UNIVERSITÉ HASSAN II - AÏN
CHOCK FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET
SOCIALES CASABLANCA
Mémoire fin
d'étude
La Responsabilité du Transporteur
Maritime : Commentaire d'arrêt, Commentaire d'article, Dissertation
juridique.
Préparé par Mr : ZBIR
YOUNES
Encadré par : Prof. TAKTAK
HIND
Filière : Droit Privé
Module : Projet de Fin d'Etude
Élément de module : Mémoire
fin d'étude
Année scolaire : 2007/2008
Toutes les lettres ne sauraient trouver les mots qu'il
faut...
Tous les mots ne sauraient exprimer la gratitude, l'amour,
le respect, la reconnaissance...
Aussi, c'est tout simplement que...
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#
J e d é d i e c e m é m o i r e ...
A mon très cher
père...
Aucune dédicace ne
saurait exprimer à sa juste valeur tout l'amour, le respect,
l'attachement et la reconnaissance que je te porte.
Tu m'as enseigné la
droiture, le respect et la conscience du devoir.
Ce travail est le fruit de tous
tes sacrifices, tes encouragements, ton désir de me voir arriver et ton
soutien permanent durant ce long parcours.
Puisse Dieu, le tout puissant,
te procurer santé, bonheur et longue vie...#
A ma très chère
mère...
A la plus merveilleuse des
mères.
J'espère réaliser, en
ce jour, l'un de tes rêves.
Aucun mot ne saurait exprimer
mon respect, ma considération et l'amour que je te porte.
Ta présence constante
à mes cotés, tes encouragements et tes prières m'ont
été d'une aide précieuse et m'ont permis d'atteindre le
but désiré.
Puisse Dieu le tout puissant te
donner santé et longue vie afin que je puisse te combler à mon
tour...#
A mes frères et soeurs,
A notre fraternité qui m'est
très chère.
Avec mon grand amour et toute ma
tendresse, je vous souhaite un avenir plein de joie, de santé et de
réussite...#
A tous mes grands amis (es) qui se
reconnaîtront,
En souvenir des moments
passés ensemble, je vous dédie ce travail en témoignage de
mon amitié sincère et durable.
Je vous souhaite un avenir radieux
et plein de réussite...#
A mon encadreur Professeur TAKTAK
HIND,
Veuillez trouver dans ce
travail, l'expression de ma profonde gratitude pour l'immense aide que vous
m'avez toujours apporté.
Avec toute mon estime, respect
et l'admiration que je vous porte, mes souhaits les plus sincères de
joie et de réussite.
S O M M A I R E
Commentaire d'arrêt :
Introduction
Première partie: le contentieux en
matière de responsabilité du transporteur Maritime.
Première sous partie : l'application
jurisprudentiel du délai de protestation.
Deuxième sous partie : Délai de
prescription et délai de forclusion: une confusion des régimes
malgré des objets différents.
Deuxième partie : la loi applicable par le
juge marocain face aux différents systèmes
juridiques.
Première sous partie : l'émission
d'un contrat de transport comme critère de détermination de la
loi applicable.
Deuxième sous partie : la
détermination de la loi applicable : aperçu
jurisprudentiel
Commentaire d'article :
Introduction
Première partie : les conditions
d'irrecevabilité de l'action en responsabilité contre le
transporteur maritime selon l'article 262 du DCCM.
Première sous partie : les modalités
des réserves.
Deuxième sous partie : L'action en
responsabilité envers le transporteur maritime.
Deuxième partie : la prescription de
l'action contre le transporteur maritime selon l'article 20 de la convention
de Hambourg.
Première sous partie : le délai de
prescription : le calcul et le point de départ.
Deuxième sous partie : la prorogation du
délai, les actions récursoires.
La dissertation juridique :
Introduction
Première partie : la mise en période
de la responsabilité du transporteur maritime.
Première sous partie : la prise en charge :
une notion hybride.
Deuxième sous partie : La notion de
livraison « Déclenchement de responsabilité ».
Deuxième partie : le fondement de la
responsabilité.
Première sous partie : la charge de la
preuve.
Deuxième sous partie : Les cas
d'exonération de la responsabilité du transporteur.
BIBLIOGRAPHIE
INTRODUCTION
Il s'agit d'un Arrêt de la cour suprême du 10
Novembre1999, Dossier N° «3424/1992 ».
Ce dernier rentre dans le cadre de la grande branche du droit
maritime à savoir la responsabilité du transporteur maritime
plus spécialement : le délai de présentation de
l'action à l'encontre du transporteur maritime.
Selon le célèbre Adage « Actioni non natae non
praescribitur » tant qu'une action en justice n'est pas née,
elle ne saurait se prescrire.
En l'espèce, La société d'import et d'export
Alboughaz a importé de la Roumanie une quantité de verre
empaquetée dans 1441 caisses à bord du bateau Shidentri,
propriété de la dite société Costanta
représentée au Maroc par la compagnie Comanav. Après
avoir examiné la marchandise, la dite société a
découvert qu'il y avait quatre caisses vides et quatre vingt quinze
caisses qui comportaient des verres brisés.
Suite à une réclamation établie par le
demandeur en action c'est-à-dire la société d'import et
d'export Alboughaz , et après avoir fait recours à une expertise
de la marchandise, cette dernière a dû fixé les
préjudices dans la somme de 261.926.08 dirhams appariée des
intérêts légaux .
C'est ainsi que la société d'import et d'export
Alboughaz assigne la société costanta en réparation du
préjudice subi lors du transport de la marchandise.
Le tribunal de première instance a déclaré
la demande irrecevable vu que sa présentation a été faite
hors les délais prévus dans l'article 262 du code de commerce
maritime .
Cependant, La société d'import et d'export
Alboughaz a fait appel à la décision rendue par le tribunal de
première instance qui a jugé que la société
Costanta ne devait pas réparer le préjudice qu'elle a
causé à la marchandise lors de son transport .
La société Alboughaz , estimant les juges mal
fondés , se pourvoit en cassation contre ce jugement .
Prétendant, qu'il y avait absence de motivation, violation
de la loi, et la non assimilation de l'article 262 du DCCM par la juridiction
du premier ressort. La société d'import et d'export AlBoughaz
suppose que l'action doit être intentée postérieurement
à la réclamation c'est-à-dire que le délai de
présentation de l'action commence seulement au jour de la
réclamation ou au jour de l'expiration de cette dernière.
Quant à la cour suprême, elle a soutenu la
décision prise par le tribunal de première instance et la cour
d'appel de Tanger , en déclarant la demande irrecevable pour
dépassement du délai légal( délai de
présentation de l'action) , et qu'il y avait aucune violation de la loi
, cependant, le tribunal n'était pas obligé de répondre,
donc le moyen reste sans aucun fondement .
Malgré tous les soins apportés à
l'exécution du transport, et en dépit de toutes les
améliorations techniques que l'on peut y apporter, le voyage maritime
comporte toujours certains risques d'une nature et d'une ampleur
extrêmement variées.
Pour le doyen Rodière1(*), le droit maritime est tout entier ordonné
autour de la notion de risque de mer, qui impose une solidarité (au sens
non juridique du terme) entre participants à l'expédition
maritime et une division du risque, et ce d'autant plus que les marchandises
mises en risque ont toujours été fort coûteuses, ce qui
engendre par la suite des litiges .
Cependant, si les parties au litige n'arrivent pas à
trancher leur différend à l'amiable, il leur appartient
d'intenter une action en responsabilité devant le tribunal
compétent ou encore devant un ou un collège d'arbitres.
A cet effet, cette nouvelle procédure constitue un
élément positif pour l'ayant droit à la marchandise, eu
égard aux innovations introduites aussi bien par le D.C.C.M, et le
projet de loi que par la convention de Hambourg en matière de
délais : des réserves ou des actions judiciaires ou
arbitrales.
Afin de bien assimiler notre Arrêt et pour bien comprendre
le motif qui a poussé la cour suprême, à rejeter la demande
de la société d'import et d'export Alboughaz. Nous allons se
poser la question dans le cadre d'une première partie : le
contentieux en matière de la responsabilité du transporteur
maritime? Avant d'aboutir au sein d'une deuxième partie au
critère de la détermination de la loi applicable par le juge
marocain ?
Première partie :
le contentieux en matière de responsabilité du
transporteur maritime.
Le contrat de transport est un contrat qui lie trois personnes :
le chargeur, le transporteur et le destinataire. Au terme du contrat de
transport, Chacune de ces trois personnes peut chercher la
responsabilité de l'autre. Les textes ne précisent pas tous de
façon claire si les délais qu'ils ont déterminés
concernent toutes les parties au contrat de transport.
Les dispositions du DCCM sont plus rigoureuses que celles des
règles de Hambourg ou de celles du projet de loi, dans la mesure
où l'irrégularité des protestations provoque une fin de
non recevoir à l'action en responsabilité à l'encontre du
transporteur maritime.
Or, concernant le délai de présentation de
l'action, les règles de Hambourg et le projet de loi dans son article
302 sont moins sévères que le DCCM dans la limite où ils
ne sanctionnent pas l'envoi des réserves au-delà des
délais impartis par la fin du non recevoir.
C'est ainsi que le DCCM prévoit dans son article 262 que
la protestation doit être motivée et suivie d'une action en
justice dans le délai de 90 jours, mais encore faut il ajouter que les
dispositions de cet article ne s'applique qu'aux actions en dommages et
intérêts pour avarie particulières ou pertes partielles,
puisque les pertes totales sont régies par l'article 263 du même
code2(*).
Cependant le délai de prescription de l'action en
responsabilité engendré par le contrat de transport est plus
court en DCCM par rapport à celui prévu par les règles de
Hambourg, ce qui constitue un inconvénient pour les ayants droits
à la marchandise et leurs assureurs subrogés .
Dans le cadre de notre deux sous parties, nous allons essayer
d'apporter des cas de jurisprudence correspondants à notre
problème de droit, c'est-à-dire que nous allons traiter le
délai de protestation et le délai de prescription dans un cadre
purement jurisprudentiel pour faire une petite approche à notre
Arrêt traité.
Première sous partie :
l'application jurisprudentiel du délai de
protestation.
En tant que conditions de recevabilité de l'action , la
protestation préalable et l'exercice de l'action dans le délai de
90 jours qui suit cette protestation, s'appliquent à l'action
exercée par le capitaine du navire à l'encontre du
propriétaire de la cargaison pour obtenir le remboursement des
dépenses effectuées à la suite d'une escale non
prévue, nécessitée par l'état de celle cargaison,
en l'espèce un troupeau de bétail.
Le tribunal de première instance de Casablanca, a
jugé que suite à une faute d'avoir été
précédée de la protestation et d'avoir été
engagée dans le délai sus indiqué, la demande a
été déclarée irrecevable3(*) .
Cependant, et selon l'article 262 du DCCM, la protestation
motivée doit intervenir dans les 8 jours de la date à laquelle la
marchandise a été mise à la disposition effective du
destinataire. Sont inopérantes des réserves
précédentes faites avant la mise à disposition de la
marchandise. Elles ne font donc pas courir le délai préfix de
l'action en justice. La clause "franco bord ", inscrite au connaissement,
ne dispense pas l'armateur et le capitaine du navire de mentionner toutes
réserves utiles quant aux défectuosités de
l'embarquement4(*).
Le transporteur ne peut opposer la forclusion au destinataire
dès lors que le connaissement contient une clause, pouvant être
invoquée par les deux parties, aux termes de laquelle "le capitaine se
réserve un délai de trois mois à compter de la
réclamation pour la recherche des colis manquants". En effet,
cette clause doit être interprétée en ce sens que le
capitaine, disposant de trois mois pour rechercher les manquants, serait en
droit d'en opposer les termes au destinataire qui assignerait dans le
délai légal pour qu'il soit sursis à statuer
jusqu'à expiration du délai conventionnel inscrit au
connaissement5(*).
Quant à La preuve de l'envoi sous pli recommandé de
la lettre de protestation prévue par l'article 262 du DCCM. Elle peut
résulter d'autres éléments que de la production du
récépissé postal, et par exemple de l'aveu, même
indirect, du transporteur. S'il résulte des constatations faites que
les avaries (par mouille) sont dues à un défaut de fardage,
le transporteur, ayant ainsi commis une faute dans l'accomplissement de ses
obligations contractuelles, ne peut invoquer la force majeure alors
même qu'il serait établi que l'entrée d'eau s'est produite
par une fissure de la coque non décelable au départ6(*).
Or, Le transporteur maritime ne peut se prévaloir de la
forclusion de l'article 262 DCCM , sous le prétexte que la lettre
de réserves ne viserait pas la cause exacte des dommages, dès
lors qu'il lui a été adressé une seconde lettre
recommandée précisant la première alors que le
délai de huit jours prévu par ledit article n'était pas
expiré7(*).
Quant au consignataire du navire, il n'est pas partie au contrat
et s'il peut lui arriver de livrer la marchandise, ce ne peut être qu'au
nom de l'armateur. Le délai préfix de l'article 262 du DCCM,
n'est pas une prescription au sens de la loi et l'introduction d'une
instance devant un juge incompétent n'y fait pas échec8(*).
