La souveraineté de l'état et l'integration sous-regionale en Afrique centrale : le cas de la CEMAC( Télécharger le fichier original )par Anderson OUAMBA-DIASSIVY Université de YAOUNDE II - Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) Stage Diplomatique (Master I) - Master I 2009 |
Paragraphe 1 : La problématique du leadership en zone CEMACLe problème de leadership en zone CEMAC découle du constat de la faillite du couple Cameroun-Gabon à se positionner durablement comme le moteur de la zone21(*). L'alternative crédible serait un couple Cameroun-Tchad, qui semble disposer d'atouts plus pertinents. Le Gabon a toujours affiché ses prétentions au leadership. Mais, il n'est pas qualifié pour assumer une telle responsabilité. Certes, il dispose d'un avantage comparatif sur l'échiquier diplomatique et qui est inhérent à l'entregent du Président BONGO, à la rente pétrolière et surtout à son rôle de relais de l'influence de la France en Afrique. Cependant, le Gabon est disqualifié notamment par le fait qu'il n'adhère par au projet d'intégration régionale ; il préfère plutôt la coopération et toute son action diplomatique en la matière vise à s'assurer que les processus en cours au sein de la sous-région n'iront pas au-delà de la phase de coopération. D'où, par exemple, les entraves posées systématiquement à l'égard des initiatives communautaires, tels que la libre circulation, le droit d'établissement, et le financement de l'UDEAC/CEMAC22(*). La tactique du Gabon, ces dernières années, a consisté à s'associer au Congo en vue de s'imposer comme le moteur de la CEMAC. Il s'agit d'une entente séculaire renforcée par des liens personnels et une coopération bilatérale conviviale. Les relations interethniques et interterritoriales entre le Congo et le Gabon, durant la période précoloniale, laissent transparaître un principe d'interpénétration et une symbiose que l'on n'a pas observée dans le cas du couple Cameroun-Gabon. On note en effet des similarités ethniques très profondes dans les zones frontalières. Et les principaux groupes ethniques dont il est question ici sont : les Kota, Mbédé, Nzebi, Punu, Téké et Vili. De plus, le Gabon a été une périphérie ou une province historique du Congo. Les entités sociopolitiques du Gabon23(*) ont été soit vassales soit énormément influencées par celles du Congo dont les deux principales ont été celles des Téké et du Loango24(*). Le Cameroun cependant, se permet de s'imposer comme le « leader naturel et légitime » de la CEMAC. Il représente environ 50% de la population, du PIB et de la masse monétaire en circulation dans la sous région. Pôle universitaire, agricole et industriel de la CEMAC, il est le seul pays de la zone à avoir entamé une véritable multinationalisation de ses entreprises25(*). Seul pays limitrophe de tous les cinq autres de la CEMAC, le Cameroun se targue d'être le point central de plusieurs politiques communautaires et a démontré sa capacité à mener une initiative concurrente à un projet régional (Douala Stock Exchange). Néanmoins, dans le but de paraître hégémonique et en raison des charges induites par le rôle de leader, le Cameroun devrait se trouver un allié. Le Tchad semble le pays le plus disposé à un tel partenariat. Tout comme Yaoundé, N'Djamena adhère à l'intégration et a démontré sa volonté à s'engager dans la sous-région (envoi de troupes au Congo et en RCA pour soutenir respectivement Denis SASSOU NGUESSO et François BOZIZE). Le Cameroun et le Tchad forment une alliance objective vivifiée par une coopération bilatérale dynamique. Ce couple repose sur un engagement politique appuyé (« Ce qui est bon pour le Tchad l'est également pour le Cameroun et vice versa26(*) »), une concertation permanente au sommet et l'adoption de positions communes sur des dossiers sous-régionaux. Il est sous-tendu par des liens historiques, juridiques, sociologiques et un facteur géostratégique. Le Tchad est un pays enclavé. Sa porte-océane la plus viable est le Cameroun. Entre les deux pays, l'intégration avance. De plus, le Cameroun et le Tchad sont les deux pays les plus peuplés de la CEMAC (environ 25 millions sur les 29 de la CEMAC) et ont la plus forte densité (20 hab. /km²). Les chiffres ci-dessus nous montrent que la première force du Cameroun au sein de la zone CEMAC provient de sa population. La population du Cameroun représentait en effet en 2002 environ 48% de la population totale de la CEMAC alors que sa superficie ne représente que 16% environ de la superficie totale de la CEMAC. La deuxième puissance régionale sur ce plan étant le Tchad. Les autres pays qui sont, à l'exception de la RCA, des pays producteurs de pétrole possèdent un nombre d'habitants faible. Données générales économiques des pays de la CEMAC en 2002
Source : Calcul de l'auteur à partir des données du Bureau Afrique centrale de la Commission Economique de l'Afrique compilées dans Les économies de l'Afrique centrale 2004. La situation de la CEMAC, qui est décrite ci-dessus et qui se caractérise par l'existence d'un pays leader sur le plan économique, n'est pas une particularité de cette zone, elle apparaît même comme une des caractéristiques principales de la plupart des accords d'intégration régionale en Afrique subsaharienne. Ainsi à l'image du Cameroun en zone CEMAC, le Kenya domine la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC), la Côte d'Ivoire domine l'UEMOA et l'Afrique du sud domine la Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC). Fort de cette situation, il est à noter une forte revendication et voire même une contestation de la Guinée Equatoriale qui se veut le rôle de leader de la sous-région. Au lendemain de la découverte des gisements pétroliers sur son territoire et actuellement détenant près de 40% des réserves de la communauté au Trésor français, cet Etat crée un certain nombre de bouleversements au sein de la CEMAC en se mettant à la tête des réformes opérées au sein de cette communauté sollicitées en 2005. A ce sujet, il faut dire que nombre de projets intégrateurs dans la CEMAC n'aboutissent pas à cause de ce phénomène. Au lieu de repenser la manière dont la communauté devra décoller, la réflexion est portée plutôt sur la manière dont tel ou tel autre Etat envisage d'être leader de la sous-région. Dans cette perspective, il est à remarque une véritable querelle autour de la problématique du leadership au sein de la CEMAC que nous nous permettons d'examiner dans un second paragraphe. * 21 C. D. G. AWOUMOU, « Le couple Cameroun- Gabon : moteur de l'Afrique centrale ? », Enjeux N°17, octobre-décembre 2003, PP.5-10. * 22 Depuis 1996, le Gabon traîne dans le versement de sa contribution égalitaire. A la date du 30 octobre 2003, par exemple et pour l'exercice courant, Libreville n'avait versé que 600.000.000 F CFA sur 1.507.656.810 F CFA attendu, soit un taux de recouvrement de 39,80%. * 23 Mayumba, Royaumes Nkomi et Orungu. * 24 Vili. * 25 C. D. G. AWOUMOU, « La multinationalisation des entreprises nationales au sein de la CEMAC : initiative purement privée ou cheval de Troie pour l'hégémonie du Cameroun ? », Enjeux N°13, octobre-décembre 2002, PP.24-27. * 26 Dixit Paul Biya lors de l'inauguration du terminal pétrolier de Kribi en juin 2004. |
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