; o le regain d'autonomie du patient;
o la protection de l'image du professionnel de la santé
mis en cause et de la structure sanitaire qui l'emploie;
o des ajustements organisationnels ou fonctionnels visant
à améliorer les prestations de soins et à éviter la
reproduction de défauts.
Les effets de la médiation santé sur les
médiés et plus précisément sur les professionnels
sont mesurables : la majorité d'entre-eux ne sont ultérieurement
plus mis en cause et certains proposent spontanément au patient de
s'adresser au BCMS. C'est dire que la médiation opère peu
à peu un changement sociétal dans la communauté des
professionnels de la santé.
A propos de l'institutionnalisation de la médiation
santé, nous nous référons aux propos de Jacques
Faget116 qui, parlant de médiation pénale et de
justice restauratrice, estime que son institutionnalisation est
désormais incontournable et que la défense farouche de
l'indépendance et de l'autonomie de ses procédés risque
d'en fragiliser ses pratiques communautaires. Par institutionnalisation,
l'auteur entend sa légalisation, sa professionnalisation et sa
juridicisation. Pour lui, les médiateurs eux-mêmes sont
responsables de cette tendance du fait de leur recherche de légitimation
et de ressources financières. D'autre part, la culture française
s'inquiète peu du besoin et des risques de césure entre l'Etat,
son administration et la société, comparativement aux pays
anglo-saxons. La France n'hésite pas à institutionnaliser :
preuves en sont les diplômes d'Etat délivrés en fin de
formation, notamment dans le domaine de médiation familiale.
L'exemple vaudois est un modèle hybride
d'institutionnalisation. L'articulation entre les principes éthiques et
les exigences institutionnelles ne semble pas mettre en danger la
déontologie de la pratique :
o la loi de santé prévoit un article relatif
à l'indépendance du fonctionnement du médiateur et
à son impartialité;
o dans la pratique, nous avons identifié le respect de ces
notions;
116 J. Faget, in « La justice réparatrice et
médiation pénale. Convergence ou divergences ? » de M.
Jaccoud ( sous la dir. de ), collectif, Ed. L'Harmattan, Paris, 2003, p.
241
o la médiatrice détient un diplôme en
médiation IUKB, alors que la loi de santé ne réglemente
pas ce point.
En d'autres termes, conscient de l'importance du respect des
principes éthiques de la médiation, l'Etat de Vaud s'est
donné les moyens de les respecter et soutient le BCMS, satisfait du
règlement définitif du contentieux sanitaire à moindres
frais et remous. Quant au BCMS, il exerce son activité dans les
règles de l'art de la médiation.
Reste le nombre de médiations abouties qui montre un
taux de réussite de 88%. Jacques Faget117 faisant toujours
référence à l'institutionnalisation de la médiation
dans le domaine de la Justice restauratrice, explicite que le taux de
réussite varie proportionnellement au niveau de formation du tiers :
«...calculé en fonction du nombre, du niveau
et de la qualité de formations, la supervision et l'analyse de pratique,
la fréquentation de colloques, le nombre de lectures
spécialisées.[...] L'explication, corroborée par
l'observation des pratiques, montre en effet que plus le niveau de formation
est élevé, plus les principes éthiques de la
médiation sont respectés, tandis que les procédés
utilisés par les personnes non formées sont largement plus
directifs, voire parfois autoritaires»118.
Une certaine obligation de résultats aurait pu motiver
ce résultat positif. Or, comme nous l'avons précédemment
dit, les accords sont signés quelques jours après la
médiation et le refus de signatures concerne des plaignants atteints de
pathologies psycho-organiques.
Nous voyons deux hypothèses qui pourraient expliciter ce
phénomène particulier au domaine sanitaire sans qu'il nous soit
possible de les vérifier.
Premièrement, nous pensons à la crainte d'un
procès ou de détérioration de la renommée,
vécue par les professionnels de la santé, crainte qui
déterminerait favorablement les dispositions d'entrée en
médiation. Rappelons les désirs de résoudre et de se
réconcilier qui jouent un rôle majeur dans le déroulement
du processus.
117 J. Faget, "La justice réparatrice et
médiation pénale. Convergence ou divergences ? » de M.
Jaccoud, (sous la dir. de ) collectif, Ed. L'Harmattan, Paris, 2003, p.
241
118 Ibidem
Deuxièmement, pour avoir participé à des
séances, nous postulons que la formation ad hoc et les
compétences relationnelles de la médiatrice jouent un rôle
important dans l'établissement de l'intercompréhension
Enfin, si nous reprenons la définition de la
médiation de Guillaume Hofnung, le médiateur n'a d'autres
pouvoirs «que ceux reconnus par les partenaires
quis'adressent à lui». Or, la médiation
santé vaudoise est exercée par une seule
personne. Nous concevons que sa légitimité se
construit au travers du processus de médiation, ceci dès
l'entretien préalable.
Après ces réflexions, nous estimons que le
modèle vaudois de médiation santé institutionnelle
représente un bon compromis entre les attentes politiques en termes de
cohésion sociale et la pratique de la médiation dans sa dimension
de gestion et régulation sociale au sens de Bonafé-Schmitt et de
GuillaumeHoffnung.
Le chapitre qui suit présente une recherche sur les
attentes et les effets de la médiation santé. Nous tenterons de
mettre en évidence les changements de perceptions qui s'en
dégagent, d'analyser les phénomènes et identifier les
conséquences.
4. ANALYSE DES EFFETS DE LA MEDIATION SANTE CHEZ
LES PLAIGNANTS
Pour compléter notre recherche, nous avons mené
une enquête auprès de plaignants ayant vécu une
médiation au BCMS à Lausanne, afin d'identifier ses effets sur
leur insatisfaction et sur les rapports soignant-soigné.
Avant d'en exposer les résultats, nous
présentons en premier lieu les données méthodologiques
propres à cette enquête, ainsi que les caractéristiques des
personnes interrogées.
4.1. Méthodologie et outils
4.1.1. Procédure
Pour des raisons de confidentialité, la
médiatrice santé du canton de Vaud s'est chargée de
sélectionner douze personnes susceptibles d'accepter cette
démarche :
o une demande officielle du BCMS leur a été
envoyée pour signature;
o contactées par téléphone pour convenir
d'un rendez-vous à l'endroit de leur
choix, certaines personnes nous ont accueillis chez elles,
d'autres dans des
lieux publics proches de leur domicile;
o une attestation de confidentialité datée et
signée nous engageant à respecter l'anonymat et l'exactitude de
leurs propos leur a été remise en fin d'entretien;
o une copie de chaque attestation a été remise
à la médiatrice vaudoise pour classement aux dossiers.
Une personne n'a pas répondu à nos appels
téléphoniques, une autre n'est pas venue au rendez-vous
fixé.
Caractéristiques des dix personnes
interrogées
|
Entre 30 et 45 ans :
|
3
|
Age
|
Entre 46 et 60 ans :
|
5
|
|
Entre 61 et 85 ans :
|
2
|
|
Féminin :
|
6
|
Sexe
|
|
|
|
Masculin :
|
4
|
|
Patients :
|
5
|
Statut
|
|
|
|
Proches :
|
5
|
4.1.2. L'enquête
Dans un premier temps, nous avons élaboré une
grille d'entretien dans l'idée de recueillir des données
susceptibles de mesurer les effets de la médiation en répondant
aux questions suivantes :
o quels étaient les besoins et les attentes des personnes
insatisfaites ? o comment la médiation a-t-elle répondu à
ces besoins et attentes ?
o quels sont les effets mesurables de la médiation ?