Cependant, Une personne non expressément mandatée
et qui, des circonstances de la cause, n'apparaît pas comme étant
le consignataire du navire, n'a pas qualité pour renoncer, au nom de
l'armateur et du capitaine, au bénéfice des délais
préfix inscrits dans l'article 262 DCCM. L'action des assureurs
subrogés engagés hors de ces délais doit être
déclarée irrecevable9(*).
Est régulière et fait courir le délai de
quatre-vingt-dix jours prévu par l'article 262 DCCM , la lettre de
réserve adressée au transporteur maritime avant la livraison des
marchandises à la condition qu'elle soit motivée et
expédiée sous pli recommandé. L'armateur qui a
repoussé, dans les délais prévus par l'arrêté
viziriel du 13 avril 1949, l'état différentiel qu'il avait
reçu de la manutention marocaine, n'est pas tenu, alors que cet
état différentiel lui avait été adressé
tardivement, plus de six jours après le débarquement, de
rapporter la preuve des erreurs qu'il prétend contenues dans ledit
état différentiel.
C'est ainsi que l'objet des lettres de réserves est
d'attirer l'attention du bord sur la nature apparente des avaries et non sur
leurs causes fondamentales.
Le vice caché du navire n'est une cause
exonératoire de responsabilité du transporteur maritime qu'autant
qu'un examen scrupuleux n'aurait pas permis de le découvrir10(*).
Le délai de protestation court ainsi de la date à
laquelle a été établi un constat de l'état et des
manquants de la marchandise transportée11(*).
Or , Le destinataire qui s'est conformé aux conditions de
forme et de fond de l'article 262 du DCCM , ne peut se voir opposer la
nullité de ses réserves pour le seul motif qu'il ne s'est pas
référé aux dispositions de cet article, mais à
l'article 435 du Code de commerce français, le dahir du 31 mars 1919 ne
lui imposant pas l'obligation de mentionner expressément, dans sa lettre
de réserves, les textes auxquels il entend se rapporter.
On peut déduire alors que la cour suprême dans notre
arrêt étudié, a opté pour 90 jours comme
délai de présentation de l'action qui court à partir de la
date de protestation et non pas à l'expiration de cette date.
La notion de prescription est distincte de la notion de
forclusion. La prescription est susceptible d'interruption à la
différence du délai de forclusion considéré comme
un délai préfixe non susceptible d'interruption.
Pour pouvoir bien assimiler la différence entre le
délai de prescription et le délai de forclusion dans le cadre de
la responsabilité du transporteur maritime, nous allons traiter la
confusion des deux régimes. (deuxième sous partie).
Deuxième sous partie :
Délai de prescription et délai de forclusion: une
confusion des régimes malgré des objets
différents.
La forclusion consiste en la perte d'un droit qui n'a pas
été exercé dans les délais prévus par la
loi.
Elle fait partie des exceptions et des fins de non-recevoir.
C'est une sanction civile qui, en raison de l'échéance du
délai qui lui était légalement imparti pour faire valoir
ses droits en justice, éteint l'action dont disposait une personne pour
le faire reconnaître.
Par exemple lorsqu'une partie à un litige a laissé
passer le délai pour faire appel ou pour se pourvoir en cassation.
Dans le cas d'une voie de recours non exercée dans le
délai, la décision devient définitive et se voit
conférée l'autorité de la chose jugée.
S'il s'agit d'un délai de comparution, le délai a
pour effet de permettre à la juridiction de statuer par défaut.
Plus généralement, les forclusions impliquent la perte d'un droit
lorsqu'il n'est pas exercé dans les délais légaux.
Quant à la prescription, elle peut être
définie comme étant une consolidation ou une extinction
d'une situation juridique par l'écoulement d'un délai. La
prescription est dite : "acquisitive", si l'écoulement du délai a
pour effet de faire acquérir un droit à celui qui l'exerce,
"extinctive", si elle fait perdre un droit.
La forclusion instituée par l'article 262 du DCCM ne
saurait être interrompue par une citation en conciliation devant une
juridiction incompétente12(*).
La forclusion de l'article 262 du DCCM, n'est pas d'ordre public
et il est loisible aux parties d'y renoncer soit expressément, soit
implicitement. C'est ainsi que le transporteur ne peut opposer cette
forclusion au destinataire dès lors que le connaissement contient
une clause, pouvant être invoquée par les deux parties, aux termes
de laquelle "le capitaine se réserve un délai de trois mois
à compter de la réclamation pour la recherche des colis
manquants ". En effet, cette clause doit être
interprétée en ce sens que le capitaine, disposant de trois mois
pour rechercher les manquants, serait en droit d'en opposer les termes au
destinataire qui assignerait dans le délai légal pour qu'il
soit sursis à statuer jusqu'à expiration du délai
conventionnel inscrit au connaissement.
La forclusion constitue un délai préfix et les
textes relatifs à l'interruption de la prescription ne peuvent y faire
obstacle13(*).
La forclusion tirée de l'article 262 du dahir formant
Code de commerce maritime, ne joue que s'il y a prise de possession par le
destinataire, ou délivrance de la marchandise transportée.
Cette forclusion ne peut donc jouer lorsque la manutention
marocaine a effectué le pointage des marchandises manquant à
l'arrivée ou si un contrat d'expertise et d'avaries est établi
dans ses magasins, ces actes ne pouvant être assimilés à la
délivrance de la marchandise à son destinataire ou à sa
prise en possession14(*).
Néanmoins, L'exception de forclusion contre une action
engagée postérieurement au délai de quatre vingt dix jours
prévu par l'article 262 du DCCM constituant un moyen de défense
peut être soulevée en tout état de cause, la
présence du cosignataire au constat d'avarie ne saurait être
interprétée comme une renonciation à se prévaloir
de la forclusion15(*).
Pour ce qui est de la prescription, Le délai de l'article
262 du dahir formant Code de commerce maritime ne constitue pas une
prescription, mais un délai préfix, dont l'inobservation est
nécessairement sanctionnée par la déchéance du
droit d'introduire l'action pour pertes et avaries.
Il ne saurait être fait échec à cette
règle par une assignation devant un tribunal incompétent,
action irrégulière qui ne peut constituer qu'un artifice de
procédure.
Deuxième partie :
la loi applicable par le juge marocain face aux différents
systèmes juridiques.
En matière de transport de marchandises par mer, la
première convention internationale fut celle de Bruxelles de 1924 pour
l'unification de certaines règles en matière de connaissement
votée à la conférence de 1921 et signée en 1924.
Cette convention qui a été ratifiée par la France en 1936
avait pour but de supprimer un grand nombre de conflits de lois en
espérant aboutir à une loi uniforme applicable à tous les
pays. Mais pour cela, il aurait fallu que ce texte soit adopté par
toutes les puissances maritimes à la fois comme régime interne en
lieu et place de leurs anciennes lois nationales et comme régime
international.
Or, tel ne fut pas le cas, non seulement tous les pays n'ont pas
adhéré à la dite convention, mais en plus ceux qui l'ont
ratifié ne l'ont souvent consacré que pour leurs transports
internationaux.
De son côté, le Maroc qui était sous
protectorat n'a pu ratifier la Convention de Bruxelles de 1924. D'ailleurs
c'était le cas de nombreux pays en voie de développement.
Après le mouvement d'indépendances qui a
occupé les années 1960-1970, la Convention de Bruxelles
était déjà critiquée par de nombreux pays de
chargeurs qui la concéderaient favorable aux intérêts des
armateurs.
C'est ainsi qu'à l'image du Maroc, de nombreux pays ont
rejeté la Convention de la Haye malgré son amélioration
par les Règles de Visby.
Aussi, le Maroc, malgré tout soucieux de l'uniformisation
du droit des transports maritimes a préféré
l'adhésion à la Convention de Hambourg élaborée par
la CNUDCI, adoptée le 31 mars 1978, ratifiée par le Maroc le 17
juillet 1981 et entrée en application le 1er novembre
1992.
Finalement, attendu que les principales puissances maritimes
(dont la France) n'ont pas adhéré aux Règles de Hambourg,
la coexistence de deux conventions n'a été qu'une source
supplémentaire de conflits de lois.
C'est à travers ces régimes juridiques, marocains
et internationaux que nous nous efforcerons de rechercher la loi applicable
lors de l'exécution du contrat de transport de marchandises entre le
Maroc et les autres pays en relief.
Première sous partie :
l'émission d'un contrat de transport comme critère de
détermination de la loi applicable.
Les Règles de Hambourg comme le DCCM (article 207) ont
élargi leur domaine d'application à tout contrat de transport
quelque soit la nature du titre qui le constate et quelque soit la valeur
négociable de celui-ci.
En effet, la Convention de Hambourg s'applique à partir du
moment que le titre émis constate l'existence d'un contrat de transport
et la prise en charge de la marchandise à bord du navire.
Le « connaissement », qui n'a pas été
défini par les rédacteurs de la Convention de Bruxelles, a
été défini par les Règles de Hambourg dans son
article 1-7 comme étant « le document faisant preuve d'un contrat
de transport par mer et constatant la prise en charge des marchandises par le
transporteur ainsi que l'engagement de celui-ci de délivrer les
marchandises contre remise de ce document ... ».
En fait, puisque ce document représente la marchandise et
vu son rôle principal dans le bon déroulement de
l'opération de transport, les rédacteurs des différentes
conventions internationales en la matière ont fait du lieu
d'émission du connaissement un critère de rattachement.
En pratique, rares sont les cocontractants qui s'informent sur le
contenu de la loi du lieu de conclusion avant d'émettre un
connaissement ; surtout que dans certains pays comme le Maroc où la
réglementation du connaissement est d'ordre publique.
En effet, l'article 264 du DCCM dispose « est nulle et
de nul effet toute clause du connaissement ... crée au Maroc ou à
l'étranger ayant directement ou indirectement pour objet de soustraire
l'armateur à sa responsabilité ».
En fin, les adversaires de ce critère avancent que
celui-ci serait obsolète depuis le développement des nouvelles
pratiques contractuelles.
Quoi qu'il en soit ce critère garde une place de choix en
matière de transport maritime international.
En fait, toutes les conventions internationales en matière
de transport de marchandises par mer considèrent que leurs dispositions
s'appliquent dès lors que le lieu d'émission du connaissement est
situé dans un Etat contractant.
En effet, la Convention de Bruxelles de 1924 ne s'applique pas
lorsque le connaissement a été émis dans un Etat non
contractant à moins que celui-ci contienne une clause Paramount.
Egalement, les Règles de Hambourg ne s'appliquent que si le
connaissement a été émis dans un Etat contractant.
A cet effet, force est de constater que cette dernière
convention internationale a repris le contenu de l'article 10 de la Convention
de Bruxelles de 1924.
A ce sujet, notons que le Doyen RODIERE est favorable à ce
critère de rattachement qui n'est que l'application de l'adage
« Locus régit actum »1, principe en vertu
du quel la forme des actes est soumise à la loi du lieu de leur
conclusion.
Pourtant, dans certains pays comme le Maroc, ce principe a
été réfuté au profit d'autres critères de
rattachement.
En effet, l'article 267 du DCCM affirme la primauté de la
loi du port de chargement et du port de déchargement.
Cependant, la Cour d'appel de Paris a opté pour
l'application de la loi marocaine comme loi du lieu d'émission du
connaissement au litige survenu lors d'un transport sous connaissement
signé au Maroc et à destination de la France, sous pavillon
Hollandais16(*).
Attendu que ni le Maroc, ni les Pays-Bas n'ont
adhéré à la convention de Bruxelles de 1924, la Cour a
décidé d'appliquer la loi marocaine en tant que lex loci
contractus.
De son côté, la jurisprudence marocaine a longtemps
eu tendance à appliquer systématiquement la loi marocaine chaque
fois que le transport s'effectuait à destination ou en provenance d'un
port marocain. Les tribunaux marocains motivaient alors leurs décisions
par le fait que la loi marocaine était une loi d'ordre public et
notamment sur le fondement des articles 264 et 267 du DCCM.
Aujourd'hui, depuis l'adhésion du Maroc aux Règles
de Hambourg le 1er novembre 1992, les choses ont beaucoup
évolué.
Désormais, les tribunaux marocains se doivent en principe
d'appliquer les Règles de Hambourg chaque fois qu'un connaissement est
émis au Maroc, même si le transport s'effectue entre deux Etats
autres que le Maroc.
Contrairement aux Règles de La Haye de 1924 dans leur
version originaire, les Règles de Hambourg étendent leurs champs
d'application à tous les transports de marchandises par mer quelle que
soit la nature du document émis.
Cependant, seule l'absence de connaissement ou de document
similaire interdit l'application des Règles de Bruxelles dans leur
version originaire. D'ailleurs la jurisprudence française soumet ce type
de contrat à la loi française.
Par ailleurs, attendu la célérité
imposée par les acteurs du commerce international et la lourdeur du
système du connaissement, à savoir les nombreux tampons que
celui-ci nécessite, les diverses signatures qu'il doit revêtir et
le retard que ces manipulations peuvent engendrer, aujourd'hui, l'utilisation
d'un tel document est désormais moins systématique.
En effet, la pratique maritime semble se tourner de plus en plus
vers des documents plus simples susceptibles de parvenir au destinataire avant
la marchandise.
