Memoire Online - Les réfugiés congolais dans la province du Haut-Ogooué: réseaux et modalités d'insertion dans la ville Moanda

UNIVERSITE OMAR BONGO

FACULTE DE LETTRES ET SCIENCES HUMAINES DEPARTEMENT DE GEOGRAPHIE

Ce travail est principalement dédié à notre défunt père Félix MBENG ONDO à travers qui

Nous remercions tous les enseignants du département de géographie qui depuis notre entrée au sein dudit département nous ont donné les rudiments scientifiques nécessaires de notre discipline dont voici le premier fruit.

Nos remerciements vont de ce fait spécialement à toute l'équipe pédagogique de géographie politique composée de notre directeur le Dr Serge LOUNGOU qui a su nous diriger dans notre travail malgré ses nombreuses occupations, du Pr Marc - Louis ROPIVIA, et du Dr Jonathan NDOUTOUME NGOME.

Nous tenons à remercié particulièrement notre mère Amélie ADA NDONG pour l'amour et l'affection particulière qu'elle nous a apporté durant toute notre vie. Nous n'omettrons pas notre grande - mère ABEME NDOUTOUME Marie - Madeleine, notre tante Francise ZANG NDONG, nos frères et soeurs Joël, Paul, Philippine, et nos nièces et neveux, Caresse, Bébé Paul, Jojo.

À nos promotionnaires en géographie, Christian, Epiphane, Jennifer, Donald, Reich, Richard, Rodrigue, Aubin, Brice, Faustin, Igor, Lamine, Suzana...

À nos amis d'Akébé, Pierrick dit Giovany, Aymard, Hérade, Milko dit Maguy, Gévy...

Enfin, une dédicace spéciale à « Chancely », pour l'amour que l'on partage communément.

INTRODUCTION GENERALE

À la fin de l'année 2007¹, le nombre de réfugiés dans le monde a franchi la barre de 14 millions de personnes, soit son niveau le plus élevé depuis 2001. Selon le HCR², les réfugiés sont répartis sur le globe de la façon suivante : le continent asiatique³ 7 979 251 de réfugiés, l'Europe⁴ 4 740 392, l'Amérique⁵ 3 229 822, l'Océanie 85 500, et enfin l'Afrique⁶ 5 069 123. La problématique des réfugiés, que l'on croyait résorbée avec la fin de la guerre froide et des guerres d'indépendance en Afrique et en Asie, demeure d'actualité ; et elle a pris un essor considérable dans le monde où aucune région n'en est épargnée.

En Afrique, les premiers grands mouvements de réfugiés remontent aux années qui ont précédé et suivi la vague des indépendances. Ainsi, dès janvier 1961, 120 000 personnes ont dû fuir le Rwanda vers les pays voisins. Au Burundi, des centaines de milliers de personnes se sont installées en Tanzanie, chassées par les massacres organisés en 1972 par le pouvoir. Au Nigeria, la guerre du Biafra, entre 1967 et 1970, a fait 2 millions de déplacés. À partir des années 1970, des milliers de personnes quittent les colonies portugaises (Angola, Mozambique et Guinée - Bissau) pour échapper aux violences des guerres de libération. La guerre civile au Libéria, à partir de 1989, a ainsi conduit plus des deux tiers des habitants de ce pays à se déplacer, soit 2,4 millions de personnes. Parfois, les mouvements se font dans les deux sens : en 2002, des dizaines de milliers de Sierra - léonais rentraient chez eux en provenance du Libéria, après la signature d'un accord de paix, tandis que des Libériens passaient en Sierra - Leone, pour fuir la reprise de la guerre civile.

Plus récemment, c'est la région des Grands Lacs, très instable depuis le milieu des années 1990, qui connait les déplacements de populations les plus massifs : en 2003, on estimait à 3,4 millions le nombre de personnes déplacées, depuis 1997, à l'intérieur de la République Démocratique du Congo (RDC). Des combats entre groupes rebelles et forces

² Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, crée en Décembre 1949 par l'assemblée générale des Nations Unies. Le HCR a commencée à opérée officiellement le 1^er Janvier 1951. Le HCR a pour mandat de conduire et de coordonner l'action pour la protection des réfugiés à travers le monde et la recherche de solutions au problème des réfugiés. Sa principale mission vise à chercher à garantir les droits et le bien - être des réfugiés. Le HCR s'efforce de s'assurer que chacun puisse bénéficier du droit d'asile dans un autre pays et retourner de son plein gré dans son pays d'origine. Il cherche des solutions durables aux problèmes des réfugiés, soit en les aidant à rentrer chez eux, soit en les intégrants dans le premier pays d'asile, soit encore en les réinstallant dans des pays tiers

³ Moyen - Orient : 2 580 638 ; Asie du Sud - Est : 2 974 316 ; Asie centrale : 218 584 ; Asie du Sud : 1 304 189 ; Asie de l'Est et Pacifique : 901 525.

