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Diagnostic de la situation financière de la Banque Centrale du Congo

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par Felix TSHIBANGU KOTA
Université Protestante au Congo - Licencié en Administration des Affaires 1998
  

Disponible en mode multipage

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INTRODUCTION GENERALE

I. PROBLEMATIQUE

La banque Centrale du Congo occupe une position centrale dans les mécanismes de fonctionnement de notre économie. Pour s'en convaincre, il suffit d'examiner les différentes fonctions qu'elle exerce en tant que bon vigile du système de paiement. En sa qualité de Banque des banques, par exemple, elle accepte les dépôts de ces dernières et leur octroie des possibilités de refinancement dans le cadre du marché monétaire.

Outre ses activités liées à la mise en oeuvre de la politique monétaire proprement dite, la Banque Centrale assure le suivi permanent de l'activité des différents secteurs économiques du pays. Dans ce cadre, elle informe le gouvernement et le public à travers des recueils statistiques sur l'évolution économique, financière et monétaire.1(*)

Cependant, dans l'exercice des activités liées à la gestion interne, la Banque Centrale est confrontée, depuis quelques années, à des problèmes de fonctionnement en rapport avec la dégradation du cadre macro-économique. En effet, la profonde crise de l'économie du pays, caractérisée par la régression de l'activité de production, l'hyperinflation, l'explosion de la masse monétaire et la désintermédiation du système bancaire occasionné l'amenuisement sensible des recettes traditionnelles de la Banque ainsi que l'augmentation significative de se charges, notamment celles liées aux émissions monétaires. Ceci se traduit par des déficits systématiques du compte d'exploitation de l'institut d'Emission.

En effet, face au tarissement des ressources traditionnelles de ses recettes d'exploitation du fait de la baisse notable des activités bancaires et d'exportation, d'une part et, à l'incompressibilité de certaines charges d'exploitation tels les frais d'impression des signes monétaires, d'autre part, le compte d'exploitation de la banque Centrale du Congo est déficitaire. Au 31 décembre 1994, le solde négatif du compte d'exploitation de l'institut d'Emission s'est chiffré à 70milliards de nouveaux

Zaïres. Ce déficit s'est fortement accentué en 1995, atteignant jusqu'à 787,7milliards de nouveaux Zaïres.

Notre étude se propose d'établir un diagnostic sur la situation interne de la Banque centrale du Congo, en mettant un accent particulier sur le compte d'exploitation de cette dernière. Le but poursuivi par cette étude est d'analyser ce compte d'exploitation afin d'identifier les postes de recettes et dépenses qui sont à l'origine des déficits et de proposer quelques pistes de solutions pour remédier durablement à cette situation. Il sera d'abord question de montrer comment la crise économique a entraîné l'amenuisement des recettes ainsi que l'aggravation des charges de la Banque et, ensuite, identifier les postes de recettes et de dépenses qui ont occasionné les déficits.

Pour ce faire, nous allons tenter de répondre aux questions ci-après : comment expliquer les déficits systématiques du compte d'exploitation de la Banque Centrale ? Quels sont les facteurs qui ont contribué à l'aggravation du déficit ? Existe-t-il une solution pour sortir la Banque Centrale de cette situation ?

Quoique notre analyse soit focalisée essentiellement sur le compte d'exploitation de la Banque Centrale, nous serions incomplet si nous n'évoquions pas la question de l'indépendance de cette haute institution. Dans cet ordre d'idées, nous présumons qu'il serait simpliste de situer la problématique des déficits de la banque centrale au seul niveau de la divergence entre l'évolution des dépenses et des recettes d'exploitation.

Ainsi, pour éclairer d'un jour nouveau la question du déséquilibre du compte d'exploitation de l'Institut d'Emission, cette étude va tenter de rapprocher le fonctionnement de la banque Centrale avec la question de son autonomie. Il s'agira ici d'établir un diagnostic de la situation de la Banque Centrale du Congo au regard des critères statutaires d'indépendance d'une Banque Centrale. La problématique soulevée ici se ramène autrement à la question suivante : la banque Centrale du Congo est-elle indépendante ?

II. HYPOTHESE DE TRAVAIL

La détérioration de la situation financière de la Banque Centrale ne peut être dissocié du cadre macro-économique qui conditionne la viabilité du système bancaire et l'état des relations de l'Institut d'Emission avec le Trésor. Les contraintes macro-économiques, tout en étant des facteurs extérieurs à la Banque, ont contribué dans une large mesure à la dégradation du compte d'exploitation de cette dernière. Mais, la détérioration du cadre macro-économique n'explique pas à elle seule le déséquilibre du compte d'exploitation de l'Institut d'Emission. D'autres facteurs, notamment internes, peuvent également aider à expliquer cette situation.

Ainsi donc, notre hypothèse de base est que les déficits du compte d'exploitation de la Banque Centrale sont essentiellement d'origine externe. Toutefois, certains facteurs d'origine interne y ont également contribué mais dans une moindre mesure.

III. INTERET ET DELIMITATION DU SUJET

La question des déficits systématique du compte d'exploitation de la Banque centrale soulève, depuis années, des controverses quant à la responsabilité des uns et des autres dans cette situation. Pour certains, l'Etat demeure un des agents déterminants des déficits de la Banque Centrale ; pour d'autres, la Banque elle-même est responsable du déséquilibre de son compte d'exploitation.

Enfin, estiment certains autres analystes, c'est plutôt la complexité et la persistance de la crise économique qui a poussé les agents économiques du secteur public (Etat et banque Centrale) à adopter un certain nombre de comportements, lesquels ont influé négativement sur le compte d'exploitation de l'Institut d'Emission. Il apparaît dès lors intéressant, au-delà de l'argumentation des uns et des autres, d'analyser objectivement ce compte afin d'identifier les facteurs ayant contribué à l'aggravation de son déficit.

Par ailleurs, étudier la question de l'indépendance de la Banque Centrale en cette phase de reconstruction et de rélance de l'économie nationale paraît intérressant. Car, l'institut d'émission sera appelé à jouer un rôle déterminant dans la mise en ouevre d'un certain nombre de réformes structurelles, notamment la réforme monétaire. La Banque Centrale du Congo (BCC) devra de ce fait jouir d'une autonomie effective afin de mener une politique monétaire saine capable de soutenir la reforme monétaire.

En effet, il est impensable de réussir la reforme monétaire avec une Banque Centrale qui a perdu toute autorité sur la monnaie. Et il est illusoire de croire que le simple changement des signes monétaires suffira à rétablir cette autorité. Il faut plutôt entreprendre un ajustement de la Banque Centrale pour assainir les rapports entre cette Banque et les institutions publiques dans le sens d'une plus grande autonomie.

Il sied de préciser que la vue d'ensemble sur la situation de la Banque Centrale que nous tentons d'esquisser dans ce travail ne peut se charger d'une lourde théorie mais doit plutôt s'appuyer sur des faits et chiffres précis. Pour ce qui est de l'horizon temporel, celui-ci portera sur une période allant de 1985 à 1995.

IV. METHODOLOGIE DU TRAVAIL

La lecture d'ouvrages, l'examen des documents à caractères économique et financier produits pendant la période sous étude, les enquêtes et interviews menées auprès des institutions et organismes intéressés serviront à réunir les informations à la réalisation de ce travail. Mais il avouer qu'à cet effet, il est difficile de réunir les ouvrages de référence traitant de la Banque Centrale du Congo. S'il a été produit un certain nombre d'ouvrages relativement faciles à retrouver sur la période d'étude, les ouvrages dont les analyses portent sur l'institut d'Emission ne sont pas aussi abondants qu'on pourrait le souhaiter. A la place, les quelques analyses qui ont été publiées, l'ont été sous forme d'articles dans les revues spécialisées, aussi est-ce sur cette base que la réflexion présentée dans cette étude partira.

V. DIVISION DU TRAVAIL

Cinq chapitres composent la présente étude. Le premier est consacré à la crise économique et ses manifestations au Congo ; le second examine l'incidence de la crise économique sur la Banque Centrale ; le troisième analyse les origines des déficits de la Banque Centrale du Congo ; le quatrième traite de l'indépendance de la Banque Centrale du Congo ; le cinquième, quant à lui, donne quelques perspectives d'avenir.

CHAPITRE I. 

LA CRISE ECONOMIQUE ET SES MANIFESTATIONS AU CONGO

L'économie congolaise traverse depuis plus d'une décennie une crise économique profonde, crise qui s'est aggravée, au cours de ces dernières années, à la suite des multiples vagues de pillages qui ont détruit l'outil de production et les circuits de commercialisation. A ces circonstances malheureuses est venue s'ajouter la réforme monétaire d'octobre 1993 qui a perturbé davantage les déséquilibres économiques et a généré d'autres problèmes non connus dans le passé, tels que l'éclatement de la zone monétaire nationale en plusieurs espaces différents, dont l'espace monétaire kasaïen est le plus connu.

Dans le développement de notre réflexion, il ne sera nullement question de formuler des nouvelles théories sur la notion de crise économique. Notre étude n'entrera pas également dans le débat de fond sur les questions relatives aux causes de la crise économique dans notre pays. Notre préoccupation est plutôt de voir comment la crise économique a entraîné l'amenuisement des recettes ainsi que l'aggravation des charges d'exploitation de la Banque Centrale .

Ainsi donc, nous nous proposons d'abord dans ce chapitre introductif d'étudier la notion de crise économique et d'analyser les manifestations caractéristiques de cette dernière dans le cas particulier de notre pays. Nous analyserons ces manifestations dans la deuxième section de ce chapitre, après avoir étudié, dans la première, la notion de crise économique.

SECTION I. : LA CRISE ECONOMIQUE

Avant d'analyser les manifestations caractéristiques de la crise économique dans notre pays, il nous paraît indispensable de parler brièvement des généralités sur la crise économique. Ce qui constitue la première section de ce chapitre.

D'une manière générale, le terme « crise » désigne une situation perturbatrice, brève et violente. En économie, il avait un sens précis qui correspond au retournement brusque au terme d'une phase d'expansion. La banalisation du mot dans le langage courant lui a donné une acception plus large se référant à une époque beaucoup plus large.((*)2)

Toute crise économique a toujours des effets d'entraînement pervers sur l'économie nationale. Ces effets varient d'un pays à un autre ; mais nous pouvons retenir pour les pays africains les effets suivants :

· faible croissance économique ;

· régression de la production ;

· instabilité monétaire ;

· médiocres performances à l'exportation ;

· dégradation des indicateurs sociaux, de l'environnement et des institutions.

I.1. La crise contemporaine

Aujourd'hui, on parle de plus en plus de la crise contemporaine bien que l'histoire économique nous révèle qu'il a existé des crises pré-industrielles.

La crise contemporaine se manifeste essentiellement par : de dérèglement financier, des taux de chômage importants, des taux d'inflation élevés dans certains pays, une crise de l'investissement et de l'activité industrielle.

I.2. Les explications de la crise contemporaine

Ces phénomènes ont fait l'objet d'interprétations diverses. Tandis que certains auteurs ont mis l'accent sur l'aspect de crise conjoncturelle, d'autres au contraire, y ont vu tous les caractères d'une grande crise de mutation. ((*)3)

Ainsi donc, les analyses de la crise contemporaine sont diverses :

- crise conjoncturelle pour les économistes libéraux et certains économistes
keynésiens ;

- crise profonde de mutation pour d'autres économistes qui soulignent des évolu-
tions structurelles en cours.

SECTION II. MANIFESTATION DE LA CRISE ECONOMIQUE AU CONGO

La crise de l'économie congolaise s'est davantage aggravée à partir de l'année 1991. Parmi les manifestations caractéristiques de cette crise figurent la régression de la production, l'hyperinflation, les dérèglements importants des finances publiques, la position extérieure précaire et insoutenable, et la désintermédiation du système bancaire. Dans cette section, nous analyserons ces différentes manifestations de la crise économique en vue d'épingler particulièrement leur incidence sur la Banque centrale.

II.1. Régression de l'activité de production

L'activité de production concerne « l'ensemble des biens et services créés par l'activité humaine dans l'agriculture, l'industrie et les services ». La production nationale doit par conséquent répondre à la demande nationale. Le but de la politique économique est d'arriver à cet équilibre.((*)4)

L'activité de production au Congo est restée marquée, au cours de ces dernières années, par une baisse constante et quasi-générale dans presque tous les secteurs de production, y compris le secteur minier jadis considéré comme le principal pourvoyeur de ressources fiscales et de devises. Cette situation est la conséquence de plusieurs facteurs conjugués dont les uns sont structurels et d'autres conjoncturels.

Parmi les facteurs structurels on peut relever la défectuosité de l'outil de production, le délabrement des routes d'intérêt général et celles de desserte agricole, le manque criant d'intrants industriels et des produits pétroliers, le sous-financement de l'économie réelle... Quant aux contraintes conjoncturelles, il y a lieu de noter la carence des signes monétaires, l'instabilité politique et l'envahissement de la sphère économique par des activités spéculatives. S'agissant plus particulièrement de la GECAMINES, ses contre-performances s'expliquent en plus par les conflits inter-ethniques ainsi que par l'effondrement de la mine de Kamoto, principale mine de cuivre.

Avant d'examiner l'évolution du Produit Intérieur Brut (P.I.B), nous allons d'abord voir l'évolution de la production des principaux produits congolais de 1985 à 1995.

Tableau n°1 : Evolution de la production des principaux produits congolais.

 
 

PERIODE

PRODUITS

UNITE

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

· Cuivre

tonne

502.115

506.059

494.109

468.395

440.848

355.734

286.073

147.318

48.312

33.725

33.834

· Cobalt

tonne

10.791

14.364

14.821

10.020

9.300

9.981

8.621

6.427

2.200

8.631

4.100

· Zinc

tonne

64.040

63.900

54.819

61.085

54.043

38.204

28.318

18.830

4.152

2.515

4.516

· Diam. art.

1000 car.

12.998

14.524

11.600

10.228

8.698

9.921

10.598

8.934

10.616

11.377

16.345

· Diam. Mib.

1000 car.

6.896

8.692

8.049

8.000

8.911

9.956

6.852

4.567

4.534

4.882

5.679

· Or brut

Kilo

2.181

1.943

3.803

3.792

2.485

5.224

6.131

2.525

1.502

780

1.180

· Café

Tonne

86.075

131.759

117.399

97.695

121.256

107.057

80.654

56.631

50.444

65.552

60.661

· Bois

m3

415.000

418.200

420.750

416.552

418.646

145.266

149.228

76.969

124.032

168.844

164.054

· Caoutchouc

Tonne

13.078

14.165

12.365

11.700

11.500

9.479

11.157

9.738

8.497

7.414

6.450

· H. de palme

Tonne

87.384

82.500

74.500

77.789

76.145

81.259

86.716

33.503

27.290

20.066

19.563

· H. palmiste

tonne

19.945

18.740

16.390

17.537

16.914

6.622

6.387

4.866

8.285

2.736

2.279

· Ciment

tonne

433.329

464.481

475.832

484.874

454.005

459.878

271.401

207.514

149.478

154.411

194.106

· Pétrole brut

tonne

12.225

11.864

9.450

10.721

9.800

10.678

9.699

8.212

8.308

8.972

10.087

 

Source : Banque Centrale du Congo / Rapports annuels de 1985 à 1995

Comme on pourrait le remarquer à partir du tableau ci-dessus, à l'exception du diamant artisanal qui a connu une augmentation de 26%, tous les principaux produits miniers, agricoles et industriels ont accusé des baisses très sensibles : 93 % pour le cuivre ; 62 % pour le cobalt ; 93 % pour le zinc ; 18 % pour le diamant industriel ; 46% pour l'or ; 30 % pour le café ; 60 % pour le bois ; 51 % pour le caoutchouc ; 78 % pour l'huile de palme ; 89% pour l'huile palmiste ; 55 % pour le ciment et 17 % pour le pétrole brut.

La régression de l'activité de production observée au cours de la période sous-analyse s'est traduite par le recul du Produit Intérieur Brut (PIB). Examinons l'évolution du taux de croissance de ce dernier.

Tableau n° 2 : Evolution du taux de croissance du P.I.B. (en %)

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Taux de cr.

+5,2

+0,1

+2,5

+0,6

-1,4

-6,6

-8,4

-10,5

-13,5

-3,9

-0,6

Source : Banque Centrale du Congo / Rapport annuel 1995.

Comme les données chiffrées du tableau ci-dessus l'indiquent, le taux de croissance du P.I.B. est demeuré positif jusqu'en 1988, malgré des variations en dents de scie entre 1986 (+0,1) et 1987 (+2 ,5). A partir de 1989, la croissance négative a commencé avec un taux de -1,4% sans redressement jusqu'en 1995, année au cours de laquelle le taux de croissance s'est situé à -0,6%. En définitive, la détérioration de l'activité de production observée au cours de la période sous revue confirme le recul du P.I.B. qui a enregistré des taux de croissance négatifs.

II.2. Hyperinflation

L'hyperinflation, autrement appelée inflation galopante, est l'un des phénomènes les plus marquants de l'économie congolaise (zaïroise) des années 90. En effet, l'hyperinflation s'appréhende comme une accélération très forte des prix accompagnée d'un effondrement de la valeur de la monnaie. Elle se caractérise par une hausse des prix exponentielle, incontrôlable et imprévisible. Les taux d'inflation sont généralement supérieurs à la masse monétaire. Aussi, les prix relatifs perdent de plus en plus leur cohérence et la monnaie nationale, l'exercice de ses fonctions essentielles.((*)5)

Cette description ressemble fort à la situation qu'a connu l'économie du

Zaïre de 1990 à 1994, à l'exception de 1992 où le taux d'expansion de liquidités monétaires a dépassé celui de la hausse des prix, en raison principalement de la crise des émissions monétaires. (Voir tableau n°2).

C'est depuis l'avènement de la transition politique, en 1990, que l'économie congolaise a basculé dans l'ère de l'hyperinflation marquée par un accroissement fulgurant des prix, au rythme annuel de 4725%. ((*)6)

En effet, l'hyperinflation, qui est une hausse brutale et exponentielle des prix, est apparue dans toute sa dimension dans notre pays à partir du dernier trimestre 1990. Elle s'est enracinée dans l'économie de notre pays sous l'effet conjugué du financement monétaire accru des déficits budgétaires et du recul important de la production intérieure. En dépit des « efforts » fournis par les différents gouvernements de transition pour l'enrayer, l'hyperinflation n'a même été maîtrisée. Toutefois, grâce aux effets conjugués du programme de gestion macro-économique et de stratégie de désinflation rapide mise en oeuvre en 1995, le taux d'inflation est descendu à 370%. Cependant, faute de mesures structurelles conséquentes, ce résultat encourageant ne s'est pas consolidé en 1996 qui a connu une inflation de 753%.

Par ailleurs, il convient de noter que depuis l'avènement du nouveau pouvoir politique intervenu au mois de mai 1997, l `économie zaïroise (devenue congolaise depuis cette date) est brusquement passée de « l'hyperinflation zaïroise à la déflation congolaise » pour utiliser la jolie formule de MUSUSA ULIMENGU.((*)7) Selon l'IRES, cette rupture se confirme avec le taux de variation annuelle de -0,4 % enregistré en 1997 contre 753% en 1996.

Tableau n°3 : Evolution du taux d'inflation et du taux de la variation de la
masse monétaire.

ANNEE

TAUX D'INFLATION

TAUX DE CROISSANCE DE LA MASSE MONET. (en %)

1990 (4ème trimestre)

1991

1992

1993

1994

1995

136.8

3.642,0 

2.981,0

4.652,0

9.726,7

370,3

117,9

2.230,0

4.111,0

2.483,0

5.576,0

415,4

Source : IRES et Banque Centrale du Congo

A l'exception de 1992 et 1995, il s'observe que la hausse des prix intérieurs a excédé l'expansion de la masse monétaire au cours de la période sous-revue . La pénurie des signes monétaires qui s'est généralisée au cours de l'année 1992 a eu comme conséquence la modification de la structure de la masse monétaire où la monnaie scripturale est devenue prépondérante. Compte tenu de la relation directe entre monnaie fiduciaire et les prix intérieurs, il en est résulté un ralentissement de l'inflation non corrélé avec la forte croissance de la masse monétaire. En 1995, le passage brusque de l'inflation de 4 à 3 chiffres résultait de la politique de désinflation rapide qui a permis de ramener le taux de hausse des prix à un niveau inférieur à celui de la masse monétaire.

1.3. Dérèglement des finances publiques

On entend par finances publiques, l'ensemble des problèmes relatifs à la gestion des fonds publics c'est-à-dire de l'Etat à différents niveaux d'échelons (niveau national et local). Le terme se rapporte également aux institutions internationales aussi bien régionales, sous-régionales que continentales.((*)8) Par ailleurs, la gestion des finances publiques s'apprécie à travers la gestion du budget de l'Etat.

