UNIVERSITE PAUL CEZANNE AIX-MARSEILLE
III
FACULTÉ D'ÉCONOMIE
APPLIQUÉE
Groupement de Recherche en Economie
Quantitative d'Aix Marseille
(GREQAM)
La théorie des cycles dans la
controverse entre Keynes et Hayek
Mémoire de Master Recherche
en Philosophie Economique
Présenté par Ousmane Thiané Diop
John Maynard Keynes
Friedrich A. von Hayek
Pragmatism versus High minded
reflections
Directeur de Recherche
Année 2006/2007
Professeur Jean Magnan de Bornier
Remerciements
Si je devais énumérer la liste de tous ceux qui
ont contribué directement ou indirectement à la rédaction
de ce présent travail, je ne pourrais m'empêcher de citer
l'ensemble du corps professoral et administratif du GREQAM. Les enseignements
ont été de très grande qualité tandis que
l'ambiance au sein de la classe a été à la fois studieuse
et très agréable : je suis fier d'avoir été
dans cette promotion.
Toutefois, je ne pourrai m'empêcher de souligner le nom
de celui envers qui je considère avoir contracter une dette morale,
à savoir le Professeur Jean Magnan de Bornier. Je considère avoir
fait auprès de vous « un stage en HPE » tandis que
vos conseils m'ont permis de ne pas m'éloigner de l'essentiel. Je vous
remercie pour votre disponibilité et les corrections que vous avez
apportées tout au long de ce travail. Cependant, je demeure l'unique
responsable des erreurs et inconsistances contenues dans ce présent
document.
Mention spéciale à Gomez Rebeca pour sa
confiance ainsi que sa générosité. Ses documents ont
été d'un apport précieux.
Cordialement,
OTD
Aix, le 28/08/07
INTRODUCTION GENERALE
La plupart des controverses1(*) qui agitent la science économique reposent sur
des conceptions différentes de la réalité
économique.
Par le substantif « controverse », nous
comprenons le rapport divergent et contradictoire entre les pensées de
plusieurs auteurs chez lesquels il n'est émis aucun doute sur leurs
remarquables qualités d'esprit parce qu'ayant suscité
l'adhésion2(*) d'une
brochette d'intellectuels estampillés par des académies de
renommée planétaire, soit sous forme de citations, de
références, de développements, de critiques, de
contestation, d'admiration, de prolongements...et si ,au moins, la
pensée de l'un d'entre eux est totalement corroborée par les
faits, les autres auront , selon la sobre mais non moins dense formule de
Tylor3(*), «pris
par erreur des rapports idéaux pour des rapports
réels »4(*)
ou, serions nous plus concis et clairs en nous servant de la formule de
Freud, « remplacé les lois de la nature par les lois de
leurs propres psychismes » ; une telle adhésion
atteignant son paroxysme dans la publication de revues
spécialisées et la mise en place d'écoles traditionnelles
pour transmettre les dernières connaissances...Nous pouvons aussi dire
qu'ils ont été aveuglés par leurs préjugés.
Ainsi leurs errements proviennent moins de lacunes analytiques que d'une
perception erronée5(*) ou très pauvre du processus au bout duquel
s'enchevêtrent les phénomènes élémentaires
avant de donner naissance à un redoutable imbroglio...
Il est stupéfiant, déroutant voire
décourageant pour un jeune chercheur d'apprendre que pour
répondre à des questions qui souvent semblent être à
sa portée, de vieux routiers aussi compétents les uns les autres
se sont placés à des points de vue extrêmement
variés et ont exprimé des opinions entre lesquelles les
divergences sont souvent considérables et parfois ahurissantes. En
effet, l'enseignement des premières heures, le plus souvent,s'applique
à dissimuler tout d'abord aux étudiants les
difficultés,les lacunes et les imperfections de la science
enseignée6(*).
Certainement, si l'on parvient à pénétrer la
nature des notions de base de chaque auteur ainsi que leur impact dans les
différentes phases d'évolution de leur système, l'on
serait plus édifié, plus à même de comprendre
comment on en est arrivé à ce qui au premier contact semble
être une aberration. Ce qui importe lorsqu'on s'intéresse à
un système théorique, c'est de connaître avant tout les
fondements, les théories essentielles qu'aucun initié de bonne
foi ne peut nier, les hypothèses fécondes pour les
générations futures, la méthodologie adoptée, les
constructions provisoires qui, soit s'écroulent ou se fortifient devant
une sérieuse mise à l'épreuve et celles qui ne peuvent
être acceptées qu'avec hésitation ou réserves. Il
n'en sera pas autrement pour ceux qui nous occupent.
Qu'avaient ils comme objectifs ?
Le but de leur travail est celui de la science en
général. Ils ont voulu comprendre les phénomènes,
les rattacher les uns aux autres par des rapports particulièrement
significatifs en projetant une vive lumière sur ce qui jadis fut une
énigme7(*) et, en
dernier lieu, élargir autant que possible la puissance humaine à
leur égard. Il s'agit d'étudier la société dans sa
dimension économique et d'aider l'homme à comprendre ses forces
grâce à la théorie8(*) qui aura pour objet de rechercher les voies permettant
de faire correspondre et concilier l'activité subjective des hommes
avec les lois objectives de la nature. Ils adhérent tous à
l'assertion selon laquelle après avoir expliqué ce qui
explicable, il ne reste plus qu'à modifier ce qui est modifiable9(*) et à apprendre à
vivre avec ce qui ne l'est pas encore.
En effet, l'essence de l'activité cognitive humaine est de
comprendre les phénomènes du réel afin d'y avoir prise,
c'est-à-dire de les influencer à dessein.
Notre objectif à nous est de comprendre, grâce aux
diverses lectures d'auteurs d'horizons divers, et de saisir, grâce
à une analyse que nous voudrions personnelle, en quoi consiste la
différence de principe entre eux sur ce point essentiel qu'est la
théorie des cycles. Ce ne sera pas d'essayer de découvrir une
conception de l'économie qui consisterait à laisser tomber les
nuances, les détails tout en s'efforçant d'atteindre l'ensemble.
Au contraire, nous essaierons de déceler les moindres nuances qui les
distinguent et qui constituent l'expression de leur originalité tout en
n'éludant nullement les approches ou conclusions communes ou
proches...
Il est à craindre que certaines parties de ce travail
ne soient ni claires ni consistantes et parsemées de
répétition pour des raisons pédagogiques et surtout
d'erreurs. Mais, pourrions nous compter sur une indulgence légitime car
il n'est pas aisé de parcourir la pensée de ces auteurs aussi
profonds que multidimensionnels et à plus forte raison de pouvoir les
comprendre afin d'en déceler les nuances et leurs origines.
Ainsi allons nous écouter avec un vif et neutre10(*) intérêt et une
attention d'autant plus suivie ce que chacun d'entre eux tient à nous
dire sur sa manière de concevoir l'économie, dont il nous promet
de faire l'exploration jusqu'aux racines dernières. Pour cette raison,
ce travail vaut les efforts qu'il exige de nous.
La première pomme de discorde entre ces auteurs
est sans conteste la crise des années 30. Il s'agit d'une grave crise
sans précédent qui secoua l'Amérique avant de se propager
dans le reste des pays à économie de marché par le biais
d'une surproduction accompagnée d'un niveau de chômage d'une
très grande acuité. Seuls les pays à économie
planifiée n'étaient pas touchés. Toutefois cette crise qui
semblait avoir sonné le glas du capitalisme diffère des autres
par le fait que Marx avait, dans son oeuvre maîtresse le Capital,
envisagé un pareil scénario. Il disait que l'économie de
marché, compte tenu de l'aliénation d'une partie du travail de
l'ouvrier par son employeur et de la baisse tendancielle du taux de profit,
devait connaître des difficultés dans l'écoulement des
produits pour cause d'insuffisance de la consommation.
L'économie de marché venait ainsi de
séjourner dans une zone que ni les néoclassiques et encore moins
les classiques n'avaient crû possible, laissant les décideurs
politiques dans l'obscurité totale face à une situation qui
présageait d'une probable révolution.
Pour beaucoup d'observateurs sociaux, la solution semblait
être sans doute dans la socialisation des moyens de production et une
politique équitable de distribution des revenus devant interdire toute
forme d'aliénation.
Seulement, il ne fallait pas négliger la patience et la
persévérance d'auteurs tels que Keynes et Hayek. A eux deux,
chacun de son coté, ils constituent probablement les ingénieurs
qui ont démontré la viabilité des fondements de la libre
entreprise après que Marx ait conclu à son aspect château
de cartes.
Pour Keynes, la crise est due à un effondrement de
l'investissement et compte tenu de la psychologie des individus et du fait que
l'économie n'est pas douée de mécanismes spontanés
permettant un retour à l'équilibre, cette situation peut se
maintenir indéfiniment. Ainsi seule une intervention de l'Etat, par une
politique budgétaire expansionniste de préférence,
pourrait relancer l'économie et la mener vers le sentier du plein
emploi.
L'évolution de la réalité économique
a été préjudiciable à la pensée de
Keynes ; la stagflation et l'échec des politiques
interventionnistes de croissance l'ont mis au ban des accusés et ont
injecté une plus grande pertinence à ses théories
alternatives...
Les thèses développées par Hayek prennent le
contre-pied de celles de Keynes, tant sur le plan du diagnostic que sur celui
de la cure pour sortir de la crise et résorber le chômage.
(Dostaler, 2003)
Au sens de Friedrich A V Hayek, la crise des années 30 est
due à la politique d'argent facile mise en oeuvre aux USA dans les
années 20 ;ce qui eut pour conséquences un mal
investissement et une structure économique très inadaptée.
Dans sa théorie des cycles économiques, il montre comment
l'excès de crédit qui conduit à ce qu'il qualifie
d'épargne forcée entre dans le circuit économique en
constituant un faux signal dont la prise en compte fait aboutir à des
erreurs graves. Ses propositions thérapeutiques11(*) sont de laisser
l'économie prendre le temps qu'il faut pour étaler ses
dimensions de fossoyeur en purgeant toutes les activités parasites et
rétablir une structure pouvant s'entretenir à elle toute seule
sans la moindre ingérence publique qu'il qualifie de très
nocive.
Pour Hayek, l'épargne préalable est indispensable
pour rendre un investissement viable alors que pour Keynes, il faut oeuvrer
à ce que l'investissement soit émancipé de
l'épargne et devenir la variable motrice du revenu. Cela posera le
problème du mal investissement12(*) que Hayek pointe du doigt comme la principale
conséquence des politiques monétaires expansionnistes avec comme
corollaire l'inflation.
Globalement, il existe assez de divergences notoires dans
leurs analyses et perceptions pour qualifier de controverse, duel ou opposition
radicale le rapport qui les lie.
Et dés lors, qui a raison entre eux deux ou de
façon moins spécifique entre les deux camps : celui des
libéraux et celui des interventionnistes ? A qui revient la
palme ? Chaque camp estime avoir été
plébiscité par l'histoire et les récents faits
économiques de grande envergure sans négliger les courants de
« transhumance » au sein d'une profession qui
réclame auprès des autres le sacrement scientifique.
Allons nous suivre l'exemple de Pâris, dernier
héritier du trône de Troie qui fut choisi pour décerner la
pomme d'or mentionnée « à la plus belle »,
lancée par Eris entre Héra, Aphrodite et Athéna ?
Rappelons qu'il choisit de la remettre à Aphrodite sous la promesse de
la plus belle femme au monde, Hélène.
Certainement pas ! Nous ne procéderons pas
hélas à un jugement13(*) aussi possible que cela sera. Tel
qu'énoncé par Bachelard, l'histoire, dans son principe, est en
effet hostile à tout jugement normatif. Et cependant, il faut bien se
placer à un point de vue normatif, si l'on veut juger de
l'efficacité d'une pensée...
Globalement, l'objet de cette étude ne s'inscrit point
dans une logique manichéenne. Nous la préférons à
celle de Schumpeter qui nous conseille de chercher à savoir en quoi une
analyse, peu importe l'idéologie à laquelle elle est
rattachée, peut enrichir notre boite à outils
d'économiste.
Et c'est d'ailleurs en suivant une autre logique à
laquelle il convie les économistes qu'un tel sujet sur l'Histoire de la
Pensée Economique et sa critique a suscité de
l'intérêt pour nous.
En effet, dans son oeuvre encyclopédique Histoire de
l'analyse économique, tome I, page 26 « les avantages que nous
pouvons espérer d'une telle entreprise se répartissent en trois
rubriques : avantages pédagogiques, idées nouvelles et
aperçus sur les démarches de l'esprit humain. » et il
développera l'intérêt de la seconde rubrique dans la page
suivante en ces termes : « notre esprit est susceptible de
tirer une inspiration nouvelles de l'étude de l'histoire des sciences.
Si certains en bénéficient plus que d'autres, il n'y a sans doute
guère de gens qui n'en tirent absolument pas profit. Paresseux doit
être l'esprit qui, s'écartant des travaux de son temps et
considérant les vastes massifs de la pensée des siècles
révolus, n'éprouve pas un élargissement de son propre
horizon. »
Freud, quant à lui, nous dit : une
analyse est incapable d'élucider l'actuel sans le ramener à un
passé qui, sans avoir les mêmes caractéristiques que ce qui
est à démystifier, ne lui imprime pas moins son cachet actuel.
En effet, l'histoire est un fondement pour le
présent14(*) ;
ainsi pour comprendre la pensée économique contemporaine, s'il en
existe une, une référence à l'HPE15(*) semble être une
contrainte.
Par ailleurs, une autre incitation à une telle
exploration nous provient de Mark Blaug. Ce dernier, dans Economic Theory in
retrospect, 1962, s'énonce en ces
termes : « l'histoire de l'économie montre que les
économistes sont portés comme tout le monde à prendre des
vessies pour des lanternes et à prétendre détenir la
vérité alors que tout ce qu'ils ont se ramène à une
série compliquée de définition ou de jugement de valeurs
déguisés en règles scientifiques. Il n'y a pas d'autres
moyens de s'en rendre compte que d'étudier l'histoire de
l'économie. »
C'est à cette tache que nous voudrions nous
mobiliser : comprendre la pensée de chaque auteur, sa conception de
la monnaie et ses liens avec l'activité productive, les variables
déterminants du niveau de l'emploi, l'impact des politiques
monétaires, le rôle du taux d'intérêt, les notions de
prix, de marché, d'Etat...et les mettre en relation. Toutefois, une
mention spéciale sera réservée à leurs divergences
et convergences de vue sur la théorie des cycles.
Pour cela, nous traiterons ce sujet en trois parties :
-La première se consacrera à exposer la vie,
l'oeuvre16(*) et les
points clefs des pensées philosophiques des deux protagonistes ainsi
que la place de la rationalité dans ce débat.
- La deuxième cherchera à établir
l'arrière plan de la controverse qui nous intéresse. Elle portera
donc sur leurs conceptions du capital, de l'intérêt, de la
relation épargne investissement tandis que la troisième se
focalisera sur l'objet de ce travail, à savoir mettre à nu les
divergences et convergences de vue en ce qui concerne le cycle
économique.
Sommaire
Chapitre I
Biographie et bibliographie
Philosophies économiques
La place de la rationalité
Epistémologie
. Méthodologie
. Science sociale ou science naturelle
Normatif Positif
Les statistiques
Chapitre II
Epargne, et investissement
Taux d'intérêt
Théorie autrichienne du capital
Le mécanisme des prix
Théorie des cycles
Aspects généraux
Causes des cycles
Mécanismes des cycles
Critique de la théorie de Hayek
Intérêt des cycles chez Keynes
Conclusion.
CHAPITRE I
Philosophie générale de
Hayek et de Keynes
Section I : BIOGRAPHIE DE Keynes
De biographie, certainement celle qu'en a fait Caldwell sur Hayek
et qualifiée par le Professeur Bornier d'une
« probable nouvelle catégorie en histoire de la
pensée » aurait pu nous inspirer17(*). Cependant, faute de l'avoir
assez tôt lue, nous sommes resté dans ce qui ce faisait
traditionnellement.
John Maynard Keynes est né à Cambridge le 05 juin
1883, l'année de la mort de Marx et de la naissance de Schumpeter, dans
une famille de la moyenne bourgeoisie18(*) intellectuelle. Son père John Neville Keynes
(1852-1949) accomplira une carrière honorable comme professeur de
logique et d'économie à Cambridge et sa mère Florence Ada
Brown sera la première femme maire de Cambridge en 1932. L'on rapporte
que très tôt il était chercheur en herbe. A quatre ans et
demi, il portait un intérêt fécond à la notion
d'intérêt et qu'à 6 ans, ce qui est assez rare même
chez des personnes adultes, son goût pour la psychologie se manifestait
dans ses questions sur le fonctionnement de son cerveau. Peut être qu'il
serait judicieux de percevoir dans son enthousiasme aux écrits de Freud
l'accomplissement d'un désir ardent qui prit naissance très
tôt.
Il fut initié au latin et au grec des neuf ans et en ces
périodes son esprit matheux ne passait plus inaperçu. Cette
initiation aux sèves nourricières de la langue de Shakespeare est
probablement l'engrais qui fertilisa son anglais, faisant de ses écrits
un régal aussi bien pour les natifs que pour les étrangers. Son
parcours scolaire fut celui d'un cours d'eau sur une pente descendante,
c'est-à-dire sans entrave. A sept ans il entra dans Perse School avant
d'intégrer Eton Collège où il fit figure de leader
remportant en 1899 et 1900 les prix aussi bien en maths qu'en histoire et
anglais. 1902, il est reçu au King's Collège où il se
consacre aux maths jusqu'en 1905 avant d'aller servir l'Etat britannique
à l'Indian Office. Ses services pour le compte des affaires pratiques de
l'Etat Britannique et son immersion dans le monde académique ont fait de
son oeuvre un dialogue constant entre théorie et pratique avec une
prééminence de la seconde sur la première. Il n'est pas
un socialiste ou un partisan pour une intervention a outrance de l'Etat ;
il n'est pas pour autant un libéral dogmatique. Sa manière de
voir l'économie traduit un pragmatisme que sa longue et riche
carrière dans les affaires publiques ont dû lui permettre
d'aiguiser. Il doit être un adherant de «Action rather than high
minded thinking.»
Il prit part aux activités mondaines du groupe
londonien Bloomsbury formé par de jeunes intellectuels, peintre,
écrivains, philosophes qui se veulent anticonformistes, rebelles et
moralement et sexuellement libérés.
A cette époque, Keynes est influencé par les
écrits de George Edward Moore et Edmund Burke. C'est en 1905 qu'il
s'intéresse vraiment à l'économie en suivant les cours
d'Alfred Marshall, l'un des amis de son père qui pensait avoir
déjà clôturé l'économie de marché
grâce à son concept d'équilibre partiel. Pour Marshall,
cette ligne de raisonnement n'était pas susceptible
d'amélioration. Keynes serait un autodidacte en économie qui
n'aurait pris que près de 8 semaines de cours théorique. Le
reste, il l'aurait acquis sur le terrain19(*). Il reçut des cours particuliers de Pigou et
lisait Jevons avec enthousiasme.
En 1908, de retour de Bombay où il servit au bureau des
affaires indiennes pendant deux ans, Keynes obtint un poste d'assistant
à Cambridge ; ce qui lui permit de terminer sa thèse sur la
probabilité tout en donnant des cours sur la monnaie.
En 1911, il crée l'Economic Journal et publie en 1913,
Indian Currency and Finance, ouvrage dans lequel il s'oppose vertement au
projet d'étendre l'étalon or à l'Inde. Au début de
la première guerre,malgré son goût pour la paix,il est
nommé au trésor où il s'occupe essentiellement des
relations financières entre alliés, activité qui lui
permit de découvrir comment spéculer sur les devises. Il
participe aux négociations du Traité de Versailles, une
expérience qui lui permit d'écrire les Conséquences
économiques de la paix en 1919, oeuvre dans laquelle il fustigeait la
volonté des alliés à vouloir faire payer à
l'Allemagne les dommages qu'ils ont subis. Aux dires de certains, cet ouvrage
constituait une excuse préalable et un argument de taille à
Hitler.
1920, presque ruiné, il est soutenu par un providentiel
financier à l'image du soutien d'Engels à Marx. Puis, il parvint
à se constituer une fortune qui lui permit de financer l'Arts
Théâtre de Cambridge inauguré le mois de la publication de
la Théorie Générale en février 1936.
Dans les années 20, il livre un combat contre le retour
à tout prix à la parité du livre d'avant guerre en
stipulant qu'il est pire, dans un monde appauvri de causer du chômage
que de duper les rentiers. En 1925, la politique déflationniste est
enclenchée et il répliqua par l'article intitulé
« Les conséquences économiques de Mr Churchill
(celui-ci étant alors le chancelier de l'échiquier) ».
La suite des événements lui donnera raison puisque cette
politique engendra un chômage élevé et dut être
abandonnée.
En 1928, Keynes participa à la rédaction du
programme économique du Parti Libéral dont les fondements
étaient plutôt interventionnistes. Il anima une conférence
intitulée La fin du laisser faire dont l'objectif essentiel était
de réfléchir sur les moyens d'affranchir l'investissement de
l'épargne préalable. Il y réfléchit plus tard avec
Robertson qui, déjà, faisait la distinction entre épargne
placée et épargne thésaurisée. Ils conclurent
qu'une création monétaire équivalente au montant
thésaurisée ne serait pas inflationniste. Mais, si toutefois le
crédit bancaire excédait ce montant, l'inflation
apparaîtrait.
En 1932, il intitule son cours théorie monétaire
de la production montrant sa rupture avec la notion de neutralité de la
monnaie. Il découvre chez Malthus, le concept de demande effective et
les prémisses de la préférence pour la
liquidité.
En 1936, au terme d'un long processus intellectuel, il publie
la théorie générale avec des articles compléments
en 1937et 1939.En 1940, il publie How to pay the war et à partir de
1943, il commence à préparer avec Harry White ce qui deviendra
la conférence de Bretton Woods en 1944. Le 21 Avril 1946, il mourut en
1946 et contre sa volonté, ses cendres ne seront pas conservées
à Cambridge.
Les oeuvres de Keynes
-Indian Currency and Finance 1913
-Les conséquences économiques de la paix
1919
-A treatise on probability 1921
-A tract on monetary reform 1923
-Monetary reform 1924
-The gold standard act, 1925
-Les conséquences économiques de Mr Churchill
1925
-Les analyses de la crise de 1929
-Treatise on money 1930
-Théorie Générale de l'emploi, de
l'intérêt et de la monnaie 1936
Section II : Biographie de Hayek
Frederich Hayek est né en 1899 à Vienne. Il
fera des études en droit (diplômé en 1921), en Sciences
Politiques et s'adonnait à la psychologie avec enthousiasme. Il
portera un intérêt à d'autres disciplines telles que
l'économie, la philosophie. Deuxième génération de
l'école autrichienne avec Mises, Hayek fut marqué par Carl Menger
(1840-1921), par Eugène Von Bohm Bawerk et Von Wieser qui fut son
maître à penser malgré le fait que ce dernier
n'était pas un ardent défenseur de la cause libérale.
C'est auprès de ce Wieser que Hayek trouvait paix et pleine
satisfaction, ainsi que la personne qu'il put respecter et prendre pour
modèle tandis que Mises qu'il connut plus tard l'honora de son
amitié et lui soumettait des sujets économiques que Hayek fut
capable de traiter à sa satisfaction et de prolonger de façon
autonome, souvent 20(*)indépendamment de lui... Hayek est un pur
produit de l'école de Vienne. Probablement, il représente la
synthèse de tout ce qu'elle a produit de meilleur. Le Professeur
Bornier, rendant compte sur l'ouvrage de Bruce Caldwell consacrée
à une biographie intellectuelle de Hayek en fait allusion en
présentant la première partie : « Cette
première partie constitue une introduction précieuse aux
idées autrichiennes et aux débats auxquels ont participé
les pères fondateurs de l'école, c'est-à-dire non
seulement Carl Menger mais aussi ses élèves Boehm Bawerk et
Wieser, puis la troisième génération, celle de Schumpeter
(un apostat selon Caldwell- qu'on ne contredira pas sur ce point) et Mises.
Elle ne contient pas d'innovations spectaculaires mais situe de manière
très adéquate le terrain sur lequel l'esprit de Hayek va se
former. »
Les sources principales de documentation pour les travaux de
Hayek en économie furent les oeuvres de Mandeville, de Mises, de Boehm
Bawerk ,Wieser, Menger qui furent une mine de théories et de points de
vue aussi précieux les uns que les autres. Meme Sraffa lui
reconnaît cette vertu: « Dr Hayek himself, in an excellent
introductory lecture, in which he traces in the history of thought the source
of his own doctrine, is a model of clearness. [1932, p.42]
D'ailleurs c'est sur la recommandation de Wieser que Hayek
sera embauché par Mises dans un organisme gouvernemental. Il le
convaincra de se rallier à la philosophie libérale de
l'école de Vienne. Ensemble, ils publieront la théorie des
marchés en affirmant que le socialisme ne pouvait pas perdurer car les
planificateurs se sont privés du système d'information.
Dans cette même période, vers les années
1923-4, il se rendit aux Etats-Unis d'où il revint s'inquiétant
du fait que la phase d'expansion et de stabilité des prix ne peut
perdurer et qu'une crise naîtrait de la politique d'argent facile.
Il s'opposera à Keynes à travers une correspondance
à laquelle ce dernier mit fin en convoquant la nécessité
de se focaliser sur l'essentiel, c'est-à-dire user de son temps pour
affiner ses théories... Dans le journal de la London School of
Economics, il dit : la pensée de Keynes a pour principal
défaut d'éliminer systématiquement la prise en compte des
multiples interrelations de prix que constitue le monde réel Un autre
dira :«Hayek disagreed with Keynes on both theory
and policy. But it was Keynes's methodological approach; specifically his use
of aggregates, that Hayek came to view in retrospect as being his opponent's
most dangerous contribution. (...) Aggregates mask the movement of relative
prices, and relative price movements are the central foci of Austrian
theory» (Caldwell 1995, p. 42-43).
