FACULTE DE DROIT, DES SCIENCES ECONOMIQUES ET DE
GESTION
CAP-HAITIEN
Promotion DAVID
RICARDO 1999-2003
THEME : PROBLEMATIQUE DE LA PAUVRETE
ET BIDONVILLISATION EN HAITI
LE CAS DE `SHADA ' AU CAP-HAITIEN
Mémoire de Sortie de
l'étudiant Ban et JEAN
Pour l'obtention du grade de
Licencié Ès Sciences Economiques
Sous la direction du Professeur Roland
BELIZAIRE
Février 2008
AVANT-PROPOS
Il nous est vraiment difficile de trouver des expressions
suffisamment puissantes pour présenter la situation quotidienne des
haïtiens, en ces derniers temps. Malgré les grands travaux
effectués par les experts pour trouver des réponses
cohérentes sur le problème que pose la pauvreté,
malheureusement, la condition de vie des citoyens continue à se
dégrader davantage. Parmi les travaux de référence, on
peut se souvenir des résultats des programmes d'ajustements structurels
(PAS), élaborés par les Institutions de Brettons Wood (IBW).
Aujourd'hui, encore, on essaie de venir avec d'autres stratégies pour
voir comment éradiquer ce fléau. Par exemple, à travers le
document intitulé « Cadre de Coopération Intérimaire
» (CCI), le Document stratégique pour la réduction de la
pauvreté - intérimaire (DSRP-I),... sans oublier les multiples
autres aides internationales.
Nous ne voulons pas être trop pessimiste, mais
l'expérience haïtienne révèle que ces types de
programmes ayant pour objectif de « réduire » la
pauvreté n'arrivent pas ou assez souvent, à la destination
finale. Les pauvres se plaignent, parce que leurs situations du point de vue
socio-économique se détériorent, jours après
jour.
De manière pratique, qui aide réellement les
pauvres à faire face aux difficultés de toutes sortes, en
particulier, l'eau, communication, santé, etc. ?
Pour s'échapper des solutions, bon nombre de penseurs
disent même que les pauvres sont les artisans même de leur propre
malheur. Pour trouver la source de la pauvreté, d'autres parlent de la
position géographique des pays, etc. Ces façons de voir ou poser
le problème peuvent-elles aider à solutionner le problème
? Les nouvelles approches sur ce fléau suscitent pas mal de commentaires
du côté des Haïtiens, tant chez les gouvernants que du
côté des gouvernés. Est-ce qu'on va enfin mettre un terme
avec cette question de pauvreté, en Haïti, qui dure
déjà trop longtemps ? Y a-t-il vraiment une grande
différence entre ce qu'on nous propose aujourd'hui et les autres
programmes de développement déjà présentés ?
Les habitants des bidonvilles, notamment ceux de Shada, au Cap-Haïtien,
ont-ils intérêt à espérer un mieux- être ?
Nous voulons dans le cadre de ce mémoire , d'une part,
à identifier les causes de la pauvreté dans les bidonvilles en
Haïti, en particulier, celles de Shada, bidonville situé à
l'entrée Est de la ville du Cap-Haïtien et, d'autre part,
essayer à proposer certaines pistes de solutions dans la
démarche de la lutte contre la pauvreté qu'on
mène afin de changer la condition de vie des concitoyens, en
difficulté, qui se demandent à chaque instant s'ils vont voir le
jour succédant, à cause de l'insécurité
alimentaire, manque de soin sanitaire, etc.
Ce travail est, franchement, le fruit de dur labeur, compte
tenu de multiples difficultés que confrontent les étudiants,
quand il s'agit de faire une recherche scientifique. Nous n'avons pas
été épargné de cette dernière. Nous avons
dû nous déplacer très souvent, en vue de nous rendre
à la Capitale, Port-au-Prince, pour trouver des informations
indispensables. Et, l'enquête n'était pas une chose facile
à mener à Shada. Les gens sont vraiment réticents à
partager des informations avec d'autres personnes qui ne leurs sont pas
familières et ceci peut expliquer d'une certaine manière
l'échantillon que nous étions obligé de choisir par
rapport à la population.. Heureusement, ils ont enfin compris notre
démarche. Nous les remercions vachement.
Que ce mémoire puisse contribuer grandement à
améliorer leur sort.
Nous remercions le Professeur Roland Bélizaire,
malgré ses multiples occupations professionnelles à travers le
pays, qui a accepté de diriger ce travail. Nos remerciements s'en vont
au Vice Doyen attaché à la section Economique, le professeur
Hervé C. HYPPOLITE , pour ses apports et encouragements et aussi,
à Me Fritz Brutus; à tous les professeurs et les membres du
décanat, aux collègues de la SOGESOL / Cap-Haïtien.
Nous ne voulons pas négliger certaines personnes qui
nous ont aidé, soit par des suggestions, soit en nous ouvrant leur
bibliothèque. Nous citons, entre autre, le personnel du Centre Carl
Levèque (Port-au-Prince), ISPAN (Cap-Haïtien), mes amis Pierre
Ironce, Pierre Duvon, Pierre Jérôme, Muller Frantz,
Métellus Jacquilot, ... et mon frère Jean Joël.
Nous remercions, sincèrement, notre mère Jean
Germilia qui nous donne un soutien inestimable, faisant de nous ce que nous
sommes aujourd'hui. Merci à notre épouse Jean T. Monique et Jean
Banet Ménard Keynes, notre fils.
Enfin, merci à tous et à toutes, qui d'une
façon ou une autre ont contribué à la réussite de
ce mémoire. Que ce travail aide à trouver une voie en plus,
pouvant conduire Haïti à connaître des jours meilleurs !