Pour ce qui est de la pratique marocaine, l'article 207 du DCCM
dispose que le contrat de transport se constate par Charte-partie,
connaissement, ou tout autre écrit.
Finalement, si l'émission d'un connaissement ou d'un
document similaire a des incidences directes sur la détermination de la
loi applicable, qu'en est-il lorsque les parties désignent la loi
applicable dans une disposition du contrat de transport ?
La clause Paramount est un terme anglo-saxon qui signifie «
qui l'emporte sur tout », est apparue au XIXème siècle,
période durant la quelle les armateurs anglais jouissaient d'une grande
liberté concernant les termes et conditions du contrat de transport.
Lors de cette époque, les connaissements étaient de
véritables contrats d'adhésion dont les termes étaient
imposés par les armateurs anglais aux chargeurs américains.
En fait, ce déséquilibre entre les parties au
contrat de transport a conduit le Congrès américain à
promulguer le Harter Act, le 13 février 1893 afin de délimiter le
champ d'application des clauses de non responsabilité dans les
connaissements.
C'est ainsi que les chargeurs américains ont toujours
réclamé que les connaissements contiennent une clause qui
soumette leur connaissement au Harter Act.
Malgré que cette clause soit moins usitée au Maroc,
son insertion dans les contrats de transport demeure loisible puisque toutes
les conventions internationales en matière de transport de marchandises
par mer y font référence comme l'une des conditions de leur
application.
En fait, l'usage d'une telle clause demeure
particulièrement utile pour fixer le régime juridique auquel les
parties désirent soumettre leur contrat.
Ainsi, un transport international au départ d'un Etat non
adhérant aux Règles de Hambourg, comme la France, qui lui
échappe naturellement, peut par l'usage d'une clause Paramount lui
être soumis.
Attendu que toutes les conventions internationales en
matière de transport maritime de marchandises font
référence à la clause Paramount, les parties au contrat de
transport peuvent décider de soumettre son exécution soit aux
Règles de la Haye, soit aux Règles de Visby, soit aux
Règles de Hambourg.
Notons avant tout, qu'en principe la jurisprudence
française et marocaine refusent la possibilité de faire de la
clause Paramount un « mélange » de dispositions
empruntées à des textes différents ni même de
renvoyer à une convention tout en excluant certaines de ses dispositions
qui n'arrangeraient pas les parties.
En revanche, ce principe ne concerne que les prescriptions
auxquelles il ne peut être dérogé à peine de
nullité. Le transporteur pourra donc prévoir des dispositions
plus sévères telle une responsabilité plus lourde du
transporteur voir une réparation plus importante que celle prévue
par la convention désignée par la clause Paramount.
Du côté marocain, les termes de l'article 267 du
DCCM faisaient que tout transport au départ ou à destination d'un
port marocain était soumis à la loi marocaine.
On retrouve donc un esprit similaire à celui de l'article
16 de la loi française puisque le DCCM dans son article 267
n'édicte pas une règle de conflit de lois, mais délimite
son champ d'application du fait que ce soit une loi de police.
Aussi, chaque fois que le juge marocain a eu à
connaître d'un litige relatif à un transport en provenance ou
à destination d'un port marocain, même si les parties
insèrent dans leur contrat une clause qui renvoie à la Convention
de Bruxelles de 1924, les tribunaux ont toujours fait échec à la
volonté des parties en appliquant la loi marocaine comme loi
d'application immédiate.
Cependant, depuis 1992, avec l'application au Maroc des
Règles de Hambourg, les choses ont bien évolué puisque
désormais les juges devraient s'incliner devant la volonté des
parties lorsqu'elle désigne les Règles de Hambourg dans une
clause Paramount.
Deuxième sous partie :
la détermination de la loi applicable : aperçu
jurisprudentiel.
Aujourd'hui, la jurisprudence marocaine est malgré tout
hésitante puisque certains juges continuent à réfuter la
primauté des conventions internationales sur l'ordre juridique
interne.
C'est ainsi que le tribunal de commerce d'Agadir, dans un
jugement du 17 février 2002 a décidé d'écarter une
clause Paramount lors d'un transport maritime sous connaissement entre Las
Palmas et Agadir.
D'ailleurs, un nombre de praticiens s'accordent à dire que
le futur Code de Commerce Maritime Marocain encours de préparation
résoudra probablement cette question puisque son projet prévoit
expressément la possibilité que les parties désignent
librement la convention internationale à laquelle celles-ci souhaitent
soumettre leurs relations contractuelles.
Les tribunaux marocains ont toujours appliqué la loi
marocaine de façon systématique en ignorant la volonté des
parties chaque fois que le transport était en provenance ou à
destination d'un port marocain.
Rappelons à cet effet que la jurisprudence marocaine est
très indécise depuis l'adhésion du Maroc aux Règles
de Hambourg.
En réalité, une disposition équivalente
à celle de l'article 55 de la Constitution française fait
défaut au Maroc.
Aussi, une règle donnant la primauté aux normes
internationales sur les lois internes demeure nécessaire pour faire
valoir pleinement la volonté des parties.
Au Maroc, le principe de l'autonomie de la volonté en
matière de contrat de transport est plus respecté lorsque la
clause Paramount renvoie aux Règles de Hambourg.
Depuis l'adhésion du Maroc aux Règles de Hambourg,
le juge marocain devrait donner effet à ces Règles et s'assurer
de leur primauté à chaque fois que le connaissement renvois
expressément à la dite convention ou à une loi lui donnant
effet, peu importe que l'Etat dans lequel le connaissement a été
émis et que les Etats où se trouvent les ports de départ
et de destination ne soient pas parties à la convention.
C'est ainsi qu'un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 25
mai 1962 a décidé l'application de la loi française au
litige du fait que le connaissement se référait à
plusieurs articles du Code de Commerce et du Code Civil
français.14
En l'espèce, il s'agissait d'un transport de blé
entre Casablanca et Rouen où il est apparu que la marchandise avait subi
des avaries.
Le problème qui s'était alors posé au juge
était de savoir si celui-ci devait appliquer le délai de
prescription prévu par la loi française ou bien celui plus court
du DCCM.
Les juges avaient penché pour la prescription du droit
français en présumant que la référence dans le
connaissement de disposition du droit commun français devait laisser
entendre la volonté des parties de soumettre le transport à la
législation française.
Au regard de la jurisprudence, chaque fois qu'un tribunal
marocain était saisi d'une telle affaire, celui-ci avait tendance
à appliquer de DCCM et lorsqu'une juridiction française
était saisi de l'affaire, le juge appliquait la loi française.
C'est ainsi qu'un même litige pouvait aboutir à des
issues différentes selon la justice compétente.
Finalement, il s'avérait que ce sont les règles de
compétence qui déterminaient indirectement la loi applicable.
L'exemple le plus célèbre étant celui du
navire « Al Hoceima » dans lequel le juge français a
appliqué la loi française de 1966.
En l'espèce, il s'agissait d'un transport entre Casablanca
et Marseille où la marchandise avait subi des avaries.
Attendu qu'un transport Maroc-France n'est pas soumis à la
Convention de Bruxelles, que ce transport était à destination
d'un port français, le juge a appliqué la loi française de
1966.
Or, dans l'hypothèse où le même litige avait
été soumis à la justice marocaine, le juge aurait
très probablement appliqué les Règles de Hambourg puisque
son article 10 prévoit son application au transport effectué au
départ d'un Etat contractant, qui est le cas d'un transport au
départ du Maroc.
Si depuis un siècle de nombreux efforts ont
été fournis pour unifier les règles du transport
international de marchandises par mer, la multiplication des conventions
internationales en la matière et l'existence de lois nationales d'ordre
public n'ont finalement abouti qu'à une disparité
législative, source d'accumulation des conflits de lois.
Finalement, cette diversité des législations,
orchestrée par des rapports de force entre intérêts des
chargeurs et ceux des armateurs, a battu en brèche tous les efforts
visant à harmoniser le régime des transports maritimes.
Après la désillusion occasionnée par le
boycotte des Règles de Hambourg de la part des grandes nations
maritimes, aujourd'hui tous les espoirs de création d'un droit maritime
international unifié renaissent avec la perspective d'une nouvelle
convention international en cours de préparation sous l'égide de
l'OMI.
En fin, même dans l'hypothèse où toutes les
nations maritimes s'accordent à ratifier cette nouvelle convention, le
processus de ratification par les Etats risque d'être long avant de
parvenir à son application effective.
Aussi, la situation actuelle est vouée à perdurer
encore quelques années et seule une jurisprudence uniforme permettra
d'atténuer les effets indésirables de l'incertitude qui
règne aujourd'hui en la matière.
INTRODUCTION
Dans une ère de mondialisation et d'économie de
marché basée sur le commerce international, le transport maritime
fait office de corollaire indispensable.
Aujourd'hui la mer constitue une voie de passage, de navigation
et de communication entre les pays et fait office de support indéniable
aux échanges commerciaux.
En effet, ¾ du commerce mondial transite par voie de mer et
les transports maritimes constituent un maillon stratégique essentiel
notamment pour des pays maritimes comme la France et le Maroc.
Le Maroc est ouvert sur deux façades maritimes, disposant
de près de 3500 km de côtes et situé au carrefour des
principales routes commerciales entre l'Europe, l'Afrique, l'Amérique et
le Moyen Orient est par vocation un pays maritime.
Par ailleurs, la pratique maritime a inventé le contrat de
transport de marchandises qui peut être défini comme le contrat
par lequel le transporteur s'engage à transporter d'un point à un
autre une cargaison déterminée contre le paiement d'un fret.
C'est la naissance du connaissement ou des titres de transport
équivalents.
C'est ainsi que l'exécution du contrat de transport de
marchandises par mer qui signifie la réalisation des allégations
des parties constitue la phase contractuelle faisant l'objet des
contrôles les plus rigoureux de la part du législateur. Celui-ci y
insère souvent des dispositions d'ordre public.
Au Maroc comme en France le législateur s'est depuis
longtemps attelé à multiplier les obligations des
différents acteurs à l'opération de transport.
A côté de tout un arsenal juridique ; qui comprend
le DCCM de 1919, le Code de Commerce Marocain de 1996, la Convention de
Bruxelles de 1924 (Règles de la Haye), et les différents
protocoles qui s'y rattachent, la loi française de 1966 et les
Règles de Hambourg ; la volonté des parties a toujours
joué un rôle primordial pour fixer leurs droits et obligations.
En réalité, cette diversité de
régimes juridiques est le fruit d'une guerre acharnée entre les
intérêts des armateurs et ceux des chargeurs.
Aussi, afin d'en assurer l'application, le législateur a
souvent considéré les règles juridiques qui entourent
l'opération de transport comme étant des lois de police ou
d'ordre public.
Ainsi, dès 1919, le Maroc, sous protectorat, s'est
doté d'un texte déjà très solide et fortement
protecteur des intérêts de la marchandise.
Ce régime juridique, largement inspiré du Harter
Act américain de 1893 était strictement d'ordre public afin de
faire face à la liberté qui a été longtemps
reconnue aux armateurs.
C'est ainsi que fut aussitôt ressentir la
nécessité d'une réglementation internationale
signée à Bruxelles le 24 Août 1924 et qui a marqué
un tournant en matière d'exécution du contrat de transport.
Sachant que les transports maritimes sont le plus souvent
internationaux et nécessitent l'intervention de nombreux acteurs
situés aux quatre coins du globe et vu la diversité des
systèmes juridiques en la matière, l'opération de
transport de marchandises par mer est plus sujette que toute autre
matière aux conflits de lois.
Historiquement, le nationalisme exacerbé du XIXème
siècle engendra la diversité des nations et par la même des
législations maritimes.
Afin de mettre fin à la gêne causée aux
parties au contrat de transport et afin de limiter les effets pervers qui
découlent de cette incertitude régnante, les puissances maritimes
ont voulu mettre au point une législation maritime internationale
unifiée sans causer de dommages aux armateurs.
Or, cette unification ne s'effectuait plus selon les usages et
coutumes, mais par des conventions élaborées par les
intéressés et ratifiées par les Etats.
La première démarche fut la création en
Belgique du Comité Maritime International en 1897. Le gouvernement belge
avait alors pris l'initiative de réunir à Bruxelles une
conférence diplomatique qui avait déjà voté
plusieurs conventions internationales se rapportant au domaine maritime.
En matière de transport de marchandises par mer, la
première convention internationale fut celle de Bruxelles de 1924 pour
l'unification de certaines règles en matière de connaissement
votée à la conférence de 1921 et signée en 1924.
Cette convention qui a été ratifiée par la France en 1936
avait pour but de supprimer un grand nombre de conflits de lois en
espérant aboutir à une loi uniforme applicable à tous les
pays. Mais pour cela, il aurait fallu que ce texte soit adopté par
toutes les puissances maritimes à la fois comme régime interne en
lieu et place de leurs anciennes lois nationales et comme régime
international.
Or, tel ne fut pas le cas, non seulement tous les pays n'ont pas
adhéré à la dite convention, mais en plus ceux qui l'ont
ratifié ne l'ont souvent consacré que pour leurs transports
internationaux.
De plus, depuis l'adoption du protocole de 1968 (Règles de
Visby) visant à amender la convention de Bruxelles dans sa version
originaire n'a fait qu'accentuer les cas de conflits de lois.
