Du régime juridique de la liberté de prix en droit rwandaispar Cédric MUYOBOKE -M. Université National du Rwanda - LLM en Business law 2010 |
§1 Les altérations négatives au principe de la liberté des prixLa liberté des prix, emporte la transparence du marché et peut d'ailleurs à notre avis être considérée comme son corollaire. A cet effet, l'obligation d'information qui relève du droit de la consommation cherche à équilibrer les relations entre les consommateurs et professionnels. La fonction première de la transparence du marché en matière de la liberté des prix n'est autre que la discipline des professionnels qui veulent fausser les jeux de la concurrence84(*). A notre avis, c'est par le respect des obligations des professionnels que le principe de la liberté de prix serait effectif. Nous allons dans le développement qui suit, démontrer en quoi l'inobservation du principe de la publicité de prix fausse celui de la liberté de prix. L'article 11 de la loi sur le commerce intérieur oblige les professionnels à fournir l'information sur prix. En effet, aux termes de cette disposition, dans tous les établissements des commerces, bars, restaurants, boutiques et foires d'exposition, l'affichage des prix en monnaie nationale est obligatoire85(*). La publicité de prix vise donc à mettre le consommateur à l'abri de toute surprise, quant au moment de la dépense qu'il aura à supporter pour l'acquisition du produit ou la fourniture du service proposé86(*). En d'autres termes, c'est par l'information sur le prix que le consommateur peut exercer son choix et s'engager en toute connaissance de cause. L'affichage de prix consiste à l'indication sur un tableau unique la liste des biens mis en vente ou de services offerts et du prix de chacun d'eux libellée en monnaie nationale. L'affichage doit être parfaite, lisible, du lieu ou se tient normalement le public87(*). C'est dans ce cadre que le principe de la liberté de prix serait effectif et est donc fondé sur la transparence du marché. Dans cette même logique, la transparence vise à informer le consommateur afin de lui permettre de faire des choix éclairés et d'éviter les tromperies88(*). Selon la doctrine, toute publicité des prix à l'égard des consommateurs doit faire apparaître la somme totale qui devra être payée. C'est dans ce sens le que Thomas X est le gérant de la société Caroptic, a fait diffuser par voie postale deux offres publicitaires, dont la date de validité expirait le 31 juillet 2004 et le 31 mai 2005, annonçant des rabais sur divers produits d'optique, cités à comparaître devant le tribunal correctionnel, la société Caroptic et son gérant ont été condamnés du chef de publicité de nature à induire en erreur89(*). Force cependant est de constater que l'affichage de prix, condition sine qua non de l'exercice de la liberté de prix reste purement une réalité théorique dans la plupart des cas sur le marché des biens et services au Rwanda, tant dans le secteur public que privé. Ceci peut être dû par plusieurs raisons. Parmi elles nous citons : le manque d'information en rapport avec les obligations professionnelles des commerçants (ignorance), la mentalité d'exercer le commerce dans un marché noir, ineffectivité de la réglementation etc. Il est aussi important de souligner que chez certains prestataires des biens et services, l'affichage des prix est devenu une réalité dans la ville de Kigali. C'est le cas de Simba Super Market, Nakumatt, des alimentations de grands renoms etc. Il importe de louer les efforts fournis par les autorités du Ministère de commerce, quant au mécanisme de suivi déjà mis en place sur la vérification du respect de la réglementation en rapport avec l'affichage de prix. Il est tout simplement déplorable que cette vérification est irrégulière. D' après l'information recueillie au près de madame UMUBYEYI Yvette commerçante au quartier Mateus dans la ville de Kigali, elle affirme que dans son magasin, elle ne veut pas indiquer le prix des articles qu'elle vent, puisque la majorité des clients veulent marchander. Ainsi, une chemise de 10.000frws peut être achetée à 12000frws même à 15000frws tout dépendra du client qui soit informé ou non90(*). Une telle situation rend le marché noir et compromet gravement aux intérêts des consommateurs qui agissent sans information. Or, le principe de la liberté de prix devrait dans tous les cas jouer en faveur du consommateur. C'est ce que soulignent F. ZOUBIR, et L. KAMAL en ces termes « les consommateurs ont bénéficié d'une protection particulière apportée par la loi 06-99 en matière de liberté des prix. En effet, en soulignant l'obligation de diffuser une information fiable et transparente sur les prix en faveur de ces derniers et en réprimant certains actes