SIGLES ET ABREVIATIONS
AHE : Association Haïtienne des Economistes
BID : Banque Interaméricaine de Développement BM :
Banque Mondiale
CCI : Cadre de Coopération Intérimaire
CLED : Centre pour la libre entreprise et la Démocratie
CNSA : Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire
CNUCED : Conférence des Nations Unies sur le Commerce et
le Développement
CONASA : Conserverie Nationale S.A
DSRP-I : Document stratégique pour la réduction de
la pauvreté - intérimaire FAO : Organisation des Nations Unis
pour l'alimentation et l'Agriculture
FIDA : Fonds International pour le Développement
Agricole
FMI : Fond Monétaire International IBW : Institutions
de Brettons Wood IHSI : Institut Haïtien de Statistiques et
d'Informatique
INARA : Institut National de la Reforme Agraire
ISI : Industrialisation par substitution des importations
ISPAN : Institut de Sauvegarde des Patrimoines Nationaux
MENFP : Ministère de l'Education Nationale et de la
Formation Professionnelle ODM : Objectifs de développement du
Millénaire
OEA : Organisation des Etats Américains ONG : Organisation
Non Gouvernementale ONU : Organisation des Nations Unis PAM : Programme
Alimentaire Mondiale
PAS : Programmes d'ajustements structurels PEA : Population
Economiquement Active PGC : Projet de Gouvernance Communale PIB : Produit
Intérieur Brut
PMA : Pays Moins Avancés
PNB : Produit National Brut
PNUD : Programme des Nations Unis pour le Développement
SEPREN : Service d'Entretien Permanent du Réseau Routier
National
SNEP : Service National d'Eau potable
UNESCO : Organisation des Nations unies pour l'éducation,
la science et la culture
UNICEF : Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (ou
Unicef, United Nations Children's
Fund)
USAID : Agence des États-Unis
pour le développement international (ou United States Agency for
International Development)
Table des Matières
Introduction 1
PREMIERE PARTIE: DIMENSIONS THEORIQUES DE LA PAUVRETE
Chapitre I - CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE 5
Section 1. Des Concepts . 6
Section 2. Multi dimensionnalité de la pauvreté
11
Section 3. Cadre théorique de la pauvreté
11
3.1. Selon les Classiques 12
3.1.1- Adam Smith et Jean Sismondi . 12
3.1.2- David Ricardo 14
3.1.3-Thomas Malthus . 15
3.2- Approche Marxiste . 17
3.3- Selon les Néoclassiques 19
3.4- Selon les Structuralistes 20
3.5- Certaines Approches contemporaines 21
3.5.1 - John Friedman .. 21
3.5.2- Amartya SEN 22
3.5.3- Banque Mondiale . 22
DEUXIEME PARTIE : LA QUESTION DE LA PAUVRETE EN
HAITI
ET A SHADA
CHAPITRE II- CAUSES DE LA PAUVRETE .
23
Section 1. Mode de production et faiblesse de l'économie
Haïtienne . 24
1.1.1 - Mode de production . 25
1.1.2- Répartition des exploitations . 27
1.1.3- Part des importations dans la consommation Nationale
31
1.2- faiblesse de l'économie haïtienne . 34
1.2.1- Evolution du PIB 35
Section 2. Les politiques économiques en vigueur 38
Section 3. Causes sociopolitiques et Institutionnelles ... 40
3.1 Instabilités politiques et Institutionnelles .
40 3.2- Situation socio-économique et développement Humain
45
CHAPITRE III - MONOGRAPHIE DE SHADA 47 Section
1- Historique et description géographique de Shada 47
Section 2- Sommaire de la situation d'observation
socio-économique de Shada .. 48
Section 3- Présentation de l'enquête 49
Section 4- Causes et typologie de la pauvreté à
Shada 57
Section 5- Analyse économique des résultats de
l'enquête ... 66
Section 6. Analyse sociale des résultats de
l'enquête en termes d'incidences
de la pauvreté et de couverture sociale 73
TROISIEME PARTIE : LES MESURES DE LUTTE CONTRE LA
PAUVRETE ET
ALTERNATIVES
CHAPITRE IV.- LES MESURES TRADITIONNELLES :
78
Section 1. Les programmes d'ajustement structurels . 79
1.1- Programme d'aide 82
Section 2. Assistancialisme financier, technique et
institutionnel 82
2.1 - Apparition de l'assistance extérieure 82
2.2- Projet de développement institutionnel et
d'assistance Technique . 84
Section 3. La sécurité alimentaire 86
3.1 - Sécurité alimentaire, Approche
anti-pauvreté . 86
3.2- Approche de la Coordination Nationale de la
Sécurité Alimentaire . 90
Section 4. Le secteur public et la lutte contre la
pauvreté 92
CHAPITRE V- LES MESURES ALTERNATIVES 95
Section 1. L'apport des ONG et le développementisme
95
Section 2. Des politiques de démarginalisation et
de participation . 98
Section 3. La réforme agraire et la
décentralisation . . 99
- CONCLUSION & Recommandations 104
- BIBLIOGRAPHIE 109
- ANNEXE I
INTRODUCTION
La pauvreté est l'un des maux majeurs que confronte le
monde aujourd'hui, en particulier, les pays en développement. Le
fossé se creuse entre les riches et les pauvres. 80% de
l'humanité n'ont accès qu'à 20% de l'ensemble des
ressources incluant la terre et le savoir. Au même moment, les trois
personnes les plus riches du monde possèdent une fortune
supérieure à l'ensemble des produits intérieurs bruts
(PIB) des 48 pays les moins avancés du monde. Selon les récentes
enquêtes, menées par l'Organisation des Nations Unis pour
l'alimentation et l'Agriculture (FAO), le monde compte plus de 500 millions
d'hommes qui sont gravement sous-alimentés. De prestigieuses
institutions, ne cesse de parler de lutte contre la pauvreté ;
d'ailleurs c'est l'un des grands objectifs du millénaire pour le
développement. Le constat fait jusqu'à nos jours reste et demeure
simple et clair, à savoir : les conditions de vie des pauvres dans les
bidonvilles en Haïti, notamment, ceux de `SHADA', perdurent
précaire. La pauvreté est l'un des défis le plus important
à relever en Haïti, vu sa dimension qui touche l'ensemble du pays.
Touchant aussi bien les grandes villes que les villes secondaires, l'exode
rural massif pose de graves problèmes en matière de services de
bases et de disponibilité de logements.
Le contraste dans cette question de pauvreté se situe
dans une réalité où il y a un petit groupe (les nantis)
jouissant de tous les privilèges de la société en
même temps, une grande majorité souffre de toutes sortes
d'injustices de la part des responsables, à tout niveau confondu. On ne
peut compter pas plus que 5 latrines « publiques » disponibles pour
environ 12500 habitants. Constatant ce fait combien embarrassant, certaines ONG
comme l'OXFAM GB, PROTOS ET GTIH oeuvrent dans la zone en vue d'apporter
certaines solutions. C'est dans ce sens qu'elles interviennent ensemble dans un
projet intitulé EauCap, afin de doter la zone certaines latrines
écologiques.
Avec les latrines publiques construites en plein air sur la
mer, le Shada est en mal de santé publique. Le quartier est construit
sous une forme de labyrinthe, à proximité de la mer.
On constate qu'en ces derniers temps, l'extension de la
bidonvilisation prend des proportions alarmantes et a des incidences majeures
sur le mode de vie des habitants de SHADA.
La pauvreté et la bidonvilisation développent
des rapports de dépendance mutuelle et cohabitent pendant plus d'une
décennie. Tous les indicateurs socio-économiques sont au point
rouge, commençant par le taux élevé du chômage
jusqu'à celui d'analphabétisation en passant par l'absence de
soins d'hygiène et la montée grandissante du banditisme. Dans ce
bidonville, située à proximité de la ville du
Cap-Haïtien, c'est la désolation totale! Plus de 12500 habitants
vivent dans la promiscuité, la violence, la misère, la mise
à l'écart de tout soutien social, dans l'impossibilité
d'être seul avec soi-même. Ils sont confrontés à une
réalité les empêchant même d'élever leurs
enfants dans un environnement dépourvu des services de bases, comme
l'aurait fait remarquer André Corten.
