UNIVERSITE DE
LUBUMBASHI
FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
DEPARTEMENT DES LETTRES ET CIVILISATIONS FRANCAISES
ET LATINES
« LA MALTRAITANCE DES ENFANTS ET SES
CONSEQUENCES »
DANS LA MORT DU PETIT CHEVAL
D'HERVE BAZIN
Par MASHAKO MANISHIMWE Erick
Travail présenté en vue
de
l'obtention du grade de
Gradué en Lettres et civilisation
françaises
Dirigé par le C.T. Floribert SAKWA
Lufwatula
Juillet 2009
Juillet 2009
I
EPIGRAPHE
« Génies éteints dans les larmes,
coeurs méconnus, saintes Clarisse Harlowe ignorées, enfants
désavoués, proscrits innocents, vous tous qui êtes
entrés dans la vie par ses déserts, vous qui partout avez
trouvé les visages froids, les coeurs fermés, les oreilles
closes, ne vous plaignez jamais ! Vous seuls pouvez connaître
l'infini de la joie au moment où pour vous un coeur s'ouvre, une oreille
vous écoute, un regard vous répond. Un seul jour efface les
mauvais jours. »
Honoré de BALZAC, Le Lys dans la
vallée, [Paris], Livre de poche, [1984], p. 107
II
DEDICACE
A mon père et ma mère pour le don de la
vie,
A tous les hommes et femmes de bonne volonté,
épris de justice et de paix,
Aux parents et éducateurs qui se dévouent
au service de la jeunesse,
nous dédions ce travail.
III
REMERCIEMENTS
C'est par ces lignes que nous venons déposer dans vos
coeurs la charge la plus vive de reconnaissance. Il n'est de plus
agréable devoir que de remercier. Aussi est-ce un plaisir de rendre ici
un vibrant hommage au Chef de Travaux SAKWA Lufwatula pour la direction de ce
travail.
Nous ne saurons coudre nos lèvres devant tous ces hommes
et femmes qui dans l'ombre ont peiné et peinent encore pour que nous
portions demain le nom de critique littéraire. Nous citons avec
gratitude tout le corps académique et scientifique de la Faculté
des Lettres et Sciences humaines.
Au soir de notre premier cycle en Lettres et civilisation
françaises, nos pensées, tel l'oiseau de Minerve, s'envolent vers
toutes ces personnes, parents, amis et connaissances, qui ont toujours
manifestées un vif intérêt à ce que nous faisions et
qui de près ou de loin nous ont toujours soutenus. Nous pensons à
nos chers parents, MASHAKO Mamba Sebi et BANDUSHA Banga ; Pr MASHAKO Mamba
Nyenya et TAMBU Sudila; Dr Yves MASHAKO; Dr Many MASHAKO; Me Rheim's MASHAKO;
Nathan MASHAKO ; Dr Teto FONDACARO et Dr Dadah MASHAKO; Dr Didier
LUKEME et Nicole MASHAKO; notre bien-aimée petite soeur Yvette
MASHAKO; les familles Jean et Thomas MATEMANE, ainsi que toute la famille
BANSOBA.
Que nos remerciements s'adressent également et d'une
manière spéciale à tous nos compagnons jésuites et
à tous nos condisciples pour leur sollicitude.
Puissent toutes ces personnes, ainsi que celles que nous ne
saurons nommer ici, recueillir en ces lignes nos sentiments les plus
affectueux !
Erick MASHAKO M.
INTRODUCTION GENERALE
0.1.
CHOIX ET INTERET DU SUJET
Le monde est en crise. Une crise multidimensionnelle. Elle
affecte tous les secteurs de la planète et de la vie humaine : du
climat aux espèces animales, tant aquatiques que terrestres ; des
finances à l'éducation, en passant par l'économie et la
morale. Tout est en crise et en appelle à la restructuration et à
la refondation.
Du grec « crisis », la crise est
une période de l'existence, un moment douloureux d'une remise en
question en profondeur. C'est un temps de discernement pour une solide
refondation.
Dans le présent travail, La Maltraitance des
enfants et ses conséquences dans La Mort du petit cheval
d'Hervé Bazin, il est plus question de la crise éducationnelle.
Plusieurs sont les mauvais traitements dont sont victimes les enfants en milieu
familial. Cela entraîne des conséquences fâcheuses sur leur
croissance et leur vie d'adulte. Nombreuses sont les personnes
révoltées, frustrées, aigries, inaptes à l'amour et
à la joie suite à des blessures subies durant leur enfance.
La famille, il est vrai, est la cellule de base de tout
individu. Chaque homme est ainsi censé être le miroir de sa
famille. Aussi celle-ci est-elle un des droits fondamentaux de toute personne
humaine. En cela, elle joue un rôle irremplaçable dans la vie de
tout individu. C'est le lieu, par excellence, de l'apprentissage de l'amour, de
la justice, de la liberté et du bonheur, ou, à l'inverse, de
toute valeur négative.
Cependant, l'institution familiale au XXIè
siècle traverse aussi une profonde crise et en appelle à une
refondation. Outre le problème de l'autorité parentale, il se
pose le problème du divorce, de la monoparentalité, de la chaleur
affective, quand tous les deux parents sont absorbés par leur travail...
Nous ne nous attarderons pas là-dessus, l'objet de notre étude
étant autre.
0.2. PROBLEMATIQUE
Dans un contexte mondial des guerres interétatiques et
internes, avec toute la caravane de misères qu'elles entraînent,
dans ce contexte mondial où la crise économico-financière
bat son plein, jetant au chômage une multitude des personnes et
entraînant des conditions de vie très précaires dans moult
familles, il nous a paru impérieux de collaborer à
l'avènement des hommes nouveaux. Des hommes rompus aux valeurs
d'amour, de paix et de réconciliation. Des hommes libérés
de la pesanteur de leur affreux passé familial.
« La plus belle fille du monde ne donne que ce
qu'elle a », dit-on. Est-il possible d'engendrer l'amour, la paix et
la joie autour de soi quand toute son enfance n'a été que haine,
méchanceté et tristesse ? Est-il possible de connaître
le bonheur et l'épanouissement quand toute sa vie n'a été
que brimades, injustices et malheurs ? Comment s'y prendre ? Comment
se libérer des conséquences de la maltraitance subie ? Ce
questionnement mérite qu'on s'y penche et qu'une réponse
adéquate y soit donnée.
Mais auparavant, un diagnostic sévère s'impose.
Quelles sont les causes de la maltraitance des enfants ? En quoi consiste
cette maltraitance ? Quelles en sont les conséquences ?
Là est la problématique du présent travail.
0.3. ETAT DE LA QUESTION
Nos recherches en bibliothèque nous ont
renseignés sur les travaux de nos prédécesseurs.
Toutefois, il sied de signaler qu'il s'agit en fait des travaux encore
présents à l'appel. Car il y a eu un vent de pillages qui a
soufflé sur la ville de Lubumbashi, en général, et notre
bibliothèque, en particulier.
Ainsi, un seul des travaux qui se trouvent présentement
dans la bibliothèque de la Faculté des Lettres et Sciences
humaines de l'UNILU partage notre passion pour Hervé BAZIN. Il s'agit du
travail de fin de cycle de DJONGE Colette. Celui-ci porte sur Vipère
au poing. Mais aucun de ces travaux n'a abordé ni la
thématique ni l'ouvrage qui sont nôtres.
Vipère au poing, La Mort du petit
cheval et Cri d'une chouette forment une trilogie où
l'auteur aborde respectivement les questions de l'enfance, de l'adolescence et
de la vie adulte.
Dans Vipère au poing, Hervé Bazin
traite de la famille Rezeau. L'histoire se passe en France. Jacques Rezeau et
Paule Pluvignec décide de s'unir pour le meilleur et pour le pire. De
leur union naissent Ferdinand et Jean Rezeau. Mais une mutation oblige le
couple Rezeau de partir de la France pour la Chine. Jacques et Paule Rezeau
trouve mieux de laisser leurs deux fils, écoliers, aux bons soins de
leur grand-mère paternelle. Chez leur grand-mère paternelle,
Ferdinand et Jean Rezeau passeront quelques années d'enfance heureuses
tandis que leurs parents et leur plus jeune frère, né en Chine, y
séjournaient. Jacques enseignait le droit international dans une
université chinoise.
Cependant, lorsque Jean a huit ans, sa grand-mère meurt
d'une maladie des reins. Le couple Rezeau est alors obligé de retourner
en France. Les deux frères ont hâte de revoir leurs parents et de
découvrir ce petit frère, Marcel, qu'ils ne connaissent pas.
Malheureusement, la vie avec leurs parents ne sera pas un
paradis. Très vite, Ferdinand et Jean regretteront le temps passé
aux côtés de la grand-mère. De retour à La Belle
Angerie, leur domicile familial, Ferdinand est maltraité par leur
nouveau précepteur, l'abbé Traquet, qu'ils surnomment BVII.
Mécontent, Jean parvient à brouiller ce méchant
précepteur avec Paule Rezeau.
Mais, devenu le principal souffre douleur de leur mère,
qui multiplie les humiliations et lui les représailles, Jean finit par
fuir le toit familial après avoir attenté à deux reprises
à la vie de leur mère.
Réfugié à Paris chez ses grands-parents
maternels, Jean Rezeau est finalement ramené à domicile par son
père, Jacques Rezeau. L'ambiance est plutôt à
l'indifférence. Surtout que, devenu adolescent, sa corpulence, ses
initiatives, son assurance et ses provocations impressionnent sa mère.
Jean prend alors l'habitude de se réfugier sur la plus haute branche
d'un arbre de la propriété pour bien analyser la nouvelle
situation.
Jean et Paule Rezeau se ménagent quelque peu.
Toutefois, les travaux recommencent à La Belle Angerie :
il faut désherber les allées du parc, cirer les parquets du
salon... Pourtant un anniversaire va modifier le quotidien, celui du
jubilé d'argent de René Rezeau comme membre de l'Académie
française. Le jour de la fête, il faut écouter un discours
assommant de trois heures. Dès lors, la haine que Jean éprouvait
pour ses proches s'étend maintenant à toute sa famille et
à toute la bourgeoisie.
En fin de compte, les trois enfants Rezeau sont envoyés
comme internes chez les Jésuites au Mans. Reste une haine
définitive entre Folcoche1(*) et Jean. Ce dernier quitte La Belle Angerie
« une vipère au poing ».
Dans La Mort du petit cheval, comme nous le voyons
ici plus loin, dans le résumé de l'ouvrage, Jean est aux
études secondaires toujours persécuté par sa mère.
A la fin de celles-ci, ses parents lui imposent des études
universitaires de Droit. Mais la rupture de sa relation avec une de ses
conquêtes, Michelle Ladourd, rupture provoquée par sa mère,
le poussera à la fugue. A Paris, où il s'est inscrit à la
Sorbonne en Journalisme, comme il l'a toujours souhaité, Jean fait la
connaissance de Monique Arbin, une secrétaire dans une étude
parisienne. Celle-ci sera sa future épouse avec qui il aura un fils,
appelé Jean. A vingt ans, Jean parvient à fonder un foyer heureux
à la grande déception de sa mère et au grand
étonnement de ses frères.
Dans Cri de la chouette, Jean Rezeau a maintenant
quarante-cinq ans. Veuf, il s'est remarié avec Bertille dont il
élève la fille, Salomé, parmi ses propres enfants. Et
voilà que Madame Mère2(*), jamais revue, fait irruption chez lui. Trahie,
dépouillée par Marcel, son fils préféré,
elle vient offrir la paix. Elle propose même à Jean de racheter la
maison familiale, La Belle Angerie. Jean, qui avait exorcisé
les fantômes de sa jeunesse, hésite. Puis, il accepte d'oublier le
passé sur l'insistance de sa femme et de ses enfants qui croient pouvoir
convertir leur redoutable aïeule.
Folcoche pourtant reste toujours Folcoche. Elle sème
aussitôt méfiance et discorde. En même temps, une
étonnante métamorphose la fait accéder soudain à la
passion. Elle se met à adorer, à pourrir Salomé.