Face à cette situation, la jurisprudence française
semble parvenue à la solution selon laquelle les transports
effectués au départ d'un Etat signataire des Règles de la
Haye, même à destination de la France seraient soumis à ces
seules Règles et les transports effectués au départ de la
France même à destination d'un pays non signataire des
Règles de Visby seraient régi par ces dernières.
Notons enfin que depuis l'entrée en vigueur en France
dès 1991 de la convention de Rome du 19 Juin 1980 celle-ci est
applicable par les tribunaux français pour déterminer la loi
régissant un rapport contractuel international concernant deux pays de
l'Union Européenne.
De son côté, le Maroc qui était sous
protectorat n'a pu ratifier la Convention de Bruxelles de 1924. D'ailleurs
c'était le cas de nombreux pays en voie de développement.
Après le mouvement d'indépendances qui a
occupé les années 1960-1970, la Convention de Bruxelles
était déjà critiquée par de nombreux pays de
chargeurs qui la considéraient favorable aux intérêts des
armateurs.
C'est ainsi qu'à l'image du Maroc, de nombreux pays ont
rejeté la Convention de la Haye malgré son amélioration
par les Règles de Visby.
Aussi, le Maroc, malgré tout soucieux de l'uniformisation
du droit des transports maritimes a préféré
l'adhésion à la Convention de Hambourg élaborée par
la CNUDCI, adoptée le 31 mars 1978, ratifiée par le Maroc le 17
juillet 1981 et entrée en application le 1er novembre 1992.
Cependant, en matière de transport le problème de
la responsabilité est de beaucoup le problème essentiel. Il
s'agit en effet du régime des indemnités dues par le transporteur
quand un incident se produit en cours de transport, et de tout le contentieux
du transport lui-même.
Mais le problème qui se pose au juste est de savoir, quand
est ce que l'action en responsabilité se prescrit ? L'article 262
du DCCM et l'article 20 des règles de Hambourg fixent les conditions de
recevabilité de l'action en responsabilité contre le transporteur
maritime, nous allons donc essayer de commenter dans un premier temps l'article
262 du DCCM, avant d'aboutir dans un deuxième temps à l'article
20 de la convention de Hambourg.
Première partie :
les conditions d'irrecevabilité de l'action en
responsabilité contre le transporteur maritime selon l'article 262 du
DCCM.
Si les parties n'arrivent pas à régler leur litige
à l'amiable, elles seront contraintes à régler ce dernier
en intentant une action en responsabilité devant le tribunal
compétent ou devant un arbitre ou un collège d'arbitres.
L'ayant droit à la marchandise bénéficiera
alors d'un élément purement positif, eu égard aux
innovations introduites aussi bien par le DCCM, le projet de loi que par la
convention de Hambourg en matière de délais des réserves
ou des actions judiciaires ou arbitrales et en matière de
compétence des tribunaux judiciaires ou d'arbitrage, à leurs
formulations plus claires et plus explicites.
Nous allons donc examiner dans le cadre d'une première
sous partie les modalités des réserves avant d'arriver à
l'action en responsabilité contre le transporteur.
Première sous partie :
les modalités des réserves.
Les réserves expriment le mécontentement du
demandeur, d'ailleurs elles doivent empêcher la naissance d'une
présomption.
Cependant, cette présomption de livraison conforme ne
pourrait être détruite que si le destinataire donne un avis de
perte ou de dommage, y compris celui résultant d'un retard à la
livraison dans les délais et selon la forme exigée.
Quant à la convention de Hambourg, la présomption
de la livraison conforme pourra être combattue par la preuve contraire ce
qui explique que la convention de Hambourg était moins rigoureuse que
les règles posées par le DCCM.
L'article 262 du DCCM traite seulement des pertes partielles et
les avaries particulières, c'est ainsi que la perte est dite partielle
quand il n'y a pas eu de perte totale des marchandises, la qualité des
preuves produites par la partie ayant subi le dommage est liée à
l'efficacité de l'action en dommages et intérêts.
Par ailleurs, la personne désignée par le
connaissement comme destinataire, comme dernier endossataire ou comme
réceptionnaire, est la seule habilitée à faire ces
réserves.
Ces dernières peuvent être faites par toute personne
lésée au port de déchargement y compris le destinataire,
le chargeur ou leur mandataire et l'acconier se dégageant ainsi de toute
responsabilité au détriment du transporteur.
S'agissant du DCCM, l'article 262 ne donne aucune
précision quant à la personne habilitée à formuler
ces réserves. En revanche, le code de commerce n'a pas manqué de
combler cette lacune en désignant le destinataire. Par
conséquent, le transitaire, quoique ne figurant pas au connaissement
comme destinataire, mais du fait qu'il prend livraison pour le compte du
réceptionnaire, a qualité pour rédiger des réserves
et les faire parvenir au transporteur maritime conformément aux
exigences de l'article 262. A défaut, il risquerait fort de voir sa
responsabilité de mandataire engagée dans le cadre des articles
895 et 903 dans son alinéa premier du DOC.
Les réserves doivent être faites à une
personne habilitée à les recevoir, c'est-à-dire la
personne qui a assuré le déplacement de la marchandise ou son
représentant y compris le consignataire du navire, l'agent maritime et
le commis succursaliste sous peine d'irrecevabilité l'action
intentée contre l'armateur.
En effet, le tribunal de 1ère instance de
Casablanca en date du 22/10/1957 a jugé qu'il est irrecevable, par
application de l'article 262 du DCCM, l'action exercée contre
l'armateur, alors que la lettre des réserves prévue par l'article
262 du DCCM n'a été adressée ni à ce dernier, ni au
consignataire du navire, seul qualifier pour le représenter.
Le DCCM dans son article 262 n'a pas prévu
l'éventualité d'adresser cette protestation ni au transporteur
substitué ni aux personnes agissant au nom du transporteur contractuel
ou substitué. Cependant, on constate que dans la pratique, la lettre des
réserves est adressée aussi bien au transporteur, en la personne
de son capitaine de navire ou à son agent, qu'au manutentionnaire
à terre.
S'agissant des réserves adressées à ce
dernier, la question est de savoir pour le compte de qui il agit et est ce
qu'il est tenu de prendre de telles réserves pour le compte du
transporteur ?
Si le connaissement permet au capitaine de désigner une
entreprise de manutention ou lui donne mandat pour ce faire, les
réserves adressées à l'acconier pour le compte du
réceptionnaire ne sont pas opposables au transporteur.
En revanche, lorsque le connaissement ne donne pas mandat au
capitaine de désigner un acconier pour le compte du
réceptionnaire, les réserves adressées à l'acconier
sont opposables au transporteur dès lors qu'il agit pour le compte du
transporteur.
Dans tous les cas de figure, le déchargement de la
marchandise et sa remise entre les mains du manutentionnaire ou autre
autorité compétente ne signifie pas remise effective au
destinataire : le transporteur reste responsable tant que la marchandise
n'est pas effectivement livrée au destinataire.
Aux termes de l'article 17 cahier des charges, l'ODEP est tenu
d'adresser au transporteur ou à son agent un état
différentiel dans les six jours ouvrables à compter de la fin du
déchargement sous réserve qu'il dispose d'un manifeste complet
permettant le pointage...
Quant aux délais des réserves, ils différent
selon qu'il s'agisse du texte applicable c'est-à-dire du DCCM ou de la
convention de Hambourg et du projet de loi ; et selon qu'il s'agisse d'un
dommage apparent ou d'un dommage non apparent ou encore d'un dommage
résultant d'un retard à la livraison. Ce délai est
fixé à 8 jours -jours fériés non compris de la mise
à la disposition effective de la marchandise à l'ayant droit, peu
importe que le dommage soit apparent ou non contrairement à la position
adopté par les conventions internationales et certaines
législations comparées (article 3 alinéa 6 convention de
Bruxelles, Article 19 convention Hambourg).
Cette mise à la disposition effective connait plusieurs
interprétations jurisprudentielles en raison du monopole de fait et de
droit dont bénéficiaient certains aconiers.
Bien sûr, rien n'empêche l'ayant droit de formuler
ces réserves avant la livraison.ces réserves anticipées
sont admises par les tribunaux marocains car les dispositions de l'article 262
du DCCM qui frappe de forclusion toute protestation tardive n'interdisant pas
au destinataire de faire cette protestation dès qu'il a
été à même de constater les manquants ou avaries
avant de procéder à l'enlèvement.
Il est vrai que le DCCM, ignore cette distinction puisqu'il
institue un seul et même délai ; lequel est fixé
à 8 jours - jours fériés non compris. Passé ce
délai, il y a forclusion et par conséquent l'action du demandeur
est irrecevable, alors que, le projet de loi (article 302 et 305) et la
convention internationale de Hambourg- considèrent l'absence de
réserves comme une présomption, sauf preuve contraire, que les
marchandises ont été livrées conformément ou
convenablement.
Les délais que le DCCM ou la convention laissent au
destinataire pour formuler ses réserves commencent au moment de la
livraison effective ou la délivrance de la marchandise ou selon
l'expression du DCCM de la mise à la disposition effective du
destinataire. Donc le point de départ de ces délais, en droit
marocain, est différent de ceux de la convention de Hambourg qui opte
pour « la prise de la livraison » ou selon le projet qui
parle plutôt de « la remise de la marchandise ».
Partant de là le déchargement de la marchandise ou,
encore la remise des marchandises aux mains de l'acconier-dépositaire
autre autorité compétente ne signifie pas remise effective de la
marchandise à qui de droit. Il s'agit donc de la prise en possession de
la marchandise par le destinataire.
S'agissant de la position de la doctrine et de la jurisprudence
marocaine qui traduit la spécificité des ports marocains n'est
pas unanime.
Selon la plupart des auteurs et des tribunaux, on
considère que la réception des marchandises implique
d'après l'esprit de la loi l'arrivée des marchandises à
destination, leur délivrance régulière à qui de
droit et, en outre, une prise de possession matérielle dès lors
la remise des marchandises effectuée au service de l'acconage et leur
dépôt dans ses magasins ne constituent pas une mise à la
disposition effective. Par conséquent, c'est la date du contre bon
à délivrer qui marque le point de départ du délai
de protestation motivé prescrit par l'article 262 et, par
conséquent, qui constitue une preuve suffisante de la mise à la
disposition effective ou de la remise effective des marchandises à qui
de droit.
Si l'article 262 du DCCM n'a pas prévu
l'éventualité d'adresser cette protestation ni au transporteur
substitué ni aux personnes agissant au nom du transporteur contractuel
ou substitué, il a , en revanche exigé impérativement et
limitativement une protestation motivée par acte extrajudiciaire ou par
lettre recommandée suivie et dans les 90 jours d'une action en justice
ce qui constitue une garantie. Autrement dit, les réserves
expédiées par lettre ordinaire ne peuvent être
substituées aux prescriptions légales même si le
transporteur avoue et ne conteste pas la réception.
La jurisprudence marocaine a rappelé à ce sujet que
les P.T.T jouissent d'un monopole et que c'était la date d'envoi de la
protestation c'est-à-dire la date de la mise à la poste qui
comptait seule, à l'exclusion de toute autre date portée sur la
lettre elle-même. Par conséquent, le
récépissé de l'envoi recommandé constitue pour le
réceptionnaire la preuve des réserves que le DCCM met à sa
charge. Ces réserves doivent être faites par acte extra judiciaire
ou par lettre recommandée, la date d'envoi de la protestation fait foi.
Donc le récépissé d'envoi recommandé établi
la preuve des réserves. Mieux encore, un accusé de
réception serait le bienvenue pour mieux asseoir la
régularité de ces réserves. Toute fois cette
formalité nous parait insuffisante et qu'il convient par
conséquent de la renforcer par un accusé de réception.
Aussi ces réserves doivent elles être suffisamment
motivées et c'est-à-dire dans la mesure possible précise
et claire démontrant ainsi la nature du dommage, le nombre des colis
perdus ou avariés avec leurs numéros et autre indication
susceptible de les individualiser qui impliqueraient la responsabilité
du transporteur sinon la présomption de livraison conforme ne peut
être détruite. Donc les réserves générales et
de style sont considérés comme non avenues. Par contre,
l'indication d'avarie constitue des motifs amplement suffisants (article 262 du
DCCM).
Il est à noter par ailleurs que dans la pratique l'ayant
droit peut demander après l'envoi de la lettre de réserve
transporteur ou à son agent de faire une constatation de l'état
de la marchandise en présence d'agent de l'ODEP. Ce constat peut
être effectué à domicile du réceptionnaire
d'où la question de son opposabilité. L'expertise amiable ne peut
être opposable qu'à ceux qui ont assisté sans protestation
ni réserve. Bien mieux, l'estimation unilatérale constitue une
preuve suffisante des dommages soufferts bien que l'armement n'y a pas
été convoqué régulièrement tant qu'il a
assisté aux opérations les plus importantes exigeant que le
transporteur soit régulièrement convoqué pour que le juge
puisse puiser les renseignements qui lui serviront à former son opinion.