frauduleux visant à détourner le dit principe et bafouer leurs intérêts, la loi 06-99 à rompu avec une époque où l'anarchie a été monnaie courante »91(*). Ces auteurs ajoutent que « Etre libre, c'est être bien informé », en effet un client bien informé a l'avantage d'opérer son choix en toute liberté et sécurité sans que son consentement ne sois faussé et altéré par une asymétrie d'information, c'est dans cette perspective que la loi 06-99 a prévu certaines mesures ayant pour objectif d'obliger les professionnels de diffuser une information exacte et transparente sur les prix qu'ils pratiquent ». En droit comparé, l'obligation de publicité de prix est scrupuleusement prévue et assortie des sanctions coercitives92(*). Ainsi, l'article 47 de la loi marocaine sur la liberté de prix cite trois procédés : Le marquage, l'étiquetage et l'affichage et laisse aux vendeurs la latitude de choisir tout moyen permettant une diffusion fiable et transparente des prix des produits vendus. Néanmoins pour dissiper toute confusion, le décret d'application de la loi 06-99 a apporté dans ces articles 8, 9 et 10 certaines conditions précises devant être satisfaites par les procédés de publicité des prix93(*). En droit français cette obligation de publicité des prix est stipulée dans l'article 28 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui insiste sur la nécessité de diffuser une information transparente sur les prix au profit des consommateurs94(*). Notons par ailleurs que la langue de l'information est souvent étrangère constitue un enjeu non négligeable de la liberté des prix au Rwanda. Ainsi plusieurs prix et autres informations y relatives sont soit en Français au en Anglais. Dans ce cadre, l'obligation d'indiquer certaines mentions ou moins dans la langue de la région ou les produits sont mis sur le marché parait naturelle quelle serait l'utilité pour le consommateur d'informations fournies dans une langue qu'il n'est pas censé connaître95(*). B. Les abus en matière de fixation des prix En principe, la fixation des prix résulte du principe de l'offre et de la demande, qui est le corollaire du principe de la liberté de prix comme l'avons-nous dit. C'est dans cette optique que les professionnels ou les prestataires des services abusent de leur liberté, en incluant dans le contrat des clauses abusives. Il paraît utile de mettre en exergue quelques clauses à l'occurrence le prix excessif, le prix abusivement bas, le non respect des prix affichés et la modification unilatéral des prix.
Dans la pratique, on observe des cas des prix excessif, notamment dans des situations des crises, dans les circonstances exceptionnelles ou en cas de calamité ou toute autre situation manifestement anormale du marché. C'est dire en d'autres mots que le prix devient excessif, alors qu'il ne résulte pas du jeu de l'offre et de la demande. Comme nous l'avons dit plus haut, le pouvoir public intervient pour palier à ce problème96(*). Dans ce contexte, le prix n'est donc pas justifié par aucun paramètre économique d'un secteur particulier. C'est le MINICOM qui apprécie souverainement le caractère excessif du prix. Dans le secteur du transport, il se remarque des cas de prix excessif, lorsqu'il y a beaucoup de passagers notamment pendant la rentrée scolaire. Pour faire face à cette situation, le MINICOM fait passer le communiqué à la radio ou à la télévision qu'il ne faut pas rehausser le prix. Cependant, sur terrain, la réalité est toute autre. C'est qui est déplorable est que les sanctions à ce propos sont quasiment non prononcées. Seule l'ONATRACOM ne peut rehausser le prix pour la seule raison qu'il s'agit d'un établissement public ayant pour finalité la satisfaction de l'intérêt général et non la recherche de gain97(*). La fixation de prix excessif peut aussi avoir lieu en cas de pénurie de produit pétrolier, ce qui entraîne la spéculation dans d'autres secteurs de la vie économique. Il y a le prix abusivement bas, lorsqu'il n'y a pas de rapport raisonnable au coût de production, transformation et de commercialisation. Il faut qu'il y ait donc une comparaison entre le prix de production et le prix de commercialisation, puis du caractère vente d'un produit à un prix inférieur à son prix d'achat effectif. On peut penser d'amblée que le prix abusivement bas ne profite à rien au consommateur car, les professionnels les font dans le but d'attirer la clientèle, pour en fin de compte rehausser le prix et ainsi récupérer les profits qu'ils avaient perdus. La vente à un prix abusivement bas constitue une source de la création du marché monopolistique98(*). Le principe de la liberté de prix serait alors inimaginable dans un marché non concurrentiel. Une autre chose à constater est que certains commerçants se donnent à modifier les prix sans aucuns motifs valable, notamment sans qu'il ait une augmentation du prix de transport, sans que le taux de change n'augmente, sans changement des impôts, sans aucune autres difficulté rencontre dans le circuit commercial. Tout cela constitue des abus au principe de la liberté de prix qu'il faut éradiquer. 