Habituée, hélas ! aux moyens de la haine, elle ne sait ni
aimer ni se faire aimer. Salomé accepte ses dons et ne songe qu'à
son amant, Gonzague ; elle s'enfuira avec lui. Paule Rezeau abandonne
alors La Belle Angerie, en jette les clefs à son fils pour
poursuivre la jeune fille...Mais elle tombe, foudroyée par une
thrombose, et meurt, seule en face de Jean, présent du moins à
son dernier soupir comme elle l'avait été, elle, à son
premier.
« Quand on m'enterrera, il y aura peut-être
des joues humides, s'il pleut ! » Sans doute se trompait-elle,
la vieille chouette, en poussant ce cri désespéré.
0.4. METHODE DE TRAVAIL
Afin de mieux cerner notre sujet et de mener à bon port
nos recherches, nous recourrons à la méthode de la lecture
interne. A travers tout l'ouvrage, nous analysons la problématique de la
maltraitance des enfants.
0.5. DIVISION DU TRAVAIL
Outre l'introduction et la conclusion générales,
notre travail comprend trois chapitres.
Le premier traite des généralités sur
l'auteur, sur son oeuvre et donne le résumé de l'ouvrage.
Le deuxième aborde les causes de la maltraitance et ce
en quoi celle-ci consiste.
Le troisième, quant à lui, nous présente
les conséquences de cette maltraitance des enfants.
CHAPITRE I GENERALITES
I.1. INTRODUCTION
Il n'est pas d'oeuvre sans auteur, ni d'auteur sans vie.
La Mort du petit cheval ne déroge pas à cette
règle.
Voilà pourquoi dans ce chapitre, nous parlons des
généralités sur l'auteur et sur son oeuvre. Qui est
Hervé Bazin ? Qu'en est-il de sa production
littéraire ? De quoi s'agit-il dans le roman, La Mort du petit
cheval ? C'est à ces questions que les lignent qui suivent
tentent de répondre.
I.2. VIE DE L'AUTEUR
Jean-Pierre Hervé-Bazin, dit Hervé BAZIN est un
écrivain français, né à Angers en 1911. Issu d'une
famille dévote et bourgeoise, il passe son enfance dans le Maine et
Loire, à Marans. Très tôt, il s'oppose à sa
mère autoritaire (qui lui inspire le personnage de Folcoche) et fugue
plusieurs fois durant son adolescence. Il refuse l'enseignement catholique en
droit qu'on lui impose. Et, l'année de ses vingt ans, il rompt avec sa
famille et part en Faculté des Lettres à la Sorbonne.
Malgré les souvenirs douloureux que lui évoquent
les murs du Paty, manoir de ses parents, il reste toute sa vie très
attaché à sa région natale, où il situe bon nombre
de ses romans.
Hervé Bazin devient membre de l'Académie
Goncourt en 1958. Il en devient le président en 1973.
Politiquement, Hervé Bazin appartient au Mouvement de
la Paix, en relation avec le parti communiste dont il est proche. Il meurt d'un
cancer du sein le 17 février 1996, âgé de 85 ans, laissant
derrière lui 7 enfants issus de plusieurs mariages.
I.3. OEUVRES DE
L'AUTEUR
L'aventure littéraire d'Hervé Bazin commence en
1933. Pendant une quinzaine d'années, il écrit de la
poésie, mais sans éclat. En 1946, il crée une revue
poétique, La Coquille. Il obtient en 1948 le prix Apollinaire
pour Jour, son premier recueil de poèmes, suivi d'A la
poursuite d'Iris. Cependant, sur le conseil de Paul Valéry, il se
détourne de la poésie pour se consacrer à la prose.
L'oeuvre qui le propulse sur le devant de la scène
littéraire et fait sa renommée est bien Vipère au
poing. A sa mort, il laisse une cinquantaine d'ouvrages, pour la plupart
des romans, publiés chez Grasset et au Seuil. Son dernier livre, Le
Neuvième jour, est un cri d'alarme sur les dangers de la
science.
Principaux romans
Ø Vipère au poing (1948)
Ø La Tête contre les murs (1949)
Ø La Mort du petit cheval (1950)
Ø Lève-toi et marche (1951)
Ø Contre vents et marées (1953)
Ø L'Huile sur le feu (1954)
Ø Qui j'ose aimer (1955)
Ø Au nom du fils (1959)
Ø Le Matrimoine (1966)
Ø Les Bienheureux de la Désolation
(1970)
Ø Cri de la chouette (1971)
Ø Madame Ex (1974)
Ø Un feu dévore un autre feu (1978)
Ø L'église verte (1981)
Ø Le Démon de minuit (1988)
Ø L'École des pères (1991)
I.4. RESUME DE
L'OUVRAGE
La Mort du petit cheval est la suite logique de
Vipère au poing, où Hervé Bazin peint son
enfance.
Publié en 1950 par Hervé BAZIN, La Mort du
petit cheval se situe en grande partie en France et nous présente
les trois enfants Rezeau, Ferdinand (Fred/Chiffe), Jean (Brasse-bouillon) et
Marcel (Cropette), en pleine adolescence.
En réaction à la crise économique qui
sévit, Jacques Rezeau, ancien professeur de Droit à la
Faculté catholique d'Angers, a décidé d'embrasser
malgré lui la carrière de magistrat. Il est nommé au poste
de substitut de troisième classe. La ville d'Angers étant
très sollicitée, M. Rezeau est envoyé en Guadeloupe,
où la paie est considérable.
Partant pour la Guadeloupe, Jacques Rezeau et son
épouse Paule, surnommée Folcoche3(*) voire Madame Mère par Fred et Jean,
laissent leurs trois enfants aux études en France, au Collège
Sainte Croix chez les Jésuites. Mais pour des raisons inconnues, les
jeunes Rezeau sont vite retirés de ce collège et dispersés
dans trois endroits différents. Fred est envoyé à Nantes,
sous la surveillance de sa tante paternelle, Bartolomi. Jean est resté
à Angers où il est placé sous la garde de Félicien
Ladourd, propriétaire de la Santima, boutique qui vend des
objets de piété. Quant à Marcel, qui était d'abord
envoyé à Combrée, il a rejoint ses parents pendant les
vacances, « en récompenses à ses bons prix ».
En Guadeloupe, Marcel est inscrit au Lycée Basse-Terre.
Après des années d'études secondaires,
durant lesquelles il passait toutes ses vacances à l'internat, Jean
Rezeau obtient son baccalauréat. Il ne peut plus rester, comme à
l'accoutumée, à l'internat durant les vacances. Mais
Félicien Ladourd, son tuteur, n'a reçu du couple Rezeau aucune
consigne à ce propos. Celui-ci décide alors, en guise de
récompense à la réussite scolaire de Jean, de lui offrir
trois mois de vacances dans le domaine familial des Ladourd au bord de la mer,
dans le Morbihan. Là, Jean fait la connaissance de toute la famille
Ladourd et, plus particulièrement, de Michelle Ladourd, fille à
Félicien Ladourd. Il lui faut cependant beaucoup de temps, trois
semaines, pour s'acclimater à cette famille affectueuse et chaleureuse,
où chacun est simple, vrai et attentionné à l'égard
des autres. En tout, une famille heureuse. La patience et la
compréhension de Félicien Ladourd et de son épouse
viennent à bout de ce tempérament révolté,
frustré et solitaire invétéré. Le séjour
dans la famille Ladourd fait découvrir à Jean ce qu'est l'amour,
la tendresse, le bonheur.
Hélas ! Les bonnes choses ne durent pas. Juste au
moment où il commence à s'éprendre de Michelle Ladourd
(Micou), une lettre de ses parents lui enjoint de retourner à Angers
afin de prendre part à une retraite préparatoire pour
étudiants. Brasse-bouillon apprend par la même lettre qu'il va
ensuite poursuivre ses études en Droit, à la faculté
catholique d'Angers. A la lecture de ce message, celui-ci ne s'empêche
pas de crier sa colère et sa révolte à l'égard de
« Folcoche », dont il reconnaît la main agissante. Ce
qui scandalise sa famille d'accueil, étrangère au fonctionnement
de la famille Rezeau et dont la grille de lecture des décisions
parentales est différente de celle des Rezeau.
A la retraite, Jean retrouve son frère
aîné Fred et de nombreux cousins. Faite sous la contrainte
parentale, celle-ci est dénuée de toute dévotion. La
veille de la fin de la retraite, Chiffe et Brasse-bouillon reçoivent une
note de leur mère. Dans sa note, Mme Rezeau leur signifie son
incapacité à venir les prendre en voiture pour les ramener
à la maison. Elle leur demande de prendre le bus jusqu'à
l'arrêt le plus proche du toit familial. Puis, d'effectuer à pied
le kilomètre restant. C'est sous la pluie que ces deux compagnons dans
la maltraitance arrivent à La Belle Angerie, leur domicile
familial. Un accueil glacial leur est réservé par leurs parents,
pourtant après des longues années de séparation. Seul
Marcel, revenu beaucoup plus tôt avec M. et Mme Rezeau et qui n'a pas
pris part à la retraite, captive toute l'attention maternelle :
cadeaux, sourire, regard tendre... Et cela, sous prétexte de la mention
très bien qu'il a reçu au baccalauréat. Deux
jours plus tard cependant, Folcoche se débarrasse d'eux :
Ferdinand est envoyé à Nantes, Jean à Angers et Marcel
à Paris.
A Angers, Jean est inscrit en Droit, à la
Faculté catholique, contrairement au Journalisme qu'il souhaitait. Il
est logé en ville, chez Mme Polin. Il profite de son séjour
là-bas pour renouer avec Michelle Ladourd et réaliser des petits
travaux pendant ses temps libres. Progressivement, leur jeune amour commence
à trouver des expressions de plus en plus claires et à poser ses
fondations.
Un jour, hélas, Jean reçoit la visite
imprévue de ses parents, alertés par leurs services de
renseignement. Jacques et Paule Rezeau arrivent chez Mme Polin en l'absence de
leur fils. Ils s'introduisent dans sa chambre, fouillent sa valise et y
trouvent de beaux habits. Jean les surprend. Folcoche lui reprochent
« la belle vie » qu'il mène. Indigné, Jean
proteste et cherche à faire respecter sa vie intime. Ce pour quoi,
Madame Mère entraîne son mari jusqu'à la demeure des
Ladourd où elle crée un scandale : elle insulte Micou,
menace toute la famille Ladourd et calomnie son fils, Jean, auprès de
Félicien Ladourd. Elle dit à ce dernier que Brasse-bouillon
raconte à qui veut l'entendre que Micou est sa maîtresse. Quand
Brasse-bouillon se rend dans la famille Ladourd pour panser les plaies, il est
trop tard. Il n'y est plus le bienvenu.
De retour chez Mme Polin, Brasse-bouillon décide de
rompre avec sa famille. Il quitte Angers, abandonne ses études de Droit
et part à la réalisation de sa destinée. Avec ses
économies, il paye son billet pour Paris où il s'inscrit à
la Sorbonne en Journalisme.
Une autre vie, difficile et responsable, débute pour
lui : le matin il se rend au cours et le soir il rend quelques services.
De même que, pour vaincre Satan, Dieu se fit homme, Brasse-bouillon, pour
réduire à l'impuissance sa mère, se fait dans un premier
temps valet de chambre en attendant sa résurrection (victoire).
Dommage ! Il perd cet emploi suite à une liaison passagère
qu'il entretient avec une collègue de travail, Emma. Il va alors
s'installer dans un hôtel modeste.
De valet de chambre, il s'occupe tour à tour des
aspirateurs, des machines à laver, des batteurs de tapis. Il effectue de
stages payés comme vendeur pour diverses maisons et va ainsi de porte en
porte proposant des articles. Pendant près de deux ans, il mène
une vie, comme tant d'autres, à la recherche de cent francs pour
survivre. Il apprend à se passer du feu, du vin, des longs menus, des
couvertures épaisses, des chaussures neuves, des linges propres et
connaît le vrai prix, en terme d'heures de travail, d'une paire de
souliers.