Principale cause des déséquilibres qui affectent l'économie congolaise depuis plus d'une décennie, , la gestion des finances publiques est restée marquée, particulièrement depuis 1991, par des dérèglements importants : mobilisation insuffisante des recettes et explosion des dépenses. Cette expansion des dépenses publiques, dans un contexte de fléchissement continu des recettes, a favorisé l'élargissement insoutenable des déficits budgétaires. Le financement de ces déficits essentiellement par création monétaire a conduit inéluctablement à l'explosion des prix intérieurs et à l'accélération de la dépréciation du taux de change.

Comme les finances publiques comprennent les grandes masses c'est-à-dire les dépenses publiques d'une part, et les recettes d'autre part, examinons à présent comment ces dernières ont évolué durant la période allant de 1985 à 1995.

Tableau n°4 : Evolution annuelle des finances publiques

(en millions de dollars)

Rubriques

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Recettes

849,07

829,53

776,95

1.072,31

1.266,18

1.146,10

554,25

264,13

440,01

174,53

468,26

Dépenses

883,16

1.00,99

990,59

1.696,36

1.103,83

1.867,30

1.995,10

1.353,86

2.024,80

301,50

460,74

Déficit (-)

Excédent (+)

-34,09

-721,54

-213,14

-624,08

+165,35

-721,20

-1.140,80

-1.089,73

-1.584,79

-126,97

+7,52

Source : Banque Centrale du Congo / nos calculs.

Comme les données chiffrées du tableau ci-dessous l'indiquent, les finances publiques ont présenté des réelles insuffisances, particulièrement depuis 1991 ; les dépenses publiques sont restées à un niveau sensiblement élevé alors que les recettes périclitent d'année en année. Ainsi, par exemple, de 1.266,1 millions de dollars américains en 1989, les recettes publiques sont tombées jusqu'à 468,26 millions de dollars de recettes publiques. Quant aux dépenses, elles sont montées en flèches jusqu'à atteindre un pic de 2.024 millions de dollars en 1993. Ces dépenses n'ayant pas été contenues dans le temps, le déficit des finances publiques s'est fortement accentué, atteignant jusqu'à 1.584,19 millions de dollars en 1993.

Plusieurs facteurs expliquent l'évolution des recettes et des dépenses publiques entre 1985 et 1995 :

Au niveau des recettes , les faibles réalisations sont dues essentiellement à la baisse de la contribution de la GECAMINES à l'Etat au titre des divers impôts et taxes, à la fraude et à l'évasion fiscale, à l'octroi des exonérations fiscales en dehors de celles prévues par la loi, à l'amenuisement de la base d'imposition consécutif au ralentissement de l'activité économique, aux prélèvements à la source des recettes encaissées ainsi qu'aux réajustements tardifs des impôts et taxes spécifiques.

Quant aux dépenses, elles ont connu une forte expansion en raison essentiellement des facteurs ci-après : le non respect des procédures et de la loi budgétaire, la surfacturation des biens et services offerts à l'Etat dont le mode de paiement convenu est le virement bancaire, l'indexation à l'évolution du taux de change des dépenses récurantes de fonctionnement ainsi que le relèvement sensible de l'enveloppe des rémunérations, particulièrement en 1991 et 1993.

II.4. Position extérieure précaire et insoutenable

Bien plus que pour les pays industrialisés, le commerce extérieur est un élément vital de l'économie de la plupart des pays africains, dont le Congo. En effet, grâce aux différentes recettes d'exportations dont il rapporte, le commerce extérieur offre à l'Etat les moyens de réaliser des recettes budgétaires avec lesquelles il peut financer le développement des différents secteurs de l `économie.

La régression de l'activité économique telle que décrite peu avant s'est réflectée au niveau du commerce extérieur par la contraction des recettes d'exportation. Cette situation est attribuable d'une part à la détérioration des cours des principaux produits miniers et agricoles, et d'autre part à la réduction sensible du volume des produits exportés.

La situation des ressources en devises a été par ailleurs aggravée par l'amenuisement des aides étrangères à la suite du gel de la coopération tant bilatérale que multilatérale. En définitive, la précarité de la position extérieure du Congo transparaît dans l'élargissement du solde négatif de la balance générale des paiements.

Le solde c'est-à-dire la différence entre les dépenses et les recettes de chaque poste ou groupe des postes de la balance des paiements va nous aider à caractériser la situation des paiements extérieurs dans laquelle se trouve notre pays.

Tableau n°5 : Evolution de la situation des paiements extérieurs de 1985 à 1995
(en millions de DTS)

Rubriques

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Recettes d'exportation

1.933,4

1.388,8

1.262,6

1.576,2

1.702,5

1.554,5

1.1112,4

869,3

818,6

876,9

1.076,0

Taux de dépréciation (en %)

27,8

21,5

45,9

39,7

19,0

74,0

96 ,6

97,2

99,1

97,2

98,9

Arriérés / en cours global de la dette extérieure (en %)

n.d

n.d

0,29

0,44

9,9

13,8

22,8

40,7

52,8

60,2

58,5

Solde de la balance des paiements

-130,0

-91,5

-92,5

-13,9

-15,5

-224,9

-826,0

-924,0

-995,0

-810,4

-752,6

Source : Banque Centrale du Congo / Rapports annuels de 1985 à 1995

Comme les données disponibles du tableau ci-dessus l'indiquent, les recettes d'exportation sont en baisse depuis 1992. En effet, une tenue satisfaisante des recettes d'exportation générées par l `économie de 1985 à 1991 en se situant aux environs d'une moyenne de 1500 millions de DTS a brutalement chuté à 869,8 millions de DTS en 1992, 818, 1 millions de DTS en 1993 et 876,9 millions de DTS en 1994. Toutefois, une tendance à la hausse est observée en 1995.

Quant au solde de la balance des paiements, celui-ci est resté négatif

durant toute la période sous-analyse. De 130,0 millions de DTS en 1985, le solde de la balance des paiements est passé à 752,6 millions de DTS en 1995. Par ailleurs, l'amenuisement des ressources en devise a eu pour conséquence la dépréciation persistante de la monnaie nationale, ainsi que l'accumulation d'importants arriérés de la dette extérieure.

II.5. Désintermédiation du système bancaire

Depuis l'avènement de l'hyperinflation en 1990, le système bancaire a été marqué jusqu'en 1994 par une crise de liquidités aiguës, laquelle a accentué la désintermédiation bancaire.((*)9) Cette crise qui rend le système illiquide, s'est traduit par l'inconvertibilité de la monnaie scripturale sous forme fiduciaire, gênant ainsi l'activité économique tout en accentuant la méfiance du public vis-à-vis des banques. Plusieurs causes ont été à la base de cette crise de liquidités ; certaines sont lointaines tandis que d'autres sont immédiates.

Parmi les causes lointaines, l'on peut relever principalement le financement monétaire des déficits budgétaires, la persistance de l'inflation, la prédominance de la monnaie fiduciaire qui reflète la faible utilisation des moyens de paiements scripturaux et l'expansion de l'économie informelle. Il convient d'ajouter à ces causes la libéralisation en 1983 de l'exploitation artisanale des matières précieuses. Les sommes importantes drainées par cette exploitation sont gardées sous forme fiduciaire (billets de banque) du fait de l'inexistence des guichets bancaires et de l'insuffisance des activités commerciales et industrielles dans les zones diamantifères.

Toutefois, il sied de relever qu'en sus des causes lointaines ci-dessus , d'autres causes immédiates ont été à la base de cette crise. Ces causes sont essentiellement :

· L'apparition, vers la fin de l'année 1990, des jeux de placement populaires qui ont diminué sensiblement les encaisses des banques au profit des circuits parallèles. L'attraction du public vers ces jeux s'expliquait tout simplement par le fait que les taux d'intérêt qu'offraient ces maisons de placement étaient de loin supérieurs aux taux d'intérêts créditeurs des banques ;

· Les premiers pillages, intervenus en septembre 1991, qui ont détruit l'outil de production et les circuits de commercialisation. Ces évolutions ont favorisé à leur tour l'émergence et l'importance des activités informelles. Or, les encaisses monétaires croissantes détenues par ce secteur n'étaient pas recyclées en banque ;

· L'accélération du financement monétaire des déficits budgétaires à partir du dernier trimestre 1990. Cette situation a entraîné un relèvement sensible des prix intérieurs, créant de ce fait un besoin supplémentaires de la monnaie fiduciaire. Dans un contexte de recyclage de billets quasi-nul, l'institut d'émission n'a pas pu répondre à ces besoins additionnels ;

· L'épuisement du stock stratégique des signes monétaires de la Banque Centrale suite au décuplement du solde des militaires, de la masse salariale des fonctionnaires et autres services publics.

Quelques indicateurs économiques permettent d'apprécier quantitativement l'évolution de cette crise depuis 1990.

Le taux de couverture de dépôts à vue (encaisse des banques / dépôts à vue des banques) qui était de 7,2% en janvier 1990 est tombé à 5,2% et 4 ,5% respectivement à la fin de 1990 et 1991. Au mois d'avril 1992, ce taux se situait à 0,8%. Le niveau excessivement bas de ce ratio permet d `évaluer l'ampleur de la crise de billets au sein de système bancaire. En période normale ce taux avoisine 8%.

Avant la crise de liquidité, le taux de circulation fiduciaire (circulation fiduciaire / masse monétaire) se situait en moyenne à 55%. Ce taux relativement élevé traduit la préférence pour la liquidité des agents économiques dans le dénouement des différentes transactions. Après avoir atteint 72% en octobre 1991, le taux de circulation fiduciaire a progressivement diminué en passant de 59% fin 1991 à 47% en 1992. Le relèvement sensible de ce taux indique l'expansion exagérée de la monnaie fiduciaire en dehors du système monétaire.

Par ailleurs, la crise de liquidité a entraîné plusieurs conséquences sur l'économie, principalement l'accentuation de la désintermédiation bancaire et l'apparition des marchés d'échange. Cette situation a eu également des répercussions néfastes sur l'activité gouvernementale et le comportement des entreprises.

S'agissant de la désintermédiation bancaire, celle-ci s'explique par deux facteurs : d'une part les versements en espèces en banque des opérations économiques ont tari, le taux de recyclage étant quasi-mal du fait de l'incertitude de retirer les fonds aux guichets des banques. D'autre part, la demande de crédits à l'économie s'est affaiblie vu l'incapacité des banques à convertir en espèces les crédits octroyés à leurs clients.((*)10)

Pour ce qui est du marché d'échange chèque/espèces, avec décote de la monnaie scripturale, son apparition résulte de l'inconvertibilité croissant de la monnaie scripturale. Le taux de change est fonction du degré de rareté des signes monétaires dans les banques d'une part, et de l'abondance de la monnaie scripturale d'autre part.

La pénurie des signes monétaires a rendu le gouvernement incapable de faire face aux dépenses contraignantes notamment le paiement régulier des salaires dans la fonction publique et les frais de fonctionnement des services publics.

Du fait de la pénurie de billets de banque, certaines entreprises ont accumulé des arriérés de rémunération. Dans les entreprises où les services et les produits exigent un paiement en espèces, il est apparu une double comptabilité à savoir la comptabilité espèce et la comptabilité scripturale. Les pouvoirs publics maintenant l'égalité entre monnaie fiduciaire et monnaie scripturale, la décote de la dernière par rapport à la première a fait que ces entreprises ont pris l'habitude de régler les impôts et les prestations des services publics en monnaie scripturale, entraînant ainsi une baisse régulière du rendement fiscal.((*)11)

Enfin, le marché monétaire a pratiquement disparu lorsque la crise de liquidités monétaires est apparue. Les opérations sur ce marché étaient rendues difficiles par l'absence de la monnaie Banque Centrale auprès de l'Institut d'Emission. Il convient de noter que le marché monétaire était animé par la Banque Centrale et subsidiairement par les Banques Commerciales, les autres institutions monétaires n'intervenant pas. Les demandes des banques en déficit de trésorerie trouvaient satisfaction dans les interventions de la Banque Centrale.

Après avoir analysé les manifestations de la crise économique dans notre pays, voyons à présent, dans le deuxième chapitre, l'incidence de cette crise sur la Banque Centrale. Autrement dit, nous allons tenter de montrer dans le chapitre suivant, comment la crise économique a occasionné l'amenuisement sensible des recettes traditionnelles de la Banque ainsi que l'augmentation significative de ses charges, notamment celles liées aux émissions monétaires.

CHAPITRE II

INCIDENCE DE LA CRISE ECONOMIQUE SUR LA BANQUE

CENTRALE DU CONGO

La détérioration de la situation financière de la Banque Centrale est intimement liée à l'évolution du cadre macro-économique qui conditionne la viabilité du système bancaire et l'état des relations de l'Institut d'Emission avec le Trésor.

En effet, au cours de la période allant de 1983 à 1989, la situation de la Banque Centrale n'a pas tellement été préoccupante. Ces années ont été marquées par des évolutions économiques favorables imprimées par la mise en oeuvre des programmes d'ajustement et des réformes structurelles soutenus par les partenaires extérieurs, notamment la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International.

A partir de 1991, le pays est entré dans une crise économique profonde provoquée entre autres par les coûts économiques et financiers de l'ajustement politique intervenus en avril 1990. Les principales caractéristiques de cette crise ont analysées dans le chapitre précédent.

En effet, la dégradation du cadre macro-économique telle que décrite peu avant a entraîné une mutation profonde dans la structure et la hauteur tant des recettes que des dépenses de l'Institut d'Emission. Ainsi donc, le but poursuivi par ce chapitre est d'analyser l'incidence de la crise économique sur la Banque Centrale, plus exactement au niveau de ses charges et de ses recettes d'exploitation. Nous analyserons cette incidence dans la deuxième section de ce chapitre, après avoir donné, dans la première, l'aperçu de l'évolution du compte d'exploitation de la Banque Centrale.

SECTION 1 : APERÇU DE L'EVOLUTION DU COMPTE D'EXPLOITATION
DE LA BANQUE CENTRALE DU CONGO DE 1985 A 1995

Les sources de recettes ainsi que les rubriques des dépenses de la Banque Centrale ont considérablement évolué au cours de la dernière décennie. En effet, l'examen du compte d'exploitation de la Banque Centrale au cours de la période allant de 1985 à 1995 permet de dégager certaines évolutions caractéristiques de sa situation financière au niveau des recettes, des dépenses et des résultats.

Il est question dans cette section d'étudier l'évolution du compte d'exploitation de la Banque Centrale du Congo de 1985 à 1995. Cette revue de la structure du compte d'exploitation va nous aider à déterminer les pôles de concentration des recettes au niveau du crédit d'une part, et les principales rubriques de dépenses, au niveau du débit, d'autre part.

I.1. Evolution des recettes d'exploitation

En ce qui concerne les recettes, leur structure a sensiblement évolué dans le temps et quatre périodes se dégagent nettement.

En effet, de 1985 à 1986, les recettes d'exploitation ont été alimentées essentiellement par les revenus sur les opérations de change, suivis des intérêts sur les opérations de refinancement des banques et sur les avances au Trésor. Source la plus importante des recettes de la Banque entre 1985 et 1986, les revenus sur les opérations de change (avoirs en monnaies étrangères, commissions et redevances de change) ont représenté en moyenne 44% du total des recettes de la Banque. Ils sont suivis par les intérêts sur les avances au Trésor estimés à 23% des recettes totales. Au cours de cette période, les recettes sur les opérations de refinancement des banques (réescompte, call money, avances en compte) constituent une source d'appoint considérable. Entre 1985 et 1986, par exemple, les trois rubriques précitées dépassent la hauteur des intérêts des avances au Trésor, soit 24% du total des recettes.

La structure des recettes de la Banque Centrale s'est modifiée à partir de 1987 avec l'apparition d'une nouvelle source dans la composante des opérations de refinancement des banques. Il s'agit des opérations du call money. Il sied de noter que le marché de call money, généralement appelé marché monétaire, a été institué en 1986 pour favoriser la mobilisation des ressources en vue du financement de l'économie. La création de ce marché a coïncidé quelques mois après avec la suppression des opérations de prise en tension et l'unification des taux de réescompte. 

Notons par ailleurs qu'avec la participation de la Banque Centrale aux opérations du marché monétaire, à partir de février 1987, les avances en compte courant ont commencé à perdre progressivement leur prééminence au profit due call money.

De 1987 à 1989, ce sont les intérêts tirés des opérations du marché monétaire qui constituent la source la plus importante des recettes de la Banque Centrale. Ces intérêts ont contribué aux recettes de la Banque pour 30% en moyenne annuelle de 1987 à 1989. Cette rubrique est suivie de celles des avances en comptes courants 13% et les intérêts sur les avances au Trésor 12%. Outre les deux rubriques ci-dessus , les sources d'appoint proviennent des opérations de change. Ils ont représenté en moyenne 30% du total des recettes de a Banque au cours de cette période.

En 1990, on voit apparaître une autre source de recettes qui jusque là était moins important: il s'agit des autres produits de change. Ils totalisent 39% des recettes totales en 1990. Quant autres sources de recettes, elles ont toutes connues des baisses importantes au cours de cette année: 8% pour les opérations du marché monétaire; 10% pour les avances au Trésor; 8% et 4% respectivement pour les avances en comptes courants et les opérations de réescompte et enfin 16% pour les revenus sur les opérations en monnaies étrangères.

Tableau n°6 : Evolution des recettes d'exploitation de 1985 à 1990.

RECETTES D'EXPLOITATION*

1985

%

1986

%

1987

%

1988

%

1989

%

1990

%

· Intérêt sur les avances au Trésor

551

22

646

23

832

14

1.265

10

4.104

12

6.180

10

· Intérêts sur les opérations de réfina.

501

20

785

28

2.581

43

5.089

41

16.945

48

12.575

20

* Avances

429

17

649

23

914

15

1.279

10

4.580

13

5.030

8

* Réescompte

72

3

136

5

50

1

23

-

1.539

4

2.515

4

* Call money

-

-

-

-

1.617

27

3.810

31

10.826

31

5.030

8

· Revenu sur les opérations de change

1.143

47

1.127

40

1.968

34

3.943

32

9.372

26

13.601

61

* Commission de change

335

14

341

12

680

12

1.549

13

3.637

10

5.030

8

* Redevances de change

344

14

488

17

777

13

1.478

12

3.470

10

5.030

8

* Intérêts sur les avoirs en ME

464

19

298

11

511

9

916

7

2.265

6

3.540

6

* Autres produits de change

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

24.523

39

· Autres

260

11

259

9

555

9

2.154

17

4.821

14

6.001

9

TOTAL(A)

2.455

100

2.810

100

5.936

100

12.415

100

35.242

100

62.880

100

 

Source : Banque Centrale du Congo

* En millions de zaïres courants

Le tableau ci-dessus permet de dégager la contribution des différentes rubriques aux recettes de la Banque Centrale pour les deux périodes sous revue. Cette contribution se présente, en moyenne annuelle de la manière suivante:

Période 1985-1986 Période IW-191

Revenus sur les opérations de change: 44% 39%

* Redevances et commissions de change : (29 %) ( 22%)

* Intérêts sur les avoirs en ME : (15%) (17%)

· Intérêts sur les opérations de refinanc. 24 % 38%

* Avances : (20 %) (12%)

* Réescompte : ( 4 % ) ( 2%)

* Call money : ( - ) (24%)

Intérêts sur les avances au Trésor 23 % 12%

Autres 9% 11%

Après avoir analysé la période allant de 1985 à 1990, examinons à pré-

sent celle allant de 1991 à 1994 qui, comme on le verra, est tout aussi déterminante dans l'évolution de la structure et la hauteur des recettes d'exploitation de la Banque Centrale.

Concernant cette période, elle a été marquée par la prépondérance des intérêts sur les avances au Trésor et l'assèchement quasi-total des autres sources de recettes, à savoir les revenus sur les opérations de change et les intérêts sur les opérations de refinancement des banques.

Le gonflement des intérêts sur les avances au Trésor est lié essentiellement au financement monétaire, par l'Institut d'Emission, des déficits budgétaires de l'Etat de plus en plus importants; tandis que le recul des intérêts sur les opérations de refinancement des banques et des revenus sur les opérations de change s'explique par la baisse de l'activité bancaire consécutive â la crise de liquidités d'une part, et par la chute brutale des exportations et des apports extérieurs d'autre part.

En 1995, une autre mutation est intervenue dans la structure et la hauteur

des recettes de la Banque Centrale. Elle a débouché sur la prépondérance des intérêts sur les opérations de refinancement des banques avec 49% contre 6 % durant la période allant de 1991 à 1994. Par contre, les recettes sur les avances au Trésor ont été 21 % et les revenus sur les opérations de change 16 %.


Tableau n°7 : Evolution des recettes d'exploitation de 1991 à 1995.