D'origine autrichienne, il est nommé en 1931 Professeur
à la London School of Economics (LES) après la série de
conférence qui fut à l'origine de Prix et Production. Pour
certains analystes, la venue de Hayek à la LSE avait pour objet de
contrebalancer l'influence de Keynes. En 1938, il obtient la nationalité
anglaise. Tout à fait fidèle au caractère dispersé
de ces premières années d'étude, Hayek maintenait cette
tradition à concentrer ses recherches dans tous les domaines de la
réalité sociale. A ce propos, il
indiquait : « Personne ne saurait être un grand
économiste en étant seulement économiste et je suis
même tenté d'ajouter qu'un économiste qui n'est
qu'économiste peut devenir une gêne si ce n'est un
danger. »
Cette tendance devint institution et il devait être assez
rare très certainement que l'humanité affronte des
problèmes majeurs pour lesquels Hayek ne pouvait proposer une solution
digne d'attention. C'est ainsi qu'il proposa une théorie de l'evolution
culturelle, une théorie sur la justice distributive, une philosophie
politique, des considérations épistémologiques,
méthodologiques... Steele fera le commentaire suivant: In the postwar
decades, Hayek's work in political theory, jurisprudence and liberal philosophy
broadened his economics into a rich social theory of human action, and he took
time to expose the dangers that he believes are inherent in the enlargement of
the state activity to the detriment of liberalism.»
Tandis que le Professeur Bornier renchérira en ces
termes:« D'économiste praticien, spécialiste de la
conjoncture, il devient avec des travaux de méthodologie et de
philosophie morale un touche à tout des sciences sociales21(*). »
Personne prestigieuse, mais aussi solitaire à
l'époque dans ses efforts de défendre l'ordre spontané
malgré l'absence de conditions favorables à l'écho de ses
écrits, Hayek mit en bandoulière sa dimension extrémiste
en poursuivant ses analyses et en y reniant le moindre iota jusqu'à ce
que l'échec des politiques keynésiennes au milieu des
années 70 n'exhumassent l'esprit critique aussi bien des
académiciens que des praticiens des affaires de l'Etat. Une maxime
venait d'être vérifié. Freud au début du XXeme
siècle alors que sa pensée était source de méfiance
disait : « il est inutile qu'une science ayant quelque
chose à offrir recherche auditeurs et partisans. Ses résultats
doivent parler pour elle, et elle peut attendre qu'ils aient fini par forcer
l'attention. » .
Toutefois, dans ce débat, Keynes en sortit
momentanément vainqueur car la Théorie Générale fut
un véritable succès et Hayek qui regrette de ne l'avoir pas
critiqué sombra dans l'oubli. C'est ainsi qu'il justifia cet état
de fait : « Mes idées pouvaient
difficilement être acceptées tant par les hommes politiques que
par leurs conseillers puisqu'elles conduisaient à dénoncer le
caractère pernicieux de toute politique de management monétaire
ou budgétaire. À l'inverse, les théories de Keynes avaient
pour principal attrait de promettre un nouvel âge d'or dont l'artisan
serait l'économiste. »
Après la mort de Keynes en 1946, une année plus
tard, il créa en Suisse la Société Mont Pèlerin qui
est à bien des égards assimilable à un gendarme du
libéralisme. Cette société compta parmi ses membres
plusieurs lauréats du prix Nobel d'économie tels Gary Becker,
James Buchanan,George Stigler...En 1974, Hayek reçut à Stockholm
le prix Nobel d'économie en même temps que le suédois
Myrdal22(*) et mourut en
1992.
Oeuvres
Price and production 1931
Monetary theory and the trade 1933
Economics and knowledge 1937
Road of serfdom 1944
The use of knowledge in society 1948
Individualism and economic order 1948
The sensory order 1952
The constitution of liberty 1960
Competition as a discovery procedure 1978
Law, Legislation and liberty 1973
Denationalisation of money 1976
The fatal conceit 1988
Section III : Contexte de la controverse
On se souvient à peine du temps où les nouvelles
théories de Hayek étaient les principales rivales de celles de
Keynes. A qui fallait il donner raison, à Hayek ou à
Keynes ?
Hicks, 1967, p. 203
La controverse entre Keynes et Hayek est certainement l'une des
preuves que la science économique reste une science sociale, par
opposition aux sciences naturelles dans lesquelles toute divergence de vue est
en sursis ; grâce à des expérimentations plus
poussées ou des théories ultérieures plus
raffinées, l'on parvient facilement à dire non seulement
laquelle des vues est fallacieuse au moins mais en quoi l'une des
théorie au moins s'était égarée si ce n'est les
deux.
Pour le débat Keynes Hayek, il existe toujours des
partisans farouches à chaque vision. Au sens de Shackle (1967), cette
controverse eut lieu dans le contexte des « années de haute
théorie », période pendant laquelle le noyau de la
science économique moderne s'est constituée grâce à
la contribution d'auteurs tels que Schumpeter, Keynes, Hayek, Mises,
Friedman.... ; pour certains auteurs l'arrivée de Hayek à la
London School of Economics s'inscrit dans la volonté de Robbins de
constituer un obstacle aux idées de Keynes contenues dans Treatise on
Money et qui, pendant cette période, dominait la pensée
économique en grande Bretagne ; le Treatise de décembre 1930
qui globalement prône une intervention monétaire afin de
permettre à la classe des producteurs de disposer des ressources
nécessaires à leurs activités et à la
modernisation du système de production en vue de plus d'emplois de
richesse moyennant un peu plus d'inflation, a eu comme réponse les
quatre conférences prononcées par Hayek en février 1931
à LSE avant d'être réunies sous la forme d'un ouvrage
intitulé Prix et Production en septembre 1931. Ces écrits
prennent pour une large part le contre-pied des thèses
développées par Keynes dans le Treatise. Selon Hayek les
politiques keynésiennes ne produisent leurs effets escomptés
qu'à court terme avant de révéler leur totale
impuissance. Elles sont dangereuses et irresponsables.
Il fut chargé par Robbins de passer en revue le Treatise
afin d'en montrer l'inconsistance. En résumé, il lui reprochait
d'avoir élaboré une théorie macroéconomique sans
fondement microéconomique, l'absence d'une théorie du capital,
la non élucidation du rôle du taux d'intérêt dans
la relation entre épargne et investissement et le recours aux
agrégats : « in particular Hayek's critic of Keynes
capital theory implies that Keynes' framework in the treatise is totally
without micro foundations since it focuses on the functional relation between
aggregates. (Zouache, 2005, p5)
En février 1932 une autre partie de la critique fut
publiée. Keynes dut à son tour chargé Piero Sraffa de
procéder à la critique de Prix et Production dont lui-même
fit le commentaire suivant : « il s'agit de l'un des plus
effroyables embrouillaminis que je n'ai jamais lus, contenant rarement un
proposition sensée au delà de la page 45. C'est un exemple
extraordinaire de la manière dont, partant d'une erreur, un logicien
impitoyable peut se retrouver à Bedlam23(*) (Keynes, 1971-1989, vol 13, p. 154)24(*)
Hayek, en plus des reproches qu'il fit à Keynes sur
l'usage d'agrégats incapables d'établir des liens entre eux,
avait pointé du doigt le caractère difficile et obscur de son
exposé, l'emploi inconsistant de plusieurs expressions, la faiblesse de
l'argumentation ainsi qu'une maîtrise imparfaite de la théorie
économique que l'on pouvait identifier dans la négligence du
rôle du capital et de l'intérêt. Keynes répondit en
soutenant : « Hayek n'a pas lu mon livre avec la bonne
volonté qu'un auteur est en droit d'attendre d'un lecteur. il y'a dans
ses écrits une dimension passionnelle qui l'a conduit à s'en
prendre à moi, sans qu'il me soit possible d'en déterminer
l'origine. » 1973, vol 13, p 243
La critique de Sraffa fut assez virulente. S'il reconnaît
à Hayek le mérite d'avoir mis l'accent sur l'impact d'une
impulsion monétaire sur les prix relatifs et non sur le niveau
général des prix comme c'était de tradition, il ne lui
attribue par ailleurs aucune autre innovation et lui reproche d'avoir pris en
compte une monnaie émasculée qui ne remplirait que la fonction
d'instrument d'échange sans réserve de valeur. A son avis Hayek
n'a fait qu'alimenter la confusion générale autour de ce
sujet.
Hayek et Keynes entretiennent une correspondance de
décembre 1931 à mars 1932 (Zouache 2003). Cette correspondance
où chacun essayait de convaincre l'autre des fondements légitimes
de sa théorie ainsi que des errements de la sienne prit fin sous
l'impulsion de Keynes qui prétexta préférer se consacrer
à affiner ses théories.
Comment se fait il que deux auteurs avec autant de partisans
aient pu s'opposer avec autant de netteté ? Ceci a fait l'objet de
diverses interprétations. Tieben l'attribue à une sorte de tour
de Babel où chaque auteur aurait son propre vocabulaire. Steele
considère que la différence de principe est plutôt
philosophique alors que Dostaler en trouve les fondements sur le plan
éthique et politique. (Zouache, 2003)
Toutefois une théorie, par opposition à une
politique a pour objet de décrire une réalité objective.
Il est compréhensible qu'ils aient des propositions de politiques
économiques différentes du fait de leurs
préférences philosophiques, éthiques ou politiques.
Cependant, la description d'une réalité objective ne doit pas
être influencée par les passions ou la foi mais uniquement par la
raison.
Section IV : Philosophie Economique
Comme le diront Leroux et Marciano en citant Walliser, la
philosophie économique doit participer à l'intelligence de
l'économie sans être une philosophie appliquée à
l'économie et encore moins une économie à
prétention philosophique. Dans une autre mesure, en suivant Rabelais
lorsqu'il énonçait « science sans conscience n'est que
ruine de l'âme, il serait peut être intéressant de soutenir
que la philosophie joue ce rôle de conscience des sciences en ce qu'elle
pousse les hommes à faire usage de leurs découvertes dans le sens
du progrès social et du bien être de l'humanité. Cependant
cela nous permet il de comprendre comment se fait il que les deux auteurs les
plus célèbres en économie aient pu avoir des positions
aussi differentes ?
Même s'il apparaît parfois, lorsqu'on fait
abstraction des différences de terminologies, d'observer des
similarités dans leurs analyses, il n'en demeure pas moins qu'ils
s'opposent sur ce qui peut être compris comme le noyau de leurs
pensées. Fait assez étrange pour une discipline scientifique, ils
semblent ne pas analyser le même objet et pourtant ils sont contemporains
et ont en vue les mêmes pays à savoir l'Angleterre et les
Etats-Unis. Hayek semble se trouver dans une économie qui connaît
des rigidités dans l'offre tandis que Keynes conçoit que les
économie occidentales ayant bénéficié des apports
qualitatifs de la révolution industrielle ont des capacités de
production jusque là jamais exploitées au plus haut point.
A) Philosophie économique de Keynes
La pensée de Keynes, surtout après la publication
de la théorie générale est souvent qualifiée de
révolutionnaire en ce qu'elle ne se soumettait plus à la
tradition néoclassique qui s'était emparée de
l'économie des deux cotés de l'atlantique
Il s'insurgea contre cette vision du fonctionnement de
l'économie en faisant comprendre que les mécanismes de
marché ne fonctionnaient pas à merveille25(*) tandis que le raisonnement
microéconomique ne permettait pas de saisir la totalité de la
réalité économique. Ainsi, dut il recourir à la
macroéconomie, à l'usage d'agrégats, tout en professant
une autre forme d'ajustement à savoir par les quantités et non
par les prix comme il est de rigueur chez les néoclassiques.
Selon Axel Leijonhufvud, « Keynes's analysis
departs from the postulate of the classical doctrine on only one point: there
is no auctioneer to elicit and to disseminate a set of equilibrium
prices.» Ainsi Keynes récuse tout l'arsenal walrassien et laisse
entrevoir la possibilité d'un équilibre de sous emploi. Etant
donné que rien n'assure de l'existence d'un commissaire priseur pour que
les prix soient optimaux et permettre l'égalité offre demande,
l'économie peut ne pas fonctionner à plein régime et ce,
pendant une durée assez longue.
La pensée économique de Keynes est liée
à un ensemble de propositions philosophiques centrées autour des
quatre thèmes suivants :
1 La monnaie se différencie radicalement des autres
actifs.
2 Le traitement du temps et l'incertitude en reconnaissant
d'une part l'irréversibilité intrinsèque des
décisions économiques dans une économie monétaire
où les contrats sont essentiels et, d'autre part, l'impossibilité
de réduire des anticipations à des équivalents
probabilistes.
3 Le refus de présenter le marché à
l'image de la théorie classique qui stipule qu'il existe des
mécanismes d'ajustement spontanés.
4 Le salaire n'est plus présenté comme un prix
du travail mais comme un rapport social particulier à l'image du
marxisme.
En conclusion, le processus d'échange monétaire
de la force de travail constitue avec la préférence pour la
liquidité et la fonction d'investissement les ingrédients
essentiels de la détermination des grandeurs économiques du
système capitaliste.
Pour Axel Leijonhufvud, la théorie keynésienne doit
être considérée comme une théorie
générale du déséquilibre, c'est-à-dire de
l'échec fréquent des mécanismes d'ajustement
spontanés par le marché26(*). A ses yeux, la théorie de Keynes traite du
coût et de l'imperfection de l'information, de la lenteur des ajustements
de prix et du rôle des ajustements par les quantités. Elle
attribue le sous emploi des ressources non pas à la rigidité des
prix (taux d'intérêt, salaires...) mais à l'incertitude
inhérente à toute spéculation sur l'avenir. Les facteurs
psychologiques sont en définitive les variables explicatives ultimes sur
lesquelles repose la détermination de la production et de l'emploi.
Pour Michael Stewart, dans son oeuvre « Keynes,
1967 »
L'oeuvre de Keynes se veut d'être une contribution
scientifique en vue d'un monde meilleur duquel seraient bannis chômage et
misère. Il était persuadé que l'on pouvait venir à
bout de ces sinistres en leur appliquant une pensée claire suivie d'une
action énergique. Elle est centrée autour de deux
questions :
1) Quelles sont les failles de la l'orthodoxie en
vigueur ?
2) Comment est il possible qu'une économie puisse
demeurer durablement engluée au point le plus bas du cycle avec un
niveau de chômage insupportable et comment renverser la
tendance ?
Sa réponse fut une analyse macroéconomique27(*) de courte période avec
le budget de l'Etat en tant qu'instrument de sortie de crise ; le long
terme n'est pas pris en compte car son essentiel était de projeter une
lumière sur les facteurs qui déterminent le niveau global de la
production, de l'emploi... pour une échéance immédiate ou
d'une année.
Janine Bremond dira, le thème central de l'ouvrage est
l'analyse des causes du chômage et des moyens d'y remédier. Elle
remet en cause la pensée alors dominante et présente une vision
alternative de la réalité économique dans son ensemble.
Pour Joan Robinson, Keynes a balayé les confusions
verbales des néoclassiques en établissant nettement la
distinction entre le taux de profit28(*) et le taux d'intérêt,
c'est-à-dire entre le rendement de l'investissement réel allant
aux entrepreneurs et le coût de l'emprunt qui influence le rendement des
placements anciens perçus par les rentiers.
Cependant, il n'essaya pas de construire une théorie du
taux d'intérêt en longue période. Son raisonnement
était limité à une situation de courte période.
Quand il laissait son imagination jouer avec les problèmes de long
terme, ses conceptions devenaient plus obscures. Il ne distinguait presque pas
l'entrepreneur du rentier. Son analyse de prévision à long terme
est consacrée à la bourse plutôt qu'à l'accumulation
des moyens de production alors que dans la courte période, son objectif
est d'informé sur le lien entre niveau de la demande, la production et
l'emploi.
Ses idées n'étaient pas toujours nettes,
précises et cohérentes et son raisonnement dans certaines
épreuves de la théorie générale n'était pas
du tout faciles à suivre. Il arrivait à ses collaborateurs de
reprendre quelques de ses analyses pour les corriger ou les affiner. C'est
ainsi que Keynes affirmant qu'une baisse du taux d'intérêt selon
les anticipations aurait un effet bénéfique sur le taux
d'investissement, fut affiné par Kalecki29(*) : « quand les anticipations de
profit sont données, un financement plus facile et moins cher peut
encourager les plans d'investissement qui doivent être
réalisés dans un futur immédiat. »
Ainsi, Keynes est à la recherche d'un monde meilleur en
s'appuyant à la fois sur l'ordre spontané, c'est-à-dire
sur le marché jusqu'à révélation de ses
défaillances et un rationalisme constructiviste avec une intervention de
l'Etat à dessein. Par contre Hayek préfère laisser l'ordre
spontané sévir et advienne que pourra car aucun autre
mécanisme ne donnera meilleur résultat: toute tentative de
construction aura des conséquences désastreuses. Ils reprochent
à Keynes une certaine naïveté intellectuelle qui consiste
à croire qu'une fois la théorie découverte, sa mise en
oeuvre par des économistes désintéressés ne
poserait pas problème. La livraison de l'école de Virginie
constitue certainement une forme vivante de leur intuition.
Pour Steele, il existe un socle commun aux deux auteurs en ce qui
concerne le rejet de la pensée classique, l'impertinence de la
théorie quantitative ainsi que l'absence de mécanismes auto
correcteurs des perturbations dans l'économie en l'absence de structures
institutionnelles appropriées.
Au sens de Steele, le rapport entre les visions de Hayek et de
Keynes est caractérisé par une certaine ambivalence, à la
fois des éléments en commun tandis que sur d'autres points,
l'opposition est ouverte. Chacun d'eux est auteur d'une pensée originale
en économie issue d'une prise en compte du temps et de la monnaie dans
un environnement caractérisé par l'incertitude et le rôle
fondamental de la monnaie qui rend les analyses issues du troc totalement
caduques. Ils font front commun pour dire que l'économie classique
n'offre pas les rudiments nécessaires à la bonne intelligence de
l'économie de marché. Ainsi la loi de Say et son corollaire
à savoir la théorie quantitative contiennent des simplifications
liées à une non maîtrise du rôle joué par la
monnaie. Toutefois, il demeure une opposition radicale sur le fonctionnement du
marché que Hayek considère comme parfait alors que Keynes lui
trouve des défaillances intrinsèques ; le rôle de
l'Etat : perturbateur pour l'un et salvateur pour l'autre. Steele en pale
en ces termes « Keynes counters the view of the contemporary
political establishment that government can do little to moderate the manifest
evils of high unemployment. Hayek counters on intellectual presumption that
rational social planning can't achieve an economic efficiency to surpass the
achievements of the market process.» P.28
B) Philosophie économique de Hayek
Le fondement de la pensée économique de Hayek est
lié à la division de la connaissance qui finit par se prolonger
vers une division du travail. Il considère que les informations dont les
individus ont besoin pour prendre une décision optimale sont
égarées au sein de l'économie et il n'existe aucun autre
organisme susceptible d'assurer une meilleure coordination que le
marché.
Pour cela, il est utile de réunir les conditions pour
qu'une compétition (pas de redistribution, ni de crédit non
préalablement épargné) puisse pousser tout un chacun
à être responsable et donner le meilleur de lui-même,
d'autant plus que les fruits de sa labeur devront lui être
restitués au plus haut point pour ne pas dire intégralement...
Dans cette optique il est aisé de comprendre que Hayek refuse la
possibilité d'octroyer à quelques uns un pouvoir d'achat
énorme sur la base d'un décret32(*) et qui, en plus, entraîne un effritement, une
érosion de la capacité d'acquisition de ceux qui l'ont obtenu par
la sueur et le sacrifice. Et même en prenant en compte la compensation de
l'inflation par le taux d'intérêt rémunérateur ,ce
qui semble très gênant pour lui c'est ce surplus d'inflation
causé par l'excès de crédit par rapport à
l'épargne préalablement constituée et cela compensé
par un taux d'intérêt inférieur à celui qui devait
être exigé s'il n'existait pas de création monétaire
pour octroyer des crédits au delà de ce que les forces
réelles de l'économie auraient permis. A Proudhon qui
s'insurgeait en faisant entendre que la « la propriété
est un vol », Hayek aurait pu dire « une portion du surplus
générée par l'entrepreneur qui bénéficia des
crédits fantaisistes, parce que purement autoritaire, est la seule
propriété qui soit un vol».
Pour Nadeau, la philosophie sociale de Hayek ainsi que sa
théorie économique reposent sur dix
éléments :
1) Rôle indispensable du cadre juridique dans
l'économie de marché
2) supériorité de la démocratie individuelle
sur toute autre forme d'organisation historique.
3) Nécessité d'une Loi fondamentale au dessus de
tous
4) Le tout marché
5) L'inefficience de l'action publique et sa tendance à se
généraliser
6) Illusion du calcul socialiste
7) Nécessité de promouvoir la division du
travail
8) Sacralité de la propriété
privée
9) Prééminence de la procédure sur un
résultat improbable
10) La morale individualiste33(*) est le méme le plus puissant qu'une culture
puisse imiter.
Il défendra avec vigueur deux points essentiels : le
quatrième et le cinquième.
- Le primat impérieux du marché
Pour Hayek, le marché n'est pas seulement un lieu
anonyme où s'échangent des biens et des services, ni un
mécanisme statique de répartition des pénuries ; mais,
simultanément et de façon inséparable, un instrument
dynamique de mobilisation, de production et de diffusion des informations et
connaissances nécessaires à la régulation des
sociétés complexes.
C'est donc un cadre conceptuel de référence en
continuelle transformation, dont la fonction est de fournir des informations
sur la possibilité de réalisation des exigences et attentes
subjectives. Les informations qu'il fournit font l'objet d'un usage volontaire
de la part des individus qui y participent quand ils se trouvent dans la
condition de pouvoir échanger des biens rares dans une situation de
liberté réciproque.
A son sens, le terme capitalisme devrait être
remplacé par celui d'ordre spontané. Il s'agit d'un ordre
caractérisé par le fait que les individus peuvent coopérer
sans se connaître ou avoir besoin de faire connaissance. Ils ont juste
besoin comme moyen de communication de se référer au prix,
élément essentiel pour la survie de cet ordre.
Cet ordre n'est pas le fruit d'une quelconque volonté,
aussi conquérante soit elle. Il est l'expression logique d'une
évolution qui va à l'encontre de la nature immédiate de
l'homme qui a dû être prise en charge pour une civilisation dont
les effets ne sont pas évidents, lui octroyant une certaine
fragilité. Pour Menger,il correspond à un rapprochement
progressif de l'essence des phénomènes sociaux34(*) et des lois qui les
règlent.
Tout progrès futur exige que les personnes se
soumettent « aux forces impersonnelles du marché »,
dont le système des prix est le concentré, le
précipité le plus parfait. Ce système des prix doit servir
de référence absolue à l'activité sociale,
économique et politique. Pour lui, la non soumission aux forces
impersonnelles du marché conduit à des situations non
optimales.
Il dira qu'il n'y a pas de compréhension rationnelle
possible du système dans son ensemble qui est toujours
« quelque chose de plus grand que ce que nous tous pouvons comprendre
pleinement ».
Ce thème de l'impossibilité d'une
compréhension causale du fonctionnement du capitalisme sera
méthodiquement développé par Von Hayek au cours des
années 50 à 80. Dans son ouvrage de synthèse contre les
idées socialistes, il écrit : « La création
de richesse... ne peut être expliquée par un enchaînement de
causes et d'effets ». Ainsi sont disqualifiées toutes les
autres conceptions historico économiques et sont donc condamnées
toutes les tentatives d'engager un changement de société. Ces
dernières s'assimilent, en effet, à des entreprises d'apprentis
sorciers, puisqu'elles s'effectuent sur un système dont on ne peut
saisir rationnellement la complexité ; la main est non seulement
invisible mais elle demeure imprévisible. Toutefois en lui laissant une
totale liberté d'action sans la moindre interférence, elle sera
plus à même de procéder à la béatification de
tout ce qui relève de son autorité. Il n'y aurait pas d'autres
moyens plus efficaces que le laisser-faire dans la mise en place d'un
système économique optimal35(*).
L'analyse économique de Hayek semble avoir pour
finalité la mise en place de mécanismes grâce auxquels
chaque facteur ou bien s'orientera sans entrave vers les endroits où il
sera le plus profitable à la société.
- L'impératif moral du marché et le
refus de l'intervention de l'Etat
Au sens de Hayek, les individus n'ont pas le choix quant
à la nécessité de se soumettre à
l'évaluation impersonnelle du marché et aucune notion de justice
ne doit être prise en compte. « Certaines mesures sacrifient
l'efficacité, sujet sur lequel les économistes ont quelques
lumières, à l'équité, notion sur laquelle les
économistes sont plongés dans les
ténèbres. » Pour Hayek, la prise en compte de
l'équité est la racine de toutes les dérives en
économies. Par contre, les keynésiens y souscrivent à
travers les politiques de distributions des revenus, l'euthanasie du
rentier...
Cette attitude de Hayek est plus perceptible par la place
modeste qu'il accorde, Menger de même, à l'éthique dans le
processus catallactique. Hayek nous dit : les motivations éthiques
sont mises en place avant que l'action ne soit entamée. Cependant, rien
n'exige à ce que les résultats, même en partie, ne soient
déterminés par les intentions du début. Le marché,
en tant que lieu anonyme d'échanges d'attentes et d'exigences
subjectives, tend à récompenser sans parti pris, les buts les
plus à même de contribuer à l'épanouissement
subjectif des participants et à purger ceux jugés subjectivement
néfastes. Il est donc un processus d'apprentissage35(*), de sélection et de
découverte, qui évalue les attentes non pas en fonction de celui
qui les formule mais de celui qui les satisfait.
Hayek justifie le laisser faire en s'appuyant principalement sur
une analyse des mécanismes de l'information. En situation d'information
imparfaite seul le marché est capable d'une adaptation efficace, il ne
faut rien faire qui modifie le libre jeu de l'ordre spontané. La
meilleure politique économique est celle qui conduit à
établir la concurrence pure et parfaite ou tout au moins à s'en
rapprocher le plus possible.
Par ailleurs, une prise en compte de l'éthique qui se
matérialiserait dans une justice distributive irait
nécessairement avec une extension des fonctions de l'Etat pour atteindre
ces droits non naturels. Hayek, farouche opposant de l'interventionnisme,
considère que toute politique active de la puissance publique se fait
au détriment de la liberté nécessaire au bon
fonctionnement du processus d'échange et a des chances d'aboutir
à une forme de totalitarisme36(*). L'économie de marché risque
d'être sapée dans ses fondements par une intervention
systématique de l'Etat car elle perturbe l'information transmise par le
marché et elle provoque une dynamique d'accroissement continuel de la
place de l'Etat (La politique du Desperado, Hayek) Ainsi, la loi ne sera plus
un instrument pour protéger les anticipations légitimes des
individus mais un produit législatif pour justifier une pratique
néfaste. Pour Hayek, l'objet de l'Etat ne doit pas être de se
substituer au marché mais de lui assurer un cadre légal
adéquat pour son bon fonctionnement. Ainsi s'exprime t'il : Le
rôle de la loi ne doit pas être confondu avec l'art de
légiférer et de gouverner ; l'objectif de la loi n'est pas
d'organiser les actions individuelles afin de concourir à la poursuite
d'un but ou d'un objet commun ; mais de définir ou codifier un
cadre abstrait de règles et morales collectives dont la finalité
nécessairement anonyme est de protéger la liberté d'action
des individus et des groupes autant contre l'arbitraire de tout pouvoir
organisé (même celui d'une majorité démocratiquement
élue) que contre les empiétements des autres.