Cette convocation est requise sous peine de nullité dans les expertises
ordonnées par une décision de justice. Par ailleurs au terme de
l'article 262 l'envoi de la lettre recommandée est
nécessaire ; ce qui revient à dire que le constat
contradictoire ne suffit pas. L'expédition d'une lettre de
réserve se forme de pli recommandé et dans les délais
réglementaires est la base nécessaire de toute action en
responsabilité contre le transporteur maritime. Autrement dit, pour
échapper à la forclusion qui résulte de l'absence de la
lettre de réserve, il faut envoyer sa protestation par lettre
recommandée car le fait d'assister à une expertise pour un
constat ne permet pas de conclure à une renonciation tacite à
cette fin de non recevoir.
Pour les règles de Hambourg cette lettre pour avis de
réserve doit être adressée par écrit sauf si
l'état de la marchandise a été contradictoirement
constater, les deux parties doivent se donner réciproquement toutes les
facilités raisonnables pour l'inspection et le vérification des
marchandises en cas de perte ou de dommage. Aucune autre formalité n'a
été exigée. Cette position a été une autre
fois consacrée par le projet de loi dans ses articles 302 et 303.
Néanmoins, il nous paraît utile d'imposer la formalité
exigée par le DCCM tout en la renforçant, si possible, avec un
accusé de réception et ce pour des raisons pratiques.
Il se peut que l'ayant droit ne formule pas de réserves
légitimes, dans ce cas il est présumé avoir reçu
cette marchandise telle qu'elle est décrite au connaissement. On dit
qu'il y a là une présomption de livraison conforme laquelle peut
être combattue par tout moyen de preuve.
En droit marocain, il y a dans ce cas naissance de la
présomption de la livraison conforme et, par conséquent,
irrecevabilité de l'action. Aux termes de l'article 262 du DCCM.
Cette contestation ne suffit pas à elle seule, elle doit,
à peine d'irrecevabilité, être appuyée d'une lettre
recommandée renfermant les réserves motivées
exigées par la loi.
D'où la sévérité du DCCM,
vis-à-vis du destinataire puisqu'il prévu la
déchéance de droit d'action en cas d'absence de protestation ou
de protestation irrégulière ; c'est-à-dire lorsque la
protestation est non motivée ou adressée en dehors du
délai réglementaire sauf renonciation, tacite ou expresse,
à la fin de non recevoir avant ou après l'exécution du
contrat étant donné que les dispositions de l'article 262 du DCCM
ne sont pas d'ordre public bien qu'elles soient impératives. On estime
très équitable de modifier l'article 262 du DCCM afin de
permettre à l'ayant droit négligent de détruire cette
présomption de fait, bien que la preuve semble être difficile
à administrer rejoignant ainsi le droit comparé.
Deuxième sous partie :
L'action en responsabilité envers le transporteur
maritime.
Les dispositions du DCCM sont plus rigoureuses que celles des
règles de Hambourg ou de celles du projet de loi, dans la mesure
où l'absence ou l'irrégularité des réserves
constitue une fin de non recevoir à l'action en
responsabilité.
Cependant le délai de prescription de l'action en
responsabilité découlant du contrat de transport est très
court par rapport à celui prévu par les règles de Hambourg
et du projet de loi, ce qui ne favorise pas la position des ayants droits
à la marchandise et leurs assureurs subrogés.
La prescription, en tant que règle de procédure
permet de déterminer l'issue du litige d'où
déchéance du droit à l'action. En droit maritime, cette
prescription est d'une importance capitale dans la mesure où elle permet
de maintenir un certain équilibre entre les intérêts
engagés et surtout de compenser les conséquences découlant
du fondement de la responsabilité du transporteur.
Le délai de prescription des actions en
responsabilité découlant du contrat de transport de marchandises
par mer est fixé en droit marocain à une année à
compter de l'arrivée de la marchandise au port de destination. En cas de
non arrivée de la marchandise, ce délai court de la date à
laquelle elle aurait dû normalement y parvenir conformément aux
dispositions de l'article 263 du DCCM sauf convention contraire.
Par ailleurs, le point de départ du délai de
prescription prévu par l'article 263 diffère complètement
de celui prévu par l'article 262. En effet, si le premier, en tant que
délai de déchéance, commence à compter de
l'arrivée de la marchandise au port de destination et, en cas de non
arrivée, à la date à laquelle elle aurait dû
normalement y parvenir. Alors que le second, en tant que délai de fin de
non recevoir, ne commence à courir que du jour de la date à
laquelle la marchandise a été mise à la disposition
effective du destinataire. Cette différence trouve sa justification dans
le fait que, pour le délai de fin de non recevoir, le destinataire ne
peut vérifier les dommages subis par la marchandise que si elle lui a
été remise et livrée effectivement.
Selon la jurisprudence de la cour suprême, la prescription
de l'action en responsabilité du transporteur maritime n'est pas soumise
au délai prévu par l'article 262 et que « prive sa
décision de tout fondement juridique, la cour qui a appliqué les
dispositions de l'article 262 du DCCM, les juges n'ont pas expliqué
pourquoi ils ont écarté l'application des dispositions de
l'article 20 de la convention de Hambourg bien que la demanderesse l'ait
réclamée.
Aux termes de l'article 381 du DOC, la prescription est
interrompue par certains modes dont notamment : l'assignation en justice
même devant un tribunal incompétent. De ce fait, quelques
difficultés concernant l'instant exact de cette interruption et l'effet
de l'assignation par le destinataire à l'égard du chargeur
peuvent surgir.
Cependant, La reconnaissance de dettes ne peut pas entrainer
l'interruption de la prescription que lorsqu'elle est antérieure
à l'expiration du délai de prescription et qu'elle est
expresse.
Ce délai cesse de courir pendant toute la durée de
l'événement qui met le demandeur dans l'impossibilité
d'agir conformément aux dispositions de l'article 370 et 380 du DOC.
Parmi les causes de suspension, on peut citer celle de la force majeure et dont
la preuve incombe au destinataire qui s'est trouvé dans
l'impossibilité d'agir dans le délai établi par la
prescription, on peut citer également le cas des pourparlers ou encore
des transactions intervenues entre le transporteur et le destinataire et qui ne
laissent entrevoir aucune perspective d'accord amiable. Par conséquent,
la durée qui reste de ce délai reprend à partir de la fin
de cet événement.
Deuxième partie :
la prescription de l'action contre le transporteur maritime selon
l'article 20 de la convention de Hambourg.
Toute action relative au transport de marchandises par mer en
vertu de la présente convention prescrite si une procédure
judiciaire ou arbitrale n'a pas été introduite dans un
délai de 2ans.
Le délai de prescription court à partir du jour
où le transporteur a livré les marchandises ou une partie des
marchandises, ou lorsque les marchandises n'ont pas été
livrées, à partir du dernier jour où elles auraient
dû l'être.
Le jour indiqué comme point de départ du
délai de prescription n'est pas compris dans le délai.
La personne à qui une réclamation a
été adressée peut à tout moment pendant le
délai de prescription prolonger ce délai par une
déclaration adressée par écrit à l'auteur de la
réclamation.
Le délai peut être de nouveau prolongé par
une ou plusieurs autres déclarations.
Une action récursoire d'une personne tenue responsable
pourra être exercée même après l'expiration du
délai de prescription prévu aux paragraphes
précédents, si elle l'est dans le délai
déterminé par la loi de l'Etat où les poursuites sont
engagées. Toutefois, ce délai ne pourra être
inférieur à quatre vingt dix jours à compter de la date
à laquelle la personne qui exerce l'action récursoire a
réglé la réclamation ou à elle-même
reçu signification de l'assignation.
Cet article 20 des règles de Hambourg de 1978 traite de la
prescription extinctive des actions, la prescription extinctive peut être
définie comme étant l'extinction de l'action naissant d'une
obligation par l'expiration du délai assigne au créancier pour
agir.
L'article 384 du Code des obligations et des contrats
prévoit que « la prescription, pendant le laps de temps
fixé par la loi, éteint l'action naissant de
l'obligation ».
La prescription extinctive fait ainsi perdre son action au
créancier qui est demeuré un certain temps sans le faire valoir.
La prescription a un rôle extinctif puisqu'elle prive une
obligation de la sanction juridique, et se justifie par le fait que la paix
sociale implique la consécration des situations acquises et rapproche le
fait du droit.
Elle sanctionne aussi la négligence du créancier.
La prescription a également un rôle probatoire puisqu'elle fait
présumer la libération du débiteur. Elle correspond par
là à une nécessité pratique puisque, sans la
prescription extinctive, les débiteurs devraient conserver
indéfiniment leurs titres de paiement pour résister aux
poursuites de leurs créanciers.
Toutes ces fonctions justifient que la prescription extinctive se
trouve reconnue et réglementée dans l'article 20 des
règles de Hambourg de 1978.
L'article 20 traite de la durée de la prescription
extinctive, du point de départ du délai, du calcul du
délai, de la prorogation du délai et des actions
récursoires. Nous allons traiter donc au sein d'une première sous
partie le délai de prescription : son délai et son calcul,
avant d'arriver dans le cadre d'une deuxième partie la prorogation du
délai et les actions récursoires.
Première sous partie : le
délai de prescription : le calcul et le point de
départ.
La durée de la prescription est fixée à
2ans. L'article 20 énonce en effet dans son paragraphe premier que
toutes les actions qui naissent du transport de marchandises par mer en vertu
de la convention des nations unies de 1978 se prescrivent si une
procédure judiciaire ou arbitrale n'est pas introduite dans un
délai de 2ans.
Ce délai est franc dans la mesure où le jour
indiqué comme point de départ n'est pas compris dans ce
délai et celui de la convention qui n'a pas laissé les tribunaux
marocains en dehors de toute controverse.
L'article 20 dans son deuxième paragraphe, des
règles de Hambourg prévoit deux points de départ possibles
pour le délai de prescription selon que la marchandise
transportée a été livrée ou non par le
transporteur.
Si le transporteur a livré tout ou partie de la
marchandise transportée, le point de départ du délai est
le jour de la livraison.
Mais lorsque le transporteur n'a rien livré, le point de
départ du délai est le dernier jour où la marchandise
aurait dû être livrée. Il peut s'agir du délai
conventionnel ou du délai raisonnable de livraison, tel qu'il peut
être déterminé par le juge .
Quand au paragraphe 3 de l'article 20 des règles de
Hambourg, celui-ci prévoit que le jour indiqué comme point de
départ du délai de prescription n'est pas compris dans le
délai de deux ans.
Cela signifie que la prescription extinctive commence à
courir le lendemain à zéro heure du jour fixé comme point
de départ.
Donc on pourra déduire que la prescription s'accomplit
lorsque le dernier jour du terme est expiré.
Deuxième sous partie :
la prorogation du délai, les actions
récursoires.
L'article 20 paragraphe 4 des règles de Hambourg de 1978
prévoit que le jour indiqué comme point de départ du
délai de prescription par un accord écrit des parties
intéressées.
La prorogation peut être également
renouvelée. Ce paragraphe 4 de l'article 20 est une dérogation
selon laquelle les parties peuvent par convention particulière proroger
le délai de prescription à condition de ne pas dépasser le
délai maximum qui constitue le délai de prescription.
L'article 20 paragraphe 5 des règles de Hambourg de 1978
prévoit que les actions récursoires c'est-à-dire les
actions d'une partie tenue responsable aux termes de la Convention de Nations
de 1978 contre une autre partie qui peut être responsable envers elle,
peuvent être engagées même après l'expiration du
délai de deux ans visé par le paragraphe premier, lorsque
l'action est exercée dans le délai fixé par la loi interne
du pays où la poursuite est engagée.
La partie qui exerce une action récursoire dispose donc
d'un délai supplémentaire, après l'expiration du
délai de 2ans, fixé conformément à la loi interne,
mais qui ne peut être inférieur, selon le paragraphe 5, à
90 jours à compter de la date à laquelle la personne qui exerce
l'action récursoire a réparé le préjudice ou
reçu signification de l'assignation en justice.
Enfin on pourrait dire que l'article 20 a gardé le
silence sur certaines questions importantes relatives à la prescription
extinctive, notamment l'interruption et la suspension de la prescription.
Devant le silence du texte international, force est de revenir au
droit commun comme en droit marocain, le DOC a cependant traité de la
suspension et de l'interruption de la prescription, et ceci afin de poser des
solutions à tous les problèmes sous silence.
Pour conclure, on pourrait ainsi se poser la question, pourquoi
en pratique, les juges marocains dans la plupart des temps déterminent
le DCCM en tant que loi applicable, et pourquoi est-il si rare qu'on se
réfère aux règles de Hambourg pour trancher le
litige ?
On pourrait enfin s'interroger aussi sur la place de l'arbitrage
au Maroc pour régler les litiges en matière du transport
maritime, et de savoir aussi pourquoi dans la plupart des chartes parties, les
parties au contrat de transport optent pour régler leur litige devant
une juridiction d'un pays de leur choix ? .
INTRODUCTION
Depuis la nuit des temps, l'homme n'a cessé de manifester
le besoin pressant de percer le secret de cette ligne mystérieuse
où la mer et le ciel se confondent. Dès la découverte de
la flottabilité du bois, son génie le conduisit à
confectionner des embarcations creusées dans des troncs d'arbre, et
ainsi commença l'aventure maritime. Cette invention fut ce que la roue a
été pour la locomotion sur la terre ferme.