3. Modification unilatérale des prix La fixation du prix du jour au jour est quasiment impossible pour le producteur au Rwanda, la fixation du prix, est malvenue pour certains marché et périodiquement. Cela peut résulter par exemple du taux de change, du coût de transport qui n'est pas encore connu au moment de la formation des contrats de vente. Dans ce cas, le commerçant peut inclure une clause lui permettant de modifier le prix après toutes ces démarches. Cette clause ne serait admissible que si le prix réduit si non, elle mettrait le consommateur en danger de se voir devant les charges qu'il ne supporte pas99(*). L'on peut trouver de telle clauses dans de contrat d'assurance par exemple là on stipulerait que le montant à donner au client sera déterminé ultérieurement en fonction des primes perçues. Nous ne pouvons ignorer plusieurs modifications unilatérales des prix de la part de bailleur à l'égard de locataire. §2 L'impact du non respect du principe de la liberté de prix vis-à-vis des consommateursL'impact de la libre fixation de prix des produits et services par les professionnels ou commerçants à l'égard des consommateurs est tantôt positif ou négatif selon le marché. En cas de pluralité des professionnels sur le marché, ces derniers se disputent les clients ou consommateurs. Ainsi, ils essaient de baisser certains prix, en réajustant d'autres, afin de maintenir leur clientèle et d'attirer les nouveaux100(*). Le consommateur quant à lui n'a qu'à juger et ainsi comparer les prix, et faire son choix en connaissance de cause sur un marché qui fonctionne à son avantage. Si alors le marché est noir et qu'il y a manque de transparence, le consommateur ne peut valablement exercer sa liberté. Il se trouve dans ce cas trompé, détourné au profit des professionnels. C'est d'ailleurs à ce niveau là que la liberté de prix coïncide avec celle de la transparence du marché. C'est dire en d'autres mots que l'exercice du principe de la liberté de prix suppose la transparence du marché101(*). Dans le système de la fixation libre des prix, la relation entre prix et valeur est bien plus claire que dans une économie planifiée. Grâce à la concurrence, les vendeurs se livrent pour approvisionner des produits, les prix tendant à diminuer et la qualité à s'améliorer, de telle façon que les produits et services ne présentent aucun danger pour la santé et la sécurité du consommateur102(*). La concurrence saine et loyale offre des avantages indiscutables au consommateur, tel que la baisse des prix, l'amélioration de la qualité et l'augmentation de choix du consommateur. Cela suppose toujours le respect du principe de la liberté de prix. Concernant l'augmentation des choix du consommateur, la concurrence permet au consommateur de faire un choix entre plusieurs concurrents, ce qui lui offre des avantages. Ainsi par exemple, dans le secteur bancaire, la banque qui offre des facilités (un taux d'intérêt bas, délai de remboursement long service de qualité /rapide, etc.) est celle qui est fréquentée. Ceci suppose également une information complète permettant au consommateur d'exercer son choix103(*). Quant à l'amélioration de qualité, la transparence permet aux concurrents de se réunir et voir là où ils ne sont pas performants pour améliorer la qualité des produits et services qu'ils offrent aux consommateurs. Aujourd'hui, au Rwanda, nous remarquons qu'avec la naissance de plusieurs compagnies d'assurances, la concurrence devient de plus en plus nette malgré certaines ententes sur les prix observées et beaucoup d'innovations dans ce domaine et ça tournent à l'avantage du consommateur104(*). Soulignons en passant que dans le secteur d'assurance, les compagnies d'assurance ont organisé une forme d'attente, de façon que des tarifs communs aient été fixés à travers l'ASSAR105(*). Ce qui est déplorable est que la Banque Centrale ferme les yeux devant une telle pratique anticoncurrentielle et qui pêche contre le principe de la liberté de prix. Or, la BNR a entre autres pour mission le contrôle des assurances. Dans le domaine de télécommunication, trois sociétés sont opérationnelles au Rwanda. Les sociétés RWANDATEL et TIGO sont venues concurrencer MTN dans le domaine des téléphones portables, beaucoup d'innovations ont déjà eu lieu en faveur du consommateur. Rwandatel a introduit le système d'easy call, connections à l'internet en utilisant le téléphone mobile, etc. Pour