Paragraphe 2 : Etat des lieux du processus
d'intégration dans la zone CEMAC
La CEMAC est une organisation internationale
créée pour prendre le relais de l'UDEAC. Le traité
instituant la CEMAC a été signé le 16 mars 1994 à
Ndjamena (Tchad) et est entré en vigueur en juin 1999.
Au nombre des préoccupations que regorgent la CEMAC, la
libre circulation des personnes et des biens... des capitaux, demeure
naturellement un dossier important, car pour créer un espace
économique réellement viable et attractif, il faudrait que cette
circulation soit effective. A cet effet, dans la perspective de rendre
effective cette libre circulation, il est nécessaire pour les Etats
membres de la CEMAC d'être à la hauteur de résoudre les
problèmes d'ordre sécuritaire. Il existe, en effet, des
problèmes de biométrie, des problèmes de
sécurisation de la frontière extérieure de toute la zone
CEMAC et c'est là une approche pragmatique qui a le mérite de
résoudre les vrais problèmes qui se posent, de manière
à rendre cette libre circulation effective.
Pour réussir l'entreprise de l'intégration, la
CEMAC se doit aussi de décloisonner son espace, activer le dossier de la
compagnie aérienne Air CEMAC car, il n'est plus à
démontrer que se déplacer dans cette zone relève de
gymnastiques incroyables. Il faut atteindre cependant, dans ce dossier un
niveau d'appropriation des Etats, qui soit irréversible, puisque toute
compagnie aérienne a pour fonds de commerce les droits de trafic, qui
sont effectivement déjà donnés par les Etats de la CEMAC
et leur souscription sur capital communautaire, donc, c'est dire que c'est un
dossier qui a atteint un stade irréversible.
Au regard de toutes les réformes opérées
au sein de ladite Communauté ainsi que les différents projets
réalisés et en cours, il est aisé de se rendre compte que
le processus d'intégration économique des Etats membres de la
CEMAC peine à franchir le cap de la première étape de sa
réalisation. En l'état de son fonctionnement actuel, la
Communauté apparaît non pas comme une organisation
d'intégration supranationale à même d'impulser « le
passage d'une situation de coopération à une situation d'union
» mais davantage comme une organisation intergouvernementale
marquée par l'égoïsme et l'emprise des Etats membres sur ses
institutions qui, dès lors, jouent difficilement leur rôle
prééminent dans la mise en oeuvre d'une politique réaliste
d'intégration. L'UEAC ne jouit pas d'une pleine autonomie d'action ; la
Commission et le Parlement Communautaire n'ont pas le poids politique effectif
et ne disposent pas non plus, tout comme la Cour de Justice, d'un
mécanisme d'injonction et de sanction susceptible de contraindre les
Etats, les autres Institutions et organes de la Communauté au respect
des décisions communautaires ; l'exécution de ces
décisions accuse dès lors une faiblesse notoire.
Préoccupée certainement par l'insuffisance des stratégies
et des méthodes appliquées jusqu'alors, la Conférence des
Chefs d'Etat a commandé une étude sur la réforme du
fonctionnement des institutions et organes de la CEMAC lors de sa
réunion tenue en mars 2006 à Malabo en Guinée
Equatoriale.
Un encadrement juridique pouvant assurer à ces
Instituions et organes une indépendance, une structuration et une
fonctionnalité nécessaires à la recherche et à la
protection de « l'intérêt commun » s'avère
indispensable autant qu'un redéploiement conséquent des
ressources humaines. La nouvelle dynamique de l'intégration
économique et monétaire des Etats membres reste tributaire de
l'adéquation entre l'ambition intégrationniste du Traité
et les pouvoirs conférés aux Institutions et organes
chargés de la traduire dans les faits. Certes la construction d'une
Communauté économique et monétaire est une oeuvre de
longue haleine ; elle ne se fait pas « d'un coup », mais «
progressivement par des réalisations concrètes et
irréversibles, créant des solidarités de fait » comme
le faisaient remarquer déjà Jean Monnet et Robert SCHUMAN,
à propos de l'Union européenne.