⁴Europe orientale : 1 617 214 ; Europe du Sud - Est : 708 132 ; Europe centrale et Etats baltes : 616 132 ; Europe occidentale : 1 798 914.

⁵ Amérique du nord et dans les Caraïbes : 717 545 ; Amérique du sud : 2 512 277.

⁶Afrique du Nord : 139 177 ; Afrique Australe : 434 427 ; Afrique orientale et Corne de l'Afrique : 2 105 314 : Afrique occidentale : 1 031 030 ; Afrique centrale et Grand Lacs : 1 359 175.

armées gouvernementales, entre mai et septembre 2004, ont obligé 150 000 personnes à fuir leurs habitations dans l'Est de la RDC.

Le Gabon n'est pas épargné par la problématique des réfugiés ; il a accueilli la première fois les réfugiés sur son territoire en 1968⁷. Ces réfugiés étaient des victimes de la guerre civile du Biafra. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, le Gabon accueille de nouveau des réfugiés, cette fois - ci, d'origine équato - guinéenne, qui fuient le régime dictatorial des Nguéma⁸. La guerre civile au Tchad (1978 - 1982) a été également à l'origine de l'arrivée en terre gabonaise des réfugiés en provenance de ce pays. Entre l'intervalle qui va de 1993, avec le début des conflits dans la région des Grands lacs (Rwanda et Burundi) et 1997, avec la guerre en RDC, le Gabon a de nouveau accueilli des populations réfugiées issues de cette région de l'Afrique. Entre 1997 et 1999, des groupes importants de réfugiés congolais (Brazzaville) affluent vers les régions sud de la Nyanga et du Haut - Ogooué.

Ces réfugiés congolais sont les plus importants flux de réfugiés que le Gabon a accueilli⁹. En effet avant l'arrivée de ces derniers, le Gabon comptait environ 2 000 réfugiés en 1998¹⁰, puis 21 018 en 2000, dont 17 555 congolais¹¹. Les réfugiés congolais se sont installés essentiellement dans les provinces de la Nyanga, de la Ngounié et du Haut - Ogooué, à la suite des guerres civiles qu'a connues ce pays entre 1993 et 1999. La province du Haut - Ogooué¹², est celle qui concentre le plus grand nombre de réfugiés au Gabon avec 3 965 personnes, suivie par la province de l'Estuaire, avec 3 942 personnes.

Avant notre étude, plusieurs travaux universitaires ont porté sur la thématique des réfugiés au Gabon¹³. L'intérêt principal qui fonde la présente étude est d'ordre personnel, car ayant personnellement eu pour amis des réfugiés congolais.

⁹ À cause de ce flux important de réfugiés sur son territoire, le Gabon a signé les conventions internationaux régissant la gestion des réfugiés et autres personnes qui relèvent de la compétence du HCR ; convention de Genève de 1951 relative au statut de réfugié et son protocole de 1967, convention de l'Organisation de l'Unité Africaine (O.U.A) de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique. Il a par ailleurs légiféré sur le statut de réfugié au Gabon en adoptant et promulguant la loi 05/98 du 05 mars 1998 portant sur le statut de réfugié au Gabon et instituant une Commission Nationale pour les Réfugiés.

¹³ Nous avons les mémoires de maîtrise de : Patrick MOUDOUNGA MOUITY, La problématique des réfugiés en Afrique centrale depuis 1994 : étude géopolitique du phénomène à partir du cas du Gabon, mémoire de maîtrise de géographie, UOB, 2002 ; David AKPLOGAN, Les réfugiés au Gabon : une question nationale et internationale, mémoire de maîtrise d'histoire, UOB, 2000 ; Syntia Fleur NFONO OBIANG, L'intégration social des réfugiés congolais prima fasciés à Libreville de 1997 à 2001, mémoire de maîtrise de sociologie, UOB, 2006 ; Victor MAKITA, La problématique de l'insertion professionnelle des réfugiés politiques diplômés vivant au Gabon, mémoire de maîtrise de sociologie, UOB, 2004.