le cas de MTN Rwandacell, avec l'arrivé des concurrents, beaucoup d'initiatives ont été entreprises. A ce titre, nous pouvons citer la connexion à l'internet, meet you qui est un procédé par lequel on alimente le mobile à partir d'un autre, one for one minute, coût par seconde et non full minute, MTN Zone, etc. S'agissant enfin de la baisse des prix, comme nous l'avons vu plus haut, quant il y a concurrence sur le marché, les prix ont tendance à diminuer. A ce sujet, pour le cas de MTN Rwandacell, l'abonnement mensuel a été supprimé au profit du consommateur, le prix d'une unité ou par minute est en principe passé de 153 frw à 98106(*). Avec l'arrivé du TIGO, l'unité par minute est de dix francs et un franc pour SMS107(*). Mais comme nous l'a déclaré « NKUZUMWAMI Patrick juriste au sein de MTN, dans le cadre de maintenir la clientèle et d'attirer les nouveaux clients, offre beaucoup d'autres avantages au consommateur : l'unité est aujourd'hui par seconde est non par minute (full minute) comme c'était avant. Cela signifie qu'aujourd'hui, si l'appel dure cinq secondes par exemple, le client paie le prix correspondent à ces cinq secondes et non pas pour (the full minutes (60 secondes) comme c'était avant. En plus dit-elle, avec l'application de 20% de bonus, le prix d'une unité devient 88 frw par minute au lieu de 98 frw. Un autre avantage accordé est celui de one for one ou le client paie le prix d'une minute tandis que le second devient gratuit et cela jusqu'à six minutes108(*). De ce qui précède, il résulte que la libre concurrence base de la liberté de prix emporte des avantages considérables aux consommateurs. Outre les conséquences vis-à-vis des consommateurs, le principe de la liberté de prix emporte les conséquences entre les professionnels eux-mêmes. * 84 B. BRAULT, Politique et pratique du droit de la concurrence, Paris, LGDJ, 2004, p. 240 * 85 Art. 11 de la loi n° 15/2001 du 28/janvier/2001 précitée. * 86 L. MAULAIN, Consommateurs : comment défendre vos droits ?, Paris, éd., Dupuits, Fleuris, 2005, p. 50. * 87 Art.13 de la loi sur le commerce intérieur déjà citée. * 88 Ibidem * 89 Cour d'appel de Rennes, 3 mai 2007, n°07-83449 Bulletin criminel 2008, N° 68
* 90 Entretien avec UMUBYEYI Y., commerçante au quartier Mateus dans la ville de Kigali, Effectué le 28/04/2010. * 91 F. ZOUBIR, et L. KAMAL, Le principe de la liberté de prix, mémoire de masters en droit privé, Université Ibn Zohr d'Agadir - Master, Maroc, 2009, p. 3, inédit. * 92Ibidem. * 93 L'article 8 dispose que le moyen de publicité doit afficher les prix en monnaie nationale et en outre, en devise étrangère pour les grossistes et les vendeurs opérant dans l'une des zones franches instituées sur le territoire marocain. Les prix doivent être visibles et lisibles et doivent figurer sur les produits ou à proximité de ces derniers tout en précisant l'unité de mesure (poids, longueur métrique...) * 94 Art. 28 de l'ordonnance française du 1er décembre 1986. * 95 F. DOMONT-NAERT, op. cit., p. 115. * 96 R. BOUT et al., Droit économique ,Paris, éd. Lamy, 2000, p.561 * 97 Constant personnel lors de l'ouverture ou la fermeture de chaque année scolaire. * 98 R. BOUT E et al., p.459 * 99 E. G MUKESHIMANA, La protection des consommateurs contre les clauses abusives en matière des prix en droit rwandais, Mémoire, Faculté de droit, UNILAK, Kigali, 2007, p. 46, inédit. * 100 X, « Marché libre », http:// www.fr. wikipedia.org/wiki/ consulté le 1/08/2009 cité par B. HATEGEKIMANA, La liberté des prix et la transparence du marché en droit des affaires rwandais, Thèse , Faculté de droit, UNR, Butare, 2009, p. 46. * 101 Ibidem . * 102 X, marché libre, http://www.fr.wikipedia.org/wiki/cnsulté , le 01/02/2010. * 103 Les banques aujourd'hui jouent sur le taux d'intérêt pour attirer les clients. Les données ci-dessous nous donne la tendance générale quant au taux pratique par certaines des banques au Rwanda en matière d'immobilières. Les intérêts pratiques sont conventionnelles et partant négociables pour certaines banques. BHR: 14%; BRD: 16-17%; COGEBANQUE : 18% ; ECOBANK : 18-19% ; BCR: 18%; FINABANK: 20%; BPR: 17-18%; CSS: 13.5%; BK: 17-18%; KCB: 19%. Dans ces conditions, les banques qui offrent le crédit au taux d'intérêt plus bas sont les plus fréquentées. Voy Monetary policy and financial stability statement by F. KANIMBA, Governor of National Bank, 30 July 2009. * 104 Entretien fait avec UWINGABE Solange, juriste au sein du COGEAR, le 12/03/2010. * 105 Ibidem. * 106 Publicité de MTN à la radio Rwanda en 2009. * 107 Publicité de TIGO à la radio Rwanda le 01/03/2010. * 108 Entretien avec madame P. NKUNZUMWAMI, Juriste au sein de MTN, Kigali en date 3 mars 2010. |
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