C) La place de la rationalité dans cette
controverse
La rationalité occupe une place centrale dans les
comportements économiques et dans les discours économiques qui
visent à rendre compte de ces comportements. L'économie
néoclassique dont le principe de base, rejeté par Keynes et
Hayek, est l'utilitarisme retient la rationalité comme
l'hypothèse de base de sa théorie économique. Cette
théorie soutient que les individus, au moment d'agir procèdent
à un calcul benthamien. Dans leur compréhension des choses
économiques, tous deux soutiennent que les individus ne disposent pas de
toutes les informations nécessaires pour faire ce type de calcul. Hayek
considère qu'ils sont soumis à une ignorance qui défie
toutes prédiction quant au résultat des actions entreprises alors
que Keynes convoque le concept d'incertitude qui entraîne les mêmes
conséquences que l'ignorance de Hayek. Ils prétendent donc
l'absence de garantie par rapport aux conséquences des décisions
prises. Toutefois, tandis que Hayek se focalise sur l'action, la
procédure, laissant de coté toute spéculation sur ses
probables conséquences à l'image d'un fataliste qui laisserait
entre les mains de la divinité tout ce qui relève de l'avenir,
Keynes s'occupe en premier des résultats à atteindre (plus de
richesse, moins de chômage..) avant de se demander ce qu'il faudrait
comme moyens pour y parvenir. Il connaît la destination à laquelle
il veut parvenir et se demande comment y arriver alors que Hayek
considère qu'il existe un certain nombre de règles à
respecter. Et une fois que ce sera fait, le résultat obtenu pourrait
être meilleur que celui auquel on s'attendait.
Malgré les décisions à prendre dans
l'obscurité totale (ignorance) chez Hayek ou dans la semi
obscurité (incertitude) chez Keynes, les individus, sont ils
guidés par la rationalité ou leurs instincts ?
Pour Steele, human action is rational if the actor has a coherent
explanation for the choice that is made over the options that are
rejected.» P.41 Grill nous dira, un choix ne peut être rationnel que
s'il repose sur un raisonnement approprié alors que Kast et Lapied, en
partant d'un critère en cohérence avec les
préférences des agents, diront « Décider
rationnellement, c'est choisir une décision qui optimise le
critère. (Kast et Lapied 2004, p.26).
Elle s'oppose aux actes instinctifs et aux décisions
arbitraires. Aux sens de Max Weber, le progrès des
sociétés occidentales est associé à une application
du principe de rationalité dans tous les domaines de la
réalité humaine ; elle constitue la pierre angulaire de la
science.
Keynes et son opposant, unanimes sur l'impertinence de l'homo
oeconomicus (rationnel au sens de Von Neumann et Morgenstern et ne souciant que
de ses propres intérêts), considèrent que la
rationalité tient moins à l'individu qu'à la situation
dans laquelle ce dernier prend sa décision même si elle est
communément acceptée comme un attribut psychologique. Il s'agit
d'une rationalité stratégique car l'agent doit prendre en compte
l'interférence occasionnée par les stratégies mises en
oeuvres par les autres.
Pour un auteur comme Mises, en accord avec Lionel Robbins
lorsqu'il définit l'économie comme la science qui étudie
le comportement humain en tant que relation entre des fins et des moyens
à usages alternatifs, « l'agir humain est
nécessairement toujours rationnel ».
Malgré qu'il considère l'esprit d'entreprise et
l'initiative privée susceptible d'engager l'économie dans le
sentier de l'expansion, Keynes reconnaît l'existence de circonstances
pour lesquelles l'attitude des individus est plutôt dictée par des
instincts que par la rationalité. C'est ainsi qu'il prône
l'intervention de l'Etat pour se substituer aux individus lorsqu'ils sont
guidés par leurs esprits animaux. Pour Hayek par contre,
l'économie est composée d'une source d'actions individuelles,
désagrégées, atomisées et reliées entre
elles par l'assimilation d'une information imparfaite difficilement fournies
par le marché ; ce dernier constituant l'unique procédure
valable d'agrégation et sert de mécanisme de coordination
optimal. La perspective de Hayek n'est pas totalement indépendante de
celle de Keynes par l'accent qu'elle met sur l'incertitude dans la
détermination du comportement. Elle s'en éloigne cependant, par
le fait qu'elle reste purement individualiste. La rationalité à
laquelle ils adhérent est de type procédurale en ce qu'elle
intègre une information imparfaite afin d'obtenir non plus
nécessairement le résultat optimal des néoclassiques mais
un des résultats parmi les meilleurs possibles. A la rationalité
parfaite des marginalistes (environnement pertinent et connaissance à
volonté), ils opposent une rationalité limitée
(environnement complexe et informations imparfaites).
De nos jours, rares sont les économistes qui seraient
prêts à défendre la perfection de la rationalité
chez les décideurs ; il est probable que nul ne soit rationnel en toute
circonstance et en permanence.
Section V : Epistémologie
A- méthodologie
« La méthodologie économique interroge
sur la démarche cognitive de l'économiste dans l'optique de
savoir ce qu'il lui est possible de connaître, comment s'y prendre pour
acquérir ce savoir théorique, et quels procédés de
validation l'économiste peut mettre en oeuvre pour garantir la justesse
de ses perspectives et le bien fondés des ses raisonnements et la
véracité de ses conclusions. »
Pour Blaug, la méthodologie: « n'est pas
seulement un mot savant pour désigner méthodes de recherches mais
une étude de la relation entre les concepts théoriques et les
conclusions s'appliquant au monde réel ; notamment, elle est cette
branche de l'économie où l'on examine la façon dont les
économistes justifient leurs théories et les raisons
invoquées pour préférer une théorie à une
autre. Elle est à la fois une discipline descriptive, voici ce que fait
la plupart des économistes et une discipline normative » voici
ce que les économistes devraient faire pour faire progresser leur
science » (1994, pVI).
De ce qui précède, nous retenons que la
méthodologie est un examen critique de la théorie
économique en vue de tester sa cohérence interne en tant que
système et sa cohérence externe ou conformité à la
réalité en tant qu'instrument de mesure.
Peut être sommes nous confirmés par Blaug
lui-même lorsqu'il poursuit, en affirmant « les théories
économiques doivent à un moment donné se confronter
à la réalité qui est le seul arbitre final de la
vérité37(*). »
Donc pour qu'une théorie soit acceptable, il faudrait des
preuves ; cela se comprend aisément lorsqu'on sait que pour le
russe, langue à la fois poétique et analytique, donc très
nuancée, le terme vérité se dit PRAVDA ; ce qui nous
pousse à envisager, de façon spéculative certes, à
une communion entre les termes preuve et vérité et à
conclure que la vérité est toujours concrète.
Pour Hayek, il n'est de théorie valable sans projection
sur la réalité. L'objet de la théorie est d'expliquer un
phénomène en se focalisant sur ce qu'il a d'essentiel et une fois
cette étape franchie, il doit ressortir de ses explications des
anticipations sur l'evolution de ce
phénomène : « Explantations and
prédictions are two aspects of the same process. » (Steele:
Hayek, 1967, p.9) Steele dira sur ce sujet pour le
paraphraser: « a set of theory is applied to sensory
perceptions to an insight into what is likely to have caused them
(explanations)38(*) and
what is likely to follow them (predictions) [Steele,1996,p.76]
Hayek fait ainsi appel aux prédictions pour valoriser une
théorie. Cependant, il ne leur accorde pas de veto: une théorie
peut rester valable lorsque les conditions numériques ou autres de
predictions ne sont pas réunies: « The advance of science
will have to proceed in two differents directions: while it is certainly
desirable to make our theories as falsfiable as possible, we must also push
forward in fields where, as we advance, the degree of falsfiability necessarily
decreases. This is the price we have to have to pay for an advance into field
of complex phenomena (Hayek, 1967,p.29): ceci constitue un bémol
à Popper.
Par contre, l'analyse économique de Keynes est une
tentative de mise à nu des mécanismes de l'économie de
marché en énonçant ses lois. Pour cela il fait usage des
statistiques depuis les deux économies les plus avancées de son
époque (USA, UK) tout en ne négligeant pas des observations
recueillies sur d'autres pays comme la France, l'Italie...
Il soutient une économétrie empiriste et le recours
à la comptabilité nationale. Son objectif est d'expliquer, de
prédire et de prescrire en instaurant un dialogue fécond entre
la théorie économique et les statistiques qu'il considère
comme un outil pédagogique.
Ils s'intéresseront de prés aux questions
méthodologiques et essentiellement sur deux points. Le premier est sur
les conditions de validité de la théorie économique tandis
que le second me parait tourner autour de la différence entre sciences
naturelles et sciences sociales afin de mieux positionner l'économie
à l'intérieur des sciences.
B) Science naturelle ou science sociale
Pour Hayek, il existe une différence de
fond entre sciences naturelles et sciences sociales à telle enseigne
qu'il est impossible qu'une même et unique approche puisse être
féconde de part et d'autre. A son sens, les sciences naturelles
s'occupent de rapports entre choses tout à fait stables
(phénomènes simples) tandis que les sciences sociales sont
plutôt portées sur des relations circonstancielles
(phénomènes complexes)39(*).
Il qualifie de scientisme cette démarche
impérialiste des physiciens, naturalistes, biologistes... à
vouloir étendre aveuglément leurs méthodes aux sciences
sociales tandis que Keynes, pour des raisons similaires, s'insurge à
propos de l'analyse de Jevons sur les prix : « The jevonian's
conception would have been intellectually delightful and of great scientific
convenience if it had been based on a true analysis. It's one of the several
quasi-mathematical economic conceptions, borrowed by analogy from physical
sciences, which seemed likely to be so fruitful when they first devised fifty
or sixty years ago, but which have had to be discarded on further reflection,
in whole or part.» P.78 PTM
Pour Keynes, l'économie ne dépasse pas les
frontières d'une science sociale. Cela se perçoit dans ses
références au concept de conventions, de coutumes, d'état
de confiance, des critiques qu'il profère à l'endroit des
ressortissants des sciences naturelles qui voudraient appliquer les mêmes
méthodes en économie40(*).
Toutefois, pour le premier, l'exactitude est une question de
logique alors que pour le second, c'est plus une question de faits dûment
attestés par des chiffres. Hayek pense que les économistes
préfèrent une théorie douteuse de qualité
inférieure mais se confirmant par les statistiques à une
théorie imperméable aux chiffres mais très
adéquate.
Pour Murray Rothbard, les sciences économiques ne doivent
pas être considérées comme scientifique de par cet effort
stérile de mathématisation mais surtout grâce à
l'applicabilité de la logique déductive41(*). Il considère que la
théorie jouit d'une autonomie vis-à-vis des faits tandis que les
statistiques ne constituent pas une preuve mais juste une illustration sans
laquelle une théorie reste soutenable.
C) Les limites entre normatif-positif
Keynes et Hayek semblent s'opposer sur l'identité des lois
de l'économique. Pour Keynes, le fonctionnement de l'économie est
appréhensible par le bon sens et les lois qui la gouvernent n'ont rien
de mystiques d'autant plus que le témoignage des chiffres reste
infaillible. Hayek en parle dans Reflexion on the pure theory of capital en ces
termes : « Most of the conclusions seem to harmonise with
what seems to the man in the street to be the dictates of common
sense.»
A l'opposé, pour Hayek, où tout au moins dans sa
manière de les décrire, les lois économiques ne se rendent
pas facilement. Tinbergen lui fit la remarque en 1942 en ces termes :
comment défendre une théorie du cycle qui soit aussi
éloignée de l'observation des faits ?
Si les lois énoncées par Hayek sont
vérifiées, elles confirment l'assertion de Bachelard selon
laquelle « toute objectivité dûment
vérifiée dément le premier contact ». Leur
découverte serait le fruit d'un dur labeur intellectuel dont les
instruments sont la logique et une bonne capacité d'analyse de
l'actualité et de l'histoire économique.
Par contre, Keynes ne considère pas que la
compréhension de l'économie nécessite un « high
minded reflexion » pour appréhender l'essence de ces lois
contrairement à Hayek qui semble, quant à lui, surtout en ce qui
concerne sa théories des cycles42(*) , ne pas se limiter aux premières impressions
que livrent les donnes immédiates de l'observation.
Hayek, de par l'originalité de ses analyses, est de ceux
qui pensent que l'économie s'apparente à un iceberg dont la
partie immergée constitue les lois et donc ne s'expriment pas dans ce
qui est apparent ; afin de percer ses mystères, il faut une
immersion....
Par ailleurs, en le suivant, on dispose de beaucoup de mal pour
identifier les limites de l'analyse positive et celles de l'analyse normative.
Hayek reconnaîtra ces difficultés sans nier l'existence de
différences fondamentales entre les deux. Même si l'analyse doit
rester la plus objective possible afin de mettre à la disposition des
hommes les lois de la vie en société, il n'en demeure pas moins
que les convictions constituent souvent une toile de fond des auteurs en
sciences sociales. Hayek en parlera en ces termes : « Il me
semble que c'est un devoir évident du chercheur en science sociale de
poser certaines questions qui, du simple fait qu'elles sont soulevées,
semble impliquer une prise de position politique. » Pour Dostaler,
Hayek dans son livre The Fatal conceit, a donné les raisons
ethico-politiques sur lesquelles reposaient sa théorie des cycles et son
opposition au keynésianisme. Il dira la réponse aux questions
posées à la science économique ne peuvent pas être
la seule affaire de la raison. Les jugements de valeur y ont leur place car ces
questions pratiques relèvent de la conception de la vie de chacun.
Raymond Barre, dans sa préface de l'ouvrage d'Histoire de
l'Analyse Economique de Schumpeter aborde le même problème dans
les termes suivants : « l'étude des
phénomènes économiques n'est elle pas conditionnée
par les intérêts que l'économiste peut trouver dans les
problèmes qu'il étudie ou par les attitudes qu'il prend à
l'égard de ces problèmes ? Il est le produit d'un certain
environnement social déterminé ; il a une certaine position
au sein de cet environnement. N'est il pas ainsi conduit à voir
certaines choses plutôt que d'autres et à les voir dans un
éclairage déterminé ?
Pour Mme Robinson, « il n'est pas difficile de
fabriquer des théories à partir d'un ensemble
d'hypothèses. La difficulté est de trouver les hypothèses
qui aient un rapport avec la réalité ; théorie et
réalité devant avoir le même contenu essentiel. Ils doivent
être établis sans déviation idéologique afin de
répondre aux exigences de cohérence et de pertinence ; leur
objet étant d'aider au traitement de problèmes réels, ils
doivent tenir compte de la manière dont l'économie fonctionne en
faisant des analyses concrètes sur des situations concrètes. En
effet, l'objet de la théorie est de servir de fil d'Ariane pour explorer
le dédale que constitue la pratique lorsqu'elle devient complexe.
D) Les statistiques
Pour Hayek, la méthode statistique ne permet pas une
correcte appréhension de la catallaxie. Elle recourt aux agrégats
et ceux-ci ne permettent en aucun cas de savoir en quoi la structure productive
sera modifiée par le biais d'une evolution des prix relatifs. Ainsi,
les statistiques ne servent qu'a donner des indications supplémentaires
mais ne peuvent en aucun cas permettre la confirmation ou la contestation d'une
théorie. Sa méthode est purement déductive en ce qu'elle
part d'hypothèses et par le recours à la logique procéder
à des analyses souvent hors du commun, au même titre que ces
conclusions et propositions. Une analyste dira : Sa position
méthodologique se résume en ce que c'est dangereux de
dériver des propositions théoriques des résultats de
recherche statistiques ou même de chercher le fondement théorique
dans l'expérience. Pour Hayek, on ne saurait déduire une
explication à partir d'un raisonnement statistique43(*). »
Hayek lui-même dira: « Statistics can
never prove or disprove a theoretical explanation; they can only present
problems or offer fields for theoretical research. (MT-TC, p. 232)
Even as a means of verification, the statistical examination of
the cycles has only a very limited value for Trade Cycle theory. »
MT-TC, p.32
« ni les agrégats, ni les moyennes
n'interagissent, et il ne sera jamais possible d'établir des relations
systématiques entre eux » PP p62.
A son sens c'est uniquement avec les phénomènes
individuels que l'on y parvient. Il nie aux agrégats toute
capacité à constituer un lien sensé dans une analyse qui
se veut scientifique. Ainsi les principales raisons pour lesquelles Hayek prend
ses distances vis-à-vis de la théorie quantitative sont de nature
épistémologique. « Nous devons notre
compréhension des phénomènes économiques quelles
qu'en soient les limites à cette méthode
individualiste. »
Par contre, les statistiques sont une composante essentielle sans
laquelle l'oeuvre de Keynes ne serait qu'un fatras de spéculations. Et
s'il existe un gain qu'il a pu tirer de sa formation de mathématicien
pour graver son originalité en économie, c'est certainement dans
l'usage des statistiques sans pour autant tomber dans la séduction de
l'arsenal de l'économétrie verificationniste. Keynes rejette
cette approche44(*)
souvent défendue par les ressortissants des sciences
expérimentales (Frisch, Tinbergen...). Celle-ci cherche à tester
la validité des théories économiques le plus objectivement
possible sans en privilégier une à priori. Ce qui importe, c'est
leur aptitude à expliquer la réalité économique et
surtout permettre de faire des prédictions en matière de
politique économique.
E) Analogie du débat liberaux-interventionnistes
à celui entre partisans de l'hypnose et ceux de la
psychanalyse
A bien des égards, le débat entre
interventionnistes et libéraux est analogue à celui entre
partisans de la psychanalyse et ceux de l'hypnose.
L'hypnose est un procédé thérapeutique par
lequel un agent extérieur intervient dans le psychisme d'un individu,
souvent sans avoir pris le temps nécessaire pour en maîtriser les
contours, afin de supprimer les symptômes morbides manifestés par
cet individu. Cependant, les causes de ces symptômes restent
ignorés et entièrement dans la vie souterraine du psychisme du
patient ; l'action de l'hypnose consiste d'ailleurs à cacher les
causes des symptômes et non à les faire disparaître... Elle
est purement cosmétique et pour une raison ou une autre, le
problème ressurgit avec une violence et une virulence plus accrues
pouvant mener à une névrose ou une crise aigue. C'est à
ses échecs que nous devons la naissance de la psychanalyse dont
l'instrument de base est la libre association, spontanée par essence.
Pour ce qui concerne la psychanalyse,le principal acteur est le
patient lui-même incité dans sa démarche de sortie ou de
prévention de crise par un individu beaucoup plus
expérimenté qui n'est ni un berger et encore moins un
guide ; et qui ne cesse d'apprendre. Il profère des
conseils45(*) en cas de
réel besoin et oeuvre pour mettre en place un cadre adéquat pour
la fécondité de l'analyse de soi par soi-même. Son action
s'installe dans le temps et ses résultats tardent à se
manifester. Elle s'attaque non pas aux symptômes mais à leurs
causes avant de les isoler. Ses effets sont assimilables à ceux d'une
prophylaxie chirurgicale qui a le mérite de nettoyer le psychisme puis
de le rendre beaucoup plus résistant face aux intempéries
futures. Par ailleurs chaque progrès dans ce travail de ver de terre
contrairement à celui de vol d'oiseau quand il s'agit de l'hypnose,
libère une énergie que bloquait un psychisme
névrosé à cause d'une évolution inadaptée
à la réalité.
Est-ce qu'un cycle ne serait qu'une forme de névrose avec
ses symptômes46(*)
et ses processus inconscients ou souterrains (qui ne s'offrent pas dans les
apparences) et que Keynes s'est focalisé sur les symptômes
c'est-à-dire la partie visible tandis que Hayek s'est emparé de
son équipement de plongé pour aller explorer jusqu'aux racines
premières ? A cette question, il serait difficile d'apporter une
réponse tranchée. Toutefois, à première vue c'est
cette impression qui se dégage. Les lois économiques
énoncées par Keynes se retrouvent très souvent dans le
discours des profanes tenant une activité même informelle.
Par contre, les lois dont Hayek crédite l'économie
sont tellement insolites que lui-même le reconnaît tout en
soulignant que ce n'est de prime abord.
Pour Hayek, le cycle est de nature double, à la fois
monétaire et réelle. La conversion passe non pas par le biais du
niveau général des prix mais par le système des prix
relatifs et le cycle est maintenu grâce à une dissolution du
mécanisme des prix qui dans ce cas devient analogue à la
conscience. Dans la plupart des problèmes psychiques, la
caractéristique principale est le recul de la conscience face aux
avancées de l'inconscient qui en économie serait analogue, pour
Hayek, aux autorités gouvernementales. D'ailleurs, la psychanalyse qui
est un processus thérapeutique a pour objet de donner plus de force
à la conscience au détriment de l'inconscient.
L'équilibre (de l'économie comme du psychisme) se rétablit
grâce à l'émergence du complexe système de
coordination (mécanisme des prix pour l'un et conscience pour l'autre)
afin de donner une réponse spécifique à chaque stimuli.
Dans cette optique, Hayek semble être le médecin qui
appelé au chevet d'un malade prend tout le temps qu'il faut pour le
diagnostiquer, en arrive même à établir l'historique du
mal ; cependant, comme thérapie lui donne des conseils
d'hygiène de vie et surtout en prenant soin de lui souligner que son
organisme a tout de prévu pour lui redonner la santé et que
toute forme d'intervention à travers des perfusions, des sérums
ne fera que retarder le processus de guérison s'il ne finira pas par
l'entraver. Sa fatalité devant la crise rappelle le XVIIIeme
siècle, époque pendant laquelle les
déséquilibrés étaient mis en quarantaine dans
l'attente de la Providence. A l'autre bout, Keynes, en accordant une
prééminence à l'inflation comme solution aux
problèmes d'emploi et de richesse, rappelle Diafoirus, ce personnage de
Molière qui pensait pouvoir guérir les maux à coup de
citations d'Aristote.
Il y'a cependant une réserve à formuler au sujet de
cette tentative. L'analogie entre les deux controverses ne porte probablement
que sur leurs formes extérieures sans s'étendre à leurs
natures même. Ce serait procédé à des
généralisations abusives que de déduire une
affinité de nature à partir d'une analogie des conditions
mécaniques. Toutefois, même en tenant compte de cette
réserve, nous jugeons la comparaison soutenable jusqu'à un
certain niveau.
L'interventionnisme serait donc de nature hypnotique avec pour
principale conséquence un regain d'inflation et une structure
économique très inadaptée alors que le laisser faire,
malgré tous les sacrifices que cela nécessite, serait de nature
prophylactique en ce qu'il purge de l'économie grâce au processus
concurrentiel, les structures parasites et la rend rigoureusement stable pour
faire face aux exigences à la fois internes qu'externes.
CHAPITRE II
LES CONCEPTS DE BASE
Ce chapitre aura pour objet de discuter les concepts essentiels
chez Keynes et chez Hayek qui permettront de mieux appréhender leurs
théories des cycles. Pour Keynes ils seront la notion d'investissement
et ses relations avec l'épargne et le taux d'intérêt tandis
que pour Hayek ils tourneront autour de la théorie autrichienne du
capital et du mécanisme des prix qu'il considère comme l'unique
réponse viable au problème des cycles. Cependant, nous ne
manquerons pas de donner autant que possible la pensée-réplique
de l'autre auteur pour mieux nous inscrire dans la controverse. Hayek nous
permet de justifier en partie le choix des concepts de base chez Keynes. Il dit
dans ses reflexions sur la théorie du capital de
Keynes : « The new approach, which Mr Keynes has adopted,
which makes the rate of interest and its relation to saving and investing the
central problem of monetary theory, is an enormous advance.»
Section I : Investissement et épargne chez
Keynes
A- Investissement
« Un acte d'investissement est celui par lequel un
agent économique utilise aujourd'hui des ressources (renonce à
les consommer) en vue d'en produire d'autres dans le futur (qu'il pourra
consommer) ; ces ressources (qui peuvent être monétaires ou
réelles) constituent le capital investi ».
Cette définition du Professeur Bornier dans son chapitre
introductif de « Investissement et Intérêt »
correspond au lien que Hayek décèle entre épargne, comme
consommation différée, et investissement, comme usage de ces
ressources préalablement constituées.
L'investissement est perçu par Keynes comme un
phénomène monétaire en ce qu'il est financé par le
système bancaire alors que l'épargne, en tant que renonciation
à la consommation, est un phénomène réel :
« Saving is the act of the individual consumer and
consist in the negative act of refraining from spending the whole of his
current income on consumption. »
Keynes considère l'épargne et l'investissement
comme deux entités relevant de sphères totalement autonomes
même s'il peut exister une certaine articulation entre eux. A son sens,
l'acte d'épargner, propre aux ménages, a surtout un
caractère stable et donc ne joue en général pas de
rôle moteur dans le déclenchement des fluctuations.
