A. L'effet des variables liées au capital humain
La théorie du capital humain suggère que
l'éducation est un investissement qui accroît la
productivité. Cependant, dans la littérature économique,
en ce qui concerne l'agriculture africaine, il n'existe pas de consensus sur le
rôle de l'éducation dans l'efficacité technique.
Les résultats de l'estimation
économétrique (Tableau 8.4) montrent que les variables
liées au capital humain dans l'échantillon (Niveau d'étude
et Formation en agriculture) n'expliquent pas l'efficacité technique des
EFA de façon significative.
En ce qui concerne l'éducation, la principale raison
qui explique le résultat obtenu est que l'éducation formelle au
Cameroun n'intègre pas de connaissances sur les pratiques et les
techniques agricoles. Ainsi, le capital humain produit par l'école est
peu utile à l'agriculture. Ce résultat est partagé dans le
cas de l'agriculture Kenyane par Hopcraft (1974) et Moock (1981) en utilisant
des données micro-économiques. En effet, selon ces auteurs,
l'éducation formelle (la scolarisation) n'a pas d'effet significatif sur
l'efficacité technique.
A la suite de ces auteurs, Gurgand (1993 ; 1997) observe pour
le cas de la Côte-d'Ivoire, que l'éducation n'agit pas
positivement sur l'efficacité technique de la production agricole. En
outre, les données recueillies en Afrique sont souvent moins fiables que
celles qui proviennent d'Asie par exemple. Malgré tout,
l'hypothèse, largement admise, est qu'il existe un effet de
qualification en agriculture ne pouvant être
légitimement généralisée à l'Afrique
subsaharienne.
Toutefois, le signe positif des paramètres qui
expliquent l'inefficacité signifie que ces paramètres ont un
effet négatif sur l'efficacité. On constate donc que le
coefficient du niveau d'éducation est positif. Ce qui signifie que les
chefs d'exploitation, ayant le niveau primaire, sont moins efficaces que ceux
ayant les niveaux secondaire et supérieur.
La formation en agriculture ne contribue pas à
l'explication de l'efficacité technique dans l'échantillon
totale. En effet, ce résultat contre-intuitif s'explique par diverses
raisons. La nature des formations en agriculture et la durée de
celles-ci permettent de comprendre cette situation. Mais aussi, la faible
représentation des chefs d'EFA ayant reçu une formation en
agriculture dans l'échantillon (moins de 25%). Ainsi, un
échantillon plus représentatif à la fois des chefs d'EFA
ayant reçu une formation en agriculture et ceux n'ayant reçu
aucune formation pourrait donc conduire à des résultats
contradictoires.
Les formations en agriculture au sud Cameroun s'organisent
généralement sous forme de séminaires aux exploitants. Ces
séminaires portent principalement sur les cultures de rente (cacao,
café, palmier à huile...) et lorsqu'ils s'intéressent aux
cultures vivrières, leur durée est généralement
très limitée (moins d'une semaine), ce qui ne facilite pas
l'assimilation des connaissances par les exploitants. Par ailleurs, ces
séminaires sont parfois trop théoriques et ne s'accompagnent pas
d'exemples pratiques faute de moyens et de temps.
Néanmoins, le signe négatif du coefficient
associé à la variable Formation, signifie que la formation en
agriculture a un effet positif sur l'efficacité mais de façon non
significative.
Remarque : Le logiciel utilisé
pour estimer le modèle TOBIT censuré ici est Stata 9.1.
Le modèle d'estimation des indices d'efficacité est
globalement significatif au seuil de 1%, car Prob > chi2 < 0,01. Par
ailleurs, La régression du tableau 4.8 est largement significative
puisque la statistique obtenue pour le rapport de vraisemblance
est très supérieure à la valeur du khi-deux
théorique (car 26.79 est supérieur à 16,8).
Tableau 4.8 : Les déterminants de
l'efficacité technique totale des EFA
Variables
|
Coefficients
|
P>|t|
|
Age de l'exploitant
|
-.00539273** (-2.56)
|
0.013
|
Niveau d'étude
|
.01629497 (0.31)
|
0.758
|
Formation en agriculture
|
-.03812419 (-0.61)
|
0.543
|
Superficie de l'EFA
|
.13019005** (2.22)
|
0.031
|
Organisation paysanne
|
-.11444569** (-2.03)
|
0.047
|
Destination de la production
|
.21229597 *** (4.05)
|
0.000
|
Constante
|
.6320591 *** (5.73)
|
0.000
|
Sigma
|
.20117245***
|
|
Nombre d'observations : 62 Nombre d'observations censurées
à gauche : 3
|
Nombre d'observations censurées à droite : 0 Nombre
d'observations non censurées : 59
|
LR Chi2(6) : 26.79 Prob > chi2 = 0.0002
|
Note : Variable dépendante : Niveau d'inefficacité
des EFA
|
*** (**) {*} significatif à 1%; 5% et 10%. Les valeurs
entre parenthèse sont les tests de student. Source : Auteur
à partir des données d'enquête, 2010
B. Les autres facteurs qui expliquent
l'efficacité technique
Les variables qui expliquent l'efficacité technique des
EFA dans l'échantillon sont : l'âge du chef de l'EFA, la
superficie cultivée, l'appartenance à une organisation paysanne
et la destination de la production.