RECETTES D'EXPLOITATION*

1991

%

1992

%

1993

%

1994(1)

%

1995

%

· Intérêt sur les avances au Trésor

910

75

131.810

87

1.771.778

76

24.483

42

206.316

21

· Intérêts sur les opérations de réfinan.

78

7

558

-

-

-

10.583

18

489.250

49

* Avances

52

4

558

-

-

-

5.246

9

425.505

43

* Réescompte

8

1

-

-

-

-

1.839

3

13.404

1

* Call money

18

2

-

-

-

-

3.498

6

50.341

5

· Revenu sur les opérations de change

168

14

11.653

8

69.720

3

11.075

19

156.126

16

* Commission de change

71

6

1.170

1

-

-

-

-

944

-

* Redevances de change

63

5

2.212

2

23.237

1

4.663

8

28.431

3

* Intérêts sur les avoirs en ME

34

3

7.671

5

46.483

2

6.412

11

36.421

4

* Autres produits de change

-

-

-

-

-

-

-

-

90.330

9

· Autres

55

4

7.812

5

482.169

21

12.152

21

141.857

14

TOTAL(A)

1.211

100

154.832

100

2.323.667

100

58.293

100

983.549

100

 

Source : Banque Centrale du Congo / (1) En millions de nouveaux zaïres à partir de 1994.

* En millions de zaïres courants

L'examen de la structure des recettes d'exploitation de la Banque Centrale au cours de la période allant de 1991 à 1994 laisse voir que ce sont essentiellement les intérêts sur avances au Trésor qui constituent le poste le plus important des recettes. La contribution des différentes rubriques au cours de cette période, se présente, en moyenne annuelle, de la manière suivante:

Intérêts sur les avances au Trésor: 70 %

Revenus sur les opérations de change: 11 %

* Redev. Et comm. sur op. de change : (6 %)

* Int. Sur av. en M.E. : (5 %)

Intérêts sur les opérations de refinanc. : 6,3 %

* Avances : (3,3%)

* Call money : (2 %)

* Réescompte : (1 %)

· Autres : 12,7%

100 %

En 1995, les intérêts sur les banques en difficultés (385,8 milliards de NZ) et la partie des intérêts sur les avances au Trésor (200,8 milliards sur 206,8 milliards de NZ) ont été enregistrés comme produits. Ces intérêts n'ont pas été effectivement perçus, ceci en raison du non aboutissement des négociations portant sur la consolidation des avances accordées à l'Etat jusqu'à fin 1994 et l'insolvabilité des banques en difficultés. A cet effet, une provision pour créance douteuse de 585,6 milliards de NZ a dû être constituée, aggravant ainsi les charges d'exploitation de l'Institut d'Emission. En conséquence, les recettes effectivement perçues ont totalisé 406,9 milliards de NZ.

De ce qui précède, il ressort que la structure réelle en 1995 est prédominée par les ressources traditionnelles d'une Banque Centrale, à savoir les revenus sur les opérations de change et ceux des opérations de refinancement des banques. Cette structure se présente de la manière suivante:

Intérêts sur les avances au Trésor: 2 %

Revenus sur les opérations de change: 38 %

Intérêts sur les opérations de refinanc. : 25 %

· Autres : 35 %

100 %

1.2. Evolution des charges d'exploitation

S'agissant des charges d'exploitation de la Banque , leur structure a aussi connu d'importantes modifications au cours de la période allant de 1985 à 1995. Il se dégage également, comme dans le cas de la structure des recettes d'exploitation, deux grandes tendances.

En effet, entre 1985 et 1990, la structure des charges d'exploitation de la Banque a été dominée par les charges du personnel, suivis des frais financiers et des frais d'émission des signes monétaires. Quant aux autres charges, elles n'ont pas représenté grande chose comme on pourrait le remarquer dans le tableau ci-dessous.

Tableau n°8 : Evolution des charges d'exploitation de 1985 à 1990.

CHARGES D'EXPLOITATION*

1985

%

1986

%

1987

%

1988

%

1989

%

1990

%

· Frais du personnel

936

29

1.104

41

2.298

40

4.824

40

10.618

30

21.247

38

· Frais d'adm. et coop. Etrangère

165

5

151

5

326

6

543

4

2.295

7

3.507

6

· Frais d'émission des signes monét.

449

14

471

14

956

16

2.183

18

4.623

13

11.724

21

· Frais bat., Mat., Mob., véh.

216

7

226

7

392

7

806

7

2.746

8

3.803

7

· Frais financiers

1.194

37

861

25

1.197

21

2.251

19

7.660

22

8.915

16

· Dotations aux amortissements & prov.

131

4

60

2

363

6

1.033

8

5.742

17

861

2

· Autres

154

4

221

6

255

4

487

4

1.058

3

5.323

10

TOTAL(B)

3.245

100

3.399

100

5.787

100

12.127

100

34.742

100

55.380

100

RESULTAT (A-B)

- 790

 

- 589

 

149

 

288

 

500

 

7500

 
 

Source : Banque Centrale du Congo

* En millions de zaïres courants

Comme on pourrait le remarquer à partir du tableau ci-dessus, la

structure des charges d'exploitation au cours de la période allant de 1985 à 1990 a été dominée par les frais du personnel. Ceux-ci ont représenté en moyenne annuelle 38% du total des charges, suivis des frais financiers 23 % et des frais d'émission des signes monétaires 16%.

De 1991 à 1994, il y a eu renversement de la tendance, car les frais d'émission des signes monétaires ont constitué le principal poste des dépenses globales. Ils ont représenté, en moyenne annuelle, pour les quatre dernières années, 36% des dépenses globales. La moyenne des charges du personnel et des frais financiers a été respectivement de 19% et 8%.

L'accroissement des frais d'émission des signes monétaires durant cette période provient de l'augmentation des émissions monétaires, lesquelles ont financé les avances au Trésor, la transformation des recettes publiques mobilisées sous forme scripturale et la couverture des billets de banque de différentes opérations bancaires.

Tableau n°9 : Evolution des charges d'exploitation de 1991 à 1995

CHARGES D'EXPLOITATION*

1991

%

1992

%

1993

%

19941

%

1995

%

· Frais du personnel

233

25

20.073

26

185.753

13

17.066

13

91.779

5

· Frais d'adm. et coop. Etrangère

135

14

9.867

13

96.946

7

7.638

6

123.113

7

· Frais d'émission des signes monét.

322

34

33.105

42

621.436

45

37.083

23

553.642

31

· Frais bat., Mat., Mob., véh.

52

5

4.255

5

83.351

6

7.274

6

38.631

2

· Frais financiers

119

13

4.778

6

132.707

9

5.197

4

109.919

6

· Dotations aux amortissements & prov.

-

0

17

0

1.201

0

0

-

586.653

33

· Autres

80

9

6.731

8

270.746

20

54.657

42

273.498

16

TOTAL(B)

941

100

78.826

100

1.392.140

100

128.915

100

1.777.235

100

RESULTAT (A-B)

270

76.006

931.527

-70.662

-783.685

 

Source : Banque Centrale du Congo / (1) En millions de nouveaux zaïres

* En millions de zaïres courants

Comme on pourrait le lire à partir du tableau ci-dessus, la structure des charges d'exploitation de la Banque Centrale pour la période allant de 1991 à 1994 se présente, en moyenne annuelle, de la manière suivante:

- Frais du personnel .16% - Frais bat., Mat., Mob., véh.: 5%

- Frais d'adm. et coop. 9% - Frais financiers 8%

- Frais d'émission des - Dotations aux amort. 7%

- signes monnétaires .36 % - Autres 19%

100%

En 1995, les frais d'impression des signes monétaires ont continué à prédominer dans la structure des charges d'exploitation avec 31 % du total des charges. Ils sont suivis par les dotations aux amortissements et provisions 33 %. Il importe de relever que les frais du personnel n'ont représenté que 5 % du total des charges. Par ailleurs, en déduisant des charges les dotations et provisions pour créances douteuses 586,6 milliards de NZ, les charges structurelles de la Banque en 1995 se sont chiffrés à 1.190,6 milliards de NZ ventilé comme suit :

- Frais du personnel : 8 % - Frais bât., mat., mob., véh. : 3 %

- Frais d'admin. et coopér. : 10 % - Frais financiers : 9 %

- Frais d'émission des - Dotations aux amort. :

signes monétaires : 47 % - Autres : 23 %

100 %

De l'évolution ainsi décrite, il se dégage, particulièrement en 1994 et en 1995, d'importants déficits du compte d'exploitation de la Banque Centrale du Congo respectivement de 70 milliards et 783 milliards de nouveaux zaïres.

Cette revue de la structure du compte d'exploitation de la Banque Centrale permet de dégager quelques évolutions caractéristiques de la structure tant de ses dépenses que de ses recettes d'exploitation.

Au niveau du crédit, on relève l'existence de trois pôles de concentration des nécessites, à savoir: les intérêts sur les avances au Trésor, les revenus sur les opérations en monnaies étrangères et les intérêts sur les opérations de refinancement des banques.

Au niveau du débit, les frais d'émission des signes monétaires, les frais financiers ainsi que les frais du personnel constituent les rubriques principales des dépenses.

Au regard de ce qui précède, il apparaît aisé de montrer comment la crise économique a entraîné l'amenuisement des recettes ainsi que l'aggravation des charges d'exploitation de la Banque Centrale.

SECTION II. : INCIDENCE DE LA CRISE ECONOMIQUE SUR LA

BANQUE CENTRALE DU CONGO

Cette analyse sera centrée autour des quelques indicateurs de la crise économique, lesquels ont eu des répercussions néfastes sur les recettes ainsi que les charges d'exploitation de la Banque Centrale.

En effet, avec la chute de la production, il en est résulté une régression sensible des recettes d'exportation. La baisse des recettes en devises a eu des répercussions néfastes sur les produits de change de la Banque. Par ailleurs, la désintermédiation financière consécutive à la pénurie des signes monétaires au sein du système bancaire a provoqué l'arrêt des opérations sur le marché monétaire. Cette situation s'est traduite par la baisse des produits provenant du refinancement des banques.

L'augmentation incontrôlée de la masse monétaire consécutive aux dérèglements des finances publiques a eu pour conséquence d'accroître sensiblement les charges d'exploitation de la Banque Centrale relative à l'émission des Signes monétaires. En effet, ces deux agrégats sont fortement liés l'un à l'autre du fait que le financement du déficit budgétaire par les avances de la Banque Centrale constitue la principale contrepartie des émissions monétaires.

II.1. Crise économique et amenuisement des recettes

En temps normal, à l'instar des autres banques centrales, les revenus sur les opérations de change et les produits de refinancement des banques constituaient les sources traditionnelles de recettes de la Banque Centrale du Congo. Il sied de noter que cette configuration était encore valable avant 1991. En effet, entre 1985 et 1990, ces deux sources représentaient en moyenne 73% du total de recettes de la Banque Centrale.

Ainsi que souligné ci-haut, la crise économique s'est manifestée par la baisse généralisée de la production dans presque tous les secteurs, y compris le secteur minier jadis considéré comme le principal pourvoyeur de ressources fiscales et de devises. Cette baisse de la production a eu pour conséquence la régression des recettes générées par les exportations. Par ailleurs, la crise s'est également traduite par la désintermédiation financière consécutive respectivement à la perte de confiance généralisée envers la monnaie nationale, la pénurie des signes monétaires au sein du système bancaire et l'inconvertibilité des dépôts.

Suite à la régression des recettes d'exportation et à la désintermédiation financière du système bancaire, les recettes provenant du refinancement des banques et des opérations de change ont connu une chute brutale, sans possibilité immédiate de substitution.

En effet, il est à souligner qu'à l'époque, lorsque la situation économique du pays ne s'était pas encore détériorée, la Banque Centrale disposait des moyens importants en devises provenant de la GECAMINES et des autres secteurs de production - sous forme de commissions et redevances de change - et de rachats sur les recettes d'exportation rapatriées dans les comptes RME. Ses ressources provenaient aussi des différentes transactions en monnaies étrangères effectuées dans le système bancaire.

Il sied ici d'ouvrir une parenthèse pour dire que les redevances et commissions de change sont perçues à l'occasion des opérations de contrôle de change sur la valeur nette des recettes en devises rapatriées dans le système bancaire. Bien plus, certaines commissions de change sont perçues sur les différentes transactions en monnaies étrangères effectuées dans le système bancaire (opération d'achat ou de vente des devises).

La mobilisation de ces ressources en devise par la Banque Centrale dépend du système de rétrocession en vigueur, des activités d'exportation et surtout la confiance des opérateurs sur le système bancaire.

Par ailleurs, une bonne partie de ses ressources en devises provenant de ces opérations était souvent placée à l'extérieur et rapportait à la Banque Centrale, sous forme d'intérêts créditeurs, d'importantes recettes en monnaies étrangères. Mais, depuis l'effondrement de la GECAMINES, jadis pourvoyeuse de l'économie de notre pays en devises, la contribution des avoirs en monnaies étrangères dans les recettes de l'institut d'Emission s'est considérablement amenuisée.

S'agissant particulièrement des revenus sur les opérations de change (commissions et redevances de change, et placement à l'extérieur), leur chute brutale a été aggravée par la baisse dramatique de la contribution de la GECAMINES au budget de recettes en devises de la Banque Centrale et régression sensible des recettes d'exportation rapatriées dans le système bancaire.

Par ailleurs, le tarissement des devises au sein du système bancaire, consécutive à la fuite des opérateurs économiques vers l'informel, a réduit la possibilité de la Banque Centrale de percevoir des recettes en devises sous forme de redevances et commissions de change.

Il convient d'ajouter à ce qui précède, le tarissement des aides extérieures liées à l'arrêt de la coopération bilatérale et multilatérale. En définitive, toutes ces contre-performances se sont reflétées au niveau de la Banque Centrale par la contraction de ses recettes en devises telle que renseignée dans l'évolution de son budget en devises.

Nous aurions bien voulu présenter une situation détaillée de l'évolution du budget en devises de la Banque Centrale du Congo de 1985 à 1995, mais les données statistiques détaillées faisant défaut, nous ne pourrons présenter que la situation détaillée de l'évolution du budget de recettes en devises pour la période allant de 1989 à 1995.

Tableau n010 : Evolution du budget de recettes en devises de la Banque Centrale du Congo (en millions de dollars US )

RUBRIQUE 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995

RECETTES TOTALES 1290,6 767,7 494,3 270,7 88,6 58,3 163,8

GECAMINES 865,5 624,0 421,0 165,1 20,8 10,2 61,2

F.M.I 202,2 2,O 1,1 0,4 - 0,1 -

Redevances pétrolières 32,1 62,1 44,9 67,0 53,2 21,8 49,2

Or et diamant 35,0 23,7 16,1 10,9 3,2 -

Autres - 15,9 11,2 27,3 11,4 26,2 53,4

Support balance des paie. 155,8 40 27.290 - - -

Source : Banque Centrale du Congo / Différents condensés d'informations statistiques

Le tableau ci-dessus donne une situation détaillée de l'évolution du budget de recettes en devises de la Banque Centrale du Congo. Il indique que les recettes en devises de la Banque Centrale accusent, en effet d'une année à l'autre, une baisse sensible. Estimé à 1.290,6 millions de dollars en 1989, les recettes en devises sont tombées jusqu'à 163,8 millions de dollars en 1995, soit une diminution sensible de 87%.

La part de ressources provenant de la GECAMINES est passée de 865,5 millions de dollars en 1989 à 61,2 millions de dollars en 1995, soit une baisse dramatique de 93 %. Quant aux ressources provenant du FMI, leur part dans les recettes en devises de la Banque est devenue presque nulle au cours de ces dernières années. Pour ce qui est des autres sources de recettes, elles n'ont pas pu contribuer significativement au budget de recettes en devises de la Banque à cause de la faible contribution des recettes pétrolières, du secteur or-diamant et du tarissement des ressources extérieures en appui à la balance des paiements.

S'agissant des recettes provenant des intérêts sur les opérations de refinancement des banques, leur diminution sensible s'explique essentiellement par la désintermédiation financière consécutive respectivement à la pénurie des signes monétaires au sein du système bancaire et l'inconvertibilité des dépôts. Cette dernière situation s'est traduite par l'arrêt des opérations sur le marché monétaire.

En période normale, la Banque Centrale opère sur le marché monétaire au moyen de quatre instruments qui constituent des guichets de refinancement des banques agréées, à savoir: le réescompte, les avances en compte courant, la prise en pension et le marché du call money. Cependant, il sied d'indiquer que la prise en pension a été supprimée depuis février 1987, soit trois mois après la création du marché de call money en 1986, les banques ont jugé opportun de recourir au marché au jour le jour sans garantie plutôt qu'à la pension où l'on exigeait la garantie.

Par ailleurs, il convient de souligner que la contribution du marché monétaire (réescompte, call money et avances en compte courant) dans les recettes de la Banque a été de 43 % en 1987, 41 et 47 % respectivement en 1988 et 1989. En 1990, elle a baissé à 20 % pour atteindre 7 % en 1991. Après cette année, la part du marché monétaire dans les recettes de la Banque est devenue presque nulle. Toutefois, une reprise de la contribution du marché monétaire dans les recettes de la Banque sera observée à partir du troisième trimestre 1994 et se poursuivra tout au long de l'année 1995. Mais, ces recettes se sont avérées insuffisantes pour compenser les principales sources précitées.

Du reste, il faut souligner que baisse sensible de la contribution du marché monétaire dans les recettes de la banque, observée au cours de la période allant de 1992 à 1993, est attribuable à la quasi-disparition des activités du marché monétaire consécutive à la crise de liquidités dans le système bancaire. Les opérations sur ce marché étaient rendues difficiles par l'absence de monnaie Banque Centrale.

En effet, suite à l'accélération du financement monétaire observée à partir du dernier trimestre 1990, il s'est déclenché un mouvement de hausse sensible des prix intérieurs. Cette évolution a favorisé à son tour l'augmentation de la valeur du volume des biens et services, créant de ce fait un besoin supplémentaire de la monnaie pour le dénouement des transactions. Le système bancaire fonctionnant dans un contexte de billets quasi-nul, la Banque Centrale n'a pu répondre à ces besoins additionnels en signes monétaires. ___

Ces besoins en billets n'ont pas pu être rencontrés par la Banque Centrale à cause de l'absence de recyclage des billets émis et des contraintes financières en devises rencontrées par l'Institut d'Emission, compte tenu du tarissement des recettes d'exportation et des crédits extérieurs pour supporter les coûts d'impression de billets de banque devenus excessifs. L'Hôtel des monnaies ne pouvait pas suppléer cette carence par manque des consommables et des pièces de rechange.((*)12)

Comme facteur additionnel aggravant, il y a lieu de mentionner l'importante augmentation des dépenses de rémunération de l'Etat intervenue en 1991 dans un contexte de contraction de ses recettes. Le dénouement en espèces du financement important du déficit qui en est résulté, a épuisé le stock stratégique en billets de la Banque Centrale. Cette dernière était, dès lors, incapable de convertir en espèces les soldes créditeurs des comptes ordinaires des banques commerciales en ses livres. Les avoirs libres des banques ont été rendus pratiquement indisponibles. En conséquence, il était difficile aux banques de faire face au retrait de fonds de la clientèle.

Toutes ces évolutions ont eu des répercussions néfastes sur les opérations du marché monétaire entre 1992 et 1993, voire jusqu'au troisième trimestre de l'année 1994. En effet, au cours de cette période, les activités du marché monétaire en banque avaient complètement disparu. Car, obligée de prendre constamment en charge le financement des déficits budgétaires de l'Etat, la Banque Centrale en était arrivée à ne plus assurer un refinancement adéquat des banques. Cette Situation s'est traduite par la quasi-disparition de la part du marché monétaire dans les recettes de la Banque Centrale.

Par ailleurs, il convient de noter que la diminution des produits provenant du refinancement des banques a été aggravée, au cours de ces dernières années, par une double contrainte liée à la qualité du papier réescompté et à l'insuffisance des titres pour le nantissement. En effet, depuis juin 1993, l'accès au marché monétaire en banque est conditionné par la remise des effets en nantissement. Les participants, c'est-à-dire les banques de dépôts agréées, déposent à l'Institut d'Emission des effets publics ou privés de bonne qualité en nantissement de leurs opérations. Cette mesure administrative limite la faculté des banques d'accéder aux facilités de refinancement auprès de la Banque Centrale parce que ne disposant pas en quantité suffisante des effets publics ou privés de bonne qualité.

Ce recours limité des banques aux guichets de refinancement de la Banque Centrale peut s'observer statistiquement par la sous-utilisation du plafond autorisé. En 1995, par exemple, l'encours des effets réescomptés s'est situé à 12.519 millions de NZ contre un plafond autorisé de 115.801,9 millions de NZ, soit une sous-utilisation de 89%. La sous-utilisation du plafond relevée au niveau du marché de réescompte a été aussi observée au guichet de call money. L'encours des opérations au jour le jour s'est chiffré à 81.076 millions de NZ à fin décembre 1995 contre un plafond de 104.221,7 millions de NZ, soit une sous-utilisation de 22%.