Mais par delà le renforcement des institutions et
organes communautaires et de leurs financements, on ne saurait plus longtemps
faire l'économie d'une vigoureuse réflexion tant sur
l'adhésion constante des populations à l'idéal
communautaire, que sur la corrélation entre le processus graduel
d'intégration et l'approfondissement de l'ancrage démocratique
des Etats membres, appelés à s'adapter aux mutations politiques
économiques et sociales de l'environnement international. C'est dire
combien le projet d'intégration des Etats de la CEMAC interpelle toutes
les intelligences dont regorgent si heureusement la sous région. Les
intellectuels et les jeunes notamment devraient s'approprier ce projet et
apporter, au mieux de leurs talents, un éclairage novateur aux
bâtisseurs que sont les Hommes d' Etat, les créateurs des
richesses etc. En tout état de cause, la réussite du projet
d'intégration des Etats membres de la CEMAC reste tributaire d'une
volonté politique éclairée, ferme et attentive. C'est dire
que les Etats membres de la CEMAC doivent revoir leurs politiques internes
respectives en vue de favoriser le processus d'intégration de cette
sous-région. Tel sera le centre d'intérêt de l'étude
de notre deuxième partie qui consiste à l'analyse comparative
entre la CEMAC et les politiques internes de ses Etats membres.
DEUXIEME PARTIE :
LA CEMAC ET LES POLITIQUES INTERNES
DE SES ETATS MEMBRES
Fondée il y a quinze (15) ans, la Communauté
économique et monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) est
à la peine. Intégration régionale balbutiante,
rivalités au sommet, « affaire » de la BEAC etc., le chantier,
ouvert en 1994, est loin d'être achevé. Si l'union
monétaire est à ranger du côté des acquis, sous la
haute protection d'un Franc CFA placé sous la tutelle du Trésor
français, pour le reste, le bilan est mince. L'intégration est
peu avancée et la compétitivité de la zone est faible, car
dans cette zone, il est à constater par exemple que le transport de
marchandises, entre Douala et N'Djamena coûte six fois plus cher qu'entre
Shanghai, en Chine, et le port de Douala. Il dure également deux fois
plus longtemps?: soixante jours, contre trente jours.
Dans cette zone, où la part du commerce
intracommunautaire ne cesse de diminuer par rapport à celle des
années 1990, la levée des barrières tarifaires
intracommunautaires a eu un effet contre-productif puisque les recettes
publiques étant pour l'essentiel douanières, les gouvernements
privilégient les importations extracommunautaires qui, elles,
remplissent les caisses de l'État. Donnons ainsi lieu à une
inadéquation entre les politiques tant sectorielles que
régionales programmées par la CEMAC et les politiques internes de
ses Etats membres. D'abord, de l'épineux problème du passeport
CEMAC, officiellement institué en 2000, traduisant également
cette marche laborieuse vers une véritable communauté de destin,
qui d'ailleurs des propos du Président de la Commission de la CEMAC,
Antoine NTSIMI, pourrait être effectivement mis en circulation d'ici
début 2010 ; ensuite de celui de ceux des fortes turbulences qui
ont accompagné le lancement de la compagnie aérienne Air
CEMAC ; et enfin, à la rivalité entre la Bourse de
Libreville et celle de Douala. De ces trois faits, l'on pourrait remarquer
autant de distanciations entre les Etats membres de cette Communauté
dues aux intérêts nationaux de ces derniers mais en
réalités à l'égoïsme des Chefs d'Etat. Ainsi,
pourrions-nous examiner dans un premier chapitre, la question des
égoïsmes des Etats membres de la CEMAC qui constitue un
véritable obstacle pour l'aboutissement à
intégration ? Et dans un second chapitre, nous dégagerons
les maux et les grandes caractéristiques d'une véritable
intégration dans cette zone.
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