Soucieux de conquérir des terres nouvelles abondant de
richesses et d'écouler sa production ou de la troquer, il a vite compris
l'enjeu de la mer pour son épanouissement et sa subsistance.
L'histoire nous prouve que les pays qui régnaient en
seigneurs se sont dotés de flottes marchandes et ont fait de la mer leur
cheval de bataille. Bref, la domination de la mer était un symbole de
puissance économique et politique.
La simple consultation d'une carte géographique montre la
position stratégique qu'occupe le Maroc. Ce dernier, tête de pont
entre deux continents, l'Afrique et l'Europe, est depuis les temps les plus
reculés, le carrefour de nombreuses civilisations et cultures et d'un
trafic intense d'échanges commerciaux internationaux. C'est en effet
cette position privilégiée qui nourrit les convoitises des
peuples marins depuis la plus haute antiquité. Les Phéniciens qui
avaient instauré des présides au XIIè siècle avant
J.C et les Carthaginois qui avaient conquis Luxus(17(*)), près de Larache, puis
le Cap Spartel au VIIè siècle avant J.C (18(*)).
Et si la tradition maritime marocaine a pris racine au Vè
siècle avant J.C, la navigation et la vocation maritime ont pris de
l'importance au moment où l'Islam pénétra le Maroc et
elles se sont perpétuées durant les conquêtes menées
pour sa propagation. Ainsi, depuis le célèbre Tarik Ibn Ziad,
juché sur son mirador (Tanger) décida de franchir la porte
naturelle de l'Afrique et l'Europe ; le Détroit de Gibraltar, les
intérêts des sultans marocains qui se sont succédés
sur le trône, furent portés sur le développement des
flottes marchandes et navales. C'est ainsi que les Idrissides disposaient au
Ier siècle, d'une flotte chargée de la défense
des présides et des liaisons avec l'étranger. Il en était
de même pour les Almoravides qui possédaient, au XIIè
siècle, une flotte de 400 vaisseaux et pour les Mérinides qui
détenaient, au XIVè siècle, une flotte de 600
unités (19(*)).
Mais après ces périodes fastes qui connurent des
victoires navales et une activité maritime florissante,
l'émergence de l'Europe en tant que puissance maritime, a conduit les
flottes marocaines au déclin au début du Moyen Age. Toutefois,
l'activité maritime est demeurée pour les souverains marocains
une vocation, voire une priorité. Le plus fort témoignage de cet
enracinement est l'illustre décision de Feu Sa Majesté Hassan II
quand il dit « Il nous a semblé
nécessaire de renouer avec une des plus glorieuses traditions de notre
monarchie en nous tournant vers la mer. Il était en effet indispensable
de doter la nation d'une flotte commerciale capable de transporter dans les
conditions les plus rapides et les plus économiques des dizaines de
millions de tonnes que nous importons et exportons par mer chaque
année » (20(*))
L'identification du transporteur en cas d'affrètement est
parfois objet de contestation. Elle est à l'origine de contentieux
lourds et persistants et souvent posés devant les tribunaux de tous les
pays. Pourtant, cette question est extrêmement importante.
Tout à bord, la responsabilité du transporteur est
un des sujets essentiels du droit maritime. En cas de pertes ou dommages subis
par la marchandise, avant de demander la réparation, les ayants droit de
la marchandise doivent savoir contre qu'ils dirigent son action.
L'identification du transporteur est donc un postulat de départ. A
l'inverse, la personne qui est assignée en justice doit savoir si c'est
elle qui devra été attribuée la qualité de
transporteur.
Dans le second cas, l'identification du transporteur a une
importance considérable dans le cadre d'une procédure judiciaire.
Dans le domaine du transport maritime, la prescription de l'action en
responsabilité contre le transporteur est d'un an à compter du
jour de la livraison21(*)selon la convention de Bruxelles, à l'exception
des Règles de Hambourg qui prévoient un délai de
prescription de deux ans22(*). Quant au DCCM la prescription de l'action en
responsabilité est de quatre vingt dix jours. Le délai est
très court puisque le transporteur ne peut pas conserver
indéfiniment les pièces afférentes à des
opérations achevées23(*). Par conséquent, l'assignation en justice
requiert un soin particulier. En effet, si le demandeur ne fait pas la preuve
d'une circonstance de nature à lui faire échec, son action n'est
pas recevable après expiration de ce délai24(*).
Si l'identification du transporteur posait toujours des
problèmes, les personnes dans la chaîne du transport maritime ne
voudraient plus accepter un connaissement qui n'indique pas nettement le
transporteur. Cela ferait obstacle à la libre circulation du
connaissement. Cela risquerait donc de perturber le transport maritime
moderne.
Les multiples et divers types d'exploitation commerciale des
navires ont fait apparaître des difficultés liées à
l'identification du transporteur.
Par le passé, les premiers transports maritimes
étaient privés. C'est une manière d'exploiter un navire de
commerce, selon laquelle le propriétaire du navire peut s'en servir pour
déplacer des marchandises qui lui appartiennent ou qui servent à
l'exploitation de son entreprise25(*). Au Moyen Age, il n'existait que les transports
privés. C'est aux XVIIe et XVIIIe siècles où l'on constate
l'évolution des transports privés aux transports publics
modernes : c'est l'avènement du transport maritime et de
l'affrètement26(*).
A l'époque, il n'existait que l'affrètement.
Lorsque le négociant ne transporte pas ses marchandises à bord de
ses propres navires, il conclut avec un armateur un contrat aux termes duquel
celui-ci lui loue son navire pour un voyage donné, ou une durée
déterminée. Jusqu'aux XIXe siècle tout transport de
marchandises par mer donne lieu à un contrat
d'affrètement27(*).
Comme l'identification de la qualité des deux protagonistes, il
n'existait pas encore de problème d'identification du transporteur.
Au cours du XIXe siècle, le contrat de transport s'est
progressivement développé avec la croissance économique et
l'apparition des lignes de navigations régulières.28(*)
Par rapport à la puissance des armateurs, les petits
négociants étaient incapables de défendre leurs
intérêts. Face à cette situation, les Etats-Unis ont
édicté un premier texte impératif en matière de
transport maritime nommé le Harter Act de 1893.
Ayant conscience de l'insuffisance des règlementations
issues de la Convention de Bruxelles, les Règles de Hambourg de 1978 ont
introduit la notion de « transporteur substitué » et
ont établi un nouveau régime juridique de responsabilité.
Elles sont susceptibles de résoudre le problème, malgré
une faible ratification de la Convention de 1978 par les Etats de la
communauté internationale, le régime juridique du transporteur
substitué ne peut pas s'appliquer.
En théorie, les parties au contrat de transport doivent
être indiqués sur le connaissement. Grâce à cela dans
le but pour les ayants droit de la marchandise d'identifier le transporteur.
Cependant, en pratique, le problème de l'identification du transporteur
résulte d'un manque ou d'un excès d'indication.
L'exploitation commerciale généralisée des
navires en « service combiné » ou en consortium
conduit souvent à ce que plusieurs compagnies de navigation soient
mentionnées sur un même titre de transport29(*). Cela est difficile pour les
ayants droit de déterminer quel membre du consortium a transporté
effectivement leurs marchandises.
Pour pouvoir bien cerner notre sujet, nous ne nous allons pas
revenir sur les origines du DCCM qui s'est progressivement imposé, mais
nous allons seulement étudier le régime juridique des
transporteurs maritimes en dégageant en toute objectivité les
éléments de rattachement qui s'impose au juge saisi d'un litige.
Notre travail sera alors articulé sur
l'interprétation par les juges des dispositions du DCCM. Il concernera
ainsi les différentes questions se rapportant à la
responsabilité du transporteur maritime.
Pour cela nous allons donc traiter dans le cadre d'une
première partie la période de la responsabilité du
transporteur maritime avant d'aboutir au sein d'une deuxième partie au
fondement de cette responsabilité.
Première partie :
la mise en période de la responsabilité du
transporteur maritime.
Pour la détermination des droits et des obligations des
parties au contrat de transport, il est nécessaire de déterminer
le moment de la prise en charge et de livraison c'est-à-dire de savoir
à partir du quel moment la responsabilité du transporteur peut
être engagée et est ce que les parties sont libres
d'écarter l'application des règles impératives pour tous
dommages survenus à la marchandise pendant qu'elle est sous sa garde ou
encore des dommages survenus avant la prise en charge par le transporteur.
L'article 218 du DCCM définit la période pendant
laquelle les marchandises sont sous la garde et donc sous la
responsabilité du transporteur maritime comme suit : « le
capitaine doit prendre les marchandises le long du bord aux frais de
l'armateur, et au port de destination, les représenter sous palan aux
réceptionnaires ».
Mais, comme le DCCM a passé sous silence cette question et
que la convention des parties est muette, la jurisprudence marocaine a toujours
eu recours au droit commun illustré par le code de commerce qui nous en
fournit les principes généraux. Cependant, l'article 78 du code
de commerce 1913 précise l'étendue d'application du contrat de
transport : « le voiturier répond de la perte et des
avaries des objets qui lui ont été confiés, depuis le
moment ou ils ont été remis jusqu'à celui ou il les
délivre au destinataire, toute clause tendant à le
décharger de cette responsabilité n'a aucun effet30(*) .
Le recours au droit commun n'est plus aujourd'hui
justifié, c'est pourquoi le projet de loi a réglé une fois
pour toutes, la question relative à la période pendant laquelle
les marchandises sont réputées sous la garde du transporteur et,
par conséquent, la période pendant laquelle le transporteur est
responsable des dommages causés aux ayants droit à la
marchandise.
Il est vrai que le projet n'utilise pas le terme «
sous palans », mais il faut noter que l'article 221 ne fait que
confirmer l'idée que la marchandise est sous sa responsabilité
tant qu'elle est sous sa garde : « le fréteur est
responsable de toutes pertes ou avaries occasionnées aux marchandises,
aussi longtemps qu'elles sont sous garde, à moins qu'il ne prouve la
force majeure » sauf pour lui à agir contre le responsable ou
l'auteur du dommage .
Bien que les tribunaux marocains n'aient pas eu à prendre
partie sur cette question, il convient d'admettre en DCCM le principe de
l'unité du transport qui est à la fois le plus logique et le plus
conforme à l'esprit et aux principes du droit principalement
sévère pour le transporteur .
En effet, en dehors de cette théorie de l'unité du
contrat de transport maritime, on ne pouvait prétendre, malgré
toutes les clauses contractuelles insérées au connaissement,
exonérer le transporteur des obligations essentielles qui lui incombent
dont le chargement, la mise à bord et l'arrimage, le déplacement,
la route maritime et conservation des marchandises et la livraison de la
cargaison dans les conditions qui permettent au destinataire de vérifier
la marchandise qu'il reçoit, d'en constater l'état sain ou des
avaries, le poids et de faire, dans les délais de la loi, les
protestations et les réserves nécessaires et d'engager les
procédures sans encourir les prescriptions et fin de non recevoir
applicable à ce contrat .
En effet, en dehors de cette théorie de l'unité du
contrat de transport maritime, on ne pouvait prétendre, malgré
toutes les clauses contractuelles insérées au connaissement,
exonérer le transporteur des obligations essentielles qui lui incombent
dont le chargement, la mise à bord et l'arrimage, le déplacement,
la route maritime et conservation des marchandises et la livraison de la
cargaison dans les conditions qui permettent au destinataire de vérifier
la marchandise qu'il reçoit, d'en constater l'état sain ou des
avaries, le poids et de faire dans les délais de la loi, les
protestations et les réserves nécessaires et d'engager les
procédures sans encourir les prescriptions et fin de non recevoir
applicable à ce contrat.
Cette mission semble être compliquée en raison du
mode d'organisation de la manutention dans les ports marocains.
En effet, depuis l'intervention de l'acconier, souvent un
organisme monopolistique qui ne dépend pas du transporteur et n'assure
pas les opérations d'acconage en tant que mandataire dans
l'opération de transport maritime conformément à son
cahier des charges, on assiste à un renversement des situations dans le
sens de la déstabilisation des principes du droit les plus
élémentaires, une confusion totale règne dans l'esprit des
juges appelés à trancher les litiges en matière maritime,
sans qu'il soit permis aux parties intéressées ni aux juristes
de redresser la barre et par conséquent, régler une fois pour
toute cette question de la prise en charge, c'est-à-dire le commencement
et la fin du contrat de transport de marchandises et de déterminer avec
précision les règles applicables à ces périodes
.
Première sous partie:
la prise en charge : une notion hybride.
La prise en charge, en tant que concept mixte,
c'est-à-dire elle est à la fois un acte matériel et
juridique qui signifie que la marchandise est désormais sous la garde du
transporteur et que la responsabilité de celui-ci commence à
courir de ce moment ; elle déclenche l'exécution effective
du contrat de transport par le transporteur.
Cette dernière ne peut avoir lieu sans l'acceptation de la
marchandise par le transporteur, encore moins si elle n'a pas été
présentée par le chargeur et n'a pas été reconnue
ou soumise à la reconnaissance faite par le transporteur ou ses
préposés ou à la réglementation en vigueur qui peut
faire référence aux usages du port de chargement30(*).