11.2. Crise économique et augmentation des charges d'exploitation

La persistance des déséquilibres des finances publiques constitue, depuis plusieurs années, l'une des manifestations les plus apparentes de la crise économique au Congo. En effet, la gestion des finances publiques est restée marquée, particulièrement depuis 1991, par des dérèglements importants impliquant des déficits budgétaires exorbitants financés presqu'exclusivement par les avances de la Banque Centrale accordées sans respect des dispositions statutaires.

Au cours de ces dernières années, le financement monétaire quasi-permanent et croissant des déficits budgétaires a permis non seulement è l'Etat de s'assurer d'une source alternative des revenus budgétaires, mais également à la Banque Centrale d'améliorer suffisamment son compte d'exploitation grâce aux retenues d'intérêts opérées à la source sur les avances octroyées au Trésor. En effet, suite à l'aggravation du déséquilibre des opérations du Trésor et au tarissement des autres sources de revenus de la Banque Centrale, la structure des recettes de cette dernière s'est profondément modifiée au profit des intérêts sur l'excessif crédit à l'Etat qui représentaient en moyenne 70% du total des recettes de la Banque entre 1991 et 1994.

C'est ainsi qu'on assiste, depuis quelques années à une évolution corrélée entre la masse monétaire et le crédit à l'Etat d'une part, et entre la masse monétaire et l'inflation d'autre part. Par ailleurs l'augmentation du crédit à l'Etat susmentionnée s'est accompagnée d'une expansion des émissions monétaires. Tous ces faits sont illustrés dans le tableau ci-dessous.

Tableau n°11 : Evolution du crédit à l'Etat de la masse monétaire de l'inflation
et des émissions monétaires (en millions de nouveaux zaïres)

ANNEE

CREDIT A L'ETAT

MASSE MONETAIRE

TAUX D'INFLATION

EMISSIONS MONETAIRES

1985

1,25

23,92

23,7%

nd -

1986

9,75

37,99

33,9 %

nd -

1987

8,36

74,74

77,1%

nd -

1988

103,17

169,85

94,2%

113

1989

31,70

274,00

56%

211

1990

498,70

785,00

264%

554

1991

22.663,00

18.282,00

3.641 %

11.957

1992

696.908,00

770.717,00

2.989 %

419.942

1993

11.724.554,00

19.903.782,00

4.698%

16283.771

1994*

133.624,00

374.603,00

9.796%

285.616

1995

-

1.927.868,00

370 %

1.851.190

 

Source : Banque Centrale du Congo

* En millions de nouveaux zaïres à partir de 1994.

Comme on pourrait le remarquer à partir du tableau ci-dessus, l'augmentation du crédit à l'Etat s'est accompagnée d'une augmentation conséquente de la masse monétaire. De même l'expansion de la masse monétaire s'est accompagnée d'une augmentation du taux d'inflation.

Par ailleurs, si l'augmentation du crédit à l'Etat a permis à la Banque

Centrale de rentabiliser suffisamment son compte d'exploitation, elle a également provoqué l'accroissement sensible des charges de la Banque relative à l'émission des signes monétaires.

En effet, comme indiqué ci-haut, l'augmentation de la masse monétaire observée, au cours de ces dernières années s'est opérée exclusivement sous l'impulsion du crédit à l'Etat, notamment les avances accordées au Trésor Public par le système bancaire, essentiellement levées en espèces. Cette situation a eu pour conséquence d'accroître sensiblement les charges d'exploitation de la Banque Centrale relatives à l'émission des signes monétaires du fait que le financement monétaire des déficits budgétaires par les avances de la Banque Centrale constitue la contre partie essentielle des émissions monétaires.

A la longue, ce recourt intempestif à la création monétaire a fini par

compromettre l'équilibre du compte d'exploitation de l'Institut d'Emission. C'est ainsi qu'il s'observe, entre 1991 et 1995, un renversement de la tendance dans la structure des charges d'exploitation de la Banque. En effet, au cours cette période, les frais d'émission des signes monétaires ont constitué le principal poste des dépenses de la Banque. Ils ont représenté, en moyenne pour ces cinq dernière années, 35 % des dépenses globales contre 16% en moyenne entre 1985 et 1990.

Mais, l'accroissement des frais d'impression des signes monétaires durant ces dernières années provient également de l'augmentation des émissions monétaires, lesquelles ont financé la transformation des recettes publiques mobilisées sous forme scripturale et la couverture en billets de banques de différentes opérations bancaires.

En outre, l'hyperinflation a également accru de façon exponentielle les charges d'exploitation de la Banque Centrale liées à l'impression des signes monétaires, en raison de la demande croissante des billets de banque par les agents économiques. En effet, il est à noter que la hausse sensible des prix intérieurs dévore la valeur faciale des billets de banque. Il en résulte par la même occasion une augmentation de la valeur nominale du volume des biens et services, ce qui crée un besoin supplémentaire de monnaie pour le dénouement des transactions. D'où, la Banque Centrale est contrainte de procéder à des émissions nouvelles de ces mêmes coupures, soit à la mise en circulation des coupures à valeur faciale toujours plus élevée.

A titre d'illustration, dans l'hypothèse où la Banque Centrale n'avait pas procédé aux émissions de 1000 et de 5000 NZ en 1995, les besoins en numéraires nécessités par l'inflation de 370,3% de cette année auraient atteint 3175,4 millions de billets de banque. Ce qui aurait impliqué des dépenses d'impression des signes monétaires de l'ordre de 79,7 millions de dollars.

Comme conséquence de cette situation, l'on note la baisse du volume des billets qui est passé de 1146,7 millions en 1994 à 832,2 millions en 1995, soit une diminution de 147,7 millions. En 1995 les dépenses totales sur l'impression des signes monétaires se sont élevées à 28,6 millions de dollars. (1(*)3)

Depuis 1992, la politique d'émission monétaire s'est caractérisée par la mise en circulation des billets de banque à valeur faciale élevée comme le montre le tableau n°12. L'objectif déclaré en cette matière est qu'il fallait, entre autres, comprimer le coût d'impression des billets de banque. En fin de compte, cette politique d'émission monétaire s'est révélée une véritable fuite en avant qui a conduit à la valse des coupures et à l'aggravation de l'hyperinfiation.

Tous ces faits qui viennent d'être décrits expliquent largement l'augmentation des charges d'exploitation de la Banque relative à l'émission des signes monétaires. Ainsi, le coût d'impression des signes monétaires, appréhendés uniquement à travers les paiements effectifs, qui n'était que de 12 millions de dollars en 1989, est passé à 28,6 millions de dollars en 1995. Cette situation n'a nullement empêché la Banque Centrale de déclarer, dans son rapport annuel 1995, que les coûts d'impression des signes monétaires constituent la cause principale du déséquilibre de son compte d'exploitation.(1(*)4)

Nous aurions bien voulu entrer dans les détails pour dégager les coûts d'impression des signes monétaires qui ont servi à financer les déficits budgétaires, la transformation des recettes publiques mobilisées sous forme scripturale, et la couverture des billets de banque des différentes opérations bancaires. Mais ces genres d'information nous ont été refusées par les autorités de la Banque Centrale. Mais nous pensons tout de même que les explications que nous avons donné peuvent aider à comprendre l'augmentation des frais d'impression des signes monétaires.

Enfin, l'alourdissement des charges d'exploitation de la Banque Centrale s'explique également par la prise en charge des frais financiers sur les découvertes résultant des engagements extérieurs pris par l'Institut d'Emission pour le compte de l'Etat.

Tableau n°12 : Evolution des valeurs faciales en 1992

Date d'émission

Dénomination du billet

21 février 1992

27 avril 1992

04 mai 1992

04 septembre 1992

Novembre 1992

100.000 Z

200.000 Z

500.000 Z

1.000.000 Z

5.000.000 Z

 

Source : Banque Centrale du Congo

Outre les problèmes susévoqués qui sont essentiellement d'origine externe, la détérioration de la situation de la Banque Centrale est également consécutive à une série des problèmes internes :

En matière d'organisation :

· Inadéquation des critères de désignation des membres du Conseil de la Banque ;

· Insuffisance du capital social de la Banque (6 millions de NZ) ;

· Prépondérance des structures logistiques non liées aux missions essentielles de la Banque, telles que l'Hôtel des Monnaies, les Services Médicaux, l'Atelier de menuiserie et le garage;

· Prolifération des commissions et groupes de travail permanents au sein de la Banque, cause de dilution des responsabilités.

En ce qui concerne la gestion des ressources matérielles et immobilières :

· Carence générale des fournitures et des matériels de bureau ;

· Carence des moyens de communication ;

· Insalubrité sur les lieux de travail .

Pour ce qui est de la gestion des ressources informationnelles :

· Manque de planification des investissements informatiques ;

· Carence des logiciels ;

· Rupture des contrats de maintenance ;

· Carence de micro-ordinateurs et d'imprimantes.

S'agissant de la gestion des ressources humaines :

· Perte de motivation du personnel due notamment aux injustices, à l'impunité et aux conditions du travail ;

· Absence d'une politique des rémunérations basée sur la classification des emplois ;

· Inadéquation entre grandes fonctions.

Face à l'amenuisement sensible des recettes traditionnelles de la Banque et à l'augmentation de certaines charges spécifiques, telles que les frais d'impression des signes monétaires, le compte d'exploitation de l'Institut d'Emission est devenu déficitaire. Ce déficit s'est particulièrement accentué en 1995, atteignant 783 milliards de nouveaux zaïres.

Si la crise économique a entraîné l'amenuisement sensible des recettes ainsi que l'augmentation des charges d'exploitation de la Banque Centrale, d'autres facteurs, résultant du comportement des agents du secteur public (Etat et Banque Centrale) ont contribué, quant à eux, à l'aggravation voire à la persistance du déficit. Le chapitre qui suit analyse les différents facteurs ayant contribué à l'aggravation du déficit du compte d'exploitation de la Banque Centrale.

CHAPiTRE III :

LES DEFICITS DE LA BANQUE CENTRALE DU CONGO

Depuis l'année 1994, la Banque centrale du Congo est confrontée à un déficit persistant dû à la prédominance des dépenses par rapport à ses recettes d'exploitation. En dépit des mesures d'ajustement arrêtés par la haute direction de la Banque en 1995, mesures visant la réduction des charges d'exploitation et la maximisation des recettes, la dégradation du compte d'exploitation a continué à persister.

En effet, au cours de l'exercice 1996, les ressources de la Banque ont continué à s'amenuiser suite à la poursuite du gel non négocié des intérêts dus sur les avances à. l'Etat et à la baisse des produits provenant du refinancement des banques et des opérations en monnaies étrangères.((*)15)

Par ailleurs, bien que les mesures d'ajustement évoquées ci-haut aient permis des économies, les charges d'exploitation spécifiques ont continué à croître plus rapidement que les ressources. Il s'agit notamment des charges liées aux impressions Signes monétaires. Cette situation a été aggravée par la persistance d'un environnement macro-économique défavorable qui influe négativement sur l'activité économique et l'intermédiation financière.

Nous voudrions, dans ce chapitre consacré aux déficits de la Banque Centrale, analyser les origines de ces déficits et apprécier la responsabilité de l'Institut d'Emission sur son déficit d'exploitation. Nous tenterons d'apprécier cette responsabilité dans la deuxième section de ce chapitre, après avoir analysé, dans la première, les origines des déficits.

SECTION I: LES ORIGINES DES DEFICITS

Ainsi que souligné ci-haut, les déficits du compte d'exploitation de la Banque Centrale du Congo résultent de la divergence fort prononcée entre révolution des dépenses des recettes d'exploitation. Plusieurs facteurs expliquent cette évolution divergente. Certains de ces facteurs sont liés aux recettes d'exploitation tandis que d'autres figurent parmi les dépenses. Nous essayons donc d'analyser dans ce qui suit, l'incidence de ces différents facteurs sur le compte d'exploitation de la Banque Centrale du Congo.

1.1. Facteurs liés aux recettes d'exploitation

Plusieurs facteurs d'inégales importances ont été, de façon complémentaire, à la base des déficits de la Banque Centrale entre 1994 et 1996. Parmi ces facteurs on peut relever principalement le refus de l'Etat de payer les intérêts sur les avances consolidées reçues de la Banque Centrale; le recours limité du Trésor aux avances de la Banque centrale; la non-perception par la Banque de ses intérêts sur les avances accordées aux banques en difficultés et enfin la baisse sensible des produits provenant du refinancement des banques et des opérations de change.

Le refus de I' Etat de payer les intérêts sur sa dette consolidée constitue, en premier lieu, l'un des facteurs déterminants des déficits de la Banque centrale du Congo. Pour rappel, le gouvernement Kengo avait décidé en date du 28 décembre 1994 de consolider l'encours des avances directes lui accordées par l'Institut d'Emission lequel se chiffrait à 238.068,8 millions de NZ à fin décembre de la même année. Ce montant englobait les avances de la Banque Centrale cumulées à fin décembre 1994, soit 167.308,4millions de NZ et le déficit d'exploitation de cette dernière pour l'exercice 1994 évalué à 70.759,9 millions de NZ.

Cette opération de consolidation répondait à une double préoccupation, à savoir: prévenir un alourdissement des charges financières de l'Etat et conformer. ces rapports financiers avec la Banque Centrale aux dispositions réglementaires qui le régissent.

Au cours des négociations entre l'Etat et la Banque Centrale, un consensus s'était dégagé pour consolider les avances directes à l'Etat sur une durée de 6 ans avec un délai de grâce de 3 ans. Cependant, une divergence a vu le jour autour du taux d'intérêt: le Trésor proposait un taux d'intérêt de 8 % et la Banque Centrale un taux flexible adossé à son taux de réescompte qui était de 125 % l'an au second semestre 1995.

Devant l'impasse, le gouvernement a limité d'autorité à 1 milliard de NZ par mois le montant des intérêts à verser à la Banque Centrale alors qu'en pratique, celle-ci a continué à calculer ses intérêts sur la base du taux de 125 %. Ce qui donnait mensuellement 17 milliards de NZ. La Banque débitait le compte du Trésor de 1 milliard de NZ comme décidé par le Gouvernement et comptabilisait 16 milliards de NZ dans le suspens à régulariser.

La non-perception des intérêts constitués par les suspens à régulariser a occasionné à la Banque un manque à gagner d'environ 200 milliards NZ. Cet acte a permis par contre à l'Etat de réaliser un excèdent budgétaire en 1995. Il s'est ainsi produit, comme le fait remarquer LOLO MASSY((*)16) , un phénomène de transfert et de dissimulation du déficit budgétaire dans les comptes de la Banque Centrale.

Comme facteur additionnel aggravant du déficit du compte d'exploitation en 1995, il y a lieu de mentionner la non perception par la Banque Centrale de ses intérêts, de l'ordre de 385,8 milliards de NZ, sur les avances accordées aux banques en difficultés.

Pour rappel, certaines banques commerciales parmi lesquelles la BCA, la BZCE, la NBK et la SOZABANQUE ont été contraintes, au cours de l'année 1995, de recourir massivement aux avances de la Banque Centrale pour financer leur déficit d'exploitation. Il sied d'indiquer l'essentiel de ces avances était accordé en couverture du solde débiteur des banques à l'issue des opérations journalières de compensation.

Mais, par manque de liquidités, ces banques payaient leurs intérêts et les pénalités leur infligé par le débit de leurs comptes des réserves libres, du reste indisponible, auprès de la Banque Centrale. Autrement dit, les paiements se faisaient par un simple jeu d'écriture. Or une bonne partie des recettes de la Banque était composée des intérêts sur ces avances. Ces recettes demeuraient fictives dans la mesure où ces intérêts n'étaient pas réellement perçus car, mobilisés sous forme de monnaie scripturale. Cette insolvabilité a occasionné à la Banque un manque à gagner d'environ 380 milliards de NZ.

Par ailleurs, la limitation stricte du Trésor de ces avances auprès de l'Institut d'Emission constitue également l'une des causes du déficit du compte d'exploitation de la Banque centrale. En effet, conformément aux objectifs du programme de désinflation rapide mise en oeuvre par le Gouvernement en 1995, l'Etat n'a presque pas recouru aux avances directes du système bancaire pour financer les dépenses publiques. Rappelons que ce programme était basé, d'une part sur l'assainissement des finances publiques, et d'autre part sur le contrôle des émissions monétaires. En matière des finances publiques, le programme visait la limitation des dépenses au niveau des recettes effectivement recouvrées et l'élimination de tout financement monétaire des opérations financières de l'Etat.

Or, depuis particulièrement 1991, les intérêts sur les avances au Trésor constituent la principale source de recettes de la Banque Centrale. A titre d'illustration, ces intérêts ont représenté en moyenne 70% du total des recettes de la Banque entre 1991 et 1994. En limitant systématiquement ses avances auprès de la Banque Centrale, l'Etat a privé cette dernière de sa principale source de recettes. Ces intérêts n'ont représenté que 2% du total des recettes de la Banque en 1995.

Enfin, il convient d'indiquer que l'amenuisement sensible des recettes provenant du refinancement des banques et des opérations de change constitue également un des facteurs déterminants des déficits de la Banque Centrale du Congo.

S'agissant des produits provenant des intérêts sur les opérations du refinancement des banques, leur diminution progressive a été aggravée par la quasi-disparition des activités du marché monétaire en banque consécutive respectivement à la pénurie des signes monétaires au sein du système bancaire et à l'inconvertibilité des dépôts. Malgré la reprise de ces activités, à partir du dernier trimestre 1994, les produits provenant du refinancement des banques ont été insuffisants pour compenser les principales sources des recettes précitées.

Par ailleurs, il convient de noter que la baisse des produits provenant du refinancement des banques a été également aggravée, au cours de ces dernières années, par une double contrainte liée à la qualité du papier réescomptable et à l'insuffisance des titres pour nantissement.

Quant aux revenus provenant des intérêts sur les avoirs et les opérations en monnaies étrangères (redevances et commissions de change et intérêts sur les placements extérieurs), leur diminution sensible a été provoquée par la chute brutale des exportations et à l'amenuisement des apports extérieurs.

1.2. Facteurs liés aux charges d'exploitation

Pour ce qui est des charges d'exploitation, celles-ci ont connu une forte expansion en raison essentiellement de l'accroissement des frais d'impression des signes monétaires. Ces dépenses demeurent importantes du fait de la persistance de la demande des signes monétaires expliquée par les facteurs ci-après : conversion en espèces des recettes scripturales de l'Etat et de la Banque centrale, financement monétaire des déficits budgétaires, couverture en billets de banque de différentes opérations bancaires et la persistance de l'hyperinflation.

La mobilisation des recettes publiques sous forme scripturale résulte des virements opérés, au cours de ces dernières années, dans les banques commerciales sur ordre du Trésor, en vue du règlement de ses dettes envers des fournisseurs - fictifs ou réels - des biens et services . Dans un contexte marqué par la contraction des encaisses des banques commerciales, ces ordres de paiement donnent lieu à d'importants soldes créditeurs inconvertibles en numéraire. Autrement dit, ces opérations ont pour conséquence de gonfler démesurément les dépôts de la clientèle logés dans les institutions financières.

Par ailleurs, depuis l'acceptation de la monnaie scripturale par l'OFIDA et la DGC comme mode de règlement des obligations douanières et fiscales, et du fait de la décote infligée à la monnaie scripturale, les opérateurs économiques ont pris l'habitude de régler des impôts et les prestations des services en monnaie scripturale. Il s'agit là de la monnaie d'écriture. Le taux de recyclage des signes monétaires étant quasi-nul, l'Institut d'Emission est contraint de procéder à des émissions de nouveaux signes monétaires. Ces billets de banque qui rendent utiles les recettes de l'Etat constituent une dépense au budget de la Banque Centrale.

Au cours de I 'année 1995, par exemple, la quasi-totalité des recettes de l'Etat était réalisée en monnaie scripturale. Cette situation résulte de la mesure gouvernementale décrétant le paiement par chèque barré et certifié de toutes les obligations fiscales et douanières. En effet, le décret n0 005 du 24 février 1995, portant mode paiement des dettes envers l'Etat, obligeait tous les débiteurs de ce dernier de s'acquitter de leurs dettes à l'aide d'un chèque barré et certifié par l'organisme sur lequel il était tiré.

La délivrance de ce chèque par les banques devait s'effectuer moyennant provision suffisante en compte. Or, du fait de la pénurie des signes monétaires dans les banques, la plupart des comptes des clients du système bancaire étaient soit insuffisamment approvisionnés, soit largement débiteurs ou tout simplement soldés sous l'effet des prélèvements des frais de tenue de comptes opérés régulièrement par les banques.