Ironiquement les grands pays, dits amis d'Haïti,
continuent d'aider et à faire des promesses d'aide dans le but de
résoudre le problème de la pauvreté. Chose étrange,
la pauvreté perdure encore en Haïti alors qu'on prétend que
nous sommes en plein coeur d'une révolution économique
internationale. On se demande pourquoi les programmes d'aide ou de lutte contre
la pauvreté s'échouent-ils? Devant cette constatation combien
désastreuse et douloureuse, nous ne pouvons que paraphraser le Prix
Nobel Albert CAMUS dans son dernier livre LE PREMIER HOMME, où il eut
à écrire « La pauvreté est entrain de devenir une
forteresse sans porte de sortie ». La pauvreté reste un
phénomène complexe qui au cours des dernières
décennies a fait l'objet de nombreux débats théoriques,
très souvent complémentaires les uns des autres.
L'intérêt commun aux différentes approches reste
l'identification rigoureuse des causes de la pauvreté, indispensable
pour faciliter la mise en oeuvre des politiques d'éradication de ce
phénomène.
Notre objectif est de déterminer et analyser les causes
de la pauvreté dans les bidonvilles en Haïti, en particulier,
celles de Shada afin d'établir les impacts socio- économiques.
Pour ce faire, nous avons tenté de répondre
à certaines interrogations articulées autour d'une question
principale, pour la rédaction de ce document :
Les politiques économiques suivies dans le pays depuis
les décennies 70 ne sont-elles pas responsables de l'aggravation de la
pauvreté dans le pays et notamment à Shada ?
· Quelles sont les causes de la pauvreté en
Haïti ?
· Quels sont les facteurs socio-économiques de la
Pauvreté et Bidonvilisation à SHADA ?
Les analyses vont être produites autour des
hypothèses suivantes:
1- Le phénomène de la pauvreté et
bidonvilisation s'intensifie au fur et à mesure que l'Etat Haïtien
continue à appliquer des politiques socio-économiques qui ne
cadrent pas avec la réalité des conditions de vie des couches
défavorisées ;
2- La pauvreté des habitants de Shada est le
résultat de la faiblesse de la production nationale liée aux
politiques économiques appliquées ou mises en oeuvre par les
différents gouvernements depuis plus de deux décennies.
Et, nous axons notre plan de travail en trois parties.
+ La première partie se porte sur le profil
théorique de la pauvreté. Elle contient un chapitre traitant le
cadre théorique et conceptuel, ayant trois sections :
· Des concepts ;
· Multi dimensionnalité de la pauvreté ;
· Les différentes approches sur la
pauvreté.
+ La deuxième partie traite la question de la
pauvreté en Haïti et à Shada. Elle se compose des chapitres
deux et trois.
o Le deuxième chapitre est intitulé : Causes de la
pauvreté, avec trois sections
· Mode de production et faiblesse de l'économie
haïtienne ;
· Les politiques économiques en vigueur
· Causes sociopolitiques.
o Le troisième chapitre est titré : Monographie de
Shada. Il contient six sections
· Historique et Description géographique de Shada
;
· Sommaire de la situation d'observation
socio-économique de Shada ;
· Présentation de l'enquête ;
· Typologie de la pauvreté à Shada ;
· Analyse économique des résultats de
l'enquête ;
· Analyse sociale des résultats de l'enquête
en termes d'incidences de la pauvreté et de couverture sociale.
+ La troisième partie a pour titre: Les mesures de lutte
contre la pauvreté et alternatives. Elle se constitue des chapitres
quatre et cinq.
o Le chapitre quatre est titré : Les mesures
traditionnelles. Il a quatre sections.
· Les programmes d'ajustement structurels ;
· Assistancialisme financier, technique et
institutionnel;
· La sécurité alimentaire ;
· Le secteur public et la lutte contre la
pauvreté
o Le chapitre cinq traite les mesures alternatives et contient
trois sections ;
· L'apport des ONG et le développementisme
;
· Des politiques de démarginalisation et de
participation ;
· La réforme agraire et la
décentralisation.
Enfin, nous présenterons nos recommandations au niveau de
la conclusion.
PREMIERE PARTIE:
DIMENSIONS THEORIQUES DE LA
PAUVRETE
CHAPITRE I :
CADRE CONCEPTUEL
ET THEORIQUE
La bidonvilisation et la pauvreté restent des
phénomènes complexes. Au cours de ces dernières
décennies, elles ont fait l'objet de nombreuses recherches, très
souvent complémentaires les unes des autres. Les chercheurs constatent
assez souvent que les deux augmentent de manière simultanée. La
crise de bidonvilisation qui prévaut en Haïti, notamment à
Shada, au Cap-Haïtien, a entraîné des manifestations de
certaines situations socio-économiques vraiment néfastes à
la survie de la population défavorisée. Au sein d'un même
pays (Haïti) ou de la même ville (Cap-Haïtien), une
minorité détient toutes les richesses (détenteurs du
pouvoir politique, propriétaires de grands commerces, de grands revenus
adéquats afin de jouir des grands modes de vie), tandis qu'il y a une
grande majorité pour qui la vie sur terre devient un enfer. Cette
dernière vit dans l'instabilité économique, dans la
pauvreté, dans l'insatisfaction des besoins de bases ou primaires. Les
points de vue sont nombreux, concernant les approches sur la pauvreté.
La mesure du niveau de vie des ménages ou des individus ou du seuil de
pauvreté s'opère à travers un certain nombre de
critères et d'indices qui varient d'une Ecole à l'autre. C'est
très souvent à partir de ces critères que se construisent
les stratégies de lutte contre la pauvreté. Il s'agit pour nous,
dans ce présent chapitre de présenter le cadre conceptuel et
théorique de la pauvreté.
SECTION 1- DES CONCEPTS
1.1 - Définition du mot Concept :
Un concept économique, selon Docteur Mokhtar LAKEHAL,
est un terme forgé par un théoricien ou un mot courant
vidé de son sens habituel auquel le théoricien donne un autre
sens, il est une boîte à outil mis à la disposition de
l'économiste pour analyser des situations ou des
problèmes1. Le sujet s'intitule : «Le problème de
la pauvreté dans les bidonvilles en Haïti, le cas de `Shada' au
Cap-Haïtien, Crises et Perspectives.» Après avoir
défini le mot concept, il est important, pour nous aussi, de
définir d'autres concepts qui feront partie intégrante du
développement de notre recherche.