Dans le nouvel hôtel où il loge, Jean fait la
connaissance de Paule Leconidec, une employée dans une clinique
privée de Paris. Celle-ci l'aide beaucoup à grandir et à
s'en sortir. Elle refait son éducation sentimentale. Ils entretiennent
même une liaison pendant des mois. Le jour où Jean fait la
connaissance de Monique Arbin, une secrétaire dans une étude
logeant chez des religieuses, Paule Leconidec décide de s'effacer de sa
vie. Mais auparavant, elle l'aide à lancer un petit commerce afin de
réunir les moyens d'épouser Monique. Malgré l'opposition
de ses parents, Jean épouse Monique. Le mariage civil et religieux est
célébré.
Jacques Rezeau, affaibli par la maladie qu'il traîne
depuis quelques années, est acheminé dans un hôpital
modeste, où l'a conduit sa chère épouse, par souci
d'économies. Personne ne songe à en informer Jean. Seul Fred
pense à lui. Mais la lettre de celui-ci lui parvient avec un mois de
retard. Dans sa lettre, Fred communique à son frère l'état
de santé critique de leur père, dont il soupçonne la mort
probable. Bien plus, Chiffe annonce à Brasse-bouillon que la
« famille Rezeau» a décidé de l'ignorer
complètement, depuis son mariage contesté avec Monique. A la
lecture de cette lettre, Jean se presse de téléphoner au notaire
de Soledot, l'autre nom de la commune de Marans, dans le département de
Maine-et-Loire, en France, pour s'enquérir de l'état de
santé de son père. Malheur ! Le notaire lui confirme la
nouvelle de la mort de son père et son enterrement, intervenu deux jours
avant son coup de fil. Le notaire en profite également pour lui
communiquer le jour du partage des biens.
Jean et Monique Rezeau se rendent alors à Soledot, pour
participer au partage des biens. La lecture du testament débute :
La Belle Angerie vendue, sous l'agonie de Jacques Rezeau et
à l'insu de Fred et de Jean, la grosse part de l'argent est
légué à « Mme Mère » et une
autre à Fred, à Jean et à Marcel. Curieux, Jean cherche
à savoir le nom de l'acheteur et ce que sont devenus les meubles, or et
argent, que comprenait La Belle Angerie. Ainsi attire-t-il
l'attention de toute la famille sur sa présence, jusque-là
ignorée. Stupéfaction ! L'acheteur n'est autre que M. Guyare
de Kervadec, le futur beau-père de Marcel.
Mécontents de la répartition des biens, Fred et
Jean refusent de signer l'acte testamentaire et entendent se faire justice.
Déçue, la Douairière, surnom donné à Paule
Rezeau par Fred et Jean après la mort de leur père, crache son
mépris de leur personne à Fred et à Jean. Elle profite
également de l'occasion pour dénigrer au passage sa belle-fille,
Monique, « la midinette ».
Pour se venger de l'injustice dont ils ont été
victimes, Jean et Fred s'introduisent clandestinement à La Belle
Angerie, où ils ne trouvent rien de très important, si ce
n'est le cahier de comptes de leur mère, sa boîte à
lettres, un serpent de platine et une somme de 10.000 francs. L'examen
minutieux de ce butin leur livre des révélations aussi
gênantes qu'accablantes sur leur mère et sur la vente de leur
domaine familial : Marcel, leur jeune frère, n'est pas le fils de
Jacques Rezeau, mais un enfant bâtard que leur mère a eu avec M.
Marcel, un attaché au consulat de France en Chine. C'est pour conserver
le souvenir de son amant que Mme Rezeau a tenu à nommer son fils Marcel,
prénom étranger à la famille Rezeau. Fruit d'un homme
perdu, Cropette a toujours été préféré aux
fruits de cet homme imposé qu'est Jacques Rezeau.
Par ailleurs, Brasse-bouillon et Chiffe
découvrent les tergiversations sur l'avenir de La Belle
Angerie. Dans leurs tergiversations, Paule Rezeau et M. de Kervadec
s'accorde sur un seul point : ce domaine doit être offert comme dot
à Marcel lors de son mariage avec Solange de Kervadec.
Quand la Douairière s'aperçoit de la
disparition de ses documents, elle propose un marché à Fred et
à Jean : un échange desdits documents contre une somme de
100.000 francs. Le rendez-vous est fixé chez Jean. Le jour prévu,
Paule Rezeau se présente accompagnée de Marcel et munie de
ladite somme qu'elle échange contre son cahier de comptes, sa
boîte à lettres et l'acte testamentaire signé par Fred et
Jean.
Aussitôt le troc réalisé, Fred et Marcel
s'en vont. Madame Mère reste. Elle se retrouve en face de son fils
Jean et de Monique, « la nouvelle madame Rezeau ». Elle
réclame qu'on lui apporte son petit-fils et tente de décocher les
dernières flèches à Jean, mais en vain.
Finalement, elle réalise que Jean et Monique forment un
couple heureux malgré le peu d'argent qu'ils gagnent. Ainsi, la
Folcoche conclut-elle à « la mort du petit
cheval » avant de s'en aller trahie par elle-même.
I.5. JUSTIFICATION DE
L'INTITULE DU ROMAN.
A ce niveau de notre étude, il nous semble
impérieux d'expliquer maintenant le titre du roman, La Mort du petit
cheval, titre qui semble ne pas cadrer avec l'histoire narrée dans
le résumé. Dans les lignes qui suivent nous élucidons la
symbolique du « petit cheval ».
Aucun homme, quel qu'il soit, ne tient en ses mains la vie
d'un autre. Mort, le « petit » cheval n'existe plus. Il a
recouvré sa liberté.
Dans l'imagerie populaire, le cheval est cet animal domestique
qui a toujours servi au transport des individus ou à leur
détente. Grâce aux brides et à un petit fouet, il est
conduit par le cavalier ou le cocher dans la direction voulue.
C'est pour renvoyer à cette image de captivité
qu'Hervé Bazin parle de Jean en termes de
« petit » cheval, en référence au
« grand » ou au « vrai » cheval. Ainsi
donc, Paule Rezeau, à l'aide de nombreux stratagèmes, s'exerce
à miner la vie de Jean et de Fred, ses chevaux, qu'elle destine à
un échec social.
Heureusement, Jean échappe à ce projet
diabolique grâce à sa résistance et à sa
détermination de se forger sa propre destinée. En fin de compte,
il réussit sa vie : il achève des études
universitaires qu'il a toujours voulu faire, lance une affaire personnelle,
épouse une femme qu'il aime et qui l'aime, et obtient d'elle un fils. En
cela, meurt le « petit » cheval que Folcoche tenait en
captivité. Il est maintenant un homme, un être
libéré de ses brides.
Malheureuse, la « propriétaire » du
« petit cheval » s'en va clamant sa défaite.
I.6. CONCLUSION
Dans ce chapitre, nous avons présenté l'auteur
et son oeuvre. Aussi avons-nous offert le condensé de La Mort du
petit cheval.
Petit neveu de l'académicien René Bazin,
Hervé Bazin est l'auteur de romans dont la violence satirique s'exerce
contre les tares d'une certaine bourgeoisie, les méfaits de la
civilisation industrielle et tout particulièrement les contraintes de la
famille et de l'éducation. C'est à juste titre qu'il est
considéré comme un « romancier de la
famille ». Celle-ci constitue en effet le thème central de
tous ses romans.
Sous des titres excellemment choisis, ses récits
peignent des conflits psychosociologiques assez traditionnels et font de leur
auteur un écrivain à succès, lauréat du prix
Lénine en 1980. Hervé Bazin fait le bilan de son univers
dans Abécédaire, publié en 1984.
La Mort du petit cheval, ouvrage de base du
présent travail, nous livre l'histoire d'un garçon, Jean Rezeau,
dont la jeunesse fut malheureuse et qui a rompu avec sa famille tyrannique pour
trouver, après deux aventures amoureuses, l'apaisement auprès
d'une femme qu'il aime et de ses enfants. Toutefois, Jean a quelques remords
pour avoir renoncé à la révolte et pour avoir trahi le
jeune révolté qu'il était auparavant.
Il convient cependant de signaler que dans la suite de notre
travail, nous nous servirons de l'abréviation
« M.P.C. », plutôt que
Hervé Bazin, La Mort du petit cheval, [Paris], Grasset,
[1950], p..., pour citer notre ouvrage de base en notes de bas de
page.
CHAPITRE II LA MALTRAITANCE
DES ENFANTS
II.1. INTRODUCTION
Dans cette partie, nous abordons le thème de la
maltraitance proprement dite des enfants. Nous examinons tour à tour
où est-ce que les enfants sont maltraités, par qui, pourquoi et
comment.
Auparavant, il apparaît opportun de préciser,
pour les besoins de cette étude, ce que nous entendons par
enfant. Par enfant, nous entendons, à la suite de la
Convention internationale des droits de l'enfant, toute personne
mineure, c'est-à-dire âgée de moins de 18 ans ou plus, dans
les pays où la majorité est atteinte un peu plus tard. Ce terme
englobe donc ici, la prime enfance et l'adolescence. Il s'oppose à
adulte.
Quant à la maltraitance, elle désigne
les mauvais traitements tant physiologiques que psychologiques dont sont
victimes les enfants. Il ne s'agit pas des mauvais traitements infligés
à un enfant dans le cadre éducatif, pour une faute commise. La
maltraitance dont question ici est celle que l'on a d'emblée du mal
à expliquer. C'est une maltraitance de prime abord gratuite,
fortuite.
II.2. LIEUX DE LA
MALTRAITANCE DES ENFANTS
Une fois compris les concepts de base que sont l'enfant
et la maltraitance, nous sommes désormais en position de
nous poser la question subséquente suivante : « Dans
quels milieux, l'enfant est-il maltraité ? »
Le constat qui se dégage de l'oeuvre sous examen est
que l'enfant est objet des maltraitances dans ses milieux habituels de
vie : la famille, l'école, la société. Dans La
Mort du petit cheval, il est plus question de la famille et de
l'école. Jean est maltraité dans sa famille et à
l'école.
L'on est alors en droit de se demander : Qui maltraitent
l'enfant ? De qui subit-il des mauvais traitements ? Dans les lignes
qui suivent nous tentons de donner une réponse à ces
interrogations.
II.3. AUTEURS DES
MALTRAITANCES
Comme nous l'avons montré dans les lignes
précédentes, en famille, l'enfant est maltraité par ses
parents et par ses frères et soeurs. Le héros du roman, Jean
Rezeau, subit la maltraitance de ses parents et de ses deux frères.
Et, à l'école, l'enfant subit la maltraitance de
la part de ses éducateurs et de ses condisciples. Ainsi, pour avoir
entretenu une amitié avec Cyrille, fils d'un colon russe de Madagascar,
Jean Rezeau est sanctionné par les autorités chargées de
la discipline dans leur internat. Cela lui vaut aussi la méfiance et le
mépris de la part des autres internes esseulés, parce que chaque
interne avait sa chambre.
A ce niveau de notre étude, l'on pourrait à
juste titre s'interroger pour savoir ce qui est à la base du mauvais
traitement des enfants par leurs parents ou éducateurs. Poser cette
question, revient à s'interroger sur les causes de la maltraitance des
enfants. C'est cela que nous exposons dans les lignes qui suivent.
II.4. CAUSES DE LA
MALTRAITANCE DES ENFANTS
Nombreuses sont les causes de la maltraitance des enfants. Et
les scientifiques ne s'accordent pas sur la part de l'environnement et de
l'hérédité dans ce phénomène. Lequel de
l'inné ou de l'acquis influence le plus nos comportements, nos
réactions, nos tempéraments et nos caractères ?
En famille, la mère a toujours été, sans
conteste, la pièce maîtresse et centrale. Le rôle capital
que joue l'épouse et mère dans un foyer n'est pas à
démontrer. Cela ne signifie nullement que le père ne soit
d'aucune importance. Bien au contraire, le père joue aussi un grand
rôle dans le ménage, comme le souligne si bien Jung dans son livre
Psychologie et Education.