Ainsi, l'obligation de payer à l'Etat par chèque barré et certifié revenait, pour les opérateurs économiques, d'approvisionner préalablement leurs comptes par rapport en espèces en monnaie nationale ou remise des chèques équivalents.((*)17)

De ce fait les banques commerciales encaissaient pour le compte de l'Etat des sommes importantes et délivraient en contrepartie aux contribuables des chèques bancaires à remettre aux services mobilisateurs de. recettes publiques. Contre toute attente, certaines banques publiques se sont servies de ces dépôts à des fins propres et, en retour, elles ont tiré des chèques sur leurs comptes courants, du reste débiteurs, auprès de la Banque centrale. Les découverts leurs consentis ont servi à créditer le compte général du Trésor, donnant ainsi lieu à des excédents budgétaires sans contrepartie immédiate en espèces.

Les excédents budgétaires étant réalisés en monnaie scripturale, pratiquement inutilisables, la Banque centrale a dû émettre des billets de banque en vue d'assurer la convertibilité des excédents budgétaires en moyens de financement des dépenses de 1'Etat. Cette opération a eu des répercussions négatives sur le compte d'exploitation de la Banque Centrale compte tenu des coûts d'impression excessifs des signes monétaires nécessité par la conversion des excédents budgétaires.

L'augmentation des charges d'exploitation de la Banque Centrale du Congo s'explique également par la monétisation du déficit d'exploitation de certaines banques publiques. En effet, comme on l'a vu plus loin, la persistance des déséquilibres financiers de certaines banques commerciales a contraint celles-ci à s'endetter excessivement auprès de l'Institut d'Emission. Au 31 décembre 1995, le solde négatif d'exploitation de quatre banques en difficultés s'est chiffré à 422.843 millions de NZ. Ce déficit a été financé essentiellement par les avances de l'Institut d'Emission. Autrement dit, la Banque Centrale a dû émettre des billets de banque en vue d'assurer la couverture du déficit d'exploitation de ces banques.

Cependant, par manque de liquidités, ces banques payaient leurs intérêts et les pénalités leur infligé par le débit de leurs comptes des réserves libres, du reste indisponible, auprès de la Banque Centrale. Autrement dit, les paiements se faisaient par un simple jeu d'écriture. C'est ainsi qu'en 1995, près de 70% des recettes de la Banque Centrale étaient tirées par débit des comptes des banques commerciales au titre d'intérêts ou de pénalités. Ce faisant, la Banque Centrale a dû émettre de la monnaie de billet pour utiliser ces ressources.

Toutes ces évolutions expliquent l'augmentation du poste « autres avoirs intérieurs nets », observée au cours de l'année 1995 dans les contreparties de la masse monétaire. Or, selon certains statisticiens de l'Institut d'Emission, les autres avoirs intérieurs nets reprennent et les dépenses de la Banque Centrale et celles de l'Etat en suspens. L'accroissement de ce poste a été dicté essentiellement en 1995 par le déficit d'exploitation de la Banque Centrale, l'endettement excessif des banques commerciales et certaines dépenses publiques.

Au regard de ces facteurs qui viennent d'être décrit tant du côté des dépenses que des recettes d'exploitation, il apparaît aisé d'apprécier la responsabilité des uns et des autres sur les déficits du compte d'exploitation de l'Institut d'Emission.

SECTION Il : LA RESPONSABILITE DE L'ETAT ET DE LA

BANQUE CENTRALE

Tel que nous venons de le voir, la persistance du déséquilibre du compte d'exploitation de l'Institut d'Emission n'est nullement le fait de la seule Banque Centrale. Les responsabilités à ce sujet doivent être partagées entre l'Etat, garant de l'ordre général, la Banque Centrale, prêteur du dernier ressort et, bien sûr, les banques commerciales qui sont censées vivre de la collecte de dépôts et de la distribution des crédits. Chacun de ces acteurs n'a pas su jouer son rôle au cours de ces dernières années. Toutefois, la responsabilité de la Banque centrale mérite d'être relativisée étant donné que les déficits résultent de plusieurs facteurs dont certains relèvent plus de l'Etat.

Premièrement, il faut noter qu'au cours de ces dernières années, la structure des charges d'exploitation de la Banque a été dominée par les frais d'émission des signes monétaires. Or, la responsabilité de l'Etat dans l'augmentation des émissions monétaires est engagée. Par ailleurs, sachant que la seule monnaie de billets est généralement acceptée en paiement, le gouvernement a autorisé, au cours de l'année 1995, la paiement par chèques des obligations fiscales et douanières. Ce faisant, la quasi-totalité des recettes de l'Etat étaient réalisées en monnaies scripturales. Ainsi, la Banque Centrale s'est vue obligée d'imprimer davantage des signes monétaires pour permettre à l'Etat d'effectuer ses dépenses.

L'alourdissement des charges d'exploitation de la Banque Centrale du Congo s'explique également par la prise en charge des frais financiers sur les découverts résultant des engagements extérieurs pris par l'Institut d'Emission pour le compte de l'Etat. C'est le cas notamment du paiement des commissions au F.M.I., dont la contrepartie en monnaie locale est à charge de la Banque centrale. Ces frais, au regard de la nature de l'engagement extérieur, devait en principe être pris en charge par le trésor. Ce qui aurait permis d'alléger, quelque peu, les charges d'exploitation de la Banque Centrale.

La présence perturbatrice de l'Etat est encore remarquable du côté des recettes d'exploitation de Banque Centrale: en refusant de payer ou en payant modestement à sa guise les intérêts sur les avances consolidées reçues de la Banque Centrale, l'Etat a occasionné à la Banque un manque à gagner d'environ 200 milliards de NZ. Or, les avances lui accordées l'étaient presqu'exclusivement en billets de banque, dont les coût d'impression ont contribué au déficit de la Banque centrale, depuis 1994 jusqu'en 1996.

Ces avances restent un engagement indiscutable de l'Etat vis-à-vis de son banquier . Au cours des années qui ont suivi la consolidation des avances à l'Etat, en 1967, le gouvernement a continué à payer les intérêts sur sa dette consolidée. Ces intérêts ont constitué par moment la source principale de recettes de la Banque. Il est donc injustifié que l'Etat refuse de s'acquitter de ses intérêts sans pour autant garantir à la Banque une autre source de recettes.

Mais, la Banque centrale elle-même est également responsable du déséquilibre de son compte d'exploitation. D'abord comptant sur des recettes faciles provenant des avances directes à l'Etat, elle n'a plus jamais cherché à faire respecter le plafond du crédit au Trésor, pourtant bien défini dans ses statuts.

Ensuite, bien qu'étant elle-même au départ privée de sa principale ressource (constituée des intérêts jadis versés par l'Etat sur sa dette consolidée), la Banque Centrale du Congo a favorisé la « délinquance financière » du système bancaire, dans la mesure où elle a transformé le guichet des avances en compte courant en une véritable source de recettes sous forme d'intérêts et pénalités infligées aux banques.

Enfin, les banques commerciales sont également responsables de la détérioration financière de la Banque Centrale à cause de leur endettement excessif auprès de cette dernière. Les banques commerciales ne devraient pas continuer à considérer la monnaie centrale comme leur principale ressource mais un moyen d'appoint devant leur permettre de résoudre les problèmes ponctuels de trésorerie.

De ce qui précède, il apparaît que la responsabilité du déséquilibre du compte d'exploitation de la Banque est partagée à la fois par elle-même, par les banques commerciales et par le Gouvernement. Ce dernier en particulier ne peut se dérober de la bonne gestion de l'Institut d'Emission pour plusieurs raisons. D'abord la Banque est une institution de droit public et à ce titre le Gouvernement en assure la tutelle. Ensuite, l'action du Gouvernement ne peut nullement réussir sans le concours efficace de la Banque centrale.

L'analyse du compte d'exploitation de la Banque Centrale, au cours de la période sous revue, permet de tirer quelques conclusions sur les postes de recettes et de dépenses qui ont été à l'origine de l'aggravation du déficit.

Au niveau du crédit, ce sont les postes ci-après qui ont déterminé de manière significative les déficits de la Banque centrale: intérêts sur les avances consolidées de l'Etat, intérêts sur les avances en comptes courants et intérêts sur les opérations de change.

Au niveau du débit, les frais d'impression des signes monétaires et les frais financiers représentent la part la plus élevée de l'ensemble des charges. Notons par ailleurs que l'augmentation des frais d'émission des signes monétaires, comme on l'a vu plus loin, résulte principalement de l'augmentation du crédit à l'Etat destiné à financer les déficits budgétaires.

Dès lors, on peut se poser 1a question de savoir pourquoi la Banque centrale accorde-t-elle de façon illimitée les crédits à l'Etat? Décide-t-elle de son affectation ? Ces préoccupations font appel à une question de fond : la Banque centrale est-elle indépendante?

Ces interrogations nous amène à étudier, dans le quatrième chapitre, la question de l'indépendance de la Banque Centrale du Congo.

CHAPITRE IV :

DE L'INDEPENDANCE DE LA BANQUE CENTRALE DU CONGO

L'autonomie ou l'indépendance de la Banque centrale s'entend comme la liberté de se gouverner ou de s'autogérer au moyen de ses propres règles dans un environnement où elle se trouve confrontée à d'autres agents économiques tel le pouvoir public. Cependant, il sied de noter que cette indépendance dont elle jouit n'est que relative. Car d'une part les dirigeants des banques centrales sont nommés par les autorités politiques, et d'autre part les modalités de l'exercice de cette indépendance n'excluent pas une concertation interinstitutionnelle.

D'une manière générale, l'indépendance d'une Banque centrale s'apprécie à travers quelques critères, lesquels sont essentiellement statutaires. L'indépendance statutaire, faut-il le rappeler, consiste en une formulation précise et claire des dispositions formelles qui dotent la Banque centrale des pouvoirs de décision sur les questions financières et monétaires en vue de garantir la stabilité de prix et de change.((*)18)

Par ailleurs, les critères d'indépendances dont l'importance peut être relativisée par la réalité pratique, peuvent se grouper en deux catégories distinctes : une première catégorie des critères, que l'on qualifiera ici « d'indépendance organique », porte sur les liens institutionnels existant entre l'Etat et la Banque centrale ; une seconde catégorie des critères formels, que l'on qualifiera « d'indépendance fonctionnelle », concerne la liberté d'action opérationnelle de la Banque centrale.

Nous nous proposons d'analyser dans ce chapitre, la notion d'indépendance d'une Banque Centrale en se référant par moment à la Banque Centrale du Congo pour apprécier le degré d'indépendance de cette dernière au regard de ses statuts actuels. Ce chapitre devra nous permettre par ailleurs d'étayer davantage notre analyse sur le déséquilibre du compte d'exploitation de la Banque Centrale. Deux sections composent le présent chapitre: la première est consacré à l'analyse de la notion d'indépendance organique tandis que la seconde analyse la notion d'indépendance fonctionnelle.

SECTION I : INDEPENDANCE ORGANIQUE

L'indépendance organique regroupe à la fois les conditions nomination des dirigeants (le gouverneur, le vice-gouverneur et les membres du Conseil de la Banque) et les conditions d'exercice de leurs fonctions. Outre les critères de nomination des autorités monétaires et la durée de leurs mandats, l'existence d'une structure de décision efficace tel le conseil de la Banque est un élément déterminant d'indépendance organique. Ces quelques critères se situent sur le plan juridique et managérial.

I.1. Conditions de nomination

Pour ce qui est des conditions de nomination, des études intérieures sur la question ont démontré que c'est le pouvoir politique qui procède, dans la plupart des cas, à la nomination des autorités de Banque Centrale. Cette pratique pousse assez souvent les dirigeants de la Banque Centrale à adopter une attitude de subordination aux autorités politiques. C'est pourquoi, dans certains pays, des mécanismes de dispersion de pouvoirs de nomination sont souvent introduits afin d'éviter une subordination unilatérale, préjudiciable aux objectifs poursuivis par la Banque.((*)19)

I.2. Conditions d'exercice des fonctions

En ce qui concerne les conditions d'exercice des fonctions, l'existence pour le gouverneur et le conseil de la Banque d'un rnandat fixe, long (dépassant ainsi les contingences politiques et échéances électorales), non révocable (sauf faute grave) et non renouvelable constitue la condition la plus complète et parfaite pour garantir la sécurité juridique des instances dirigeantes.

I.3. Existence d'une structure de décision efficace

A cet effet, la taille, la composition et le mode de nomination des membres du conseil de la Banque ne doivent pas entraver le processus de décision. Ces derniers ne recevront pas d'instructions du gouvernement et les représentants de cette institution n'auront qu'un rôle consultatif, sans droit de vote. Cette disposition empêcherait ou gouvernement de disposer d'un moyen formel d'exercer directement une certaine influence sur les décisions de la Banque Centrale.

Comme on pourrait le remarquer, l'existence d'une structure de décision efface tel le conseil de la Banque est un élément déterminant d'indépendance.

En effet, le mode de nomination de ses membres et le renouvellement de leurs mandats ainsi que ses conditions de fonctionnement permettent d'assurer une plus grande imperméabilité aux pressions politiques.

Certains spécialistes en la matière ont démontré que le rôle et la composition des conseils des banques centrales peuvent influer sensiblement sur la nature des relations entre ces dernières et les gouvernements.((*)20) Dans certains cas, les conseils constituent, pour le gouvernement, un moyen formel d'exercer directement une certaine influence sur les décisions de la Banque Centrale.

I.4. Quelques cas d'exercice d'indépendance organique des banques centrales

A titre purement illustratif, nous allons reprendre dans un tableau comparatif le cas d'exercice d'indépendance organique de cinq banques centrales, à savoir : la Federal Reserv Bank (USA), La Bundesbank (Allemagne), la Banque du Japon, la Banque d'Angleterre et la Banque de France. A cet effet, nous examinerons successivement à travers deux tableaux différents, les conditions de nomination des dirigeants de ces banques centrales et les conditions d'exercice de leurs fonctions.

Tableau n°13 : Indépendance organique des Banques Centrales

 

ETATS-UNIS

Federal System Reserv.

ALLEMAGNE

Bundesbank

JAPON

Banque du Japon

ROYAUME-UNI

Banque d'Angleterre

FRANCE

Banque de France

CONDITIONS DE NOMINATION DES DIRIGEANTS DES BANQUES CENTRALES

· Nomination du président ou du gouverneur

· Le président et le vice-président sont nommés par le président des Etats-Unis et confirmés par le sénat (dispersion de la nomination)

· Le président et le vice-président sont nommés par le président de la République de la République fédérale, sur proposition du gouvernement fédéral, après avis du conseil central (dispersion de la nomination)

· Le gouverneur et le vice-gouverneur sont nommés par le conseil des ministres (non dispersion)

· Le gouverneur et les deux sous gouverneurs sont nommés par la couronne sur proposition du premier ministre, après consultation par ce dernier du chancelier de l'échiquier (non dispersion).

· Le gouverneur et les deux sous gouverneurs sont nommés par décret en conseil des ministres (non dispersion).

· Membres du conseil

· Membres du conseil des gouverneurs (7 membres) : président + vice-président + 5 membres.

· Le comité fédéral d'Open Market compte 12 membres (les membres du conseil des gouverneurs et 5 représentants...)

· Membres du Conseil central : président + vice-président + 6 autres membres du directoire (6 est un maximum ; aujourd'hui, il y a en a 5), 9 présidents des landeszenral banken (à partir du 01.11.1992).

· Membres du conseil de politique : gouverneur + vice-gouverneur + 2 représentants du gouvernement (qui n'ont pas le droit de vote) + 4 personnes choisies en fonction de leur compétence...).

· Membres du Conseil d'administration (court of directors) : gouverneur, sous-gouverneurs dont : 4 à plein temps (Executive directors), 12 à temps partiel.

· Membres du Conseil de la politique monétaire (9 membres) gouverneur + 2 sous-gouverneur + 6 membres

· Nomination des membres du conseil

· Modalités identiques à celles de la nomination des gouverneurs.

· Nomlmés par le président de la République sur proposition du gouvernement après avis du conseil central pour le directoire. Pour les autres : par le président de la république après proposition du Bundestral ; sur recommandation préalable du gouvernement du lourd (forte dispersion).

· Les 4 membres choisis en fonction de leur compétence sont nommés par le conseil des ministres avec approbation du parlement.

· Modalités identiques à celles de la nomination des gouverneurs.

· Les 6 membres autres que les gouverneurs sont nommés par décret en conseil des ministres, sur une liste de nom trois fois supérieures au nombre de membres à désigner, établie par les présidents du sénat, de l'Assemblée Nationale...

CONDITIONS D'EXERCICE DES FONCTIONS

SECURITE DU MANDAT

IRREVOCABLE

IRREVOCABLE

REVOCABLE

IRREVOCABLE

IRREVOCABLE

· Durée du mandat

· 4 ans renouvelables pour le président et le vice-président (aussi longtemps qu'ils sont membres du 14 ans non renouvelables pour les autres membres du conseil).

· 8 ans renouvelables.

· 5 ans renouvelables pour le gouverneur et le vice-gouverneur ; 4 ans pour les autres membres du conseil de politique (hormis le gouverneur), renouvelables.

· 5 ans pour le gouverneur et sous-gouverneur ; 4 ans pour le membres du conseil d'administration renouvelables (4 administrateurs sont renouvelés chaque année).

· 6 ans renouvelables une fois pour le gouverneur ; 9 ans non renouvelables pour les 6 autres membres du conseil de la politique monétaire.

 

Source : d'après le rapport (1992) du Conseil National du Crédit et la Présentation de J.P. PATAT (1992).

Le tableau n013 reprend les conditions de nomination des dirigeants des banques centrales précitées. On note à partir de ce tableau que le pouvoir de nomination la Bundesbank tout comme à la Federal Reserv est fortement dispersé. La candidature du gouverneur, du vice-gouverneur et des membres du Conseil est approuvée par plusieurs organes avant la nomination par le président. Cette procédure assure l'indépendance des dirigeants vis-à-vis des pouvoirs politiques.

Pour ce qui est de la Banque de France, d'Angleterre et du Japon, le pouvoir de nomination du gouverneur, du vice-gouverneur et des membres du Conseil n'est pas assez dispersé. Cette situation contraste quelque peu avec les mécanismes de dispersion des pouvoirs de nomination. Toutefois, les banques centrales de ces pays disposent d'autres critères sur le plan économique qui leur permettent d'être à l'abri des influences politiques. Dans le cas de la France, par exemple, les dispositions du système monétaire européen constituent, sans aucun doute, une importante source extérieure de discipline et expliquent en partie l'attachement à la rigueur financière.

Le tableau n°13 reprend aussi les conditions d'exercice des fonctions des dirigeants des banques centrales. On note à partir de ce tableau que la garantie de longs mandats est assurée au niveau de ces 5 banques centrales. Par ailleurs, à l'exception du Japon, le mandat des dirigeants des quatre autres banques centrales est irrévocable. Cette disposition permet de garantir la sécurité juridique des instances dirigeantes.

Toutefois, il y a lieu de noter que les critères d'indépendance organique sont généralement confortés par d'autres critères non institutionnels notamment l'indépendance d'esprit, la compétence professionnelle des dirigeants et le prestige de 1'lnstltut d'Emission.

1.5. Indépendance des dirigeants et prestige de l'Institut d'Emission.

L'expérience d'un certain nombre de pays montre que la solidité d'une banque centrale et son aptitude à remplir correctement ses fonctions dépendent aussi de plusieurs facteurs non institutionnels.

Le premier est l'indépendance d'esprit des dirigeants quels que soient l'orientation économique du pays et le degré d'autonomie de la Banque centrale. L'indépendance d'esprit est nécessaire pour la prise de décisions objectives et le poids d'un point de vue face aux influences politiques. Pour ce faire, les dirigeants de la Banque doivent avoir une forte personnalité et posséder des connaissances théoriques suffisantes pour comprendre et interpréter les phénomènes monétaires et financiers aux plans national et international.

C'est grâce à son intelligence et sa forte indépendance d'esprit que WILHEM VOEKE, président de la Bank Deutcher Länder en 1948, a consolidé l'indépendance de cette dernière.((*)21) Un autre exemple est celui des membres qui siègent actuellement au conseil de la Bundesbank. Ces derniers sont respectés pour leur indépendance d'esprit.

Le deuxième est la compétence professionnelle des dirigeants. La compétence professionnelle est un atout majeur à l'indépendance de l'autorité monétaire, car les phénomènes monétaires et financiers sont parfois d'une complexité inhabituelle qui sollicite au plus haut point le savoir-faire et le flair des décideurs.((*)22) Et souvent le maniement des instruments de politique monétaire relève moins des principes rigides des sciences économiques.

