INTRODUCTION
L'abord de la thématique du sport et du sport
féminin en particulier à partir d'un intérêt pour la
politique de l'Etat s'inscrit dans la perspective de la sociologie des
organisations, notamment les organisations sportives. Ce champ de connaissance
relève du domaine de la sociologie appliquée au management du
sport et s'intéresse au système de fonctionnement des
différentes structures qui assurent la gestion du sport : les
fédérations, les clubs et les associations sportives. Ces
structures jouent un rôle important dans la promotion et le
développement du sport conformément aux choix politiques et aux
objectifs ambitionnés par l'Etat.
Mon intérêt se focalise, dans le cadre de cette
recherche, sur le sport féminin appréhendé dans sa
perspective compétitive. A partir d'un constat informel, il m'a
semblé que le sport féminin, le sport de compétition
pratiqué par des filles, n'est pas vraiment développé.
Nous comptons en Tunisie, lors de la saison sportive 2007-2008, 27449 femmes
licenciées qui ne représentent que 23.91% de la population totale
des pratiquants. Les chiffres sont assez parlants et poussent à une
réflexion sur la situation du sport féminin en Tunisie et les
obstacles qui freinent son épanouissement.
Dans cette perspective, Féthi Tlili s'est
intéressé à la dimension socioculturelle susceptible de
freiner l'accès des femmes tunisiennes à la pratique
sportive1. Il a pu mettre en évidence que l'évolution
d'une pratique sportive féminine dépend de plusieurs facteurs,
principalement d'ordre social et culturel. En effet, l'étude de Tlili
montre que la réponse à la question que pose le sport
féminin dépend étroitement d'un changement global des
valeurs traditionnelles des sociétés musulmanes du Maghreb, et
ce, par l'amélioration du statut de la femme, la reconnaissance de la
différenciation sexuelle et l'attention au processus de socialisation de
la femme. Féthi Tlili insiste, par ailleurs, sur le rôle de l'Etat
pour la prise des mesures nécessaires capables de minimiser les
contraintes à la pratique féminine (fournir l'infrastructure
nécessaire, sensibilisation de la population, etc.).
En outre, Boubaker Ben Abdelkarim, s'intéressant
à la pratique des activités physiques et sportives par la femme
tunisienne, montre que la pratique sportive féminine dans le grand Tunis
n'atteint toujours pas les objectifs ambitionnés par
1 Tlili, F. (2002), « Statut féminin,
modèle corporel et pratique sportive en Tunisie », in
STAPS, n° 56, pp. 53- 67.
l'Etat1. Le sport pratiqué par les filles
semble toujours dans une étape d'amateurisme et n'atteint pas encore le
niveau du non amateurisme. L'auteur développe ainsi les facteurs qui
entravent la pratique sportive féminine et fait référence
à l'intervention des parents dans le choix de la pratique, l'emplacement
de l'infrastructure et sa disponibilité, ainsi que la facilité
dans le déplacement pour les entraînements par les moyens de
transport publics etc.
Les conditions sociales et culturelles semblent ainsi
déterminantes pour favoriser l'accès des femmes à la
pratique sportive. Néanmoins, la situation du sport féminin est
aussi tributaire des choix et des orientations politiques. Elle résulte,
par ailleurs, des modes d'application de ces choix par les organisations
sportives fédérales et les associations qui leurs sont
rattachées. Celles-ci constituent les organes en rapport direct avec les
acteurs sociaux ayant pour but « la formation, l'encadrement de la
jeunesse, le développement de ses capacités physiques et
techniques, et son accession au plus haut niveau sportif et
moral2». Ce faisant, la politique de l'Etat en matière
de sport féminin serait capable de rendre compte d'un versant de la
situation du sport féminin en Tunisie. L'intérêt est ici
focalisé sur la pratique sportive de compétition encadrée
par les associations sportives féminines, lesquelles associations sont
gérées par les fédérations sportives olympiques.
Ainsi, mes questionnements convergent vers la portée de
la politique de l'Etat en matière de sport féminin en Tunisie.
L'objectif vise à rendre compte du degré de concordance entre les
orientations politiques et les modalités pratiques de gestion du sport
féminin. Mon intérêt se centre précisément
sur les stratégies adoptées par les fédérations
sportives olympiques et les associations sportives féminines dans
l'application de la politique de l'Etat.
· Quelles sont les tendances de la politique de l'Etat en
matière de sport féminin ?
· Comment les fédérations sportives
olympiques et les associations sportives féminines appliquent-elles les
orientations de cette politique ?
1 Ben Abdelkarim, B. (2006), La pratique des
activités physiques et sportives de la femme tunisienne et son influence
sur l'amélioration de sa situation sociale, Mémoire de
Master, ISSEP Ksar-Saïd (document en arabe).
2Article 2, Journal Officiel de la
République Tunisienne, 10 février 1995, n°12, p.
335.
Afin de répondre à ces questions, nous postulons
les deux hypothèses suivantes :
· Hypothèse 1 : Les stratégies et les
moyens qu'adoptent les fédérations sportives et les associations
sportives féminines ne sont pas assez efficients pour arriver à
atteindre les objectifs que fixe la politique de l'Etat.
· Hypothèse 2 : La réalité du sport
féminin laisse transparaître une distance entre les choix
politiques et leurs modes de mise en application.
Nous développerons dans une première partie les
acquis de la femme tunisienne et les tendances générales de la
politique de l'Etat en matière de sport féminin. Puis, dans une
deuxième partie, seront analysées les données de notre
enquête auprès des organisations sportives concernées par
l'application des prérogatives sportives.
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