1.2- Problème: Ce mot vient du latin,
problema et du grec, problêma qui signifie ce qu'on
a
devant soi. Question à résoudre par des
méthodes logiques dans le domaine scientifique ou situation difficile
à laquelle on est confronté (embarras, ennui)2.
Question à résoudre, d'après un ensemble de
données, dans une science ou encore c'est une difficulté ; une
situation compliquée3. On peut voir aussi que les
problèmes sont toujours mis à nu à partir des crises.
1.3- Crises : Paroxysme d'un sentiment, d'un
état psychologique, disons entre autre, c'est un moment difficile et
généralement décisif dans l'évolution d'une
société, d'une institution. Ou, c'est un ensemble de
difficultés qui se manifestent dans cinq domaines principaux - la
croissance, l'investissement, les prix, l'emploi et le pouvoir d'achat -qui ont
des répercussions sur l'ensemble des structures politiques,
économiques, sociales et culturelles du pays, au point d'engendrer et
d'entretenir de nouveaux problèmes aux agents économiques. Ces
derniers les subissent de manières bien différentes, car
certaines activités prospèrent en période de crises,
tandis que d'autres en pâtissent4. Ici nous voulons parler
directement de crise sociétale qui sont des résultats des
différents problèmes de la société dont les
principaux « responsables » font semblant ne pas comprendre. Prenons
à titre d'exemple le cas des problèmes socio-
1 Lakehal, p.141
2 Larousse Pratique, p.1186
3 Hachette, p. 1186
4 Hachette, pp.468-469
économiques que confrontent les habitants des quartiers
défavorisés dans les milieux urbains ou à la campagne.
Assez souvent quand les paysans ne trouvent rien à faire ou ne
possèdent pas de terre, les propriétaires terriens les oblige
à accepter des compromis à travers des conditions très
difficiles comme celui du système métayage.
1.4- Métayage : En fait, cette tenure consiste
en une « association entre un propriétaire et un travailleur, le
propriétaire apportant la terre , les bâtiments et une grande
partie tout au moins du cheptel et de l'outillage, le travailleur fournissant
la main-d'oeuvre et parfois une partie du capital d'exploitation » . Les
produits de l'exploitation sont partagés généralement de
deux moitiés entre le propriétaire et le travailleur, d'où
le nom de métayer que prend ce dernier. Le métayer est aussi
appelé colon partiaire. Dans notre législation, le
bailleur apportera pour moitié les frais d'exploitation, à moins
qu'il n'ait été stipulé par écrit que le
métayer aurait en compensation au moins les deux tiers des produits
d'exploitation5. Cette façon de procéder, le plus
souvent, décourage les paysans. Nous constatons assez souvent que ces
derniers n'ont que deux choix normaux ou bien de laisser le pays, ils disent
que tous les moyens sont bons, ou bien de fuir la campagne pour venir
s'installer en ville, en pratiquant ce nous que appelons l'exode rural.
1.5- Exode rural : «
Départ en masse d'une population rurale ou c'est la migration
définitive des habitants des campagnes vers la ville
»6.
De l'avis de l'écrivain François Latortue, le
phénomène de l'exode rural exprime la tendance à
l'équilibre des revenus et des productivités dans tous les
secteurs de la production. Il apparaît comme un corollaire du
développement de l'industrie. C'est aussi un des plus grands
problèmes de l'agriculture.
L'exode rural est caractérisé par le
déplacement de la population proprement agricole (agriculteurs,
éleveurs) vers la ville, s'explique par les difficultés
inhérentes à l'exploitation agricole, où le
problème du système de métayage, en particulier rend la
vie des paysans vraiment difficile et les conditions particulièrement
défavorables du travail salarié agricole par
5 François Latortue, pp. 96-97
6 Larousse Pratique, p. 579
rapport au travail salarié industriel :
rémunération moins élevée, travail plus
irrégulier, assujettissement plus étroit à l'entreprise,
etc.7
Avec une structure difficile déjà entretenue
dans les villes, les gens venant de la campagne ont du mal à
s'intégrer, notamment en ce qui a trait à un logement
décent. C'est ainsi, qu'ils se mettent, eux-mêmes, à
chercher un endroit favorable, gratuit ou moins cher, afin de s'abriter.
Malheureusement, ces lieux sont souvent inappropriés, vues leurs
conditions hygiéniques et autres qui ne répondent pas. On appelle
ces lieux assez couramment bidonville. 1.7- Bidonville : est un terme
utilisé, pour la première fois, en 1950, par Yves Lacoste, pour
nommer un quartier de Casablanca (Maroc) où les maisons étaient
construites avec les gros bidons découpés pour servir de
baraquement à la population. Depuis, le terme désigne un habitat
insoluble où la population vit dans la promiscuité8.
Nous pouvons dire aussi que, selon le dictionnaire Larousse pratique, c'est une
agglomération d'abris de fortune en matériaux de
récupération, dont les habitants vivent dans des conditions
précaires, à la périphérie des grandes
villes9. D'autre étude approfondie avance à dire que
c'est une forme d'habitat précaire, dépourvu d'un
équipement élémentaire (eau, électricité),
et dont la construction est réalisée initialement avec des
matériaux de récupération. Les bidonvilles, qui forment
des quartiers urbains et périurbains considérables, sont assez
généralisés dans les métropoles des pays en
développement (favelas au Brésil, barriadas au
Pérou, gourbiville en Afrique du Nord, médina en Afrique noire).
Cet habitat traduit les conditions de la croissance urbaine dans une
société inégalitaire.
L'exode rural amène dans les villes une population
pauvre, dont les pouvoirs publics sont dans l'impossibilité d'assurer
l'accueil et le logement. Ces néocitadins occupent illégalement
des terrains souvent inconstructibles (en raison de la pente ou de
problèmes d'eau, ou parce qu'ils sont grevés de servitudes) selon
les normes habituelles. La construction se fait selon l'opportunité
d'une place libre pour minimiser les coûts, et souvent en un temps
très court (maison d'une nuit en Turquie) pour éviter une
éventuelle procédure d'expulsion. Ce scénario a
été fréquent pendant le dernier quart du XXe
siècle et a été l'une des formes de l'explosion urbaine.
Les bidonvilles qui n'ont pas été rasés brutalement et
dans des délais courts par les autorités ont connu un processus
d'« urbanisation » par un équipement minimal en eau potable et
en électricité ; les habitants se sont organisés pour
assurer des services (enlèvements des ordures). Des
7 François Latortue, p. 52
8 Lakehal, p.67
9 Larousse Pratique, p. 149a
matériaux en dur ont peu à peu remplacés
ceux de récupération ; les plus anciens des bidonvilles ont
accédé à la reconnaissance administrative et
transformés en quartier avec une représentation de type
municipal, des écoles, des services sociaux, en Haïti, nous avons
l'exemple de Cité Soleil. Les bidonvilles peuvent être
envisagés dans un cycle de l'urbanisation particulier aux
sociétés en développement, mais ils ont aussi
été observés localement, dans des périodes de
crise, dans les pays industrialisés10.
