INSTALLATIONS PROLIFERANTES:
EN DEA ET AU DELA DE LA MISE EN SITUATION D'UNE ÎUVRE?
Etienne Laurent, Master 2 Arts Plastiques, Université
Paris 1 Panthéon - Sorbonne Directeur de recherches : M. Bernard
Guelton Mai 2010
Je tiens à remercier Amélia pour son
inébranlable patience et pour son aide, ma famille, surtout mes parents,
pour leur soutien, mon directeur de recherche, Monsieur Bernard Guelton,
à l'origine de mon projet, Jean Trébuchet et Anne Charneau pour
leurs participations à l'Installation proliférante
n°6, Diana Belci, Gaël-Anne Caye et Ghislaine Périchet
pour leurs participations au montage de l'Installation proliférante
n°7, Chungliang Chang pour ses photos de l'Installation
proliférante n°3, La ·za Pautehea pour sa performance,
Baptiste Level et Julien Legros pour leurs participations à Mur
Liquide n°1, Mary Stewart pour son invitation à exposer
à Londres, les membres du jury qui m'ont donné
l'opportunité de créer l' Installation proliférante
n°7 dans la galerie Michel Journiac.
Ç Je voudrais peindre. Je peins, mais la peinture me
trompe. J'écris, mais le mot écrit me trompe. Mes peintures et
mes mots se transforment en peintures et en mots qui ne sont pas les miens. Si
les couleurs, les mots, les matériaux ont différents sens, quel
sens y a-t-il à souligner leurs sens et que signifient-ils, ou ne
signifient-ils rien du tout ?
1
Ne sont -ils finalement rien d'autre qu'un néant, qu'une
illusion ? È
1 ème
Mladen S tilinovic, catalogue de 12
la documenta de C assel, Taschen, 2007, p.122. Ç ÉI
would like to
paint. I paint, but the picture deceives me. I write, but the
written word deceives me. My pictures and words turns into `not my' pictures
and `not my' words. If colours, words, materials have different meanings, what
is the meaning underlying there meaning and what does it mean, or does it mean
anything at all. Or does it boil down to nothing, an illusion ?»
INTRODUCTION
I. PRODUCTION: L'ORIGINE DESOEUVRES
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1. Insémination : quelles origines ?
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1.a. Origines de mes peintures
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1.b. Origines de mes Noocactus
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1.c. Peintures spatiales
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2. Germination: l'eau, vecteur de vie et de diversité
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2.a. Peintures fonds
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2.b. Peinture liquide n°1
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3. Croissance : les actions collaboratives
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3.a. MurLiquide n°1
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.24
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3.b. Barrage liquide n°1
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3.c. Dessin participatif n°1
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3.d. Le langage de la danse
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3.e. Le penseur de Rodin
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4. Profusion : mobilités, lumières et sons
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4.a. Les Ïuvres : comment les rendre mobiles?
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4.b. Mobilité : au-delà du mouvement
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4.c. Lumières et sons : quelles synergies ?
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II. RASSEMBLEMENT : LA MISE EN RELATION DES OEUVRES
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1. Juxtaposition, superposition : le regroupement des oeuvres
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1.a. Installation proliférante n°1
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51
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1.b. Installation proliférante n°4
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1.c. Installation proliférante n°5
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1.d. Installation proliférante n°7
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2. Grouillement, saturation: l'entassement des oeuvres
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2.a. Installation proliférante n°2
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77
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3. Déplacement, autonomie: la circulation des oeuvres
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3.a. Contexte
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80
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3.b. Installation proliférante n°6
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81
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4. Altération: oser repeindre les Ïuvres
installées ?
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4.a. Installation proliférante n°3
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86
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4.b. Installations murales vs. installations centrales
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CONCLUSION
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TERMES CLES
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GLOSSAIRE
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INDEX
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BIBLIOGRAPHIE
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INTRODUCTION
A bien des égards, l'époque contemporaine est
celle de la prolifération de l'art. Il n'y a jamais eu autant
d'artistes, de galeries, de musées, de centres et d'écoles
d'arts. La globalisation et le multiculturalisme renforcent encore plus cette
impression de prolifération des pratiques artistiques et des
Ïuvres. Déjà en 1910 Wassily Kandinsky critiquait ce trop
plein: Ç Chaque `centre d'art' voit vivre des milliers et des milliers
d'artistes [É] dont la plupart ne cherchent qu'une nouvelle
manière et fabriquent sans enthousiasme, le cÏur froid et
l'âme endormie, des millions d'Ïuvres d'arts. >>2
Depuis, le phénomène s'est amplifié et les pratiques
artistiques se sont énormément diversifiées. Comme
l'affirme Yves Michaux dans son livre L'art à l'état
gazeux, Ç toutes sortes de pratiques, absolument toutes,
peuvent à un moment donné et dans certaines conditions faire
partie de l'art contemporain. >>3 Après une
modernité foisonnante de styles artistiques les plus divers, voici venu
le temps de la postmodernité et de la cÏxistence des styles et des
pratiques les plus originales.
Ma démarche consiste à réaliser des
installations utilisant comme Ç matière première>>
d'autres Ïuvres appartenant à des domaines variés de la
création artistique. Les Installations proliférantes
sont ainsi un assemblage d'autres productions plastiques telles que
peintures, sculptures, photographies, performances, danses ou encore des sons
ou des images enregistrées. L'intérêt consiste à
créer des liens formels et sémantiques entre les pratiques dans
un esprit qui remonte aux origines du principe de l'exposition. Cette
manière de procéder donne une grande liberté. Ayant depuis
longtemps une pratique variée je ne souhaite pas la restreindre mais au
contraire lui ouvrir de nouveaux horizons en réalisant des projets dans
l'espace public et des actions collectives. Selon Elisabeth Wetterwald,
Ç les occasions et les buts des artistes de l'extrême contemporain
semblent plus déterminés par des situations changeantes que par
des stratégies théoriquement fondées. >>4
Cependant tous mes projets sont susceptibles, sous des formes diverses, de
concourir à la création d'Ïuvres incorporables en
Installations proliférantes. Les Installations
proliférantes sont de ce point de vue le centre d'une
activité artistique elle-même proliférante. La dynamique
entre la variété de mes projets artistiques et la mise en place
de nouvelles Installations proliférantes est le
2 Wassily Kandinsky, Du spirituel dans l'art, et dans la
peinture en particulier, Denoël, Folio essais, 2008, p. 65-66.
3 Yves Michaux, 2003, L'art à l'état
Gazeux, Paris, Hachette Littératures, Pluriel, 2009, p. 53.
4 Elisabeth Wetterwald, Ç Carnaval des activistes
>>, in Parpaings, n8, déc.1999, p. 20.
cÏur qui bat de ma démarche. Les Installations
proliférantes ne sont pas un simple résumé de mes
autres creations, elles sont un lieu de recherche sur la maniere de mettre en
relation des Ïuvres.
Certaines pratiques sont proches de mes recherches mais pas
suffisamment pour que je les etudie de pres. CÕest le cas des
installations realisees à partir de collections dÕobjets telles
que celles de Kar sten Bott , Tony Cragg, Jason Rhoades, Yoshitomo Nara, Jo`l
Hubaut, Jacques Charlier, Shilpa Gupta, Jac Leirner, Tadashi-Kawama, Laurent
Dupont-Garitte, Joan Fontcuberta, Karen Knon, Paul Maboux, Jeanne Susplugas,
Jo`lle Tuerlinckx, Sarah Sze, Michael Lin, Liew Kung Yu, Michaela Spiegel ou
encore Mark Dion. DÕautres artistes creent des installations à
partir de leurs propres Ïuvres ou de celles des autres, parmi ceux-ci
citons notamment Allan Mac Collum, Antony Gormley, Barry Mac Gee, G·nter
Umberg, Jean-Jacques Lebel, Jim Shaw , John Armleder ou encore Joseph Beuys.
Beaucoup dÕartistes collectionnent des Ïuvres et les installent
chez eux ou dans des espaces dÕexposition. Citons en particulier Andre
Breton dont la collection heteroclite est reconstituee au Centre George
Pompidou. Certains artistes, meme sÕils ne realisent pas des
installations à proprement parler, disposent leurs Ïuvres de
maniere coherente. CÕetait le cas pour lÕaccrochage de Kasimir
Malevitch lors de lÕexposition suprematiste 0,10 en 1915 , et
de manière plus poussee le cas de la Prounenraum dÕEl
Lissitzky en 1923. Ce fut egalement le cas dans les ateliers de Piet Mondrian.
De maniere plus anecdotique, citons lÕaccrochage tres serre des
peintures de la collection Henry Vasnier au Musee des Beaux-Arts de Reims, de
certains cafés comme le Café du Palais à Reims, et des
accumulations dÕÏuvres dans les reserves des Frac, des musees et
des galeries.
Les travaux qui intéressent le plus le présent
mémoire sont ceux des artistes qui mettent en situation une Ïuvre
dans une autre à lÕexemple de Claude Rutault, de Mladen
Stilinovic, de Daniel Buren, de Bertrand Lavier et de Braco Dimitrijevic .
LÕinstallation dÕÏuvres est le domaine de recherche general
qui me sert de point de depart. Ma démarche se situe dans un
environnement plus restreint qui est celui de la mise en situation dÕune
Ïuvre dans une autre. Mes installations sont une tentative de mettre en
relation des elements divers. LÕintérêt plastique reside
dans les tél escopages, analogies, contrastes
générés par de tels accrochages. JÕy vois aussi une
métaphore de la société, ou les individus sont
rassemblés de maniere plus ou moins harmonieuse.
Installations Installations d'oeuvres
Installations proliférantes
Le projet des Installations proliférantes
consiste en une réflexion sur ce qu'implique la prolifération des
oeuvres dans un même lieu. La première partie du mémoire
est consacrée à décrire la création des oeuvres
dont les Installations proliférantes sont constituées.
La seconde partie traitera de la mise en relation des oeuvres pour constituer
les Installations proliférantes. Nous conclurons par un
aperçu du caractére postmoderne des Installations
proliférantes.
Schéma illustrant l'imbrication des domaines
d'études.
I. PRODUCTION : L'ORIGINE DESÎUVRES
Ç Je suis convaincu qu'aujourd'hui, seules des
affirmations provisoires et méme
fragmentaires sont possibles. È5
5 Hans Belting, 1983, L'histoire de l'art est-elle finie ?
Gallimard, coll. Folio essais, 2008, p. 15.
Les Installations proliferantes sont
créées à partir de diverses productions plastiques que je
considère la plupart du temps comme étant des Ïuvres
identifiables par leur technique ou leurs associations de techniques. J'exclus
donc l'utilisation d'objets autres que ceux que l' on pourrait appeler des
Ç objets d'arts È. Je travaille aussi bien avec mes propres
productions qu'avec celles des autres, pourvu qu'elles soient des objets
uniques issus d'une volonté d'esthétisation d'un médium.
Le sens de ma démarche est de réaliser des Ïuvres
dÕÏuvres, il est donc important que les objets utilisés
puissent être identifiés comme des Ïuvres. La notion
d'Ïuvre d'art est une notion fluctuante, mais plusieurs critères
permettent d'attribuer ce qualificatif à un objet. L'Ïuvre est
premièrement un objet unique créé de main d'homme qui se
différencie d'un objet
ème
industriel ou artisanal par son unicité et son
inutilité. Les artistes du 20 siècle ont
beaucoup remis en question la notion d'Ïuvre d'art.
Actuellement, est une Ïuvre d'art ce qui est reconnu comme tel par le
milieu de l'art.
Nous analyserons d'abord des Ïuvres qui traitent de la
question des origines de la
6
création artistique et de la
réinterprétation,puis nous aborderons celles résultant de
l'utilisation des Peintures liquides. Nous nous pencherons ensuite sur d'autres
créations qui résultent d'actions collaboratives et enfin sur les
éléments mobiles, lumineux et sonores.
1. Insemination : quelles origines? 1.a. Origines de mes
peintures
-LÕorigine de la peinture
Je me suis fait prendre en photo en extérieur
présentant un ch%ossis comme si je souhaitais montrer le paysage au
travers. C'est une manière de peindre radicale, il n'y a plus de toile
sur le ch%ossis et par conséquent tout ce qui se trouve derrière
devient peinture. Ce travail fait référence à la
série Emprunter le paysage que Daniel Buren a mis en place dans
les années quatre vingt sur le littoral japonais. Il s'agissait de
grands cadres qui laissaient appara»tre la mer. Ben Vautier pratique un
art de l'appropriation. En 1970, il fabrique un grand cadre qui, tenu par sa
main, l'autorise à signer tout ce que l'on voit à travers.
6 Dans les années 80, les artistes
simulationnistes réutilisent des styles du passé et les
mélangent de manière plus ou moins arbitraire.
Fig. 1. LÕorigine de la peinture n1
photographie d'une action sur la plage des Petites Dalles, 200 x 300 cm,
février 2010. (photo : Amélia Rotar)
Fig. 2. LÕorigine de la peinture n2,
photographie d'une action dans une grande étendue champêtre, 200 x
300 cm, février 2010. (photo : Amélia Rotar)
-Peintures arbres
Mon premier souvenir de peinture vient d'un livre au sujet
d'un peintre qui peignait des arbres dans un atelier à la campagne. Ses
arbres étaient très stylisés et constitués de
surfaces courbes en aplats gris, noir et brun. Lorsque j'ai installé un
atelier à la campagne, j'ai eu l'impression de retrouver
l'atmosphère du peintre du livre et j'ai décidé de peindre
des toiles le plus proches possibles de mon souvenir. Lors d'une
conférence sur l'art moderne donnée à la
Société des Beaux-Arts de la ville d'Iéna en 1924 et
traduite en francais sous le titre De l'art moderne, Paul Klee compare
la création d'une peinture à la poussée d'un arbre qui se
ramifie et gagne en complexité aussi longtemps qu'il vit. ÇEt
comme tout le monde peut voir la ramure d'un arbre s'épanouir
simultanément dans toutes les directions, de même en est-il de
l'Ïuvre. È7
Fig. 2. Peinture Arbre n°2 dans mon atelier
du pays de Caux, 2010, pigments et huile sur toile de jute
préparée à la chaux, 120 x 120 cm.
1.b. Origines de mes Noocactus
A l'école maternelle, pendant la
récréation, j'ai fabriqué des boules de terre. Je suis
incapable de dire si je l'ai fait une fois, dix fois ou peut être trois
années de suite. Je me rappelle seulement l'avoir fait. Je ramassais la
terre sous des arbustes, oü le jardinier avait désherbé
laissant la terre à nu. Il fallait de la terre meuble et donc je pense
que j'ai réalisé ces boules de terre au printemps ou à
l'automne, saisons pendant lesquel les la terre est plus humide et
malléable. Cette terre était marron foncé et
légèrement argileuse. J'écrasais fortement la terre dans
mes mains pour qu'elle devienne la plus compacte possible, comme l'on ferait
pour une boule de neige. Le but était de fabriquer des boules les plus
solides possibles. La surface de la boule devenait dure et compacte,
ressemblant à un chou fleur, c'est à dire pas vraiment lisse mais
irrégulière, bosselée et cependant très compacte.
Cette surface était comparable en couleur et en texture à celle
d'un gâteau que ma mère confectionne quelquefois. Je fabriquais
plusieurs boules de même taille, taille
7 Paul Klee, Théorie de l'art moderne,
Denoël, 1971, p. 17. Cette idée est développée pages
100 et 101 du livre de Pierre-Damien Huyghe, Art et industrie Philosophie
du Bauhaus, Circé, 1999.
correspondant à l'intérieur de ma main. Les
boules constituées devaient finalement être assez petites. A mon
échelle actuelle, si j'essayais de refaire de semblables boules, je
ferai des boules d'à peu près dix centimètres de
diamètre. J'estime que mes mains d'enfant devaient faconner des boules
d'environ cinq centimètres de diamètre. Je cachais ensuite les
boules sous un buisson au fond de la cour, près du jardin potager. Je
voulais que mes boules de terre deviennent indestructibles et je pensais
qu'elles durciraient avec le temps.
Pourquoi est-ce que je faisais des boules de terre?
J'étais certainement à la recherche d'un point de repère,
de quelque chose qui serait intangible, solide. J'avais envie de créer
un trés or que je pourrais consulter de temps en temps. Je crois que
l'idée de fabriquer un objet solide était importante, une boule
bien ronde, un objet régulier, lisse, fini. Etudier les réactions
de la terre, les possibilités qu 'elle avait de durcir, avec cette
conception naïve que la boule de terre allait durcir très fort,
devenir indestructible. Je n'ai pas, par la suite, cessé de faire des
Çboules de terre È. Ces boules de terre sont devenues mes
Noocatus actuels.
Les Noocatus sont des sculptures en argile ou en
plâtre. Il en existe de trois sortes: Ceux constitués de branches
coudées autour d'un axe central, que j'appelle Noocactus
arbres, ceux oü les excroissances en forme de doigts sont
répartis autour d'un volume, que j'appelle Noocactus anemones,
et ceux constitués d'une sorte de gros Ïuf avec d'autres
Ïufs accrochés autour que j'appelle Noocactus
Ïufs.
Fig. 4. Un exemple de Noocactus
oeuf.
Fig. 5. Au milieu de la photo, un exemple de Fig. 6. Un
exemple de Noocactus
anémone.
Noocactus arbre.
Le nom Noocactus vient du mot
Noosphère utilisé par le géologue russe Vladimir
Vernadsky dans son livre intitulé La Biosphère.
Vernadsky y décrit trois phases de l'évolution géologique
terrestre: La première phase correspond au volcanisme et à la
tectonique. La deuxième phase correspond à l'influence de la vie
sur la géologie, la transformation de l'atmosphère, des roches
etc. Après la géologie et la vie, la troisième phase est
celle de la prédominance humaine vue sous son angle géologique.
Vernadsky appelle cette phase la Noosphère. Les Noocactus
sont une tentative de représenter la Noosphère.
Voici le texte qui figure dans une gravure que j'ai réalisée en
2008 qui s'intitule La raison d'être de l'humanité :
<< La vie progresse au-delà du berceau terrestre. Les <<
Ïufs È autour de l' << ÏufÈ central
représentent la vie qui s'étend dans l'espace. Ce
phénomène est possible gr%oce à l'activité humaine.