Nous avons procédé à dix entretiens
individuels de type semi-dirigé, d'une heure et demie à deux
heures, en récoltant les propos de manière manuscrite et
simultanée. La grille d'entretien nous a permis de construire
l'entretien autour des questions fondamentales qui nous intéressaient,
nous laissant la liberté d'approfondir ou non certains thèmes par
des questions secondaires préalablement mises en réserve.
L'utilisation de questions ouvertes nous a demandé, à plusieurs
reprises, de recentrer les personnes sur le thème de l'entretien.
4.1.3. Le déroulement des entretiens
Après nous être présentés (nom,
prénom, âge, profession, statut d'étudiant), nous avons
expliqué clairement les objectifs de notre recherche et donné les
garanties de confidentialité. Durant l'entretien, nous avons
été très attentifs à laisser un espace de parole,
principalement lorsque les personnes ont été prises
d'émotions à l'évocation de l'épisode douloureux.
Le suivi de la grille d'entretien n'a donc pas été rigoureux,
mais nous a servi de guide line.
En fin d'entretien, nous avons remercié les personnes
de nous avoir accordé ce temps. Toutes les personnes étaient
ouvertes à compléter le recueil de données par
téléphone en cas de besoin. Nous avons également
reçu des remerciements de leur part et des signes de reconnaissance de
nous être intéressés à leur histoire. D'une
manière unanime, ces personnes nous ont encouragés à
mettre sur pied un service de médiation sanitaire dans notre canton de
domicile qui, selon eux, répond à un réel besoin citoyen.
Ces rencontres nous ont beaucoup touchés par leur authenticité et
leur humanité.
4.1.4. Difficultés
Dans les premiers entretiens et par manque de pratique, il
nous a été difficile de rester centrés sur les
thèmes du sujet exploré. D'autre part, l'attitude d'écoute
empathique, l'attention particulière donnée à la
transcription des propos et le contrôle de l'entretien nous demandaient
une concentration soutenue qui, dans les lieux publics, s'est
relâchée en fin d'entretien. Le recueil des données n'a
donc pas été d'une qualité uniforme.
4.1.5. L'analyse du corpus et le traitement des
données
Les données recueillies ont été
anonymisées au moment de leur retranscription intégrale sur
traitement de texte informatique, les documents manuscrits détruits
mécaniquement.
Plusieurs lectures des entretiens nous ont été
nécessaires pour nous imprégner de l'essence commune du corpus.
La posture du chercheur en quête de sens a été parfois
difficile à tenir, conscients de nos propres interprétations lors
de l'interrogation du corpus.
Nous avons utilisé la grille de lecture issue du guide
d'entretien pour rechercher, sur le mode transversal, les verbatims
significatifs.
Après codage, ces verbatims ont été extraits
du corpus manuellement (papierciseaux), puis organisés en items.
In fine, l'ordonnancement de ces items a mis en exergue cinq
catégories de type descriptif.
4.1.6. Limites de la recherche
Notre analyse porte sur une monographie de 10 situations, ce
qui limite la représentativité des éléments
observés. D'autre part, nous sommes conscients que le recueil
manuscrit des entretiens a probablement estompé certaines
nuances importantes au niveau des propos, ce qui pourrait
réduire la profondeur du champ d'interprétation.
Néanmoins, pour avoir vécu ces entretiens et analysé seuls
l'ensemble du corpus, nous estimons que l'écart entre l'enregistrement
et le recueil manuscrits des données est limité. Il serait
intéressant de valider le résultat de notre recherche
auprès des personnes interrogées afin de mesurer les convergences
ou divergences d'interprétation.
4.2. Analyse qualitative : présentation des
résultats
L'arbre thématique qui suit facilite la lecture originale
du corpus.
Avant la demande
La demande de médiation
La souffrance morale
Les besoins individuels
Les attentes citoyennes
L'espace d'expression
L'espace de dialogue
Le processus de réparation
La reconnaissance des torts
Les marques de sympathie
Les excuses formelles
Les engagements moraux
Les engagements individuels
Les engagements institutionnels
L'apaisement à l'issue de la séance
Les métamorphoses individuelles
La capacité du lâcher-prise
Le renforcement
des capacités d'autodétermination et
de responsabilisation
Du patient passif au patient pro actif
La restauration du lien social
La paix sociale
La reprise ou la création d'un lien
thérapeutique
Les obstacles à la restauration du
lien thérapeutique
L'apaisement définitif
4.2.1. Catégorie «Avant la
médiation»
Avant la médiation
|
|
La souffrance morale
|
|
La souffrance morale
|
|
Les personnes ont explicitement fait part de leurs sentiments
de colère, de révolte, d'angoisse, de tristesse, d'humiliation,
d'impuissance, d'injustice, de culpabilité parfois conjugués qui
révélaient une souffrance morale altérant leur
bien-être :
o une grande souffrance à cause du doigt et de son
comportement (P1-p1); o une grande colère de ne pas avoir
été écoutée (J1-p1);
o j'étais en colère. Ils nous ont
complètement ignorés (O4-p1);
o je ressentais de la révolte, d'être
freinée là (Q13-p4);
o j'avais envie de me foutre le tour. J'avais des tensions,
des angoisses; j'étais déstabilisé (R15-p3);
o j'étais tellement triste,
désappointée, en colère (N1-p1);
o j'étais perdue, je ne dormais plus, j'étais
terrorisée, j'étais très nerveuse (K1- p1). Je me sentais
même coupable (K9-p1);
o je me suis sentie méprisée (M3-p2).
Une personne a exprimé son sentiment
d'insécurité :
o il y avait des tensions... Je n'avais pas un sentiment de
sécurité (S3-p1).
4.2.2. Catégorie «La demande de
médiation»
La demande de médiation
|
|
Les besoins individuels
|
|
Les attentes citoyennes
Un désir d'action représente la motivation
principale de la demande de médiation. L'épuisement, la recherche
de sérénité, la volonté de résolution
amiable du problème et le désir d'un face à face en
sécurité sont relevés dans les propos :
o il fallait que je fasse quelque chose (L2-p2);
o j'étais fatiguée. J'avais besoin de poser le
truc après six mois de parcours du combattant (Q10-p3);
o ma conscience m'a dit de chercher une tierce personne.
Quand on traite un problème, on oublie (P2-p1);
o je ne voulais pas être seule en face de lui (M2-p2).
Sans être médecin, on est mal aussi pour se défendre contre
eux (M7-p2);
o je ne suis pas pour l'agressivité. Je voulais
essayer d'arranger les choses à l'amiable, je préfère le
dialogue par rapport à l'attaque (J5-p1);
o je ne suis pas procédurière. Ça ne
faisait pas revenir mon mari, une plainte en justice (N10-p6).
Initialement, une personne souhaitait clairement une
procédure en justice et a été orientée vers la
médiation :
o je voulais l'envoyer en prison (K3-p1). J'ai
demandé de l'aide à l'assistante sociale ... elle m'a
conseillé de ne pas porter plainte ... m'a donné les
coordonnées du BCMS.