La question de la maltraitance des enfants se pose en
filigrane à travers tout le roman, La Mort du petit cheval.
Qu'est-ce qui expliquent les mauvais traitements que Folcoche impose à
ses enfants ? C'est la même question que Jean adresse à sa
mère, lorsqu'il s'interroge au sujet du bonheur dont elle s'acharne
à lui priver : «Te fut-il donc refusé ou l'as-tu
perdu ?» 4(*)
Pendant des années, les interventions chirurgicales
subies par Paule Rezeau (ovariotomie et ablation de la vésicule
biliaire), les dix-huit ans de sa jeunesse passés dans un pensionnat et
la célébration de son mariage prématuré avec
Jacques Rezeau constituaient autant d'explications à son comportement.
Les mauvais traitements dont sont victimes ses enfants seraient ainsi l'une des
conséquences funestes de ce passé peu enviable. Madame Rezeau
serait ainsi une personne qui, elle-même, n'a jamais connu le bonheur.
Partant, elle ne sait l'offrir à d'autres. Nous serions ainsi en plein
mécanisme « opprimé-oppresseur ».
Opprimé d'hier, oppresseur d'aujourd'hui.
Bien plus, nous sommes en face d'une femme mariée trop
vite par ses parents et qui n'a jamais eu la possibilité de faire sa
volonté : sous la tutelle parentale, elle étouffait ;
au pensionnat, elle était astreinte à l'obéissance du
règlement d'ordre intérieur, très strict d'ailleurs ;
et le comble de tout, craignant on ne sait quoi pour leur réputation,
peut-être, les parents Pluvignec5(*) jettent leur fille dans les bras du premier venu.
« Madame Mère » ne serait pas ainsi
responsable de ses agissements. Elle serait plutôt victime des forces qui
lui sont supérieures et contre lesquelles elle ne peut rien.
« C'est une malade qu'il faut plutôt
plaindre »6(*),
conclut Félicien Ladourd.
Cependant, la suite des événements apporte un
rayon de lumière qui, soudain, éclaire toutes les zones d'ombre
de cette âme hermétiquement fermée et déroule, comme
dans un film, tous les agissements passés de Madame Rezeau, avec une
telle cohérence que l'on ne saurait douter que c'est bien là la
cause profonde des maltraitances qu'elle inflige à ses deux fils, Jean
et Fred. Il s'agit de l'infidélité, de l'adultère. Durant
son séjour chinois avec Jacques Rezeau, son mari, Paule avait eu une
liaison avec M. Marcel, un attaché au consulat général de
France à Changaï. De cette liaison était né un fils
qu'elle avait tenu à nommer Marcel, en souvenir de son amant.
Pour la première fois de sa vie, loin des regards des
ses tuteurs et de leur influence, Paule Rezeau choisit l'objet de son amour en
toute autonomie, signe de maturité affective chez une personne. Ce
choix, elle en est fière. Dès lors, elle ne se sépare plus
du bon souvenir de son amant, souvenir qui désormais constitue sa raison
de vivre.
Seulement, ce bonheur nostalgique la conduit à s'en
prendre à tous ceux qui, à ses yeux, n'en font pas partie :
son mari et les enfants qu'elle a eu avec lui. D'où, elle réduit
Jacques, son mari, à un rôle secondaire dans la famille. Quant
à Fred et à Jean, leurs enfants communs, ils payent les frais de
ce bonheur perdu, au profit de Marcel.
Plutôt qu'un monstre, « Madame
Mère » est une femme ordinaire, insuffisante et faible comme
toute autre. Mais seulement, elle n'a pas l'humilité d'avouer sa
faute par la suite. Elle transforme très vite celle-ci en une
gifle, c.-à-d. elle la légitime: non seulement elle
réserve un traitement de faveur à son fils adultérin, dont
le bonheur dépend entièrement d'elle, mais aussi elle
persécute ses deux autres fils légitimes. Et ce, contrairement au
proverbe qui veut que graine de paille ne valle jamais graine de bois de
lit. Fruit d'un amour désiré mais perdu, Marcel a toujours
été préféré à tous ses frères,
fruits d'un amour imposé. Durant toute leur jeunesse, Fred et Jean ont
le sentiment d'être élevé non par une mère, mais par
une marâtre, « Folcoche ».
Quant à Jacques Rezeau, son tempérament
contribue pour beaucoup dans ces maltraitances. Il est un homme mou qui aime la
dictée, c.-à-d. un homme qui aime recevoir des injonctions de sa
conjointe. Son épouse le mène par le bout du nez. Il n'exerce son
rôle de chef de famille que dans des lettres et jamais en
réalité. Toutes les grandes décisions sont prises par sa
femme. Et quand il tente de modérer les propos méprisants de
cette dernière au sujet de Fred et de Jean, un seul regard de celle-ci
suffit parfois à lui imposer le silence. « Je ne vous reproche
pas d'avoir été un chef dérisoire, un mâle de mante
religieuse, je vous reproche d'avoir été père comme on est
parrain, d'être seulement mon plus proche ascendant. (...) Je vous
regrette comme un pays vaincu regrette une province infertile, un morceau de
désert annexé par l'ennemi »7(*), dit Jean en guise d'hommage
funèbre à son père.
Telles sont, de manière ramassée, les causes de
la maltraitance des enfants dans le cercle familial.
Quant au milieu scolaire, les maltraitances infligées
à Jean ont pour causes les conceptions des religieux jésuites qui
gèrent leur internat, conceptions qui soupçonnent toute
amitié entre garçons d'être louche.
Après ce tour d'horizon où successivement nous
avons traité des lieux, des auteurs et des causes des mauvais
traitements que subissent les enfants, examinons maintenant ce en quoi
consistent ces maltraitances dont les enfants sont victimes.
II.5. LA MALTRAITANCE DES
ENFANTS.
La Convention internationale des droits de l'enfant
signée à Genève par 191 pays de l'Organisation des Nations
Unies (ONU) reconnaît toute une panoplie des droits fondamentaux et
inaliénables à tout enfant. La violation d'un de ces droits
constitue un mauvais traitement à l'égard des enfants. Et cette
violation est punissable par la loi. Mais, dans la quasi-totalité des
pays du monde, les droits des enfants sont méconnus, bafoués,
foulés aux pieds par les adultes, qui pourtant sont censés les
protéger.
Il existe plusieurs types de maltraitances des enfants :
de la négligence à la violence verbale, de la maltraitance
psychologique à la maltraitance physiologique ou physique, en passant
par la maltraitance morale. Dans ce roman, il est plus question de la
maltraitance psychologico-verbale et de la maltraitance morale.
La maltraitance psychologique est celle qui plonge l'enfant
dans un conflit intérieur et le stresse. C'est le cas du système
policier qui annihile tout sentiment de liberté chez l'enfant. C'est
également le cas des ordres contradictoires qui mettent l'enfant dans
l'embarras, embarras qui est fatal dans la formation de la personnalité
de l'enfant. Car il l'empêche de distinguer le bien à faire, du
mal à éviter.
La maltraitance verbale concerne toutes les paroles blessantes
qu'un parent ou un éducateur adresse régulièrement
à un enfant. Le risque ici est de plonger l'enfant dans une obsession,
une certaine dépréciation de soi et une sous-estimation de ses
capacités. C'est le cas des insultes, des propos pessimistes, de la
calomnie...
La maltraitance morale est celle qui touche à des
attitudes et des agissements visant à nuire au bonheur d'un enfant.
C'est le cas des inégalités dans le traitement des enfants :
à certains on prive de l'argent pendant qu'on en donne à
d'autres, certains sont obligés à prendre part à des
activités spirituelles (retraite...) pendant que d'autres en sont
dispensés. Et cela, non pas parce que l'on se soucie du salut de leurs
âmes. C'est également le cas de l'oubli volontaire dans
planification des vacances, pour certains enfants...
II.5.1. LA MALTRAITANCE
PSYCHOLOGICO-VERBALE.
Jean n'a jamais eu de mère, plutôt une
marâtre, qu'il surnomme « Folcoche », c.-à-d.
« folle et cochonne ». Jean Rezeau a grandi dans une
atmosphère de révolte continuelle, qu'il nomme
« haine ». Il n'a jamais connu cet amour maternel
qu'expérimentent d'autres enfants. Quand bien même, avant d'aller
dormir, Fred et Jean recevaient à l'accoutumée un signe de croix
sur leur front, tracé du bout du doigt par leur père, c'est du
bout de « l'ongle » qu'ils le recevaient de leur
mère. L'enfance pour Jean a toujours été cette faiblesse
livrée aux muscles des parents. Durant les sept ans passés en
famille, les siens n'ont été que des commensaux, divisés
en deux factions rivales.
Dès le début du roman, nous voyons les enfants
Rezeau soumis à un régime de surveillance, à l'exception
de Marcel. Fred, à Nantes, est surveillé par la tante Bartolomi
et Jean, à Angers, est à la charge de Félicien Ladourd.
Dès sa tendre enfance, Jean grandit dans un climat
familial où règnent la rivalité et la
conflictualité. Cette tendre enfance dont les psychologues, sociologues
et pédagogues conviennent qu'elle est très déterminante
dans le devenir d'un individu.
Bien plus, Jean souffre d'une crise de modèles. Son
oncle et son père, dont il cite plus d'une fois les propos en
référence dans le premier chapitre de ce roman, l'ont
déçu. Il n'aurait jamais cru qu'ils réagiraient ainsi
à la crise économique de l'heure, crise qui n'épargne
personne, même pas la famille Rezeau, et dont les conséquences
sont alarmantes.
Elevé dans une famille bourgeoise, Jean Rezeau n'en
revient pas. Son oncle, le baron de Selle d'Auzelle, pour qui l'honneur valait
plus que la vie, pratique maintenant le népotisme à grande
échelle : il fait de sa nièce, Edith Torure, la
secrétaire de la Santima et de son neveu, Léon Rezeau, un
commerçant. Pourtant, quelques années auparavant le baron de
Selle d'Auzelle déclarait à Jacques Rezeau, à La Belle
Angerie, que la situation de leur soeur était alarmante et qu'il
aimerait mieux la voir mourir de faim que de lui décrocher un quelconque
poste d'institutrice. « Mieux vaut ne pas aider les siens que les
aider à s'encanailler », disait-il.
Pire encore, Jacques Rezeau, professeur honoraire de Droit
à la Faculté catholique d'Angers, qui affirmait, il y a quelques
temps, à Félicien Ladourd que personne ne pouvait encore accepter
le métier de magistrat, a décidé de coiffer la toque comme
substitut de troisième classe. Il n'a pas su rester à Angers. Il
a été envoyé dans les colonies, en Guadeloupe, où
la paie était consistante.
Pour des « raisons inconnues », les
enfants Rezeau (Fred, Jean et Marcel) sont retirés du collège
Sainte Croix où ils étudiaient et sont dispersés dans
trois écoles différentes. Fred est envoyé à Nantes
sous la surveillance de sa tante, Bartolomi. Jean est envoyé à
Angers sous la garde de Félicien Ladourd, un étranger à la
famille, sous-prétexte qu'il n'y aurait personne d'autre pour tenir ce
rôle. Mais, en réalité, ce choix vise plus à vexer
Jean. Quant à Marcel, il est envoyé à Combrée.
Puis, en guise de « récompense » pour les prix
obtenus, il rejoint ses parents en Guadeloupe, où il est inscrit au
lycée Basse-Terre.
C'est avec une désinvolture qui frise la moquerie que
Madame Rezeau parle des prochaines études universitaires de Jean. Quand
M. Rezeau demande à son fils s'il s'est décidé finalement
à faire le Droit, celui-ci proteste par le silence. Prenant ce silence
pour un oui, « Folcoche » s'étonne:
« Généralement, il ne sait pas ce qu'il
veut ». Et elle ajoute : « Je ne parle pas de Fred.