Le signe négatif du coefficient affecté à
l'âge de l'exploitant traduit le fait que cette variable affecte
positivement l'efficacité technique des exploitations familiales
agricoles de l'échantillon. Ainsi, les chefs d'exploitations les plus
âgés sont plus efficaces que les jeunes. Ce résultat
s'explique par l'expérience des plus âgés. En effet,
l'expérience moyenne dans la pratique de l'agriculture de
l'échantillon est de 20 ans. Ce système de culture à base
d'arachide et de maïs de la localité de Zoetelé au sud
Cameroun se pratique donc par les exploitants pour certains durant toute leur
vie.
Ce résultat est en contradiction avec le constat de
Coelli et Fleming (2004) pour qui, les exploitants plus jeunes sont plus
efficaces que les plus âgés. Pour ces auteurs, les plus jeunes
sont plus disposés à accepter les nouvelles
technologies et la vulgarisation. Par ailleurs, l'analyse des effets marginaux
montre que toutes choses égales par ailleurs, une variation d'une
année d'âge, entrainerait une variation de la probabilité
d'être inefficace de 0,54%.
Les résultats suggèrent également, en
désaccord avec l'intuition que, les plus petites exploitations sont les
plus efficaces toutes choses égales par ailleurs. En effet, en ce qui
concerne l'échantillon, nous avons démontré en analysant
l'efficacité d'échelle, l'existence d'un grand gaspillage due
à l'utilisation excessive des terres. Ainsi, les exploitants ne sont pas
en mesure d'utiliser efficacement leurs ressources lorsque la superficie
cultivée est grande. Ceci peut s'expliquer par le genre des chefs d'EFA
qui est majoritairement de sexe féminin et donc ne disposent pas d'une
force de travail nécessaire pour une production efficace. Les
quasi-élasticités obtenues indiquent que, une variation d'une
unité de la superficie, entrainerait une variation de la
probabilité d'être inefficace de 13,02%. La relation
négative entre la taille de l'exploitation et l'efficacité
technique à également été mise en évidence
par Chirwa (1998) dans le cas du Malawi. En revanche, d'autres études
démontrent l'influence positive de la taille de l'exploitation sur
l'efficacité technique (Thiam et al., 2001 ; Nyemeck et al., 2004 ;
Latruffe, 2005).
L'appartenance à une organisation paysanne affecte
positivement l'efficacité technique. Au Cameroun, depuis la crise des
années 80, l'Etat encourage les agriculteurs à s'organiser. C'est
d'ailleurs le seul moyen pour les agriculteurs de bénéficier de
l'encadrement, des subventions et des conseils de l'Etat (programme ACEFA qui
remplace progressivement le PNVRA) et des ONG. Ce constat confirme les
résultats de la littérature selon lesquelles le capital social
dont l'appartenance à une organisation paysanne est une composante, a un
impact positif sur l'efficacité technique (Nuama, 2006 ; Audibert,
1997). En effet, l'organisation communautaire permet de résoudre les
problèmes de main d'oeuvre et d'accès au crédit qui sont
des facteurs qui améliorent l'efficacité technique des
exploitants (Helfand et Levine, 2004). Les gains d'efficacités
techniques liées à l'appartenance à une organisation
paysanne sont de 11,44%.
Il ressort également de l'analyse des
déterminants de l'efficacité technique que les EFA dont la
destination de la production est l'autoconsommation sont moins efficaces que
celles qui en plus de l'autoconsommation, vendent leur production. La
contrainte de vente impose aux exploitants d'être plus efficaces et de
mieux gérer leurs ressources. Ainsi, les gains
d'efficacité des EFA dont la destination de la production
est l'autoconsommation et la vente
s'élèvent à 21,23%.
Tableau 4.9 : Résultat du calcul des effets
marginaux
|
|
|
|
Variables
|
dy/dx
|
X
|
Age de l'exploitant
|
-.0053927
|
45.7903
|
Niveau d'étude
|
.016295
|
.451613
|
Formation en agriculture
|
-.0381242
|
.258065
|
Superficie de l'EFA
|
.13019
|
.720161
|
Organisation paysanne
|
-.1144457
|
.370968
|
Destination de la production
|
.212296
|
.548387
|
Source : Auteur à partir des données
d'enquête, 2010
|
|
|