Les habitants de ces quartiers souffrent des problèmes
multiples et sont dans une lutte
perpétuelle afin de subvenir aux besoins quotidiens
dits de bases. Nous évoquons, entre autres, le problème de
nourriture qui a des répercussions assez grave sur l'état
sanitaire de la population, en particulier avec des cas de maladies comme la
malnutrition chez les enfants.
1.8- Malnutrition :
Etat physiologique pouvant devenir pathologique dû
à une carence ou à une consommation excessive d'un ou plusieurs
éléments nutritifs. Un sujet court le risque de souffrir de la
malnutrition lorsque l'apport calorique ou l'équilibre nutritionnel ne
sont pas conformes à ses besoins. Si l'alimentation est trop pauvre en
calories, les réserves de graisses de l'organisme, puis celles de
protéines des muscles sont utilisées pour fournir de
l'énergie. En cas de carence prolongée, le corps devient trop
faible pour avoir un métabolisme normal et combattre les infections. Les
enfants, en particulier ceux de moins de cinq ans, sont plus sensibles aux
conséquences d'une malnutrition que les adultes. Ils souffrent notamment
de carences protéiques, dont les formes les plus courantes sont le
marasme et la kwashiorkor, des maladies mortelles rencontrées dans tous
les pays en voie de développement. Le rachitisme survient lorsque les
nouveau-nés sont sevrés trop rapidement et consomment une
nourriture pauvre en énergie et en éléments nutritifs. Ces
enfants souffrent également d'infections chroniques (notamment des
gastro-entérites) dues à de mauvaises conditions
d'hygiène, soignées de manière purement symptomatique par
de l'eau ou de l'eau de cuisson de riz. Les enfants souffrant de marasme ont un
poids très inférieur à la normale et ne possèdent
ni graisses ni muscles. La kwashiorkor survient aussi après un sevrage
tardif lorsque le lait maternel est remplacé par une alimentation
traditionnelle, riche en féculents mais pauvre en protéines. Il
se manifeste souvent à la suite d'une infection aiguë. La maigreur
des enfants est souvent masquée par une rétention d'eau qui leur
donne un visage en forme de lune et un ventre gonflé. Les
symptômes d'une carence en vitamines ou en sels minéraux
dépendent de la fonction de cet élément dans l'organisme.
Ainsi, un déficit sévère en vitamine A entraîne une
cécité. Certains de ces nutriments ont plusieurs fonctions, si
bien que des carences prolongées peuvent avoir des effets multiples sur
la santé de l'individu11.
10 Encyclopédie Microsoft ®
Encarta ® 2004. (c) 1993-2003 Microsoft Corporation
11 Ibidem
La présence de cette maladie est un signe palpable de
la domination de la pauvreté sur la vie de ces personnes. Compte tenu de
la complexité qui règne autour de l'étude concernant la
pauvreté, dans la section qui suit, nous allons essayer de
présenter la multidimensionnalité de la pauvreté.
Section 2. Multidimensionnalité de la
pauvreté
Pauvreté est un concept multidimensionnel, ce qui la
rend difficile à définir. Il est intéressant, afin de bien
cerner le concept, de se référer à l'origine latine du
terme « pauvre ». « Sa racine latine est pauper
(peu ou petit) qui est elle-même proche du grec
peina (la faim). La traduction grecque du mot «
pauvreté » est aporia qui signifie
absence de chemin. Nous voyons qu'en dominant les deux origines, nous
aboutissons à une double conception de la pauvreté : C'est une
notion à la fois quantitative - peu, petit, le manque de nourriture- et,
qualitative, en ce sens qu'elle traduit la condition psychologique de celui ou
celle qui ne peut trouver son chemin »12. Nous pouvons, aussi,
retenir que chaque école ou conception amène ces propres
recommandations en matières des mesures à prendre pour combattre
ce fléau. Elle épouse différentes formes. La revue de la
littérature sur le concept de pauvreté est extrêmement
abondante et caractérisée par un niveau d'ambiguïté
très élevé dans son rapport à la théorie
économique. « Elle fournit plusieurs façons de
définir la pauvreté, qui conduisent évidemment à
une identification différente des pauvres. Le débat conceptuel
sur la pauvreté apparaît lorsqu'on aborde la nature de la chose
manquante. Les polémiques sur la nature et le niveau de ce qui ne doit
pas manquer à personne, nous ramènent à la question plus
vaste de l'équité, puisqu'ils portent sur l'identification
formelle d'un sous-espace de l'espace d'équité, et sur la
détermination, pour chaque dimension identifiée, d'un seuil sous
lequel un membre de la société est caractérisé
comme `pauvre' »13.
12 CLED, Haïti 2020, p.111
13 Louis-Marie Asselin et al, p. 21
Section 3. Cadre théorique de la pauvreté
C'est quoi la pauvreté ? Offrir une réponse
consensuelle est un véritable problème pour l'économiste.
Concept aux formes multiples, la pauvreté est un phénomène
tant sociologique, qu'économique ou encore anthropologique. Mais les
objectifs assignés à chaque corps scientifique sont bien
différents. Ainsi, ceux de l'économiste consistent à
identifier puis à quantifier le phénomène dans un contexte
donné. Cependant, les approches sont diverses, d'une école de
pensée à une autre. Cette partie nous permettra de voir la
conception de certain courant comme ceux des classiques, marxistes,
néoclassiques, structuralistes et celle des contemporains.
3.1 - Selon les Classiques :
Pauvres et riches ont toujours vécu côte à
côte, toujours inconfortablement, parfois de manière
périlleuse. Plutarque affirmait que : « Le
déséquilibre entre les riches et les pauvres est la plus ancienne
et la plus fatale des Républiques. Les problèmes
résultants de cette coexistence, et particulièrement celui de la
justification de la bonne fortune de quelques uns face à la mauvaise
fortune des autres, sont des préoccupations de l'être aujourd'hui.
»14
3.1.1 - Adam Smith et Jean Sismondi
De nombreux économistes venant de divers courants
économiques se sont déjà penchés sur la
manière d'orienter l'économie nationale en vue d'assurer le
bien-être de tout le monde.