L'autre aspect qui justifie notre choix, est le fait que l'insertion des réfugiés a déjà fait l'objet de quelques travaux universitaires, nous on veut poursuivre la thématique d'un groupe de réfugiés spécifique dans une zone géographique.

Un réfugié est toute personne qui, craignant avec raison, d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social et de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut, ou en raison de ladite crainte, ne veut y retourner¹⁴.

Un réfugié est aussi toute personne qui, du fait d'une agression, d'une occupation extérieure, d'une domination étrangère ou d'évènement troublant gravement l'ordre public dans une partie ou dans la totalité de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité, est obligée de quitter sa résidence habituelle pour chercher refuge dans un autre endroit à l'extérieur de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité¹⁵. Sera considéré comme réfugié dans ce travail tout congolais correspondant à ces deux définitions.

Un réseau est un ensemble de personnes qui sont en liaison, travaillent ensemble ; c'est aussi une structure définie par des relations entre des individus. Dans ce travail, nous entendons par réseaux les différents types d'organisations des réfugiés congolais, à travers des regroupements de types familiaux, ethniques, religieux, provinciaux, sociaux, culturels, communautaires ou nationaux.

Les modalités d'insertion sont l'ensemble des mécanismes d'intégration principalement d'ordre social, de ces populations dans la ville de Moanda. Autrement dit, il s'agit d'un processus d'insertion d'individus ou de groupes d'individus dans un même ensemble (collectivité, société) leur permettant d'acquérir un minimum de cohésion. Ce processus s'établit entre les populations autochtone et allogène. La population allogène adopte à divers degrés les règles et coutumes de la collectivité ou société d'accueil (processus d'acculturation), par contre, la population autochtone les accepte plus ou moins comme membre à part entière de leur société. L'objectif de notre étude est mettre en exergue la manière dont les réfugiés congolais sont parvenus à s'insérer dans le tissu social de la ville de Moanda.

La présente étude se situe à la confluence de plusieurs champs disciplinaires, notamment la géographie et la sociologie. En sociologie, on étudiera les rapports entres ces populations étrangères et les populations autochtones, ces rapports peuvent favoriser ou défavoriser

¹⁵ Convention de 1969 de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) relative au statut de réfugié en Afrique.

l'intégration de ces réfugiés dans la société d'accueil. Nous étudierons la thématique des réfugiés dans le cadre de la géographie, car cette discipline s'intéresse à la migration qui est un mouvement de population avec changement de résidence d'un lieu à un autre. Nous aborderons cette thématique de manière plus précise dans le champ de la géographie politique car ces réfugiés pour se retrouver au Gabon ont franchi la frontière entre le Congo et le Gabon, qui dit le franchissement de frontière inter - étatiques dit domaine d'étude de la géographie politique.

En 2008, on a dénombré 1054 refugiés congolais dans la ville de Moanda contre 2644 huit ans plus tôt. La présence encore relativement importante de ces réfugiés interpelle forcément, quand on pense que la stabilité politique que connaît le Congo depuis le début de la décennie 2000 aurait du favoriser leur reflux vers leur pays d'origine

Qu'est - ce - qui justifie la présence encore aussi relativement forte de réfugiés congolais dans la ville de Moanda, dix ans après la fin officielle de la guerre civile qui les avaient obligés à quitter leur pays ?

La forte présence de réfugiés congolais dans la ville de Moanda, en dépit de la stabilité politique retrouvée au Congo - Brazzaville peut se justifier par l'essor économique de cette ville dû à l'exploitation du manganèse par COMILOG¹⁶ . De plus, Moanda possède des infrastructures scolaires, sanitaires permettant aux réfugiés de scolariser leurs enfants et de se soigner. La présence de ces réfugiés peut aussi se justifier par un processus d'intégration dans la mesure où les populations autochtones (gabonaise) et allogènes (congolaise) ont des liens familiaux et sont quasiment de même groupes ethniques. Ils partagent ainsi le même patrimoine culturel et ancestral. C'est donc grâce à la générosité des populations locales que les réfugiés vivent en parfaite symbiose avec les populations autochtones. Ces relations ont dûs facilité l'installation des réfugiés et progressivement, leur intégration locale.