L'humanité a par conséquent un rTMle à jouer dans
l'évolution. Ce rTMle consiste à installer la vie dans l'ensemble
du système solaire et au-delà.È
Fig. 7. La raison d'être de
l'humanité, 2008, image numérique à partir d'une
gravure, 24 x 18 cm.
|
Fig. 8. Noocactus n°1, 2003, terre,
émail et platine, 27 x 25 cm.
|
Fig. 9. Noocactus n°2, 2003, terre,
émail, platine, Fig. 10. Noocactus n°3, 2003, terre,
émail,
32 x 27 x 28 cm. platine, 27 x 31 x 29 cm.
1.c. Peintures spatiales
En 2008, j'ai réalisé des peintures de l'homme
sur la lune. Je souhaite par ces peintures célébrer une grande
action humaine, une action qui oriente la société vers un avenir
meilleur (Le roman de Jules Verne De la terre à la lune utilise
cette idée comme point de départ). Aller sur la lune est un
exemple de l'expansion humaine, de sa soif de découverte. Les
progressistes pensent que la nature humaine est de « proliférer
» et que cette prolifération peut prendre la forme de la
conquête de la lune, de mars et du reste du systeme solaire.
Fig. 11. La vraie Amérique, 2008,
acrylique sur toile, 150 x 150 cm.
A partir d'une toile préparée et montée
sur ch%ossis, j'ai peint un monochrome noir avec de la peinture à
l'huile en tube. Ce monochrome devait en fait servir de fond pour mon projet de
peindre des astronautes sur la lune, à partir de photos de la NASA. J'ai
finalement décidé de réaliser ces peintures à
l'acrylique et mon fond à l'huile était peu adéquat pour
cette act ion. J'ai exposé le monochrome
noir en 2007 à l'occasion d'un accrochage dans la Fac
St Charles qui regroupait d'autres peintures et des photos mettant en rapport
le theme de l'espace et des planetes avec celui du foetus dans le ventre de sa
mere. Apres l'accrochage, j'ai frotté la surface de la toile avec des
pastels gras. L'action de frottement a fait ressortir la croix centrale du
cadre et finalement j'ai obtenu un objet constitué de quatre carreaux,
pour lesquels j'ai choisi une dominante colorée jaune-violet- rose-rouge
. J'ai ensuite découpé les carrés en suivant le contour du
ch%ossis en bois. Le résultat est un hommage au travail du groupe
support/surface et en particulier aux ch%ossis en résine peinte de Louis
Cane.
2. Germination : l'eau, vecteur de vie et de
diversite
Beaucoup d'éléments servant à
créer des Installations proliférantes sont le
résultat de l'utilisation des peintures sous leurs formes liquides. Je
donne ici deux exemples, celui des Peintures fonds et celui d'une
peinture que j'appelle Peinture liquide n1.
2.a. Peintures fonds
« Dirai-je comment je travaillais avant d'en venir aux
tableaux de sable, vers 1975 ? Des nappes successives, légeres, vivement
étalées par coulures et sans intervention de la main (sinon pour
faire pencher la toile et la balancer) se recouvraient, et chaque intervention
sur la surface devait attendre que les effets de la précédente
fussent secs, si besoin était. » 8
Définissant ce qu'il appelle le «
présentatif » comme tout ce qui concerne les moyens d'imposer un
sens défini, René Passeron émet l'hypothése que
« la place du poétique dans tous les arts et dans la vie -dans
toute opération créatrice- est inversement proportionnelle
à celle du présentatif. »9 Les Peintures
fonds répondent à ce projet car elles n'ont pas de structure
graphique. Ce sont des oeuvres picturales, jeux de textures, de
matiéres, de recouvrements, d'entrelacs. Les peintures « fonds
» sont des toiles sur ch%ossis d'environ 130 x 100 cm sur lesquelles je
verse de la Peinture liquide. J'incline la toile qui repose par terre et sur le
mur, et je verse des mélanges à différents endroits. La
peinture coule sur la toile et par terre, formant des motifs sur le sol. Comme
je l'ai décrit dans le cas de Ç Peinture liquide n1
È lorsqu'il y a suffisamment de peinture sur le sol, je pose du
papier dessus pour créer des « informes ». Peindre avec de la
Peinture liquide, c'est aussi jouer avec la nature de la peinture. Ainsi Gaston
Bachelard considérait que l'art est de la « nature greffée
».10 De nombreuses toiles de John Armleder sont
créées en versant de la Peinture liquide sur des toiles
inclinées. Il appelle ces toiles des Peintures versées.
Lors d'une interview avec Suzanne Pagé en janvier 1987, John Armleder
explique qu'il utilise des « vernis réactifs » dans ses toiles
avec coulures. Les « vernis réactifs » séchent au
contact des rayons ultraviolets.
8 René Passeron, Pour une philosophie de la
creation, Paris, Klincksieck esthétique, 1989, p. 152.
9 Ibid., p. 192.
10 Gaston Bachelard, 1942, LÕeau et les
reves, Paris, Le Livre de Poche, Biblio essais, 2009, p.18.
Fig. 12. John Armleder travaillant sur une
Peinture versée au Musée d'Art Contemporain de Lyon en
2006. (Photo Mathieu Copeland)
Les Peintures fonds sont un jeu entre le liquide et
le sec, entre la peinture à l'eau et la peinture à l'huile, entre
les vernis et leurs diluants. J'utilise des peintures à base de liants
acrylique, mais aussi à base d'huile, et toutes sortes de vernis dans
lesquels j'incorpore des pigments et des poudres (poudre de nacre, de bronze).
Les Peintures fonds sont un laboratoire sur lequel
j'expérimente les réactions qui s'opèrent entre les
peintures à l'eau (gouaches, acryliques, encres), à l'huile
(huile de lin plus essence de térébenthine plus siccatif plus
pigments), à base de résines (gomme Dammar, gomme arabique), de
colles (vinylique, colle de peau de lapin), d'essences (essence de
térébenthine, essence F).
Je peins couche par couche, et j'attends parfois plusieurs
mois avant de rajouter une couche. Il m'arrive d'utiliser du papier abrasif et
de poncer la surface de la toile pour faire appara»tre des objets inclus
dans la peinture. Je jette des éléments solides sur la toile, des
pigments en poudre, de la suie de cheminée, du charbon, du sable, des
graines de pavot, parfois des perles ou des paillettes. Les
éléments solides se mélangent aux Peintures liquides et
migrent sur la toile. Les paillettes de poudre de bronze, par exemple, se
regroupent en bas de la toile et forme une surface métallisée.
Ç Or l'eau est rêvée tour à tour dans son rTMle
émollient et dans son rTMle agglomérant. Elle délie et
elle lie. »11 Cette nature ambivalente de l'eau se fige
finalement sur les Peintures fonds. Ce jeu liquide/solide rejoint un
aspect du travail de Robert Malaval. (La rétrospective de ses
Ïuvres en 2009 au Musée des Beaux-arts d'Angers montre des
peintures oü cet aspect est présent.)
11 Gaston Bachelard, L'eau et les
rêves, Op. cit., p. 122.
Lorsque certaines personnes voient mes peintures
<<informes È, elles croient y reconna»tre des figures (des
fruits rouges, par exemple). En réalité, moi-même ne vois
jamais rien de tout ça. Je vois pourtant, et j'ai grand plaisir à
observer, la peinture, de loin, comme de près. Mais ce que je vois n'est
autre que de la peinture, avec ses qualités de peinture : couleurs,
formes, brillances, textures (grains, surface fripée de la peinture
à l'huile qui sèche, traces de bulle s, grain de la toile).
Gaston Bachelard commence ainsi son ouvrage sur l'eau: << Les images dont
l'eau est le prétexte ou la matière n'ont pas la constance et la
solidité des images fournies par la t erre, par les cristaux, les
métaux et les gemmes. »12 C'est cet aspect incertain et
naturel que je cherche en utilisant l'élément liquide.
Fig. 13. Peinture fond n°5, 2009, technique
mixte sur toile, 130 x 97cm.
12 Gaston Bachelard, L'eau et les
rêves, Op. cit., p. 29. Deux pages plus loin, page 31, il
donne sans le spécifier ce qui pourrai t constituer une
définition de la peinture: << Commençons donc par la moins
sensuelle des sensations, la vision, et voyons comment elle se
sensualise.È
Fig. 14. Informe, 2009, technique mixte sur
papier Ingres, 40 x 30 cm.
Parfois, je pose horizontalement une toile sur une mangeoire
de mon atelier. Je place ensuite une autre toile, légerement
inclinée, sur laquelle je verse des mélanges de Peintures
liquides. La peinture coule alors non seulement sur la toile sur laquelle je
verse, mais ensuite sur les toiles posées en dessous. Comme pour toutes
les actions nouvelles, les premiers essais sont hasardeux, mais, finalement, la
répétition de l'exercice démontre simplement une maniere
singuliere de peindre, à mi -chemin entre les travaux de Morris Louis et
de ceux d'Helen Frankenthaler. En effet, Morris Louis versait sa peinture sur
des toiles verticales tandis que Helen Frankenthaler versait directement la
peinture sur une toile posée au sol. Dilués dans la
térébenthine, les pigments pénétraient non
seulement la surface, mais aussi l'épaisseur de la toile. Les variations
d'intensité des plages colorées s'élaboraient en fonction
de la quantité de peinture versée et de la fréquence de
son application en une meme zone. Dans un court texte sur sa peinture, Henri
Michaux explique qu'il peint « pour montrer, [É] si c'est possible,
les vibrations meme de l'esprit »
13
13 Michaux, Henri, Sur ma peinture, dans
Oeuvres completes, t.2, Paris, Gallimard, La Pléiade, p. 1026.
Fig. 15. Helen Frankenthaler, New York, 1969.
Fig. 16. Je place une peinture sous une
autre.
2.b. Peinture liquide n°1
Fig. 17. Peinture liquide n°1, 2009,
technique mixte sur toile, 150 x 230 cm.
Peinture liquide n°1 a été
créée au centre Saint Charles. Voici les étapes de sa
réalisation : j'ai commencé par disposer vingt toiles de formats
différents (3 toiles de dimensions 50 x 40 cm, trois de dimensions 46 x
38 cm, cinq de dimensions 40 x 40 cm, cinq de dimensions 40 x 30 cm, une de
dimensions 40 x 27cm, deux de dimensions 35 x 27 cm, une de dimensions 35 x 24
cm) sur le sol en grimpant sur un escabeau pour visualiser le résultat.
Les toiles posées côte à côte formaient une sorte de
grille. En raison de leurs formats, il était impossible de constituer un
rectangle parfait. Le résultat est un rectangle approximatif, avec
quelques irrégularités et quelques trous. Puis j'ai
accroché les toiles sur le mur avec du ruban adhésif double face
épais.
Fig. 18. L'assemblage de toiles vu de
l'escabeau.
Il s'agissait ensuite de faire couler de la peinture en haut
des toiles. La peinture coulait, suivant le dosage, jusqu'en bas du tableau,
passant de toiles en toiles. J'ai procédé rapidement, la
réalisation des coulures a duré environ une heure. Le lendemain
j'ai décroché les toiles et j'ai peint la tranche de chaque toile
en blanc. Cela me permettait de renforcer le contraste entre la trame
rectangulaire des toiles et celle plus libre des coulures.
L'intérêt de ce travail réside entre autre
dans son effet visuel évoq uant de la peinture cinétique (Bridget
Riley, Vasarely, Soto), procédé qui prend en compte les
14
recherches d'Eugène Chevreul sur les contrastes
simultanés.L'opposition entre la figure géométrique
créée par l'assemblage des toiles et la trame des coulures n'est
pas sans rappeler un principe yin/yang, masculin/féminin. Pour moi les
toiles blanches sont comme des falaises sur lesquelles j'ai fait couler de la
peinture. La position de mon corps face aux toiles les plus hautes est
dominante, cela met en valeur le geste qui prend une importance symbolique dans
l'acte de faire couler la peinture tel un rituel baptismal. Les peintures sur
le sol formaient des sortes de marbrures car les peintures à l'eau et
à l'huile ne se mélangent pas. Le lendemain, une croüte de
peinture s'était formée au sol. J'ai pressé dessus des
papiers pour créer plusieurs peintures. Cette manière de
procéder évoque la technique du papier marbré
utilisée dans les couvertures de livres anciens. J'ai utilisé du
papier Ingres car sa trame structure les formes très libres
provoquées par cette
14 Eugène Chevreul fait publier en 1839 un
livre sur la lumière et la couleur dans lequel il énonce la loi
du contraste simultané des couleurs. La vision d'une couleur crée
une tension qui fatigue l'Ïil. L'Ïil est apaisé lorsqu'il voit
la complémentaire. Si la com plémentaire est absente, il la
produit simultanément dans la teinte voisine. Dans le cas d'une
opposition entre deux couleurs qui ne sont pas exactement
complémentaires, les couleurs semblent se repousser et vibrer car l'oeil
cherche à les rapprocher de leur complémentaire exacte.
action. J'appelle ces peintures des Informes de Peinture
liquide n°1. Les coulures lors de la réalisation de
Peinture liquide n°1 ont, en quelque sorte, informé le
sol. Je récupère ces informations pour réaliser ce que
j'appelle des Informes.
Fig. 19. Informe de Peinture liquide n°1,
2009, technique mixte sur papier Ingres, 65 x 50 cm.
Peinture liquide n°1 utilise une manière
de procéder très employée par des peintres comme Ian
Davenport ou Cédric Teisseire. Everything de Ian Davenport est
une peinture murale réalisée pour le nouveau bâtiment de
l'Institut de Mathématiques et de Statistiques de la ville Warwick au
Royaume Uni. Ian Davenport a utilisé des peintures acryliques liquides
qu'il a fait couler du haut du mur. Il a aussi prévu un rebord en
plâtre en bas du mur sur lequel les peintures se mélangent.
Cédric Teisseire utilise des laques qu'il fait couler sur de la toile
cirée. Lui aussi met en valeur la partie en bas du mur oü les
peintures se mélangent.
Fig. 20. Ian Davenport, 2004, Fig. 21. Cédric
Teisseire, 1997, Alias, huile
Everything, peintures acryliques sur sur toile
cirée.
panneau de plâtre, 762 x 1067 cm.
3. Croissance : les actions collaboratives
Ç Susciter l'intervention d'autrui n'est pas sans
compliquer la réalisation même de l'Ïuvre, qui cesse
d'être l'objet pour ainsi dire privé de l'artiste et devient
l'occasion d'un geste aventureux, ou de rencontres, bref, d'une
expérience inédite de l'art tendant à en enrichir la
méthode. »15
Comme je l'affirme dans l'introduction, les Installations
proliferantes rassemblent des éléments qui proviennent de
situations créatives très variées. Nous parcourons ici
quelques Ïuvres collaboratives réalisées ou en projet. Les
différents témoignages, enregistrements, photos de ces
Ïuvres sont susceptibles de servir de support à la conception
d'installations.
3.a. Mur Liquide n°1
Je vais ci-dessous relater une première
expérience d'un événement de Peintures liquides collective
qui est à l'origine de la création d'éléments qui
seront utilisés lors de la mise en place de futures Installations
proliferantes. J'ai proposé ce jour-là aux
15 Paul Ardenne, 2002, Un art contextuel,
Paris, Flammarion, Champs arts, 2009, p.62.
participants de verser de la peinture liquide sur un des murs
extérieurs de mon atelier. Je m'autorisais seulement à
récupérer la peinture coulée au bas du mur avec des petits
morceaux de papier. J'ai noté ce qu'il advenait dans une situation pour
laquelle j'ai donné très peu de consignes, celles-ci se
résumant en quelques mots: <<Faire couler de la peinture sur le
mur.È
Les deux participants ont commencé à verser de
la peinture au milieu du mur, puis peignaient l'un en se déplacant vers
la droite et l'autre vers la gauche. Ni l'un ni l'autre ne semblait concevoir
le mur comme une totalité, mais plutôt comme un lieu
d'expériences successives. Ainsi, la personne de droite a essayé
de dessiner une figure géométrique gr%oce à des mouvements
rectilignes de son bras pendant qu'il versait la peinture. Le résultat
ne lui plaisant pas il demanda s'il pouvait << jeter È de la
peinture sur le mur. La consigne est donc devenue : <<Faire couler ou
jeter de la peinture sur le mur.È Il a ensuite réalisé
une série de grosses coulures verticales partant du haut du mur. L'ami
de gauche a délimité dans son esprit un morceau de mur d'environ
1,5 mètre sur lequel il a fait plusieurs petites coulures avec chacune
des couleurs préparées. Alors que chacun s'appliquait dans un
travail qui allait être très long, j'ai expliqué que je
souhaitais qu'il y ait de la peinture d'un bout à l'autre du mur. Le
participant de droite est alors venu à gauche pour y verser des pots
à des intervalles plus espacés. Finalement la séance a
continué avec des grandes projections plus ou moins horizont ales un peu
partout sur le mur. Pendant que les participants peignaient, je
découpais des morceaux de papiers pour les appliquer sur le rebord en
ciment en bas du mur et créer ce que j'appelle des informes. Cette
manière de procéder oü je m'agenouille pour recueillir la
peinture au pied du mur renforce le caractère rituel de
l'évènement.
Cette première expérience me permet de
préparer un évènement plus important et impliquant plus de
participants. L'action prendrait alors un caractère proliférant
plus marqué, serait plus animée et plus vivante. Pour la
prochaine action, je souhaite préparer d'avance les peintures. Les
participants trouveraient en arrivant une table sur laquelle seraient
posées des dizaines de pots remplis de Peintures liquides.
J'expliquerais alors plus en détail le pourquoi et le comment de cette
action. Je dirais que le mur est à envisager dans sa totalité et
que l'unité de la peinture finale se prévoit dès le
début. J'utiliserais pour les informes du papier gravure qui s'adapte
mieux au relief du ciment. Dans cette action, l'oeuvre d'art n'est pas tant le
résultat que l'évènement lui-même. Les peintures
créées ne sont finalement que le témoignage d'une action
qui fait véritablement Ïuvre. Une des tendances de l'art actuel est
la délégation de la production des Ïuvres. Le travail de
Claude Rutault par exemple, permet de mieux appréhender la question de
la
méthode de collaboration et de
délégation. Avec ses définitions/méthodes, Rutault
donne les consignes de base permettant de réaliser ses Ïuvres.