Les besoins individuels
Le besoin d'expression et d'écoute ressort
explicitement ou implicitement de manière unanime dans les propos
recueillis. Etre entendu, être écouté, dire, savoir
révèlent chez ces personnes une quête de reconnaissance de
leur vécu douloureux et des torts subis, ainsi qu'une volonté de
comprendre ou d'éveiller la conscience et l'humanité des
professionnels :
o qu'on m'entende !!! Si j'en avais le droit. Mais je ne
savais pas si c'était une raison valable. Ce qui m'a beaucoup
bouleversé, c'est...l'atteinte à sa dignité (
N15-p6);
o de pouvoir m'exprimer, exprimer ma colère par
rapport à son propos dérisoire. lui dire qu'il avait tort
(M10-p3);
o je voulais qu'il m'écoute; je voulais qu'il
reconnaisse l'erreur médicale (K7- p1);
o de dire, d'être entendue et d'être reconnue
(J2-p2);
o il m'a pris pour une bête. Je me posais mille
questions : pourquoi ce comportement ? (P8-p2)
o de savoir pour quelle raison H avait été
transféré d'un jour à l'autre sans
nous en avoir parlé... La reconnaissance des erreurs
de leur part (O10-p2); o de parler en face du médecin, lui
dire qu'il y avait quelque chose qui
coinçait. que je lui avais fait confiance, qu'il
prenne sa part de responsabilité,
qu'il reconnaisse ses erreurs (Q6-p3);
o je voulais qu'on m'entende, que les médecins
entendent mon parcours, que ça leur remette les pieds sur terre (R4-p1).
Je recherchais de la reconnaissance, qu'ils reconnaissent qu'ils se sont
trompés et qu'ils ont manqué de m'informer (R22-p4);
o ... je voulais rencontrer ces personnes, échanger
des informations et des points de vue (S1-p1);
o je voulais qu'on m'explique, j'avais des questions. Je
n'avais pas reçu de réponses satisfaisantes (L1-p2).
Les attentes citoyennes
Un esprit citoyen solidaire animait six personnes au moment de
la demande de médiation. L'idée d'agir directement sur les
professionnels leur permettait d'espérer des réajustements futurs
d'attitudes, de comportements ou des pratiques professionnelles participant
à l'amélioration de la qualité des prestations de soins
:
o je voulais agir directement sur les médecins pour
qu'ils ne fassent plus ou qu'ils puissent faire leur travail comme il faut
(L7-p3);
o il fallait que je puisse évoquer ce
problème à une tierce personne pour lui
donner une leçon, pour qu'il ne répète
pas ça aux autres (P3-p2);
o qu'il fasse attention avec ses futures patientes. Pour moi,
je pensais que
j'étais foutue (K16-p2);
o ça peut empêcher que ça n'arrive plus.
Ce sera une satisfaction pour moi (L27-p5);
o que ça n'arrive plus pour quelqu'un d'autre
(M9-p3);
o c'est aussi pour les autres personnes dans la même
situation que moi (Q43- p6).
L'une d'entre-elle estimait qu'il était de son devoir de
faire cette démarche : o si je ne parle pas, là je cautionne
(P18-p4).
4.2.3. Catégorie «Le processus de
réparation»
Le processus de réparation
L'espace d'expression
L'espace de dialogue
La reconnaissance des torts
Les engagements moraux
L'apaisement à l'issue de la séance
Les marques de sympathie
Les excuses formelles
Les engagements individuels
Les engagements institutionnels
Lors de la médiation, la qualité de l'ambiance
durant la séance, sereine et sécurisante, a été
appréciée :
o le climat était calme, respectueux. Il n'y avait pas
d'esprit d'animosité, la médiatrice y est pour beaucoup
(N32-p7);
o je me suis sentie en sécurité
(Q27-p4).
L'espace d'expression
Ce cadre communicationnel privilégié a permis
aux personnes d'exposer leur version des faits, d'exprimer leur vécu,
leur souffrance, leurs ressentis et d'interroger les professionnels de la
santé dans un but de clarification. L'on remarque, au travers des
propos, que l'espace de médiation concède une place à
l'expression des émotions :
o j'ai pu lui dire (M20-p4);
o ... ça m'a fait un bien immense. J'ai pu m'exprimer,
c'était un soulagement moral (R28-p5);
o j'ai dit mon ressenti. Je me suis senti très
écouté. On m'a écouté (P19-p4);
o j'ai fait part de mes ressentis, de mon sentiment
d'injustice (Q16-p4). Il a écouté, il a entendu (Q18-p4);
o j'ai beaucoup pleuré... J'ai bien pu parler, j'ai
pu dire. Jusque là, il ne savait
pas toutes les douleurs, toutes les souffrances que j'ai
vécues (K23-p3); o j'ai pu poser toutes mes questions, leur
dire ce que j'avais vécu (N21-p7);
o j'étais satisfaite d'avoir pu raconter ma fille,
pourquoi je pensais qu'elle était
tombé malade (L22-p4). Le médecin ne savait
rien de tout ça... Pour eux,
c'était un cas à traiter, pour moi, une
personne humaine... Ils étaient là, ne
disaient rien (L13-p4).
L'espace de dialogue
Trois personnes se sont exprimées sur la qualité
des échanges. Au travers de leurs propos, les dimensions
d'équité, d'authenticité et de respect mutuel sont
perceptibles :
o c'était un dialogue, un vrai (P19-p3):
o la médiation c'est une discussion, c'est calme,
c'est bien, on peut se regarder (N69-p10);
o il n'avait aucune position de pouvoir (S19-p3).
Les questions de départ ont été
honorées par des explications de la part des professionnels de la
santé dans la transparence. Les échanges d'informations et le
débat d'idées ont levé des malentendus, mis en exergue des
dysfonctionnements institutionnels et certaines limites de la médecine.
L'intercompréhension qui en a résulté est perceptible dans
les propos suivants :
o on nous a dit qu'il était insupportable. On a pu
creuser un peu (O9-p2). Il a expliqué les raisons de ce transfert en psy
fermé (O15-p3);
o le docteur m'a expliqué. Pour moi, des rayons X,
c'est un soin curatif pas palliatif (N34-p8). Par rapport aux droits des
patients, j'ai aussi compris la position du médecin : mon mari ne
voulait pas être réanimé (N33-p7);
o ... elle a compris ce que j'ai vécu et que ce
n'était pas correct. Elle ne savait pas les événements
vécus avec le Professeur. Je croyais qu'elle savait. En fait, aucun
médecin n'a communiqué avec les autres dans cet hôpital
(R24- p4);
o il a appris beaucoup sur le chaos général de
cette institution et les conséquences qu'il peut y avoir
(S47-p7);
o ils m'ont fait leur aveu d'impuissance (L34-p5).
La reconnaissance des torts
Les attentes formulées varient selon les personnes mais
elles portaient unanimement sur un besoin de reconnaissance de leur situation,
de leur souffrance et sur la validation des erreurs commises et des torts
subis.
> Les marques de sympathie
Pour certaines, l'expression de sympathie jugée
sincère ou des gestes de reconnaissance de la part des professionnels
ont suffi à la réparation :
o son attitude était humble et correcte. Je me suis
sentie écoutée. Je crois qu'ils ont compris, ils ont reconnu que
c'était traumatisant, ils ont été touchés
N27-p7).
o j'ai été reconnue (N41-p8);
o la doctoresse n'a pas donné d'excuses franches mais
une très forte compréhension. Elle a été
profondément touchée (R33-p5);
o il n'y a pas eu d'excuses parce que je ne leur demandais
rien. Je demandais juste qu'ils reconnaissent que les choses ne se sont pas
passées comme elles auraient dû. Le plus important, ça a
été les gestes de reconnaissance. (L30-p5);
o d'emblée, le Dr M. a reconnu. Il n'a pas fait
d'opposition (O14-p3);
o j'étais libéré en ce sens qu'ils
avaient reconnu l'erreur qu'ils avaient faite (O17-p3).
L'une d'entre-elle a fait part de sa satisfaction d'avoir
été reconnue dans son identité et l'on sent, dans son
propos, le sentiment positif généré par la reconnaissance
du professionnel :
o ils m'ont reconnu, moi, A, qui je suis (P20-p3).
Une autre personne s'est sentie reconnue au travers d'une
attitude d'écoute respectueuse :
o des excuses ... si j'ai reçu des excuses ? Je crois
que oui (N38-p8).Ils m'ont écouté, c'est ce qui était
important (N39-p8).
> Les excuses formelles
La qualité des excuses, jugées sincères,
a eu une répercussion positive : réconfort, assurance d'une prise
de conscience des professionnels de la santé, espoir d'une
amélioration future :
o j'ai senti qu'elle comprenait ce que je lui disais, ce
qu'elle entendait. J'ai aussi senti ses excuses sincères
(J18-p3);
o mon beau-père et ma belle-mère ont
reçu des excuses écrites et orales : c'était important
pour eux, surtout sur les mots et le comportement au moment des excuses
(S34-p5);
o apporté un réconfort dans le sens d'une
déculpabilisation (O28-p4);
o il a présenté ses excuses, ça veut
dire qu'il a pris conscience, qu'il y aura un changement à futur
(P23-p5) .
L'attitude humaine des professionnels de la santé faite de
respect, d'humilité et d'empathie dans ce moment clé a
favorisé le pardon des plaignants :
o je ne leur tiens pas rigueur : ils ont été
humbles, compatissants (N65- p10);
o j'ai ressenti avec le directeur un bon bagage de droit
et du respect de l'être humain dans ses sentiments (S18-p3). Il n'avait
aucune position de pouvoir (S19-p3).
Le manque de spontanéité et
d'authenticité lors de la présentation des excuses ainsi que la
banalisation des faits ont été identifiés par trois
personnes. Malgré l'attitude du soignant jugée supérieure
et humiliante, l'une d'elles s'est dite satisfaite de l'entendre prononcer son
mea culpa :
o il a fait ses excuses car il était obligé,
par peur (K34-p4). Sur la forme, ses excuses m'ont fait du bien (K36-p4). Ce
n'est pas à une personne égale qu'il a fait ses excuses mais
à une personne qu'il prend pour une analphabète (K54-p6);
o il me semble qu'il a fait des excuses, qu'il avait mal
évalué la situation. Je n'ai pas senti qu'il était
sincère (M14-p3). Il a dû faire des excuses pour ... je ne sais
pas trop comment vous dire... il ne pouvait pas faire
autrement.(M25-p4);
o il a tenté de minimiser les faits. Ses excuses ont
été faites à reculons (J18-p3).
Les engagements moraux
Les déclarations d'intentions formalisées dans
les contrats d'accords ont répondu aux attentes citoyennes
exprimées. Les accords ont porté sur des points
d'amélioration individuels et/ou institutionnels. L'on remarque que les
points d'amélioration retenus par les médiés, qui se sont
spontanément exprimés sur ce sujet (la moitié), concernent
principalement des aspects communicationnels liés aux droits des
patients en termes d'information, de consentement libre et
éclairé et d'accompagnement : prise en compte de la parole du
patient ou du proche dans l'approche diagnostique, renforcement de
l'écoute et de l'information, intégration des proches dans le
projet de soins :
> Les engagements individuels
Les personnes pensent avoir contribué à un
changement d'attitudes et de comportements des professionnels de la
santé au travers de leur engagement moral :
o il y a eu un engagement des professionnels à
prendre à l'avenir plus d'attention dans l'écoute, l'information
et la communication avec les patients (J10-p2);
o ... s'est engagé à être plus
attentif avec les patients qui auraient les mêmes symptômes,
d'écouter mieux les proches qui connaissent la personne
(M17-p3);
o il m'a proposé de retirer sa facture. Il s'est
engagé à me les rembourser (Q21-p4);
o il a fait un engagement moral de mieux informer
(Q44-p6).
> Les engagements institutionnels
L'on retrouve le renforcement de l'information lié au
consentement libre et éclairé. Dans le deuxième cas, la
personne s'est rappelée précisément des points d'accords :
une amélioration des transmissions concernant les directives
anticipées, le répondant thérapeutique ainsi qu'un
renforcement des transmissions verticales :
o il ne s'est pas excusé. Il m'a dit qu'il avait
fait un ajout sur le papillon d'information pour les femmes de 40 ans et plus,
l'information de se renseigner à sa caisse-maladie (Q32-p5);
o leurs engagements ont été : mettre en
place une fiche d'information sur le répondant thérapeutique dans
le dossier et un document sur les directives anticipées, mettre un
panneau indicatif à l'entrée du service pour informer qui est de
garde ... améliorer la communication en mettant en place deux
tournées du médecin-chef pour rencontrer les familles, informer
les assistants, respecter l'information en pyramide (N30-p7).
L'apaisement à l'issue de la
séance
Les médiés se sont exprimés sur le
sentiment de soulagement ressenti au terme de la séance de
médiation qui démontre les vertus thérapeutiques des
marques de reconnaissance des professionnels sur leurs blessures morales :
o ça amène du réconfort d'être
pris en compte. En procès, c'est toujours en cours, c'est jamais fini
(R31-p5);
o j'étais soulagée, contente, satisfaite ...
J'avais un tel poids sur le coeur (J9- p2);
o ça m'a énormément calmée
(N35-p8);
o ça m'a enlevé un poids, je n'y pense plus
(M26-p4);
o ça a été évacué
là-bas (M23-p4);
o j'étais satisfaite : j'ai posé ma
colère. La colère m'a fait tellement de mal (K24-p3);
o j'étais satisfaite d'aboutir (Q24-p4);
o ça m'a apporté un bien-être, a
enlevé une pression, j'étais soulagé (R34- p6);
o la qualité de la poignée de mains à
l'issue de la 2ème séance était plus
agréable. Ça rétablit un niveau relationnel plus humain
(S29-p4).
4.2.4. Catégorie «Les métamorphoses
individuelles»
Les métamorphoses individuelles
La capacité du lâcher-prise
Le renforcement
des capacités d'autodétermination et
de responsabilisation
Du patient passif au patient pro actif
Les impacts positifs de la médiation sont mesurables au
niveau psychologique et cognitif :
La capacité du lâcher-prise
Les personnes ont décidé d'abandonner leurs
émotions négatives et de s'ouvrir à nouveau à la
vie.«Boucler la boucle / tourner la page / voir devant / tout
lâcher» sont les termes utilisés pour
caractériser ce nouvel état d'esprit, passage du passé au
futur :
o c'est essentiel de constater que le médecin-chef
avait fait son propre chemin, que ce n'était pas des paroles de
médecin mais de personne ayant eu un débordement, ça
répare, ça cicatrise, on peut écrire une nouvelle page
(S34-p5);
o c'est important de pouvoir dire. Ça m'a sorti
ça de la tête. On tourne la page (M22-p4);
o j'ai beaucoup pleuré pendant la médiation,
j'ai beaucoup pleuré aussi après,
durant quelques jours. Et puis plus rien du tout.
Après, j'ai pu voir devant
(K25-p3). Je tiens une force bestiale... Ma vie a
changé en bien totalement;
je valorise la vie à chaque minute (grand sourire)
(K44-p5);
o je me suis engagée personnellement de revivre tout
ça différemment avec les informations que j'ai reçues
(N29-p7);
o ça m'a permis de tout lâcher (N36-p8) ...