La méthodologie permet de mettre en exergue la démarche opératoire et scientifique que nous avons choisie pour mener notre travail. Elle permet également de faire référence à la bibliographie, aux institutions et aux personnes ressources qui, de manière directe ou indirecte nous ont fournis une aide dans la réalisation de notre travail. Cette partie nous permettra aussi de révéler les difficultés que nous avons rencontrées lors de la conception de notre travail.

C'est ainsi que le cadre méthodologique de ce travail s'appuie principalement sur deux champs d'approches à savoir : l'approche théorique et l'approche pratique. Ces deux approches à notre humble avis, nous permettront d'accéder de manière fluide et compréhensible à l'information scientifique et géographique.

Notre approche théorique repose essentiellement sur la consultation des données bibliographiques qui vont nous permettre d'élaborer nos hypothèses de recherche. Ces données bibliographiques qui nous servent d'outils de recherche, nous les avons consultés dans des centres de recherche tels : le Laboratoire d'Analyse Spatiale des Environnements Tropicaux (LANASPET), le Centre d'Etudes et de Recherches en Géopolitique et Prospectives (CERGEP) ; dans les bibliothèques : la Bibliothèque Universitaire Centrale (BUC), la Bibliothèque du Centre Culturel Français St - Exupéry. À part ces différents points de collecte, nous avons aussi passé un grand temps de notre recherche sur Internet.

Parmi les travaux ayant une importance dans notre travail nous avons les mémoires de : Syntia Fleur Nfono Obiang : L'intégration social des réfugiés congolais prima fasciés à Libreville de 1997 à 2001 ¹⁷, celui de Victor Makita : La problématique de l'insertion professionnelle des réfugiés politiques diplômés vivant au Gabon ¹⁸, pour ne citer que ceux - là.

Cette approche a pour principal but de renforcer l'approche théorique. Elle nous permettra aussi de présenter les différentes sources rencontrées lors de nos sorties de terrain, et de mettre en exergue les difficultés auxquelles nous fûmes confrontées lors de nos enquêtes.

Nos enquêtes de terrain se sont principalement déroulées à Libreville du fait de l'insuffisance de temps pour nous déplacer vers la province du Haut - Ogooué, car la

suppression du mois de terrain ne nous a pas favorisé dans la bonne conduite de notre travail. Nous nous sommes rendu au siège du HCR (à Libreville) où nous avons rencontré Pacôme Ngome Ngane, Assistant à la protection dans cet organisme, qui nous a fourni les informations sur le nombre des réfugiés de 2000 à 2008 dans la province du Haut - Ogooué et singulièrement dans la ville de Moanda, il nous a aussi aidé à comprendre le rôle du HCR dans la protection des réfugiés. Nous avons aussi eu des contacts téléphoniques avec Jean Jacques Ngoyi, président de l'Association des Réfugiés Africains de Moanda qui nous a édifié sur notre sujet et fourni un grand nombre d'informations sur la structure qu'il gère et il nous a fait la génèse de l'arrivée des réfugiés congolais à Moanda. Nous nous sommes aussi rendus au siège de la Commission Nationale pour les Réfugiés où nous avons rencontré certains responsables qui nous ont informés sur leur rôle et sur les politiques mises en place par le gouvernement gabonais pour régulariser la situation administrative des réfugiés.

Tout au long de notre travail, nous avons été confrontés à quelques difficultés. Notamment le fait que nous n'avions pas été toujours bien reçus à la Commission Nationale pour les Réfugiés, où les responsables étaient méfiant vis - à vis de nous du fait de la tension politique qui régnait dans le pays. Nous avons aussi eu des problèmes au niveau de la régularité de notre année scolaire car, celle - ci fut bouleversée et perturbée à cause des incessantes grèves que nous avons connues cette année.

II - PLAN PRELIMINAIRE

1ère PARTIE : LES FACTEURS ET LES CONDITIONS DE L'ARRIVEE DES REFUGIES CONGOLAIS AU GABON

Chapitre 1 : Les facteurs d'une migration forcée des congolais vers le Gabon

Section 1 : Facteurs politiques et économiques

1-1 Les différentes guerres civiles congolaise 1-2 L'embelli économique du Gabon