L'investissement par contre est irrégulier et assujetti à aucune
logique imprevisible: « Investment in fixed capital, on the
other hand, has been accustomed to proceed irregularly and by fits and
starts. » p.252
En cas de desequilibre entre ces deux notions, la cause
reléve souvent de l'investissement: « when there is a
disequilibrium between savings and investment, this is much more often due to
fluctuations in the rate of investment than in the rate of saving which is of
a fairly steady character » p.85
Il ajoutera: « investment47(*) is the act of the entrepreneur whose
function is to make the decision which determine the amount of the
non available out put, and consist in the positive act of
starting or maintaining some process of production or of withholding liquid
goods». Keynes l'associe à un acte de bravoure d'une très
haute qualité sociale. Selon les perspectives de profit, l'entrepreneur
adapte son niveau d'acquisition en capital fixe:« enterpreneurs are
induced to embarck on the production of fixed capital or deterred from doing
so by their expectations of the profit to be made. » p 85,vol II
Il ne se mesure pas en unité monétaires mais
comme il le dira lui même : « Investment relates
to units of goods. » et se mesure en y soustrayant
les amortissements : « It is measured by the net addition to
wealth in form of liquid capital, working capital or fixed capital. »
Il apparaît ainsi dans l'économie sous forme liquide, fixe ou
circulant; ce dernier occupant une place importante chez Keynes:
« the stock of real capital or material wealth existing at any time
is embodied in one or other of three form: we shall call goods in use fixed
capital, goods in process working capital and goods in stock liquid
capital » tome 1 p 115, 116
B- Fluctuations du capital circulant
Le capital circulant48(*) canalise tout l'intérêt de Keynes dans
la détermination des fluctuations de l'investissement. Par ailleurs, cet
intérêt se révèle lié à un certain
pragmatisme car il est étroitement corrélé au volume
d'emploi : » subject to the necessary conditions, an increase in
the volume of employment will usually require a more or less proportionate
increase in the volume of working capital ». IL ajoutera: «
thus fluctuations of investment in working capital will be closely correlated
with fluctuations in the volume of employment. An increase volume of employment
may result either from abnormal activity due, for example, to an investment
boom, or to a recovery of from a proceeding slump. In any case a credit cycle
will tend to be associated with an increase investment in working capital, If
not in its primary phase, then in its secondary phase ».p.91, vol
II
Ce qui précède énonce clairement la
perception de Keynes sur le rôle primordial joué par le capital
circulant dans le cycle ainsi que sa corrélation avec le niveau
d'emploi. A son sens, il est impossible d'avoir une hausse de l'emploi sans
que cela soit accompagné d'un accroissement du capital circulant
afin de répondre aux besoins de couverture des charges liées au
processus de production en cours : « it is generally impossible
to increase the volume of employment unless it is practicable to increase pari
posu the volume of investment in working capital ». P91, vol II
S'il est nécessaire à ses yeux de détenir un
capital autre que le capital fixe et le capital liquide afin de pré
financer la production, c'est certainement parce que le processus de mise sur
pied des biens finaux s'étale sur une durée relativement longue
et cela constitue une caractéristique de son analyse qu'il partage avec
Hayek qui soutient ouvertement que les processus de production sont
suffisamment longues pour constituer un obstacle à toute expansion
rapide.
Le passage suivant retrace avec plus de fidélité
la prééminence du capital circulant surtout en période
d'expansion : « the phenomena of the boom may represent a
struggle, concealed under the veil of the credit system to replenish working
capital faster than would be feasible under a regime of stable
prices » ;p. 91 vol II
Ainsi, l'apport des banques n'aurait d'autre intérêt
que de permettre le financement du capital circulant afin de faire face
à l'augmentation des charges due à l'expansion. Ce financement
aurait pu être réalisé sans le crédit49(*). Toutefois cela prendrait plus
de temps.
Keynes soulignera que si les besoins en capital circulant
supplémentaire ne sont pas d'une grande acuité, il ne sera pas
nécessaire de recourir aux faveurs du système bancaire:» If
on the other hand, the possible variables in the demand for working capital are
quite small compared with the others elements so that any deficiency can be
rapidly made good out of stocks of liquid capital and out of current savings,
then the practical bearing of the above analysis is not important. »
p.92
A son sens, il ne fait aucun doute que l'élément
central dans l'investissement est le capital circulant des lors il lui est
impossible de concevoir un cycle économique qui ne soit pas assujetti
aux fluctuations du capital circulant et de là il est facile
d'entrevoir que ces propositions de sortie de crise tourneront logiquement
autour de la maîtrise de ce facteur. « it would be an
interesting and useful task to make an accurate statistical estimate of
working capital in each main industry. I'm not in a position to do this but it
will be enough for the present argument if we can reach a rough approximation
to its order of magnitude. »p.94 vol II
La demande de capital circulant dépend du volume d'emploi
mais surtout de la durée du processus de production ; bien que
l'augmentation de l'emploi contraint à une hausse des besoins en capital
circulant il peut exister des situations où la hausse de l'emploi
lorsqu'elle entraîne la réduction de la durée de production
occasionne non pas une acuité des besoins mais
l'inverse. « an extra demand for working capital corresponding
to an increase of the volume of employment may be partly offset by a faster
rate of process if the duration of process is halved by doubling the intensity
of employment the demand for working capital is eventually as the things being
equal, halved ». p.97 En ce qui concerne la durée de
production, Keynes suppose qu'elle varie avec le niveau d'emploi et les
changements de techniques qui eux même mettent du temps à
s'instituer.
Existe t'il une complémentarité entre le
capital liquide et le capital circulant malgré leur proximité?
En d'autres termes, est ce qu'en période d'expansion l'accroissement des
besoins en capital circulant peut être satisfait par le recours aux
stocks ?
Pour Keynes, si la réponse à cette question
était positive, l'économie fonctionnerait toujours à plein
emploi. De son point de vue, les fluctuations du capital liquide sont de
très faible ampleur et de puissantes raisons font qu'il est impossible
que l'assistance pour le réapprovisionnement en capital circulant puisse
provenir de ce facteur.
Le lien entre les différentes composantes de
l'investissement est assez flou. Si Keynes n'admet aucune évidence sur
la substituabilité entre capital liquide et capital circulant, il ne
récuse par contre pas la possibilité qu'à court terme que
ce type de rapport puisse s'établir. Dans ce cas, le capital liquide
serait la variable d'ajustement et le taux d'investissement en soi resterait
constant50(*).Mais ce
rôle de variable d'ajustement est joué par le capital liquide pour
une durée relativement éphémère. Lors de la phase
dépressive, la production et la consommation baisse au même titre
que les stocks de capital liquide. Cette rareté des ressources
disponibles suite à une baisse de la production et des stocks
malgré une baisse de la consommation constitue pour Keynes le premier
obstacle à une reprise rapide : « It is precisely
this shortage both of available out put and of liquid capital which may retard
the process of recovery, even after the influences which originally caused the
slump long ceased to operate. » p. 120
C- Financement de l'investissement
Dans une économie monétaire, Keynes soutient que le
système bancaire joue un rôle essentiel quant au montant de
l'investissement. Le taux d'épargne résulte par contre de
l'arbitrage effectué par les ménages entre un usage
immédiat (consommation) et non usage (épargne) de leur revenu
monétaire tandis que Hayek parlera d'usage différé pour
qualifier l'épargne.
Il conçoit que le financement de l'investissement, afin
d'éviter la dépression, doit pouvoir se faire par
création monétaire dans une époque où le
capitalisme moderne subit une prépondérance de l'activité
financière sur l'activité industrielle; il faut à tout
prix éloigner le spectre d'une dépression qu'occasionnent des
taux d'intérêt élevés. Il considèrera que les
changements dans le taux bancaire51(*) ont un impact sur le pouvoir d'achat de la monnaie
malgré que l'effet décisif et immédiat soit auprès
du taux d'investissement. En effet les entrepreneurs n'investissent dans un
environnement caractérisé par l'incertitude que s'ils anticipent
un revenu susceptible de couvrir les coûts de production dont une part
non négligeable est constituée des intérêts qu'il
fallait accepter de payer pour disposer du capital circulant
nécessaire au préfinancement de la
production : « the effective of investment depends on the
prospective income which the entrepreneur anticipates from cure investment
relatively to the rate of interest which he has to pay in order to be able to
finance its production or putting in other way round, the value of capital good
depends on the rate of interest at which the prospective income from them its
capitalised. »p 136
Ainsi lorsque le taux d'intérêt est
élevé, il a tendance à décourager des plans
d'investissement de faible rentabilité alors qu'au même moment
l'épargne pourrait être
encouragée : « it follows that an increase in the
rate of interest tends, other things being equal, to make the rate of
investment to decline. »
Il existe par ailleurs une différence de perspective entre
les deux auteurs quant à la prise en charge de l'investissement. Si pour
Keynes, il est inacceptable de compromettre l'initiative privée ou
l'esprit d'entreprise, il accepte tout de même que l'investissement,
surtout quand il s'agit de produire du capital fixe, puisse faire l'objet d'une
certaine socialisation afin d'en accroître l'efficacité et la
rapidité car ce type d'investissement nécessite des montants
importants de capitaux financiers. C'est ce que souligne Paul Lambert comme une
des caractéristiques de la cité idéale de Keynes lorsqu'il
s'énonce en ces termes : « Pour certaines
entreprises dont le capital fixe est très important, la
société anonyme ferait place à un corps semi autonome,
corporation publique mise en dernier ressort sous le contrôle du
parlement. (Source P. Lambert, L'oeuvre de John Maynard Keynes, Tome I,
1963)
En aucun cas, Keynes ne considère la
nécessité d'une épargne constituée au
préalable pour faire face aux besoins d'investissement, qu'il soit
liquide, fixe ou circulant. En cela, il s'oppose radicalement à la
conception de Hayek (il est opportun de souligner tout de même qu'il est
difficile de dire s'il s'agit d'un propos normatif ou d'une analyse
tirée des faits ) . Au sens de l'autrichien, l'épargne
préalable est une condition sine qua non pour un investissement
judicieux et durable ; le crédit bancaire étant toujours
à l'origine d'un processus dont l'épilogue fait surgir des
désordres dans le système productif. Hayek considère qu'il
existe un équilibre épargne investissement que seule
l'intervention du système bancaire finit par rompre entraînant
l'émergence d'une désorganisation de la structure
productive : l'économie passe ainsi de l'équilibre aux
fluctuations.
D- L'épargne
Hayek, fervent défenseur de la loi des
débouchés considère, implicitement peut être, que
tout ce qui est produit est consommé faisant de l'épargne une
consommation différée. Dans son univers, la thésaurisation
est négligeable ou tout simplement inexistante. Pour Keynes par contre,
l'épargne ne dépend pas du taux d'intérêt mais du
revenu. Elle ne constitue pas une consommation différée mais
juste une renonciation à la consommation52(*) et il n'y a rien dans les mécanismes en
vigueur au sein de l'économie qui assure l'usage de l'épargne
à des fins d'investissement; ce n'est ni un hypothétique taux
d'intérêt d'équilibre et encore moins la non existence du
crédit. Il considère le taux d'intérêt comme
étant plus versé vers la détermination de l'investissement
que vers celle de l'épargne. L'épargne de la part d'un
individu se transforme en une baisse de la demande de biens de consommation qui
entraîne une baisse des prix de ces derniers permettant une augmentation
du pouvoir d'achat des consommateurs restants.
Toutefois, si les consommateurs restants choisissent
d'épargner une portion de leurs revenus, ceci intensifiera la baisse des
prix des biens de consommation et augmenter le pouvoir d'achat de la part de
leur revenu consacré à la consommation : « If
however, these others then proceed to reduce correspondingly their money
expenditure on consumption and, consequently, to increase their savings, this
only has the effect of still further increasing the purchasing power of the
balance of their income which they do spend. »(p 156)
L'épargne devient une richesse pour les épargnants
alors que les producteurs de biens de consommation enregistrent une baisse de
leur chiffre d'affaire par rapport à celui qu'ils auraient obtenu si
l'épargne était nulle. Ainsi pour Keynes, l'épargne
enrichit le consommateur, du fait de la baisse des prix lui procurant une
hausse du pouvoir d'achat et entraîne des prélèvements sur
les ressources de l'entrepreneur, sans pour autant entraîner une
augmentation de la consommation ou de la production. Globalement,
l'épargne ne serait d'aucune utilité
sociale: « there is no increase of wealth in any shape or form
corresponding to the increase of saving.» (p.156). Seulement, c'est les
entrepreneurs qui font les frais de l'épargne: « The
saving has been balanced by the loss of entrepreneurs who produce consumption
goods. » (p 156)
A l'inverse Hayek considère cette renonciation comme le
fruit d'un arbitrage inter temporel devant permettre à ceux qui
voudraient investir de disposer de ressources leur garantissant un
investissement viable.
Ils utiliseront deux termes très proches :
épargne forcée53(*) pour Hayek et induced lacking pour Keynes. Ces
notions, dans ce qu'elles ont en commun, traduisent une perte involontaire
subie par une partie des consommateurs au profit de ceux qui viennent de
disposer des nouvelles impulsions monétaires ; Toutefois, Keynes
récuse totalement le principe hayekien de mal investissement,
résultant d'un investissement financé par crédit. A son
sens, tout investissement engendre une richesse nette qui augmente la richesse
sociale, accroît le profit des entreprises qui s'en servent pour
augmenter les revenus des facteurs ainsi que la modernisation de la structure
productive et non concourir à sa désorganisation. Cet
investissement financé par crédit, bien qu'ayant des
conséquences inflationnistes, promeut l'emploi supplémentaire de
facteurs de productions inemployés jusque là.
E- Relation investissement-epargne
Pour Keynes il n'existe aucune relation d'équivalence
entre l'investissement et l'épargne. Chaque entité peut varier de
façon autonome. A son sens, il existe une imperfection de la
coordination entre épargne et investissement et il rejette la vision de
Hayek selon laquelle l'épargne serait identique à
l'investissement grâce au taux d'intérêt naturel qui
permet une coordination parfaite entre les décisions d'épargner
et d'investir.
» Cette distinction de nature entre les deux notions se
poursuit dans une autre distinction qui consiste à ne jamais
considérer leurs montants comme
équivalents : « It might be supposed and that
has frequently been supposed that the amount of investment is necessarly equal
to the amount of saving. But reflection will show that this is not the
case.»
Toutefois, si l'investissement équivaut à
l'épargne préalablement constituée, l'équilibre se
maintient sans variation des prix. Lorsqu'il excède le montant mis de
côté on enregistre une hausse de la consommation et du prix des
biens de consommation et il serait possible d'investir plus qu'il ne sera
épargné54(*). Pour Keynes, une planification sur les montants
à investir et les montants à épargner aurait permis
d'éviter des troubles. Seulement la décentralisation des
décisions fait que l'investissement n'équivaut presque jamais
à l'épargne. Sa conception de l'épargne me semble bien
être bien résumé dans le passage suivant: «An act of
saving by an individual may not result either in increased investment or in
increased consumption by the individuals who make up the rest of the community.
The performance of act of saving is in itself no guarantee that the stock of
capital goods will be correspondingly increased.» (p 158)
Devrait on épargner avant d'investir ?
Cette question est au coeur de la controverse avec Hayek qui
est un ardent défenseur de l'épargne préalable, faisant
de celle la condition nécessaire de l'investissement viable et se trouve
par conséquent être le principe de toutes les politiques
d'austérité et d'argent cher.
Pour Keynes, il n'est point besoin, pour investir,
d'épargner au préalable en cas de sous emploi des
capacités productives. Le financement monétaire délivre
l'investissement en le rendant autonome de l'épargne pour en faire la
variable motrice du revenu, de la production et de l'emploi.
« L'investissement traîne l'épargne
derrière lui, au même rythme que lui »
.
Quelques unes de leurs explications ont atteint un niveau de
contradiction tel qu'il est impossible de procéder à une
conciliation. C'est ainsi que nous trouvons deux conceptions, dont l'une s'en
tenant à la logique de la rentabilité des individus voit dans
l'épargne volontaire l'unique source d'investissements viables tandis
que l'autre conteste ce lien en invoquant la thésaurisation et ne croit
qu'à une coïncidence accidentelle si toutefois toute
l'épargne des agents se trouvait totalement investie.
Hayek adopte le premier point de vue et met en garde contre la
vision de Keynes dans laquelle il voit une source de danger. Il appelle
surinvestissement la situation dans laquelle le niveau de l'investissement est
poussé artificiellement au dessus de l'épargne souhaitée.
Pour Keynes, un économiste averti doit avoir présent à
l'esprit le fait que les deux notions, investissement et épargne, sont
fondamentalement distinctes par leur origine et par leur nature, bien qu'elles
peuvent s'entrecroiser et se mélanger accidentellement.
Section II Le Taux d'intérêt
Malgré le fait qu'ils puissent considérer que le
stimuli premier du cycle peut etre non monétaire, tous deux
considèrent que le système bancaire ne peut pas ne pas
intervenir , faisant du cycle un phénomène
monétaire : » thus whilst the stimulus to a credit
inflation come from outside the banking system it remains a monetary
phenomenon in the sense that it only occurs if the monetary machine is allowed
to respond to the stimulus » P.86 Sur ce point, ils sont en
harmonie :le cycle est toujours accompagné d'une intervention des
autorités monétaires. Quand à la nature et au rôle
du taux d'intérêt, l'opposition est ferme.
En économie,il existe deux visions sur
l'intérêt : celle qui met l'accent sur la
préférence temporelle plus connue sous l'expression
« théorie purement psychologique » et une autre
purement technique qui met l'accent sur la productivité du capital.
Pour les productivistes, l'intérêt est comme un
revenu net perpétuellement généré par un capital
abstrait temporairement incarné dans certaines parties du capital
physique. Il s'apparente aux fruits produits par un arbre, un revenu
dérivé. Pour les autres, l'intérêt exprime le
phénomène universel de la préférence temporelle et
émergera par conséquent inévitablement aussi dans une
économie d'échange pur sans production ni monnaie.
A- La nature du taux d'intérêt
Pour Hayek55(*), le taux d'intérêt est un
phénomène réel. Il est le prix qui résulte de la
confrontation de l'offre et de la demande dans le marché des fonds
prêtables. Son étude n'est connectée à aucune
référence monétaire.
Chez Keynes, le taux d'intérêt jouit d'un statut
particulier car à lui seul il résume toute l'incertitude à
laquelle les agents économiques sont confrontés. Il est
conventionnel et reflète ce que chacun croît être en moyenne
la prime qu'il exigerait pour renoncer à la liquidité. Il
constitue le passage privilégié de la monnaie pour atteindre les
variables réelles de l'économie. Par son intermédiaire, la
monnaie perd toute la neutralité que lui enjoignent les classiques.
Sur ce point, Hayek prend une position très
différente. Il considère l'existence d'un taux
d'intérêt naturel qui équilibre le marché des fonds
prêtables. Cette égalité épargne-investissement
détermine la structure de la production de façon optimale et
c'est le crédit issu de la création monétaire qui perturbe
l'équilibre.
B-Le rôle du taux d'intérêt
Keynes considère ainsi que le rôle du système
bancaire est primordial en ce qu'il détermine le coût de
l'investissement qui peut constituer une incitation lorsqu'il est assez bas
ou un obstacle lorsqu'il est assez haut ; ce coût est
représenté par le taux d'intérêt qui contrairement
à Hayek qui le suppose ou le voudrait naturel, est purement
monétaire. Il s'agit d'une décision des autorités
monétaires sans considération préalable du montant de
l'épargne et des intentions à investir. Ainsi, dans une certaine
mesure, il serait judicieux de considérer, selon l'approche
développée par Keynes, que le taux d'intérêt
constitue le facteur déterminant de l'investissement en ce qu'il
représente le sacrifice à payer pour disposer du capital
circulant.
Au sens du britannique, il est evident que des changements du
taux d'intérêt affecte le taux d'investissement :
« thus whenever a rate of interest changes for reasons other than a
change in the demand schedule for the use or enjoyment of fixed capital, it is
reasonable to expect a change in the rate of investment. » p.86 vol
II
En résumé dans l'analyse économique de
Keynes, le taux d'intérêt détermine le coût
d'acquisition du capital et celui-ci n'est engagé qu'en fonction des
perspectives de profit auxquelles les entrepreneurs s'attendent. En
définitive l'investissement est gouverné par le
différentiel taux de rentabilité taux d'intérêt.
il ajoutera : « it is only necessary to add to
this that the pace , at which the innovating entrepreneurs will be able to
carry their projects into execution at a cost in interest which is not
deterrent to them, will depend on the degree of complaisance of those
responsible for the banking system. » p 86
Ainsi, le taux d'intérêt représente le
coût payé par un entrepreneur pour disposer des financements
nécessaires à l'acquisition de son outil de production. Plus il
est élevé, plus les entrepreneurs au taux de profits bas ou
incapable de répercuter la hausse de leurs coûts sur leurs prix
de vente renoncent à produire et le rentier y trouve son compte. Il y
aura une incitation à spéculer au détriment de la
production. Dés lors, il n est plus nécessaire que l
économie s'autolimite sur une épargne préalablement
constituée. Elle doit recourir à un crédit
bon marché, une forme de découvert social permettant la
satisfaction de tous les besoins en capital circulant. Une telle politique
n'aurait pas pour effet l'inflation car il existe des facteurs de productions
inutilisés tandis que l'investissement lui-même productif
augmentera la quantité de biens disponibles.
Section III Théorie autrichienne du capital
La théorie autrichienne56(*) du capital a comme principal concepteur Eugène
Bohm Bawerk57(*), un
auteur qui n'a pas toujours fait l'unanimité au sein de l'école
de Vienne. Mises critiquait sa conception de l'intérêt dans
laquelle il donnait une place non négligeable à la
productivité comme un des déterminants en collaboration avec la
préférence temporelle. Schumpeter quant à lui est purement
productiviste tandis que Mises se suffit de la préférence
temporelle pour expliquer la nature de l'intérêt. Toutefois, le
principal précurseur de cette approche demeure Carl Menger dont
l'héritage théorique fut approfondi par Bawerk avec quelques
retouches de Hayek.
A- L'apport de Menger
Menger58(*)
envisage l'économie comme un ensemble d'étapes de production
étalé dans le temps ; à cette structure, est
associée un processus de production de biens de consommation et de biens
de production. Les biens qui concourent à la satisfaction directe des
besoins humains sont les biens inférieurs tandis que les autres, peu
importe l'étape à laquelle ils se situent entre la
première et l'avant dernière, sont appelés biens
supérieurs : A fundamental tool in Menger's approach to
capital is that goods can be of different orders. The lowest order is for goods
ready for final consumption, while goods in process are of higher order, the
height being a measure of distance to availability for consumption.
Menger appelait capital tout bien dont l'usage n'est pas
destiné à une consommation finale. Il conçoit que plus le
détournement est long, plus le rendement sera élevé. Cette
vision ne sera amendée ni par Bawerk et encore moins par Hayek qui
conçoit que l'impact essentiel des crédits bon marché se
situe au niveau de l'allongement de ce détour par les entrepreneurs qui
viennent de les recevoir afin d'augmenter leur productivité ; ce
qui sera une illusion car au sens de Hayek, les crédits ne peuvent
continuer à augmenter indéfiniment.
B- L'apport de Boehm Bawerk
Selon Bohm Bawerk, le capital, à chaque étape du
processus de production, est le total des produits intermédiaires devant
être retravaillés pour l'étape suivante, donc indisponible
à la consommation. Hayek n'y mettra aucun bémol et en fera usage
pour éclairer sur les variations en intensité capitalistique du
système productif tandis que la rareté des crédits aura
l'effet inverse qui sonnera le glas de l'expansion artificielle et le
début de la crise.
Bawerk, pour mieux appréhender le fonctionnement de
l'ensemble productif jugera nécessaire d'ériger un agrégat
qu'il appellera période moyenne de production considérée
comme l'intervalle qui s'écoule entre les dépenses
engagées en force productives originaires et l'expulsion hors du
système des biens destinés à la consommation finale. Cette
théorie sera critiquée par les autrichiens du fait de son
insoumission au subjectivisme et à l'usage d'un agrégat par
définition incalculable tandis que l'Américain Clark doute de la
pertinence des outils théoriques empruntés pour exprimer pareille
vue. A son sens, à partir du moment où entre la consommation et
la production existe une simultanéité, la période de
production moyenne tend vers zéro. Bawerk qualifiera cette conception
du capital d'animiste car négligeant le rôle du temps.
C- L'apport de Hayek
Hayek fera usage de la théorie de Bawerk en y tapissant la
dimension subjectiviste. Il maintient le concept de structure de
production ; cependant au lieu de recourir au concept de période
moyenne de production, il préférera le concept mengerien
d'étapes de production au bout desquelles les produits
intermédiaires deviennent aptes à la consommation finale. Il
opère une distinction entre moyen originaire de production (travail et
terre), produits intermédiaires et bien de consommation. Il accepte
l'existence d'un détour de production qui s'allonge ou se
rétrécit avec le niveau de ressources (épargne et
crédit) injectée dans la structure productive et comme Bawerk, il
accepte que le rendement obtenu soit proportionnel au détour. Il
reconnaît l'existence de biens de production spécifiques qui ne
peuvent être utilisés que pour des activités bien
définies et sont donc inconvertibles vers d'autres secteurs ou
activités. Cette théorie a suscité les mêmes
critiques de la part de Frank Knight que celle de Bawerk chez Clark.
Pour Hayek, le capital est sous la forme de biens non finis en
cours de transformation. Il s'apparente au capital circulant de Keynes.
Section IV : Le mécanisme des prix
Au sens d'Hayek, la détermination du prix n'obéit
pas à des lois objectives. Pour les biens d'investissement comme pour
ceux de consommation, il est le fruit d'une évaluation individuelle
totalement subjective transmise de façon abstraite et impersonnelle
contrairement aux diktats du planificateur. Aucun autre mécanisme et
surtout pas l'administration socialiste ne pourrait produire un résultat
analogue, avec la même efficacité...surtout quand il s'agit de
millions d'individus à la rationalité limité et
imparfaitement informés... De son point de vue, les prix
artificiellement constitués entraînent des égarements dans
l'affectation des ressources.
Ayant retenu que tout problème économique est
lié à celui de la division de la connaissance, Hayek affirme que
le système des prix constitue un début de solution en ce qu'il
constitue un mécanisme de transmission de l'information et promeut
ainsi le succès de la coordination inter individuelle. Ils sont des prix
de déséquilibre et par conséquent inaptes à
réaliser une synthèse, c'est-à-dire de devenir
homogène à travers des agrégats tels que le niveau
général des prix59(*).
A- Le rôle des prix
Ils ne sont pas des approximations des prix d'équilibre
définis par le modèle théorique mais représentent
plutôt des rapports d'échanges inégaux entre
différents facteurs et produits. L'origine de leurs variations est
à rechercher du coté des entrepreneurs en quête de profit,
qui voient dans ces disparités, une occasion de réaliser des
bénéfices. Ils constituent une note envers le comportement
présent de l'individu en relation d'échange et des indications
sur les orientations à prendre pour se faire plébisciter. Pour
Alchian, dans Uncertainity, evolution and economic theory (1950), le
système de prix peut être considéré comme un
mécanisme darwinien60(*) sélectionnant les aptes et les inaptes sur la
base de leurs capacités à effectuer des bénéfices
supérieurs à ceux des concurrents ; les agents ne recherchant pas
à maximiser seront conduits à la faillite ; ce qui fait
qu'avec le temps, il ne restera plus que ceux ayant cherché à
maximiser leurs profits.
Dostaler dira : Pour Hayek, les prix doivent être
considérés comme des régulateurs et des guides de
processus temporels permettant l'adaptation aux changements dans des
données exogènes déterminées temporellement. Une
structure de prix doit ainsi être compatible avec l'équilibre
inter temporel fondé sur les attitudes des agents et les conditions de
production.(p.215)
Ainsi, les prix de Hayek ne sont pas autoritaires. Ils sont le
fruit d'une décision individuelle autonome. Grâce à leur
parfaite flexibilité, ils permettent une révision au moment
opportun des plans favorisant ainsi la coordination inter individuelle. Et
l'Etat, de par son intervention qui n'obéit pas aux conditions de
marché crée des quiproquos qui finissent par perturber la
compréhension mutuelle entre entrepreneurs au sein de l'économie.