Je garde les bons souvenirs. Je l'ai effacé dans l'image de malade
(N47-p8). Je suis tournée vers autre chose ... je suis dans une autre
phase, je m'en sors bien (N47-p8);
o j'ai pu boucler la boucle avec ce médecin
(Q34-p5);
o j'ai pris conscience qu'on n'allait pas avoir d'enfant
(Q12-p4). J'ai pu laisser ce fardeau et utiliser mon énergie pour le
futur (Q23-p4).
Le renforcement des capacités
d'autodétermination et de responsabilisation
Les impacts sur les capacités
d'autodétermination sont probants. Les personnes perçoivent chez
elles une capacité d'affirmation nouvelle depuis la médiation.
Elles s'autoriseront désormais à devenir actives non seulement
dans un rapport soignant-soigné mais aussi dans leur vie : passage de
l'état de victime impuissante au statut d'acteur responsable :
o je suis plus sûre de moi (K44-p5);
o je perçois un changement de statut de patient. J'ai
subi sans rien dire.
Aujourd'hui, je veux être active dans la relation
soignant-soigné (J15-p3); o moi, je me défendrai
avant pour faire changer les choses. Avant, j'étais
plutôt timide (L40-p7);
o avant , j'aurais jamais osé dire non
(M30-p5).
L'effet pédagogique de la médiation est explicite
dans deux propos :
o j'ai appris ... je sais que je dois être plus
explicite avec le médecin, mettre les problèmes sur la table plus
vite, challenger le médecin, être plus sûr de moi si une
situation part à la dérive, réagir plus tôt. C'est
une leçon importante (S39-p5);
o je ne vais plus rester dans le dépit
(S54-p8);
o j'ai appris beaucoup beaucoup (P24-p5). Je dois faire
attention à ce que le médecin me dit, si c'est juste ou non
(P25-p5).
Suite à la médiation, une personne s'est
responsabilisée en prenant soin de sa santé psychique :
o j'ai entrepris depuis une psychothérapie qui vient
de se terminer depuis quelques semaines. Je me sens bien (J17-p3).
> Du patient passif au patient pro actif
Les médiés se sont dits mieux renseignés sur
leurs droits depuis la médiation et déterminés à
les faire respecter :
o je me sens plus sûre de mes droits. Je vais
désormais moins me laisser imposer des choses par les médecins
(J14-p3);
o je sais qu'il existe la brochure bleue. Ca me donne
l'opportunité de savoir me prendre moi-même : mes droits et mes
limites, de défendre mes droits (P27-p4) ;
o je veux qu'on m'explique, qu'on m'informe. Je trouve
important qu'on s'écoute chacun, le dialogue entre le médecin et
le patient est très important. Sans ça, dans la maladie, c'est
terrible pour le patient (K51- p6);
o ce doit être un rapport de confiance sinon je
stopperai la relation avec le médecin (R37-p6). Par rapport aux
informations, je demanderai maintenant qu'on me renseigne. Je ne vais plus
accepter qu'on ne me dise rien (R38-p6);
o si ça devait se repasser, je serais peut-être
plus vigilante, j'exigerais des explications, des entretiens (N48-p9);
o chaque fois, je demande qu'ils me fournissent une copie des
résultats (O33-p4).
Connaissant ses droits, une personne se sent aujourd'hui plus
sûre face aux médecins qui reprennent leur dimension d'êtres
humains perfectibles :
o ça donne la sécurité que les
médecins ne sont pas des Dieux, qu'on peut leur taper sur les doigts
quand ils font faux (Q41-p6).
4.2.5. Catégorie «La paix sociale»
La paix sociale
La restauration du lien social
Les obstacles à la restauration du lien
La reprise ou la création d'un lien
thérapeutique
L'apaisement définitif
La restauration du lien social
Les propos de deux personnes mettent en exergue l'effet de
régulation de la médiation sur les rapports sociaux :
o un lien relationnel futur ? Je pourrai le saluer si je le
rencontre une fois (S30- p4);
o Je suis allée l'autre jour à
l'Hôpital, j'ai passé mes meilleures salutations au
médecin. Je l'ai vu récemment au carrousel avec ses enfants. On
s'est parlé un peu (N68-p10).
La reprise ou la création d'un lien
thérapeutique
Après la médiation, trois personnes ont fait preuve
d'ouverture à l'idée de continuer un colloque intime
soignant-soigné :
o si la doctoresse était installée, je
continuerais la relation (R39-p6);
o oui, j'ai retrouvé confiance en la Dresse. Je
pourrais envisager d'entrer en
matière pour me faire soigner par elle, les faits la
concernant étaient d'une
part moins graves et, d'autre part, j'ai senti qu'elle
comprenait ce que je lui
disais, ce qu'elle entendait;
o j'ai aussi senti ses excuses sincères
(J18-p3);
o oui, s'il se retrouve aux urgences, par exemple, ça
me permettra de vérifier s'il a changé (P26-p5.
De nouveaux liens se sont établis après la
médiation :
o je ne le connaissais pas avant la médiation et
maintenant, nous avons une relation suivie (L36-p6);
o je me suis inscrit dans un programme de recherche ...
C'est le Dr V. qui s'en occupe, je suis allé deux fois..., il
était très gentil avec moi, on n'a pas reparlé de tout
ça. C'est un très bon médecin (O34-p4).
> Les obstacles à la restauration du lien
thérapeutique
Une attitude de défense, un manque de
sincérité lors de la formulation d'excuses ou une atteinte
profonde à l'intégrité ont été des obstacles
à la restauration du lien de confiance. La perspective d'une reprise du
lien thérapeutique dans ces cas n'était pas envisageable :
o s'il avait fait des excuses sincères, ça
aurait été autre chose, mais là ... On l'a jamais revu
(M25-p4);
o ce n'est pas à une personne égale qu'il a
donné ses excuses, mais à une personne qu'il prend pour une
analphabète (K54-p6). Il n'existe plus, fini, terminé
(K55-p6);
o non, en ce qui concerne le Dr Y., je n'irai plus jamais
me faire soigner chez lui ; les faits le concernant étaient à mon
sens trop graves. Il a tenté de minimiser la situation. Ses excuses ont
été faites à reculons (J18-p3);
o avec le professeur, non, C'est allé trop loin ... Il
m'a donné des médicaments en me trompant (R40-p6).
La médiation a révélé des
dysfonctionnements institutionnels importants. La reconnaissance des torts et
les engagements des professionnels présents n'ont pas suffi à
rétablir la confiance envers le médecin mis en cause ni envers
l'établissement :
· en le médecin-chef, non. En l'institution,
non. C'est une question de vie ou de mort (S44-p6).
L'apaisement définitif
La médiation a répondu aux besoins d'expression,
de compréhension, de reconnaissance et aux attentes citoyennes. Les cinq
personnes déterminées à saisir la justice en cas
d'échec ont, avec soulagement, abandonné définitivement
cette idée :
o je serais allé plus loin (P11-p2);
o je savais que j'avais la possibilité de recours
au niveau juridique, que j'avais raison et que s'ils ne reconnaissaient pas
leurs erreurs, j'irais plus loin (J8- p2);
o s'il était resté sur ses positions, la
médiation n'aurait pas réussie. On aurait dû aller plus
loin (019-p3);
o j'avais besoin de faire une action en justice (K60-p6).