L'Ïuvre chez Rutault réside dans l'idée. La mise en
Ïuvre est donc laissée à l'acheteur. Cette manière de
procéder n'est- elle pas une facon de prendre au pied de la lettre (et
de détourner) l'expression de Marcel Duchamp Ç ce sont les
regardeurs qui font les tableaux>>? J'envisage de repeindre le mur et de
recommencer l'action en invitant plus de participants. La peinture murale
réalisée n'existerait que jusqu'à ce qu'elle soit
recouverte lors de l'évènement suivant. L'Ïuvre existera
donc plus par le moment de sa création que par son résultat
éphémère. Ainsi Yves Michaux dans son livre L'art
à l'état gazeux, parle de la Çdisparition de
l'Ïuvre comme objet et pivot de l'expérience
esthétique>>.16
Fig. 22. La première coulure.
Fig. 23. Je presse un morceau de papier en bas du mur
pour créer un Informe.
16 Yves Michaux, L'art à l'état gazeux,
Op. cit., p. 9.
Fig. 24. Le rebord en ciment sur lequel la peinture
s'écoule. Je presse du papier sur cette surface pour créer ce
que j'appelle des Ç informes È.
Fig. 25. Informe de Mur Liquide n°1,
technique mixte sur papier, 4,5 x 25 cm.
3.b. Barrage liquide n°1
Je propose de peindre le barrage de Cleuson qui se trouve au
dessus de la ville de Nendaz dans le canton du Valais au sud-est de la Suisse.
Ce barrage de 87 metres de haut et 420 metres de long est une grande surface
plate et inclinée. Il est géré par la
société Energie Ouest Suisse Lausanne. Onze ouvriers sont morts
sur le chantier entre le début de sa construction en 1947 et sa mise en
service en 1951.
Je propose de verser de la Peinture liquide depuis le tablier
du barrage. Peinture liquide n°1 donne une idée de ce que
cela pourrait donner. Ce travail serait une mise en valeur originale
du barrage qui convoquerait la réflexion. Il constituerait aussi un
hommage aux victimes des accidents pendant les travaux. Les coulures
évoqueraient le sang des ouvriers qui sont morts pendant la construction
et les larmes de leurs proches. Ce projet peut être mis en rapport avec
celui de Christian Boltanski à l'occasion de
l'exposition de 1993 au Musée Cantonal des Beaux-arts
de Lausanne. Christian Boltanski avait alors dressé la liste des Suisses
morts dans le canton du Valais en 1991.17
Le projet Valley Curtain de Christo et Jeanne-Claude
est une sorte de barrage en tissu qui traverse la vallée de Rifle dans
l'état du Colorado aux Etats-Unis. La surface de ce rideau de 381
mètres de large est striée par des plis verticaux qui ondulent au
vent. Les lignes verticales donnent une idée de ce que serait le barrage
peint. De nombreuses personnes ont participé à la mise en place
de ce gigantesque mur de tissu (35 ouvriers du bâtiment, 64
intérimaires, des ouvriers saisonniers, des étudiants en art et
des collégiens).
Je tiens à souligner qu'il existe un rapprochement
plastique à effectuer entre Valley Curtain et le projet du
barrage de Cleuson. La silhouette du rideau de tissu évoque celle d'un
barrage puisqu'il bouche toute la vallée à un endroit oü
celle-ci est relativement étroite et que le haut est presque horizontal.
Les plis du tissu forment des lignes verticales, lignes qui proviendront des
coulures de peinture dans le cas du barrage de Cleuson. Enfin la couleur rouge
pourrait être la couleur principale utilisée pour le barrage de
Cleuson. Les projets de Christo et Jeanne-Claude montrent qu'avec beaucoup de
détermination il est possible de convaincre les autorités
concernées. L'aspect relationnel et social est fondamental chez Christo
et Jeanne-Claude. En am ont du projet, il s'agit de convaincre les
autorités et les propriétaires fonciers. Christo et Jeanne-Claude
passent beaucoup de temps à voyager, à rencontrer les gens et
intervenir dans les débats. Leur projet pour le Reichstag suscita
d'ailleurs le premier débat parlementaire au sujet de la
réalisation d'une Ïuvre d'art. Les projets réalisés
sont des projets de plein air auxquels tout le monde a accès. Christo et
Jeanne-Claude considèrent que chacun a le droit de ressentir une
émotion artistique et que cette émotion ne doit pas être
réservée à une élite et à l'espace du
musée.
Le fait que de nombreuses personnes soit impliquées
dans la réalisation d'une Ïuvre d'art correspond à l'une des
tendances majeures de l'art contemporain. Dans le cas du projet pour le barrage
de Cleuson, il serait éventuellement possible de faire participer les
étudiants de la Haute Ecole d'Art et de Design de Genève et/ou
ceux de l'Ecole Cantonale d'Art de Lausanne. Ce projet pourrait aussi
s'inscrire dans le cadre de la Biennale d'Art de Montreux .
17 Christian Boltanski, Les Suisses morts : Liste des Suisses
morts dans le canton du Valais en 1991, exposition au Musée
Cantonal des Beaux-arts de Lausanne, 1993.
Dans le travail de Robert Smithson intitulé Asphalt
Rundown, de l'asphalte liquide glisse de la benne d'un camion sur la pente
d'une carrière. L'action dure environ une minute et ressemble à
une coulée de lave. Pollock avait décroché la toile du
chevalet pour la poser par terre. Smithson va plus loin et fait couler la
peinture (ici de l'asphalte) directement sur un paysage. Ce travail est une
référence pour le projet du barrage de Cleuson, puisqu'il s'agit
d'une coulure à la dimension d'un paysage. Cette coulée
d'asphalte a été organisée par une petite équipe
dont un chargé de communication avec les autorités. Robert
Smithson a réalisé des croquis préparatoires comme par
exemple Asphalt on eroded cliff (1969, encre et craie colorée
sur papier, 18 x 24 cm).
Pour peindre le barrage, il serait possible d'utiliser de la
peinture sous la forme d'un copolymère styrène. Cette peinture a
les qualités requises pour être appliquée sur le
béton d'un barrage: Elle évacue l'humidité interne, elle
présente une résistance inégalable face aux
intempéries, elle possède un fort pouvoir garnissant et opacifian
t, elle est inerte chimiquement sur fond alcalin. Cette peinture est vendue
sans intermédiaire par l'usine Métaltop. Il faudra prévoir
de monter un financement et pour cela contacter les équivalents suisses
de la DRAC et du Conseil Général en France c'est-à-dire
l'Office Fédéral de la Culture et Pro Helvetia.18 Il
serait logique de demander le soutien de la ville
19
de Nendaz qui bénéficiera des retombées
positives du projet.De plus il existe de nombreuses fondations privées
en Suisse comme par exemple le Pour-cent Culturel Migros.20 En
raison du caractère participatif du projet, il est envisageable de
proposer un soutien individuel au financement. Enfin pourquoi ne pas s'inspirer
de Christo et Jeanne-Claude, et organiser une exposition (au Musée
Cantonal des Beaux-arts de Lausanne?) des croquis, maquettes et autres projets
en rapport avec le barrage de Cleuson?
18 Pro Helvetia est une fondation
fédérale dont les tâches concernent principalement la
création contemporaine
19 La ville de Nendaz organise déjà des
visites guidées du Barrage.
20 Le Pour-cent Culturel Migros est un mode de
financement volontaire de la culture en Suisse mis en place en 1957 par la
société Migros.
3.c. Dessin participatif n°1
Fig. 26. Dessin participatif n°1, 2009,
stylo sur papier, aluminium peint, verre, bois, métal, 50,7 x 40,9 cm.
Le dessin est une ligne ininterrompue prolongée par environ vingt
choristes de l'Orchestre et CÏur des Universités de Paris. La
consigne répétée à chacun était de
reproduire le plus fidèlement possible le motif initial.
Dessin participatif n°1 est un travail né
d'un motif proliférant que j'utilise de manière récurrente
depuis plus de dix ans. Ce motif est proliférant parce qu'il couvre une
surface en se dispersant comme une tache d'huile. Récemment, j'ai
aperçu ce motif sur un tissu dessiné par Patrick Frey. J'ai alors
réalisé que ce motif ne m'était pas propre, mais seulement
un motif simple que l'on pourrait par exemple modéliser par ordinateur
(réaliser un programme qui construirait ce motif sur un espace infini).
J'ai voulu faire l'expérience de donner à dessiner ce motif
à plusieurs personnes. Sur une feuille de papier noir, j'ai
dessiné le motif. Une vingtaine de personnes ont continué le
dessin, en essayant de reproduire au mieux le motif initial. Ce dessin est donc
une expérience à partir d'une règle du jeu simple comme
l'étaient les Blind Time Drawings de Robert
Morris21 Avant l'expérience, je pensais que
les autres auraient tendance à reproduire fidèlement le motif
avec cependant des écarts d'échelle. En fait, le résultat
montre que l'échelle reste à peu près la méme mais
que par contre la forme varie. Chacun interprète le motif suivant sa
personnalité. Dans un court texte sur sa peinture, Henri Michaux
explique qu'il peint <<pour montrer, [É] si c'est possible, les
vibrations méme de l'esprit
»22
Cette expérience rejoint des préoccupations de
l'ordre de la psychologie et je pense qu'il serait possible de numériser
le résultat et d'étudier par exemple le pourcentage de
correspondance entre le dessin initial et les suivants à partir de
paramètres définissant la qualité des courbes,
l'épaisseur du trait, etc. Le << LaboratoireÈ à
Paris, lieu d'expérimentation commun entre des artistes et des
scientifiques pourrait éventuellement accueillir ce type de recherches.
Il serait possible de conduire l'expérience avec d'autres motifs
initiaux, avec des motifs modélisés par ordinateur, de faire
participer différentes catégories de personnes, d'établir
des statistiques, etc. Inciter à l'esprit ludique est un des buts des
mes actions collectives. Pour une analyse détaillée de la place
du jeu dans l'art, se référer au chapitre <<De la
création ludique à la créativitéÈ dans
l'ouvrage de Frank Popper intitulé Art, action et participation,
l'artiste et la créativité aujourd'hui.23
La dimension métaphorique et poétique de ce
travail est celle qui me concerne plus immédiatement. Cette ligne
tracée par une succession de personnes différentes n'est- elle
pas une métaphore éventuelle de la succession des vies humaines
qui, mises bout à bout forment un tracé sinueux et ininterrompu?
Ainsi chacun reprendrait le chemin d'un autre pour le conduire plus loin,
élargissant au passage le champ de l'existant. Afin d'approfondir cette
métaphore, il faudrait qu'au début le trait soit minuscule et
qu'il s'agrandisse au fur et à mesure pour figurer l'éloignement
du passé.
Dessin participatif n°1 partage une certaine
approche dans sa réalisation avec les Fields d'Antony Gormley.
A la demande de celui-ci, des centaines de personnes, souvent appartenant
à un groupe social spécifique (famille, école, village)
ont modelé des figurines en argile. Antony Gormley explique aux
participants le type de sculptures qu'il souhaite, en terme de dimensions et de
manière de faire. Les figurines sont ensuite rassemblées et
posées côte à côte sur le sol du lieu
d'exposition.
21 A ce sujet voir notamment l'article de Jean-Pierre
Criqui dans la revue 20/27 n1, 2007.
22 Michaux, Henri, Sur ma peinture, Paris,
Gallimard, La Pléiade, t.2, p. 1026.
23 Frank Popper, Art, action et participation,
l'artiste et la créativité aujourd'hui, Paris, Klincksieck,
1980.
3.d. Le langage de la danse
Ce travail fait référence à un atelier
sur la danse que Jan Kopp a mené avec un groupe d'étudiants de
l'Ecole des Beaux-Arts de Perpignan. Jan Kopp a adopté une approche
originale en s'adressant aux étudiants dans un langage qui n'existe pas.
Il établit ce faisant des liens entre langage parlé et langage du
corps. Souhaitant utiliser les ressources de ce fameux langage, Amelia et moi
avons pris la pose afin de créer un alphabet dansé qui affirme :
Ç Dugadel vrax lugumbuma sync fijhokp.È
Fig. 27. Le langage de la danse, 2010, tirage
noir et blanc sur machine à plans, 90 x 80 cm. (photo: Diana
Belci)
3.e. Le penseur de Rodin
Le 7 mars 2009 j'ai participé à une performance
de La ·za Pautehea. La ·za a créé une performance
oü nous prenions la pose du penseur de Rodin. La ·za voulait que
la performance se déroule devant la sculpture du musée Rodin,
mais elle n'a pas eu l'autorisation à temps. Nous avons alors mis en
place cette performance devant l'université Paris Descartes. C'est
devenu une action politique remettant en cause la loi LRU. Les photos de cette
performance sont des éléments susceptibles d'être
utilisés pour une Installation proliférante.
Fig. 28. Trois photographies de la Performance Le
penseur de Rodin devant la faculté Paris-Descartes, 7 mars
2009.
4. Profusion: mobilités, lumières et sons
4.a. Les Ïuvres : comment les rendre mobiles?
Les éléments présentés ci-dessous
sont des éléments mobiles passifs, ils incluent des
charnières ou des rails permettant de les faire bouger. Ce type
d'éléments n'est qu'une première approche concernant la
mobilité des éléments. Par la suite, il sera question de
créer des éléments motorisés. Les
éléments motorisés seront d'abord autonomes,
c'est-à-dire fonctionnant avec un interrupteur pour les mettre en marche
ou les éteindre. L'étape suivante sera de les faire circuler sur
des structures.
-Diptyque
Fig. 29. Diptyque mobile, 2010, images
numériques, 25 x 30 cm chacune.
La photographie de gauche, qui montre un Noocactus
détruit sur mars est inspirée des recherches de Sophie
Ristelhueber qui photographie des constructions humaines détruites dans
des paysages déserts. La partie droite du diptyque est une photographie
intitulée Parisky et s'appuie sur le travail d'Alain Bublex. La
photo montre une vue d'artiste d'un projet pour un métro aérien
à Paris. Le support des photographies est en métal et en
plastique, cohérent avec l'univers technologique présent dans les
photos. Le diptyque est prévu pour être accroché au mur et
devenir un des éléments de mes Installations
proliférantes.
-L'Auteur de la hauteur de l'auteur
Fig. 30. Trois vues de L'Auteur de la hauteur de
l'auteur, 2009, photographies à hauteur réglable, dimensions
variables.
Cette installation est constituée de deux photos dans
des cadres en profilé aluminium noir de dimensions 24 x 18 cm, de deux
rails en aluminium de 75 cm de long, de deux boulons, écrous, papillons
et mousquetons simplex en acier zingué. Les rails en aluminium sont
fixés verticalement sur le mur par six vis à bois et
séparés par une distance de 21 cm. Le bas des rails est à
environ 115 cm du sol. Les photos ont été prises avec un appareil
photo numérique EOS 400D posé sur un pied en aluminium.
L'éclairage était fourni par une lampe halogène de
puissance 300 watts, assisté par une lampe basse consommation de 18
watts et deux lampes krypton 40 watts. Les photographies ont été
prises à mon domicile devant un rideau blanc. La séance de pose a
duré environ une heure. Les deux photos sélectionnées ont
été prises en couleur puis transformées en noir et blanc
sur Photoshop, après une rectification par le réglage
Çtons foncés/tons clairs È. Aucune autre opération
n'a eu lieu, ni aucun recadrage. Les tirages ont été
effectués avec une imprimante jet d'encre HP PSC 1510 Tout-en-un sur du
papier photo Ilford Galerie brillant. Pour des raisons que je ne connais pas,
tous les tons clairs des photos apparaissent en blanc sur les tirages.
L'imprimante a effectué une simplification des photos pour n'imprimer
que les parties sombres.24
24 Cet effet sérendipe, qui n'était pas
une décision de départ mais le résultat de l'action, outre
le fait qu'il introduit une référence aux jeux d'enfants du
18ème siècle (Au 18ème
siècle, les membres de familles aisées
Ce travail rassemble deux approches. La première est
une réflexion sur la question de l'auteur. Il était
demandé de réaliser une production plastique qui prenne en compte
la notion d'auteur comme point de départ. J'ai pensé aux
autoportraits photographiques et peints que j'ai réalisé
récemment et particulièrement à l'installation
Paradigme Culturel, Rock que j'ai mis en place en 2008. Cette
installation était une mise en scène de ma réaction
(expressions du visage) face à des photos
de musiciens rock dans des costumes
et attitudes caricaturales et kitch.
Fig. 31. Paradigme culturel, rock,
2008, Photos noir et blanc trouvées et autoportraits couleurs, 25 x
157,5 cm.
En octobre 2009, j'ai pensé qu'il serait
intéressant de réaliser une installation avec l'intention de
mettre en scène ma réaction non pas face aux autres mais cette
fois-ci face à moi-même. J'ai décidé de
réaliser deux autoportraits photographiques de profil (profil droit et
profil gauche) et de les juxtaposer de manière à ce que les deux
profils se regardent. J'ai ensuite envisagé différentes
expressions que pourrait prendre ces profils et le sens qui en
résulterait. Au cours du mois de novembre 2009, j'ai
réfléchi à ce que je pouvais faire de ce type d'approche.
Les éléments accumulés et accrochés sur le mur
doivent être des Ïuvres à part entière, au sens
<< objet d'art >>, ce qui exclut par exemple le
<<Ready-made>> au profit d'une conception se rapprochant des
galeries d'exposition du 19ème siècle. Les
éléments ont donc l'aspect de toiles sur ch%ossis, de cadres, de
dessinsÉ Cependant j'ai voulu détourner certains cadres ou toiles
pour y ajouter un facteur sonore ou lumineux. J'ai ensuite
considéré dans quelle mesure ces éléments
pourraient se déplacer sur le mur, et j'ai pensé les faire
circuler sur des rails. Avec L'Auteur de la hauteur de l'Auteur,
j'avais l'intention de rassembler dans une même installation les deux
et en particulier les enfants dessinaient les contours de l'ombre
de leur silhouette sur du papier noir qu'ils découpaient ensuite aux
ciseaux.), permet de concentrer l'attention du spectateur sur l'expression du
visage ainsi que sur les relations entre les éléments du visage
et ceux liés à l'installation proprement dite (le système
d'accrochage).
approches énoncées précédemment
(double autoportrait et éléments déplacables sur des
rails). Le travail proposé permet ainsi d'expérimenter ce qui se
passe lorsque deux expressions fixes sont confrontées dans l'espace.
L'auteur c'est-à-dire moi-même est en mesure de régler la
hauteur (gr%oce aux rails) de l'auteur (il s'agit d'autoportraits).