Celui-là sait peut-être ce qu'il veut. Mais ce qu'il veut, c'est
de ne rien faire. » Lorsque M. Rezeau tente de nuancer les propos de
son épouse, un seul regard de celle-ci suffit à lui imposer le
silence. Puis, Paul Rezeau ignore ses autres interlocuteurs et se met à
parler de tout et de rien avec Marcel : timbres antillais...
Cette maltraitance verbale à l'égard de Jean et
de Fred s'étend de la première à la dernière page.
C'est en termes de plaintes que Paule Rezeau parle de Brasse-bouillon et de
Chiffe et d'éloges quand elle parle de Cropette. « Vous nous
causez bien de soucis, leur dit-elle. Heureusement que nous avons
Marcel. » Dans tout le roman nous voyons Madame Rezeau absente de
toute effusion de tendresse à l'égard de Jean et de Fred. Elle
ne leur prodigue aucune marque d'affection ni ne leur adresse aucune
félicitation, aucun éloge, aucun encouragement. Par contre, elle
apparaît dans toutes les décisions injustes à leur
égard. Elle excelle dans l'art de miner leur carrière, de briser
leur vie en décourageant toutes les personnes (la famille Ladourd, Fine,
Paule Leconidec, Monique Arbin) qui leur offrent de l'affection.
Pire encore, Paule Rezeau donne des ordres contradictoires
à Jean. Oubliant sa recommandation précédente, où
elle demandait à Jean de se prendre désormais en charge
financièrement pour l'habillement, Paule Rezeau lui reproche de
s'être acheté de beaux habits. Sans qu'il ne le sache, elle met
son fils sous surveillance.
Quand elle remarque que son fils est en train de devenir un
homme responsable et qu'il acquiert progressivement une certaine autonomie
financière, plutôt que de s'en réjouir,
« Folcoche » va prendre une série de mesures pour
briser cette autonomie. Ce faisant, « Madame Mère »
voulait obtenir l'insoumission de Jean pour briser à jamais sa
carrière en mettant fin à ses études. Elle met fin au
travail de Jean à la Santima, « afin qu'il se consacre
uniquement à ses études de Droit ». Elle décide
de le retirer de chez Mme Polin pour l'envoyer aux internats de la
Faculté, où l'on ne sort pas quand on veut. Pis encore, elle met
fin au flirt de Jean avec Michelle Ladourd. Elle le calomnie auprès de
Félicien Ladourd et de son épouse : « Mon fils
raconte partout que votre fille est sa maîtresse. » Quand Jean
se rend dans la famille Ladourd, il est bien tard pour réparer le tort
causé. Il y est persona non grata.
Jean se révolte, il décide d'abandonner ses
études et de rompre avec sa famille. Il quitte Angers et s'en va
à Paris. Là, il s'inscrit en Journalisme à la Sorbonne et
rend quelques services le soir, pour se payer les études. Mais
« Folcoche » ne désarme pas. Elle continue tout de
même à le faire surveiller.
Elle raconte, avec fierté, à qui veut l'entendre
que Jean a échappé de justesse à une affaire de moeurs,
qu'il vit maintenant aux crochets d'une putain et qu'il serait malade.
Avant le mariage de Jean avec Monique, « Mme
Mère » mandate son mari, « le chef de la
famille », de l'en dissuader, mais de manière diplomatique.
Cela dans le but de jeter un discrédit sur Jean et sur son épouse
en cas de refus. Ainsi l'épouse de Jean ne serait pas comptée
comme membre de la famille Rezeau. Toutefois, en cas de soumission, Paule
dirait : « Voilà, comme je le disais, ce garçon ne
sait jamais ce qu'il veut. »
Paule Rezeau recommande à Jean que les autres formes de
mariage manquent, sauf le mariage religieux, convaincue que Jean ferait
diamétralement l'opposé. Ainsi, elle pourrait
déconsidérer l'épouse de Jean, la qualifiant de
maîtresse légale.
Voilà bien autant de maltraitances
psychologico-verbales que devaient endurer ces infortunés, Fred et Jean.
Ce n'est pas tout, ils connaîtront aussi des maltraitances morales. C'est
de ces dernières dont question maintenant.
II.5.2. LA MALTRAITANCE
MORALE
Dès son enfance, la volonté de Jean n'a jamais
été prise en compte ni respectée. Ses jeux, il ne les a
jamais choisis. Il a toujours obéi à l'impératif :
« Allez vous amuser » et s'est toujours efforcé de jouer
avec plus ou moins d'entrain. « Demande-t-on aux soldats qui ont
connu la guerre de jouer à la petite guerre ? ». Il en va
de même pour ses études, voire pour ses choix amoureux. Toutes les
filles qui le charment ne plaisent jamais à sa mère. Ainsi Jean
épousera-t-il Monique contre l'avis de sa mère.
Avec une dextérité déconcertante, Paule
Rezeau s'arrange toujours pour priver à ses deux fils, Fred et Jean, de
la jouissance du bonheur. Pendant les vacances, ceux-ci ne rentrent jamais en
famille, chez papa et maman. Ils restent chacun là où il est.
Ainsi Jean partage-t-il avec cinq ou six camarades le sort peu enviable de
l'internat des vacances, soumis à la même rigueur de l'horaire et
à un sentiment d'être abandonnés par leurs parents. C'est
dans ce contexte qu'il tisse sa première relation amicale avec Cyrille.
Dommage ! Quand cette relation est découverte, ce dernier est
longuement interrogé pour savoir quelle marque d'affection exactement
Jean lui voue. Tous les deux sont sévèrement sanctionnés
par le préfet de discipline. Désormais, Jean doit dormir
près de l'alcôve du surveillant. Car, dans les institutions
religieuses, toute amitié entre garçons est
soupçonnée d'être louche. Tout cela vaut à Jean une
mauvaise réputation au milieu de petits branleurs qui vont communier
chaque dimanche et, surtout, la méfiance d'autres internes
esseulés.
Jean ne connaît pas le bonheur d'être aimé
et de compter aux yeux de quelqu'un d'autre, bonheur que l'on rencontre dans
l'amitié. Au collège, il croise bien quelques bienveillances,
mais jamais aucune amitié, excepté celle-là.
Durant toutes ses années de collège, le
père de Jean lui envoie chaque mois une lettre de dix lignes, toujours
les mêmes. Celles-ci se terminent à chaque fois par
« Nous t'embrassons ». Seulement le
« nous » n'est jamais certifié par Madame Rezeau
dont le fils a déjà oublié la grâce
cunéiforme de la signature.
L'unique fois où Jean revoit la signature de sa
mère fut sur la note de M. Rezeau qu'il reçoit trois mois avant
la fin de ses études secondaires et, dans laquelle, son père lui
signifie qu'une fois son baccalauréat obtenu, il ira faire le Droit
à la Faculté catholique d'Angers, études qu'il n'a jamais
désirées. Paule Rezeau impose les études de Droit à
Jean. Cela pour compromettre son avenir. Car elle sait bien qu'on ne
réussit guère dans une carrière que l'on n'a pas choisie.
Cependant, avec Marcel elle agit différemment.
Félicien Ladourd voudrait bien emmener de temps en
temps Jean en promenade, mais il a reçu des ordres du couple Rezeau. Par
ailleurs, Madame Rezeau ne peut pas pendant longtemps laisser ses enfants
à d'incertains contrôles. D'où son empressement à
retourner en France, à La Belle Angerie.
Horreur ! quand Jean obtient son baccalauréat et
qu'il ne peut plus rester à l'internat pour les vacances, il ne
reçoit aucune lettre de félicitation, aucune récompense ni
de la part du couple Rezeau ni de celui de son grand-père maternel, son
homonyme, qui pourtant a donné de l'argent à Fred malgré
que celui-ci ait échoué. Il en sera de même quand Jean se
retrouvera avec ses parents à La Belle Angerie : aucune
félicitation ne lui sera adressée pour l'obtention de son
baccalauréat, bien qu'avec la mention bien.
En outre, aucune disposition n'a été prise pour
ses vacances. Il est oublié, abandonné à lui-même en
attendant le début des cours à l'université. Heureusement,
Félicien Ladourd, l'étranger, prend sur lui de l'envoyer en
vacances au bord de la mer dans le domaine familial des Ladourd pour trois
mois. Jean s'y plaît beaucoup. Mais à peine deux mois et demi
après, il reçoit une note de sa mère. Celle-ci lui demande
de prendre part le lendemain à une retraite préparatoire pour
étudiants à Saint Lô, ville française, située
dans la préfecture de la Manche, en Normandie.
A Saint Lô, Jean retrouve Fred. Saturé de
spiritualité au collège (lectures spirituelles,
prières avant et après les repas et les cours, chapelet,
retraites...), Jean et Fred ne sont pas disposés à
réentendre ces « rabâchages ». Durant le
temps de la retraite, Fred continuera même à se livrer à
son jeu des mots croisés. A cette retraite, Fred et Jean prennent part
parce qu'obligés par leurs parents. Ils y sont parce que cela se fait...
mais pas par dévotion.
La veille de la fin de la retraite, Fred et Jean
reçoivent une note dans laquelle leur mère leur demande de
prendre le transport en commun jusqu'à Solêdot et de parcourir
à pied le kilomètre restant. Ils arrivent à La Belle
Angerie le soir, sous la pluie, et y trouvent M. et Mme Rezeau, ainsi que
Marcel.
Un accueil glacial pourtant les y attend après de
longues années de séparation, dix ans environ. Paule Rezeau leur
demande de ne pas se secouer comme des chiens. Elle les salue avec une
allégresse réticente. Ils ne sont ni baisés sur le front
ni ne reçoivent le traditionnel signe de croix, tracé jadis du
bout de doigt par M. Rezeau et du bout de l'ongle par son épouse. Mais
quelle surprise lorsque, dans les poignées de main, ils
découvrent sur les trois mains les chevalières d'or aux insignes
de la famille. Fred, héritier présomptif, s'étonne de voir
sur la main de Marcel la chevalière d'or qui devrait lui revenir.
Très rapidement, Folcoche lève l'équivoque. C'est pour sa
mention très bien.
Quand Fine, la bonne, fait comprendre à Jean et
à Fred, dans la langue des sourds-muets (« le
finnois »), qu'elle pensait souvent à eux, Paule Rezeau hausse
les épaules et songe à la remplacer par une autre bonne. Car,
dit-elle, elle n'est plus bonne à rien. Fine ne ferait pas toujours ce
qu'on lui demande. L'argument de la vieillesse est même invoqué
par « Madame Mère » pour justifier le licenciement
de la bonne.
Durant le repas, ce soir-là des retrouvailles, le
regard de Madame Rezeau part comme une gifle à quand il se pose sur
Chiffe et sur Brasse-bouillon. Mais il s'attendrit tout à coup chaque
fois qu'il se pose sur Marcel. A la fin du repas, Mme Rezeau s'adresse à
Fred et Jean, tels à des invités : « Allons nous
coucher. Vous connaissez vos chambres ». Puis, elle se lève,
suivie par son mari et par Marcel qui emporte la lampe. Et, elle les laisse
froidement dans l'obscurité.
Deux jours, à peine, après ce triste accueil,
Mme Rezeau se débarrasse de ses fils. Mais elle ne les accompagne pas.
Fred, qui est envoyé faire l'hydro à Nantes, et Jean, le Droit
à Angers sont proches de la surveillance parentale. Aucun argent de
poche ne leur est donné. Et cela, même durant leurs études.
Ce qui indispose Fred le dimanche quand il sort avec ses amis. Quant à
Marcel, il est envoyé à Paris, loin de la surveillance parentale,
aux bons soins des ses grands-parents Pluvignec, où il n'aura aucun
problème d'argent.
Les trois enfants Rezeau sont maintenant à
l'université, à l'exception de Fred qui n'a pas réussi au
baccalauréat. Une fois de plus, hélas, les parents Rezeau
demandent à Jean et à Fred de ne pas revenir à La
Belle Angerie aux vacances de Noël et de Pâques. Car ils ne
seront pas là. Ils vont eux-mêmes tous deux célébrer
ces festivités à Paris avec les parents Pluvignec et Marcel. Fred
reste ainsi à Nantes chez la tante Bartolomi et Jean à Angers
chez Mme Polin. Cela pousse Jean à occuper utilement ses vacances. Il
rend des petits services qui lui rapportent un peu d'argent. Content de lui,
Félicien Ladourd lui offre quelques services payants à la
Santima. Mais avant, pour éviter des problèmes, il en informe les
parents de Jean. Avec l'accord de celui-ci.