Heureusement que le BCMS existe. Le procès aurait prolongé la
souffrance et fait revivre les mauvais moments sans être sûr de
gagner (K64-p7);
o je lui ai proposé de venir en médiation, que
sinon, j'irais en justice (Q7-p3).
4.3. Synthèse
o besoins des plaignants : aspects psychiques;
o attentes des plaignants : aspects relationnels et citoyens.
Les effets de la médiation perçus par les personnes
interrogées se situent au niveau de leurs besoins et de leurs attentes
initiales :
Besoins psychiques :
|
Points de satisfaction :
|
o Agir, résoudre le conflit
|
o Implication personnelle résolution
du conflit à l'amiable
|
o Rencontrer les mis en cause dans
un espace neutre et sécuritaire
o S'exprimer
|
o Présence du tiers
o Prise de parole, équilibre du temps de parole,
accueil des émotions
|
o Sensibiliser les professionnels
|
o Prise de conscience des professionnels
|
|
Reconnaissance des erreurs
|
o Etre reconnu
|
o Reconnaissance mutuelle :
|
|
sincérité, marques de sympathie, excuses formelles,
pardon
|
o Retrouver la sérénité
|
o Apaisement, rétablissement du bien-être moral
|
Attentes relationnelles et
|
Points de satisfaction :
|
citoyennes :
|
|
o Etre écouté, être entendu
|
o Ecoute, respect
|
o Etre compris
|
o Empathie, validation de la souffrance, reconnaissance des torts
subis
|
o Comprendre (quête de sens)
|
o Intercompréhension, établissement d'une
relation humaine égalitaire
|
o Participer à l'amélioration de la
|
o Les accords : espoir ou garantie
|
qualité des soins (attitudes - comportements -information
- pratique)
|
d'améliorations concrètes
|
Un effet implicite est mesurable au niveau psychologique et
cognitif de ces personnes. Le schéma qui suit tente d'imager la
dynamique du phénomène observé à partir de l'agir
communicationnel du tiers durant la médiation :
Agir communicationnel du tiers
Expérience du monde vécu
Capacités langagières Empowerment
Reconnaissance Engagements
Ouverture à autrui Autodétermination
Restauration du lien
Gestion autonome de sa vie
Effets pédagogiques à long terme
Paix sociale Amélioration de la
qualité des soins
Par l'agir communicationnel du tiers, les personnes
initialement enfermées dans leur souffrance et leurs besoins se sont
construites progressivement en acteurs responsables de leur conflit.
1. celles-ci ont développé des capacités
de langage nouvelles : emploi du «JE», langage respectueux,
expression personnelle sur les plans de la pensée, du vécu, des
ressentis, des émotions et des besoins;
2. cette forme de communication non violente a influé
sur l'attitude et le comportement des professionnels, encouragés
à leur tour par le tiers à engager un dialogue sur le même
mode constructif : transparence, sincérité, respect;
3. les échanges d'informations dans un dialogue
équitable et l'intercompréhension qui a suivi ont renforcé
les plaignants dans «le sens de leur propre valeur» et
sensibilisé aux préoccupations des professionnels. Un changement
positif des perceptions réciproques est ici mesurable : vision objective
de l'autre;
4. les marques de reconnaissance reçues des
professionnels de la santé ont amplifié la dynamique de
renforcement de la confiance en soi et de leur ouverture à l'autre. A ce
stade, les personnes ont développé la capacité à
pardonner aux professionnels sincères.
5. leur action directe sur la qualité des soins
(relationnels - techniques) ou sur des dysfonctionnements institutionnels les
ont confortés dans leur statut de citoyen et leur sentiment
d'utilité.
On peut admettre que l'agir communicationnel du tiers a
favorisé l'empowerment et la recognition119 réciproque
des deux parties. Le phénomène observé chez les personnes
interrogées peut donc être corrélé aux effets
psychologiques et cognitifs décrits dans le modèle transformatif
de Baruch Bush et Joseph Folger120:
Empowerment : «Passage de la faiblesse à la
force, de l'inquiétude à la sérénité, de la
confusion à la clarté, de la crainte à la confiance, de la
désorganisation à la concentration, de l'incertitude à la
capacité de décision» 121.
119 J. Faget, cours IUKB, Master janvier 2008, p. 65
120 Ibidem : «Empowerment : [...] la restauration chez
l'individu du sens de sa propre valeur et de sa force et de sa propre
capacité à traiter les problèmes de sa vie»
121 Ibidem : «Recognition : [...] la reconnaissance et
l'empathie pour la situation et les problèmes d'autrui : Empowerment et
recognition travaillent ensemble et se renforcent mutuellement [...]
Recognition : «Passage de l'auto-centration à la
sensibilité à l'autre, de
l'auto-protection à l'attention à l'autre, de
la défense à l'ouverture, de la suspicion à la
confiance»
Ces transformations intrinsèques positives ont eu un
impact favorable sur les rapports soignants-soignés et sur le «bien
vivre ensemble» :
o dans certains cas, une ouverture à la continuité
du lien thérapeutique; o dans la majorité des cas, la
restauration du lien social;
o dans tous les cas, l'apaisement définitif du conflit.
Par apaisement définitif, nous entendons l'abandon du
désir de saisir la justice, la paix intérieure retrouvée
et la clôture définitive du dossier .
Effets des médiations abouties
Apaisement du plaignant
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
10/10
|
Réconciliation des parties
|
X
|
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
9/10
|
Restauration du lien social
|
X
|
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
9/10
|
Restauration relation thérapeutique
|
X
|
|
X
|
X
|
|
X
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X
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X
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6/10
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Clôture du dossier
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X
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X
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X
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X
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X
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X
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X
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X
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X
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X
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10/10
|
4.4. Analyse des accords de médiation
Structures de soins mises en cause :
3 Cabinets privés
2 Hôpitaux universitaires
2 Hôpitaux de zone
1 Hôpital psychiatrique
1 Hôpital régional
1 Hôpital de réadaptation
Total : 10
Professionnels de la santé mis en cause
:
1 Directeur
10 Médecins
2 Equipes infirmières
Total : 13
|
Sur les dix médiations concernées, cinq
d'entre-elles concernaient un plaignant et un professionnel de la
santé.
Les cinq médiations collectives ont réuni les
acteurs suivants :
o 2 médiations : le plaignant et deux professionnels
o 1 médiation : le plaignant, son accompagnant et trois
professionnels
o 1 médiation : deux plaignants et un professionnel
o 1 médiation : le plaignant, trois accompagnants et trois
professionnels.
? ce qui explique le nombre de treize
professionnels mis en question.
Nous avons réuni les différents points d'accords
en cinq thèmes : quatre thèmes concernent directement les
professionnels de la santé et un thème se rapporte aux
institutions de soins.