Ainsi, les théoriciens de la pensée classique ne
restent pas indifférents sur les moyens à mettre en branle pour
créer les conditions de vivre dans la société. C'est dans
cette lignée qu'Adam Smith, qui est considéré comme le
fondateur de l'économie politique (1723-1790), dans sa fameuse «
Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations»
commence par l'étude de la division du travail, car c'est elle, selon
lui, qui produit « l'opulence générale».La richesse
d'une nation, selon lui, est constituée de « toutes choses
nécessaires et commodes à la vie que permet d'obtenir le travail
annuel d'une nation »15. Une situation qui peut
générer
14 Ibid.
15 Jean Boncoeur et al, p.84
d'extrême abondance de biens matériels. Cette
tendance veut faire penser qu'il n'y a pas de place pour la misère,
voire la pauvreté dans la division du travail. A savoir, qu'une fois la
division du travail établie, un individu ne peut produire qu'une infirme
partie de ce qui lui est nécessaire. Smith considère que
l'individu est «riche ou pauvre selon la quantité de travail qu'il
sera en mesure de commander ou qu'il sera en état
d'acheter»16. Cette situation ne nous donne pas droit de penser
qu'on est dans la pratique de la loi «du plus fort» ? Que faire avec
ceux qui n'ont pas la force ou aptitude nécessaire pour fournir du
travail? Smith prône une accumulation continue de capital, puisque ce
dernier joue un rôle fondamental dans la croissance économique.
« L'accumulation de capital exerce un effet différent sur les
composantes du prix et donc sur les différents revenus. Il
considère toutefois, que le salaire courant est déterminé
par convention entre ouvrier et propriétaire du capital, chaque
catégorie poursuivant son intérêt. Mais, il souligne
l'existence de coalitions entre employeurs susceptibles de faire baisser le
salaire à un niveau très faible. Il parle à ce sujet d'un
complot. Les ouvriers, également, se mettent ensemble pour combattre
celles des maîtres. Bien qu'en général les employeurs
l'emportent, ils ne peuvent réduire le salaire à un niveau
inférieur au salaire de subsistance »17 . D'où
une lutte perpétuelle entre l'employeur qui veut toujours avoir la plus
large partie du gâteau, être toujours dans l'opulence et le petit
ouvrier, ayant à sa disposition une miette partie du gâteau et qui
s'efforce toujours à survivre. Au sein même du courant dit
classique, il y a des théoriciens comme Jean Sismondi, qui apparaissent
avec des idées plus ou moins humanistes. Malgré sa vision
capitaliste, il critique la mauvaise répartition des richesses qui sont
le résultat de la réunion du capital et du travail permettant de
dégager une «mieux-value», comme la source de la
pauvreté. Il explique de façon claire « lorsque ce partage
se trouve trop en défaveur des ouvriers, il réduit ces derniers
à la misère et conduit notamment à mettre au travail les
enfants pour compenser l'appauvrissement des adultes»18 . Mais
Ricardo de sa part, voit les causes de la pauvreté dans d'autres
horizons. La pauvreté est le résultat du faible salaire
attribué aux travailleurs ne pouvant pas répondre à leurs
besoins.
16 Claude Schwab, p.55
17 Ibid., p.58
18 Ibidem, p. 71
3.1.2- David Ricardo
Dans son analyse purement capitaliste, Ricardo affirme que
« tout ce qui augmente les salaires diminue nécessairement les
profits», et que «rien ne peut affecter les profits en dehors des
salaires». « L'analyse classique du salaire part de l'idée que
le travail est une marchandise ayant, comme toute marchandise, un prix naturel
et un prix de marché »19 . Le salaire naturel est celui
pouvant faciliter les travailleurs à subsister, c'est-à-dire,
leur permettant d'acquérir un panier de biens de consommation stricte
à entretenir le travailleur et sa famille. Cette situation, aux yeux de
David Ricardo, ne représente pas un minimum physiologique car, il
dépend des moeurs et coutumes de la population». Elle varie d'un
pays à l'autre ou évolue d'une époque à une autre.
Ricardo, croit que « quand le prix du travail est au-dessous de son prix
naturel, la condition des travailleurs est tout à fait misérable;
dans ce cas la pauvreté les prive de ces éléments de
confort que l'habitude rend absolument necessaires»20. Pour
lui, dans la mesure où « les besoins humains ne sont pas
satisfaits, on est en état de pauvreté. Pour que les pauvres
connaissent des jours meilleurs, selon Ricardo, « c'est seulement
après que les privations aient réduit leur nombre, ou que la
demande de travail ait augmenté, que le prix de marché de travail
s'élèvera sur son prix naturel, et que le travailleur jouira du
confort modeste que le taux des salaires ne lui offre pas»21 .
C'est ainsi que l'on détermine le seuil de la pauvreté repose sur
cette base théorique.
Dans ce sens, selon Simon Langlois, le seuil de
pauvreté est une «mesure normative qui détermine ce qu'il en
coûte pour survivre à un moment donné ; le seuil normatif
de pauvreté est établi à partir des dépenses
encourues par l'achat d'un panier de bien sans lequel la survie serait
difficile sinon impossible. L'approche normative de la pauvreté cherche
à identifier les besoins fondamentaux des êtres humains
définis selon deux perspectives: la subsistance et
l'universalité. Dans l'approche définissant les besoins en termes
de subsistance, le seuil de pauvreté correspond au coût minimum
des dépenses requises pour les biens et services de base: logement,
alimentation, habillement»22. On voit que ce seuil
détermine préalablement les revenus qui sont nécessaires
pour acheter un ensemble de biens et services assurant la survie physique.
C'est pour cela qu'on qualifie de normatif à cause de la manière
qu'on procède
19 Jean Boncoeur et al, p.110
20 Ibid., p.1 11
21 Claud Schwab, p. 71
22 Madeleine Gauthier, p.199
pour déterminer la pauvreté, parce qu'ils
dépendent d'un jugement porté sur les dépenses
estimées nécessaires pour satisfaire un niveau donné de
besoins. Qui est mieux placé pour déterminer le seuil de
pauvreté? Les experts ou les pauvres eux-mêmes? En fait, en dehors
des causes de la pauvreté que nous venons d'identifier, il y a d'autres
idées qui planent encore au sein même du courant classique, comme
par exemple celles de Thomas Malthus.
3.1.3-Thomas Malthus
Malthus, de son côté, dans l'énoncé
de la loi de la population, voit cette dernière « s'accroître
de façon spontanée selon une progression
géométrique, alors que les moyens de subsistance ne croissant au
mieux que selon une progression arithmétique. La croissance de la
population finira donc par buter sur une contrainte de moyens de subsistances
disponibles »23. D'où, une source d'inquiétude,
car selon lui, lorsque la population s'accroît, la quantité de
subsistances par tête d'habitant décroît, « l'offre de
main-d'oeuvre étant en excédent par rapport à sa demande,
le salaire nominal baisse. Alors que, la relative raréfaction de
subsistance accroît leur prix. L'appauvrissement de la population est
alors tel qu'elle se réduit par élimination
physique»24. Malthus est contre toute forme d'aide aux pauvres,
parce qu'il croit que l'effet immédiat de cette dernière est
d'accroître la consommation des pauvres et de favoriser la croissance de
la population. Par ailleurs, l'assistance donnée aux pauvres est
perçue comme un détournement de la part du revenu qui revient
à la population en activité, «opposé à toute
pratique contraceptive, le Pasteur Malthus préconise le mariage tardif
et l'abstinence des célibataires. Ces vertueuses recommandations sont
adressées essentiellement aux pauvres, qui selon Malthus
procréant et sont de fait les artisans de leur propres
malheur»25 . Ainsi, les pauvres sont perçus comme les
causes mêmes de la pauvreté. C'est à eux de chercher la
solution. S'ils veulent trouver une solution, ils doivent cesser de
croître, afin de conserver les moyens de subsistance disponible.