Quand Paule Rezeau apprend que Jean réalise quelques
boulots rémunérateurs, elle lui demande désormais de
prendre en charge lui-même son habillement. Pourtant, Jean est encore
mineur (19 ans)8(*). Et
donc, entièrement à la charge des parents. En outre, Folcoche
demande également à Jean qu'il lui envoie
régulièrement une partie de son argent afin qu'elle lui constitue
une épargne.
Après la rupture avec sa famille, pendant son
séjour parisien, Jean perd à la dernière minute et pour
des raisons inconnues un emploi que sa bienfaitrice, Paule Leconidec, lui avait
pourtant bien trouvé auprès d'un de ses anciens patients.
De son côté, Fred n'entend plus tolérer
longtemps les persécutions de Folcoche. Il décide de s'y
soustraire. Profitant de sa majorité (20 ans), il s'engage dans la
marine sans la permission parentale. Quand il rentre en vacances de 8 jours
à La Belle Angerie, il est froidement accueilli par
« Madame Mère » qui se débarrasse de lui deux
jours après son arrivée. Et cela, sans qu'elle ne lui donne aucun
franc. Elle l'envoie ainsi dans la rue. Heureusement, il est recueilli par
Jean, qui s'en sort plutôt bien. N'étant pas parvenu à le
ruiner aussi, Madame Mère cesse de le faire surveiller, surtout depuis
qu'il a atteint l'âge majeur (20 ans) et s'est marié.
Folcoche lui réserve cependant d'autres surprises.
Entre autres, celle-ci. Jacques Rezeau agonise. Aucun message n'est
envoyé à Jean. Seul son frère Fred songe à l'en
informer. Mais la lettre de Fred parvient à Jean avec un mois de retard.
Dans sa lettre, Fred informe Jean que l'on a décidé
désormais de l'ignorer, que leur père est agonisant et
probablement mort et que la veuve a décidé de les spolier de leur
héritage à son propre bénéfice et à celui de
Marcel. Quand il finit de lire la lettre, Jean s'imagine tout de même
qu'il recevra un faire part de Folcoche, même trois jours après la
mort et l'enterrement de leur père. Surprise ! il ne recevra jamais
aucun faire part de personne, même pas de Fred. Pourtant, Jacques Rezeau
s'est éteint et a été enterré deux jours avant
qu'il ne reçoive ladite lettre de Fred.
Malgré cette mort, le notaire attendra deux mois
après l'enterrement de Jacques Rezeau, le temps que Marcel atteigne sa
majorité, pour procéder à la lecture du testament. Et
cela, « pour éviter, dit-il, des complications
inutiles ». Jean est convié par le notaire à prendre
part à cette lecture du testament. Seulement, la grosse part de
l'héritage revient à la veuve et le reste à tous les
enfants. Outre cela, La Belle Angerie, a été vendue,
pendant que Jacques était agonisant, à M. Guyare de Kervadec,
futur beau-père de Marcel. Et ce, dans le but que La Belle
Angerie revienne en dot à Cropette lors de son mariage avec Solange
de Kervadec. Scandalisés Jean et Fred à la spoliation. Ce contre
quoi la « Douairière », surnom de Paule Rezeau, leur
profère des insultes. Aussi profite-t-elle de l'occasion pour
dénigrer sa bru, Monique, simplement parce qu'elle a osé appeler
tendrement Jean, « chéri ».
En réparation de l'injustice dont ils sont victimes
dans la répartition de l'héritage paternel, Fred et Jean
décident de diligenter une enquête, enquête qui les
mène à une découverte macabre : Marcel, le
modèle à suivre, l'icône proposée à leur
adoration, est un enfant bâtard et leur mère, une femme
infidèle.
Pour finir, la « Douairière » tente
de décocher ses dernières flèches à Jean. Elle
s'époumone à lui prouver qu'il n'est pas heureux, qu'il vit
pauvrement et qu'il méritait mieux s'il n'avait pas choisi la
révolte. Ce à quoi le couple Monique et Jean répond que le
peu d'argent qu'ils gagnent suffit énormément à leur
bonheur. Et qu'ils sont heureux. Ainsi « Folcoche » s'en
retourne-t-elle à La Belle Angerie ruminant sa
défaite.
II.6. CONCLUSION
Il est humain qu'un parent ait des préférences
parmi ses enfants. Mais la sagesse veut qu'il n'en laisse rien
transparaître. Cela dans le but d'offrir à tous les mêmes
chances d'épanouissement et, surtout, d'éviter de créer
entre eux des jalousies qui pourront plus tard se révéler
fatales. C'est ce que témoigne l'histoire dramatique de cette famille
bourgeoise où l'infidélité a causé de grands
ravages.
D'un bout à l'autre du roman, il nous est
présenté « Folcoche » aux prises avec ses
enfants, Fred et Jean, en recourant à des méthodes perverses. Le
héros du roman, Jean, est en quête du bonheur. Mais comment y
parvenir dans cette famille où la mère s'est muée en
marâtre !
L'environnement semble avoir joué un rôle
très déterminant dans la maltraitance infligée à
Fred et à Jean par leur mère. Paule Rezeau ne serait pas ainsi
une simple victime, impuissante, des évènements. Aussi a-t-elle
sa part de responsabilité. Et cette part, qui est également la
vraie raison de ces maltraitances, c'est son infidélité.
Loin d'être dû aux multiples opérations
qu'a connues Folcoche dans son enfance ou aux dix-huit années de sa
jeunesse passées dans un pensionnat, le comportement de Paule Rezeau a
été influencé par son adultère. Une faute qu'elle
n'a pas voulu reconnaître ni avouer. La nostalgie de son amour perdu l'a
rendue cruelle, vengeresse à l'égard de ceux qui n'en faisaient
pas partie.
Cette femme de marbre, apparemment insensible, en cachait une
autre plus sensible à la joie et au bonheur. Une femme qui une fois de
sa vie a connu « le vrai bonheur » et n'a plus voulu le
lâcher. C'est ce qui explique son attachement à Marcel, son
bâtard de fils, qui représentait bien ce bonheur nostalgique.
Elle s'est cru le devoir de le protéger, lui qui ne tenait que d'elle et
dont le bonheur lui était intimement lié, en tout et pour tout.
Durant plus de vingt ans de vie conjugale, elle a caché cela
soigneusement à son mari et à ses autres enfants.
Seulement, l'environnement n'explique pas tout. Car
l'opiniâtreté avec laquelle Paule Rezeau a cherché à
miner et à casser l'avenir de ses enfants, Jean et Fred, ne saurait
s'expliquer uniquement par l'adultère. En pareil cas, d'autres
mères se comporteraient différemment. La cause de ces
maltraitances serait aussi à rechercher dans
l'hérédité. Déjà en lui-même, Jean
Rezeau a découvert la preuve de la fausseté de cette philosophie,
qu'il qualifie d'hérétique, selon laquelle « l'homme
est naturellement bon ». Jean connaît ses perversions,
certaines qui sont innées en lui et d'autres acquises.
Bien plus, l'évolution scientifique actuelle a su
prouver qu'un enfant pouvait hériter du tempérament de ses
parents. C'est ce que nous mentionnons dans le chapitre suivant quand nous
montrons l'influence de l'hérédité sur le caractère
de Fred, Marcel et Jean. Un enfant est susceptible d'hériter de la
brutalité, de la nervosité voire de la criminalité de ses
ascendants. Sur cela les découvertes au sujet de l'atavisme en disent
long.
Toutes ces maltraitances ont des conséquences
désastreuses sur l'avenir de la famille Rezeau, en
général, et plus particulièrement sur celui des enfants
Rezeau. C'est cela qui constitue l'objet du troisième chapitre.
CHAP. III CONSEQUENCES DE
LA MALTRAITANCE DES ENFANTS
III.1. INTRODUCTION
On reconnaît une maladie par ses symptômes. Et la
maltraitance des enfants est reconnue à travers ses conséquences.
Dans cette partie, nous voulons dégager les conséquences de la
maltraitance des enfants sur la croissance et le développement de
ceux-ci.
Mais avant, il sied de rappeler que « le mariage est
l'un des actes les plus importants de la vie, sinon le plus important. L'union
de deux êtres a pour but essentiel de perpétuer la vie de
l'humanité. D'un choix judicieux dépend la réussite de
cette mission. Son échec rend l'union inféconde ou donne
naissance à des enfants tarés : la mésentente
provoque névroses, psychoses ou délinquance de la
progéniture. »9(*)
III.2. CONSEQUENCES DE LA
MALTRAITANCE DES ENFANTS
III.2.1. Individualisme et
division de la famille
Jean Rezeau grandit dans une famille divisée en deux
factions rivales. D'une part, Folcoche, Marcel et Jacques Rezeau, de l'autre,
Fred et Jean. Les siens n'ont toujours été pour lui que des
commensaux. Lors des retrouvailles, l'on voit clairement la famille
divisée en deux camps : l'un (Jacques, Paule et Marcel Rezeau)
portant des chevalières d'or aux insignes de la maison à ses
doigts et l'autre (Jean été Fred) ne portant rien aux doigts.
Pour qu'aucune solidarité ne naisse entre ses trois
enfants et pour qu'aucun esprit familial ne ressorte de leurs interactions, les
jeunes Rezeau sont enlevés, « pour des raisons
inconnues »10(*), du collège Sainte Croix où ils
étudiaient tous. Ils sont dispersés dans différents
collèges : Fred à Nantes, Jean à Angers et Marcel
à Combrée avant de rejoindre, « en récompense
à ses bons prix », le couple Rezeau en Guadeloupe, au
Lycée Basse-Terre.
Très tôt, Paule Rezeau aura compris le principe,
beaucoup plus machiavélique que
« machiavélien », qui veut que l'on divise pour
mieux régner. Elle appliquera si bien ce principe à
l'éducation de ses enfants que ceux-ci seront dispersés,
divisés et diminués.
Au bout du compte, ils deviennent des parfaits
étrangers les uns à l'égard des autres. A part, le nom et
cette vague ressemblance, aucune solidarité ne les unit. C'est ce qui
apparaît lors de la grande séparation, à l'heure où
chacun s'en va poursuivre ses études universitaires en des lieux
différents : les trois frères n'ont rien à se dire.
Ils s'ignorent. Ils n'ont qu'une fraternité de façade.
La division de la famille Rezeau en deux factions rivales
conduit Jean à décomposer toutes choses en un système
binaire et à trouver en toute paire non l'association mais le
duel : je contre moi, soi contre soi, droite contre droite, gauche contre
gauche... En toutes choses, il est devenu manichéen. Ne pouvant se
rendre intéressant aux yeux de ses ennemis, c'est de cette
manière qu'il se rendait intéressant à ses propres yeux,
c.-à-d. en trouvant en tout ce qui existe un duel, une opposition.
Ce climat entraîne deux conceptions de la bourgeoisie
chez les enfants Rezeau : celle de Jean, pour qui la bourgeoisie
était une caste à détruire et celle de Marcel, pour qui,
la bourgeoisie était un moyen d'arriver. Ce qui conduit ce dernier
à prendre des airs distants et supérieurs à
l'égard de ses frères.
Par ailleurs, cette atmosphère familiale sera le
terreau où émergeront d'autres comportements fruits de toutes les
maltraitances subies.
III.2.2. Un rendement scolaire
médiocre
Elevés sans une quelconque affection parentale et dans
un climat très angoissant, Chiffe et Brasse-bouillon ne
réussissent pas bien à l'école. Fred échoue
même à Nantes où il faisait la Navale. Quant à Jean,
il obtient la mention bien à son baccalauréat, pendant
que Marcel obtient la mention très bien. Même à
l'Université, contrairement à Marcel, Jean aura des rendements
académiques faibles. C'est de justesse qu'il passera souvent de
promotion et obtiendra son diplôme de maîtrise. Car, le soir il
devait travailler pour survivre et se prendre en charge financièrement.