Thèmes d'accords J K L M N O P Q R S
Résultats
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Amélioration du comportement personnel à
l'égard des patients et de leurs proches
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X
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X
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|
X
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X
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X
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X
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6/10
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Développement d'un partenariat : intégration du
patient et de ses proches dans le projet de soins
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X
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X
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X
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X
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X
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X
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X
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X
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8/10
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Amélioration de la communication personnelle avec les
patients et les proches
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X
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X
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X
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X
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X
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X
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6/10
|
Amélioration de la qualité de la pratique
individuelle des soins
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X
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X
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X
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X
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X
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X
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X
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|
X
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8/10
|
Amélioration de la prise en charge institutionnelle des
patients et de leurs proches : information - transmissions
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X
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|
|
|
X
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X
|
|
|
|
X
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4/10
|
4/5 4/5 0 4/5 4/5 4/5 4/5 3/5 0 5/5
|
Lecture verticale :
o en premier lieu, nous relevons l'absence d'accords à
l'issue de 2 médiations (L-R). En processus de deuil, les deux personnes
ont été satisfaites de s'être exprimées et de
recevoir des marques de sympathie;
o 1 protocole d'accord (S) contient des points
d'amélioration au niveau des 5 thèmes. Dans cette situation, la
médiation a permis de restaurer le lien social sans toutefois
reconstruire la confiance ni en l'institution, ni en les professionnels de la
santé;
o 3 protocoles d'accords (K-M-P) comportent des points
d'amélioration au niveau des 4 thèmes concernant les
professionnels de la santé;
o 3 protocoles d'accords (J-N-O) comprennent des points
d'amélioration au niveau de 3 thèmes se rapportant aux
professionnels de la santé et du thème concernant
l'institution;
o 1 protocole d'accord (Q) contient des points
d'améliorations au niveau de 3 thèmes concernant les
professionnels de la santé.
Lecture horizontale :
o les 8 protocoles d'accords relèvent des points
d'amélioration au niveau de 2 thèmes se rapportant aux
professionnels de la santé : développement d'un partenariat et
amélioration des pratiques professionnelles individuelles;
o 6 protocoles d'accords comportent des points
d'amélioration au niveau des 2 autres thèmes relatifs aux
professionnels de la santé : amélioration du comportement
personnel et de la communication;
o 4 protocoles d'accords relèvent des points
d'amélioration au niveau institutionnel : amélioration de la
prise en charge institutionnelle
En résumé, nous constatons que les
professionnels de la santé principalement mis en question sont des
médecins et que les points d'améliorations les concernant se
situent prioritairement au niveau de leur pratique professionnelle et de
l'intégration des patients et des proches dans le projet de soins.
4.5. Conclusion
Quels sont donc les effets mesurables de la médiation ?
- l'expérience de la médiation peut être
apparentée à un processus d'apprentissage « du monde
vécu » dont les effets pédagogiques renforcent les
ressources cognitives et les compétences sociales nécessaires
à la gestion autonome de sa vie et de ses problèmes. A noter que
les médiés prennent conscience de l'existence et de l'importance
des droits des patients en cours de processus.
- la médiation est donc bien un processus au sens de
Jean-Pierre BonaféSchmitt, qui vise à se construire comme acteur,
à promouvoir une capacité d'action, une autonomie dans la gestion
de ses conflits et, plus largement, de ses relations sociales;
- d'autre part, elle permet d'établir des passerelles
de compréhension entre les acteurs du domaine de la santé, comme
l'entend Michèle GuillaumeHofnung. Nous l'avons constaté non
seulement au niveau des rapports soignants -soignés (dialogue
éthique- intercompréhension), mais aussi entre les professionnels
eux-mêmes ( transmissions - information);
- la médiation a pour effet de mettre en exergue des
manquements relationnels, des erreurs professionnelles et des
dysfonctionnements institutionnels et, par la construction d'une nouvelle
normalité (accords), elle participe à l'amélioration de la
qualité des soins;
- enfin, elle est un mode de régulation sociale qui a
pour effet la consolidation du tissu social (restauration du lien social - paix
sociale) et participe à la reconstruction d'une confiance mutuelle entre
citoyens et professionnels de la santé.
CONCLUSIONS
Afin de confirmer ou infirmer notre hypothèse de
recherche, nous nous référons à :
o l'analyse sur l'état des lieux de la médiation en
Suisse romande; o l'analyse du modèle de service de médiation
vaudois;
o l'analyse qualitative sur les effets de la médiation.
Nous estimons que la médiation institutionnelle ne
prévient pas aussi radicalement que nous le présupposions le non
respect des droits du patient, mais qu'elle y contribue sous réserve des
conditions suivantes :
1. les textes de loi prévoient l'ensemble des
conditions requises pour l'instauration d'une instance de médiation
telle que décrite par Jean-Pierre Bonafé-Schmitt :
? indépendance, impartialité,
absence de pouvoir et mode d'action communicationnel du tiers;
2. la mise en oeuvre de la médiation institutionnelle
s'apparente à l'approche normative définie par Jacques Faget :
? processus de construction ou de
réparation du lien social et de gestion
des conflits qui invariablement repose sur la posture du
médiateur;
3. la notion de confidentialité est respectée;
4. la médiation est accessible en mode de saisine
directe;
5. les deux parties montrent une volonté réelle de
résoudre le conflit : ? absence d'hostilité,
sincérité, humilité.
Lorsque l'ensemble de ces pré-requis est
présent, les conditions processuelles et l'agir communicationnel du
tiers créent un espace d'expression particulier dans lequel
s'opèrent des transformations psychologiques et cognitives qui
affermissent les capacités d'autodétermination et de
responsabilisation des parties. Forts de ces nouvelles compétences
sociales et informés de leurs droits, les patients ou leurs proches
s'assureront à l'avenir de participer activement au projet de soins et
revendiqueront auprès des professionnels de la santé le respect
de ces droits. Quant à ces derniers, c'est par la reconnaissance de
leurs manquements et leurs engagements concrets qu'ils participeront activement
au développement d'une prise en soins individualisée et
établiront une relation équitable et bienveillante avec leurs
patients.
Au travers de notre recherche, nous avons pu montrer que la
médiation est une démarche éthique qui contribue à
la reconnaissance réciproque, à la paix sociale, à
l'humanisation des relations soignants-soignés et à la
démocratisation du domaine sanitaire.
La crise identitaire que traversent aujourd'hui les soignants,
ajoutée aux besoins légitimes des patients et à leurs
attentes parfois démesurées à l'égard d'une figure
«Toute puissante» de la médecine, est source de
conflictualité qui va croissante. En témoigne la juridicisation
des conflits qui rompt tout canal de communication, engorge les tribunaux et
laisse fréquemment les plaignants dans l'insatisfaction par le
classement sans suite de leur dossier.
Au même titre que la santé, l'état
d'équilibre précaire des rapports sociaux dans ce domaine
complexe en mutation demande à se stabiliser pour le bien-être et
l'épanouissement de tous. Les progrès de la médecine et
l'apparition des droits des patients appellent la société
à réinventer une relation thérapeutique basée sur
un équilibre des pouvoirs et des responsabilités. La culture
paternaliste a vécu; il s'agit aujourd'hui de passer à une
culture en partenariat dont les pierres angulaires sont la transparence, la
confiance, l'équité, la bienveillance et le respect mutuel.
Par ses effets apaisant et pédagogique, nous sommes
convaincus du bienfondé du développement de la médiation
sanitaire dans cette période de mutation sociale. Cependant, nous avons
constaté une méconnaissance de celle-ci au sein de la
collectivité, tant du point de vue de sa définition que de ses
nombreux avantages. Trop souvent comprise dans le sens d'un moyen amiable de
gérer le conflit ou confondue avec l'approche juridique ou
conciliatoire, il s'agira pour nous de réfléchir à la
manière de promouvoir la culture de la médiation sanitaire dans
notre canton et de proposer, le moment venu, un modèle de service proche
du Bureau cantonal de médiation santé vaudois, ceci dans
l'intérêt général.
L'idéal serait de sensibiliser parallèlement les
politiques, les corporations professionnelles et la population afin que les
intérêts convergent vers un projet pérenne.
Conférences, présentations, articles de presse,
cours de sensibilisation ou encore théâtre forum selon la
méthode d'Augusto Boal sont autant d'outils de diffusion potentiels.
Bibliographie
Berger L., Mailloux-Poirier D.
Personnes âgées, une approche globale,
démarche de soins par besoin, Ed. Etudes vivantes,
Montréal 1989,
Bonafé-Schmitt J.-P - Dahan J. - Salzer J. - Vouche J.-P -
Souquet M. (collectif) Les médiations, la
médiation
Ed. Erès, coll. Trajets, Ramonville Saint-Agne 1999 pas
encore cité
Bonafé-Scmitt J-P.
La médiation : une alternative à la justice
? Ed. Syros- Alternatives, Paris, 1992
Collière M-F.
Soigner, le premier art de la vie
InterÉditions, Paris, 1996
Jaccoud M. ( sous la direction de), collectif
Justice réparatrice et médiation
pénale : convergences ou divergences ? Ed. L'Harmattan, Paris,
2003
Faget J. ( sous la direction de), collectif
Médiation et action publique : La dynamique du
fluide Ed. Presse universitaire de Bordeaux, 2005
Guillaume-Hofnung M. (sous la direction de), collectif
Hôpital et médiation : Acte du colloque du
19 novembre 1999, Faculté Jean Monnet, Paris Ed. L'Harmattan,
Paris, 2001
Guillod O., Guy-Ecabert C.
Médiation et santé : actes du colloque
CEMAJ - IDS , 1er juin 2007, Neuchâtel Ed. Weblaw
Berne, Schulthess Zürich-Bâle, 2008
Martin J.
Dialoguer pour soigner : les pratiques et les droits
Ed. Médecine & Hygiène, Chêne-Bourg,
Genève, 2001
Morineau J.
L'esprit de la médiation
Ed. Erès. Ramonville Saint-Agnes, 2001
Perrig-Chiello P., Stähelin Hannes B. (sous la direction
de), collectif La santé : cycle de vie, société et
environnement
Ed. Réalités sociales, Lausanne 2004
Six
J-F. et Mussaud V.
Médiation
Ed. du Seuil, Paris, 2002
Sprumont D. (dir)
La relation patient-médecin : état des
lieux
Rapport IDS N0 1, Ed. Georg /Chêne-Bourg-Genève,
2003
Mémoires
Martins Dos Santos Veloso S.
La médiation en milieu hospitalier au
Luxembourg
Mémoire Master Université du Luxembourg, promotion
2006-2008
Pourveur J.
La médiation en milieu hospitalier : du mythe
à la réalité Mémoire Master
européen en médiation IUKB Sion, 2ème
volée, 2001
Thouverez Ch.
Implantation de la médiation sanitaire dans le
canton de Vaud : étude de cas Mémoire Diplôme
Universitaire en Médiation IUKB Sion, 4ème promotion
03-04, 2005
,
Recherches Internet
Hottois G. et Missa J.-N, collectif
Nouvelle encyclopédie de bioéthique :
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http://www.cbmh.ca/archive/00000526/01/cbmhbchmv18n2louis-courvoisier.pdf
Ordre des infirmières et infirmiers de l'Ontario
La relation thérapeutique, édition 2006
http://www.cno.org/docs/prac/51033nurseclient.pdf
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L'essentiel sur les droits des patients
Berne, Fribourg, Jura, Neuchâtel, Vaud et Valais
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Vaud
? Loi sur la santé publique du 29 mai
1985 (RS : 800.01), extraits
? Règlement sur le médiateur, sur
l'organisation des Commissions d'examen des plaintes de patients, sur le
fonctionnement du Conseil de santé et sur la procédure en
matière de sanctions et de retrait d'autorisation (RMCP) du 17
mars 2004 (RS 811.03.1
http://www.rsv-fic.vd.ch/celluleweb/search_loi_essentiel.html
Genève
? Loi sur la santé (LS) du 7 avril 2006 (
RS : K1 03), extraits
http://www.geneve.ch/LEGISLATION/rsg/f/rsg_k1_03.html
? Loi sur la commission de surveillance des professions
de la santé et des droits des patients (LComPS) du 7 avril 2006
(RS : K 3 03). Entrée en vigueur : 1er septembre 2006 -
Extraits
http://www.geneve.ch/grandconseil/data/loisvotee/L09326.pdf
? Règlement concernant la constitution et le
fonctionnement de la commission de surveillance des professions de la
santé et des droits des patients (RcomPS) du 22 août 2006
( K 3 03.01)
http://www.ge.ch/legislation/rsg/f/s/rsg_K3_03p01.html
Fribourg
? Loi sur la santé du 16 novembre 1999
(RS : 821.0.1), extraits
http://www.fr.ch/v_ofl_bdlf_courant/fra/82101.pdf
? Règlement du Conseil d'Etat du 21 novembre
2000 concernant les fournisseurs de soins et la commission de surveillance
( RS : 821.0.12), extraits
http://www.fr.ch/v_ofl_bdlf_courant/fra/821012.pdf
Jura
? Loi sanitaire du 14 décembre 1990 ( RS
: 810.01), extraits
http://rsju.jura.ch/extranet/groups/public/documents/rsju_page/loi_810.01.hcsp
? Ordonnance concernant les droits des patients
du 24 avril 2007 (RS : 810.021)
http://www.jura.ch/acju/Departements/DSA/SSA/Documents/pdf/ordonnancedroit
patients.pdf
Valais
? Loi sur la santé publique du 9
février 1996 (RS : 800.1), extraits
http://www.who.int/idhl-rils/idhl/SuiVS06002.pdf
? Ordonnance du Conseil d'Etat sur l'exercice des
professions de la santé et
leur surveillance du 20 novembre 1996 (RS :
811.10), extraits
http://www.vs.ch/Public/public_lois/fr/LoisHtml/frame.asp?link=811.10.htm
Neuchâtel
? Loi de santé (LS) du 6 février
1995 ( état au 1er septembre 2007) (RS :800.1), extraits
http://www.ne.ch/neat/documents/social/publique/Lois_files/LoiSante.pdf
? Règlement provisoire d'exécution de la
loi sur la santé du 31 janvier 1996 (état au 24 mai 2006
(RS: 800.100) , extraits
Documents
Présentation du fonctionnement et de
l'activité du BCMS Support de cours DUM, IUKB, Sion, 2007
Commissions vaudoise d'examen des plaintes «
Patients » Rapports d'activité 2004 à 2007
Commission vaudoise d'examen des plaintes « EMS
» Rapports d'activité 2004 à 2007
Bureau cantonal de médiation santé
Rapports d'activité 2004 à 2007
Annexes
ONU
Déclaration universelle des droits de l'Homme
http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm
OMS Compte rendu d'une consultation
Les droits des patients
Amsterdam 28-30 mars 1994/ Eur/santé pour tous, but 38
http://whqlibdoc.who.int/euro/1994-97/EURICPHLE121(A)fre.pdf
Charte européenne des droits des patients
http://www.activecitizenship.net/index2.php?option=comdocman&task=docview&gid=22&Item
id=86
Evolution de la déontologie médicale :
« Du serment d'Hippocrate au serment médical : de la
médecine au social »
http://droit-medical.com/perspectives/6-la-forme/57-serment-hippocrate-serment-medical
Rapport de la Commission d'enquête parlementaire
sur les EMS vaudoise Grille d'entretien « patients et proches
»
Grille d'entretien « professionnels de la
santé »
Liste des entretiens
? Avec des personnalités de
références ? Avec 9 professionnels de la
santé
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