Enfin ,le prestige de l'Institut d'Emission découle fondamentalement de la compétence professionnelle des dirigeants et la capacité de la Banque à préserver la stabilité des prix. En outre, ce prestige ne s'aliène pas mais s'acquiert au fil de temps. A la longue, il façonne le dirigeant en dépit de son profil d'avant la prise des fonctions de dirigeant de la Banque.

1.6. Indépendance organique de la Banque Centrale du Congo

L'examen de la situation de la Banque Centrale du Congo au regard des critères d'indépendance organique permet d'apprécier le degré d'indépendance statutaire de notre Institut d'Emission.

En ce qui concerne les conditions de nomination, les statuts actuels de la Banque Centrale, à l'article 41, stipulent que le Gouverneur et le vice-gouverneur sont nommés par le Président de la République, sur proposition du Gouvernement.

Il y a donc concentration des pouvoirs de nomination dans le chef d'une seule autorité. Concernant leur mandat, celui-ci bien que long de 5 ans, est révocable. Cette situation contraste avec les mécanismes de dispersion des pouvoirs de nomination et de garantie des longs mandats qui assurent un degré d'indépendance élevé à certaines banques centrales réputées pour leur autonomie.

Outre le critère de nomination des autorités monétaires et leurs mandats, l'existence d'un organe suprême tel le conseil de la Banque est un élément déterminant d'indépendance. En effet, le mode de nomination de ses membres et de renouvellement de leurs mandats ainsi que les conditions de fonctionnement conduisent à assurer une plus grande imperméabilité aux aléas politiques.

A ce sujet, les statuts actuels de la Banque Centrale du Congo, à l'article 39, stipulent que le conseil est l'organe suprême qui établit la politique de la Banque et en contrôle la gestion.((*)23) S'agissant des conditions de nomination de ses membres, les statuts actuels de notre Institut d'Emission, à l'article 41, stipulent que les membres du conseil de la Banque sont nommés par le Président de la République sur proposition du Gouvernement pour un terme renouvelable de quatre ans. Donc, il y a également à ce niveau concentration des pouvoirs de nomination dans le chef d'une seule autorité. Cette situation contraste par ailleurs avec les mécanismes de dispersion de pouvoirs de nomination et de renouvellement des mandats qui assurent une plus grande imperméabilité aux influences politiques.

Ce faisant, l'existence et le fonctionnement même de ce conseil ne garantit qu'une indépendance relativement faible à l'Institut d'Emission, car ce conseil est une émanation politique. Ces membres sont choisis par le Président de la République. L'indépendance de décision du Gouverneur est hypothéquée par la prééminence des pouvoirs d'un conseil qui peut surseoir ou annuler toute décision prise sans aval par l'autorité monétaire. L'exemple ci-dessous en donne la preuve :

En vertu de l'article 40 des statuts de la Banque, il est stipulé que lors de la réunion du conseil présidée par le Gouverneur, un délégué du gouvernement puisse y assister. Celui-ci peut suspendre toute décision du conseil, et fait, dans ce cas, rapport au Gouvernement, qui en informe le Président de la République par un avis motivé. Le pouvoir de veto détenu par le représentant du gouvernement au conseil (sous réserve de la confirmation de cette décision par le Chef de l'Etat dans le délai d'une semaine) limite sérieusement l'autonomie de la Banque Centrale. Bien qu'une telle représentativité ne soit pas totalement à écarter, il conviendrait néanmoins de limiter sa participation à un simple rôle consultatif sans droit de vote.

L'examen de la situation de notre Institut d'Emission au regard des critères statutaires d'indépendance organique montre le degré de dépendance élevé de la Banque Centrale du Congo vis-à-vis des pouvoirs politiques. C'est ce qui explique des nombreux dérapages constatés au niveau de notre institut d'Emission au cours de ces dernières années. En effet, c'est le Président de la République qui nommait les principales autorités de la Banque, et de façon discrétionnaire leur mandat était révocable. Ce qui explique le fait que certains mandats ont été anormalement réduits à moins de trois ans, d'autres à moins de deux ans. Bien plus, en lieu et place d'un seul vice-gouverneur prévu dans les statuts de la Banque Centrale, le Chef de l'Etat continuait à nommer un deuxième vice-gouverneur.

Par ailleurs, il convient de souligner qu'au cours de sept dernières années, la Direction de la Banque Centrale a connu cinq changements; ce qui n'a pas beaucoup servi sa stabilité, sa gestion, le respect de son autonomie et la consolidation de l'autorité monétaire. Bien plus, les changements intervenus à ce poste ont coïncidé, dans la plupart des cas à l'avènement d'un premier ministre, alors que les responsables de la Banque Centrale jouissent d'un mandat légal de cinq ans. Résultats : ces hauts fonctionnaires étaient souvent obligés de se placer sous la protection, tantôt de la Présidence, tantôt d'un premier ministre - selon les rapports de force et les intérêts du moment - pour tenter de préserver leurs mandats.

Le moins que l'on puisse dire est que, malgré l'interminable défilé de

personnalités politiques ou techniques à la tête de l'Institut d'Emission, on a assisté, au cours de ces dernières années, à un laxisme déroutant dans la gestion monétaire du pays.((*)24)

En ce qui concerne l'émission monétaire, par exemple, celle-ci trouvait sa contrepartie essentiellement dans les dépenses publiques exigeant les paiements cash dans un contexte marqué par la faiblesse des recettes fiscales. A la demande de l'Etat, la Banque Centrale a fait recours à l'émission monétaire, non seulement pour financer les dépenses publiques mais également pour entretenir les acteurs politiques de différentes coalitions gouvernementales. Notons que les gouverneurs de la Banque du Zaïre à l'époque étaient eux-mêmes membres de ces coalitions parce que proposés par chacune d'elles.((*)25)

SECTION Il : INDEPENDANCE FONCTIONNELLE

L'indépendance fonctionnelle, faut-il le rappeler, concerne la liberté

d'action opérationnelle de la Banque centrale. Elle se mesure à la fois à travers les missions et buts de la Banque Centrale, la responsabilité exacte de celle-ci en matière de politique monétaire et son autonomie financière propre.

II.1. Mission et responsabilité de la politique monétaire

Plus la mission de la Banque Centrale est précise (la seule stabilité des prix par exemple), plus son indépendance tend à être assurée, quelle que soit par ailleurs la situation de la Banque au regard des autres critères. Quant à son rôle dans la politique monétaire, elle peut en avoir la responsabilité complète, c'est-à-dire fixer les objectifs et contrôler les moyens ou se contenter de participer à son élaboration sous la responsabilité du Gouvernement.

D'une manière générale, les banques centrales qui jouissent d'une plus grande indépendance formelle ont tendance à avoir un objectif statutaire macro-économique qui est assez étroitement axé sur la stabilité de la valeur intérieure, et éventuellement extérieure de la monnaie.((*)26)

En effet, le bon fonctionnement d'une économie de marché exige une monnaie nationale stable. Cette stabilité tant interne qu'externe de la monnaie constitue la principale mission reconnue et dévolue à toute Banque centrale. La politique monétaire que cette institution met en oeuvre ne peut atteindre effectivement ces objectifs que, si elle n'est pas assujettie aux impératifs d'une autre politique. Cette condition implique que la Banque Centrale puisse contrôler, sans interférence aucune, toutes les sources de création monétaire ainsi que l'affectation des ressources monétaires à injecter dans l'économie.

Dans la pratique, l'autonomie de la décision des banques centrales en matière de politique monétaire s'apprécie essentiellement à la mise en place et au maniement des instruments appropriés. Il serait ainsi aberrant de voir l'autorité politique se mêler de la modification au jour le , par exemple, des taux de réescompte ou taux de réserve obligatoire ou encore des taux d'intérêt applicables.((*)27)

Ces quelques considérations théorique montrent l'intérêt d'assigner à la politique monétaire d'une banque centrale indépendante, l'objectif statutaire unique clairement définie d'assurer la stabilité monétaire.

Toutefois, il y a lieu de relever que ces critères que nous venons d'analyser se réfèrent au cas extrême ou idéal d'autonomie d'une Banque centrale. Voyons à présent quelques cas pratiques d'indépendance fonctionnelle des banques centrales.

II.2. Cas pratiques d'indépendance fonctionnelle

Le degré d'autonomie d'une banque centrale varie d'après les pays:

La Bundesbank, en Allemagne ,et la Banque Nationale de Suisse (BNS) sont considérées comme les plus indépendantes des banques centrales. La première n'est pas tenue de prendre en considération la politique gouvernementale si celle-ci est incompatible avec le rôle statutaire qui lui est dévolu de préserver la stabilité de la valeur extérieure et intérieure de la monnaie, tandis que la B.N.S est appelée à consulter le gouvernement fédéral mais peut se passer de son approbation.

Viennent ensuite les banques centrales qui disposent, en pratique, un degré d'autonomie supérieure à celui prévu dans les dispositions statutaires qui les régissent. Il s'agit de la Federal Reserv Bank (Etats-Unis) et de la Banque du Japon.

Ces Banques sont suivies de celles qui jouissent d'une indépendance formelle telle que les Banques Centrales de la Nouvelle Zélande, des Pays-Bas et du Chili. Ces Banques bénéficient d'une forte autonomie en matière monétaire mais le gouvernement peut passer outre leurs décisions.

A l'autre extrémité se trouvent des banques centrales, telles que celles d'Angleterre et de la France qui se limitent à donner des avis sur la politique monétaire qu'elles sont en outre chargées de mettre en oeuvre. La responsabilité des importantes décisions incombe au gouvernement.

II.3. Limitation du financement des gouvernements

L'ampleur des restrictions légales sur le financement des gouvernement peut constituer un aspect important de l'indépendance de la politique monétaire. Le Chili, par exemple, dispose d'un régime particulièrement restrictif dans ce domaine puis qu'il est interdit à la Banque Centrale de financer directement ou indirectement les dépenses publiques (sauf en période de guerre) et d'acheter les effets émis par le gouvernement, ses agences ou ses entreprises.((*)28)

61

Dans d'autres pays comme l'Allemagne, la Suisse et la France, la législation limite strictement les crédits octroyés directement par la Banque Centrale au gouvernement. Toutefois comme le soulignent Mc Branco et M. Swinburne, il est permis de douter de l'efficacité technique des limites statutaires imposées à l'octroi de crédits aux gouvernements même si elles peuvent sembler apparemment importante. En effet, ces auteurs montrent qu'elles risquent de ne pas être particulièrement efficaces en pratique si la Banque Centrale n'est pas indépendante. Mais à condition d'être réellement respectées, elles pourraient néanmoins contribuer utilement à la rigueur monétaire dans le cas d'une banque centrale non indépendante dans un pays où les marchés financiers sont relativement moins bien développés.

II.4. Autonomie de gestion de la Banque Centrale

Quel que soit le degré de l'indépendance de la politique monétaire, les

banques centrales jouissent généralement d'une large autonomie financière par rapport aux gouvernements et, en particulier, elles disposent généralement d'un budget propre qui leur permettent d'effectuer des dépenses au vu de leurs recettes. L'autonomie de gestion implique donc une entière responsabilité de la Banque Centrale dans l'exécution de son compte d'exploitation et de la prise en charge éventuelle de son déficit.

Toutefois, il est à craindre que, si une Banque Centrale est indépendante sur le plan politique mais non sur le plan budgétaire, le gouvernement puisse indirectement et indûment influer sur sa politique en limitant son accès aux ressources.

Comme on pourrait le remarquer à partir du tableau qui suit, la mission essentielle d'une Banque Centrale est de veiller à la stabilité de la monnaie. C'est le cas notamment des différentes Banques Centrales citées ci-dessous. En ce qui concerne la compétence en matière monétaire, celle-ci est partagée au niveau de la Federal Reserv et de la Banque du Japon. Tandis qu'au niveau de la Bundesbank et de la Banque de France, la compétence en matière monétaire est totale. Enfin, les restrictions en matière d'avances directes à l'Etat sont strictes au niveau de la Banque de France, de la Bundesbank et de la Banque de Japon.

Tableau n°14 : Indépendance fonctionnelle des Banques Centrales

 

ETATS-UNIS

Federal System Reserv.

ALLEMAGNE

Bundesbank

JAPON

Banque du Japon

ROYAUME-UNI

Banque d'Angleterre

FRANCE

Banque de France

· Principal objectif statutaire

· Pluralité d'objectifs : plein emploi, stabilité des prix, modération des taux d'intérêts à long terme

· Sauvegarder la monnaie

· Pluralité d'objectifs : croissance, stabilité des prix

· Aucun, mais, implicitement, sauvegarder lamonnaie

· Assurer la stabilité des prix

· Compétence formelle générale en matière monétaire

· Partagée

· Oui

· Partagée

· Non

· Oui

· Services rendus à l'Etat (avances ou crédit à l'Etat)

· Pas d'avances directes à l'Etat ; avances indirectes par le biais des bons

· Avances à l'Etat fédéral et aux administrations ayant déposé leurs fonds (principe de l'obligation de dépôts) limités par les plafonds.

...

...

· Avances à l'Etat : plafond fixe.

 

Source : d'après le rapport (1992) du Conseil National du Crédit et la Présentation de J.P. PATAT (1992). II.5. Indépendance fonctionnelle de la Banque Centrale du Congo

L'indépendance fonctionnelle de la Banque centrale ne eut se concevoir qu'en se référant d'abord à une mission bien déterminée. Dans la plupart des cas, la mission essentielle dont les banques centrales sont formellement et clairement investies est celle de veiller à la stabilité monétaire.

En ce qui concerne la Banque Centrale du Congo, son objet ou sa mission est clairement défini. En effet, l'article 2 de ses statuts stipule que la banque a « pour objet essentiel de maintenir la stabilité monétaire par une politique de change et du crédit favorable au développement équilibré de l'économie... Son action s'inscrit, par ailleurs, dans le cadre de la politique économique du Gouvernement de la République» . 

En ce qui concerne son rôle dans la politique monétaire, la Banque Centrale du Congo joue officiellement le rôle de conseiller de l'Etat. C'est dire que l'étendue de ses pouvoirs s'arrête aux avis même si en réalité la politique monétaire est conçue par elle et approuvée par le gouvernement.

Depuis plusieurs années, cependant, la Banque Centrale n'a pas pu atteindre ses objectifs principalement à cause de l'incohérence des politiques monétaire et budgétaire mises en oeuvre.

En effet, comme on l'a vu plus loin, la politique monétaire qu'une Banque Centrale met en oeuvre ne peut atteindre effectivement ces objectifs que si elle n'est pas assujettie aux impératifs d'une autre politique. Dans le cas particulier de notre pays, la conduite efficace de la politique monétaire a été handicapée, pendant plusieurs années, par la subordination de celle-ci aux impératifs de la politique budgétaire. Or, les insuffisances et dérapages de cette dernière politique constituent l'élément déterminant des déséquilibres qui affectent l'économie de notre pays voilà plus d'une décennie. En effet, le non respect, depuis 1974, des dispositions statutaires en matière de recours du Trésor au financement monétaire s'est accompagné d'une évolution préoccupante de l'inflation et de la croissance économique. Tous ces faits sont illustrés dans le tableau n° 15.

Par ailleurs, l'examen de la situation de la Banque Centrale du Congo, au regard du critère de financement des gouvernements, conforte la position de certains auteurs qui doutent de l'efficacité technique des limites statutaires imposées à l'octroi des crédits aux gouvernements. En effet, selon Mc Branco et M. Swinbume, les restrictions légales en matière de financement par les banques centrales se révèlent inefficaces en pratique lorsque la Banque Centrale ne jouit pas d'une indépendance effective.((*)29) La situation de la Banque centrale du Congo constitue, à cet égard, un exemple notable.

En matière d'avances consenties à l'Etat, la règle cardinale est contenue dans l'article 22 alinéa 1, des statuts de la Banque centrale du Congo. En effet, selon ses statuts, pour permettre à l'Etat de faire face aux fluctuations de ses recettes ordinaires, la Banque centrale peut lui consentir des avances directes pour un montant n'excédant pas les 15% des recettes fiscales annuelles moyennes, calculées sur la base de trois derniers exercices. Cette disposition n'a jamais été respectée par la Banque à cause des pressions exercée par le Trésor sur l'institut d'Emission. Bien plus, le non respect de cette disposition statutaire témoigne de l'absence d'une autonomie effective de la Banque Centrale vis-à-vis des pouvoirs publics. En effet, celle-ci n'a jamais su faire respecter le plafond du crédit octroyé au Trésor.

En définitive, il apparaît clairement que les limites statutaires imposées à l'octroi de crédit au Gouvernement n'a jamais constitué un aspect important de l'indépendance de la politique monétaire dans notre pays.

Tableau n°15 : Evolution des indicateurs économiques du Congo

Années

Plafond statutaire du financement monétaire (en millions de Z)

Financement monétaire effectif (en millions de Z)

Taux d'inflation

(en %)

Taux de croissance économique (en %)

1967

7,3

2,9

13,6

-0,98

1968

10, 6

7,5

76,4

9,06

1969

17,7

-

6,6

9,80

1970

28,1

13,7

3,1

0,6

1971

33,5

53,9

9,15

0,8

1972

37,8

27,2

11,13

0,3

1973

39,6

28,5

10,01

8,2

1974

45,8

206,8

25,1

-5,1

1975

52,8

115,8

47,5

-5,0

1976

58,7

348,9

67,04

-5,3

1977

65,5

309,6

68,24

0,8

1978

78,4

517,3

48,60

-5,3

1979

93,1

454,3

109,1

0,3

1980

166,5

238,4

41,7

9,4

1981

318,7

1.458,3

34,9

0,94

1982

515,5

3.267,7

37,3

-0,45

1983

723,0

2.589,4

75,8

1,40

1984

1.103,1

2.993,4

52,2

5,1

1985

2.199,4

1.250,7

23,7

0,46

1986

8.011,4

9.746,0

33,9

4,70

1987

5.992,1

8.363,0

77,1

2,57

1988

5.033,4

103.178,0

94,2

.0,57

1989

13.411,1

31.700,0

56,04

-1,40

1990

29.747,6

498.700,0

264,90

-6,6

1991

58.842,9

22.664.917,6

4.228,5

-8,4

1992

8.279.626,5

696.908.000,6

2.989,6

-10,5

1993

174.270.000,0

11.724.554.000,0

4.651,7

-13,5

1994

58,09

133.624

9.796,9

-3,9

1995

31.431,2

-

370,3

-0,6

 

Source: Banque Centrale du Congo / Rapports annuels

* En millions de NZ à partir de 1994.

De 1967 à 1973, le tableau n°15 nous révèle que l'économie congolaise, bien qu'instable était encore enviable. Le financement monétaire par la Banque Centrale est restée en général inférieur au plafond de 15% sauf en 1971. Quant au taux d'inflation, il est resté aussi en général dans les bonnes limites de 0 à 20%, sauf en 1968 où il a atteint 76%. Quoique négatif en 1967, le taux de croissance économique pendant cette période est resté aussi en général positif, ce qui explique la prospérité relative que le pays a connu alors.

La situation commence à se dégrader à partir de 1974 où le financement monétaire en faveur de l'Etat a largement dépassé le plafond de 15% fixé dans les statuts de la Banque Centrale. Pour situer le degré de la détérioration de la situation, prenons l'exemple de l'exercice 1994. Cette année là, le plafond statutaire des avances susvisées était évalué à 58 millions de NZ. En réalité, les avances de la Banque Centrale au Trésor ont atteint 133.624,0 millions de NZ soit un dépassement de 133.566 millions de NZ. avec un taux de croissance économique de -3,9 et un taux d'inflation record de 9.796,7%.

II.6. Autonomie de gestion de la Banque Centrale du Congo.

Revenons à présent à l'article premier que pose l'autonomie de gestion même de la Banque centrale. Il stipule que « la Banque centrale est une institution de droit public dotée d'une autonomie de gestion ». A ce titre, elle dispose d'un budget propre qui lui permet d'effectuer des dépenses au vu de ses recettes. Cette autonomie de gestion concerne également la gestion de ressources tant intérieure que extérieure. A ce sujet, la Banque Centrale doit avoir les mains totalement libres dans la location des ressources, la priorité étant réservée aux secteurs productifs. Mais cette autonomie de gestion a-t-elle été de mise en pratique?

Dans l'exécution de ses tâches journalières en rapport avec l'encadrement du crédit et de la défense de la monnaie, la gestion des devises, les initiatives de la Banque Centrale ne devraient souffrir d'aucune interférence extérieure d'une institution étatique quelconque. Or, la main mise de l'Etat dans la gestion peu orthodoxe de ressources tend cependant à vider de son sens cette autonomie de gestion. En effet, les perturbations de ce dernier apparaissent dans la location de ressources tant intérieure qu'extérieure.