Et le matin il allait aux cours.
L'affection parentale, les éloges, la conscience
d'être précieux aux yeux de ses parents permettent à Marcel
de réussir brillamment en classe tandis que c'est l'inverse pour Jean et
Fred.
III.2.3. Difficultés
à vivre en société et à tisser des relations
amicales durables.
« A-t-on idée de ne pas se faire aimer, de
mettre ainsi en cause les tendresses gratuites de tous ceux qui ont eu le
mérite d'y réussir ? »11(*)
Les longues années de haine ont fait de Jean un
solitaire impénitent, facilement incommodé par une autre odeur
que la sienne, à ses côtés. Jusqu'à dix-huit ans, il
est celui qui n'a jamais connu d'intimité qu'avec lui-même. Et
cela, parce que depuis son enfance il a opté pour la révolte.
Jean n'a jamais eu d'amis, à part un seul, Cyrille,
à cause duquel il fut sévèrement puni. Il a toujours
été distant des autres. Le vouvoiement des enfants Ladourd, qui
ont presque son âge voire moins, marque cette habitude qu'a Jean de ne
pas créer de familiarités avec les autres. L'éducation
familiale de Jean l'a prédestiné à vivre en marge de la
société, où il a du mal à s'intégrer.
L'accueil solennel des Ladourd l'embarrasse. Toutes ces mains tendues vers lui,
à son arrivée, lui paraissent comme des palmes sur le passage du
Seigneur. Il lui faut un mois pour se mettre, au prix d'énormes efforts,
au diapason des autres enfants.
Par moments, toutefois, la sollicitude des Ladourd à
son égard l'étouffe. Ainsi réalise-t-il deux escapades
pour être seul, loin de ses hôtes. Malgré la
compréhension de Félicien Ladourd et de son épouse,
après deux mois, Jean ne peut à nouveau s'isoler. Car, cela
suppose qu'il en demande la permission à monsieur ou à madame
Ladourd. Pourtant il n'y est pas prêt. Il lui pèse de
dépendre d'un autre. Il demeure encore individualiste.
III.2.4. Inversion des valeurs
et inaptitude à comprendre la vie normale.
L'univers familial de Jean l'a rendu incapable de comprendre
le fonctionnement d'une famille normale. La famille Ladourd lui paraît
étrange et anormale : une famille peuplée de cris, où
l'on s'embrasse constamment, une famille où l'humeur tient lieu de
colère et qui ignore ce qu'est la rage, mot clé de la
jeunesse de Jean. Celui-ci est un mal-aimé, inapte à l'amour,
à l'amitié, au bonheur et à la camaraderie. Il a du mal
à s'adapter au climat chaleureux de sa famille hôte. L'ouverture
des Ladourd lui paraît de la naïveté. En face de ces
carnivores de la gaieté, que sont les Ladourd, Jean se sent
végétarien. Son passé familial explique son actuelle
sauvagerie-timidité qui l'enrage devant le sourire bienveillant de Mme
Ladourd.
III.2.5. La tiédeur
spirituelle et l'athéisme.
Un excès d'activités spirituelles lasse vite
l'enfant des choses spirituelles. Après d'intenses activités
spirituelles, qui lui ont toujours été imposées au
collège, Jean nourrit un dégoût pour la prière.
C'est ainsi qu'à la retraite des étudiants il n'éprouve
pas le besoin de subir un nouvel assaut de ces rabâchages.
Plus tard, Jean gardera cette tiédeur à
l'égard de la spiritualité. Son mariage qu'il
célébrera à l'Eglise ne cessera que par pure
formalité, par un fort souci de légitimer son union avec Monique
Arbin. Pour le besoin de cette cause, comme il le dit lui-même, il
était prêt à se présenter même devant un
devin, pour obtenir la plus grande légitimation qui soit à son
mariage.
Un certain nombre d'athées que l'époque
contemporaine a connu tels Nietzsche... ont eu à évoluer dans des
familles fortement chrétiennes où les activités
spirituelles se pratiquaient par routine, par tradition.
III.2.6. La paranoïa
Même éloigné, le spectre de Folcoche
continue de hanter Jean, ses méchancetés continuent de le
poursuivre. Il tombe dans la paranoïa. Partout, il voit la main agissante
et maltraitante de sa mère. Quand Michelle Ladourd, après un
échange de baiser avec Jean, demande à celui-ci si elle peut
prévenir sa maman, Jean pense directement à Mme Rezeau.
Bien plus toute femme, voire sa propre femme, et toute
mère lui rappellent Folcoche. Jusque dans son mariage, Jean continue
à être obsédé par sa mère, s'astreignant
coûte que coûte à une thérapie contre cette
obsession. Ce contre quoi son épouse Monique réagira, quand elle
dit : « Je ne peux tout de même pas m'empêcher de
faire tout ce que l'on faisait chez toi. On y mangeait je l'espère. Tant
pis, car moi j'ai faim. »
III.2.7. La fugue
Pour les Rezeau, il ne fait pas beau de vivre en famille. Les
enfants ne se sentent ni aimés ni compris. Cela précipitent Fred
et Jean dans la rue et fait d'eux, le cas échéant, des
« enfants vivant dans la rue », communément
appelés les « enfants de la rue ». Dix-huit ans,
« c'est l'âge où toutes les forces libératrices
de l'autonomie individuelle, accumulée depuis la puberté, et
où le besoin vital d'évasion du milieu familial atteignent leur
paroxysme, provoquant parfois des perturbations très spectaculaires, si
elles n'ont pas été canalisées par un entourage familial
compréhensif, uni et aimant. Ces troubles se manifestent sous la forme
bénigne par des accès de mauvaises humeurs, des bouderies, des
comportements plus ou moins bizarres et, dans les cas les plus graves, par des
fugues, des névroses ou même des psychoses. »12(*)
Fred profitant de ses vingt ans, majorité
légale. Il s'engage, sans la permission parentale, dans la marine.
Quant à Jean, blessé affectivement par ses
parents, il fugue à dix-neuf ans. Il arrête ses études et
s'en va sans argent pour Paris, à la réalisation de son destin.
Là, il mène une vie vagabonde durant deux ans, rendant des
services par-ci par-là. Dans son flirt avec la rue, Jean connaît
la maladie et la souffrance, mangeant occasionnellement.
III.2.8. La haine de la
famille
Jean connaît une enfance à retardement. C'est
à 18 ans qu'il apprend le jeu et l'enfance, choses qui lui
étaient jusque là étrangères. Pour lui, l'enfance a
toujours représenté une faiblesse ou une infirmité
livrée aux muscles des adultes. Quant au jeu, il ne l'a jamais
connu non plus. Il a toujours obéi à l'impératif :
« Allez vous amuser. Aujourd'hui, vous gratterez
l'allée. » Et il s'efforçait de le faire avec plus ou
moins d'entrain. Il n'a jamais connu cette grâce qui réside dans
les jeux d'enfants. Tout cela l'avait conduit, entre 15 et 20 ans, à
douter de l'institution famille par une généralisation
hâtive, avant qu'il n'en fonde une de réussie.
Dès lors, ce n'est pas avec fierté qu'il porte
le nom Rezeau. S'il pouvait changer de famille et de nom, il l'aurait fait
volontiers. C'est avec une hargne que Jean s'attèle à abaisser et
à offenser la dignité Rezeau. À cette fin, il
réalise des « travaux bas et humbles » mais
rémunérateurs, comme pelleter du sable dans la rue, servir de
valet de chambre... En tout, il cherche en tout à humilier sa famille ou
à l'épater, c'est-à-dire à lui prouver qu'il peut
se passer d'elle et qu'il est capable de voler de ses propres ailes, sans son
aide. Brasse-bouillon ne vit pas pour lui, mais il vit contre sa famille.
III.2.9. L'influence sur le
caractère
La misère héréditaire des sentiments a
fait de Fred un apathique, de Jean un révolté et de Marcel un
homme lent et secret.
De Jacques Rezeau, Fred a hérité la fausse
intelligence qui papillonne à la surface des choses. De Paule Pluvignec,
Fred tient cet égoïsme, ce goût du soupçon, cette
hargne, ce mépris envers un monde qui ne le hisse pas sur le socle
auquel ont droit ses quarante-quatre, il s'agit de sa pointure de pied.
III.2.10. Une obsession contre
l'injustice.
De son opposition et de sa haine contre sa mère, Jean
garde un dégoût viscéral de l'injustice. Ce
dégoût le conduira à s'engager résolument pour la
justice. Grâce à cette révolte contre Folcoche, Jean
échappe au sort auquel le prédestinait celle-ci. Car, il a
été formé à l'école de la vie, gagnant son
pain au prix d'un dur labeur. Depuis sa vie en famille, Folcoche ne l'a pas
habitué aux facilités. Elle l'a toujours entraîné au
combat, à affronter les difficultés. Il parvient ainsi à
la réussite sociale et conjugale. Dans le cas contraire, s'il
choisissait de se soumettre à sa mère et de cautionner
l'injustice dont il était victime, il aurait connu le même
échec social que Fred.
III.2.11. L'échec
social
Hélas ! Chiffe (Fred), qui n'a pas choisi la
révolte, mais plutôt la soumission, a une vie brisée,
broyée. Sa situation sociale est précaire. Il quitte la marine
sans la moindre ficelle, sans la moindre situation sociale. Non seulement il
échoue à l'école, mais il échoue également
dans sa vie professionnelle. Bref, dans la vie tout court. Il est devenu un
oisif, parasite et plaintif, qui n'hésite pas à voler pour se
procurer de l'argent. Clochard distingué, fort désireux mais
tout à fait incapable de retourner en bourgeoisie, Fred est un
laissé pour compte de la société.
III.3. CONCLUSION
C'est bien là autant des conséquences
majoritairement néfastes auxquelles aboutissent les maltraitances
infligées aux enfants. Il s'agit notamment de : la division de la
famille, l'individualisme, l'échec scolaire et professionnel, la fugue,
la paranoïa, la tiédeur spirituelle voire l'athéisme,
l'inversion des valeurs et même l'inaptitude à comprendre la vie
normale, la haine de la famille, la difficulté de s'intégrer
à la société et à tisser des relations amicales,
simples et naturelles, et quelque fois, l'influence héréditaire
sur le caractère de la progéniture. Plusieurs personnes aigries,
frustrées et révoltées résultent des maltraitances
familiales.
Par ailleurs, toutes ces conséquences ne vont pas sans
rejaillir sur la société toute entière et sur le
développement socio-économique de celle-ci. Suite aux
maltraitances subies, Fred ne parvient pas à accéder à
l'indépendance économique et financière. Il vit dans la
forte dépendance à l'égard de sa famille. Non seulement il
constitue un poids pour celle-ci, mais aussi pour toute la
société, dont il refreine l'élan pour le
développement. Car il mène une vie vagabonde,
désoeuvrée et parasite.
Eu égard à ce qui précède, ne
pourrait-on pas considérer les maltraitances infantiles comme l'une des
nombreuses causes du sous-développement des peuples ? Le
développement des nations du tiers-monde, entre autres, ne passerait-il
pas nécessairement par une lutte acharnée des gouvernants
politiques contre ces maltraitances ? Cette lutte que mènent
déjà l'UNESCO et l'UNICEF ?
Cependant, il sied de souligner que le cas de Jean constitue
bien une exception aux conséquences des maltraitances. Devenu un
révolté suite aux maltraitances subies. Toutefois, il en garde
quelques traces. Les mauvais traitements lui infligés par Folcoche ont
ravivé en lui la soif de l'indépendance financière. Mal
à l'aise sous le tout parental, Jean ne rêve que d'une
chose : s'évader pour vivre le bonheur sous son propre toit et
réaliser toutes ses volontés.
Mieux encore, ces maltraitances ont aiguisé en Jean une
allergie contre l'injustice. Dans sa vie conjugale, Jean est un père
totalement acquis à la cause de la justice, puisque lui-même a
vécu dans sa chair les affres de l'injustice.