23 Claude Schwab, p. 74
24 Ibidem
25 Jean Boncoeur et al., p.114
En somme, nous pouvons voir que les classiques dégagent
une vision sur la pauvreté comme un manque de ressources
monétaires autrement dit, comme expression des privations.
Pour paraphraser Alexandre Bertin :
Les grands philosophes utilitaristes des 17e et 18e
siècles, tels Bentham, Mill et Smith, dont les idées reposent sur
les notions d'individualisme et de rationalité, ont inspiré une
définition monétaire de la pauvreté. Selon eux, est
considéré comme pauvre tout individu manquant des ressources
nécessaires pour assumer les besoins de sa famille, compte tenu des
normes en vigueur dans la société comme les normes alimentaires,
les normes vestimentaires, etc. Ainsi être pauvre, c'est ne pas pouvoir
subvenir aux besoins de sa famille, ne pas disposer de capital suffisant pour
assurer sa descendance. Cette vision de la pauvreté propose de fixer un
seuil minimal correspondant aux normes nutritionnelles : il s'agit des
ressources minimales permettant de se procurer les biens alimentaires dont les
valeurs nutritionnelles couvrent les besoins journaliers individuels. Ce seuil
minimal, complété par un seuil non alimentaire, sous-entendu les
biens de consommation non alimentaires, définit un seuil de
pauvreté monétaire. Ainsi, un individu est pauvre si son revenu
se situe sous ce seuil. L'ensemble des individus situés sous le seuil
représente la population pauvre d'une société
»26.
Cette approche est-elle une conception juste sur les causes de
la pauvreté, quand nous considérons les multiples abus et
injustices que sont victimes les pauvres dans les sociétés
locales et dans le monde en général. Toutefois, malgré
l'approche monétaire semble être acceptée par les grands
ténors mondiaux, il n'en reste pas moins qu'elle est critiquée,
notamment par d'autres théoriciens, comme K. Marx, qui voient les causes
de la pauvreté d'une façon tout à fait opposé aux
autres économistes classiques qu'on vient de citer
précédemment.
3.2- Approche Marxiste
K. Marx considère la pauvreté comme une sorte
d'oppression. Ici, la pauvreté s'entend comme fruit de l'organisation
économique elle-même de la société, qui exploite les
uns, tout en excluant les autres du système de production : les
sous-employés, les chômeurs et toute la masse des
marginalisés. Pour lui, la pauvreté trouve sa racine dans la
suprématie du capital sur le travail, le premier contrôlé
par un petit nombre et l'autre exercé par l'immense majorité.
26 Alexandre Bertin,
E:\Définir la pauvreté
aujourd'hui - LMU - Le Mensuel de l'Université - Magazine
interuniversitaire.htm, juillet 2007
Dans cette interprétation, la pauvreté
apparaît pleinement comme un phénomène collectif, et de
plus conflictuel, dont le dénouement exige par conséquent un
système social alternatif. La pauvreté est un effet de
l'héritage et la mémoire de cet héritage nous est
nécessaire pour comprendre et agir aujourd'hui. Pour comprendre le
présent il est donc essentiel de faire référence au
passé et à l'histoire car les différentes perceptions de
la pauvreté et de l'exclusion à travers les siècles
contribuent à mieux cerner l'origine des problèmes actuels. C'est
dans l'histoire des doctrines économiques, intitulée encore
théorie sur la plus-value, que nous voyons, notamment, exposer les
conceptions de K. Marx sur les causes de la misère des pauvres.
Selon Marx, « ce qui distingue une époque
économique d'une autre, c'est moins que l'on fabrique, que la
manière de fabriquer les moyens de travail par lesquels on fabrique. Les
moyens de travail sont les gradimètres du développement du
travailleur et les exposants des rapports sociaux dans lesquels il travaille
»28. Dans le mode de production capitaliste, ceux qui prennent
possession de la nature sont ceux qui mettent en oeuvre concrètement les
moyens de travail, c'est-à-dire les travailleurs. Dès lors, seuls
ces derniers sont productifs, au sens où ils sont seuls à
être créateurs de valeur, ce que Marx appelle encore « une
plus-value » que les capitalistes s'approprient au dépend des
travailleurs, par le fait même que l'esprit qui anime le capitaliste
n'est autre que l'accumulation du capital. Marx dit à ce propos que le
capitaliste est un « agent fanatique de l'accumulation, il force les
hommes sans merci ni trêve, à produire pour produire, et les
pousse instinctivement à développer les puissances productives et
les conditions matérielles qui seules peuvent former la base d'une
société nouvelle et supérieure » et en cela il
poursuit des mobiles personnels car « accumuler, c'est conquérir le
monde de la richesse sociale, étendre sa domination personnelle,
augmenter le nombre des ses sujets, c'est sacrifier à une ambition
insatiable»29. C'est ainsi que le capitalisme
représente, pour Marx, la généralisation des rapports
inégaux à l'échelle de la société. « Ce
qui caractérise l'époque capitaliste, c'est donc que la force de
travail acquiert pour le travailleur lui-même la forme d'une marchandise
qui lui appartient, et son travail, par conséquent, la forme de travail
salarié. D'autre part, ce n'est qu'à ce moment que la forme
marchandise des produits devient la forme
sociale dominante »30. Le développement
du capitalisme s'accompagne d'un accroissement de la misère et de
l'oppression. Etant victime d'un tel système, la classe ouvrière
n'a que s'appauvrir davantage. Quel que soit le taux de salaire, « haut ou
bas, la condition du travailleur doit empirer à mesure que le capital
s'accumule »31
Cependant, selon Marx, cette situation ne peut pas perdurer,
jusqu'à ce que la
logique du système capitaliste doive donc le conduire
nécessairement à sa crise générale et à sa
disparition. Cette logique n'est pas purement mécanique ; elle a ses
acteurs. Ces derniers ne sont autres que les prolétaires,
considérés comme des victimes du système. Finalement, on
peut constater que les approches sur les causes de la pauvreté sont
seulement différentes selon le courant économique
qu'appartiennent les économistes. Mais, ce qui est important, pour nous
n'est autre que l'intérêt commun des différentes approches
qui reste l'identification rigoureuse de la pauvreté indispensable pour
faciliter la mise en place des politiques d'éradication de ce
phénomène. Ainsi, des économistes néoclassiques
entendent reformuler certaine des approches, déjà vues, avec les
classiques comme le principe d'utilité, pour expliquer la
pauvreté.