Ainsi en agissant, la puissance publique ne résout pas les
problèmes liés à l'incertitude mais elle endommage
l'unique cadre de référence valable pour l'amortir. Hayek
considère que la proposition de Keynes de faire intervenir l'Etat afin
d'endiguer les défaillances du marché relève de son manque
de maîtrise de la théorie économique et plus
particulièrement de son incompréhension du rôle du
mécanisme des prix en tant que principe de coordination.
«In the exchange economy, production is governed by prices,
independently of any knowledge of the whole process on the part of individual
producers, so that it is only when the pricing process is itself disturbed that
a misdirection of production can occur.»(MT-TC, pp84-85)
Ainsi, il retiendra que l'objectif essentiel d'une bonne
politique monétaire est de neutraliser l'effet de la monnaie sur la
formation des prix car ce mécanisme est sacré pour le bon
fonctionnement de l'économie en ce qu'il permet une bonne coordination
du processus d'allocation des ressources : « The overriding
objective is for monetary policy not to instigate changes in the processes of
resources allocation. » En d'autres termes, l'exclusivité de
l'allocation des ressources doit être réservée à
l'économie réelle et non à des autorités
manoeuvrant un bien fictif. Hayek ne milite pas pour une
constance des prix. C'est tout le contraire même ; il est favorable
à la liberté des prix afin qu'ils puissent donner l'état
des rapports de force entre les différentes composantes de
l'économie. Seulement, ce qu'il déplore et abhorre par-dessus
tout est que cette évolution ait pour moteur des impulsions
monétaires. Elles créent des illusions et font des anticipations
des perceptions sans objet réel.
B- Keynes et les prix relatifs
Il serait dans une certaine mesure judicieux de se demander
comment se fait il que Keynes n'ait pas envisagé un passage par les prix
relatifs ainsi qu'un impact final sur la structure productive. Il
conçoit que la monnaie affecte différemment les prix. Cela
voudrait dire qu'en cas d'impulsions monétaires, certains biens gagnent
en compétitivité tandis que d'autres en perdent même si la
cause est purement artificielle. Les mêmes résultats auraient pu
être obtenus si, par exemple, la pluviométrie ou plus
particulièrement une maîtrise de l'eau permettait de produire
beaucoup plus que d'habitude et pour cette raison tous les produits agricoles
ainsi que ceux qui les ont en matières premières devenaient plus
compétitifs ; cela aurait une incidence non négligeable sur
la structure productive. Ainsi, sans que Keynes l'est souligné, il reste
opportun de dire que la pierre angulaire de l'analyse économique de
Hayek, à savoir le passage par les prix relatifs et non pas directement
ou indirectement par le niveau général des prix, constitue une
analyse potentielle qu'on aurait pu retrouver chez Keynes sans surprise.
D'ailleurs Keynes en fait référence dans plusieurs
passages du Treatise :
The hypothetical change in the price level which would have
occured if there had been no changes in the relative prices, is no longer
relevant if relatives prices have in fact changed ; for the change in
relative prices has in itself affected the price level. p.78, vol I
«The point of view under criticism makes the mistake of
assuming that there is a meaning of price level, as a measure in some sense or
another of the value of money, which retains its value unaltered when only
relative prices have changed. The abstraction between the two sets of forces,
which seemed momentarily plausible when we made it, is a false abstraction,
because the thing under observation, namely the price level, is itself a
function of relative prices and liable to change its value whenever and merely
because, relative prices have changed. P.77, vol I
CHAPITRE III
Divergences et convergences sur les
cycles.
Section I- Aspects généraux
Le cycle est une perturbation générale de
l'économie avec une phase d'inflation et une phase de déflation.
Son opposé n'est pas la stagnation, état
caractérisé par l'absence totale de changement mais la
stabilité, état dans lequel on considère que les pertes de
certains entrepreneurs sont compensées par les gains de quelques-uns
sans que les distorsions ne soient aptes à susciter un cycle. Beaucoup
d'auteurs dans la littérature économique ont eu à proposer
leurs versions et parmi eux Hayek et Keynes dont on se propose d'établir
un dialogue entre leurs théories.
Prix et Production (PP) et Monetary Theory-Trade Cycle (MT-TC)
restent les références de base de la théorie hayekienne
des cycles. Le point de départ de ces textes se trouve dans la question
suivante : comment se fait il qu'une économie de marché
supposée connaître des micro régulations spontanées
se trouve en proie à des oscillations d'une grande ampleur et de
façon relativement durable ? La réponse est
développée par Hayek conjointement dans ces deux oeuvres,
toutefois avec nuances qui témoignent d'une certaine evolution dans sa
conception des cycles. La pensée de Keynes qui s'oppose à celle
développée par Hayek est contenue en premier dans les deux
volumes de son Treatise on Money (TOM) ; le premier étant
intitulé The Pure Theory of Money (vol I) tandis que le pour le second
est retenu le titre The Applied Theory of Money (vol II). Cette théorie
connaîtra des modifications substantielles dans la Théorie
Générale. Cependant, la question centrale reste identique :
comment se fait il que les économies de marché soient incapables
de générer spontanément le plein emploi et puissent
demeurer durablement dans un état considéré comme non
optimal ?
Pour certains auteurs, le TOM peut être compris comme une
reformulation de la théorie cambridgienne de la monnaie, enrichie de
raisonnements wickselliens tandis que d'autres l'appréhendent comme un
premier pas vers la Théorie Générale, une esquisse
préliminaire d'idées qui devaient mûrir en 1936. Pour
Frederik Hanin, le Treatise offre une perspective d'analyse dynamique des
économies monétaires en soutenant l'existence d'une
instabilité endogène, contrepartie du déficit de
coordination entre le système bancaire et l'activité productive.
Keynes y distingue si bien la discontinuité entre activité
financière et activité industrielle à telle enseigne que
la séparation entre épargne et investissement demeure une
évidence. Le noyau de l'instabilité est, à son sens, le
déficit en capital circulant dû à la raréfaction du
crédit par le système bancaire tandis que Hayek considère
que c'est l'excès de liquidité bancaire qui en est le
responsable.
Le cycle économique tel qu'envisagé par Keynes ne
se ressent pas dés les premiers moments de la perturbation. Il
connaît une période d'incubation et un temps de latence; cela
signifie que lorsque les changements s'operent, ils couvent à
l'interieur du systeme économique et une durée de temps
s'écoule avant que les repercussions ne soient
visibles: « When the slump begins, the falling off of production
does not show itself immediately at the finishing end of the machine of
process, whilst it does show itself immediately in the amount which is being
fed back into the mouth of the machine.» P.120
L'analyse économique de Hayek comme celle de Keynes
reconnaît à l'économie trois états possibles :
expansion (prospérité,essor, boom), crise et contraction
(dépression) ; lors d'un boom, les prix augmentent,
l'investissement dépasse le niveau d'épargne, les profits
atteignent des records de même que la production, le niveau d'emploi
ainsi que l'innovation. Pendant la dépression, les observations sont
opposées à celles de la phase d'expansion. Hayek comme Keynes
mettent en évidence à travers leurs théories des cycles
des états non optimaux. Cependant, ils s'opposent sur les
procédés à mettre en oeuvre pour arriver à un
état optimal : « Like the classical school, the
Hayek-von Mises approach emphasizes optimisation of private economic agents,
the adjustement of relative prices to equate supply and demand, and the
efficiency of unfettered markets. » Cochran and Glahe, p.70 et ils
diront à la page 73, « Keynes's work led to policy
conclusions that were completely opposed to Hayek's policy
recommendations. »
Pour Keynes, le cycle matérialise les fluctuations ayant
pour origine l'inégalité investissement-épargne et son
impact sur le pouvoir d'achat de la monnaie. Il s'agit d'un processus complexe
au cours duquel les coûts de production, les prix ainsi que les
rémunérations des facteurs évoluent.
Cet écart peut prendre trois formes :
1) L'investissement devient possible grâce à une
hausse de la production de biens de production au détriment de celle de
consommation sans hausse de l'out put. Ainsi il faudrait la fin de la
période de production pour en voir les effets.
2) La hausse de la production permet un approvisionnement du
capital circulant afin de produire plus de biens de production. Les effets de
l'investissement sont immédiats et le capital, circulant au
début, deviendra fixe après l'écoulement d'une
période de production.
3) Le capital circulant augmente permettant une hausse de la
production de biens de consommation toutes choses égales par ailleurs.
La hausse de l'investissement durera tout au long de la période de
production.
Quelque soit le cas par lequel l'investissement se produit, la
hausse de la production permet une augmentation des profits ainsi qu'une hausse
des revenus versés aux facteurs.
Toutefois, si ce qui vient d'être décrit constitue
les éléments classiques d'un cycle, il n'en demeure pas moins que
d'autres éléments et phénomènes s'y incorporent,
faisant du cycle de Keynes un phénomène à la fois complexe
et variable : « The possible varieties of the paths which a
credit cycle can follow and its possible complications are so numerous that it
is impracticable to outline all of them. » p.253
Il trouvera une analogie parfaite entre le cycle et le jeu
d'échecs pour lequel, malgré l'existence d'une base stable et la
possibilité de dire les grands traits de son déroulement, il
demeure impossible d'entrer dans les détails de tous les matches
jouables. Une approche presque similaire se retrouve chez Hayek lorsqu'il
énonce que les effets d'une impulsion monétaire ne peuvent
être appréhendés à l'avance car dépendant du
point par lequel la monnaie entre dans l'économie : «The
nature of the changes in the composition of the existing stock of goods, which
are affected through such monetary changes, depends of course on the point at
which the money is injected into the economic system. » p.123-4
Ils auront en commun de donner une place importante au
système bancaire dans l'enjeu que constituent les cycles ; l'un, en
tant qu'auteur des perturbations tandis que l'autre l'envisage comme solution.
Seulement, on ne manquera pas de noter, avec une certaine perplexité
tout de même que Hayek conçoit le système bancaire à
la fois à l'origine du cycle de par son ingérence hors conditions
de marché tandis qu'il souligne que la crise apparaît à
cause de la rareté de ce même facteur qui à causé
les perturbations
Hayek, au même titre que Keynes procédera à
la critique des théories qu'il considère comme erronées.
Il s'agit des théories non monétaires tandis que pour Keynes il
s'agit des théories qui ne prennent pas en compte le rôle du
capital circulant.
Section II- Les causes des cycles
La question fondamentale à laquelle Hayek cherche à
répondre pour établir les causes du cycle peut être ainsi
formulée: comment se fait il que l'économie prenne du temps
à retrouver l'équilibre alors qu'elle héberge en son sein
des mécanismes doués à cela ?
Quant à Keynes, la question centrale est la
suivante : pourquoi n'obtient on pas un plein emploi spontané tel
que le voudrait la théorie classique ?
Ils développeront des argumentations qui mettront en cause
le crédit bancaire : Keynes parlera d'une insuffisance de
liquidité pour réapprovisionner le capital circulant tandis que
Hayek signalera l'excès de liquidité qui non seulement rompt les
équilibres mais provoque la dissolution momentanée de l'unique
mécanisme capable de rétablir des équilibres stables. Il
considère que la quantité de monnaie supplémentaire
constitue « une incitation excessive à l'accroissement de la
production pour des dates plus lointaines aux dépens de la production
destinée à des dates plus rapprochées. »
(Dostaler juin 2001, Hayek, [1925]1984 :93)
Pour Keynes, un cycle économique peut avoir aussi
bien une cause monétaire qu'une cause réelle liée à
une variation autonome de l'investissement, sans impulsion monétaire
préalable. Tandis que Hayek conçoit qu'il existe des
théories monétaires (dont la sienne) et des théories
réelles qu'il considère comme tout à fait erronées.
Sur ce présent point, il se dégage une différence
d'approche difficile à concilier même si Hayek lui-même
admet qu'un cycle puisse avoir une origine réelle mais c'est pour
ajouter que dans ce genre de situation, les perturbations ne peuvent pas
être généralisées et durables car le
mécanisme des prix permettra le rétablissement de
l'équilibre.
Chez Hayek, l'origine des crises est purement monétaire
et est liée à l'élasticité du crédit. Ce
crédit engendre un capital illusoire qui finit par créer un
excès d'investissement par rapport à la capacité
d'épargne de la société.
Le passage suivant exprime avec clarté son
opinion : « The excessive development of the industries
producing raw materials and capital goods, whose regular recurrence is thus to
be regarded as the main cause of the periodic economic crises, necessarily
arises from and is chiefly due to the much praised elasticity of our modern
credit system.[...] This can take place only because the extension of credit by
the banking system is not strictly linked to the growth of saving.[...] The
most significant phenomena of the upswing, over investment and a general rise
in prices, and at the same time the causes of the crises which always follow
upon the upswing, are therefore largely a result of an extension of
credit.[...] This extension of credit gives rise to a short lived inflation and
leads to the emergence of the disproportions between the individuals sectors of
the economy to which the accompanying stimulation of business always gives
rise. The crisis then becomes the only way of eliminating these disproportions.
(Dostaler: Hayek, [1925]1984:10)
Il accuse ainsi les banques, à travers l'absence de
contrainte dans l'offre de monnaie d'être à l'origine des cycles
et conçoit la crise comme une insurrection des forces vives de
l'économie pour rétablir un équilibre dont elles ont
été arbitrairement privées.
Même si Hayek porte son dévolu sur le facteur
monétaire pour situer la genèse des fluctuations, il n'en demeure
pas moins qu'il accepte que des facteurs réels puissent aussi être
à l'origine du cycle. Il en parle expressément à la page
168 de MT-TC en stipulant que les facteurs peuvent
être : » de nouvelles inventions ou découvertes, de
l'ouverture de nouveaux marchés, ou même de mauvaises
récoltes, de l'apparition d'entrepreneurs de génie qui
créent de nouvelles combinaisons (Schumpeter), d'une baisse des taux de
salaires provoquée par une forte immigration ; et de la destruction
de grandes portions de capital par une catastrophe naturelle, ou de plusieurs
autres causes. »
Cependant, il considérera que les forces réelles
à elles toutes seules ne peuvent pas engendrer un cycle car le
mécanisme des prix n'étant pas perturbé, l'économie
devrait facilement retrouver le chemin de l'équilibre. Il faut, à
son sens, la complicité du système bancaire pour qu'un cycle
puisse s'instituer ; cela passe par un dysfonctionnement du
mécanisme de coordination provoquée par la liquidité
bancaire injectée en dehors de toute condition de marché.
Pour Keynes, peu importe la cause premiere du cycle, il met en
dialogue constant et bilateral secteur réel et secteur
monétaire : « For a disturbance initially due to
monetary factors will soon set up some disturbance on the investment side and
similarly a disturbance due to investment factor is likely, as we shall see, to
cause some modification to monetary factors.»
La seule distinction qu'il y trouve est que la monnaie influence
du coté de son offre tandis qu'elle subit l'influence des facteurs
réels du coté de sa demande. Par ailleurs, le cycle ayant pour
perturbation première des facteurs monétaires passe d'une
situation d'équilibre à une autre avec un changement de prix
alors qu'un cycle généré par l'investissement
évolue sans véritable modification des prix.
Une fois cette étape d'influence réciproque
dépassée, le reste du processus devient classique et ne porte
plus les marques de son déclencheur : « After the
initial stage has been passed, they shade off into one another. »
p.248
Pour Hayek le facteur monétaire est une condition sine
qua none pour l'apparition du cycle tandis que Keynes accepte que le point de
départ d'un cycle puisse être constitué de facteurs non
monétaires (excès d'investissement suite à un regain de
confiance) qu'accompagnent des impulsions monétaires. Ainsi Keynes
accepte que la monnaie puisse accompagner un cycle à la fois du
coté de la demande lorsqu'elle est facteur second ou du coté de
l'offre lorsqu'elle facteur premier ; Hayek soutient que la monnaie
n'intervient que du coté de son offre61(*).
Section III- Les précurseurs de Hayek
Monetary Theory and Trade Cycle (1933a) est d'abord paru en
allemand en 1929 avant d'être traduit en anglais par Kaldor, un
libéral devenu interventionniste. A l'image de Prix et Production, il a
été présenté en premier lors d'une
conférence, cette fois ci tenue à Zurich en 1928 auprès de
l'Association pour la politique sociale. Hayek considère qu'il existe
une complémentarité entre ces deux ouvrages dans sa vision des
fluctuations cycliques. D'ailleurs, il en parle dans son préface de
MT-TC, à la page 17 : in particular, my Price and Production,
originally published in English, should be considered as an essential
complement to the present publication. While I have here emphasized the
monetary causes which start the cyclical fluctuations, I have, in the later
publication, concentrated on the successive changes in the real structure of
production, which constitute those fluctuations. » Cochran et Glahe
en feront etat en ces termes: «Hayek, building on the work of Mises,
developed a theory of the trade cycle in which monetary changes cause the cycle
but successive changes in the real structure of production constitute those
fluctuations.» p.70
Ainsi, une bonne appréhension de la théorie des
cycles de Hayek nécessite un recours constant à ses deux
ouvrages. C'est ce que nous tentâmes en vue de l'élaboration de ce
présent travail.
Les précurseurs de la théorie des cycles de Hayek
sont Bohm Bawerk et le suédois Wicksell sans oublier que la
première ébauche a été formulé par Mises en
1912 dans Théories des Geldes und der Umlaufsmittel. Elle est une
alternative à celle de Keynes qui, jusqu'aux années 70,
l'éclipsa.
Hayek va incorporer les éléments de Wicksell
en distinguant le taux d'intérêt bancaire du taux
d'intérêt naturel ; la théorie du cycle de Mises va
être remodelée puis la conception du capital de Bawerk sera
enrichie de la dimension subjectiviste et d'un retour vers Menger; enfin
l'hypothèse de plein emploi62(*) des facteurs ainsi que celle d'une économie
verticalement désintégrée63(*) seront retenues.
Pour Dostaler, on distingue trois étapes dans cette
evolution : la phase de conception, le développement et la
révision « en réaction tant aux critiques qu'aux
événements qui ponctuent la lente et pénible sortie de la
crise des années trente. » Elle a pour noyau la vision de
l'épargne développée par Turgot, Say et Smith tandis les
positions philosophiques et éthiques rendent problématiques la
division traditionnelle entre le normatif et le positif.
Globalement, elle établit une relation entre le mouvement
des prix relatifs et la structure de production, le rôle du
système bancaire, l'émergence du malinvestissment et le
rôle des crises pour rétablir l'équilibre tandis que
l'inflation qui, au début crée une effervescence de
l'activité économique avant de finir par décevoir toutes
les illusions.
Hayek s'inscrit dans la même lignée que ceux qu'il
considère comme des précurseurs de la bonne théorie des
cycles ; ceux qui considèrent que le facteur premier est purement
monétaire. Il s'agit de Thornton, de Ricardo, d'Alfred Marshall, de Knut
Wicksell, du professeur Mises et de Boehm Bawerk. Il les considere comme ceux
« whose works trade the development of the effects on the structure
of production of a rate of interest which alters relatively to the equilibrium
rate, as a result of monetary influences. » p 111 MT-TC
Il considère plus en détail les apports de Wicksell
et de Mises en leur reconnaissant à chacun une certaine
spécificité dans la marche vers une théorie
monétaire des cycles fiable.
«While it seems to me that in the analysis of the effects of
money rate of interest diverging from the natural rate, Professor Mises has
considerable progress as compared with the position adopted by Wicksell, the
latter succeded better that Mises did explaining the origin of his
divergence.»p.111
Pour Hayek, s'il existe un passage obligé pour une
théorie monétaire afin d'enlever au cycle tout son aspect
énigmatique, c'est bien le système des prix relatifs. A son
sens, le cycle provient d'une profanation perpétrée par les
autorités monétaires sur les relations entre prix individuels,
les deviant ainsi de leur position d'équilibre:» the point of a
real interest to trade cycle theory is the existence of certains deviations in
individual price relation occurring because changes in the volume of money
appear at certain individual points ; deviations, that is , away from the
position which is necessary to maintain the whole sytem in
equilibrium»p123
Section IV- Les différences d'approche
L'approche de Keynes en ce qui concerne sa théorie des
cycles ne manifeste aucune rupture par rapport au reste de ses analyses
économiques. Il s'agit d'une analyse inductive qui consiste à
partir des faits, recourir aux statistiques afin d'établir une
théorie.
Dans le chapitre 1 de MT-TC, à la page 27, Hayek critique
cette approche qu'il considère incapable de fournir une explication
satisfaisante du phénomène des cycles :
« empirical studies, whether they are undertaken with such practical
aims in views, or whether they are confined merely to the amplification, with
the aid of statistical devices, of our knowledge of the course of particular
phases of trade fluctuations, can, at best, afford merely a verification of
existing theories; they cannot, in themselves, provide new insight into the
causes or the necessity or the Trade Cycle. »
Ce précèdent passage à lui tout seul
résume ce que Hayek pense de l'approche de Keynes. Toutefois, en ce qui
concerne les causes du cycle, ils semblent trouver un consensus autour du
rôle essentiel du système bancaire. Il est, en effet, impossible
pour chacun d'entre eux qu'un cycle puisse voir le jour sans que les
autorités monétaires n'interviennent. Hayek considère que
toutes les théories mettant en avant des causes réelles sont
confrontées à un obstacle qu'elles ne peuvent franchir sans
recourir aux impulsions monétaires.
L'innovation dont Hayek est l'auteur en ce qui concerne l'analyse
des fluctuations fut de ne point s'occuper, à l'image de Wicksell ou de
Keynes dans une certaine mesure, de l'impact des impulsions monétaires
sur le niveau agrégé des prix ou de faire comme les
quantitativistes qui n'accordent aucune importance à la structure
productive : « General price changes are no essential feature of a
monetary theory of the trade cycle; they are not only unessential , but they
would be completely irrelevant if only they were completely general that is,
if they affected all prices at the same time and in the same proportion.»p
123
La théorie de Keynes se place dans une perspective
macroéconomique en privilégiant le rôle des agrégats
et des comportements globaux. Hayek remet en cause cette approche. Il partage
avec Popper la conception philosophique de l'individualisme
méthodologique qui affirme que tous les comportements ne se comprennent
qu'en termes individuels et qu'il n'existe pas d'entités collectives
telles que la communauté ou la société qui puissent
être définies indépendamment des comportements
individuels.
Pour Hayek, en prenant en compte des agrégats, on
néglige les processus qui ont été à leur
origine ; Par exemple, le volume total de la production masque la
structure de la production alors que le niveau général des prix
empêche d'entrevoir le mécanisme des prix relatifs... Ce n'est
d'ailleurs pas sur ce niveau général des prix qu'il jettera son
dévolu mais sur les prix relatifs. Sraffa, malgré qu'il soit un
impitoyable critique64(*)
de sa pensée, lui reconnaît cette contribution positive. Hayek
fera comprendre qu'une fois l'impact du crédit sur les prix relatifs
envisagé, il sera nécessaire de continuer sur la voie menant vers
la structure productive et ses perturbations : «Every
disturbance of the equilibrium of prices leads necessarily to shifts in the
structure of production, which must therefore be regarded as consequences of
monetary change, never as additional separate assumptions. »
p.123
Arrivé à ce point, il faudra se demander non pas
pour quelles raisons il y'a perturbation mais pourquoi la perturbation
elle-même perdure alors que le marché est assez bien
outillé pour rétablir l'équilibre. Il faudra chercher
pourquoi les mécanismes du marché deviennent temporairement
inefficaces.
Section V Les théories non monétaires
Il considérera l'existence de deux types de
théories : les théories non monétaires du cycle dont
il fera la critique et les théories monétaires dont la sienne.
A- Les théories critiquées par Hayek
Hayek considère qu'une théorie non monétaire
du cycle ne peut pas être satisfaisante. Il reconnaît l'existence
d'une multiplicité de theories entre lesquelles les oppositions sont
non négligeables : « any attempt at a general proof
within the compass of a short essay , of the assertion that non monetary
theories of the trade cycle inevitably suffer from a fundamental deficiency,
appears to be confronted with an insuperable obstacle by reason of the very
multiplicity of such theories.» P 51
Il considère que l'obstacle majeur auquel ces
théories, malgré leur multiplicité, font face est
lié à la contradiction entre les phénomènes
économiques observés et les fondements théoriques de
leurs analyses: « none of them is able to overcome the
contradiction between the course of economic events as described by them and
the fundamental ideas of the theoretical system which they have to utilize in
order to explain that course. » p 52
Hayek a ainsi tenté au chapitre 2 MT-TC de résumer
les théories les plus célèbres et de montrer en quoi
elles butent à cette difficulté. Toutefois, il formulera une
réserve qui semble offrir un minimum de pertinence à celles qui,
considérant que le facteur premier du cycle est non monétaire,
font appel à la monnaie pour poursuivre leur raisonnement : «
when however the question is answered on different lines by reference to
monetary circumstances it can be shown that the elements of explanation
adduced by different theories lose their independent importance and fall
into a subordinate position as necessary consequences of the monetary
cause.»p 52-53
De ce qui précède, nous pouvons avancer avec
beaucoup de prudence certes, que Hayek ne formulerait aucune objection sur la
nature des théories des cycles de Keynes. En effet, celles-ci
soutiennent l'existence de changements dus à des facteurs
monétaires ayant des conséquences sur l'écart entre
investissement et épargne et de changements dus à des facteurs
réels sans impulsion monétaire préalable. Toutefois, ce
dernier volet s'associe toujours à des interventions du système
bancaire pour que le cycle s'impose à l'équilibre.
Hayek considère que les théories réelles du
cycle ont en commun la tendance à souligner le
déséquilibre dans le système productif engendré par
une dis proportionnalité entre le secteur produisant des biens de
consommation et le secteur produisant des biens de production; le second
connaissant un croissance excessive :» they all regard the emergence
of a disproportionality among the various productive groups and in particular
the excessive production of capital goods as the first and main thing to be
explained.» P 54
Ces théories, au sens de Hayek, considèrent que la
récession s'explique par l'expansion de la période
précédente pendant laquelle le secteur des biens de production
subit un essor que ne justifie pas la demande émanant du secteur des
biens de consommation, d'où une rareté de ces derniers
entraînant une hausse de leurs prix par rapport à celui des biens
de production. Il retiendra qu'il existe trois types de théories non
monétaires tentant d'expliquer l'écart entre les
différents secteurs.
1. celles qui partent d'une hausse de la demande de biens de
consommation qui, compte tenu des innovations techniques, entraîne une
hausse de la production de biens de plus grande qualité.