Peut-être toutes les victimes des maltraitances
devraient-elles s'inspirer de l'exemple de Jean. Plutôt que de
perpétrer le cercle vicieux de ces mauvais traitements (cf. le
mécanisme opprimé-oppresseur), Jean décide de briser un
maillon de cette chaîne. Il cherche à offrir à sa
descendance un monde différent de celui qu'il a connu, un monde
meilleur. Etre parent, signifierait peut-être cela.
Seulement, il n'est pas facile d'échapper au spiral des
maltraitances. Même Jean y parvient au prix d'énormes efforts.
Comme pistes de solution aux conséquences de la maltraitance des
enfants, Hervé Bazin nous propose la révolte, l'amitié,
l'amour vrai et le mariage, sans oublier l'expérience d'une famille
chaleureuse. Pour lui, la famille est non seulement le lieu de la frustration,
mais aussi de l'épanouissement, à condition que l'on soit
déterminé à mettre fin au cycle de violences et que l'on
se résolve à prendre en main sa vie, à travers ses
études, son travail et ses relations humaines.
CONCLUSION GENERALE
La maltraitance des enfants est un problème dont
l'actualité n'est plus à démontrer. Le
phénomène grandissant d' « enfants de la
rue », des filles-mères, ainsi que celui d'enfants battus dans
les villes africaines le prouve à suffisance, sans parler du taux
élevés des suicidés, des drogués et des
violés chez les jeunes occidentaux et orientaux. De par le monde entier
l'on note une nette croissance du nombre d'enfants négligés ou
abandonnés par leurs géniteurs.
« Si l'on regarde attentivement autour de soi, on
s'aperçoit qu'il y a peu de couples heureux. La statistique des divorces
ne suffit pas à exprimer le nombre des mariages infortunés. Plus
nombreux sont ceux qui, en maintenant leur légalité et même
leur apparence d'entente, cachent une morne résignation, une soumission
aux dogmes, aux conventions sociales, un accord, plus ou moins tacite, de
liberté réciproque. »13(*)
Dans La Mort du petit cheval, Hervé Bazin nous
présente trois couples : le couple Jacques et Paule Rezeau, le
couple Ladourd et le couple Jean et Monique Rezeau. Le premier, qui occupe
aussi la place centrale dans l'intrigue du roman, est un échec. Et ses
ravages incalculables sur l'entourage se font sentir à court, moyen et
long termes. Quant aux deux autres, ce sont des couples réussis.
Nombreux sont ces couples dont l'échec, aujourd'hui
encore, rebondit sur toute la vie familiale, spécialement sur la vie de
leurs enfants. Ceux-ci sont alors objet des maltraitances de la part de leurs
parents.
La problématique qui a présidée à
nos pérégrinations littéraires a été celle
de savoir comment se libérer des maltraitances subies en famille. Est-il
possible de connaître l'amour, le bonheur et la réussite sociale
quand toute sa vie n'a été que haine, malheur et
injustices ? Comment s'y prendre ?
Pour mieux cerner notre sujet, la lecture interne nous a paru
être la méthode la plus indiquée. Aussi ne nous sommes-nous
pas écartés du roman. Toutefois, nous nous sommes efforcés
de traiter notre sujet d'une manière si générale que
n'importe quel enfant maltraité, n'importe quelle famille, s'y
retrouve.
Ce travail, La Maltraitance des enfants et ses
conséquences dans La Mort du petit cheval d'Hervé
Bazin, a été rendu en trois chapitres.
Le premier nous a présenté des
généralités sur l'auteur et sur son oeuvre. Afin de mieux
introduire notre lecteur à la compréhension de ce sujet, il nous
a paru impérieux de lui présenter un résumé de
La Mort du petit cheval.
Jean Rezeau échappe par sa résistance au plan
machiavélique de sa mère. Objet d'une longue tyrannie de la part
de cette dernière, Jean n'est pas préparé à
l'amour. De longues années de haine ont miné et
gangréné son avenir. Même éloigné, les
attaques de la terrible « Folcoche » continuent à
l'atteindre. Toutefois, la rupture de sa relation avec Micou sera la goutte qui
fera déborder le vase et le poussera à l'action. Dès lors
un front sera ouvert entre lui et sa mère, front qui le jettera,
après quelques péripéties, dans les bras d'une autre
Paule, qui cependant, est diamétralement l'opposée de sa
mère. C'est chez celle-ci que Jean réalise l'apprentissage de
l'amour et se prépare à la rencontre de sa vie : Monique
Arbin, auprès de qui il retrouve enfin la félicité tant
cherchée.
Le deuxième chapitre, nous a
révélé en quoi consistait cette maltraitance des enfants.
Après un examen minutieux des lieux, des auteurs et des causes de cette
maltraitance, nous avons distingué les différents types de
maltraitances. Ainsi les avons-nous regroupées en deux : la
maltraitance psychologico-verbale et la maltraitance morale.
Fred et Jean Rezeau grandissent dans une famille avec la
conscience d'être de trop. Méprisés, proscrits, c'est dans
la peine et le stress qu'ils étudient. Au bout du compte, Jean s'en
sort, réussit dans sa vie aussi bien conjugale que professionnelle.
Fred, par contre, a la vie broyée. Il échoue dans sa vie
professionnelle. Parasite attitré, il est un laissé pour compte
de la société.
Le troisième chapitre, enfin, nous a parlé des
conséquences de ces maltraitances. Il s'agit de l'éclatement de
la cellule familiale, la fugue, l'inaptitude à intégrer un groupe
ou une société, l'échec professionnel, la faiblesse du
rendement scolaire, la paranoïa, la tiédeur spirituelle,
l'inversion des valeurs, la haine de la famille, etc.
Les mêmes causes ne produisent pas toujours les
mêmes effets chez l'homme. Tout dépend d'un individu à un
autre. Elevés dans les mêmes conditions, Jean et Fred ne
connaissent pas le même avenir. Déjà aux études,
pendant que Jean réussit, Fred échoue. Il en va de même
pour tout le reste.
En cela, la maltraitance pourrait aussi être formative.
Nul n'a donc le droit de baisser les bras devant la maltraitance et de croire
en la fatalité. Le plus important pour un homme n'est pas ce que l'on
fait de lui, mais ce qu'il fait de ce qu'on a voulu faire de lui.
L'échec scolaire des enfants est un sérieux
problème qui préoccupe les éducateurs, il tire ses racines
dans l'univers familial. Il n'a pas toujours pour cause la maltraitance dont
les enfants sont victimes dans leurs familles respectives. Quelques fois, il
est dû à la négligence des enfants eux-mêmes ou
à l'incompétence de leurs enseignants. Maltraités dans
leurs familles, certains enfants trouvent dans les études l'unique voie
de sortie et s'y appliquent avec tout le sérieux possible. Tandis que
trop gâtés en famille, d'autres enfants ne trouvent pas la
nécessité de se consacrer sérieusement aux études.
Comme pistes de solution à la maltraitance subie en
famille, Hervé Bazin propose la révolte, l'amour et le mariage.
Mais il s'agit d'une révolte raisonnée. « La
révolte en soi n'est rien, ne mène à rien, elle permet
seulement de reconsidérer les valeurs à l'abri du respect,
fléau de la pensée ; elle doit toutefois se mettre aussi
à l'abri de sa première fureur, de la frénésie de
l'inversion ; en définitive ce ne sont pas les révoltes
chaudes, mais les révoltes refroidies qui sont les plus lucides, les
plus efficaces. »14(*) Par ailleurs, « l'amour, dit-il,
voilà ce qui rend un être unique, ce qui le sauve de la
médiocrité.» 15(*)
Hervé Bazin a le mérite ici de peindre certains
tourments vécus au sein de ce qu'il convient d'appeler les
« grandes familles ». Tourments dont l'acuité est
accrue par le respect humain généralement accordé aux
ressortissants de ces familles. « On a beau avoir quelques
lumières sur l'état d'esprit qui règne dans une famille,
rien de tel que des exemples concrets pour vous mettre dans le
coup »16(*).
Liés par des rapports conventionnels à la société,
certains membres de ces familles étouffent dans leur peau pour soigner
les apparences. Ce contre quoi se révolte Jean, cherchant à
être lui, à être vrai. Et voulant en tout abaisser sa
famille ou l'épater, c'est-à-dire lui prouver qu'il est capable
de se passer d'elle.
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
Ouvrages
généraux
ATLAS DE POCHE, Génétique, Paris,
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TABLE DES MATIERES
DEDICACE
EPIGRAPHE........................................................................................................................................I
REMERCIEMENTS..........................................................................................................................II
INTRODUCTION GENERALE
2
0.1. CHOIX ET INTERET DU SUJET
2
0.2. PROBLEMATIQUE
3
0.3. ETAT DE LA QUESTION
3
0.4. METHODE DE TRAVAIL
5
0.5. DIVISION DU TRAVAIL
6
CHAPITRE I GENERALITES
7
I.1. INTRODUCTION
7
I.2. VIE DE L'AUTEUR
7
I.3. OEUVRES DE L'AUTEUR
8
Principaux romans
8
I.4. RESUME DE L'OUVRAGE
9
I.5. JUSTIFICATION DE L'INTITULE DU ROMAN.
13
I.6. CONCLUSION
14
CHAPITRE II LA MALTRAITANCE DES ENFANTS
15
II.1. INTRODUCTION
15
II.2. LIEUX DE LA MALTRAITANCE DES ENFANTS
15
II.3. AUTEURS DES MALTRAITANCES
16
II.4. CAUSES DE LA MALTRAITANCE DES ENFANTS
16
II.5. LA MALTRAITANCE DES ENFANTS.
19
II.5.1. LA MALTRAITANCE PSYCHOLOGICO-VERBALE.
20
II.5.2. LA MALTRAITANCE MORALE
23
II.6. CONCLUSION
27
CHAP. III CONSEQUENCES DE LA MALTRAITANCE DES
ENFANTS
29
III.1. INTRODUCTION
29
III.2. CONSEQUENCES DE LA MALTRAITANCE DES
ENFANTS
29
III.2.1. Individualisme et division de la
famille
29
III.2.2. Un rendement scolaire médiocre
30
III.2.3. Difficultés à vivre en
société et à tisser des relations amicales durables.
31
III.2.4. Inversion des valeurs et inaptitude
à comprendre la vie normale.
31
III.2.5. La tiédeur spirituelle et
l'athéisme.
32
III.2.6. La paranoïa
32
III.2.7. La fugue
33
III.2.8. La haine de la famille
33
III.2.9. L'influence sur le caractère
34
III.2.10. Une obsession contre l'injustice.
34
III.2.11. L'échec social
35
III.3. CONCLUSION
35
CONCLUSION GENERALE
37
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
40
Ouvrages généraux
40
Ouvrages
40
Articles.
43
TABLE DES MATIERES
44
* 1 Surnom donné à
Paule Rezeau, par Ferdinand et Jean, et qui signifie « Folle et
Cochonne ».
* 2 Surnom donné à
Paule Rezeau par ses fils, Ferdinand et Jean.
* 3 Ce surnom est issu de la
contraction de « folle » et
« cochonne ».
* 4 M.P.C., p. 111.
* 5 Il s'agit des parents de
Paule Rezeau, née Paule Pluvignec.
* 6 Id., p.16.
* 7 Id., p.231.
* 8 Dans la
société créée par l'auteur dans le roman, la
majorité est atteinte à 20 ans.
* 9 R. Denis et S. Torkomian,
Caractériologie appliquée, [Paris], SABRI, [1960], p.
155.
* 10 Op. cit., p.
16.
* 11 Id., p. 132.
* 12 R. Denis et S. Torkomian,
Caractériologie appliquée, [Paris], SABRI, [1960], p.
191.
* 13R. Denis et S. Torkomian,
Caractériologie appliquée, [Paris], SABRI, [1960], p.
155
* 14 Op. cit., p.
289.
* 15 Id., p. 175.
* 16 Id., p. 228.
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