J'ai choisi les expressions de mon visage en pensant à la
situation décrite par
25
Victor Hugo en exil.Ayant perdu sa situation de
député à Paris, Hugo retrouve paradoxalement une certaine
liberté. Il décrit une situation sociale établie qui
conduit à une certaine retenue et éventuellement frustration, car
il n'est pas possible de faire lorsqu'on est député ce que l'on
peut faire lorsqu'on est vagabond. J'ai essayé de figurer cette
idée par la photo de gauche de l'installation dont il est ici question.
Cette photo me montre de face (position établie), un Ïil plus
ouvert que l'autre (endormissement), les lèvres serrées sans
sourire (dédain, mépris, tristesse). La photo de droite me
représente de face la tête penchée vers l'arrière,
regardant vers le haut, la bouche ouverte. Cette attitude est celle d'un
être étonné voir fasciné, peut-être pris dans
une situation difficile, dangereuse ou même tragique mais qui ouvre par
la même occasion de nouveaux horizons. C'est le sens du mot
<<criseÈ en Chinois qui veut dire <<chance dangereuse
È. C'est la situation sublime du jeune Rimbaud sur les routes.
L'Auteur de la hauteur de l'Auteur est un lieu
d'expérimentation de la confrontation de ces deux expressions/situations
sociales. Que se passe-t-il si je place la photo de gauche au dessus de celle
de droite? Au même niveau? Au dessous? La position relative des photos
renforce certains traits expressifs et suggère ainsi des récits
différents. Placée en position haute, la photo de gauche
suggère davantage la notion de noblesse et de supériorité.
En position basse, la tristesse ressort davantage. La photo de droite
évoque la précarité lorsqu'elle est en bas et la peur face
à l'inconnu lorsqu'elle est en haut. La mise au même niveau des
deux photos crée un sentiment d'égalité temporelle, comme
si l'auteur se demandait quelle attitude adopter face à une
situation.
Lorsque j'ai présenté l'installation
L'Auteur de la hauteur de l'Auteur, on m'a tout de suite
demandé si la hauteur des photos était réglable. Dans ce
dispositif, c'est l'auteur (moi-même) qui déplace les photos. Le
système de réglage n'invite pas le visiteur à toucher
l'installation (Qui irait dévisser des papillons ?). Si l'idée
avait été de faire intervenir le visiteur, un autre dispositif
aurait été utilisé rendant plus simple le
déplacement des photos (par exemple un système de poulies et de
contrepoids).
25 Victor Hugo, Ce que c'est que l'exil,
1875, Equateurs, Parallèles, 2008.
Concernant la longueur des rails, pourquoi font-ils 75 cm de
long? Pourquoi pas des rails qui iraient du sol jusqu'au plafond? Je pense que
de tels rails auraient plutôt tendance à diluer le propos de ce
travail et à rendre la manipulation des photos difficile. Une autre
suggestion apparut ensuite: Pourquoi deux rails? Pourquoi pas dix? Cette
suggestion m'intéresse beaucoup et j'ai le projet de la mettre en
pratique. L'ajout de trois rails supplémentaires me permettrait de
réintégrer mon idée de départ mettant en rapport
des autoportraits de profil. Une référence à Duchamp
appara»trait alors, car Duchamp a utilisé le profil, pas seulement
pour son Nu descendant l'escalier mais aussi pour un collage sur
affiche intitulé Wanted, $2,000 Reward, oü il se met en
scène de face et de profil sur une affiche de police.26 Lors
de la présentation, le côté humoristique de L'Auteur de
la hauteur de l'Auteur a été percu comme s'il s'agissait de
l'équivalent en image d'une blague ou d'un mot d'esprit. Ce
caractère dérisoire et humoristique faisait partie de l'intention
de départ pour ce travail (l'auteur regardant l'auteur) et se trouvait
renforcé par la décision d'accrocher les autoportraits sur des
rails ce qui visuellement suggère une pendaison. L'accrochage sur des
rails et la po sition frontale des visages crée le sentiment d'un auteur
qui se Çregarde sans pouvoir se regarder È. En ce sens,
L'Auteur de la hauteur de l'Auteur s'inscrit dans l'humour Duchampien
mais aussi dans celui plus contemporain de Jacques
Lizène.27
26 Marcel Duchamp, Wanted, $2,000 Reward,
1923, ready-made rectifié : collage sur affiche, 49,5 x 35,5 cm, Milan,
collection Arturo Schwarz.
27 En 1971, dans un film intitulé Tentative
d'échapper à la surveillance de la caméra, Jacques
Lizène se met en scène dans une situation comique et
dérisoire. Il est possible que Pierrick Sorin se soit inspiré de
ce film.
-L'Auteur de la largeur de l'auteur
Fig. 32. Trois vues de L'auteur de la largeur de
l'auteur, 2009, photographies à largeur réglable, dimensions
variables.
L'Auteur de la Largeur de L'Auteur est
constitué de deux photos noir et blanc dans des cadres noirs en
profilé aluminium de dimensions 24 x 18 cm accrochées à
une tringle à rideaux en métal de 120 cm de long avec des fils en
nylon et des attaches en plastique blanc. Les photos sont mobiles sur la
tringle et déplacables en actionnant les cordelettes à droite de
la tringle. Les photos ont été prises avec le même appareil
photo et le même système d'éclairage que pour L'Auteur
de la hauteur de l'Auteur. Les photographies ont également
été prises à mon domicile devant un tissu noir. Un ami a
prit les photos et la séance de pose a duré environ une heure.
Les deux photos sélectionnées ont été prises en
couleur puis transformées en noir et blanc sur Photoshop,
éclaircies par le réglage <<courbesÈ et
recadrées. Les tirages ont été effectués avec une
imprimante Epson Stylus Photo R1800 sur du papier photo Ilford Galerie
brillant.
Mon intention pour ce travail était de mettre en place
un dispositif permettant un déplacement horizontal des photos.
Après une réflexion sur la hauteur que l'auteur se donne à
lui-même, ce travail me donne l'occasion d'aborder celle de la <<
largeur de l'auteur È. Je me montre ici de profil et tendant les
lèvres comme pour donner un baiser. Lorsque les deux photos sont
rapprochées, il sem ble que je m'embrasse sur la bouche du bout des
lèvres. Cette fois-ci le déplacement se dirige à distance
des photos, gr%oce aux ficelles. Je pense par la suite créer des
éléments motorisés et se déplacant de
manière autonome c'est-à-dire réellement mobile (les
éléments actuels sont seulement déplacables). La notion de
largeur se distingue de celle de hauteur. L'Auteur de la hauteur de
l'Auteur montrait deux attitudes de l'auteur, d'une part une attitude
blasée et d'autre part une attitude émerveillée. Ces
attitudes correspondent à des états psychologiques que l'on
pourrait décrire comme <<haut È ou <<bas È.
Dans ce premier travail, les visages ne se voient pas et donc finalement
l'auteur est confronté au choix de son attitude par rapport à
lui-même. L'Auteur de la Largeur de L'Auteur confronte l'auteur
avec l'attitude sociale qu'il adopte, sa position sociale. Lorsque les photos
sont écartées, nous voyons deux profils. L'autoportrait de profil
donne de l'importance à celui qui se représente ainsi. Les
<< CésarsÈ étaient représentés de
profil sur les pièces de monnaies de l'Empire. Souvent les peintres,
lorsqu'ils ont voulu peindre leur autoportrait testamentaire, se sont
représentés de profil. Ce fut le cas par exemple du vieux Titien
comme du vieux Renoir. Le profil suggère la dignité et la
puissance. Les deux profils de L'Auteur de la Largeur de L'Auteur,
lorsqu'ils sont éloignés, donnent l'image d'un auteur important
ou prétentieux, qui occupe une large place dans la
société. Dans la
position opposée, celle oil les deux autoportraits se
touchent et semblent sÕembrasser sur la bouche, la place que
lÕauteur occupe est plus modeste. Le geste dérisoire dÕun
auteur qui sÕembrasse lui-même prête à sourire,
nÕest pas sérieux et peu t etre interprété comme un
geste anecdotique. Ici, tourné face à lui-même,
lÕauteur occupe donc une place sociale ridiculement petite,
peut-être aussi étroite que lÕinterstice de ses
lévres. Avec ce travail, je suis lÕauteur de la largeur de
lÕauteur dans la mesure oil comme pour le travail
précédent cÕest moi -même qui manipule
lÕÏuvre. Même si le dispositif de déplacement est ici
plus pratique, il nÕest pas encore adapté pour proposer aux
visiteurs de lÕactionner. Ceci constitue une des limites de ce travail
et je devrais réfl échir aux possibilités soit
dÕautonomiser le mouvement des photos, soit de rendre possible leurs
déplacements par les visiteurs. Une autre remarque concerne le cadre des
photos qui empêche de voir les lévres se toucher. Je pense que
cela nuit fortement à ce travail et je vais par consequent remplacer les
cadres par un contre collage.
4.b. Mobilité : Au-delà du
mouvement
Je projette de créer des éléments
capables de tourner sur eux-mêmes et de se déplacer sur des rails
dÕun endroit à un autre. Il serait aussi possible de mettre en
mouvement les tableaux dÕun musée et de les faire réagir
à la presence des visiteurs. Ce type dÕinstallations implique de
lÕélectronique, de lÕinformatique et de la
mécanique. Lorsque mes installations actuelles seront suffisamment
affirmées, jÕessaierai de construire des éléments
motorisés, et en premier lieu de faire tourner une toile avec un moteur.
Aprés ces premières experiences réalisées, je
monterai un projet incluant la participation dÕune ou de plusieurs
personnes compétentes.
4.c. Lumières et sons: quelles
synergies?
Je crée des tableaux qui renferment des petites lampes
à diodes, des mini-radios et des lecteurs MP3. Dans le cas d'un tableau
monochrome qui diffuse du son, la similitude avec une enceinte acoustique est
frappante. En effet la plupart des haut-parleurs sont protégés
par un tissu synthétique tendu sur une sorte de ch%ossis en métal
ou en plastique. Je souhaite produire des installations vivantes, qui utilisent
non seulement une grande variété de visuels, mais aussi une
variété de sons, de musiques, d'enregistrements, et toutes sortes
de lumières colorées. Cependant les diffuseurs de son et de
lumières doivent être cachés.
II. RASSEMBLEMENT : LA MISE EN RELATION
DESÎUVRES
ÇPour la première fois, semble-t-il, dans
l'histoire, l'art au travers duquel une époque s'identifie ne se
caractérise pas par un style ou une combinaison de styles
définis, mais par un éclectisme total qui fait du monde des
formes un domaine plus morcelé que la maison de Picassiette.
»28
28 Catherine Millet, L'art contemporain, Histoire
et géographie, Flammarion, Champs arts, 2006, p. 12.
<< C'est le programme classique de la perspective,
présenté dans son cadre Beaux - Arts, qui autorise l'accrochage
des tableaux en alignement de sardines. Rien ne suggère que l'espace
contenu par le tableau puisse se prolonger de part et d'autre de celui-ci.
»29
<< Dès que vous comprenez qu'un fragment de
paysage est produit par la décision d'exclure tout ce qui l'environne,
vous commencez à prendre conscience de l'espace situé hors du
tableau. Le cadre devient une parenthèse. La séparation des
peintures le long du mur, comme une sorte de répulsion
magnétique, devient inéluctable. Le phénomène fut
accentué et à vrai dire largement suscité par la science
nouvelle, l'art qui se dédia à extraire le sujet de son contexte
: la photographie. »30
Ces deux citations de l'article de Brian O'Doherty sur
l'espace d'exposition établissent nettement le contexte de la mise en
relation des productions plastiques. Alors que 19 ème
jusqu'au siècle les tableaux sont vus
indépendamment les unes des autres, par la
suite la question de l'interaction s'est posée et se
pose aujourd'hui. Dans ce contexte, placer ensemble des tableaux sur un
méme mur peut créer des tensions stylistiques et
sémantiques. Les dada ·stes et les surréalistes ont
éno rmément joué à mettre en relation des tableaux
et à créer ainsi toutes sortes de poésies visuelles. En
témoigne par exemple la
31
reconstitution d'un mur de l'atelier d'André Breton au
Centre Pompidou.Aujourd'hui, les conservateurs apportent un soin de plus en
plus sophistiqué pour accrocher les Ïuvres et les faire <<
dialoguerÈ entre elles. Les expositions au Grand Palais, oü tous
les paramètres de l'exposition semblent
ma»trisés, depuis la distance entre les Ïuvres, leur
éclairage, jusqu'à la couleur des murs sur lesquels elles sont
exposés, sont un exemple. Une des conséquences des
Installations proliferantes est ainsi de permettre l'étude
concrète des interactions entre les << Ïuvres È. La
question est alors de considérer comment la mise en présence de
plusieurs Ïuvres dans un méme lieu modifie l'appréciation de
leurs qualités plastiques et leurs interprétations. Lorsque nous
regardons plusieurs objets en méme temps, nous cherchons les points
communs et les différences. Il y plusieurs manières d'analyser ce
que l'on voit. Il est par exemple possible de compter les objets, de les
nommer, de les décrire. Si les objets sont figuratifs, la mise en
relation des choses
29 Brian O'Doherty, 1976, Inside the White Cube:
The Ideology of the Gallery Space, Letzigraben, Jrp/Ringier, Lectures
Maison Rouge, 2008, p. 40.
30 Ibid., p. 41.
31 L'atelier d'André Breton au Centre George
Pompidou est la reconstitution d'un mur de l'atelier d'André Breton
oü il travailla à partir de 1922. On y trouve entre autre LHOOQ,
Ïuvre de 1919 de Francis Picabia qui se moque de la Joconde au milieu de
tableaux de ses contemporains, de sculptures africaines, de cristaux,
coquillages et autres curiosités. Ce mur est une véritable
installation oü André Breton met en relation les formes, textures
et couleurs des éléments hétéroclites
exposés.
représentées peu t générer du
sens. Nicolas Bourriaud, dans son Esthétique relationnelle,
dira : << L'activité artistique, elle, s'efforce d'effectuer de
modestes branchements, d'ouvrir quelques passages obstrués, de mettre en
contact des niveaux de réalité tenus éloignés les
uns des autres. È32Le regardeur prend toute sa place
lorsqu'il s'agit de faire jouer des Ïuvres entre elles. Selon Marcel
Duchamp, << la signification d'une Ïuvre réside non pas dans
son origine, mais dans sa destination. Le spectateur doit na»tre aux
dépens du peintre. È Décrire la position relative des
Ïuvres dans un méme lieu est sensiblement différent de
simplement les appréhender ensemble. Un objet placé en hauteur ne
ressemble pas forcément au méme objet placé au ras du
sol.
Les tableaux rentrent en relation entre eux mais aussi avec le
mur et l'espace d'exposition. C'est cette relation entre les tableaux et le mur
que Claude Rutault met en évidence de manière radicale en 1974.
Ainsi lorsqu'il propose de <<peindre le tableau de la méme couleur
que le mur sur lequel il est accroché È33, il met
à égalité le mur et le tableau. Cet aspect du travail de
Rutault est fondamental pour mes installations murales. En effet, je
considère alors le mur dans sa totalité et à
égalité avec les Ïuvres. Les part ies du mur qui restent
visibles font partie de l'installation. Claude Rutault ne vend pas des
tableaux, il vend des tableaux << installés È selon une
<< définition/méthode È. Mes Installations
proliférantes sont des peintures et des sculptures
<<installées È, mais les règles de leur installation
ne sont pas aussi définies que celles de Rutault. Je me donne des
consignes et une direction d'ensemble et dans une certaine mesure chaque
Installation proliférante respecte une règle du jeu qui
lui est propre. Dans le cas par exemple de l'Installation
proliférante n°7, la consigne était: << Accrocher
les Ïuvres en biais par rapport au mur È.
La peinture classique était attachée à la
description du monde visible, à l'étude de la couleur, de la
géométrie, de la perspective et des différents effets
visuels (miroirs déformants, anamorphose). La peinture moderne fut un
lieu d'expérimentation des différentes manières de
peindre. Il était question d'avants gardes, de styles et d'investigation
du médium pictural. La peinture moderne débouche sur une prise de
conscience des caractéristiques fondamentales de la peinture : Surface,
recouvrement, rapports au mur, rapports à l'espace. La peinture
postmoderne admet la coexistence des
32 Nicolas Bourriaud, 1998, Esthétique
relationnelle, Dijon, Les Presses du Réel, Documents sur l'art,
2001, p. 8.
33 Définition méthode n°1, juin
1974, << Une toile tendue sur ch%ossis peinte de la môme couleur
que le mur sur lequel elle est accrochée. È
pratiques. Si l'on considère que les périodes
classiques et modernes ont épuisés les possibilités de
représentation et celles touchant à la nature de la peinture,
réunir ces deux approches, projet des Installations
proliférantes, n'est-ce pas ouvrir un nouveau champ
d'études?
Trois conceptions historiques de la peinture:
Peinture classique
|
Peinture moderne
|
Peinture postmoderne
|
Analyse des différentes manières de
représenter le réel
|
Analyse des différentes manières de peindre qui
débouche sur une analyse des caractéristiques
fondamentales de la peinture
|
Toutes les pratiques sont possibles si elles sont
assumées
|
|
|
|
Les tableaux sont percus de manière
indépendante.
|
Les tableaux sont percus les uns par rapport aux autres et dans
leurs rapports avec le mur et l'espace d'exposition.
|
Les tableaux sont percus en fonction de la scénographie
de l'exposition.
|
Parce qu'elles regroupent des Ïuvres exposées
d'une certaine manière, les Installations proliférantes
s'inscrivent dans l'histoire de l'exposition. Il semble donc pertinent de
donner ici quelques points de repères sur la manière dont les
oeuvres ont été exposées dans le passé, ceci dans
le but de mettre en perspective les Installations proliférantes
ainsi que pour leur ouvrir d'éventuels nouveaux horizons.