2. un autre groupe d'auteurs considère que l'écart
est dû à des variations dans le rapport entre épargne et
investissement, sans impulsions monétaire.
3. Une autre variante de théorie qu'il nomme
psychologique
La première forme de théorie qui souligne
l'importance de la hausse de la demande de biens de consommation
considère que cette hausse a des conséquences sur la demande des
biens de production par le biais de l'effet cumulatif. Celles qui insistent
sur l'écart épargne investissement considèrent qu'il
existe un effet direct d'une hausse de l'investissement sur la demande des
biens de production, d'où l'origine du déséquilibre.
Hayek considère que ces théories se sont
trompées de cible. Elles cherchent à établir des
relations pour décrire les causes de la rupture de l'équilibre
alors que ce qui importe c'est d'expliquer comment se fait-il que ce
déséquilibre persiste. Pourquoi les mécanismes
spontanés du marché sont devenus temporairement inactifs ou
agissent avec une lenteur effrayante ?
Il ne nie pas que ces théories mettent en
lumière des interconnections dont il faut nécessairement tenir
compte pour rendre une explication des cycles acceptable. Seulement, il revient
à la charge en soutenant que ces théories se sont
égarées en ne se posant pas la question qu'il considère
comme fondamentale à savoir les raisons pour lesquelles il existe un
échec des mécanismes permettant le retour à
l'équilibre.
« why do the forces tending to restore equilibrium
become temporarily ineffective and why do they only come into action again
when it is too late ? » (MT-TC, p.65)
Voilà pour Hayek la question à laquelle il faut
apporter une réponse satisfaisante pour éclairer sur le
problème des fluctuations économiques.
A sons sens, la réponse proposée par les
théories non monétaires constitue un aveu quant à leur
inconsistance. Elles soutiennent que, compte tenu de la longueur du processus
de production, les offreurs ont du mal à ajuster leurs productions dans
un univers caractérisé par l'ignorance. Le mécanisme des
prix65(*) devait
constituer la solution à ce problème de coordination; cependant
il demeure imparfait. Dès lors, pour Hayek, l'erreur commune à
toutes ces théories est décelée: « it arises
from a misconception of the deliberation which regulate the entrepreneur's
actions and of the significance of the price mechanism ». (ibid,
p103). Ce même reproche, il le retiendra face à Keynes.
Hayek comme Keynes n'envisage pas l'existence d'un cycle
dû à un excès de production de biens de consommation par
rapport à la production de biens de production. C'est toujours
l'inverse. En partant d'une position d'équilibre, les théories
non monétaires ne peuvent pas expliquer l'existence d'un cycle par un
raisonnement satisfaisant sans faire intervenir la monnaie. Sur ce point, il ne
trouvera rien à reprocher à Keynes car ce dernier, lorsqu'il
envisage l'existence de facteurs réels pouvant être à
l'origine du cycle, c'est pour s'empresser d'ajouter qu'il sera toujours
accompagné de nouvelles impulsions monétaires. Il a lui aussi
passé en revue un certain nombre de théories assez proches de la
sienne à qui il reconnaît des attributs positifs.
B- Les théories critiquées par Keynes
Keynes aura lui aussi mis en bandoulière sa
dimension d'historien de la pensée économique en passant en revue
des théories qu'il ne considère pas comme totalement
erronées. Il leur reconnaît des contributions positives.
-Les théories du surinvestissement
Certaines théories attribuent le phénomène
des cycles à un « surinvestissement » ou
« sous consommation
Ces théories n'ont pas en réalité pour
fondement les rapports épargne -investissement. Elles insistent
plutôt sur le déséquilibre entre l'offre et la demande de
biens de production. A en croire leurs analyses, le cycle apparaît
dès lors que la quantité de biens de production permet de
produire une quantité de bien de consommation supérieure au
pouvoir d'achat obtenu par le public, compte tenu des prix pratiqués.
». Keynes les considère comme étant très proche de la
sienne sans la recouper entièrement même si à
première vue, il semble y avoir une
convergence : « At bottom these theories have, I think,
some affinity with my own.But they are not so close as might be supposed at
first sight. »(p 160)
Malgré les échecs observés dans leurs
tentatives d'élucider le problème des cycles, Keynes leur
reconnaît le mérite d'avoir abordé le problème des
fluctuations sous un angle nouveau au moment où la pensée
orthodoxe sanctifiait Say.
-Les théories du capital fixe
Il existe des théories du cycle qui considèrent que
l'origine des perturbations est due aux fluctuations du capital fixe. Keynes
les considère comme incompletes du fait qu'elles negligent le role
joué par le capital circulant qui à son sens est
préeminent dans le déclenchement des cycles :
: « whenever we have to deal with a boom or a slump in the total
volume of employment and current out put, it is a question of a change in the
rate of investment in working capital rather than in fixed capital ; so
that it is by increased investment in working capital that every case of
recovery from a previous slump is characterized.» P.252
Toutefois, il ajoutera:» whilst theses solutions have been
incompleted particulary through their neglect of fluctuations in working
capital, most of them, even when they appeared to reach opposite results
seem to me to have hold of some part of the truth ». p.89
A l'intérieur de ces théories, certaines
considèrent que le déficit est lié à une sous
épargne alors que d'autres soutiennent qu'il s'agit d'un excès
de capital fixe qu'ils qualifient de sur investissement . « Some
of them have attributed the cycle to under saving and some have attributed it
to over investment ». p.89, Tome II
L'exemple tiré de l'analyse du professeur Mitchell montre
à quel point il existe une opposition dans le rôle
attribué au capital fixe dans le déclenchement des crises.
« Professor Tugan- Baranovski contends that crisis come because
people do not save enough money to meet the huge capital requirement of
prosprity ; professor Spiethoff holds that crisis come because people put
their savings into toot much industrial equipment and not enough consumption
goods ». 89
Malgré leur contradiction de prime à bord, Keynes
considère que ces deux analyses traduisent la même
réalité, à savoir l'inégalité entre
investissement et épargne ; ce qui constitue le noyau de sa
théorie des cycles. « If we interpret the first of
these statements to means that saving falls short of investment and the second
to mean that investment runs ahead of saving , we see that the two authorities
mean essentially the same thing and also the same thing that i
mean ».Tome II,p.89
Keynes vient ainsi d'annoncer ce qu'il considère comme
étant la cause du cycle ; il s'agit d'un écart non
négligeable entre investissement et épargne.
Toutefois malgré son adhésion à cette forme
de pensée qui attribue l'origine des crises à une
inadéquation épargne-investissement, Keynes ne s'est pas
empêché de mettre l'accent sur ce qu'il considère comme
étant une défaillance dans la pensée d'un auteur tel que
Baranovski ; ce dernier selon Keynes considère que
l'épargne non investie durant les phases de dépressions est
à n'importe quel taux d'intérêt réintroduit
graduellement lors de la phase d'expansion et suggère que si
l'épargne ne parvient pas à devenir investissement, c'est
lié à la distribution des revenus et non , tel que le suppose
Schumpeter, à une mésentente entre entrepreneur et système
bancaire. C'est cette transformation spontanée de l'épargne en
investissement que Keynes rejette aussi bien chez ces auteurs que chez Hayek. A
son sens, il existe un véritable problème de coordination entre
ces deux variables. Et en l'absence d'une coordination efficace il en
résulte une impasse car il n'existe aucun mécanisme
régulateur automatique faisant de l'épargne un investissement
en puissance.
Section VI Convergences et divergences
Dans cette partie qui constitue le noyau de ce présent
travail, nous essaierons de mettre l'accent sur les mécanismes qu'ils
ont développés pour expliquer leurs conceptions des cycles tout
en les mettant en dialogue constant. Cela signifie qu'à chaque fois que
nous énoncerons les propos d'un des deux auteurs, nous tenterons de
proposer l'analyse-replique de l'autre et cela au risque de nous
répéter.
A- Les théories monétaires du cycle
Sur ce type de théorie qui fait appel à
l'intervention monétaire pour expliquer le cycle, Keynes et Hayek se
rejoignent parfaitement.
D'après l'analyse qu'il a faite des théories
non monétaires, Hayek considère que le mécanisme
d'ajustement automatique de l'offre et de la demande ne peut être
perturbé qu'avec l'introduction de la monnaie dans le système. Il
s'agit d'une confirmation de la loi des débouchés de Say. En
dehors de l'existence de la monnaie66(*), il considère qu'il ne peut y avoir de cycle.
Dès lors il juge judicieux dans l'analyse d'un cycle de
s'imprégner en premier des influences issues de l'usage de la monnaie.
A son sens, l'origine du cycle se trouve dans l'élasticité de
l'offre de crédit ayant comme principale conséquence
l'inadéquation entre épargne et investissement :
« for that typical form of disturbance which experience shows to be
a regularly recurrence and which can properly be called the trade cycle the
influence of money should be sought in the fact that when the volume of money
is elastic, there may exist a lack of rigidity in the relationship between
saving and the creation of real capital. » p 102
Cette caractéristique de théorie de Hayek se
retrouve aussi dans la théorie de Keynes : l'excès
d'investissement sur l'épargne. Et Hayek précisera que l'objet
d'une théorie des cycles n'est pas d'évaluer l'impact de la
monnaie sur le commerce et les variations de prix mais de montrer comment et
pourquoi les impulsions monétaires affectent l'économie dans le
sens d'un déséquilibre aigu entre ses deux secteurs.
Il n'adhère pas à l'explication fournie par la
théorie quantitative de la monnaie qui consiste à dériver
les fluctuations de changement dans le niveau général des prix. A
l'image du professeur Spiethoff , il rejette cette théorie qu'il juge
purement naïve : « but theories which explain the
trade cycle in terms of fluctuations in the general price level must be
rejected not only because they fail to show why monetary factor disturb the
general equilibrium but also because their fundamental hypothesis is, from a
theoretical standpoint, every bit as naive as that of those theories which
entirely neglect the influence of money ». p 106 MT-TC
Il poursuivra en écrivant: « the only proper
starting-point for any explanation based on equilibrium theory must be the
effect of a change in the volume of money. » p.107
Il soulignera une autre différence notoire entre
théorie monétaires et théorie non monétaire du
cycle. En effet, dans les théories affectant la cause à des
facteurs réels, l'influence peut provenir aussi bien de l'offre que de
la demande, tandis que pour les auteurs des théories monétaires
l'influence provient surtout du coté de l'offre : « in
complete contrast to those economic changes conditioned by real forces,
influencing simultaneously total supply and total demand, change in the volume
of money have , so to speak a one sided influence which elicits no reciprocal
adjustment in the economic activity of different individuals . »
p.108
Certainement ce précédent passage contient la
critique essentielle que Hayek adresse au crédit : le fait qu'il
soit artificiel et ne correspondant pas à un véritable besoin
issu des individus. Pour Keynes ce problème ne se pose pas car
même si l'offre de monnaie est élastique et relève d'une
décision arbitraire, la demande de crédit, dans un environnement
caractérisé par l'existence de facteurs oisifs, est la
volonté des individus.
B- Découpage de l'économie
Pour les besoins de la formulation de sa théorie, Hayek
décompose l'économie en plusieurs stades de production dont le
moins éloigné est celui de la production des biens de
consommation. Pour la production des biens de productions, il existe plusieurs
stades élastiquement imbriqués et dont le point de départ
est celui dans lequel le travail et la terre constituent les principaux
facteurs de production. Le nombre de stades ou périodes de production
est fonction de l'arbitrage entre consommation et épargne.
Cette vision qui, jusque là, épouse celle de Bohm
Bawerk fit l'objet de quelques aménagements. Hayek dut abandonner
l'analyse en termes de périodes de production pour celle en termes de
périodes d'investissement à cause des lacunes dont regorgeait la
première. Mises n'en fit pas moins.
Le raisonnement de Keynes est un enchaînement
d'agrégats. Il est purement macroéconomique. A l'image de Hayek,
il dissocie l'économie en deux secteurs : celui des biens de
consommation et des biens d'investissement. Pour chaque secteur, il existe un
niveau de prix essentiellement déterminé par les coûts de
production. Pour ce qui est des biens produits , Keynes distingue les biens
finis aptes à être consommés et les biens
intermédiaires susceptibles d'être réutilisés dans
un autre processus de production : « the goods existing at
any time can also be classified into finished goods and unfinished goods. The
finished goods consist of final goods which are for the enjoyment of the
ultimate consumers, and instrumental goods which are for use in process
. » 116 Ce type de biens considéré par Keynes dans le
passage précèdent et qu'il appelle « unfinished
goods » ou capital circulant a exactement la même essence que
les biens intermédiaires de Hayek67(*).
Le cas standard retenu par Keynes est celui pour lequel le
surplus d'investissement n'est pas compensé par un supplément
d'épargne ; il s'inscrit dans la tradition d'une
supériorité de l'investissement sur l'épargne comme
« son opposant » Toutefois, il soulignera que rien
n'empêche qu'un cycle économique débute par une hausse de
l'épargne non suivie par une hausse de l'investissement. Seulement,
compte tenu du caractère assez stable de la décision
d'épargner, l'investissement a plus tendance à fluctuer.
En fonction du rapport de force entre investissement et
épargne, le prix des biens de consommation fluctue, pouvant même
être inférieur aux coûts de leur production: « If the
volume of savings exceeds the cost of investment, the producers of the goods
which are being consumed make a loss; and if the cost of
investment exceed the volume of saving, they make a profit.»(p 162)
Les prix tels que perçus par Keynes dans TOM sont
parfaitement flexibles et constituent le variable d'ajustement des
marchés. Pour les deux secteurs, ils évoluent en
général dans la même direction68(*). Lorsque les producteurs de
biens d'investissement font des profits, ils ont tendance à augmenter
leurs investissements avec pour conséquence une hausse des prix des
biens de consommation et vice versa.
« The existence of profit will provoke a tendancy
towards a higher rate of employment and of remuneration for the factor of
production, and vice versa.» Ainsi pour Keynes, le profit est la variable
qui soutient l'expansion en permettant aux entrepreneurs d'employer plus et de
donner plus de pouvoir d'achat aux ménages. Pour en arriver à ce
résultat, des propos normatifs allant dans le sens d'une facilitation du
crédit et d'une flexibilité de l'offre de capital sont
énoncés.
In order that producers may be able, as well as willing, to
produce at a higher cost of production and to increase their non available
output, they must be able to get command of an appropriate quantity of money
and of capital resources; and in order that they may be willing, as well as
able, to do this, the rate of interest which command over such resources costs
must not be high as to deter them.»(p163)
Le rôle du banquier apparaît comme celui qui
détient le dernier mot concernant le volume des dépenses globales
avec un accent particulier sur le surplus d'investissement par rapport à
l'épargne. « By varying the price and quantity of bank
credit, the banking system governs the volume of investment.»
Il ajoutera: «In so far as the banking system is a free
agent acting with design, it can, by coming in as a balancing factor, control
the final outcome.»
Chez Hayek, l'accent n'est plus mis sur l'impact de l'arbitrage
présent entre consommation et épargne sur la structure de
production antérieure mais sur les critères auxquels les
entrepreneurs se référent pour établir la durée de
leurs investissement en vue d'une production future sachant que l'effet
Ricardo69(*) n'a rien
perdu de sa pertinence. Ces critères pour Keynes, c'est surtout un
crédit facile et à volonté: « fluctuations
such as those just considered are due to a change in the readiness to invest at
a given rate of interest. Besides these we also have fluctuations in the rate
of investment due to a change on the side of the rate of interest. »
p 86
C- Impact des impulsions monétaires
Hayek part d'une augmentation de la
quantité de monnaie qui passe par les mains des producteurs qui à
leur tour se procurent des biens de production. Cette répartition
artificielle rompt l'équilibre d'antan qu'avait instauré
l'investissement issu de l'épargne volontaire. Etant dans une situation
de plein emploi, l'usage supplémentaire de biens de production se fera
au détriment de la production de bien de consommation car les emplois se
mènent une concurrence70(*). Ainsi, le crédit que les banquiers accordent
aux producteurs aura pour contrepartie un tarissement des ressources
disponibles pour la consommation : « la valeur totale des
biens intermédiaires produits aux différents stades de production
au cours d'une période sera le triple au lieu du double de la valeur des
biens de consommations produits au cours de la même
période. » (p.123) Il indiquera
aussi : « l'utilisation d'une fraction plus grande de
moyens originels de productions à la fabrication de produits
intermédiaires ne peut se faire qu'au détriment de la
consommation. »(p123)
Une hausse de l'offre de monnaie dans
l'économie entraîne une augmentation des ressources des banques
secondaires qui les rend aptes à faire des crédits à
un taux d'intérêt incitatif. Une part des ressources nouvellement
mise en circulation suit un parcours financier alors que le reste trouve refuge
auprès des entrepreneurs; ceci provoque une hausse de l'investissement
soit sous forme de capital fixe ou de capital circulant avec un probable impact
positif sur le volume de production. Si toutefois l'épargne est
affectée, ce sera dans le sens d'une dissuasion due à la
faiblesse du taux d'intérêt rémunérateur des
dépôts: « there is indeed a general presumption that an
effect on saving, if any, will be opposite to the effects on investment, the
easier terms to borrowers meaning less satisfactory term to lenders, so that
what stimulate the one retards the other ». p 237
D- Mécanisme des cycles
Chacun proposera une théorie assez originale.
Malgré cela, il existe quelques affinités. Ces théories
peuvent être divisées en deux phases. La première est
caractérisée par une hausse des prix ainsi qu'une euphorie tandis
que la deuxième inaugure un retour à la réalité.
Leur opposition sera plus basée sur des convictions que sur les faits
majeurs pour lesquels ils semblent être en accord.
-La première phase
Hayek nous dit que le niveau de l'épargne a une influence
sur le nombre de stade, de même que le niveau de crédit
accordé suite à une création monétaire71(*).
Une hausse de l'épargne disponible pour les entrepreneurs
suite à un crédit facile rend l'épargne volontaire
inférieure à la volonté d'investissement des entrepreneurs
et certains ouvrages qui jadis n'étaient pas rentables le deviennent du
fait de l'inflation qui se déploie dans l'économie.
Conséquence : un flux migratoire de facteurs de
production naîtra des secteurs des biens de consommation vers ceux des
biens d'investissement qui connaît une expansion rapide.
Cette migration entraîne une baisse de la production des
biens de consommation entraînant, toutes choses égales par
ailleurs, une hausse de leurs prix : « la hausse des prix des
biens de consommation offre momentanément des perspectives de profits
supplémentaires aux entrepreneurs. » p.160
Dans ce qu'il considère comme la première phase du
cycle, Keynes fera des observations pareilles à celles de Hayek
concernant le premier cas de figure72(*).
Le raisonnement de Keynes part d'un regain de confiance
grâce auquel les entrepreneurs sont incités à investir. Les
prix ne seront affectés qu'à la fin du processus au cours duquel
ni les rémunérations, ni le volume de l'out put ne varient.
Après l'écoulement d'une période entière de
production, la quantité de biens de consommation produite baisse au
profit de la production de biens d'investissement et leurs prix augmentent.
Ceci correspond à la phase de hausse des prix dans le cycle ; phase
pendant laquelle les prix des biens augmentent plus que les coûts de
production : «In any case, the characteristic conclusion of the
primary phase of the credit cycle consists in a rise of the consumption
price level out of the proportion to costs.» p.255
-La perte de pouvoir d'achat des ménages
L'écart entre la quantité de biens que les
consommateurs veulent acquérir et celle qu'ils peuvent acquérir
compte tenu de l'inflation est le contenu saillant du concept d'épargne
forcée et a pour conséquence l' allongement (tandis que chez
Keynes ce serait un élargissement) du processus de production. L'absence
de consentement à cette renonciation est bien ressortie par Hayek en ces
termes : « Il ne fait pas de doute que si leur revenu
nominal augmentait à nouveau, ils essaieraient d'accroître leur
consommation pour rétablir la propension moyenne à consommer
habituelle. »(PP, p.123).
Keynes retient le terme imposed lacking pour caractériser
la perte du pouvoir d'achat de la monnaie suite à une augmentation du
prix des biens. En cas d'income inflation avec augmentation de la production,
le terme retenu sera induced lacking.
Imposed lacking sert à financer la hausse de
l'investissement alors que ceci n'est vrai pour induced lacking que lorsqu'il
correspond à l'épargne. Ainsi induced lacking est une source de
financement légitime contrairement à imposed lacking qui est
à la fois autoritaire et arbitraire. Les deux toutefois s'additionnent
à l'épargne pour rehausser le niveau de l'investissement.
- Deuxième phase
Cependant, cette répartition peut elle se maintenir
indéfiniment ?
Le premier flux migratoire est donc au profit du secteur des
biens d'équipement qui connaît une effervescence. Pour Hayek,
cette augmentation des prix a un effet aspirateur en ce qu'elle attire les
facteurs de production vers les secteurs en ébullition. Keynes parle
aussi de cette migration des facteurs vers les secteurs qui sauront mieux en
faire usage en en extrayant une productivité plus élevée.
Cela est possible grâce au bon fonctionnement du mécanisme des
prix qui permet l'orientation des facteurs de production vers les stades (pour
Hayek) ou secteurs (pour Keynes) qui leur offrent une
rémunération plus avantageuse que d'autres73(*).
Au sens de Hayek, la migration en vue d'augmenter la production
de biens d'investissement va entraîner une hausse de la demande de
travail dans ce secteur et sera suivie d'une augmentation du pouvoir d'achat
des ménages grâce à la hausse des revenus qui leurs sont
versés entraînant une hausse de la demande de biens de
consommation. Pour Keynes, la seconde phase a les caractéristiques
suivantes : le surplus d'investissement entraîne une hausse des prix
dans une proportion plus élevée que celle des coûts de
production permettant aux entrepreneurs d'enregistrer des records de profit et
au commerce d'entrer dans une phase d'effervescence. L'investissement qui, au
début était sous des aspects fixes et liquides tend à
devenir plus circulant. La concurrence entre entrepreneurs pour disposer des
meilleurs services les poussera à offrir des rémunérations
plus élevées pour la pérennité de leurs
profits ; rémunérations qui augmenteront le pouvoir d'achat
des ménages :
« The consequence of a change in price due to the
inequality of investment and saving, as we have seen in chapter 11, is to give
a windfall profit to entrepreneurs. Under the stimulus of these profits the
secondary phase of the transition is introduced. For the stimulus of the
profits influences entrepreneurs to bid more eagerly for the services of the
factor of production, and so causes the rate of efficiency earning to increase,
whether or not this has already occurred to a certain extent in the primary
phase. » p 238
Il s'ensuit, chez Hayek,une nouvelle répartition du flux
monétaire entre dépenses de consommation et dépenses en
investissement, nouvelle répartition qui cette fois ci
est le fait des individus par opposition à la répartition
artificielle suite à une ingérence des
autorités monétaires ; et parce que cette nouvelle
répartition est issue d'un arbitrage volontaire et
autonome des agents économiques,elle aura tendance
à ramener l'économie vers
l'équilibre : « le flux
monétaire sera immédiatement redistribué entre
utilisations pour la consommation et la production selon les désirs des
individus concernés,et la répartition artificielle,due à
l'injection de monnaie nouvelle ,sera compensée au moins
partiellement. » (p124).Il y'aura une tendance vers le
rétablissement des anciennes propositions, celles qui équilibrent
l'économie. L'on passera d'un arbitrage au profit de la consommation,
vers une substitution de la consommation à la production.
Pour Keynes, à ce stade, l'impulsion monétaire
à l'origine de l'expansion est, pour une très large part,
déjà assimilée par la circulation industrielle et la
raréfaction de capital circulant annonce le début de la phase de
contraction.
Peut on considérer que les racines de la seconde phase
se trouvent bien encrées dans la première Keynes
dira : « Whether or not the primary phase contains within
the seeds of a reaction, the secondary phase necessarily does.» Hayek par
contre soutient que les causes de la dépression doivent être
trouvées dans l'euphorie artificiellement engendrée par les
interventions du système bancaire.
Chez Keynes, la rigidité du crédit comprime la
demande dans les deux secteurs entraînant une baisse des prix ; des
pertes74(*) sont
enregistrées et le chômage connaît un essor alors qu'au
même moment la rémunération des facteurs de production
connaît une pression vers la baisse. C'est la phase de contraction.
Pendant cette phase, la baisse de la consommation productive au profit de la
consommation improductive entraîne une baisse de la production. La
détérioration du capital circulant n'est pas compensée par
l'augmentation du capital liquide surtout durant les dernières phases de
la récession : « before the slump has touched
bottom, the decrease in working capital far outstrips any increased in liquid
capital. »p.118
Cependant dans l'analyse de Hayek, les prix des biens de
consommation augmentent et la structure des prix relatifs se modifie. La
fabrication de certains biens de production suite à l'épargne
forcée est abandonnée et le nombre de stades tend vers son niveau
initial. Ce résultat fut intuitivement énoncé par Mises
dans Théorie des Geldes Und Umlaufsmittel en 1912.
Afin de maintenir les emplois précédemment
crées, des crédits supplémentaires devraient être
octroyés avec comme corollaire un regain d'inflation dont le processus
cumulatif se transformera en hyper inflation avec des unités de
production parasites. Supposant que les crédits devront s'estomper
tôt ou tard, Hayek enchaîne en soutenant que l'économie
diluera de sa teneur en capital : « la production devient
moins capitalistique et la fraction du capital nouveau qui était
incorporé aux équipements exclusivement adaptés aux
processus plus long, sera perdue.» C'est la contraction. En d'autres
termes, l'économie, suite à une expédition mal
coordonnée, malgré quelques avancées est contrainte de
rétrograder, de faire une régression afin de se retrouver
à une phase qualitativement différente. Elle peut ne pas
être pareille à celle d'avant impulsion
monétaire : « Il n'est pas nécessaire que le
rapport de la demande de biens de consommation et la demande de produits
intermédiaires reprennent exactement sa valeur antérieur
dès que cesse l'injection de monnaie nouvelle. »
Le travail prophylactique en vue d'une structure
économique dynamique et viable sera d'autant plus long et lourd que la
planche à billets aura tourné. Le chômage augmentera suite
à la faillite des entreprises parasites nées de l'épargne
forcée et l'inflation sera toujours de rigueur d'où la
stagflation que le keynésianisme considère comme potentiellement
impossible.
E- Critique de la théorie de Hayek
Après la lecture de sa théorie des cycles, l'on
pourrait se demander si ce qu'il décrit correspond à la
réalité même si nous acceptons la réflexion de
Marx : « si le mode de manifestation et l'essence des
choses coïncidaient, toute science serait superflue », celle
de Gaston Bachelard75(*)
: « toute objectivité dûment
vérifiée dément le premier contact » celle de
Lénine : « L'essence ne se voit pas à la surface, elle
est dissimulée, inaccessible à l'observation directe. On ne peut
la remarquer qu'au cours d'une longue étude......