En effet, l'Etat s'est arrogé, au fil des années, une part importante du crédit intérieur qui a servi pour l'essentiel à la couverture des déficits budgétaires. La présence perturbatrice de l'Etat est encore remarquable dans l'exécution du budget en devises de la Banque Centrale du Congo. Depuis 1991, les dépenses gouvernementales hors dette extérieure dépassent en importance les interventions de la Banque Centrale sur le marché des changes. Tous ces faits sont illustrés dans les deux tableaux ci-dessous.

Tableau n°16 : Evolution du crédit intérieur (en milliards de Z)

Année

Crédit à l'Etat

En % du crédit intérieur

Crédit à l'éco.

En % du crédit intérieur

Crédit intérieur

1989

86

54

74

46

160

1990

549

78

154

22

703

1991

23.303

91

2.389

9

25.692

1992

706.447

93

51.480

7

757.927

1993

12.506.130

92

1.040.940

8

13.547.070

1994*

155.727

65

82.615

35

238.342

1995*

109.481

16

563.802

84

673.283

 

Source : Banque Centrale du Congo

* En millions de nouveaux zaïres.

Tableau n°17 : Evolution du budget en devises de la Banque Centrale

du Congo en millions de dollars U.S)

 

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

RUBRIQUES

RECETTES

1.290,6

n.d

493,3

270,7

88,6

58,3

163,8

DEPENSES

765,0

n.d

581,9

273,2

117,0

65,2

162,2

· Banque C.C.

44,2

n.d

190,9

114,9

73,7

34,2

87,2

· Gouvernement

176,9

n.d

183,0

110,2

30,7

17,9

50,0

· Intervention sur le marché des changes

378,7

n.d

151,1

47,7

9,3

2,9

15,9

· Dette extérieure

165,2

n.d

90,2

28,4

7,7

-

0,2

 

Source : Banque Centrale du Congo

Commentaire

Comme le montre le tableau n° 16, l'évolution de l'encours du crédit intérieur met en exergue la part considérable des ressources disponibles absorbées par l'Etat. Au cours de six dernières années, la structure du crédit à l'intérieur montre que l'Etat absorbe en moyenne 72 ,5% de crédit, laissant les ménages et les entreprises se partager le reste.

Par ailleurs, l'exécution du budget en devises de la Banque Centrale du Congo , au cours de ces dernières années, montre que très peu de moyens ont été alloués à la défense de la monnaie. Les seules dépenses de la Banque Centrale et celles du Gouvernement ont même dépassé les recettes de l'année 1993.

Pour illustration de la main mise directe du Gouvernement dans la gestion interne de la Banque Centrale, nous avons retenu l'exemple des mesures conservatoires prises par le gouvernement Kengo le 20 juin 1994, après que celui-ci ait été nommé premier ministre. En effet, au lendemain de sa nomination par ordonnance présidentielle, le premier ministre élu par le HCR-PT, monsieur Kengo wa Dondo, avait pris une série de mesures conservatoires relatives à la Banque du «Zaïre» et aux services mobilisateurs des ressources de l'Etat. Mais nous allons nous intéresser ici qu'aux mesures relatives à la Banque centrale. Concernant cette dernière, les quelques mesures arrêtés ont été les suivantes :

Suspension de toute les dépenses émergeant aux comptes propre de la Banque Centrale quelqu'en soit le bénéficiaire;

Suspension de toute nouvelle émission monétaire ainsi que l'octroi des nouvelles avances à l'Etat;

Suspension de toutes les opérations en cours portant sur l'or et le diamant ainsi que tout mouvement de compte ad hoc.

Pour effectuer l'une des opérations ci-dessus, la Banque centrale devait obligatoirement se concerter avec le premier ministre.

Au regard de certaines mesures prises à l'époque par le premier ministre Kengo, il apparaît une contradiction flagrante avec certaines dispositions statutaires de la Banque centrale. En effet, au regard de l'article premier de ses statuts, la Banque centrale est dotée d'une autonomie de gestion. A ce titre, elle dispose d'un budget propre qui lui permet d'effectuer les dépenses au vu de ses recettes. Il était dès lors moins aisé de comprendre que pour toute dépense de fonctionnement de cette institution, même à caractère urgent, la Banque centrale puisse requérir obligatoirement l'autorisation du premier ministre.

Bien plus, l'une des mesures relevé ci-haut risquait enfin de détériorer les relations entre la Banque centrale et les banques commerciales. En effet, ces dernières maintiennent des comptes disponibles auprès de l'Institut d'Emission. Selon les règles élémentaires de ces comptes, les banques commerciales ont droit de disposer de ces ressources à leur gré. Cela devenait difficile dès lors que l'aval du premier ministre était requit pour en disposer

Ainsi, nous pouvons conclure que , malgré que la Banque Centrale bénéficie d'une autonomie de gestion, l'immixtion manifeste, ces dernières années, des pouvoirs publics dans la gestion courante et l'affectation des signes monétaires constitue une violation flagrante de cette disposition. Les pressions incessantes exercées par le Trésor sur la Banque centrale pour obtenir d'elle des avances destinées à financer les déficits budgétaires constituent une illustration parfaite de cette situation. Or, l'autonomie de gestion implique une entière responsabilité de la Banque Centrale dans l'exécution de son compte d'exploitation.

En définitive, le déséquilibre du compte d'exploitation de l'institut d'Emission ne résulte pas seulement de la divergence entre les recettes et les dépenses, mais il est également la conséquence de la mainmise de l'Etat sur les émissions monétaires. Car, faut-il le rappeler, les coûts d'impression des signes monétaires constituent la cause principale du déséquilibre du compte d'exploitation de la Banque centrale.

Nous ne saurons terminer la présente étude sans proposer quelques pistes de solutions susceptibles d'aider la Banque Centrale à retrouver son équilibre de gestion.

CHAPITRE V :

PERSPECTIVES D'AVENIR

Nous arrivons au chapitre conclusif de notre étude, c'est-à-dire celui consacré aux perspectives de redressement de la situation de la Banque Centrale.

Rappelons qu'au cours de l'année 1995, compte tenu de la situation préoccupante du compte d'exploitation, l'ancienne haute direction de la Banque Centrale avait arrêté une série de mesures d'ajustement, visant la réduction des charges d'exploitation et la maximisation des recettes. En dépit des mesures d'ajustement prises, la dégradation du compte d'exploitation a continué à persister en raison essentiellement de la persistance d'un environnement économique défavorable qui influe négativement sur l'activité économique et l'intermédiation financière, et de la mauvaise gestion des finances publiques.

C'est ainsi que dans le cadre de ce travail, nous allons faire des propositions concrètes pour permettre à la Banque centrale de retrouver son équilibre de gestion d'une part, et pour aider celle-ci à harmoniser ses rapports avec les institutions politiques dans le sens d'une plus grande autonomie d'autre part. Nous commencerons d'abord par les propositions concernant la restructuration interne de la Banque Centrale et celles concernant les statuts de cette dernière viendront ensuite.

SECTION I. RESTRUCTURATION INTERNE

La restructuration interne de la Banque centrale devra se faire dans deux directions :

I.1. Relations de la Banque Centrale avec le Gouvernement

Il s'agit de débarrasser la Banque Centrale principalement de sa fonction de caissier de l'Etat. S'agissant de cet aspect du problème, nous proposons que cette fonction soit transférée au Ministère des Finances à l'instar de nombreux pays. Celle-ci pourra être exercée par un organisme public dépendant du Gouvernement (Direction - Office du Trésor Public).

La Banque centrale resterait uniquement banquier de l'Etat au même titre que la Banque des banques. Cette réforme aura l'avantage de mettre en face l'Institut d'Emission un client (l'Etat) qui négocierait ses crédits au même titre que les autres clients (les banques commerciales) et aux conditions prévues par les statuts de la Banque. Il s'en suivra le renforcement de l'autonomie de la Banque et la nécessité d'une gestion rigoureuse des finances publiques.

1.2. Gestion interne

Après s'être débarrassée de la gestion des comptes de l'Etat, la Banque Centrale devrait appliquer une cure d'amaigrissement de ses structures internes afin de financer son fonctionnement par les ressources saines (revenus d'exploitation).

S'agissant de la prépondérance des structures logistiques non liées aux missions essentielles de la Banque, cette dernière devrait envisager des actions ci-après :

· la relance des études visant l'autonomie de l'Hôtel des Monnaies ;

· l'examen des possibilités d'ouverture du Centre Hospitalier au partenariat privé, notamment en intéressant en premier lieu les banques afin d'organiser avec elles les services médicaux communs pour l'ensemble du secteur dans l'optique de réduire le coût.

Au chapitre de la gestion des ressources humaines, la Banque Centrale devrait envisager les actions ci-après:

· l'application rigoureuse des normes et procédures rétablies en matière d'embauche, de promotion, d'affectation et d'octroi des avantages sociaux ;

· la motivation des agents par une politique de rémunération et d'avantages sociaux adéquats ;

· l'informatisation de la gestion du personnel ;

· la mise en place d'une politique de formation tenant compte des besoins réels de services.

Dans le cadre de la gestion des ressources matérielles, immobilière et informationnelles, la Banque Centrale devrait envisager les actions ci-après :

· la planification des commandes de fournitures et de matériels de bureau en fonction des priorités et de ressources disponibles ;

· la réhabilitation du central téléphonique de la Banque ;

· la création d'un comité informatique impliquant les utilisateurs ;

· l'acquisition de plusieurs matériels informatiques (micro-ordinateurs, imprimantes, logiciels ...), ceci pour pallier à la carence généralisée du matériel informatique.

En matière de gestion financière, bon nombre d'actions doivent être amorcées en vue d'améliorer la gestion financière de la Banque. Celles-ci concernent la maximisation des recettes de l'encadrement des dépenses. Dans ce cadre, il y a lieu d'épingler les actions suivantes:

la régularisation de suspens relatifs aux opérations du Trésor en vue de les inclure dans la base de calcul des intérêts débiteurs dus à la Banque;

le rachat des avoirs de l'Etat en comptes RME en vue de leur placement;

l'intensification des opérations cambiaires par achats et ventes de devises sur le marché de change en vue d'influencer les cours et, au passage, comptabiliser les bénéfices de change s'y rapportant;

l'élargissement du marché monétaire et le mise en place de nouveaux mécanismes incitatifs au recours aux facilités de refinancement auprès de la Banque centrale;

la recherche de nouveaux produits liés à la diversification des services bancaires, notamment à travers les services de transport et de transfert de fonds tant au pays qu'à l'étranger ainsi que par le biais des marchés de l'Hôtel des Monnaies;

· le rétablissement de la convertibilité interne de la monnaie en vue de redynamiser le marché monétaire, source des produits traditionnels de la Banque;

·

73

l'instauration de primes de meilleurs percepteurs des recettes ;

· améliorer le dispositif de réglementation et du contrôle des dépenses en général, des marchés et contrats de prestation des services de façon spécifique, d'où la mise en place d'un mécanisme de programmation hebdomadaire des dépenses en tenant compte de la trésorerie ;

· le recours aux importations groupées en vue de tirer le maximum de bénéfice de l'exonération fiscale reconnue à la Banque Centrale.

SECTION Il : POUR UNE REVISION DES STATUTS DE LA

BANQUE CENTRALE DU CONGO.

Les pouvoirs de la Banque centrale lui sont conférés par ses statuts tels que modifiés par l'ordonnance-loi n033/002 du 28 septembre 1993. Une des caractéristiques principales des statuts actuels de la Banque Centrale, c'est la restriction de son autonomie par le Gouvernement (art 3 a pouvoir d'émettre la monnaie en accord avec le Gouvernement). Soumission de son rapport au Gouvernement et au Président de la République (art. 12), l'accord du Gouvernement pour démonétiser des simples coupures ou pièces art. 16 (Ingérence dans les émissions).

Le problème réside également dans l'ambiguïté de ces statuts. En effet, les statuts actuels de la Banque centrale du Congo consacrent à le fois son autonomie de gestion, la subordination de sa mission à la politique du gouvernement et la dépendance des responsables vis-à-vis du Président de la République qui est le seul habilité à nommer et à révoquer le gouverneur et le vice-gouverneur de la Banque. La nécessité de réviser les statuts actuels de la Banque Centrale s'impose donc en vue de l'insérer dans le cadre constitutionnel en gestation.

II.1. De la nomination du Gouverneur et du vice-gouverneur.

S'agissant des dirigeants de la Banque centrale, pour éviter une subordination trop unilatérale, leur nomination devrait être soumise à un mécanisme de dispersion entre plusieurs échelons politiques qui se partageraient le pouvoir proposer, de contrôler et d 'entériner par les textes les candidats jugés techniquement et. moralement qualifiés. A ce sujet, nous proposons que le Gouverneur et le vice-gouverneur soient nommés par le Président de la République sur proposition du Gouvernement, après avis d'un organe législatif (le parlement exemple).

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II.2. De l'exercice des fonctions du Gouverneur et du vice-gouverneur

S'agissant des conditions d'exercice des fonctions des dirigeants de la Banque centrale, ceux-ci devraient être assorties d'une certaine sécurité juridique:

l'existence pour les plus hauts responsables de la Banque Centrale d'un mandat à cheval entre deux échéances électorales, ceci pour éviter que les autorités de la Banque ne se sentent redevables envers ceux qui les ont nommés. Ce mandat devrait être fixe et assez long ( 8 ans) pour permettre la concrétisation des politiques mises en place par les autorités en exercice. Celui-ci devrait être aussi en principe irrévocable sauf, bien sûr, manquements graves à la mission fondamentale d'assurer la stabilité monétaire.

II.3. De la composition du conseil de la Banque

Pour ce qui est de la composition du Conseil de la Banque Centrale, nous proposons que ce Conseil soit composé, comme par le passé, de neuf membres , en ce compris le gouverneur, le vice-gouverneur et le représentant du Gouvernement. Ce Conseil devrait être présidé par le Gouverneur et le vice-gouverneur en sera de droit membre.

S'agissant des membres du conseil de la Banque, il serait judicieux, pour éviter des nominations partisanes, d'introduire un mécanisme de dispersion entre plusieurs échelons politiques qui se partageraient le pouvoir de proposer, de contrôler et d'entériner par les textes les candidats jugés techniquement et moralement qualifiés. Concernant cet aspect de la question, nous proposons que les membres du conseil de la Banque centrale soient nommés et le cas échéant révoqués par le président de la République sur proposition du Gouvernement, après avis conforme du parlement. Par ailleurs, il serait également indiqué d'inclure dans le projet de nouveaux statuts de la Banque, une disposition rendant incompatible la qualité du membre du conseil de la Banque avec l'exercice des fonctions susceptibles de créer un conflit d'intérêt.

75

S'agissant du représentant du Gouvernement, nous proposons que ce dernier soit nommés par le ministre des finances, après avis du Gouvernement. Nous proposons également la révision de la clause relative au droit de veto du représentant du Gouvernement, ceci pour permettre à la Banque centrale de faire passer certaines décisions en tant qu'autorité monétaire. De ce fait, la participation de ce dernier se limiterait à un simple rôle consultatif sans droit de vote.

II.4. Du renforcement des statuts sur la politique de la Banque Centrale

Définir assez clairement les objectifs dévolus à la Banque, en l'occurrence la stabilité monétaire, au lieu de lui faire embrasser plusieurs choses à la fois, comme le veulent nos statuts. Définir aussi clairement les dispositifs de sécurité dont jouit la Banque pour appliquer sa politique au cas où la politique du gouvernement a tendance à empiéter sur celle-ci. L'existence d'un alinéa du genre: « La Banque centrale n'est pas tenue de prendre en considération la politique gouvernementale si celle-ci est incompatible avec le rôle statutaire qui lui est dévolu de préserver la stabilité de la monnaie ». De ce fait, le Gouverneur de la Banque Centrale aura le droit de se faire entendre par le parlement en cas de divergence entre les objectifs budgétaires et monétaires avec le gouvernement.

CONCLUSION

Nous voici arrivé au terme de notre étude consacrée au diagnostic de la situation de la Banque Centrale. Ce diagnostic a porté non seulement sur la situation interne de la Banque Centrale, et plus particulièrement sur son compte d'exploitation, mais également sur la situation de notre Institution d'Emission au regard de quelques critères d'indépendance d'une Banque Centrale.

Au-delà de ses compétences généralement reconnues aux Banques Centrales, la Banque Centrale du Congo, de par sa position de centralisation des principales données économiques et financières, pallie l'insuffisance d'un instrument statistique au niveau national.((*)30)

Cependant, la détérioration de la situation économique dont souffre le Congo depuis plus d'une décennie n'a pas épargné la Banque Centrale. En effet, la dégradation du cadre macro-économique tel que nous l'avons vu dans la présente étude a entraîné l'amenuisement , voire l'arrêt, des recettes ainsi que l'aggravation des charges d'exploitation de la Banque. Ceci s'est traduit par des déficits systématiques du compte d'exploitation de l'Institut d'Emission.

Toutefois, certains facteurs ont contribué à l'aggravation, voire à la persistance de ces déficits. Du côté des recettes, on peut particulièrement mentionner le refus de l'Etat de payer les intérêts sur sa dette consolidée, le recours limité du trésor aux avances directes de la Banque Centrale et la non perception par la Banque Centrale de ses intérêts sur les avances accordées aux Banques en difficultés. Du côté des dépenses, il y a lieu de noter l'endettement excessif de certaines banques publiques auprès de l'Institut d'Emission et la transformation en espèces des recettes publiques sous forme scripturale.

Mais la dégradation du cadre macro-économique n'explique pas elle seule les difficultés de fonctionnement interne que la Banque Centrale depuis quelques années. La détérioration de la situation de la Banque est également consécutive à une série des problèmes internes que nous avons analysés dans cette étude.

Notre étude s `est également proposée d'établir le diagnostic de la situation de la Banque Centrale au regard de quelques critères d'indépendance d'une Banque Centrale. Ces critères sont essentiellement statutaires.

L'examen des statuts de notre Institut d'Emission au regard de ses déterminants a établi le degré de dépendance élevé de la Banque Centrale du Congo vis-à-vis des pouvoirs politiques. En plus, cette dépendance n'a pas également permis çà la Banque Centrale de mettre en place une politique monétaire efficace pour préserver la stabilité de la monnaie, en raison principalement de l'impossibilité de maîtriser l'évolution du crédit à l'Etat.

Par ailleurs, malgré que la Banque Centrale du Congo bénéficie d'une autonomie de gestion, l'immixtion manifeste, ces dernières années, des pouvoirs politiques dans la gestion courante et l'affectation des signes monétaires constitue une violation flagrante de cette disposition.

Que faut-il faire pour aider la Banque Centrale à redresser durablement la situation de sa gestion interne et à harmoniser ses rapports avec les pouvoirs publics dans le sens d'une plus grande autonomie ?

Il s'avère que le redressement de la situation de la Banque Centrale tant au niveau interne qu'au niveau de ses relations avec les pouvoirs publics ne peut être envisagé que dans le cadre d'un ensemble de mesures à court et à moyen terme impliquant la Banque Centrale et l'Etat.

En ce qui concerne la Banque Centrale, celle-ci devra procéder à une restructuration de sa gestion interne.

Par ailleurs, nous estimons qu'une reforme des statuts de la Banque centrale permettra à celle-ci d'obtenir le degré d'indépendance nécessaire pour garantir la stabilité de la monnaie. Cette autonomie concerne aussi bien la gestion interne de la Banque que la conception et l'exécution de la politique monétaire. La Banque centrale du Congo devra par conséquent obtenir toutes garanties juridiques (mandat fixe, long et irrévocable pour le gouverneur et le vice-gouverneur) et politiques (en cas de conflit entre la Banque Centrale et le gouvernement, recourir au parlement).

En ce qui concerne l'Etat, il faut noter qu'aucune activité bancaire et productive ne peut se réaliser dans les normes où se développer aussi longtemps qu'un retour aux équilibres globaux n'est effectué. L'assainissement du cadre macro-économique et institutionnel est de la responsabilité de l'Etat qui doit, avant tout, maîtriser la gestion des finances publiques.

La Banque centrale du Congo qui base son activité sur le rayonnement du secteur bancaire pourra retrouver son équilibre de gestion avec la reprise économique et la fin du disfonctionnement de ce secteur.

Certes les solutions préconisées dans cette étude ne sont ni exclusives ni exhaustives. Elles sont susceptibles d'être enrichis par les observations, suggestions et les critiques objectives formulées par tous ceux qui sont préoccupés par la recherche des voies et moyens susceptibles d'aider la Banque Centrale à mettre fin à ses difficultés de son fonctionnement interne.

BIBLIOGRAPHIE

I. OUVRAGES

1. BIALES. M., R. LEURION, JL RIVAUD ; Notions fondamentales d'économie,
Paris, Ed. Foucher, 1995, 407 p.

2. BUHENDWA bwa MUSHABA, la Banque Centrale et l'économie zaïroise,

Kinshasa, St Paul, 1996, 217 p.