Si l'histoire de l'exposition dans les musées tel qu'on
les conna»t aujourd'hui est relativement à la fin 18 ème
récent e puisqu'elle appara»t seulement du
siècle, les Ïuvres
d'arts étaient auparavant montrées dans des
contextes variés. Dans l'antiquité et au Moyen-âge, les
Ïuvres d'art servaient de faire valoir aux cultes religieux et guerriers
et à ce titre se trouvaient principalement sur les lieux de cultes et de
commémorations. Les Ïuvres étaient exposées sur les
places publiques, dans les riches demeures (villas romaines, palais), dans les
temples, les églises, les châteaux, et parfois cachées et
sorties
lors des cérémonies. Certaines églises
avaient amassé de véritables << trésors >>,
des objets sculptés et incrustés de pierres, des reliques, des
peintures, des sculptures, des retables. L'art était toujours <<au
service de>> et par conséquent n'avait pas de lieu
consacré. Les Ïuvres d'art étaient admirées
entourées de toutes sortes d'objets, d'architectures, de
revétements muraux et parfois portées lors des processions. La
fin de la renaissance voit arriver en Italie puis dans le reste de l'Europe un
phénomène précurseur de l'exposition, celui des cabinets
de curiosité. Cette pratique désuète et longtemps presque
oubliée fait l'objet d'un fort regain d'intérêt depuis une
trentaine d'année, certainement parce qu'elle correspond à
l'esprit du temps, celui d'un gout certain pour l'éclectisme et les
associations de styles. Pour la première fois, les Ïuvres d'art
sont rassemblées dans un lieu spécialement dédié et
mises en rapports les unes avec les autres. La grande période des
cabinets de curiosités se situe entre 1550 et 1650, cependant cette
pratique à des antécédents et des échos 1
er
jusqu'à aujourd'hui. Jean de Berry, mécène
du début du
15ème siècle rassemblera une riche
collection de manuscrits et d'enluminures (il est le commanditaire des
Très Riches Heures du Duc de Berry). Le château d'Oiron a
reconstitué son cabinet de curiosité et invite des artistes
contemporains à y créer des Ïuvres en rapport avec ce
thème. Le Musée Chintreuil dans l'Ain propose une visite d'un
cabinet de curiosités divisé en naturalia,
artificialia, et complété par des antiquités et
des exotica. Miquel Barcelo vit dans son atelier parisien
entouré d'objets tels que des tétes et des crânes d'animaux
ou des poissons séchés. Mark Dion a créé en 2001
avec l'artiste britannique Robert Williams une installation intitulée
Theatrum mundi: armarium qui ressemble à un véritable
cabinet de curiosités.
Le cabinet de curiosités est une collection d'objets
rares, plus ou moins orienté vers tels ou tels types d'objets en
fonction des préoccupations du collectionneur. Les médecins et
les apothicaires, comme par exemple Ferrante Imperato à Naples sont
parmi les premiers collectionneurs de spécimens zoologiques et
botaniques qui leur servent pour leurs préparations médicales.
D'autres collectionneurs sont des aristocrates, des bourgeois, des princes, des
académiciens, des universitaires ou responsables d'institutions. A ce
titre, les objets rassemblés sont hétéroclites et l'on
peut trouver dans certaines demeures royales, de notables ou d'apothicaires,
mélangés à des Ïuvres d'arts parfois antiques (bustes
romains, statues), des objets de sciences naturelles (animaux empaillés,
insectes séchés, herbiers, coquillages) des instruments
scientifiques (mappemondes, lunettes astronomiques, horloges, compas), des
monnaies, des bijoux et
des livres. Le projet du cabinet de curiosité est le
reve utopique d'enfermer dans un meme lieu la totalité du savoir, des
productions de la nature, de l'art et de la science et de les ordonnancer, les
compartimenter et les classer. Cette volonté de concentration du savoir
trouvera une forme cristallisée dans les « cabinets d'arts »,
des mondes en miniatures, sortes de meubles regorgeant de curiosités et
incrustés de pierres peintes et de marqueteries. A Florence, Francois de
Médicis agence dans un dialogue subtil les tableaux et les bronzes avec
un décor de marbre et de bois peint autour du thème des quatre
éléments. Panneaux, armoires, cabinets, tiroirs et
étagères compartimentent, ordonnent et classent les objets,
créent un réseau de sens et de correspondances. « L'histoire
des cabinets de curiosités est celle d'une progressive fragmentation,
puis éclatement de l'espace dont chaque parcelle, de la table centrale
aux portes des placards, des appuis de fenetres aux plafonds, finit, dans un
souci d'unité interprétative et esthétique, par etre
codifiée, analogie et symétrie renforcant l'illusion.
»34 La réflexion sur l'espace d'exposition, le cadre,
les conditions d'encadrement et le socle trouve -t-elle ici une origine ?
La recherch e de continuité et de correspondances entre
les arts au sens large et la nature est un des objectifs des cabinets de
curiosités. La nature dans ses formes les plus originales rivalise avec
l'art dans ses manifestations les plus audacieuses. Cette intrication du
naturel et de l'artifice sera la source de création d'objets hybrides,
notamment de gros coquillages sertis dans des gangues de métal
sculpté. Des objets étranges seront fabriqués
spécialement pour les cabinets de curiosités comme par exemple
des polyèdres en ivoire imbriqués les uns dans les autres, formes
probablement inspirées des découvertes de Kepler. L'empereur
Rodolphe II est un important collectionneur qui fait travailler des artisans,
des peintres (Le Caravage, Arcimboldo) et des scientifiques (Tycho Brahe,
Johannes Kepler).
A partir du milieu du 17ème siècle,
les progrès de la science font que les objets sont séparés
et classés entre ceux issus de la nature, les naturalia que
l'on trouvera dorénavant dans les musées d'histoire naturelle, et
les produits de l'intelligence humaine, les artificialia visibles dans
les musées des Beaux-arts, d'arts et métiers et les
académies. Le Leverian Museum, musée zoologique
créé par Sir Ashton Lever à Londres en 1775 est un des
premiers véritables musées à entrée payante ouverts
au grand public.
34 Patrick Mauriès, Cabinets de
curiosites, Paris, Gallimard, 2002, p. 35.
Les surréalistes prendront le contre-pied de cette
séparation des genres et rassembleront des collections
hétéroclites dans un but poétique et artistique. Paul
Eluard et André Breton collectionnent des objets d'arts africains et
océaniens, des oeuvres surréalistes, des objets incongrus pour
créer des rapports formels. L'atelier d'André Breton
reconstitué au Centre George Pompidou est un entassement de petits
meubles contre un mur sur lesquels sont posé s les objets. Cet
accrochage avec son accumulation d'objets et les tableaux accrochés sur
la partie supérieure de mur a particulierement inspiré
l'Installation proliférante n°6. Passant du coq à
l'%one, Breton met par exemple en rapport le graphisme en courbe du tableau
« L-H-O-O-Q » de Francis Picabia et celui d'un bouclier tribal
placé à cTMté.
En 1936 s'est tenue dans la galerie Charles Ratton à
Paris une exposition surréaliste qui, reprenant la thématique
importante de l'imbrication art/nature, mettait en relation des objets
naturels, naturels interprétés, naturels incorporés,
objets perturbés, objets trouvés, objets trouvés
interprétés, objets américains et océaniens,
ready-made, objets mathématiques et objets surréalistes. Le
porte-bouteilles de Duchamp (l'egouttoir) ainsi que sa « cage
à sucres » (Why Not Sneeze ?) étaient
exposés au milieu d'une vitrine parmi des statuettes africaines et
sud-américaines, des sculptures en tige de métal et fils et
divers objets étranges. Ce dispositif de la vitrine amorce un processus
au terme duquel la bo»te, l'environnement et l'installation ont
définitivement pris le pas sur le cadre du tableau. La définition
que donne André Breton du surréalisme en 1935 est proche du
projet des cabinets de curiosités, proche de celui des Installations
proliferantes et peutetre dans une certaine mesure commun au concept meme
d'exposition : « la rencontre fortuite de deux réalités
distantes sur un plan non convenant ».35
Lorsqu'on me propose un lieu d'exposition, je
sélectionne dans mes divers ateliers les productions plastiques qui me
semblent les plus appropriées. Une fois sur place, la première
étape consiste à installer la palette, travail qui consiste
à ranger les éléments sélectionnés par
catégories, par styles et par formats. Ensuite, j'agis comme un peintre,
à la différence pres que les peintures et les pinceaux sont
remplacés par les productions plastiques et différents systemes
d'accrochage.
35 André Breton, 1935, Situation
surrealiste de l'objet, dans les Îuvres completes t.II,
Paris, Gallimard, La Pléiade, 1992, p. 492.
1. Juxtaposition, superposition : le regroupement des
oeuvres 1.a. Installation proliferante n°1
Fig. 33. Installation proliferante n°1,
2009, peintures, photographies, dessins, lithographie, monotype, herbier,
sculptures en argile, supports en bois, sable, environ 400 x 850
cm.
L'Installation proliférante n°1 est une
installation murale constituée dÕun assemblage dÕimages et
de sculptures posées sur des supports en bois. Les 80 images et les 5
sculptures sont réparties sur la totalité dÕun mur
dÕenviron 4 metres de haut et 8,5 metres de long. Le plus petit element
est un cadre dore de 15 x 15 cm et le plus grand element une huile sur toile de
101 x 101 cm. LÕinstallation existe aussi en épaisseur et
lÕon peut considérer que cette installation occupe un volume
dÕenviron 400 x 850 x 30 cm. En raison du grand nombre
dÕéléments constituant cette installation murale, il
serait fastidieux de donner les details sur chacun. Voici tout de même
quelques précisions. Les elements en deux dimensions sont à
ranger en deux categories. La premiere est constituée de 20 toiles qui
lorsquÕelles sont regroupées dÕune certaine manière
forment une peinture intitulée Peinture liquide n°1. La
deuxieme catégorie est un rassemblement de travaux en deux dimensions,
le plus ancien datant de 1991. Une grande diversité de techniques et
d'approches participe à la création de ces
éléments. Toutefois, chacun a été choisi pour sa
capacité à évoquer le concept de prolifération.
Trois sculptures ont été concues spécialement pour cette
installation, les deux autres proviennent d'un corpus accumulé lorsque
j'étais étudiant à l'Ecole Supérieur d'Arts et
Médias de Caen en 2002. Les socles en bois recouverts de sable sont
à considérer comme des éléments structurant le
mur.
L'intérêt de cette installation murale se trouve
dans son identité plastique originale, à murs 18 ème
entre
mi-chemin les de peintures du siècle et la
création
contemporaine. A la fois cabinet de curiosités -avec
par exemple la présence d'un herbier- et travail conceptuel, cette
installation murale est à examiner dans les rapports créés
entre des éléments de natures très différentes. Ici
la mise en situation d'une Ïuvre dans une autre est une occasion de
révéler chaque élément en ses composants.
Le critère de sélection pour qu'un travail
puisse faire partie de l'installation résidait dans la capacité
de cet élément à évoquer le concept de
prolifération. Qu'entend- j e par <<concept de
prolifération>> ? Un concept incluant une idée de
reproduction et d'accroissement. En physiologie, prolifération est un
terme désignant la multiplication des cellules par leur division.
Plusieurs mots sont synonymes ou incorporent un sens proche. C'est le cas de
termes tels que <<envahissement >>, <<foisonnement >>,
<< fourmillement >>, << grouillement >>. D'autres mots,
s'ils ne sont pas synonymes, sont porteurs de significations en lien avec le
terme étudié. Relevons entre autre <<accumulation >>,
<< addition >>, multiplication >>, <<division >>,
<<extension >>,
<<réplication >>, <<reproduction
>>, <<germination >>, << saturation >>, <<
expansion >>, <<destruction >>, << regroupement
>>, << entassement >>, << anéantissement
>>, << étouffement >>, <<assemblage >>,
<<clonage >>, << croissance >>, <<opulence
>>, << truculence >>, <<foule >>, << groupe
>>, et les verbes << abonder >> et << pulluler
>>.
J'ai choisi des éléments contenant une
idée de prolifération, en cherchant les différents
critères pour définir une photo, un dessin, une peinture, une
estampe comme étant <<proliférant >>. Le premier
critère qui vient à l'esprit est une répétition
d'un motif visuel qui envahit tout l'espace de l'image. Les aquarelles de Barry
Mc Gee en sont un exemple, avec leurs imbrications de losanges et autres
parallélogrammes colorés. Sa pièce intitulée
Untitled 27 est une accumulation de cadres de taille moyenne et tous
différents. A l'intérieur des cadres, Barry Mc Gee a placé
ses dessins et aquarelles. Il y a deux sortes d'images: Une trame ou dallage
coloré et des sortes de caricatures de têtes
humaines. Les installations murales d'Allan Mc Collum sont des
assemblages d'éléments en deux dimensions qui sont tous uniques
mais issus du méme processus de production. Au début des
années 80, il fabrique des Surrogates Paintings, (peintures
subrogées) qui sont des milliers de variations sur le theme d'un
monochrome noir, d'une Marie Louise et d'un encadrement. Les Plaster
Surrogates sont des répliques en plâtre des Surrogates
Paintings.
Fig. 34. Allan McCollum, Plaster
Surrogates,
1982/84, émail sur hydrostone, 40 panneaux de 12,8
x 10,2 à 51,3 x 41,1 cm. En tout 162,5 x 279,4 cm.
Fig. 35. Barry Mc Gee, Untitled 27, 2006,
dessins et aquarelles sur papier, 193 x 170,2 cm.
Pour lÕInstallation proliférante
n°1, jÕai utilise les 20 toiles de Peinture liquide
n°1 qui sont toutes issues du même processus de fabrication, et
sont des variantes du même motif visuel (les lignes verticales).
JÕai également retenu une photo qui montre des modules
identiques, semblables à une photo dÕatomes vus au microscope
electronique.
Fig. 36. Cloches, 2009, photo numerique d'une
photo argentique, multiple en plastre moule realise à partir d'un modele
en argile tournée, 10 x 15 cm.
Un second critere dÕéléments proliferants
correspond à des travaux Ç all over È, semblables à
ceux decrits ci-dessus mais sans la regularite des motifs. CÕest le cas
dÕune encre de chine sur carton de dimensions 82 x 58 cm, ou encore
dÕun monotype realise avec des aiguilles de sapins de dimensions 31 x 25
cm. LÕherbier pourrait presque faire partie de cette catégorie,
mais il presente une variete de plantes et fait plutTMt reference à la
proliferation de la vegetation. Le dessin de Jean-Jacques Rullier, Peux-tu
aider le termite ? 2005, est un exemple de ce type de travaux.
Fig. 37. Jean-Jacques Rullier, Peux-tu aider le
termite? 2005, crayon sur papier.
Fig. 38. Fourmiière, 2008, monotype, 31 x
25 cm.
Un troisième critère regroupe les travaux
oü l'on reconna»t une forme en étoile à partir d'un
point central. C'est le cas des photos de Noocactus mais
également d'une acrylique sur verre de dimension 70 x 50 cm
réalisée spécialement pour cette installation.
C'est aussi le cas des encres qui se diffusent dans le papier
humide. La photo ci-dessous d'un Cactus de Michel Francois est aussi
un exemple de ce genre de travaux.
Fig. 39. Etoile, acrylique, verre et isorel,
2009, 70 x 50 cm.
Fig. 40. Michel François, Cactus,
tirage
photographique 24 x 18 cm, 30 exemplaires
numérotés et signés par l'artiste avec le livre En
même temps, 1998.
Fig. 41. Hossein Zenderoudi, Vav+hwe,
acrylique sur toile, 200 x 200 cm.
Un quatrième critère d'éléments
proliférants fait appel au geste lâché qui évoque la
prolifération parce qu'il indique un mouvement rapide dans une
direction. Une acrylique sur toile de dimensions 81 x 54 est un exemple de ce
type d'images. Les Informes sont un exemple du cinquième
critère proliférant. En effet, ces peintures sur papier
fourmillent de mélanges et de couches de matières
colorées, et sont comme des éponges, des algues.
Au-delà de l'image elle-méme, j'ai voulu jouer
sur les rapports entre l'image et son cadre. Par exemple, j'ai mis une photo
violette dans un cadre en imitation croco marron, et le contraste donne un
effet ÇkitschÈ intéressant. J'ai posé ce cadre
derrière une petite sculpture. Cette sculpture rappelle dans sa forme un
chandelier ou un porte encens, si bien que l'ensemble du support avec du sable
sur lequel était posé le cadre et la sculpture fait penser
à l'hôtel d'un culte religieux.
Fig. 42. Detail de Installation
proliférante n1, cadre en faux croco, photo violette, petite
sculpture, sable, support en bois.
Certaines images de cette installation ont un c
aractère autobiographique. Le Chien leopard est une
lithographie réalisée à partir d'un croquis dans un
carnet. Cette image est une sorte d'autoportrait, la représentation d'un
trait de ma personnalité. Les pattes et le ventre de l'animal sont
disproportionnés, illustrant une prépondérance de l'action
et de l'instinct par rapport à la réflexion.
Fig. 43. Le Chien leopard, 2000, lithographie,
37 x 28 cm.
Au milieu du mur, j'ai accroché le portrait de ma
grand-mère. J'ai dessiné ma grand-mère pendant sa sieste,
et il était clair dans mon esprit que je réalisais une sorte de
portrait mortuaire, tant à ce moment ma grand-mère était
vieille et proche de la mort. Ce dessin constitue le centre de l'installation.
J'ai vécu six mois chez ma grand -mère, et j'ai été
frappé par sa manière de passer du coq à l'âne, de
parler de tout en méme temps. Dans ce sens je pense que l'on peut dire
que ma grand-mère avait un esprit proliférant.
Fig. 44. Ma Grand-Mere, 2006, crayon sur papier,
24 x 31 cm.
Fig. 45. Ma Grand-Mere en situation dans
l'Installation proliférante n°1.
Cinq sculptures étaient incluses dans l'installation,
parmi lesquelles trois ont été réalisées
spécialement. Je me suis inspiré des Hallucinatory heads
de Damien Hirst pour peindre des Noocactus de manière
Ç proliférante È.
Fig. 46. Noocactus proliférant n°1,
2009, Fig. 47. Noocactus proliférant n°3,
2009,
argile, peintures acryliques liquides, vernis, argile,
peintures acryliques liquides, vernis,
34 x 12 x 11 cm. 23 x 32 x 30 cm.
Fig. 48. Noocactus proliférant n°3,
2009, Fig. 49. Damien Hirst, Hallucinatory head, 2008,
argile, peintures acryliques liquides, vernis, peintures
sur cr%one en plastique,
29 x 22 x 19 cm. 210 x 140 x 140 cm.
1.b. Installation proliférante
n°4
Cette installation se situe dans la continuité de
l'Installation proliférante n°1, mais est nouvelle par les
aspects suivants: D'abord le choix de ne sélectionner que des
éléments de petites tailles et pas de sculpture. Puis celui
d'utiliser des peintures et des dessins que j'ai réalisés enfant,
les plus anciens datant de 1990. Ensuite, j'ai voulu profiter de l'occasion
pour inclure des éléments lumineux et sonores. Enfin, dans
l'intention de donner une structure visuelle à l'ensemble, j'ai
décidé de créer plusieurs sortes de monochromes noirs. Les
deux éléments les plus grands sont les papiers peints en jaune de
29,7 x 21 cm. Les quatre éléments les plus petits font 2 x 2 cm
et sont en bois peint en noir. Il y a trois sortes de monochromes noirs,
certains sont des toiles sur ch%ossis, d'autres des plaques de verre et ceux
qui sont plus petits et carrés sont en bois peint en noir.
Fig. 50. Installation proliférante
n°4, 2009, dessins, peintures, mini-radio, lecteurs MP3, lampes
à diodes, dimensions variables.
Trois lampes à diodes sont cachées dans les
éléments. L'une forme l'Ïil d'une sorte d'autoportrait, une
autre est dissimulée dans une petite peinture sur ch%ossis qui se trouve
éclairée de l'intérieur. En regardant de près les
monochromes noirs, on découvre
que l'un d'eux abrite la troisième lampe. Les
éléments sonores sont également trois: Un petit monochrome
blanc de dimensions 9 x 8 cm diffuse la station de radio France Inter.
Deux autres monochromes de méme dimensions, l'un blanc et l'autre noir
laissent échapper des airs d'opéras pour l'un et l'enregistrement
de mon trajet en métro pour l'autre. Les airs d'opéra et les
lieder sont ceux que je chante. J'ai voulu montrer la similitude visuelle entre
une enceinte de haut parleur et une toile sur ch%ossis.
Cette installation est fortement autobiographique. Les
peintures de mon enfance correspondent à des moments de
découverte, par exemple au jour oü pour la première fois
j'ai utilisé le pinceau comme un tampon à poils
ébouriffés pour déposer de la gouache presque sèche
sur le papier. L'arbre au bord de la rivière (détail n°1)
est réalisé avec cette technique toute simple qui dans mon esprit
enfantin était une vraie découverte. La photo du fÏtus
(détail n°2) correspond au début de la chronologie et les
miroirs à la fin c'est-à-dire à l'instant
présent.
Fig. 51. Détail n°1 de l'Installation
proliférante n°4. On y voit l'arbre au bord de la
rivière mais aussi les palmiers avec le soleil couchant et au milieu
une nature morte de fruits plus récente. Le
ème
personnage de droite est mon professeur de
théâtre encadré dans un cadre début 19 . En dessous
la petite peinture est éclairée de l'intérieur. En haut
à gauche se trouve le monochrome blanc qui diffuse les airs
d'opéra et en haut à droite celui qui diffuse l'enregistrement du
trajet en métro. Au dessus du soleil couchant se trouve un autoportrait
photographique partiellement effacé.
Fig. 52. Détail n°2 de l'Installation
proliférante n°4. On y voit la photo du fÏtus dont la
forme arrondie est reprise par les deux éléments du dessous (la
photo d'un Nooca ctus à gauche et un découpage à
droite). L'arbre en haut à gauche est réalisé avec la
même technique que l'arbre au bord de la rivière du détail
n°1. A droite de l'arbre se trouve la photo d'une jeune fille et en
dessous un miroir. A droite du papier jaune est accroché un dessin au
feutre qui est décalqué avec de l'alcool à
90°.
L'accrochage About Nothing de John Armleder regroupe
certains de ses dessins qu'il a conservés et encadrés dans toutes
sortes de cadres et de sous verres.
Fig. 53. John Armleder, 2006, About Nothing,
travail sur papier, 1962-2006.
Mladen Stilinovic met en évidence les clichés
visuels du communisme. Il affirme que le sujet de son travail est le langage de
la politique, ou plutôt son influence sur le langage la quotidienne.
36
de vie Entre 1984 et 2000, il rassemble environ quatre cents
peintures, photographies, objets, textes et collages et en
extrait trente-six pièces pour une installation murale qu'il appelle
The exploitation of the Dead. Des copies ou interprétations de
peintures suprématistes, constructivistes ou du réalisme
socialiste y côtoient des photographies de rituels collectifs, notamment
des manifestations politiques ou sportives. Stilinovic expose un vocabulaire
formel ayant perdu sa signification avec la fin du régime, il
dénonce la récupération de certains signes
(étoiles, croix, couleurs rouges, blanc, noir) par des idéologies
politiques, religieuses ou artistiques. Placés entre une photo de
Kasimir Malevitch sur son lit de mort et des plaques mortuaires vierges, des
copies de tableaux suprématistes, abstraits et réalistes
socialistes, des collages, des photos de réunions politiques, de
cimetières et autre mémoriaux hésitent entre les sens
qu'ils avaient auparavant et leur vacuité totale en tant que signes.
Avec son installation pour la documenta de Kassel n°12, Stilinovic
accroche ses éléments sur une sorte de maison en
préfabriqué dans laquelle il est possible de rentrer. Il met
réellement ses Ïuvres en situation dans et sur une autre
Ïuvre, la cabane en préfabriqué qui leur sert de support.
Les Ïuvres sont accrochées sur l'Ïuvre et y trouve leur
contexte. En effet cette fragile maison rappelle que le communisme a surtout
laissé des logements vides (comme c'est le cas en Allemagne de l'Est).
Les Ïuvres accrochées sont comme des trophées d'une
époque révolue, ayant perdu leur sens.
Fig. 54. Installation de Mladen Stilinovic à la
documenta de kassel n°12.
36 Mladen Stilinovic, catalogue de 12 ème
la documenta de Cassel, Op. cit., p. 122. Ç The
subject of my work
is the language of politics, or rather its reflection in the
language of everyday life.È
1.c. Installation proliférante
n°5
L'Installation proliférante n°5 regroupe
des photos, tableaux et dessins de ma collection personnelle. C'est un
écho à l'accrochage de Jean-Jacques Lebel à la Maison
Rouge. L'accrochage de Jean-Jacques Lebel est comparable à une
installation qui occupe tout l'espace du musée. Lebel considère
que les Ïuvres perdent leurs significations si elles sont
accrochées de manière neutre (si tant est que cela soit possible
!). Il crée donc des agencements entre des Ïuvres très
diverses de la collection commencée par son père et qu'il
continue aujourd'hui. Ma collection personnelle est dérisoire en
comparaison avec celle de Lebel (qui possède entre autre un magnifique
Arcimboldo mais aussi un Saura, un Michaux, un Picasso et bien d'autres!). Avec
Installation proliférante n°5, j'ai voulu jouer avec ce
côté dérisoire. J'en ai aussi profité pour me faire
prendre en photo en situation de montrer
les Ïuvres de ma collection. Reprenant le thème de
la croix présent dans l'installation de Lebel j'ai disposé les
Ïuvres de manière symétrique, de part et d'autre d'un saint
en prière qui occupe la position centrale. Beaucoup d'Ïuvres de ma
collection sont des photos. J'ai coincé les photos dans des trombones
que j'ai accrochés sur des petits clous. Au cours d'une interview avec
Peter Halley, Wolfgang Tillmans dit qu'il repère les différentes
formes de matérialités possibles des photographies pour les
mettre en relation les unes avec les autres. Il encadre certaines
photographies, en accroche certaines directement sur le mur (les impressions
jet d'encre par exemple) et pour d'autres il joue avec le critère
d'édition limité inhérent aux photographies d'artistes en
donnant à une page de magazine ou à une carte postale une
présence équivalente sur le mur. Il affirme ne jamais
épingler des photographies afin de ne pas percer leurs coins: Ç
[É] when you pin it, you pierce the corner È 37. Il
utilise donc un adhésif qui n'ab»me pas l'émulsion
photographique. Par contre il utilise des épingles en acier pour les
pages de magazines, car il est impossible d'enlever de l'adhésif sans
déchirer le papier.
37 Collectif, Wolfgang Tillmans, Phaidon,
2010, page 29.
Fig. 55. Installation proliférante
n°5, vue d'ensemble.
Avec sa série Thrift Store Paintings, Jim Shaw
fait croire qu'il expose des tableaux achetés dans des brocantes. En
réalité, il a peint lui-même les tableaux, en s'inspirant
toutefois du style de la peinture populaire américaine des
<<peintres du dimanche È. Il regroupe ses tableaux par themes,
comme par exemple celui des animaux. Bertrand Lavier collectionne les
Ïuvres des personnes dont le nom de famille est << Martin È.
Lors de l'exposition << Voilà È au Musée d'Art
Moderne de la Ville de Paris en 2000, il a présenté une
installation intitulée L'art des Martin (1900-2000), qui
regroupait des oeuvres dont le point commun était d'avoir pour auteur
des artistes nommés Martin.
Fig. 56. Jim Shaw, 2002, Paintings Found in an
O-ist Thrift Store Ð Animals, 11 peintures, taille
variable.
En 2007 à lÕoccasion dÕune exposition
intitulée La peinture fait des vagues, Claude Rutault a investi
l'ensemble des salles du Musée des Beaux-Arts de Brest. Il met en
dialogue une selection dÕÏuvres anciennes du musée et ses
propres tableaux. Son accrochage est comme toujours une réflexion sur la
maniere dÕaccrocher un tableau. En face dÕune peinture de Poussin
qui montre un peintre de face, il place un tableau cTMte ch%ossis, toile contre
le mur. Dans une des grandes salles du musée, il place les peintures de
part et dÕautre dÕune ligne dÕhorizon fictive.
Fig. 57. Claude Rutault, La peinture fait des
vagues, Musée des beaux-arts de Brest, 2007.
LÕappropriation dÕun objet ou dÕune
Ïuvre comme point de depart de la creation dÕune autre Ïuvre
est plus quÕune simple citation, parce quÕelle constitue vraiment
le motif de lÕÏuvre créée tandis que la citation
nÕintervient quÕen temps quÕélément
supplémentaire. Les formes dÕappropriations artistiques sont
multiples. Il peut sÕagir de lÕappropriation dÕun theme
comme par exemple le theme du déjeuner sur lÕherbe qui a
été repris maintes et maintes fois depuis son apparition au
19ème siècle (repris entre autre par Edouard Manet, Claude Monet,
Pablo Picasso et Alain Jacquet). LÕappropriation peut être
liée au détournement dÕimage ou dÕobjet. Les
artistes du Pop art utiliseront sans frein cette forme dÕappropriation.
Ainsi Roy Lichenstein ou Claes Oldenburg agrandissent
démesurément des objets du quotidien tels que bandes
dessinées ou ustensiles de cuisine, Andy Warhol détourne des
images de journaux pour les sérigraphier sur des fonds peints de
couleurs acryliques vives. Il est possible de sÕapproprier une
idée, une technique ou un principe de creation dÕune Ïuvre.
Dans le cas de la reproduction dÕune oeuvre à lÕidentique,
lÕappropriation peut devenir falsification. Une forme
dÕappropriation se situe
entre l'appropriation totale et la
réinterprétation, c'est celle permise par la photographie et mise
en évidence par Sherrie Levine lorsqu'elle rephotographie des
photographies de Walker Evans.
La forme d'appropriation qui nous intéresse ici est
peut être la plus extrême, celle qui consiste à utiliser
directement une Ïuvre ou un objet pour la mettre en situation dans la
sienne. C'est ce que fait Braco Dimitrijevic lorsqu'il installe le tableau
La mort de Marat dans une baignoire38. Bertrand Lavier
adopte aussi ce type d'approche lorsque, dans la continuation du travail de
Marcel Duchamp sur les ÇReady Made È, il désigne un objet
comme Ïuvre d'art. Cette forme d'appropriation peut aller jusqu'à
la destruction de l'Ïuvre utilisée.
Une troisième forme d'appropriation consiste à
modifier voire à détruire l'Ïuvre que l'on s'approprie.
C'est ce que fait Robert Rauschenberg lorsqu'il efface un dessin de De Kooning
en 1953, ou Bertrand Lavier lorsqu'il repeint une peinture de Morellet.
38 Installation créée pour l'exposition
«Vis-à-vis» au musée des Beaux-arts de Reims, 1987.
1.d. Installation proliférante
n°7
Fig. 58. Installation proliférante
n°7, 2010, Ïuvres d'art sur mur, environ 5 x 7 x 9 m. (photo:
Ghislaine Périchet)
-Le projet et sa réalisation concrète
J'ai créé cette installation pour la Galerie
Michel Journiac à Paris. Le mur que l'on m'a proposé d'investir
faisait environ cinq mètres de haut et sept mètres de long. Le
premier projet d'installation était de construire une structure en
tasseaux de bois perpendiculaires décollés du mur d'environ 10
cm. Ce réseau permettait d'accrocher les Ïuvres sur deux niveaux,
celui du mur et celui des tasseaux de bois. L'intérêt était
que les Ïuvres puissent se recouvrir partiellement et sans se toucher. La
structure aurait également servi de support aux sculptures. Ce projet
d'installation relativement ambitieux nécessite un minimum de huit jours
de travail sur le lieu d'installation. Du fait que je n'avais que trois jours
à consacrer à l'installation pour la galerie Journiac mais aussi
parce qu'une autre idée d'installation naissait dans mon esprit, j'ai
décidé de remettre ce projet à une prochaine occasion.
J'ai donc créé une installation en accrochant les Ïuvres en
diagonale, c'est-à-dire penchées vers l'avant, le bas touchant le
mur et le haut étant retenu par un fil de nylon transparent. J'ai
inventé un système d'accrochage triangulaire, avec deux points
d'attaches sur les Ïuvres et un point d'attache sur le mur. Ce
système permet éventuellement de créer des supports muraux
pour des sculptures, en ajoutant une Ïuvre rigide (photo sous verre par
exemple) posée à l'horizontale sur la première.
L'idée était d'accrocher les Ïuvres des plus grandes aux
plus petites en dégradé du haut jusqu'en bas du mur et d'y
intercaler des sculptures. La première étape de la
réalisation consistait à choisir et à acheminer les
Ïuvres depuis mon atelier jusqu'à la galerie. Les plus grands
formats ne devaient pas dépasser 80 x 80 cm. J'ai
privilégié la sélection d'Ïuvres en rapport avec
l'idée de diagonale, de ciel, de falaise, de coulures, d'arbres. Une
fois les Ïuvres posées dans la galerie, je les ai
équipées de leur système d'accrochage en fil transparent
et rangées par tailles. En raison d'un manque de temps, mais aussi afin
de ne pas trop gêner l'Ïuvre d'une autre exposante sur le mur
d'à côté, j'ai décidé d'abandonner le projet
d'accrochage Çall overÈ et d'accrocher les Ïuvres en
pyramide inversée, la base se trouvant au plafond et le sommet à
environ un mètre cinquante du sol. J'ai commencé l'accrochage en
haut du mur avec les plus grandes Ïuvres et en descendant au fur et
à mesure. J'ai installé un support au niveau du sommet sur lequel
j'ai posé une sculpture.
-Le choix des Ïuvres sélectionnées
Cette installation est constitué e de cinquante et une
Ïuvres. J'ai créé toutes les Ïuvres à
l'exception de trois, deux autoportraits d'un certain M. Renouart et un vieux
dessin d'une jeune bergère. Trente et une Ïuvres sont des
peintures, dont seize datent de 2010, trois de 2009, cinq de 2008, une de 2000
et deux de 1992. L'installation intègre dix photos, dont quatre datent
de 2010, deux de 2009, une de 2008, trois de 2007. Une gravure et un monotype
ont été créés en 2008, et deux
éléments lumineux et sonores en 2009. Deux éléments
sont des toiles rouges non peintes tendues sur ch%ossis, l'une en velours et
l'autre en tissu synthétique. Un dessin au fil à coudre sur une
toile tendue sur ch%ossis avait été créé pour
l'Installation proliférante n°1.
-Quelques exemples d'Ïuvres constituant l'Installation
proliférante n°7.
L'Ïuvre centrale de cette installation est un
Noocactus en argile résiné marron d'environ trente
centimètres de haut. Cette sculpture est posée sur un support
constitué de deux autres Ïuvres, des photos encadrées de
dimensions 24 x 18 cm, une accrochée à l'horizontale et l'autre
à quarante cinq degrés. La photographie horizontale est un tirage
jet d'encre d'une photo prise avec un téléphone portable du ciel
bleu lors d'une visite à la Documenta de Kassel en 2007. Cette photo est
encadrée dans un cadre bleu ciel en bois peint. Le Noocactus
est donc posé sur une photo de ciel, elle- même posée
sur un autoportrait en noir et blanc. Cette seconde photo me montre regardant
vers le ciel, la tête penchée en arrière.
Au dessus de la sculpture se trouve une autre photographie du
ciel de la Documenta de Kassel, encadrée dans un cadre doré
ancien de dimensions 30 x 42 cm. Cette photo est une référence
à Yves Klein, à la fois monochrome bleu et
fragment de ciel prélevé et signé. Le
doréest une des trois couleurs auquel Yves
Klein accordait une valeur spirituelle. Placée au
dessus du petit autel formé par la sculpture posée sur son
support photographique, cette photo placée à la hauteur des yeux
renforce, esthétise l'installation et lui donne un caractère plus
solennel.
A côté du ciel bleu se trouve dans la logique de
Klein un ciel rose. La dominante rose de cette photo est l'effet d'un tirage
sur une imprimante jet d'encre défectueuse. Ce ciel nous ramène
sur terre par l'intermédiaire d'un geste consistant à empiler des
galets. Ce geste est repris par une minuscule silhouette qui se détache
sur la mer. Ici le thème de la sculpture est associé à
celui du corps humain, car il semble que le geste de la personne qui
dépose un galet sur un autre influence la posture de la silhouette de
droite. Cette photo est encadrée dans un cadre en métal
doré de dimension 24 x 18. Ce cadre fabriqué au Danemark il y a
environ cinquante ans a la particularité de contenir
un verre bombé, courbure qui rappelle celle des galets
du premier plan.
Parmi les autres Ïuvres constitutives de l'installation,
signalons une peinture de chevalet réalisée sur motif et en plein
air en 2008. Il s'agit d'une branche de pommier peinte à l'acrylique.
L'année suivante, j'ai posé cette peinture dans la branche du
même pommier et je l'ai photographiée. La peinture figurative est
une manière de prélever des fragments de réalité
pour les extraire de leur contexte spatio-temporel. Ce travail était une
manière de remettre la pei nture dans son contexte.
L'idée de la mimésis, du vrai et du faux est
présente à travers la juxtaposition de deux autres Ïuvres,
une photo et une peinture. La photo de dimensions 30 x 40 cm montre un fragment
de ce que je considère être des Peintures liquides
naturelles. Il s'agit de coulures de terre argileuse et ferreuse sur la
paroi des grandes falaises de la côte d'albâtre en Normandie. En
juxtaposant une peinture qui présente des coulures du côté
de la photo, je souhaite établir un
rapprochement entre les coulures naturelles de la falaise et
celles de mes peintures.
Plusieurs peintures récentes
présentent dans l'installation furent
créées par un procédé singulier, sur des toiles
à
motifs achetées sur le marché et montées
sur des ch%ossis en bois. J'ai en effet joué sur la répulsion
entre l'eau et l'huile. J'ai versé de la peinture à l'huile
liquide sur la toile, puis je l'ai aspergée avec un tuyau d'arrosage
muni d'une pomme de douche.
Deux éléments de l'installation sont lumineux
pour l'un et sonore pour l'autre. Ces éléments ont l'aspect de
minuscules peintures (10 x 10 cm). L'une est éclairée de
l'intérieur par une lampe à diode, l'autre renferme une radio
miniaturisée. Dans les deux cas, la faible intensité de la
lumière et du son émis a pour but de créer une
ambigu ·té. Il ne s'agit pas d'attirer trop l'attention mais
seulement de suggérer la possibilité d'une installation Ç
son et lumière È.
Parmi les grandes peintures du haut de l'installation,
signalons celle qui fait écho au travail de Jackson Pollock sans
toutefois reproduire à l'identique sa manière de procéder.
Ici en plus des Peintures liquides, des pigments en poudre sont
utilisés pour saupoudrer la surface de la toile. De plus, à la
différence de Pollock, cette toile est tendue sur son ch%ossis avant
d'être peinte. Cette peinture a été réalisée
en plain air et à l'horizontal. Lors d'une séance de travail, ce
que je cherche c'est d'atteindre le sentiment esthétique. J'incline ma
toile pour y verser des nappes de couleurs, puis je la pose par
terre et envisageant sa surface comme une totalité, je
trace des lignes et des effets de projections avec un pot de peinture
percé dans ma main droite. Mes gestes sont rapides. Ainsi
j'établis une structure vibrante sur la totalité de la surface de
la toile. Ensuite je pince du pigment en poudre que je fais glisser entre mes
doigts pour former des voies lactées et des étoiles
célestes. Mon action est semblable à un rite chamanique de
spiritualisation de la surface, au cours duquel j'essaie d'établir une
harmonie la plus complète possible. C'est une quête qui se termine
lorsque la toile prend son autonomie. Dans les années 50, le critique
d'art Clément Greenberg défend l'idée, à propos de
l'action painting, que la toile est une << arène È, que ce
qui compte est l'action qui a lieu le temps de son exécution plus que
l'image qui en résulte, et qu'il voit dans cette action l'occasion pour
le peintre d'une <<création de soi È. Nicolas Bourriaud
décrit cette manière de peindre: << Ainsi chaque toile de
Jackson Pollock lie-t-elle si étroitement la coulée de peinture
à un comportement d'artiste, que celle-ci appara»t comme l'image de
celui- là È.39
39 Nicolas Bourriaud, Esthétique relationnelle,
Op. cit., p. 43.
|
En haut du mur, une structure métallique
accrochée au plafond venait perturber l'accrochage. Accrocher les
Ïuvres en dessous sans en tenir compte ne faisait que mettre en valeur
cette structure. Il a donc fallu jouer de cette contrainte en faisant en sorte
d'intégrer la structure dans l'installation. Un exemple est donné
par la dernière illustration de la série oü l'on voit
comment la structure et les prises électriques qu'elle supporte sont
intégrées dans l'installation, notamment en placant les toiles
derrière et en utilisant une toile qui reprenne le mouvement des prises
électriques.
|
Fig. 59. Douze photos de details de
l'Installation proliférante n°7 et
de la creation d'une Ïuvre.
J'ai intitulé l'Installation proliférante
n°7, Ç La Réalité en Face È, dans le but
d'ouvrir cette installation à d'éventuelles
interprétations et questionnements. Existe-t-il des rappor ts entre la
frontalité d'une image et sa mission d'objectivité de la
représentation du monde ? Que dire de l'image horizontale, est -elle
plus subjective? La peinture classique est-elle en ce sens une peinture
verticale ? Quels liens établir entre l'image frontale et la
représentation, l'image horizontale et l'abstraction ? Les peintures
abstraites et/ou mystiques sont -elles horizontales (Jackson Pollock, Olivier
Debré, Pierre Soulage), parce qu'elles se donnent pour but d'exprimer
l'intériorité de l'artiste ou en raison de leurs techniques de
création? Que dire alors de l'image accrochée en diagonale?
2. Grouillement, saturation : l'entassement des oeuvres
2.a. Installation proliferante n°2
Installation proliférante n2 est une sorte de
cabane résult ant de l'assemblage de cinq Peintures fonds de
dimensions identiques, c'est-à-dire 130 x 97 cm chacune. Les
Peintures fonds sont des peintures sur toile que j'ai
créées au cours des deux derniéres années.
L'installation prend la forme d'un parallélépipéde
rectangle de dimensions 132,5 x 130 x 97 cm. Cette installation est à la
fois un travail minimal par la simplicité de l'assemblage et un travail
proliférant par l'aspect des peintures. Cette installation, regroupement
de peintures présentées dans une piece blanche, rectangulaire et
éclairée par une verriére à 4,5 metres de haut est
une réponse possible au probléme de l'accrochage dans un «
White Cube ».40 Au lieu d'être accrochées sur le
mur, les toiles lui font face dans une sorte de retournement de l'accrochage
habituel. Ainsi, lorsqu'un visiteur regarde une des peintures, il tourne le dos
au mur sur lequel elle aurait pu être installée.
Un des autres aspects importants au sujet de cette
installation concerne le jeu entre stabilité et instabilité. Bien
que ce travail ne s'inscrive pas dans la même démarche que les
travaux de Richard Serra, il partage avec ceux-ci cette problématique de
l'objet posé en équilibre, de l'oeuvre qui se dresse. Le visiteur
est confronté à une surface posée sur sa tranche, ce qui
crée un sentiment de tension et d'arrêt du temps.
Cette installation joue aussi avec certaines des
problématiques soulevées par Daniel Buren avec ses cabanes
éclatées. Buren construit des « cabanes » à
l'intérieur d'un espace d'exposition. Normalement l'on construit des
murs pour y accrocher des oeuvres, mais les murs construits par Buren pour ses
cabanes puis à grande échelle en 2002 dans l'exposition Le
musée qui nÕexistait pas au Centre George Pompidou sont en
eux -mêmes des oeuvres. L'Installation proliférante
n°2 joue avec cette idée puisque ici les murs sont
fabriqués avec des oeuvres. Ce ne sont donc pas les murs qui
acquiérent le statut d'oeuvre, mais les oeuvres qui acquiérent le
statut de mur. Cette position des oeuvres lui conféran t un statut
d'objet en trois dimensions est renforcée par le fait que les tranches
des
40 En 1976, la revue Artforum publie un article de
Brian O'Doherty intitulé Inside the White Cube: The Ideology of the
Gallery Space. L'expression « White Cube » est restée
pour désigner l'espace d'exposition contemporain.
peintures, exception faite de celle qui est posée
horizontalement sont peintes. Au cours d'une interview avec Claude Rutault,
Patrick Guillon lui pose la question suivante :
_ Ç Comment ça marche par rapport à la
surface le fait que la tranche de tes ch%ossis soit peinte? È
_ Ç Ca souligne, situ veux, le fait qu'une toile, c'est
toujours un volume. Effectivement, c'est le problème que des gens comme
Johns se sont posés. C'est prendre en compte la totalité de la
surface, tranche comprise, sans privilégier l'une ou l'autre »41
41 Interview de Claude Rutault par Jean-Claude Bouix
et Patrick Guillon à Paris en avril 1978 transcrite dans le
mémoire de ma»trise de Patrick Guillon intitulé Le
travail de Claude Rutault et le contexte artistique, écrit pour
l'U.E.R d'arts plastiques de l'Université Paris 1 er en 1978
-1979, sous la direction de Bernard Teyssèdre.
Fig. 60. Installation proliferante n°2,
2009, technique mixte sur toile, 132,5 x 130 x 97 cm.
3. Déplacement, autonomie : la circulation des
oeuvres 3.a. Contexte
Page 214 de son essai sur l'art contextuel, Paul Ardenne
explique: Ç L'%oge médiéval, hanté par le salut,
engendra une création plastique de nature métaphysique; la
Renaissance, habitée par la question de la place de l'ho mme dans
l'univers, un art de la perspective; la modernité, obsédée
par la liberté, un art porté à s'affranchir de toutes les
règles. L'ère libérale, plus que toute autre, inaugure un
temps esthétique durant lequel l'art se fait mise en scène, ou
répétition formelle de l'économie
réelle.>>
Mes Installations proliferantes peuvent être
considérées comme Çun système parmi d'autres de
compréhension et de reproduction symbolique du monde
>>42. Les éléments qui circulent sur les
structures sont une éventuelle métaphore de la circulation et du
mélange des différentes cultures mais aussi de la libre
circulation des biens et des services.
42 Hans Belting, L'histoire de l'art est-elle
finie? Op. cit., p. 13.
3.b. Installation proliférante
n°6
Fig. 61. Installation proliférante
n°6, premier état.
Cet accrochage est une première tentative d'utilisation
de structures servant de support aux éléments accrochés.
J'ai concu cinq structures en tasseaux de bois peint en noir. Ces constructions
démontables ont un double objectif: le premier intérét
consiste à étendre l'accrochage des éléments et des
sculptures dans des volumes en trois dimensions. L'autre but poursuivi
réside dans la forme des structures, leur position (accrochage) sur le
mur, et leur couleur (noire), c'est-à-dire une fonction structurante de
l'espace mural. A plus long terme, l'expérience de la mise en place de
structures est fondamentale pour mon travail car j'envisage de créer des
installations oü les éléments seraient mobiles, et de telles
structures sont donc le premier pas vers la mise en Ïuvre de mes futures
installations.
L'accrochage réside en deux étapes. Dans un
premier temps, il s'agit de répartir les structures sur le mur. Ensuite,
les éléments sont posés et accrochés sur les
structures. Il est question d'expérimenter plusieurs solutions. La plus
simple consistait à poser les
structures par terre le long du mur. Cette solution a
été réalisée et un accrochage sur cette
configuration a partiellement été mené. D'autres
étudiants m'ont aidé à disposer les éléments
sur les structures et sur le mur. J'ai pu constater que ce type d'installation
est propice à une participation relativement facile consistant à
choisir un élément et à le mettre en place parmi les
autres. Cette première solution n'a pas été menée
à son terme car rapidement des limites insurmontables sont apparues:
Comment obtenir l'effet Ç peinture all overÈ recherché,
c'est -à-dire une prise en compte équivalente de tout le mur
d'accrochage alors que les structures restaient clouées au sol? Il
fallait donc trouver un autre positionnement des structures.
Fig. 62. Installation proliférante
n°6, deuxième état.
La seconde solution est une tentative de déconstruction
et d'introduction de l'oblique parmi les structures. La totalité du mur
est mieux prise en compte. Cependant, le problème d'une trop grande
lourdeur dans la partie basse du mur demeure. Appara»t aussi une seconde
question, celle de la place du renfoncement dans la partie supérieure du
mur. Comment intégrer ce renfoncement à l'installation? Mettre
une Ïuvre en situation, n'est-ce pas la relier au site de son exposition ?
L'oblique n'appara»t pas comme une
configuration favorable aux structures. Le but de
départ de celles-ci était d'apporter des horizontales et des
verticales dans une référence à Piet Mondrian. (Rappelons
que Mondrian accordait beaucoup d'importance à l'accrochage de ses
peintures sur le mur, comme en témoigne les photographies de son dernier
atelier à New York.)
A ce stade, il est apparu que le premier défi
consistait à intégrer le renfoncement du mur (porte d'acces aux
machineries de l'ascenseur). Nous avons donc disposé une structure
à l'intérieur du renfoncement de maniere à ce qu'elle
dépasse d'environ 35 cm. De cette maniere, le renfoncement trouvait une
fonction de support et devenait par conséquent partie intégrante
de l'installation finale. Il s'agissait ensuite de faire contrepoint à
cette action. L'adjonction d'un second module dont la ligne basse serait
à la hauteur du bas du renfoncement permettait d'établir des
relations cette fois entre le renfoncement et le reste du mur.
L'expérience n'a pas été mené e plus loin mais doit
constituer le schéma de départ .
L'installation Structure-Peinture peut être
perçue comme une métaphore de la vie conçue comme un
équilibre instable entre un élan créateur
proliférant et une structure plus ou moins permanente et
réguliere. Cette installation inclu t également le theme du
cabinet de curiosité, car les structures font penser à des
meubles ou à des étagères. Enfin le theme de la structure
est une lointaine référence à Tatline et au
constructivisme. Mettre en coexistence et effectuer la synthese entre deux
grande tendances du 20eme siècle : la quête de la simplification,
de la pureté géométrique abstraite avec le
suprématisme, Mondrian et le Corbusier en architecture, tendances
finales de la rigueur classique et du rationalisme et d'autre part
l'expressionnisme, la peinture gestuelle, l'art brut, le relativisme culturel
et l'ere postmoderne.
En 1963, Joseph Beuys expose 282 oeuvres dans une
étable d'environ 115 m2. Dans son article sur cette
exposition, Hans van der Grinten écrit : « L'intégration du
grand nombre de pieces à exposer dans le volume existant resta
problématique aussi longtemps que l'on chercha à préserver
des regroupements et des agencements traditionnels. Beuys transgressa ce
principe en accrochant impulsivement des cadres et des boites aux clous qui se
présentaient, de même qu'il plaça certains travaux dans des
niches existantes, sur des saillies du mur ou des planches disponibles.
»43
43 Collectif, 1991, L'art de l'exposition, une
documentation sur trente expositions exemplaires du 20eme siècle,
Paris, Regard, 1998, p. 307.
Fig. 63. Installation proliférante
n°6, troisième état.
Pierre Soulage utilise le terme outrenoir pour
désigner une couleur ayant des conséquences particulières
sur l'appréciation de la peinture. L'idée d'une telle couleur est
qu'elle reflète la lumière différemment suivant le point
d'observation. Cela est du au fait que Soulage utilise une peinture très
épaisse (pâte) et que, finalement, sa peinture intègre la
troisième dimension. Notons au passage qu'à la méme
époque cet artiste concoit des polyptiques Outrenoir et qu'il
les installe dans l'espace non plus contre le mur, mais suspendus à des
câbles, accrochés au plafond et vissés au sol.
J'appellerais ces Ïuvres de Soulage des Peintures installées
. De plus, en raison des reflets changeant suivant le point d'observation,
Soulage considère que dans ses Ïuvres l'espace pictural ne se situe
plus à la surface du tableau, mais tout autour. La peinture se
crée au fur et à mesure et selon le point d'observation.
Walter Benjamin a établi une relation entre le lieu de
l'Ïuvre et ce qu'il appelle son aura. Selon lui, à l'heure de la
reproductibilité technique de l'image, l'Ïuvre devient accessible
en toute heure et en tout lieu. L'installation d'Ïuvres établit une
rupture avec cette situation. Ainsi, une installation d'Ïuvre s n'est pas
reproductible en deux dimensions. L'installation d'Ïuvres n'existe qu'au
moment oü le visiteur la regarde. De
plus, mes installations ne restent pour l'instant en place que
le temps de leur exposition. Elles ne sont pas reproductibles à
l'identique dans un autre lieu, puisque je travaille sur place. Ç Un
travail prenant en considération le lieu dans lequel il se montre/
s'expose ne pourra être transporté autre part et devra fin de
l'exposition.È 44
dispara»tr e à la Ces
raisons me poussent à affirmer que mes Installations
proliferantes peuvent être percues comme une tentative de
restauration de l'aura telle que décrite par Benjamin.
Accrocher des images sur un mur pour les mettre en relation
amène à se poser la question des différents types d'images
que l'on peut utiliser. Je réfléchis à établir des
catégories en vue d'une future installation. De plus, en sus de la
nature des images, la question de leur action sur le regardeur se pose. -Quels
sont les différents types d'action des images 45
images sur les spectateurs? Le livre La performance des
paru en 2010 établit
quatre types d'actions: l'efficacité (remplir la
fonction prévue), l'agentivité (image comme agent social, pseudo
être vivant), la performativité (comment agit une image) et la
puissance (résultat optimal pouvant être attendu). Outre sa
potentialité sémantique, l'image peut être source d'un
plaisir désintéressé, peut témoigner de la
puissance créatrice de l'artiste, peut transmettre des
énoncés, émouvoir, faire acheter, faire croire, faire
rire, faire peur, faire pleurer, faire chanter, faire donner, tromper, choquer,
plaire, convaincre, divertir, susciter l'adoration, le fétichisme, la
commémoration, être un noeud social. A un type d'image correspond
une fonction spécifique. L'image publicitaire fait acheter, l'image
religieuse fait prier, l'image scientifique donne à penser, l'image
drôle fait rire, l'image esthétique sensualise la vision et
stimule l'inconscient.
Il est donc possible de répertorier des productions
visuelles et de les accrocher ensemble. Quel est l'intérêt
spécifique de les accrocher sur une structure? Quels sont les rapports
plastiques et formels entre les images et la structure sur laquelle elles sont
accrochées ? Comment interpréter l'installation
structure/peinture dans le cadre d'une analyse métaphorique d'ordre
naturelle, sociologique, politique, chrétienne? Comme système de
Ç compréhension et de reproduction symbolique du
mondeÈ?
44 Daniel Buren, Les Ecrits (1965-1990),
Bordeaux, capcMusée d'art contemporain, 1991, t.1, p. 428.
45 Collectif, La performance des images,
Bruxelles, Ed. Alain Dierkens, Gil Bartholeyns, Thomas Golsenne, Coll.
Problèmes d'histoire des religions, 2010.
4. Altération : oser repeindre les Ïuvres
installées ?
Les Installations proliférantes peuvent
êtres altérées, c'est-à-dire repeintes une fois leur
mise en place. Dans ce cas les Ïuvres sont donc différentes
après l'installation, lorsque je les range.
4.a. Installation proliférante
n°3
L'Installation proliférante n°3 mesure
163 cm de haut et occupe une surface au sol de l'ordre de 135 x 100 cm. Elle
est constituée d'une table, de morceaux d'argile, de plâtre, de
ciment, de cire, de pâte à sel, de filasse, de tissu et de
peinture. A l'instar de l'installation murale formée d'un agrégat
d'images, cette installation est un agrégat de sculptures. J'ai
utilisé en particulier des petites Cloches en plâtre
créées aux Beaux-arts en 2002, une sculpture en argile, filasse
et ciment façonnée en 2008 et un Noocactus en pâte
à sel modelé pour l'occasion. Des éléments en
argile en forme de doigts ont également été
utilisés et j'ai ajouté à ces sculptur es des morceaux
d'argile, de cire et de tissu. Le fait de rassembler des objets pour
créer une installation rappelle l'approche de Tony Cragg mais ici la
particularité est que j'utilise des objets qui sont mes propres
sculptures. Une fois l'assemblage mis en place, je suis passé à
une deuxième étape consistant à verser de la Peinture
liquide sur l'ensemble de l'installation. Ce geste, outre son
intérêt plastique est une sorte de rituel de sacralisati on de
l'Ïuvre. Les coulures renforcent l'unité de l'assemblage et lui
donnent une structure. L'installation devient une sorte d'autel religieux,
à la fois architectural, géologique et organique. Les
installations altérantes peuvent-elles être perçues comme
une illustration de la phrase d'Yves Michaux Ç ça
dégouline d'art sous toutes les formes possibles È ?46
46 Yves Michaux, L'art à l'état gazeux,
Op. cit., p. 104.
Fig. 64. Installation proliférante
n°3, 2009, plâtre, argile, cire, tissu, filasse, peinture, 163
x 135 x 100 cm.
Fig. 65. Installation proliférante
n°3, details. (photographie de droite : Chang Chungliang)
4.b. Installations murales vs. installations
centrales
En 2001, je travaillais par accumulations et par entassements.
Je travaillais alors en deux temps. Le premier était une accumulation de
morceaux de bois, de papiers et de toiles sur le mur. Je peignais alors
lÕensemble, parfois en versant directement la peinture. Puis je
déplaçais ces éléments pour les poser sur une table
et constituer une sorte de tas. Lors de chaque étape, je versais de la
peinture sur les éléments.
Fig. 66. Accumulation en tas et contre un mur,
Ecole Superieure d'Arts et Medias de Caen, 2001, bois, toile, peinture, environ
250 x 200 cm.
Dans tous les cas, y compris dans celui des Installations
alterantes, lorsque je demonte une installation je regroupe les elements
par categories et les conserve en vue dÕune prochaine installation. Un
meme element, altere ou non, peut servir à plusieurs installations
differentes. Les elements ont leur vie propre et ne sont que de passage dans
les installations. Cette maniere de faire est comparable à celle de
Sarah Sze qui agence des petits objets de la vie quotidienne pour elaborer in
situ des sculptures ephemeres. Lorsque lÕexposition est finie, Sarah Sze
separe les objets qui serviront à monter une autre sculpture dans un
autre lieu. Ce mouvement de rassemblement des objets chez Sze ou
dÕÏuvres dans le cas des Installations proliférantes
est à mes yeux une metaphore des regroupements dÕindividus
humains, ensembles dans la realisation du grand dessein de la societe et isoles
lorsquÕil sÕagit de perfectionner leur interiorite.
Daniel Buren considere que : Ç Le lieu [É] oil
est vue une Ïuvre en est le cadre È.47 Les Ïuvres
in situ sont plus que les autres inscrites dans le cadre du lieu, car dans une
certaine mesure et parfois totalement de telles Ïuvres dependent de leur
lieu de creation. Si lÕon pousse la métaphore sociale, le lieu
concerne le domaine des limites physiques du monde, et lÕÏuvre in
situ cherche à en tirer partie, tout comme les sociétés
humaines sÕaccommodent de leur cadre de vie (configuration
géographique du pays, climat).
47 Daniel Buren, « Mise en garde È,
dans Konzeption/Conception, Leverkusen, Stdtisches Museum, 1969 ;
cf. Les Ecrits (1965-1990), Bordeaux, capc Musee d'art contemporain,
1991, t.1, p.95.
CONCLUSION
Ç Le rTMle de lÕart dans notre propre
société, au moins sous ses manifestations traditionnelles, est
aussi incertain que son cours futur est imprevisible. Nous ne marchons plus de
lÕavant le long du chemin etroit dÕune histoire à sens
unique. Nous jouissons au contraire dÕune sorte de repit
momentané qui nous permet de reconsiderer les divers statuts et
justifications de lÕart, à la fois dans le passé et
à lÕere du modernisme. »48 Ç
LÕinstallation est le reflet de cette nouvelle ere postmoderne qui vit
en sÕharmonisant avec le passé sans desirer rompre avec lui,
contrairement à la plupart des autres courants artistiques qui, pour
na»tre, mettaient à mort les ideologies en place. A
lÕencontre de cette tradition, lÕinstallation sÕapproprie
les regles formelles et ideologiques passees, les permute et gere cet heritage,
tout en le catapultant hors du mythe progressiste de lÕhistoire. La
postmodernite semble contenir une originalite ideologique extrinseque à
son esthetique, rejoignant ainsi une attitude sociale et politique, issue de
lÕechange et du partenariat, de la complicité et de
lÕaccommodation. Le mythe du progres est troque contre celui de
lÕalliance. La denonciation dÕun systeme artistique nÕest
plus la caracteristique de lÕinstallation meme si certaines
dÕentre elles possedent un contenu engage. »49
Dans son livre sur lÕart contemporain, Catherine Millet
explique que Ç des Ïuvres de tous styles sÕarticulent comme
les pieces disparates dÕun puzzle, et le puzzle, de plus en plus grand,
tend à recouv rir toute la surface terrestre. »50 Dans
ce même livre, elle affirme : Ç Sur lÕécran de
lÕéclectisme postmoderne, des recherches singulières ou
inclassables, des styles archa ·sants ou académiques, etc.,
affleurent et trouvent une resonance en regard de la variété des
Ïuvres contemporaines. »51 Mes Installations
proliférantes sont une tentative de cohabitation de la plus grande
variété dÕapproches possibles tout en les rattachant
à lÕhistoire de lÕart. Installer une grande
variété dÕoeuvres différentes dans un même
lieu permet dÕaugmenter les chances de toucher un public varie en
multipliant le nombre de point s dÕaccroche possibles de
lÕobservateur . QuelquÕun qui découvre une
Installation proliférante ne la voit pas forcément dans son
ensemble, mais
48 Hans Belting, 1983, L'histoire de l'art
est-elle finie ? Op. cit., p. 14.
49 Jo`lle Morosoli, L'installation en
mouvement, Trois-Rivières, Editions d'art Le Sabord, coll. essai,
2007, p. 43.
50 Catherine Millet, L'art contemporain, Histoire
et géographie, Op. cit., p. 114.
51 Ibid., p. 115.
il y a de fortes chances pour qu'il s'intéresse
à une ou plusieurs Ïuvres qui, en raison de son parcours personnel,
l'interpellent. Se rattachant à ces Ïuvres identifiées,
l'observateur pourra établir des relations avec le reste de
l'installation. Si l'on accroche par exemple deux peintures qui ont la
même dominante colorée, ou la même structure graphique, leur
rapprochement par le regardeur sera quasiment inévitable.
Mes installations sont une tentative de peindre dans ce nouvel
%oge baroque qui est la postmodernité. La peinture ayant
épuisé ses ressources à l'intérieur de son cadre,
elle trouve un nouvel horizon lorsqu'elle investit la totalité du mur et
s'inscrit dans la troisième dimension. De nouvelles questions se posent
alors, questions que nous avons tenté d'aborder dans ce mémoire,
touchant aux notions d'auteur, de collection, d'appropriation, d'exposition, de
cadre, de déplacement, d'autonomie, d'envahissement, de relation de
l'Ïuvre à son support ou à l'Ïuvre lui servant de
support.
Si l'on remonte dans le temps, l'art est d'abord une question
de mimésis. Il s'agit de représenter le monde visible. Cette
tendance trouvera son apogée (et peut être aussi ses limites avec
l'invention la perspective. du début 19 ème
ultimes) de Le romantisme du
siècle, son obsession du fragment et l'apparition de la
subjectivité pousseront l'art progressivement vers des recherches qui
trouveront leur apogée dans le modernisme du début du
20ème siècle. Le rTMle mimétique de l'art est
critiqué. <<On peut dire d'une facon générale qu'en
voulant rivaliser avec la nature par l'imitation, l'art restera toujours au
dessous de la nature et pourra être comparé à un ver
faisant des efforts pour égaler un éléphant.
>>1 << Tant qu'il imite, l'homme ne dépasse pas
les limites du naturel, alors que le contenu doit être de nature
spirituelle. >>1. Wassily Kandinsky ira plus loin: <<
Eo ipso, la question <<quoi>> dispara»t dans l'art.
Seule subsiste la question <<comment>> l'objet corporel pourra
être rendu par l'artiste. >>1 Les matériaux qui
servaient auparavant à la mimésis acquièrent une
originalité propre et sont investigués pour leurs
possibilités formelles et non plus mimétiques. Il s'ensuit
l'apparition des avant-gardes et d'une grande variété de styles.
Après les avant-gardes modernes (cubisme, futurisme,
suprématisme, constructivisme, dada ·sme , surréalisme,
expressionnisme) les mouvements des années 50 et 60 (art conceptuel,
minimalisme, hyperréalisme, nouveau réalisme, abstraction
lyrique, fluxus, actionnisme, land art) et les courants des années 80
(art&langage, photo-réalisme, figuration libre, bad painting,
néoexpressionnisme, simulationnisme, néo-géo,
néoconceptualisme), finalement une très grande
variété d'approches a été explorée. Les
matériaux prennent leur indépendance, comme ce fut
d'abord le cas des formes et des couleurs. Donald Judd indique
que Kasimir Malévitch est le premier à avoir utilisé les
formes géométriques et les couleurs pures : << Il est
évident aujourd'hui que les formes et les couleurs des toiles que
Malévitch commenca à peindre en 1915 sont les premiers exemples
de formes en soi et de couleur s en soi. »52 Dans son texte Du Cubisme
et du Futurisme
au Suprématisme, Malévitch
écrit: << il faut donner aux formes la vie et le droit à
l'existence individuelle È. Il écrit également << la
couleur et la texture en peinture sont des fins en soi È. Les
médiums de la peinture et de la sculpture seront finalement
investigués dans toutes leurs caractéristiques jusqu'à la
fin des années 60. <<Consciemment ou non, les artistes se penchent
peu à peu sur leur matériau, l'essaient, pèsent sur la
balance de l'esprit la valeur intérieure des différents
éléments par lesquels leur art est en mesure de créer.
È1 Ainsi l'art explose en ses composants: le matériau,
le concept, l'attitude artistique, le corps de l'artiste, le milieu
d'existence, les conditions sociales de réception.
Mes installations sont une tentative de mise à plat de
cette histoire de l'art. Je souhaite montrer en même temps des
Ïuvres découlant des différentes conceptions de l'art et les
faire circuler sur des structures. J'utilise pour ainsi dire l'histoire de
l'art en ses composantes, et je les mets en dialogue. Que peut dire ou
suggérer un ch%ossis nu, un monochrome ou une peinture all-over,
placé à la perpendiculaire d'une peinture perspectiviste, d'une
nature morte, ou d'un film d'animation vidéo projeté?
Le concept de prolifération peut être positif
lorsqu'on le rapproche des notions de vie, de progrès, de
découverte ou de prospérité, mais aussi négatif si
l'on considère la peur de l'envahissement, de l'étouffement, de
la maladie et du désordre qu'il suscite. La prolifération des
musées d'art contemporain par exemple est certainement un facteur
positif mais, malgré tout, lorsqu'on évoque ce mot, les aspects
négatifs l'emportent rapidement et nous pensons à la
prolifération nucléaire, ou celle des armes de destruction
massive.
Appliquée à mon travail, cette réflexion
expose les dangers de ma démarche. Que devient une Ïuvre
lorsqu'elle est accrochée au milieu des autres? Les Installations
proliférantes ne risquent-elles pas, en accumulant les Ïuvres,
de les diluer, de les étouffer, voir de nier leur existence individuelle
? Que dire des Installations altérantes, oü les
Ïuvres sont repeintes non pas en fonction d'elles-mêmes, mais de la
logique globale de l'installation? Le projet de mettre les Ïuvres en
mouvement est
52 Donald Judd, Ecrits 1963 -1990, Paris,
Daniel Lelong Editeur, 1991, p. 344.
éventuellement une manière de les tourner en
dérision. Mais les Ïuvres n'ont pas toutes la méme
personnalité et là oü certaines se voient abusées,
d'autres sont à leur place. La manière de les mettre ensemble
change la perception que l'on en a, et il s'agit seulement de savoir ce que
l'on veut mettre en avant. Dans un sens, cela signifie l'utilisation des
ressources des Ïuvres pour les faire jouer entre elles. Installer une
Ïuvre n'est donc pas forcément la trahir, car son installation peut
participer à la mise en évidence d'une partie de ce qu'elle est.
Une méme Ïuvre pourra éventuellement révéler
des qualités différentes lors de ses installations successives.
Mes Installations proliférantes peuvent-elles ainsi contribuer
à créer le contexte nécessaire à
l'épanouissement des Ïuvres?
TERMES CLES
-Auteur
-Cadre
-Collection -Déplacement -Exposition -Installation
-Îuvre
-Polyptyque -Prolifération -Structure
GLOSSAIRE
-Auteur: Celui qui crée l'Ïuvre.
La dimension autobiographique est récurrente dans mon travail. Puisque
j'utilise aussi des Ïuvres dont je ne suis pas l'auteur, la question de
l'appropriation et de ses modes de mise en Ïuvre intervient comme
afférente à celle de l'auteur.
-Cadre: Le cadre est la limite qui
sépare une Ïuvre en deux dimensions du reste du monde. Il est par
conséquent un outil permettant d'établir des citations. Cependant
lorsque plusieurs cadres sont visibles sur un méme mur, le regardeur
à tendance à les comparer. Le cadre devient alors un moyen de
mise en relation des Ïuvres. Le cadre est donc un facteur de
séparation mais également un facteur de cohésion.
-Collection: Le fait d'accumuler le
méme type d'objet. Je collectionne de nombreux objet et en particulier
mes propres productions plastiques ainsi que celles des autres. La collections
d' << Ïuvres È constitue la matière première de
mes installations.
-Déplacement : Le fait de se mouvoir
d'un endroit à un autre de manière plus ou moins
indépendante. Je travaille à rendre mobile les
éléments que j'accroche sur mes structures. A terme, je voudrais
que les éléments circulent sur des rails et que ce mouvement soit
dirigé par un système informatique.
-Exposition: L'exposition, parce qu'elle
rassemble des Ïuvres de manière réfléchie
(scénographie) est toujours en elle-méme une sorte d'Ïuvre.
Cependant, dans certaines expositions, les Ïuvres s'appréhendent
comme partie d'un tout, comme ce fut le cas de celles misent en place par Peggy
Guggenheim dans sa galerie Art of this Century à New York ou
encore de l'accrochage des peinture de Kasimir Malévitch à
l'occasion de l'exposition futuriste <<0,10 È à
Saint-Pétersbourg en 1915.
-Installation : Mise en cohérence d'un
ou plusieurs éléments par rapport à un lieu d'exposition.
Les installation s sont dites murales quand elles sont contre un mur et
centrale quand ont peut en faire le tour. Les Installations
proliférantes sont des installations qui mettent en scène
des productions plastiques. Sont dites participatives les
installations qui incitent le visiteur à agir et altérantes
celles oü les productions plastiques sont transformées pendant
la durée de l'installation.
-OEuvre: L'Ïuvre d'art est un objet sans
recette de fabrication et sans emploi. C'est ce qui la distingue d'un objet
d'artisanat et la rapproche des êtres vivants. Il est interdit de
détruire une Ïuvre d'art, parce qu'il n'existe pas de
manière de la recréer a l'identique.
-Polyptyque: OEuvre constituée de
plusieurs parties planes et parfois articulées. Mes installations
d'Ïuvres sont des polyptyques.
-Proliferation: Phénomène de
croissance exploitant l'ensemble des possibilités accessibles afin
d'occuper tout l'espace. Accumulation de productions plastiques dans un
même lieu.
-Structure : La structure est le squelette
sur lequel sont accrochés les organes. Je construis contre le mur ou au
centre d'un espace des structures qui me servent de support d'accrochage.
INDEX
Alain Bublex, 35 André Breton, 6, 45 Antony Gormley, 6,
31
Auteur, 36, 37, 38, 40, 41, 94, 95
Barry Mac Gee, 6, 106 Biennale d'Art de Montreux, 28
Cadre, 94, 95
Cédric Teisseire, 24
Christian Boltanski, 27, 28, 101
Christo et Jeanne-Claude, 28, 29
Claude Rutault, 6, 25, 46
Collection, 94, 95 Conseil Général, 29 DRAC, 29
Ecole Cantonale d'Art de Lausanne, 28
Ecole Supérieure d'Arts et Médias de Caen, 88
El Lissitzky, 6, 105 Elisabeth Wetterwald, 5 Exposition, 94, 95,
106 Günter Umberg, 6
Haute Ecole d'Art et de Design de Genève, 28
Ian Davenport, 24
Installation, 5, 6, 46, 53, 81, 85, 86, 88, 91, 92, 96
Installations proliférantes, 5, 7, 16, 24, 35, 45, 47, 51, 86,
96 Jean-Jacques Lebel, 6, 65
Jim Shaw, 6, 66, 102
John Armleder, 6, 16, 17, 63, 99
Jules Verne, 15
Karsten Bott, 6
La ·za Pautehea, 33 Larry Poons, 19
Marcel Duchamp, 26, 39, 46
Mark Dion, 6
Métaltop, 29
Mladen Stilinovic, 3, 6, 64
Morris Louis, 19 Nendaz, 27, 29
Noocactus, 12, 13, 14, 35, 86
Peinture liquide, 16, 23, 27, 51
Peintures fonds, 16 Pierrick Sorin, 39 Polyptyque, 94,
96 Richard Serra, 77 Robert Malaval, 17 Robert Smithson, 29 Sarah Sze, 6
Shilpa Gupta, 6
Structure, 83, 94, 96 Surface, 105
Suzanne Page, 16 Tatline, 83
Tony Cragg, 6, 86, 106 Victor Hugo, 38 Vladimir Vernadsky, 13
Yves Michaux, 5, 26, 86
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