Connaître76(*)
l'essence est indispensable, parce que les phénomènes conduisent
souvent à une vue erronée des processus. »,et
même celle de Amadou Hampâte Bâ77(*) « certaines
vérités ne nous paraissent invraisemblables que , tout simplement
parce que notre connaissance ne les atteint pas. »
Sraffa en 1932 dira : « N'était il
pas paradoxal en effet de considérer l'apparition des crises comme
inéluctable dés lors que se développe dans le cours du
cycle la demande pour les biens de consommation ?
Hansen en 1933 dira, comment expliquer que la demande de biens de
consommation puisse exercer une influence aussi négative sur la
production des biens de production puisque, non seulement ceux-ci servent
à produire les biens de consommation mais que, de surcroît, ils
dépendent directement de la demande en provenance des industries de
biens de consommation ? Pourquoi donner tant d'importance à
certains phénomènes peu significatifs et laisser dans l'ombre
tout le débat sur le postulat de l'équilibre et du plein
emploi ? (Kaldor, 1942)
Hayek lui-même admettra que sa théorie est insolite
mais seulement de prime abord.
F- L'intérêt des cycles chez Keynes
Keynes ne considère pas que le rôle du
système bancaire doit être de militer pour la stabilité des
prix et donc d'éliminer les fluctuations. Il s'appuie sur Mr D.H
Robertson qui insiste sur les bienfaits des cycles dans une
société progressiste malgré les difficultés
auxquelles ils peuvent mener. « The credit cycle, though guilty of
disastrous excesses and grave crime, has a part to play in a progressive
society, and an attempt to check it altogether might produce stagnation as well
as stability;» p 269 vol I; Schumpeter comme Hayek reconnaitront que les
cycles en economie sont liés à des progres rapides. Robertson
accepte le principe selon lequel une hausse du prix des biens entraîne
une hausse rapide de leur production et donc une augmentation de la richesse
sociale. «The commodity inflation phase of a credit cycle, so long as it
lasts, causes the wealth of the community to increase faster than would
otherwise be the case».p263 vol I
Seulement Keynes, malgré son adhesion à cette
analyse qu'il qualifie de « undoubtedly true » y met un
bemol en reconnaissant l'existence de conditions pour lesquelles l'inflation a
un impact positif dans l'économie : «it should be noticed that
commodity inflation cannot be used for continuously raising the rate of wealth
accumulation. It is only useful for the purpose of producing a short, sudden
spurt «.
p 264 (PTM)
L'inflation permettrait donc à l'économie de faire
le plein emploi de ses ressources de mobiliser une richesse potentiellement
existante mais pour diverses raisons reste enfouie dans les entrailles du
système économique. Cette augmentation des prix est donc
salvatrice et permet un essor rapide de l'économie. A l'inverse la
déflation constitue un frein à la croissance en ce qu'elle
décourage l'investissement et occasionne des pertes « during the
nineteenth century, the greatly increased wealth of the world was predominantly
accumulated by commodity inflation» p264
Par ailleurs, les progress obtenus compensent largement
l'injustice qu'avait engendrée l'effet repartition issu de l'inflation:
« The advantage to economic progress and the accumulation of wealth
will outweigh the element of social injustice especially if the latter can be
taken in account and partially remedied, by the general system of taxation-and
even without this remedy if the community starts from a low level of wealth and
is greatly in need of a rapid accumulation of capital ». pp 267-268
vol I
Lors de la phase d'expansion, il existe une effervescence de
l'activité industrielle et financière : les impulsions
monétaires permettent aux entrepreneurs d'augmenter leurs
investissements permettant une hausse de la production, des prix, des profits
et de la rémunération des facteurs. La phase dépressive
se caractérise par un ralentissement de l'activité industrielle
et financière suite à un déficit de capital circulant.
Cette vision de Keynes présente des affinités avec celle de
Hayek pour qui reconnaît qu'une inflation puisse créer des emplois
et de la richesse : « Il n'a, bien entendu jamais
été nié que l'emploi pourrait être rapidement
augmenté et une situation de plein emploi atteinte dans les plus brefs
délais en ayant recours à une expansion monétaire, au
moins par tous les économistes dont la vision a été
influencée par l'expérience d'une inflation majeure. Tout ce qui
a été soutenu est que le type de plein emploi qui peut être
réalisé de cette façon est intrinsèquement instable
et que, créer des emplois par ces moyens, revient à
perpétuer les fluctuations. » p. 55 (Avant propos de PP).
Perpétuer les fluctuations, Keynes ne serait pas contre.
D'ailleurs il propose à ce que ceci soit volontairement
provoqué : « « a policy of monetary management
which engineered a commodity inflation from time to time when it seemed that
deflation to follow, might do good.» pp 264-5 (vol I)
Keynes ne serait pas gêné de voir une
instabilité économique allant dans le sens d'une augmentation des
valeurs des agrégats de référence (emploi, production,
consommation, investissement...) tandis que Hayek ne se soucie guère de
savoir la direction prise par l'evolution à partir du moment que
celle-ci est instable et déséquilibrée.
A son sens,la déflation ne présente aucun
intérêt majeur pour une économie. Si elle permet une
compétitivité artificielle vis-à-vis de
l'extérieur, elle entraîne des pertes pour les entrepreneurs ainsi
que le chômage des facteurs de production tandis que l'inflation a des
effets opposés. Bien qu'il existe une certaine injustice qui consiste
à transférer de façon obligatoire des ressources des
consommateurs aux entrepreneurs, l'intérêt de l'inflation se
trouve dans le progrès globalement réalisés et qui se
mesurent en termes d'emploi, de richesse sociale, d'innovation, de regain de
confiance ainsi que d'une effervescence de l'activité économique.
Pour Keynes, « it is certain that the opinion, that the real wealth
of the community increases faster during a depression than during a boom must
be erroneous. For it is a high rate of investment which must necessarily but
definition be associated with a high rate of increment of increment of
accumulated wealth » p 246 vol I
CONCLUSION
Pour Hayek, il existe une portion de la production totale
à consommer tandis que l'autre est à investir. Tant que ce
rapport est respecté, il n'y aura jamais de crise. Cependant dés
qu'on y déroge, grâce au concours du crédit,
l'économie devient perturbée et les fluctuations doivent
être perçues comme des efforts en vue de rétablir
l'équilibre. Hayek prône un certain fatalisme devant la
crise : « Nous pouvons peut être prévenir une
crise en contrôlant l'expansion à temps , mais,une fois
déclarée, nous ne pouvons rien faire pour en sortir avant son
terme naturel. » p.171 P-P
Ce qui importe, c'est de rétablir le mécanisme
des prix. L'unique façon pour remédier aux crises consiste
à laisser la parole au mécanisme naturel des prix afin d'assurer
l'autoreproduction et une croissance aux pas à pas et non une croissance
aux pas de course telle que le voudrait Keynes. Plus tard Hayek proposera une
solution radicale qui consisterait à déposséder de l'Etat
du monopole monétaire78(*). Cette théorie que certain qualifie de
« marotte un peu bizarre » est un véritable
procès à l'encontre de la politique de l'argent facile et de
l'intervention à outrance de la puissance publique.
Mieux vaut, à son avis, prendre le temps qu'il faut pour
mettre en place un tissu économique à base de secteurs
productifs viables et rentables quelque soient les sacrifices que cela
nécessite que de provoquer une profusion de secteurs parasites non
rentables qui ne trouvent plus rien à offrir dés que la
réalité reprend le dessus sur les artifices. L'excès de
liquidités bancaires finit par noyer le mécanisme des prix qui
seule parvient à faire bénéficier l'économie d'une
forme de coordination parfaite. Il n'est donc pas erroné de dire que
durant le cycle, le système des prix est écarté du jeu
économique tandis que la régulation se fait de façon
irrationnelle. Keynes soutiendrait l'exacte inverse. Durant le cycle, l'absence
de liquidités bancaires pour suivre les cadences de l'expansion finit
par coincer le mécanisme des prix et céder la place aux esprits
animaux. Ainsi, il faudrait l'intervention des autorités
monétaires pour rétablir la confiance et créer pour le
système des prix les conditions d'un fonctionnement adéquat. Il
ne considère pas que le cycle en soi soit néfaste pour
l'économie. C'est uniquement lors de la phase de déflation qu'il
constate des pertes d'emploi et de richesse. » There is one general
conclusion which legitimately emerges from this discussion, namely that the
principal evils of a credit cycle are due to its deflation phase and no to its
inflation phase ». p267 vol I
Les fluctuations relèvent de la différence entre le
volume du crédit octroyé par le système bancaire et le
volume optimal qui assurerait le plein emploi tandis que Hayek
considère, partant d'une position d'équilibre, qu'elles sont dues
à une injection monétaire sans rapport avec la croissance de la
production. Cette analyse, il la partage avec Friedman. Au sens de ce dernier,
la crise demeure évitable à partir du moment où la
croissance monétaire est calquée sur la croissance de
l'économie. Il semblerait que l'objectif de Keynes soit le plein emploi
tandis que celui de Hayek demeure l'équilibre.
La compréhension de l'analyse économique
d'un auteur passe par sa perception de la nature et du rôle de la monnaie
dans les cycles économiques. C'est valable aussi bien pour Hayek que
pour Keynes. Tous deux l'appréhendent en tant que réponse
à l'incertitude et à la temporalité intrinsèques
à l'échange indirect. En d'autres termes, il l'envisage en tant
qu'instrument au service des anticipations des agents. Cependant, alors que
Keynes se réjouit de sa gestion par l'Etat et la présente comme
un élément qui se fond dans l'économie avec de possibles
vertus de dynamisation selon la posologie, Hayek lui reconnaît des
caractéristiques assimilables à celles du dopage et se
félicite des capacités du système économique
à corriger les abus étatiques avant de rétablir
l'équilibre. Keynes lui attribue des vertus messianiques tandis que
Hayek la considère source des maux dont souffre l'économie.
La source de leurs divergences est comme l'auront notée
Steele et Dostaler purement normative. Elle relève souvent
d'hypothèses arbitraires et de convictions purement personnelles. Hayek
conçoit que les crédits s'estompent alors que rien
n'empêche leur poursuite.Il reconnaît d'ailleurs l'aspect
fondamental de l'analyse de Keynes à savoir qu'une politique
monétaire expansionniste puisse engendré un progrès bien
qu'instable. Il est opportun de se demander pourquoi Hayek n'a pas
analysé ce qui devrait être fait comme politique, une fois
arrivé à une expansion rapide grâce au crédit
facile, pour maintenir les emplois et la richesse qu'ils auront permis
d'accumuler car cette situation bien artificiellement provoquée et
instable est plus avantageuse qu'une situation certes équilibrée
mais associée à un chômage et à un potentiel de
croissance inexploitée. Par ailleurs, Hayek reproche à Keynes de
faire usage des agrégats pour établir des relations qui ne
traduisent en rien la réalité économique et au même
moment, il fait usage du taux naturel et le compare au taux monétaire
alors que celui ne peut constituer qu'une moyenne de l'ensemble des taux de
profit existant au sein de l'économie.
Si pour Hayek,il existe une proportion entre secteur des biens
de consommation et celui des biens d'équipement telle que
l'économie soit en équilibre, cela voudrait dire que ce rapport
pourrait être atteint à des niveaux de production
différente. Peut être qu'il devait indiquer à quoi tient ce
rapport afin que dés les premiers moments du cycle que l'on puisse
éviter la dépression en adaptant le niveau de consommation par
une hausse des salaires, des crédits ou des dépenses publiques en
vue de l'instauration d'une telle proportion vu que c'est les biens de
production qui sont en excès.
Apres avoir expliqué la crise (origine,
manifestation.. .), Hayek devait nous dire comment s'effectue la reprise
et dans quelle mesure une politique économique permettrait
l'amélioration de la situation. A mon humble avis, sous réserve
d'avoir compris ses analyses, il aurait pu trouver la proportion grâce
à laquelle entre les deux secteurs de l'économie il n'y aurait
pas de distorsions majeures. Par exemple si la proportion était de 2/3,
c'est-à-dire pour deux unités de bien de consommation, il
faudrait trois unités de biens de production, en produisant 1000
unités, on pourrait affecter 600 à la production et 400 à
la consommation et si la production est de 5000, on affecterait 3000 à
la production et 2000 à la consommation et l'on resterait toujours en
équilibre cependant il s'agirait d'un équilibre quantitativement
supérieur puisqu'il sera associé à plus de richesse et
sûrement moins de chômage. Peut être que c'est dans cette
logique que se trouve Keynes. Il propose dans le Treatise une intervention
neutre qui consiste à mettre à la disposition de qui veut des
ressources pour financer ses activités. Le planificateur peut être
est aussi dans la même logique à la différence qu'il n'a
pas du tout confiance au marché contrairement à Keynes qui
semble être à mi chemin entre ces deux systèmes entre
lesquels l'opposition de procédure est sans appel même si
l'objectif final reste le même pour tous : plus de richesse, moins
de chômage dans les plus brefs délais et de façon
durable.
Tentons une petite comparaison :
Hayek
Cause du déséquilibre :
L'Etat par le biais de son incarnation financière, la Banque
Centrale.
Remède au
déséquilibre : le marché grâce à la
vigueur de son mécanisme des prix
Keynes
Cause du déséquilibre : en
partie le marché du fait qu'à partir d'un certain seuil ses
mécanismes deviennent défaillants
Remède au
déséquilibre : l'Etat grâce à l'injection de
liquidités au moment opportun.
Le planificateur
Cause du déséquilibre : le
marché pour son incapacité à coordonner correctement
Remède au
déséquilibre : le tout Etat
Toutefois devant ce qui semble être à
première vue une opposition radicale, nous allons essayer de
dégager des affinités analytiques qui témoignent d'un
socle de vision commune.
Hayek, bien que considérant les crédits issus d'une
création monétaire comme responsables des crises reconnaît
que leur poursuite permettrait de générer un surplus en termes de
richesse et d'emplois, exactement comme Keynes. Etant en accord sur le
rôle du crédit (inflation, emploi et richesse à court
terme) et sur les conséquences de son arrêt (dimunition du capital
dans l'économie, perte d'emploi et de richesse) et de sa reprise (regain
d'inflation accompagné de plus d'emplois et de richesse...) leur
divergence semble plutôt normative ;l'un préfère, me
semble t'il, l'arrêt du crédit et donner à
l'économie le temps de purger les interventions à l'origine des
fluctuations afin de générer un nouvel équilibre tandis
que l'autre juge urgent de continuer les crédits afin de
pérenniser la phase d'ascension de l'économie sans guère
donner une importance capitale à la notion d'équilibre que le
premier trouve sacré.
Derrière ce qui semble être une divergence totale,
un examen plus approfondi devrait permettre de déceler un socle
conceptuel et analytique commun. Bien que n'ayant pas eu l'intelligence de lire
Schakle, nous sommes déjà bien préparés à
accepter ses conclusions ou tout au moins en partie.
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Steele, G.R: Hayek's theory of money and
cycles :Retrospective and Reappraisal, Journal of Money Credit and Banking
editorial office, December 2002
-Zouache Abdallah, 2003, Le problème de la coordination
dans la controverse Hayek-Keynes, Recherches économiques de Louvain,
459-476
- Zouache Abdallah, On Microeconomic foundations of
Macroeconomic in the Hayek-Keynes controversy, August 2005
LE PLAN
INTRODUCTION
3
Sommaire
10
CHAPITRE I Philosophie générale
de Hayek et de Keynes
Section I Biographie de Keynes
11
Section II Biographie de Hayek
14
Section III Contexte de la controverse
18
Section IV Philosophie Economique
21
A- Philosophie économique de Keynes
21
B- Philosophie économique de Hayek
26
- Le primat impérieux du
marché
-L'impératif moral du
marché et le refus de l'intervention de l'Etat
C- La place de la rationalité dans ce
débat 31
Section V Epistémologie
A- Méthodologie
33
B- Science naturelle ou science sociale
36
C- Limites entre le normatif et le positif
37
D- Les statistiques
39
E- Analogie du débat entre
libéraux et interventionnistes à celui entre partisans de
l'hypnose et ceux de la psychanalyse
41
CHAPITRE II LES CONCEPTS DE BASE
Section I Investissement et Epargne chez Keynes
A- L'investissement
44
B- Fluctuation du capital circulant
46
C- Financement de l'investissement
49
D- L'épargne
51
E- Relation investissement- épargne
53
Section II Le taux d'intérêt
A- La nature du taux d'intérêt
55
B- Le rôle du taux d'intérêt
55
Section III La théorie autrichienne du capital
57
A- L'apport de Menger
B- L'apport de Boehm Bawerk
C- L'apport de Hayek
Section IV Le mécanisme des prix
59
A- Le rôle des prix
B- Keynes et les prix relatifs
62
CHAPITRE III DIVERGENCES ET CONVERGENCES SUR LES
CYCLES
Section I Les Aspects généraux de leurs
théories 64
Section II Les causes du cycle
67
Section III Les précurseurs de Hayek
69
Section IV Les différences d'approche
71
Section V Les théories non monétaires
73
A- les théories critiquées
par Hayek 73
B- Les théories critiquées
par Keynes 76
-Les théories du
surinvestissement
-Les théories du capital
fixe
Section VI Convergences et divergences
A- les théories monétaires du cycle
78
B- Découpage de l'économie
80
C- Impact des impulsions monétaires
82
D- Mécanisme des cycles
83
-La première phase
-La seconde phase
E- Critique de la théorie de Hayek
88
F- L'intérêt du cycle chez Keynes
89
Conclusion
91
Bibliographie
96
* 1 Une controverse n'est pas
forcément négative. Elle devrait nous pousser à continuer
la réflexion
* 2 Toutefois, nous ne faisons
pas d'illusions. L'accueil que reçoit une théorie surtout dans le
domaine des sciences sociales dépend moins des arguments
véridiques qu'elle contient que du ton affectif à travers lequel
elle est présentée. En effet les éléments efficaces
de persuasion ne sont ni les faits ni la raison, mais l'émotion.
* 3 E.B Tylor, Primitive
culture, Tome 1, 1903
* 4 La thèse lamarckienne
selon laquelle les caractères acquis seraient
génétiquement transmissibles est un exemple d'idéal pris
pour la réalité.
* 5 Délire chronique
où dominent les perceptions sans objet (hallucinations)
* 6 Les universitaires
s'abstiennent généralement d'évoquer leurs
différences d'opinions subtiles ou différentielles
* 7 Rendre
géométrique la représentation, c'est-à-dire
dessiner les phénomènes et ordonner en série les
événements décisifs d'une expérience,
voilà la tâche première où s'affirme l'esprit
scientifique. Bachelard
* 8 Lorsqu'on se trouve face
à des choses simples dont l'acquisition ne nécessite pas ou
presque pas énormément d'apprentissage, nous pouvons dire que
nous sommes sur une ligne droite. On n'aurait vraiment pas besoin d'indications
et on peut se laisser aller au gré du vent : aurait on besoin d'une
théorie d'absorption de l'eau pour une personne adulte
autonome ?
Cependant, la réalité peut devenir complexe et
s'assimiler à une forêt ténébreuse dans laquelle
pour s'orienter vers l'essentiel, il faudrait un guide. Cette complexité
atteint son paroxysme lorsqu'elle s'apparente à un labyrinthe : la
caractéristique essentielle et différentielle de cette situation
est que l'on peut s'y perdre sans s'en rendre compte. Dés lors, le fil
d'Ariane s'avère être une nécessité dans ces
réalités multidimensionnelles et dynamiques. Probablement, la
théorie économique remplit la même fonction en
économie. Donc, une théorie est une tentative de compte rendu sur
l'essentiel de phénomènes ou faits ayant eu cours ou étant
en cours. Son objet est de servir de guide, de fil d'Ariane afin d'explorer
convenablement le dédale que constitue chaque situation complexe.
* 9 Marx disait : les
philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde différemment alors
qu'il importe de le transformer...
* 10« Ce que je dis
toujours est que l'histoire de la pensée économique n'est
rien d'autre qu'une façon de présenter l'économie
politique qui est une science sociale : l'exposé neutre n'y existe
pas ; on a toujours ses préférences, qu'on le dise ou qu'on
ne le dise pas. » Professeur Makhtar Diouf, Université
Cheikh Anta Diop Dakar
* 11 Assez proche d'un certain
fatalisme quand même
* 12 Concept hayekien
totalement absent du paradigme keynésien.
* 13 Mise en relation de deux
ou de plusieurs concepts, considérés avec discernement.
* 14 Etudier l'histoire, c'est
montrer le lien qui unit hier a aujourd'hui.
* 15 Histoire de la
Pensée Economique
* 16 Il faut comprendre l'homme
avant de comprendre l'oeuvre et comprendre la vie pour situer l'oeuvre.
* 17 Cela aurait
nécessité une fastidieuse forme d'organisation à la quelle
nous ne sommes pas bien préparés.
* 18 Il reste à
élucider les conflits qui ont dû habiter Keynes pour qu'il soit si
généreux pour une personne issue de la bourgeoisie. En
général, ceux-ci veulent garder à tout prix leurs
privilèges et être seuls à en jouir...
* 19 Seulement autodidacte
ne veut nullement dire limité ou profane. Il serait judicieux de
rappeler que les premiers économistes ont pour la plupart était
des philosophes (Platon, Aristote...) ; Karl Marx s'est tout seul
guidé dans les méandres d'une littérature pourtant
très touffue en ces périodes.
* 20
En développant les travaux de Mises, Menger et autres,
Hayek nous indique que la connaissance n'est pas statique. Elle est constamment
mobile, en évolution. Ce développement s'exprime par le mouvement
qui va de l'intuition vivante à la pensée abstraite et d'elle
à la pratique. Tel est le chemin nécessaire de la connaissance du
vrai, de la réalité objective que notre cerveau a pour mission de
refléter grâce au caractère sélectif de la
réflexion par opposition aux velléités de
généralisation abusive de l'inconscient.
* 21 Le seul terrain qu'il ne
semble n'avoir jamais essayé de conquérir semble être
l'économie du développement et cela devrait être lié
au rôle primordial qu'y joue la puissance publique. Il ne serait pas
surprenant de voir l'émergence de faculté où on
enseignerait que la pensée de Hayek and Co.
* 22 Ils se sont laissés
aller à des diatribes qui ne font vraiment pas la fierté de notre
discipline : « On se souvient que Gunnar Myrdal, co-laureat
avec Hayek du Prix Nobel d'économie en 1974, avait déclaré
peu aimablement que ce dernier n'ait « certainly never been much
troubled by epistemological worries », provoquant d'ailleurs chez
l'interessé une riposte aussi peu civile que
l'attaque : « I don't think he has ever been a good
economist. » Bornier, J.M (Recension d'ouvrage).
* 23 Célèbre
hôpital psychiatrique de Londres.
* 24 Comme toujours, les
auteurs se montrent plus experts dans les critiques qu'ils s'adressent les uns
aux autres que dans la partie positive de leurs travaux.
* 25 Pour Keynes,
l'efficacité du système économique implique une
ingérence humaine ; il n'est pas question de laisser les forces de
la nature, à travers le marché, avoir le dernier mot. La nature ,
tant qu'elle a le dernier mot, exige des hommes de prendre leur mal en patience
alors que les hommes, ayant une plus grande maîtrise de leur appareil
productif grâce au soutien de la science peuvent imposer leur rythme (pas
forcément par le biais d'une planification) et subvenir à tous
aux besoins de leurs semblables.
* 26 . La théorie
économique n'était pas pour Keynes une construction abstraite
coupée de la réalité. Il s'agissait de comprendre, en
particulier, pourquoi les économies capitalistes ne parvenaient pas
à générer spontanément le plein emploi, comme
l'enseignait la théorie orthodoxe, qui tenait les mécanismes
autorégulateurs du marché pour suffisants à cette fin.
(Dostaler, Mars 2003, vol.79)
* 27 Dans son introduction
à la théorie générale, Keynes insiste sur le
caractère macroéconomique de son approche :
« Nous avons donné à notre
théorie le nom de théorie générale. Par là
nous avons voulu marquer que nous avions principalement en vue le
fonctionnement de l'économie dans son ensemble, que nous envisageons les
revenus globaux les profits globaux, la production globale, l'emploi global,
l'investissement global et l'épargne globale bien plus que les revenus,
les profits, la production, l'emploi, l'investissement et l'épargne des
industries, d'entreprises ou d'individus considérés
isolément. Et nous prétendons qu'on a commis des erreurs graves
en étendant au système pris dans son ensemble des conclusions qui
avaient été correctement établies en considération
d'une seule partie du système prise isolément. »
* 28 Le taux de profit
escompté ou efficacité marginale du capital est une estimation
des rendements futurs qui doivent être obtenus sur les investissements
productifs. Il est incertain et est influencé par des facteurs
subjectifs
* 29Le succès de Keynes
aurait pu revenir à un auteur polonais, Michal Kalecki.
La découverte du principe de la demande effective,
Keynes le doit certainement à l'insuffisance de ses lectures. En 1933,
Kalecki, économiste polonais, dans « Essays in the Theory of
Business Cycles » établissait ce principe sous forme
mathématique.
Critiquant la théorie orthodoxe du chômage, il
affirme qu'une baisse des salaires se traduit par une réduction du
pouvoir d'achat qui à son tour entraîne une baisse de la demande
des biens de consommation et de la main d'oeuvre nécessaire à sa
production. Ainsi, le remède néoclassique à la
dépression est névrotique pour Kalecki30.
A son sens, il faudrait une augmentation de l'investissement qui
à son tour entraîne celle de l'emploi. Il remarque que si une
augmentation peut se déclencher de façon spontanée, une
politique économique, par substitution de la nécessité au
hasard, doit pouvoir délibérément mettre en place des
projets qui, sans cela n'auraient pas été entrepris.
L'essence de l'analyse économique de Kalecki se
synthétise comme suit : « les salariés
dépensent ce qu'ils gagnent et les capitalistes gagnent ce qu'ils
dépensent. »
Par ailleurs, Kalecki s'intéresse à la formation
des prix en termes de coûts auxquels on ajoute une marge
bénéficiaire. Il attira l'attention sur le fait qu'il y'a deux
systèmes de formation des prix dans l'économie modernes, l'un qui
est dominé par l'offre et la demande, l'autre par les coûts et le
profit.