3. DE QUIRINI Pierre, L'économie au service de tous, Kinshasa, Epiphanie,

1993, 96p.

4. MARSH David, La Bundesbank aux commandes de l'Europe, Ed. Berlin, 1993.

II. ARTICLES, RAPPORTS ET AUTRES DOCUMENTS

1. BANQUE DU ZAÏRE, Rapports annuels 1983-1995.

2. BANQUE DU ZAÏRE, Bulletin mensuel des statistiques, n°26 / octobre 1996.

3. BANQUE DU ZAÏRE, Condensés d'informations statistiques, n°50 / déc. 1996.

4. BANQUE DU ZAÏRE, Situation financière de la Banque et perspectives à court terme, juin 1996.

5. CASTELLO BRANCO M. et SWINBURNE M., L'indépendance des banques
centrales, in : Finances et Développement, Mars
1992, pp. 19-21.

6. IKUM IKUM OMBEL et THIUNZA MBIYE , La Banque du Zaïre vit-elle au
dessus de ses moyens ? ; in Notes de conjoncture
n°25, Juin 1995, pp. 8-10.

7. KABUYA KALALA, L'autonomie de la Banque du Zaïre : mythe ou réalité ?,

in : Notes de conjoncture, n°16, Août 1994, pp. 8-10.

8. KOTO EY'OLANGA, Indépendance de la Banque Centrale et gestion du

policymix, in : Notes de conjoncture, n°30, Février
1998, pp. 15-17.

9. LOLO MASSY, Controverse au sujet de l'officialisation de la décote de la

monnaie scripturale, in : Notes de conjoncture, n°20, Février
1995, pp. 5-8.

10. LOLO MASSY, L'enracinement de l'hyperinflation, in : Notes de conjoncture,
n°27, Août 1996, pp. 8-9.

11. LOLO MASSY, L'indexation des créances de l'Etat ou l'art de soigner le mal

par le mal, in : Notes de conjoncture, n°29, Avril 1997, pp. 6-7.

12. MABI MULUMBA, La réforme monétaire du 22 octobre 1993 : analyse

critique, in : Notes de conjoncture, n°30, Avril 1998,

pp. 11-15.

13. MASANGU MULONGO, La situation économique, financière et monétaire

récente du Congo, in : Congo-Afrique, octobre 1997.

14. PETIT Jean-Pierre, Contenu et critères d'indépendance des banques
centrales, in : Revue d'économie financière, n°22, 1992,
p.22

15. TSHIUNZA MBIYE, Bataille pour le contrôle de la Banque du Zaïre :

la stabilité monétaire en perdition, in : notes de conjonc-
ture, n°19, Janvier 1995, pp. 7-9.

16. TSHIUNZA MBIYE, La Banque du Zaïre vit-elle au dessus de ses moyens ?,
in : Notes de conjoncture, n°25.

17. YAV KARL YAV, L'indépendance d'une banque centrale : une question des
statuts et des dirigeants, in : Notes de conjoncture, n°7 & 8,
Juillet/Août 1993, pp. 7-10.

III. COURS

1. MUBAKE MUMEME, Fluctuations et croissance économique, cours dispensé en
L1 Economie Appliquée, Kinshasa, UNIKIN, (inédit),
1988-1989.

2. MUBAKE MUMEME, Finances publiques et Fiscalité, cours dispensé en
G3 FASE, Kinshasa, UPZ, (inédit), 1995-1996.

ANNEXES

PRESENTATION DE LA BANQUE CENTRALE DU CONGO

I.1. HISTORIQUE

Les origines de la Banque Centrale actuelle remontent vers les années 1909, 1910 et 1911. Quelques mois après l'annexion de l'Etat Indépendant du Congo par la Belgique et il fallait s'y attendre, les courants commerciaux venant de toutes parts exploiter la cuvette centrale du fleuve Congo, plaidèrent en faveur de la création d'une institution bancaire chargée comme la Banque Nationale de Belgique (BNB), d'organiser la circulation fiduciaire.

Eu égard au principe de la séparation des patrimoines de la Belgique et du Congo-Belge, la Banque Centrale de Belgique n'avait pas le droit d'assurer le service d'émission pour le compte de la colonie. D'où l'idée de doter celle-ci d'un Institut d'Emission propre. Ce rôle fut confié à une banque privée, la Banque du Congo-Belge qui vit le jour en 1909. Celle-ci contribuera à l'essor économique du Congo-Belge.

Il a fallu attendre la « Convention de 1927 » pour voir le Rwanda-Urundi bénéficier de l'émission de la Banque du Congo-Belge.

La convention signée entre le gouvernement belge et cette banque commerciale intervint en 1935 par décret du 27 juillet de la même année. A partir de cette date, la Banque du Congo -Belge fut tenue d'assurer l'émission tant des billets que des monnaies métalliques, et devait en outre, en assurer la couverture.

Remarquant que le rôle d'émettre la monnaie, conditionné par une limitation du champs d'action de la Banque du Congo-Belge en tant que Banque Commerciale, constituait à cette époque un handicap sérieux à son développement, le moment paraissait venu de doter le Congo d'une Banque Centrale autonome. C'est pour cette raison que la Banque Centrale du Congo-Belge et du Rwanda-Urundi autorisée par le décret du 30 juillet 1951 qui en établit le cadre organique, fut effectivement constituée le 29 septembre 1951 et ses statuts approuvés par l'Arrêté Royal du 26 octobre 1951.

Cette Banque était une institution commune pour le Congo-Belge et le Rwanda-Urundi. Sa durée était fixée à 30 ans . Mais les impondérables de l'histoire en ont décidé autrement.

Sur proposition du Fonds Monétaire International (F.M.I), un conseil monétaire de la République du Congo fut créé le 3 octobre 1960. Sa mission essentielle était de soumettre au gouvernement des propositions adéquates en vue de la création d'une Banque Nationale et l'organisation d'un système bancaire.

La décision de liquidation de la Banque Centrale du Congo-Belge et du Rwanda-Urundi fut annoncée le 16 février 1961 à Brazzaville tandis que le Décret-loi relatif à la création de la Banque Nationale du Congo fut pris une semaine plus tard, c'est-à-dire le 23 février 1961.

En août 1961, l'ancienne Banque Centrale est liquidée. Le conseil monétaire reprend l'actif et le passif. De simple gérant, le conseil monétaire devient alors Institut d'Emission. A cet égard, il assure l'exécution de la politique monétaire et de crédit du gouvernement congolais. En tant qu'organe de transition, le conseil monétaire n'avait pas une organisation propre à lui.

Le 20 juin 1964,la Banque Nationale du Congo succède au Conseil Monétaire. Cette date inaugure également le début de l'indépendance financière et monétaire. La totalité des avoirs et des obligations du Conseil Monétaire lui est transférée d'office. Le 4 novembre 1971, un ordre de service 218 débaptise la Banque Nationale du Congo en banque Nationale du Zaïre. Elle devient Banque du Zaïre le 25 novembre 1972.

Par ailleurs, depuis le 17 mai 1997, date de l'avènement du nouveau pouvoir politique, des changements se sont opérés dans les secteurs de la vie nationale. L'Institut d'Emission n'a pas dérogé à ce vent et à, d'emblée, repris son ancienne appellation de l'époque où elle fut créée en une association congolaise de droit public sous le dénomination de la « Banque Centrale du Congo ».

I.2. Fonctions et rôles de la Banque Centrale du Congo

Le rôle d'une Banque Centrale se résume à :

· la sauvegarde de la stabilité monétaire ;

· la régulation des flux monétaires en fonction des besoins de l'économie.

L'article 2 des statuts de la Banque Centrale du Congo dispose : « La Banque a pour objet essentiel de maintenir la stabilité monétaire par une politique du crédit et du change favorable au développement équilibré de l'économie de la République Démocratique du Congo. Son action s'inscrit dans le cadre de la politique économique du gouvernement de la République Démocratique du Congo.((*)1)

Quant à l'article 3, il dispose ce qui suit : la Banque exerce toutes les fonctions d'une Banque Centrale et bénéficie des droits et prérogatives qui y sont généralement attachés. Examinons ces différentes fonctions.

A. Institut d'Emission.

A ce titre, elle dispose du pouvoir exécutif d'émettre la monnaie sur le territoire national. Elle assume ce pouvoir avec le gouvernement. L'émission de monnaie est la mise à la disposition de l'économie des signes monétaires. Historiquement, le pouvoir d'émettre la monnaie a été d'abord assumé par les orfèvres et ensuite par les princes.

En effet, bien avant l'invention des billets de banque modernes, ce sont les pièces de monnaie en or ou en argent qui servaient d'instruments des paiements . Les personnes chargées de battre ces pièces, les orfèvres, selon les spécifications, s'attribuaient un revenu ou une commission pour ce service rendu aux détenteurs de lingots d'or ou d'argent. A cause de nombreux abus de la part des « orfèvres privés », il a fallu, beaucoup plus tard, l'intervention du « prince » pour protéger les citoyens contre les falsifications. Mais les princes commirent les mêmes abus que les orfèvres privés.

Le pouvoir régalien d'émettre la monnaie comprend deux composantes :

· la fabrication de la monnaie ;

· l'émission de la monnaie.

En référence à l'histoire, la Banque Centrale émet la monnaie par délégation de pouvoir.

B. La Banque des banques

En sa qualité de Banque des banques, elle accepte les dépôts de ces dernières et leur octroie des possibilités de refinancement dans le cadre du marché monétaire.

Le marché monétaire représente le marché de l'argent à court terme. Il comporte deux compartiments : le marché interbancaire ou hors banque et le marché en banque. Le marché interbancaire, réservé aux banques, assure la rencontre des offres et des demandes de monnaie centrale. Il s'agit donc des banques qui s'échangent leurs excédents et leurs déficits de trésorerie. Le deuxième compartiment implique l'intervention de la Banque Centrale. En fait, cette dernière peut intervenir sur ce marché afin de réguler le niveau des liquidités, selon les objectifs de la politique monétaire.

La Banque Centrale opère sur le marché monétaire au moyen de quatre instruments qui constituent les guichets de refinancement des banques agréées, à savoir : le réescompte, les avances en comptes courants, la prise en pension et le marché de call money. Cependant, il sied d'indiquer que la prise en pension a été supprimée depuis février 1987, soit trois mois après la création du marché de call money, généralement appelé marché monétaire.

C. Banquier et caissier de l'Etat

La Banque Centrale du Congo octroie à l'Etat (découvert sur compte général) ou garantit les lignes de crédit extérieur de ce dernier. S'agissant du crédit ou des avances directes à l'Etat, celles-ci sont régies par l'article 22, alinéa 1 des statuts de la Banque Centrale.

En effet, pour permettre à l'Etat de faire face aux fluctuations de ses recettes ordinaires, la Banque Centrale peut lui consentir des avances directes pour un montant qui ne doit à aucun moment dépasser 15 % de la moyenne des recettes fiscales annuelles, calculées sur la base de trois derniers exercices financiers. Ces avances sont accordées par un délai strictement limité 300 jours au total, consécutifs ou non. Le trésor est donc tenu de rembourser au plus tard le 30 octobre de chaque année la totalité du crédit lui accordé par la Banque Centrale.

En tant que caissier de l'Etat, la Banque Nationale du Congo gère le compte général du trésor. En effet, en raison de l'absence d'un circuit du trésor public au Congo, la Banque Centrale doit sur ordre de l'Etat (ministère des finances) percevoir et assurer ses paiements.

D. Conseiller en matière économique, financière et monétaire

En tant que conseiller du gouvernement en matière économique, financière et monétaire, la Banque Centrale du Congo suggère et propose au gouvernement des mesures en vue d'accroître l'efficacité de la politique budgétaire et de corriger certaines actions entreprises par le gouvernement tant en matière de mobilisation des recettes que l'exécution des dépenses. Mais ces propositions aux différents problèmes économiques peuvent, dans certains cas, se buter à des contraintes politiques.

E. Contrôler le système bancaire et la distribution du crédit.

En raison de l'impact de l'évolution des crédits sur la conjoncture économique générale notamment sur les prix intérieurs et la balance des paiements, et dans le souci de sauvegarder ces équilibres fondamentaux que la Banque Centrale du Congo détermine, pour chaque année, le volume global des crédits à accorder eu égard aux besoins réels de l'économie pour une période déterminée.

F. Politique et réglementation du change

La Banque Centrale du Congo gère les réserves de change du pays et joue le rôle régulateur, par sa politique de change, sur le cours de la monnaie nationale.

Au delà de ces compétences généralement reconnues aux Banques Centrales, la Banque Nationale du Congo , de par sa position de centralisation des principales données économiques financières pallie l'absence d'un instrument de traitement statistique fiable au niveau national. Dans ce cadre, elle informe le Gouvernement et le publie à travers des recueils statistiques sur l'évolution économique, financière monétaire.

A titre d'illustration, la Banque Nationale du Congo effectue chaque année, en collaboration avec l'Institut National de la Statistique, des enquêtes économiques annuelles auprès des entreprises à travers l'ensemble du territoire national, en vue de l'élaboration des comptes nationaux que l'on retrouve dans le Rapport Annuel. D'autres enquêtes conjoncturelles sont réalisées et publiées dans les Bulletins Mensuels de Statistique et dans le condensé hebdomadaire d'informations statistiques.

86

TABLE DES MATIERES

Pages

EPIGRAPHE ............................................................................................................... I

DEDICACE ................................................................................................................ II

AVERTISSEMENT ................................................................................................... III

AVANT-PROPOS ..................................................................................................... IV

INTRODUCTION GENERALE .................................................................................. V

CHAP. I. LA CRISE ECONOMIQUE ET SES MANIFESTATIONS

AU CONGO ................................................................................................ 1

Section I : La crise économique ..................................................................... 1

I.1. La crise contemporaine .................................................................. 2

I.2. Les explications de la crise contemporaine .................................... 2

Section II : Les manifestations de la crise économique au Congo ................. 3

II.1. Régression de l'activité de production ........................................... 3

II.2. Hyperinflation ................................................................................. 5

II.3. Dérèglements des finances publiques ........................................... 7

II.4. Position extérieure précaire et insoutenable .................................. 9

II.5. Desintermédiation du système bancaire ..................................... 10

CHAP. II. L'INCIDENCE DE LA CRISE ECONOMIQUE SUR LA

BANQUE CENTRALE DU CONGO ...................................................... 14

Section I : Aperçu de l'évolution du compte d'exploitation de la Banque

Centrale du Congo de 1985 à 1995 ............................................. 15

I.1. Evolution des recettes d'exploitation ............................................ 15

I.2. Evolution des charges d'exploitation ............................................ 22

Section II : Incidence de la crise économique sur la

Banque Centrale du Congo ....................................................... 26

II.1. Crise économique et amenuisement des recettes ...................... 27

II.2. Crise économique et augmentation des charges ........................ 32

CHAP. III. LES DEFICITS DE LA BANQUE CENTRALE DU CONGO .................. 38

Section I : Les origines des déficits ............................................................... 39

I.1. Facteurs liés aux recettes d'exploitation ....................................... 39

I.2. Facteurs liés aux charges d'exploitation ....................................... 42

Section II : La responsabilité de la Banque Centrale et de l'Etat .................. 45

CHAP. IV. DE L'INDEPENDANCE DE LA BANQUE CENTRALE

DU CONGO ........................................................................................ 49

Section I : Indépendance organique ............................................................. 50

I.1. Conditions de nomination ............................................................. 50

I.2. Conditions d'exercice des fonctions ............................................. 50

I.3. Existence d'une structure efficace ................................................ 51

I.4. Quelques cas d'exercice d'indépendance organique ................... 52

I.5. Indépendance des dirigeants et prestige de l'Institut d'Emission . 54

I.6. Indépendance organique de la Banque Centrale du Congo ......... 56

87

Section II : Indépendance fonctionnelle ........................................................ 58

II.1. Mission et responsabilité de la politique monétaire ..................... 59

II.2. Cas pratique d'indépendance fonctionnelle ................................. 60

II.3. Limitation du financement des gouvernements .......................... 60

II.4. Autonomie de gestion de la Banque Centrale ............................. 61

II.5. Indépendance fonctionnelle de la Banque Centrale du Congo ... 63

II.6. Autonomie de gestion de la Banque Centrale du Congo ............. 66

CHAP. V. PERSPECTIVES D'AVENIR .................................................................. 70

Section I. Restructuration interne .................................................................. 70

I.1. Relations de la Banque Centrale avec le gouvernement .............. 70

I.2. Gestion interne ............................................................................. 71

Section II. Pour une révision des statuts de la Banque Centrale du Congo . 73

II.1. De la nomination du gouverneur et du vice-gouverneur .............. 73

II.2. De l'exercice des fonctions du gouverneur et du

vice-gouverneur .......................................................................... 74

II.3. De la composition du conseil de la Banque ................................. 74

II.4. Du renforcement des statuts sur la politique de la Banque

Centrale ...................................................................................... 75

CONCLUSION ......................................................................................................... 76

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................... 79

ANNEXES ............................................................................................................... 81

TABLE DES MATIERES ....................................................................................... 86

* 1 MASANGU MULONGO, « La situation économique, financière et monétaire récente du Congo » in

Congo-Afrique, octobre 1997, p.17

* (2) MUBAKE MUMEME, Fluctuations et croissance économique, cours dispensé en première licence économie
appliquée, Kinshasa, UNIKIN, (inédit), 1988-1989.

* (3) BIALES. M., LEURION. R et RIVAUD. JL, Notions fondamentales d'économie, Paris, Ed. Foucher, 1995,
p. 342.

* (4) DE QUIRINI. P., L'économie au service de tous, Kinshasa, l'Epiphanie, [S.d.], p. 92.

* (5) BANQUE DU ZAÏRE, Bulletin mensuel des statistiques, octobre 1996, p. 5.

* (6) LOLO MASSY, « L'enracinement de l'hyperinflation », in : Notes de Conjoncture, n°27, Août 1996, p. 8.

* (7) MUSUSA ULIMWENGU, « De l'hyperinflation zaïroise à la déflation congolaise », in : Notes de Conjonc-
ture, n°30, Février 1998, p. 4.

* (8) MUBAKE MUMEME, Finances publiques et fiscalité, cours dispensé en troisième graduat grestion, Kinshasa,
UPZ, (inédit), 1995-1996.

* (9) BANQUE DU ZAIRE, Rapport annuel 1995, p. 143.

* (10) BANQUE DU ZAIRE, Rapport annuel 1993, p. 191.

* (11) MABI MULUMBA, « La réforme monétaire du 22 octobre 1993 : analyse critique »,

in : Notes de Conjoncture, n°30, Février 1998, p.11

* (12) BUHENDWA bwa MUSHABA, La Banque Centrale et l'économie zaïroise, Kinshasa, St Paul , octobre
1996, p. 60.

* (13) Banque du Zaïre, Situation financière et perspectives à court terme, Juin 1996, p. 17.

(14) Banque du Zaïre, Rapport annuel 1995, p.

*

* (15) Banque du Zaïre, Op. cit. , p. 17.

* (16) LOLO MASSY, « L'enracinement de l'hyperinflation », in : Notes de conjoncture, n°27, Août 1997, p. 9.

* (17) LOLO MASSSY, « L'indexation des créances de l'Etat ou l'art de soigner le mal par le mal », in : Notes de
conjoncture, n°29, Avril 1997, p. 6.

* (18) YAV KARL YAV, « L'indépendance d'une Banque Centrale : une question des dirigeants et des statuts »,
in : Notes de conjoncture, n° 7 & 8, Juillet / Août 1993, p. 7.

* (19) KABUYA KALALA et KALONJI NTALAJA, « Le nouveau zaïre : atouts et embûches d'une réforme

monétaire », in : Notes de conjoncture, n°10, novembre
1993, p. 13.

* (20) M. Castello-Branco et M. Swinburne, « L'indépendance des banques centrales », in : Finances et

Développement », mars 1992, p. 19.

* (21) DAVID March, La Bundesbank aux commandes de l'Europe, Ed. Berlin, 1993, p. 55.

* (22) YAV KARL YAV, Op. cit., p. 10

* (23) BANQUE DU ZAÏRE, Statuts, 1993.

* (24) KABUYA KALALA, « L'autonomie de la Banque du Zaïre : mythe ou réalité ? » in : Notes de conjoncture,
n°16, août 1994, p. 10.

* (25) KOTO EY'OLANGA, « Indépendance de la Banque Centrale et gestion du policy mix », in : Notes de

conjoncture, n° 30, février 1998, p. 17.

* (26) M. Castello-Branco et M. Swinburne, op. cit., p. 21.

* (27) KABUYA KALALA, Op. cit., p. 9.

* (28) Idem.

* (29) Idem.

* (30) BUHENDWA bwa MUSHABA, Op. cit., p. 26.

* (1) BANQUE DU ZAIRE, Statuts 1993.






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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway