« Le terme « performatif » dérive du
verbe anglais « to perform » qu'on emploie (...) avec le substantif
« action » (...) indique que
produire l'énonciation est exécuter une action.
» (P. 42)
B.M'hayro - 1 - Sémantique Pragmatique
(O.Ducrot/M. Carel)
La notion de «performativité» de
John Langshaw Austin
"Le phénomène à discuter est en effet
très répandu, évident, et l'on ne peut manquer de l'avoir
remarqué, à tout le moins
ici ou là. Il me semble toutefois qu'on ne lui a pas
accordé spécifiquement attention. "(Première
Conférence, p.37).
Philosophe britannique, John Langshaw Austin (1911-1960) a
été professeur de Morale à Oxford. Sa
figure irradie la philosophie analytique et linguistique. Son
oeuvre, constituée d'un ensemble d'article réunis et
publiés à titre posthume, est fusionnée en
trois volumes : Ecrits philosophiques1 ; Langage de la perception2
; et
Quand dire, c'est faire3. Il est à l'origine de
l'émergence du paradigme pragmatique.
Dans cet ouvrage Quand dire, c'est faire qui l'a rendu
célèbre en France, J. L. Austin réunit douze
conférences
prononcées à Harvard en 1955. Insatisfait du manque
de clarté des philosophes, et particulièrement des
métaphysiciens, Austin a concentré son attention de
toujours au «langage ordinaire». Il se captive ici pour les
«actes de discours» (speech acts),
découvrant l'immensité que nous pouvons accomplir par la parole.
La notion
de performativité se trouve dans la première
philosophie, les actes illocutoires dans la seconde.
Après la présentation synthétique de son
ouvrage (I), nous étudierons, appuyés sur la description qu'en
fait O. Ducrot et M. Carel, plus particulièrement la
Première philosophie d'Austin contenant la notion-clé de
« performativité » (II), pour finir, enfin, par
une ouverture vers cette notion abordée au sein des sciences
sociales (III).
I. Synthèse
Conférences 1 à 4 : Enonciations constatatives et
énonciations performatives
John Austin est convaincu du manque de pertinence de la
philosophie considérant l' « affirmation »
(statement)
classique comme proposition invariablement vraie ou fausse. Il va
donc prouver, lors des premières conférences,
qu'au sein des énonciations considérés
traditionnellement comme affirmations, toutes ne se reconnaissent pas
suivant leur caractère de vérité ou
fausseté (énonciations «constatatives»), pouvant viser
l'accomplissement de
certains actes (se marier, parier, baptiser un bateau, etc.) Ces
affirmations qui n'en sont pas, au sens classique du
terme, et qui visent en réalité à
«faire» quelque chose, Austin se propose de les appeler des
«énonciations
performatives» (ou plus brièvement des
«performatifs»). Bien entendu, l'accomplissement visé par
l'énonciation
performative exige souvent le concours d'autres
éléments que les paroles elles-mêmes. Le contexte de
l'énonciation, particulièrement, est primordial,
tout autant que la personne de l'énonciateur. Cela étant, si
les
«circonstances» se présentent de façon
inadéquate, autrement dit si le performatif ne délivre pas ses
effets ou ne
les délivre pas comme voulu, il n'en devient pas
«faux» pour autant : il est seulement inefficace - on dit alors
qu'il a été affecté d'«Echecs»
(Infelicities).
Conférences 5 à 7 : La déconvenue de la
distinction
Pour autant, John Austin, de ces analyses, parvient à un
résultat contradictoire : le caractère de vérité ou
de
fausseté des affirmations classiques (ou
«énonciations constatatives») dépend lui-même de
nombreuses
«circonstances» ne semblant pas tant
éloignées de celles déterminant le «bon
fonctionnement» des performatifs.
J. Austin est amené, alors, à reconsidérer
la distinction première dichotomique entre énonciations
constatatives
et énonciations performatives. Dès lors, il faut
reprendre le problème à neuf ; un nouveau point de
départ
s'impose.
Conférences 8 à 12 : Actes de discours
L'auteur démontre que nous accomplissons une action
«en disant» quelque chose et «par le fait» de dire
quelque
chose. C'est la théorie des «actes de langage»
ou «actes de discours» (speech acts). Il va
différencier au sein de
l'énonciation trois grands types d'actes visant à
«faire quelque chose» en parlant.
- L'acte premier de simple «locution», consistant en
l'émission d'une suite de sons auxquels est attachée une
signification dans une langue donnée. Cet acte est celui
de «dire quelque chose».
- L'acte second d'«illocution» consistant, par son
énonciation même, à indiquer comment il doit être
reçu par son
destinataire. Par exemple, en prononçant «Sors
!», on accomplit, selon la situation, un ordre, une menace, une
requête...L'acte d'illocution est donc l'acte
effectué simultanément «en disant quelque chose».
- L'acte dernier de «perlocution», est
l'accomplissement réel d'un acte illocutoire. Il consiste en l'obtention
de
certains effets concrets ou conséquences au moyen de la
parole.
Après ce retour aux éléments plus
primordiaux des réalisations de la parole (c'est-à-dire à
la production d'actes
1 Philosophical Papers, 1961 - 1994 pour la traduction
française
2 Sense and Sensibilia, 1962 - traduit en
français en 1971
3John Langshaw Austin, How to Do Things with Words, 1962
- traduit en 1970, Quand dire, c'est faire, traduction de l'anglais
par Gilles
Lane, Editions du Seuil, "Points Essais", 1970 (207 p.)
« Le terme « performatif » dérive du
verbe anglais « to perform » qu'on emploie (...) avec le substantif
« action » (...) indique que
produire l'énonciation est exécuter une action.
» (P. 42)
B.M'hayro - 2 - Sémantique Pragmatique
(O.Ducrot/M. Carel)
de locution, d'illocution et de perlocution), la distinction
initiale entre énonciations constatatives et
performatives ne peut plus être maintenue. John Austin
démontre ainsi que le constatif accomplit, en plus de
simplement dire quelque chose, une action, constituant, tout
autant que les actes performatifs, un acte
d'illocution. Se contenter de dire : «Il fait chaud»,
c'est déjà et parallèlement constater, affirmer, informer
qu'il
fait chaud. Pour le dire autrement, lorsque nous
«disons» quelque chose, nous «faisons» également
quelque
chose. Ainsi, dans ce contexte pour accorder une position
spéciale aux énonciations constatatives, nous pouvons
dire qu'elles peuvent constituer des actes d'illocution
dénués d'objectif. Nous pourrions presque les
considérer
tel que des actes gratuits d'illocution.
Ouvrage-clé de la philosophie linguistique, Quand
dire, c'est faire a représenté une progression
remarquable dans la science du langage, constituant l'acte de
naissance de la «pragmatique linguistique», qui
place la parole et l'intention de communication du locuteur au
centre de l'analyse du langage.
Etudions de plus près la notion de «
performativité », vue notamment, par les héritiers de J.
Austin que sont O.
Ducrot et M. Carel.
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