En effet, dans la pratique des ports marocains, cette prise en
charge suppose en préalable un certain nombre d'opérations
matérielles et juridiques dont notamment : la mise à quai
par le chargeur, le pointage contradictoire entre l'acconier et le chargeur,
l'acheminement des marchandises sur le quai le long du bord, la
préparation des palanquées et leur passage au dessus de la lisse
du navire.
Chacune de ces opérations étant subordonnée
à l'établissement et à l'obtention d'un document
dûment signé et daté à l'en tête de l'acconier
à savoir :
Le bon de réception à l'embarquement attestant
la remise de la marchandise par le chargeur a l'acconier ;
Le bon à changer ou le bon de mise à quai dit
« BAQ » et qui autorise le chargeur à accomplir les
formalités douanières exigées à l'export.
Il est évident que les opérations qui vont suivre
seront effectuées par et sous la responsabilité du bord
conformément aux dispositions de l'article 218. Dans ce cas on dit que
la prise est effective constatée par l'établissement du
connaissement par le bord.
Cette prise en charge de la marchandise par le transporteur, qui
varie selon le texte applicable, a fait l'objet de controverse d'où les
deux tendances suivantes : Première
tendance : Elle tend à limiter l'étendue du contrat
de transport à la phase maritime donc à la période
comprise entre l'embarquement et le débarquement des marchandises.
Autrement dit, le moment ou la marchandise est prise en charge par le capitaine
le long du bord pour s'achever dès la remise sous palan au
réceptionnaire.
Deuxième tendance : elle fixe
l'étendue du contrat de transport aux phases ante et post palans en se
fondant sur les principes du droit commun, du DOC, et du code de commerce.
Cette tendance est confirmée par l'article 221 qui
consacre le principe de la garde juridique de la cargaison depuis le moment de
sa remise par l'expéditeur jusqu'à la livraison au
réceptionnaire31(*)
sauf pour lui à agir contre l'auteur du dommage.
Selon les règles de Hambourg, la responsabilité du
transporteur maritime commence à partir du moment ou il prend en charge
les marchandises au port de chargement jusqu'au moment ou il en effectue la
livraison au port de déchargement, ce qui élargit le domaine
d'action de sa responsabilité.
Deuxième sous partie :
La notion de livraison « Déclenchement de
responsabilité ».
S'agissant de la livraison, la prise en charge par le
transporteur semble prendre fin à la remise sous palans et, ce par
application de l'article 218 du DCCM, et eu égard à
l'organisation de la manutention dans les ports marocains. Toutefois, l'article
221 DCCM consacre le principe de la garde juridique de la cargaison depuis le
moment de sa remise par l'expéditeur jusqu'à la livraison au
réceptionnaire, il est vrai que la convention, au même titre que
le projet, permet aux parties contractantes , aux législations
nationales et aux usages portuaires de fixer artificiellement les moments et
les modalités de cette prise en charge et de livraison, ce qui pourrait
constituer un réel danger pour le chargeur et une régression par
rapport au DCCM.
Selon la jurisprudence la plus dominante au Maroc, la
responsabilité de l'armateur s'arrête à la sortie de la
marchandise de sa garde et que celle de l'acconier commence là où
s'arrête celle de l'armateur, la livraison sous palan à l'acconier
constitue la fin de la prise en charge par le transporteur puisqu'il en perd la
garde et rend l'acconier responsable de la marchandise conformément
à l'article 218.
Il existe cependant une autre tendance qui était
consacrée par les tribunaux pendant longtemps, elle se base sur la
combinaison des articles 218, 221,262 par laquelle la remise de la marchandise
à l'acconier ne vaut pas livraison. La remise de la marchandise entre
les mains du destinataire est plutôt celle qui vaut livraison effective.
Il est donc nécessaire d'écarter toute livraison
symbolique ou fictive et notamment, celle d'une livraison opérée
sous le palan du navire et qui aurait pour effet de mettre fin au contrat et de
faire cesser la responsabilité du transporteur, alors qu'en fait,
à ce stade du palan du navire, lors du passage de la palanquée au
dessus de la lisse du navire, il est évident que le
réceptionnaire ne peut procéder à aucune des constatations
lui permettant de sauvegarder ses droits ni de recevoir effectivement ses
marchandises.
Cette livraison sous palan ne pouvant s'opérer dans
l'immense majorité des cas qu'en cas d'une cargaison effectivement prise
par un réceptionnaire unique ce qui est rare, elle ne peut avoir lieu
qu'ultérieurement à quai ou en magasin où elle a
été triée et offerte au réceptionnaire en vue de sa
reconnaissance contradictoire et de sa livraison.
Concrètement, cette opération juridique comporte
les actes et les opérations suivantes à savoir :
· L'envoi des avis d'arrivée aux
réceptionnaires ou aux destinataires détenteurs du
connaissement ;
· La remise au transporteur ou à son
représentant du connaissement original dûment daté et
signé. Cette signature vaut quitus d'où la formule de
« connaissement accompli », c'est-à-dire que les
obligations du transporteur ont été valablement
exécutées.
· Le destinataire reçoit le « bon à
délivrer » qu'il présente à l'acconier en vue du
retirement de sa marchandise.
· Le magasinier appose son visa sur le bon à
délivrer et ce après constatation et reconnaissance de la
marchandise par le destinataire, lequel visa constitue dans la pratique
« la mise à la disposition effective de la
marchandise » au réceptionnaire.
· Le paiement des droits et taxes de douane sur la base du
bon à délivrer dûment visé et des autres documents
descriptifs de la marchandise, suivie par la visite des services de douane tel
qu'elle a été programmée et portée à la
connaissance du chef magasinier.
· Une deuxième vérification est faite et les
observations qui en découlent sont portées sur le connaissement
dûment signées par le chef magasinier et le déclarant en
douane. Si les manquants apparaissent après cette vérification
douanière, l'acconier n'est pas responsable.
· L'acquittement, par le réceptionnaire, des frais et
taxes de l'ODEP et, en contre partie, il reçoit la marchandise et le
« bon de sortie ».
· L'obligation du réceptionnaire au moment du retrait
de sa marchandise des magasins de l'acconier consiste à vérifier
l'état de la marchandise et sa conformité aux énonciations
du connaissement et à formuler les réserves appropriées
dans les conditions et délais prévus par la loi. Dans ce cas,
trois hypothèses sont possibles à savoir :
1. L'acconier justifie par les mentions du bulletin de pointage
que l'avarie s'est produite le long du bord sous palan, c'est-à-dire
avant la prise en charge de la marchandise, dans ce cas, sa
responsabilité est dégagée.
2. En l'absence de réserves prises par l'ODEP sur le
bulletin de pointage ou à défaut de pointage sous palan, le
transporteur est alors présumé avoir livré la marchandise
conformément aux énonciations du connaissement.
3. Lorsque l'acconier ne réussit pas, malgré les
quelques réserves qu'il a prises sur le bulletin de pointage, d'apporter
la preuve qu'une partie du dommage est survenu avant la prise en charge sous
palan ou que l'incident ayant contribué à la réalisation
du dommage est antérieur à la prise en charge, dans ce cas, le
juge partage la responsabilité entre l'acconier et le transporteur au
prorata de leur responsabilité respective dans la réalisation du
dommage.
Par ailleurs, le destinataire dispose du droit d'actionner le
débiteur principal ; à savoir le transporteur lequel
répond des dommages subis par la marchandise, sur la base des
énonciations du connaissement qui conserve tous ses effets
jusqu'à la délivrance effective de la marchandise32(*). La meilleure solution serait
de s'inspirer de l'article 27 de la loi française de 1966 qui
définit l'étendue de la responsabilité du transporteur
maritime ainsi libellé : « le transporteur est
responsable des pertes ou dommages subis par la marchandise depuis la prise en
charge jusqu'à la livraison, à moins qu'il ne prouve que ces
pertes ou dommages proviennent ....... ». Cette solution devrait
normalement trancher cette question, une fois pour toute, et mettre fin au
flottement jurisprudentiel quant à l'interprétation des
dispositions relatives à la prise en charge et à la livraison des
marchandises.
Deuxième partie :
le fondement de la responsabilité.
Entre les différentes variantes du fondement de la
responsabilité du transporteur maritime, un choix difficile s'est
imposé aux auteurs du DCCM, et du projet du code ainsi qu'à ceux
de la nouvelle convention. Il s'agit de quatre variantes à savoir :
ü Le système de la faute prouvée.
ü Le système de la présomption de faute.
ü Le système de la présomption de
responsabilité.
ü Le système de responsabilité de plein droit
ou le système de responsabilité prima farcie.
Si dans les trois premières variantes, la
responsabilité est attachée à la garde de la chose
d'où l'idée de faute, dans le dernier système, cette
responsabilité est attachée à la chose elle-même.
Le transporteur est à priori présumé
responsable de tout dommage occasionné aux marchandises pendant la
période où elle était sous sa garde. Cette
responsabilité n'est fondée ni sur le principe de la faute ou de
la négligence présumée, ni sur la présomption de
faute. C'est une présomption de responsabilité qui dispense
l'ayant droit de la charge de la preuve de la faute du transporteur et de ses
préposés.
Cependant, le transporteur peut combattre cette
présomption et de s'en libérer en démontrant que le
dommage subi est dû à un cas de force majeure : Article 221
du DCCM et 290 du projet qui reprend un certain nombre de cas
exonératoire de responsabilité tel que prévu par les
règles de la Haye/Visby, ou un cas excepté selon la terminologie
de la convention de Bruxelles ( article 4), chose que la convention de Hambourg
a abandonné sur demande de la plupart des pays en voie de
développement : Article 5, cet article constitue donc la clé
de voûte de cette réglementation internationale.
On peut dire, par conséquent, que cette
responsabilité est basée sur la faute présumée sauf
en cas d'incendie. Dans ce cas, il appartient au demandeur d'établir la
faute du transporteur ou de ses préposés non seulement en ce qui
concerne la cause de l'incendie, mais aussi on ce qui concerne les mesures
prises pour limiter ses conséquences.
Cette présomption de responsabilité aux termes du
DCCM (article 218/221) et du projet (article 288) ; ou encore cette
présomption de faute selon la convention de Hambourg, opère
pendant toute la période pendant laquelle les marchandises
étaient sous sa garde contrairement à la position adoptée
par la loi française de 1936 et de la convention de Bruxelles de 1924.
En effet, ces deux textes étendent cette
responsabilité de palan à palan sauf convention contraire.
Pour les règles de Hambourg, il s'agit bien entendu d'une
présomption de faute ou de négligence présumée
comme cela ressort clairement du consensus adopté à la
conférence des N .U. à la demande des (ex) pays socialistes
et annexé à la convention si l'événement qui a
causé le dommage a lieu pendant que les marchandises étaient sous
sa garde, à moins qu'il ne prouve que lui-même, ses
préposés ou mandataires ont pris les mesures qui pouvaient
raisonnablement être exigées pour éviter
l'événement et ses conséquences.
De par cette disposition, les règles de Hambourg se sont
démarquées du principe de la présomption de
responsabilité adopté par les règles de la Haye/Visby et
DCCM et du projet de loi .D'ou passage inconscient ou conscient d'un
système plus rigoureux qui fait peser sur le transporteur une obligation
de résultat donc de plein droit, dont on ne peut s'affranchir qu'en
faisant la preuve d'un cas excepté, à un système moins
rigoureux qui ne fait sur le transporteur qu'une simple obligation de moyens et
dont on peut s'affranchir en faisant la preuve de sa diligence raisonnable,
sauf dans le cas d'incendie.
C'est pourquoi, il y a lieu de maintenir le système de la
présomption de responsabilité, tel qu'il est consacré par
le DCCM et le projet de loi, comme étant le système le plus
adapté et qui répond le mieux aux soucis et aux
intérêts des pays chargeurs à moins qu'ils aient les
aspirations et les moyens de développer leur flotte marchande au point
de concurrencer les pays traditionnellement maritimes ; ce qui est presque
impossible aujourd'hui eu égard aux nouvelles règles du jeu,
dès lors que le principe du DCCM se base sur une obligation de
résultat.
Première sous
partie : la charge de la
preuve.
Aux termes de l'article 221 DCCM et l'article 290 du projet, le
transporteur n'est libéré de sa responsabilité que s'il
établit, en plus de la due diligence, le lien entre le dommage et
l'existence d'un cas excepté si bien que le dommage d'origine inconnue
ou partiellement inconnue lui incombe de plein droit. Toutefois, un autre point
positif pour les pays chargeurs après un débat houleux, il s'agit
de la suppression de la faute nautique en tant que cas exonératoire de
responsabilité, sauf cas de faute professionnelle grave du
transporteur.
Cette solution est conforme au droit commun qui veut que la faute
des préposés soit assumée par le transporteur d'autant
plus que ces fautes constituent, aujourd'hui, un risque assurable.
L'article 290 dernier alinéa dispose :
« Dans tous les cas, la preuve de l'exonération incombe au
transporteur ou à toute autre personne se prévalant de l'une des
exonérations prévues au présent article ».
Par contre, aux termes de l'article 5/1° et du consensus
adopté par la conférence des N.U, la charge de la preuve incombe,
en générale, au transporteur sauf dans le cas d'incendie. Mais
que faut-il prouver pour éluder cette responsabilité ?
Dans ce cas, il suffit que le transporteur fasse la preuve qu'il
a pris toutes les mesures raisonnablement exigées pour éviter le
dommage sauf si une faute nautique ou commerciale démontre le contraire.
L'appréciation de ces mesures peut se faire au moyen de la notion de
due diligence, c'est-à-dire la diligence que l'on peut logiquement
demander à un transporteur normalement soigneux et sérieux.
Autrement dit, cette diligence n'est pas « une
diligence méticuleuse et extraordinaire » , mais
l'imprécision de la notion n'écarte pas la divergence
d'interprétation.
Deuxième sous partie :
Les cas d'exonération de la responsabilité du
transporteur.
Selon le système de responsabilité de plein droit,
le transporteur ne peut se délier de sa responsabilité qu'en
faisant la preuve d'un excepté parmi ceux déterminés par
la convention de Bruxelles ou par la loi interne.
Ces cas exceptés sont de nature différente, en
effet, outre les cas correspondants à la notion de force majeure ou de
cas fortuit, et le cas tenant au fait du chargeur ( acte ou omission, ou de la
marchandise, vice propre, freinte de route, insuffisance ou absence
d'emballage, cette convention a retenu également certains cas
liés à l'exploitation du navire : faute nautique, incendie,
déroutement, vice caché ou innavigabilité du navire.
En revanche, le porteur du connaissement peut établir la
faute personnelle du transporteur ou la faute de ses préposés
« protocole de signature de la convention de Bruxelles »,
surtout que le transporteur a une obligation personnelle pour mettre le navire
en état de navigabilité, de procéder de façon
appropriée et soigneuse au chargement.
Pour le législateur marocain, et bien que le DCCM n'ait
pas adopté la théorie des cas exceptés à
l'anglaise, il a tout de même, approché cette notion eu
égard au nombre important des cas exonératoires de
responsabilité consacrés.
A cet effet, le DCCM a prévu trois cas exceptés. Il
s'agit de la force majeure (article 22133(*)), le vice caché (article 213). et de la faute
nautique (article 264/234(*)). Le projet de loi, bien qu'il ait adopté la
notion de cas exonératoires telle qu'elle est conçue par les
règles de la Haye/Visby, il n'a retenu de ces 17 cas que les cas
suivants :
1) D'un acte ou d'une tentative de sauvetage de vies ou de biens
ou d'un déroutement effectué à cette fin ;
2) De périls ou accidents exceptionnels de la mer ou
d'autres eaux navigables ;
3) D'actes de guerre ou d'hostilité, piraterie, contrainte
de l'autorité publique ou restriction de quarantaine ;
4) Du vice propre de la marchandise ou de freintes de route en
poids ou en volume résultant de la nature de la marchandise, dans la
mesure des tolérances d'usage, au port de destination ;
5) Du vice caché du navire échappant à un
examen vigilant ;
6) D'un incendie, grève, lock out ou entraves au travail
soit partiellement soit totalement lorsque ces faits ne sont pas imputables au
transporteur ou à ses préposés ou mandataires.
D'autre part, l'article 265 prévoit les clauses par
lesquelles, le transporteur détruit la valeur des énonciations
portées au connaissement. Il s'agit ici de la consécration d'une
solution adoptée par la jurisprudence française qui
reconnaît la validité de ces clauses, mais ne leur attribue comme
effet que le renversement du fardeau de la preuve.
La convention de Hambourg, quand à elle, et dans l'esprit
de compromis qui régné, constitue un net progrès par
rapport au DCCM puisqu'elle a supprimé cette liste des cas
exonératoires de responsabilité et, notamment, le cas de la faute
nautique à l'exception de l'incendie et l'assistance et du sauvetage et
le cas des animaux vivants, comme étant des causes automatiques
d'exonération de responsabilité assujetties toutefois à
certaines conditions. C'est pourquoi, il y a lieu de revoir la solution
marocaine même si l'article 264/2° permet de s'y exonérer
conventionnellement compte tenu des divergences d'interprétation en
matière de faute de ballastage ou de faute d'arrimage. Ainsi, le projet
de loi a écarté ce cas exonératoire rejoignant la position
adoptée par la convention ; ce qui nous paraît mieux
adapté à la pratique dès lors que ces risques sont
assurables.
Bien mieux, et en cas de pluralité de responsables dont le
transporteur ou ses préposés, le transporteur n'est pas
responsable s'il prouve que le dommage ou une partie n'est pas imputable
à sa faute ou à sa négligence ou à ses
préposés, mais comment régler le litige au cas où
il nous est difficile sinon impossible de déterminer avec exactitude la
proportion de dommages à imputer à chacun de ces
responsables ?
En cas d'incendie, le transporteur est exonéré de
la réparation des dommages qui en résultent. Il en découle
la mise à l'écart de la présomption de faute qui lui
incombe d'ordinaire sauf si une faute est prouvée à son encontre,
il y a là inversion de cette présomption de faute puisqu'il
appartient au demandeur d'établir la preuve de la faute ou de la
négligence du transporteur ou de ses préposés ou
mandataires d'abord, en ce qui concerne la cause même de l'incendie et
ensuite, dans les mesures raisonnablement exigées pour limiter ses
dégâts. Cette preuve peut être administrée par le
moyen d'une enquête. Dans le cas où les causes et les
circonstances sont établies, la charge de la preuve passe au
transporteur et c'est là seulement qu'il peut prouver qu'il a pris les
mesures raisonnablement exigées pour éviter
l'événement et ses conséquences...
Sur un autre plan, le transporteur est exonéré de
la responsabilité des pertes... qui tiennent aux risques particuliers
inhérents au transport d'animaux vivants, s'il établit qu'il
s'est conformé aux instructions particulières du chargeur et
qu'il n'a commis ni faute ni négligence ce qui rejoint le principe de la
présomption de responsabilité.
En conclusion, et bien que le Maroc soit partie contractante
à la convention de Hambourg, les règles de fond et de
procédure applicables aux contrats de transport de marchandises par mer
restent à déterminer avec précision surtout que le DCCM et
la convention définissent impérativement chacun son domaine
d'application et que la convention constitue la deuxième composante du
droit positif marocain concurremment applicable à côté de
celui du DCCM.
Il est regrettable que les tribunaux marocains ne soient pas
parvenu à faire respecter le domaine respectif de chacun des deux textes
et donc des deux régimes, c'est-à-dire d'appliquer le DCCM, en
tant que loi de police d'application immédiate, aux transports maritimes
relevant du cabotage ou lorsque le juge marocain est saisi d'un transport entre
le Maroc et un Etat partie à la convention de Bruxelles. Et d'autre
part, à appliquer les règles de Hambourg aux transports
internationaux effectués entre deux Etats différents dans les
limites de l'article 2. Cette confusion et ce flou entraînent non
seulement une mauvaise interprétation des dispositions applicables, mais
aussi une divergence des solutions et des décisions judiciaires
concernant des affaires similaires ; alors qu'il n'est pas permis
d'hésiter sur l'application de l'un ou de l'autre texte selon qu'il
s'agisse d'un transport international de marchandises par mer ou tout
simplement d'un cabotage.
Par conséquent, et mises a part ces principales
innovations apportées par les règles de Hambourg et par le
projet de loi, aussi bien en ce qui concerne les règles de fond que les
règles de procédure, seul l'avenir nous dira si le droit maritime
marocain- actuel et en projet - est en mesure de réglementer le contrat
de transport de marchandises pas mer, de régler les litiges en
découlant ou s'y rattachant sans perturber l'équilibre
idéal entre les intérêts engagés dans
l'expédition maritime et, par conséquent, de faire de cette
industrie un moyen de développement socio-économique plutôt
qu'un facteur de faiblesse et de dépendance économique.
Bibliographie :
· Traité de droit maritime : Pierre
Bonassies Christian Scapel EDITION L .G .D .J
· Droits maritimes, JEAN PIERRE BEURIER EDITION
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· LA RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR MARITIME de
marchandises : Slaheddine Mellouli , tunis 1993.
· Causes légales d'exonération du
transporteur Maritime dans le transport de marchandises : Claude Chaiban
1965
· L'action en responsabilité dans le
transport des marchandises par mer : Emile Jauffret 1957.
· LA responsabilité internationale des
transporteurs maritimes et aériens : Hassania Cherkaoui
1987.
· Revue Marocaine de droit, d'économie, de
gestion N° 5 .
· BADRANI (N)« Le droit maritime marocain
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· CHBOU (M),« La responsabilité du
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commercial maritime, problématiques d'application par le Maroc des
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· CHERKAOUI (H)
· « L'apport des Règles de Hambourg
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1996,
· EL MERNISSI « Le droit maritime
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n° 38, 1997.
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· HROUCH (M) et CHIKHAOUI (S)
· « Les transports maritimes au
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1983.
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comme mère du droit, p515, In Etudes offertes à René
Rodière, 1981.
* 2 C.Sup 8.6.19889 n°
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* 3 Trib. Première
instance de Casablanca, le 4 octobre 1976 , dossier n°17.639 .
* 4 Rabat 12 décembre
1956 : Gaz. Trib. Maroc 25 janvier 1957, p. 15 ; infirme Casablanca 19
octobre 1954.
* 5 (Rabat 21 novembre 1956 :
Gaz. Trib. Maroc 25 février 1957, p. 29 ; confirme Casablanca 3
février 1953).
* 6 Rabat 5 décembre 1956
: Gaz. Trib. Maroc 25 mars 1957, p. 46 ; infirme Casablanca 23 juin 1953.
* 7 Rabat 16 janvier 1957 : Gaz.
Trib. Maroc 25 avril 1957, p. 59 ; confirme Casablanca 10 novembre 1955
* 8 Rabat 4 mai 1954 : Rev. mar.
de droit 1er juin 1957, p. 268, note R. Jambu-Merlin ; infirme partiellement
Casablanca 17 mars 1953.
* 9 Rabat 29 novembre 1957 :
Gaz. Trib. Maroc 25 janvier 1958, p. 9 ; infirme Casablanca 3 avril 1956.
* 10Casablanca 20
décembre 1962 : Gaz. Trib. Maroc 10 février 1963, p. 16
* 11Trib. paix Casablanca-Nord
7 juin 1946 : Gaz. Trib. Maroc 25 décembre 1946, p. 196
* 12 Rabat 26 octobre 1955 :
Gaz. Trib. Maroc 10 mars 1956, p. 33 ; infirme Casablanca 11 mai 1954.
* 13 Rabat 23 janvier 1957 :
Rev. mar. de droit 1er mai 1958, p. 238, note J. Berger ; infirme Casablanca 23
février 1954.
* 14 Trib. 1er inst. Casablanca
5 mars 1946 : Gaz. Trib. Maroc 10 novembre 1946, p. 174
* 15 Rabat 18 juin 1952 : Gaz.
Trib. Maroc 15 septembre 1953, p. 151 .
* 16 (Cour d'appel de Paris, 4
Juillet 1958, DMF, 1959, page 146, note J.P. GOVARE).
* 17 Actuellement ville de
Larache sur la façade atlantique.
* 18 D.DAHAK. Les Etats arabes
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T1,note 13, page 15.
* 19 A.TAZI. La flotte
marocaine à travers l'histoire. Majallat Al Bahth-AL-Ilmi. Rabat
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* 20 Sa Majesté HASSAN
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* 21 Article 3§6 de la
Convention de Bruxelles, Article 32 de la loi du 18 juin 1966,
* 22 Article 20 des
Règles de Hambourg
* 23 R. RODIERE et E. du
PONTAVICE, Droit maritime, Précis Dalloz, 12ème
Edition 1997, p.368
* 24 Lamy Transport, Tome
II, 2005, n°733
* 25 RODIERE R., Traité
général de droit maritime : affrètements et
transports, Tome I, Dalloz 1967, p.7
* 26 RODIERE R., op.cit.,
Tome I, p. 9
* 27 M. REMOND-GOUILLOUD,
Droit maritime, Pédone 1993, p. 296
* 28 R. RODIERE et E. du
PONTAVICE, Droit maritime, Précis Dalloz 12ème
Edition 1997, p.265
* 29 Lamy, nefop.cit.
n°726
* 1 contra C.Sup 9.4.1986 n°978
Dossier 91009 navire Thailande qui refuse d'appliquer l'article 78 code
commerce au transporteur maritime non publié.
* 30Article 4/2-a-II et b/II de
la convention de Hambourg et du projet de la loi .
* 31 C.A Rabat 5 et 9.12.1924
Dor sup.II p207, C .sup .19 .2.1964 RACAR 1962/1965 pp 162/163.
* 32 Tribunal première
instance Casablanca 23.6.1938 GTM 1938 n°789
* 33 Cependant, le tribunal de
1ère instance Casablanca Anfa 3.11.1997 n° 4554 Dossier
2516 /94 navire Euro challenger 12, n'a pas retenu le risque de guerre du
seul fait qu'il était postérieur à la perte des
marchandises d'où condamnation du transporteur à payer à
la requérante la somme demandée.
* 34 L'article 264 règle
la validité des clauses de non responsabilité dans le
connaissement de la façon suivante, il consacre, d'une part, la
distinction entre les fautes commerciales et les fautes nautiques.
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