Il s'agit d'un argument au secours de la vision
keynésienne qui présente l'inflation comme le fruit du dialogue
social et non un problème purement monétaire comme le voudrait
Hayek. Par contre, il nie toute véracité à l'analyse de
Keynes qui soutient que toute augmentation de la production est entachée
de deséconomies d'échelle et donc nécessiterait une
hausse des prix de vente. Il affirme que la plupart des secteurs productifs de
l`économie connaît des rendements d'échelle croissants.
L'inflation au sens de Kalecki est d'abord une
conséquence de la lutte pour le partage de la valeur ajoutée
entre le capital et le travail. Pour sa maîtrise, une politique de
revenus s'avère nécessaire : l'Etat doit réunir les
conditions d'une répartition à la fois socialement et
économiquement acceptable. Il s'agit de trouver la répartition
salaire -profit pour laquelle le niveau des investissements qui en
résulte permet d'assurer le plein emploi. Cette politique de revenus
pourra être renforcé par une politique industrielle dont
l'objectif serait de rendre la production plus flexible.
Par ailleurs alors que Keynes espérait que, une fois
l'économie de marché réformée, le plein pour effet
la disparition de la pauvreté, une baisse permanente du taux
d'intérêt et une euthanasie du rentier31, Kalecki met
en garde contre les dérives gouvernementales dans le même esprit
de celui de l'Ecole de Virginie.
* 32 Le refus d'un
crédit non engendré par une épargne préalable n'est
pas une contrainte externe, ni une objectivité mais un
élément de la logique interne à la pensée de Hayek
et plus particulièrement en la nécessité de passer par la
compétition pour faire éclore les talents.....S'il existe une
constante chez Hayek c'est de tout faire pour que l'efficacité
spontanée ne soit pas entamée...
* 33 Human dignity rests upon
the exercise of initiative and the acceptance of personal responsibility
* . 34 Menger dira :
plus la civilisation d'un peuple s'élève et plus les hommes
scrutent profondément la véritable essence des choses et leur
nature spéciale, plus le nombre des produits réels devient plus
grand et celui des biens imaginaires, petit.
* 35 Modification du
comportement résultant d'expériences
répétées. « Successful practices are not
born of the intellect. They are propagated through imitative learning and, at
their highest level, they become enshrined in the common law.»
* 36 Le rejet de Hayek de toute
intervention de l'Etat n'a d'équivalent chez Keynes que dans sa
volonté de faire du rentier un métier du passé. Ils ont en
commun la conception que toute activité de leur part est source
d'inefficacité.
* 37 Questionnement de Mark
Blaug
Pour Blaug, l'objet des études en économies est la
transmission de connaissances concrètes du système
économique et non un formalisme vide qui consiste à valoriser
l'aptitude à résoudre des puzzles. Il s'agit, sans
procéder à une négation de l'économie abstraite, de
se demander comment fonctionne réellement l'économie. En ce sens,
comme l'a bien remarqué Hayek, la théorie économique
néoclassique n'apporte guère de satisfaction pour qui veut
comprendre comment le monde économique est régi. Il poursuit en
soulignant qu'un intérêt pour les phénomènes
économiques n'est fécond que lorsqu'il se prolonge dans la
politique économique qui a pour objet l'amélioration des affaires
économiques, l'éradication de la pauvreté, une plus grande
équité dans la répartition des revenus et des richesses,
la lutte contre les dépressions...Et cela n'est possible qu'avec une
bonne maîtrise des principes fondamentaux de l'économie
réelle.
En effet, l'économie doit être une science empirique
ayant pour objet un monde meilleur et en ce sens la rigueur analytique quoique
sine qua none, importe moins que la pertinence pratique. Pour cette raison,
nous percevons une variante méthodologique (analyse des concepts, des
théories et des principes de base) tel un conseil et point un
impératif catégorique.
Peu importe les hypothèses de départ, à
moins qu'elles ne soient le fruit d'une imagination corrompue ; ce qui
importe, c'est qu'une fois établies, qu'elles ne soient pas
convoquées à nouveau pour justifier la véracité de
la conclusion. Elles doivent se fondre totalement dans le processus
analytico-synthétique.
* 38 C'est nous qui mettons
entre parenthèses
* 39 Il est clair qu'un
autodidacte en chimie, biologie, physique ou astronomie du XXeme siècle,
après toute la quantité de savoir accumulée par les
générations précédentes aurait beaucoup de mal a
suscité un intérêt même controversé. En effet
en ce qui concerne les sciences dites naturelles, les progrès a faire
son tellement complexes que les chercheurs font appel a des instruments
indisponibles chez l'homme tout en installant un échange fructueux
assimilables a des coups de mains réciproques. Aussi l'outil
mathématique dont ils font usage, du fait de son caractère
universel et l'indépendance des phénomènes
étudiés par rapport aux préférences de ceux qui
l'étudient (pas de place pour l'idéologie ou la foi) font de ces
sciences un terrain fertile que plusieurs peuvent se mettre a cultiver
ensemble tout en relisant des économies d'échelle.
Par contre quand il s'agit des sciences sociales et plus
particulièrement de l'économie, des divergences voient le jour
sur les questions les plus élémentaires qu'une science ait a
traiter. Même en décidant de travailler ensemble, les penseurs
d'un même courant sont obligés de laisser de coté certains
points sur lesquels ils ne peuvent s'entendre pour se retrouver autour de ce
qui les unit et qui les opposent avec les autres camps.
C'est ainsi que l'école autrichienne malgré sa
sensibilité pour le libéralisme est très heterogéne
de par les oppositions et divergences que l'on décèle sur leurs
analyses. Un auteur comme Schumpeter reconnaît des limites au
marché alors que Mises et Hayek lui vouent un culte et des fois pour des
domaines (celui de la monnaie) pour lesquels certains libéraux
reconnaissent leur impuissance. La théorie de l'intérêt de
Bohm Bawerk est dénigrée par Mises alors que Hayek en fait la
pierre angulaire de sa théorie des cycles avec de légers
remaniements. Ces divergences atteignent leur paroxysme lorsqu'il s'agit de
religion ou de questions mystiques. Le symbole vivant est l'opposition violente
qui a existé entre catholiques et protestants malgré qu'ils
partagent le même Dieu, le même Prophète, le même
livre Saint (donc la même source).
* 40 On peut quand même
reconnaître à Keynes une certaine sélectivité dans
ses activités intellectuelles ; en effet malgré son
goût et sa formation pour les maths, il n'a pas succombé face
à l'arsenal technique séduisant des néoclassiques. Peut
être le doit il à son intelligence qui lui a permis d'aller au
delà de l'apparent et de s'apercevoir de la supercherie ou a tout le
moins des errements de cette tradition. Pour les mêmes raisons
malgré que l'économétrie ait voulu être un de ses
apôtres, il est resté sceptique face a ses aptitudes a informer
avec fiabilité...
* 41 Pour Pierre Delfaud, en
économie, il existe une approche inductive qui part des faits et une
approche déductive issue d'un ensemble d'hypothèse donnée.
Toutefois, il pense qu'il n'existe pas d'exclusivité accordée
à l'une ou à l'autre ; une théorie économique
serait donc la résultante d'un certain éclectisme,
c'est-à-dire une combinaison des deux approches.
* 42 Quand à la
singularité ou l'aspect insolite de la théorie des cycles de
Hayek, il s'agit d'un caractère comme un autre. Il ne lui appartient pas
de prescrire aux choses les mécanismes par lesquelles elles doivent se
manifester. Sa mission, demeure à les mettre à nu et d'en
indiquer le fondement, c'est-à-dire ce par quoi le reste se
détermine
* 43 Une analyse en termes de
relations entre divers agrégats ou moyennes tels que la demande ou
l'offre globales, le niveau moyen des prix, etc est une approche qui occulte
totalement la nature du mécanisme qui détermine la demande pour
les différents types d'activité.
* 44 Dans cette approche, la
théorie se retrouve sublimée en modèle dont on estime les
paramètres des variables actives par le biais d'une inférence
statistiques avant de les tester.
Pour des raisons epistemologiques, Keynes soutient que la
méthode des moindres carrés ne fonctionne que si toutes les
variables exogènes significatives sont prises en compte et cela n'est
possible que lorsque l'information est parfaite ; ce qui n'est pas le cas
dans la réalité. Par ailleurs, il existe certaines variables
influentes non quantifiables (institutions, état d'esprit des
individus...) et le découpage homogène du temps n'est
qu'arbitraire car il n'existe pas de lois naturelles stables au sein de
l'économie.
* 45 Un conseil est une
proposition et en cela diffère de l'injonction qui est une contrainte
* 46 Un symptôme se forme
à titre de substitution à la place de quelque chose qui n'a pas
réussi à se manifester au dehors. Seulement, il disparaît
lorsque leurs conditions inconscientes ont été rendues
conscientes et l'énergie qui leur était associée,
disloquée.
* 47 Hayek suppose qu'une
augmentation de l'investissement se traduit par un allongement du processus de
production aboutissant à une hausse différé de la
production et non à une hausse directe des unités de production
comme si l'investissement était orienté vers l'usage de
résultats (méthode et technique) de la recherche
développement tandis que Keynes conçoit une hausse de
l'investissement en termes d'augmentation des unités de production
à technologie constante ou variable.
* 48 Concernant le capital
circulant, Keynes ne semble pas assez clair. Tantôt le capital circulant
sert au financement à crédit des salaires et autres charges
liées au processus de production en cours, tantôt il
représente l'ensemble des biens en cours de production, indisponible
pour une consommation finale.
* 49 L'augmentation du capital
circulant est un investissement qui, s'il n'est pas
précédé d'une hausse de la production nécessite
un prélèvement sur les ressources à consommer. Ce
phénomène est considéré par Keynes comme
étant un transfert d'une consommation improductive vers une
consommation productive : « investment which requires a
redistribution of current consumption but no reduction in its aggregates may
be said to substitute productive consumption for unproductive
consumption. »
Ce transfert des improductifs vers les productifs permet un
accroissement de la production: « whenever available income is
transferred from an individual qua unproductive or relatively unproductive
consumer to an individual qua productive or relatively productive consumer, it
follows that the amount of production is increased and vice versa pp.111-2,
Tome II
Au sens de Keynes ce transfert peut s'opérer directement
d'une façon volontaire à travers l'épargne ou d'une
façon contraignante et indirecte par le biais d'une inflation :
« this reduction of unproductive consumption and substitution of
productive consumption instead may be brought about, as we have seen either
by individuals voluntarily saving as part of their money incomes or by
reduction in the purchasing power of these money incomes as the result of a
rise in prices which transfer some part of their real incomes in the control
of individuals who will direct it towards productive
consumption ; » p.112, Tome II
Il existe une autre forme de transfert qui, cette fois peut
être stérile parce que n'entraînant pas forcément une
hausse de l'investissement. Il se déroule entre créanciers
d'avant la hausse des prix vers les débiteurs de la même
époque . Ces derniers pourront rembourser leurs crédits avec une
monnaie de moindre pouvoir d'achat. « The borrowers can repay when
the due date of their loan arrives by parting with less purchasing power than
what they had expected to part with, and therefore retain additional
purchasing power which they may or may not employ to replenish working
capital. » p 270-271ptm
* 50 Ceci constitue le socle
de la theorie des cycles de Hawtrey. Au sens de ce dernier, le cycle est un
phénoméne purement monétaire : « All
causes of fluctuations in productive activity are conditioned by the monetary
factor. » p117. Cette assertion de Hawtrey est partagée par
Keynes sans reserve. Toutefois,il lui reproche de n'avoir pas suffisamment
distingué la dimension financiere de l'aspect industriel qui devrait
souligner le role de l'investissement et surtout d'avoir négligé
le role du capital circulant. Hawtrey, comme Keynes, ne retient pas
l'hypothése de plein emploi des facteurs et considère qu'une
politique monétaire adéquate devrait permettre plus de richesse
et moins de chômage sans augmentation des prix.
* 51 Ainsi, Keynes
contrairement à Hayek, ne conçoit pas l'existence d'un taux
d'intérêt naturel qui aurait pour effet, à tout moment,
d'égaler l'épargne à l'investissement permettant ainsi
à l'économie de s'installer dans une situation
d'équilibre. Le taux considéré par Keynes, malgré
sa prise en compte pour des raisons théoriques du taux
d'intérêt naturel, est celui bancaire ;il ne reflète
aucune réalité économique et est purement arbitraire.
* 52 Hayek a une conception
positive de l'épargne tandis que Keynes en a une conception
négative. C'est comme la différence qui existe entre Confucius et
le Christ :le premier dit Ne faites pas à autrui ce que vous ne
voudriez pas qu'on vous fît tandis que le second s'exclamera Faites
à autrui ce que vous voulez qu'il vous fasse. Où se trouve la
différence ?
* 53 Le concept
d'épargne forcée semble insuffisant pour traduire la
réalité à laquelle, dans le scénario hayekien de
l'économie, les consommateurs sont confrontés lorsque les
producteurs reçoivent des crédits supplémentaires. En
effet, les consommateurs s'abstiennent de consommer (ce qui est une
caractéristique de l'épargne). Cependant à la fin du
processus ils n'obtiennent pas le montant auquel ils ont dû renoncer et
encore moins les intérêts. Peut être des termes comme
charité obligatoire ou aumône
réquisitionnée ou don forcé correspondrait mieux
car ils ressortiraient à la fois l'aspect contraignant et surtout la
perte sèche que représente la renonciation contrairement à
une épargne volontaire pour laquelle à la fois un capital et des
intérêts seront perçus.
* 54
* 55 Une différence de
fond entre l'école de Vienne et les autres, c'est de ne plus concevoir
l'intérêt en rapport direct avec le capital. Ils ont
développé une théorie liée à la
préférence temporelle. Celle-ci s'oppose aux productivistes qui
considèrent que l'intérêt est une
rémunération liée au capital qui lui-même est source
de plus value. Ainsi, il constituerait une portion de cette valeur
générée par le capital et que l'on verserait à
ceux qui ont voulu mettre les ressources à la disposition de
l'entrepreneur.
* 56 Pour Kirzner, la
pensée autrichienne se situe essentiellement autour de questions
normatives : la coordination des projets ; la manière dont les
décisions des multiples individus peuvent être
systématiquement modifiées par l'expérience du
marché pour anticiper plus correctement les préférences
des uns et des autres ; le degré à partir duquel le
déséquilibre des prix contribue à l'amélioration de
ces anticipation à travers la création d'opportunités
s'offrant à la découverte entrepreunariale. Cette perspective
entièrement liée à l'individualisme méthodologique
met en relief le rôle de la connaissance dans le choix
économique ; la subjectivité de l'économique ;
le caractère concurrentiel-entrepreunarial du processus de
découverte ; et la façon ex ante selon laquelle le temps
laisse ses traces dans l'activité économique.
* 57 Bohm Bawerk a voulu
faire de la théorie du capital et de l'intérêt son domaine
de prédilection. C'est ainsi qu'il s'est chargé de proceder
à un « vast program involving the critical appraisal of all
theoretical propositions concerning capital and interest. (J.M de Bornier
Comparing Menger and Bawerk on capital theory, 2006) Ces oeuvres en ce sens
seront History and Critique of Interest Theories , The Positive Theory of
Capital et Further Essays on Capital and Interest et à travers cette
etude critique,» German, British, American and French economist were
carefully reviewed and some of them like Alfred Marshall or John Bates Clark-
entered into lively debates with Bawerk.» (ibid)
* 58 Definition capital de Menger :Correctly
understood, however, capital consists only of those quantities of economic
goods that are available to us in the present for future periods of time and
are capable of being applied to uses whose nature and economic character I have
discussed at length. (Menger, 1871-1950, p. 303)
* 59 Qu'est ce que le niveau
general des prix ? Pour que le niveau general des prix soit
affecté faudrait il que les prix individuels le soient. Il est donc
impossible d'affecter le niveau général des prix sans
affecté les prix individuellement, à moins que l'impact ne soit
d'une proportion identique pour tous les prix ; ce qui releve forcement de
l'ideal. Le niveau general des prix ne peut etre affecté sans
qu'auparavant les prix individuels le soit, à moins que la somme
algebrique des incidences soit nulle. Dés lors que cette somme n'est pas
nulle, les prix etant differemment infectés par la nouvelle impulsion
monétaire, il s'en suit une modification obligatoire des prix relatifs
et donc de la structure de la production
* 60 Le Darwinisme chez
Hayek
Dans son analyse des sociétés, Marx a
élaboré le matérialisme historique en tant que
théorie générale de l'évolution sociale. Celle-ci a
une forte saveur de sélection naturelle. Cependant cette
caractéristique disparaît lors de la période de transition
du capitalisme vers le socialisme : l'homme ne devra plus subir les lois
de la nature. Il devra s'en émanciper afin de mettre en place un
système social plus à même de favoriser son
épanouissement. En d'autres termes, la société devra
passer de l'abeille guidée par son instinct à l'habileté
de l'architecte. Engels dira : la théorie de l'évolution
ne doit être acceptée qu'en tant que première expression,
provisoire et imparfaite d'une réalité nouvellement
découverte.
Dans la perspective évolutionniste, le progrès est
purement accidentel, les mutations se produisent au hasard, sans
finalité et la sélection, en faisant le tri, donne un ordre
à l'ensemble en dehors de tout destin ou devoir. Chez les
constructivistes celui-ci est nécessaire et se doit d'être
suscité. Sur le plan économique, la substitution de la
nécessité au hasard est prise en charge par la politique
économique.
Aux antipodes de cette vision de marxiste, Hayek ne voit aucun
progrès dans ce transfert ; bien au contraire. D'ailleurs, il
glorifie la ressemblance entre le comportement humain et celui des abeilles. Ce
qu'il trouvait de si génial dans la fable des abeilles de Mandeville,
c'est justement que la société humaine qui y est mise en
scène ne fonctionne de façon harmonieuse qu'à condition
que les hommes se laissent guider par leurs instincts. Ainsi les meilleures
lois ne résulteraient pas des visées de quelques sages
législateurs, mais par le biais d'un long processus d'essais et
d'erreurs.
Pour Hayek, Adam Smith avait compris depuis longtemps
l'importance de l'ordre spontanée et c'est pour cela qu'il
présentait le marché comme une institution qui permettait, bien
mieux que l'aurait fait la bienveillance mutuelle des agents
économiques, de répondre aux besoins de chacun d'eux, de
façon aussi efficace que si une main invisible avait veillé
à coordonner la multitude des décisions indépendantes qui
y foisonnent.
Si une coordination aussi admirable est ainsi assurée
entre les activités des individus, c'est qu'une institution sociale, le
marché, qui est une résultante historique des multiples
expériences spontanées a été
sélectionnée au dépens d'autres institutions moins
efficaces, parce qu'elle se trouvait justement être plus adaptée
que d'autres et , de ce fait, plus susceptibles d'assurer survie et
développement aux sociétés qui la promeuvent.
Ce processus de sélection purement naturel offre pour
Hayek un contour parfaitement scientifique et nullement
téléologique à l'analyse d'un processus institutionnel. Il
stipule qu'il n'y a aucune raison concluante de voir un effet de la sagesse de
la Providence dans le fait que ce sont précisément les organismes
ou les sociétés les mieux adaptés qui perdurent.
* 61 Au fait quelle est la
théorie de la demande de monnaie chez Hayek s'il en existe une ?
Sinon pour quelle raison il n'y en a pas ?
* 62Hayek est dans une logique
arithmétique, dans un jeu a somme nulle : quand on donne aux uns,
il faut prendre autant aux autres. C'est cela l'essence de l'hypothèse
de plein emploi des facteurs que renforce celle de la longévité
du processus de production. L'hypothèse de processus de production au
long cours donne un répit à Hayek dans ses analyses car la
quantité de biens reste inchangée même s'il existe des
facteurs oisifs. S'il l'envisageait autrement, cela aurait un impact
décisif dans son raisonnement et pourrait même changer
complètement ses conclusions et c'est ce qui est dans une certaine
mesure assez révoltant. Comment se fait il qu'une hypothèse aussi
discutable puisse avoir un impact aussi important dans les conclusions.
* 63 Hayek
semble décrire une économie verticalement
désintégrée. Aucune entreprise ne prend en charge la
production d'un bien d'un bout à l'autre ; chacune injecte sa
valeur ajoutée avant de passer le témoin à la
prochaine : « Nous avons besoin d'une hypothèse
précise sur la division du processus total de production entre diverses
entreprises, qui rend seule nécessaire l'intervention de la monnaie. (pp
110-1)
* 64 La critique de Sraffa
débute par une ironie sur l'oeuvre de Hayek. Il suppose que cela n'a pas
dû être facile pour Hayek comme pour son audience de participer
à la série de conférences à la LSE car suppose
t'il, peu importe l'originalité de l'oeuvre, elle devait souscrire
à l'inintelligibilité qui était le sceau des travaux
monétaires de cette époque. Il lui reconnaît le
mérite d'avoir innover en considérant l'impact des impulsions sur
les prix relatifs. Mais pour le reste, Hayek n'a fait qu'entretenir la
confusion. Il s'exprima en ces termes: « It's one definite
contribution in the emphasis it puts on the study of the effects of monetary
theory changes on the relative prices of commodities rather than on movements
of the general price level on which attention has almost exclusively been
focused by the old quantity theory. But in every other respect the inescapable
conclusion is that it can only add to the prevailing confusion of thoughts on
the subject. [Sraffa, mars 1932]
* 65 Leur hypothèse est
que le mécanisme des prix connaît des impairs dans son
fonctionnement et ces manquements, elles les expliquent par le fait que le
processus de production prend du temps. Ainsi les changements peuvent avoir
lieu et avant que le système puisse réagir par le biais du
mécanisme des prix, d'autres changements peuvent surgir rendant
l'adaptation inadéquate.
* 66 Admettra t'il
implicitement que l'économie de troc est toujours en équilibre.
* 67 Ils jouent presque les
mêmes rôles primordiaux dans leurs analyses des cycles. Keynes
considère que c'est le déficit en capital circulant que devraient
réapprovisionner le système bancaire qui empêche le
prolongement de l'expansion et donc annonce la crise tandis que Hayek
conçoit que c'est la rareté des crédits contraignant les
entrepreneurs qui avaient disposer des nouveaux crédits à
baisser l'intensité capitalistique de leurs productions qui est la
source de la crise. Ceux la ne peuvent plus continuer à prefinancer des
processus de production assez longs et pour cette raison devront réduire
leurs étapes de production.
* 68 Toutefois rien
n'empêche aux prix de diverger c'est-à-dire d'évoluer en
sens opposé. Lorsque le profit se généralise, il
s'entretient par une hausse des prix versés aux facteurs de production
grâce à la hausse continuelle de l'investissement.
* 69 Cette théorie
voudrait qu'une hausse des salaires ait pour conséquences 1) la
substitution du capital au travail à court terme 2) l'accroissement des
prix relatifs des biens incorporant davantage de travail que de capital et
diminution des prix des biens à forte intensité capitalistique 3)
l'accroissement de la production des biens de production à forte
intensité capitalistique qu'entraîne à long terme un
accroissement de l'emploi.
* 70 Ce renforcement des
capacités de production, au détriment de la consommation,
entraînera une augmentation du revenu réel des producteurs alors
que celui des consommateurs tend à la baisse du fait de
l'inflation : « ce sacrifice est supporté non pas
parce qu'ils veulent consommer moins mais parce qu'avec leur revenu nominal
ils obtiennent moins de biens. »(p 123)
* 71 Une hypothèse
fondamentale et très discutable chez Hayek, c'est le fait qu'une
création monétaire entraîne une hausse de la production de
biens d'investissement au détriment de celle de biens de
consommation.
* 72 Pour le second cas,
l'augmentation de l'investissement est accompagnée d'une augmentation du
volume de production. Il n'existe ainsi pas de substitution entre les
différents types de bien d'autant plus que la reconversion d'un facteur
adapté à la production d'une catégorie de bien vers la
production d'une autre prend du temps. En plus de cela les facteurs ne font pas
l'objet d'un plein emploi.
La rémunération des facteurs augmente sans aucune
augmentation de la production globale tandis que les prix augmentent dans la
même proportion que la rémunération des facteurs ainsi que
des coûts de production. A la différence avec le premier cas, dans
le second cas, la hausse des prix se produit au tout début du cycle.
Dans le troisième cas, les facteurs de production
inemployés sont mis en mouvement pour la production de biens de
consommation. Au delà d'une période de production, l'out put
augmente pour un total de revenu inchangé d'où le début de
la phase de déflation.
Keynes considère que le second et le troisième cas
ne peuvent pas avoir lieu sans impulsion monétaire car ils vont avec un
accroissement des besoins de liquidité suite à une hausse des
rémunérations ainsi qu'une hausse du profit. Ce supplément
de monnaie pour la circulation industrielle peut tout de même provenir
d'une réduction de la circulation financière, de la venue d'or en
provenance de l'étranger... Par ailleurs, le premier cas peut survenir
avec de faibles modifications monétaires car ni les
rémunérations ni le volume de la production ne varient pendant la
première phase.
* 73« Il est
évident que seules les différences momentanées entre prix
aux différents stades de la production peuvent entraîner des
déplacements de biens de production d'un stade à un
autre. » Le déplacement se faisant des usages les moins
avantageux vers les usages les plus avantageux. Les variations des prix
modifient les perspectives de profit et la modification des perspectives de
profit entraîne des changements dans l'usage des facteurs de productions
disponibles. Lorsque les prix relatifs varient, les biens subissent une
nouvelle affectation. Cette variation n'affecte pas l'économie en volume
mais en orientation.
* 74 « for there are
enormous losses to be put on the other side ascribable to the cyclical
deflations p264
La perte est à la fois individuelle et collective ;
à cause du chômage involontaire une portion de la richesse
potentielle reste ensevelie dans le système productif.
* 75 Philosophe français
(1884-1962). Auteur de La formation de l'esprit scientifique (1938),
psychanalyse de la connaissance scientifique.
* 76 L'objet de la science doit
être de trouver l'essence derrière la multitude de
phénomènes, derrière les aspects superficiels. Elle doit
découvrir les processus internes, profonds qui sont à leur base.
(Afanassiev, p.182)
* 77 Poète et
écrivain malien du XXéme siècle
* 78 La monnaie est née
libre et elle doit le demeurer dans un système monétaire sans
monopole où chaque agent aura l'entière responsabilité de
sa propre monnaie. Ainsi, il n'y aurait pas de crise. Telle est la prescription
contenue dans son petit opuscule des années 70 intitulé
Dénationalisation de la monnaie.
La valeur de chaque monnaie serait garantie par un taux de
change et un pouvoir d'achat flexibles alors que sa défense incombera
à ses promoteurs. L'essentiel, c'est de retirer le monopole
d'émission à la Banque Centrale et de promouvoir une micro
régulation par les banques de second rang.