3.3- Selon les Néoclassiques
A priori nous devons noter qu'une très grande partie
des idées théoriques trouvées chez les
néoclassiques ont été développées avec les
classiques. Nous prenons le cas du principe d'utilité qui a
été évoqué par J.B Say. Mais, nous
considérons aussi que le philosophe Jérémy Bentham qui en
1789, formule le plus clairement ce qu'il appelle le principe
d'utilité : « La nature a placé l'humanité
sous le gouvernement de deux maîtres souverains, la peine et le plaisir.
C'est à eux seuls de démontrer ce que nous devons faire et de
déterminer ce que nous nous ferons »32. Toute fois,
Léon Walras est considéré comme le plus grand
représentant de cette école.
Pour les utilitaristes, la «chose» en
question est le bien-être économique. Certains font parfois
référence au bien-être économique sous le terme
anglais economic welfare. Les welfarists ramènent le
concept de bien-être soit directement au concept d'utilité commun
en économie, soit indirectement via le terme bien-être
économique compris
30 Jean Boncoeur et al., p.163
31 Ibidem, p.91
32 Ibid., p.98
comme l'utilité générée par la
consommation totale. L'utilité elle-même est conçue comme
un état mental, tel que le bonheur, le plaisir ou la satisfaction du
désir procuré à une personne par la consommation (ou la
possession) de biens et services. Le terme «niveau de vie» est un
autre terme quelques fois utilisé pour référer au
bien-être économique33.
Selon cette tendance, un individu qui n'arrive pas à
maximiser le nécessaire afin de combler
ses besoins en terme de biens et services est en situation de
pauvreté. Dans ce sens, on voit que le concept de pauvreté tire
ses origines dans la théorie microéconomique moderne et
découle de l'hypothèse de base que les individus maximisent leur
bien- être.
L'approche utilitariste ou welfarist est
généralement utilisé par les économistes des
institutions internationales et les directions des statistiques des pays
concernés. Pour eux, le bien-être est un sentiment procuré
par la satisfaction d'un besoin; cette satisfaction peut être
comblée par des biens et services marchands ou par des biens
non-marchands, comme par exemple les relations interpersonnelles ou la
consommation de biens collectifs. Rien ne doit pas causer
d'entraves pour la satisfaction de ces besoins. A ce propos, L. Walras dit
« la liberté procure, dans certaines limites, le maximum
d'utilités, donc les causes qui la troublent sont un empêchement
à ce maximum, et quelles qu'elles puissent être, il faut les
supprimer le plus possible ... Il préconise à ce que l'Etat
produit des biens et services publics et les fournir gratuitement
»34. L'Etat doit mettre à la disposition des citoyens
les moyens nécessaires afin d'assurer leur bien-être
économique. Un individu qui ne peut pas assurer son bien-être est
considéré comme pauvre. On doit signaler, aussi, que cette
approche peut être biaisée d'un pays à un autre, par le
fait que les réalités socio-économiques sont
différentes. En pratique, le bien-être économique des
individus n'est pas directement observable. De plus, les
préférences varient d'une personne à l'autre, cette
approche est amenée à formuler un premier principe: celui que les
individus sont les seuls à savoir ce qui est véritablement dans
leurs intérêts. C'est ainsi, d'autres pensent que les individus
ont des besoins indispensables afin d'assurer leur survies. Si une personne
n'arrive pas à combler ces besoins de base, on les considère
comme pauvre. Encore, la recherche des causes de la pauvreté, a vu
naître un autre courant de pensée économique dit
structuraliste qui voit l'origine de la pauvreté un peu différent
et fait des propositions.
3.4- Selon les Structuralistes
Selon cette école de pensée
latino-américaine, la pauvreté tire son origine dans les types de
relations développés par les pays pauvres (Sud) avec les pays
industrialisés (Nord). Ils constatent que ces rapports (Nord-Sud) sont
profitables unilatéralement qu'aux pays développés alors
que les pays en voie de développement voient leurs termes de
l'échange se dégrader constamment. Cette école est
animée notamment par les économistes R. Prebish, O. Sunkell,
C.Furtado, H. W. Singer, « qui pensaient que leur région ne
pourrait sortir du sous-développement sans se déployer 4 grands
moyens :
1. Une reforme des structures agraires bloquées par le
dualisme latifundios / minifundios, c'est-à-dire de très
grandes exploitations agricoles mal utilisées et de trop petites fermes
paysannes peu productives ;
2. Une politique de substitutions d'importations avec
intervention de `Etat pour orienter les investissements nationaux ;
3. Une politique des revenus afin que les classes
défavorisées disposent des moyens d'achat pour soutenir la
production nationale de biens et services courants, ce qui réduirait
à la fois la dépendance économique vis-à-vis de
l'occident et permettrait la reconquête de l'indemnité nationale
;
4. Union des pays du tiers-monde, pour imposer un nouvel ordre
économique international plus juste35.
Car selon Roger D. Hansen, « l'un des traits les plus
marquants de la politique internationale de ces dernières années
est la revendication formulée par les gouvernements d'une grande
majorité de pays représentant la moitié de la population
du monde, estimant ne pas recevoir une part équitable de la richesse et
de la puissance mondiale »36. Pour plus d'un, le
problème demeure plus que jamais et les pays industrialisés se
trouvent en présence d'un problème de taille majeure où de
toute façon ils doivent faire face. Bien que certains critiques
conservateurs se tiennent encore à dire « si les pays en
développement n'occupent dans le monde qu'une position subalterne, c'est
de leur faute et non celle des pays industrialisés »37.
Ils avancent à faire valoir cependant qu'une telle façon de voir
les choses « n'implique pas que les perspectives de développement
des pays du tiers-monde soient peu encourageantes. Comme dans le passé,
les pays du tiers-monde qui fixent la croissance comme objectif à leurs
politiques d'investissement et de change connaitront un développement
économique rapide »38.
35 Mokhtar Lakehal, p.634
36 Albert Fislow et al., p.3
37 Ibidem,, p. 14
38 Ibid., p.15
3.5- Approches Contemporaines :
3.5.1- John Friedman, Selon l'approche de John Friedman
(1992), dans son article paru dans la Revue Internationale des sciences
sociales tente de modeler sa réflexion sur la pauvreté
structurelle dans un modèle d'autonomisation axé sur
l'économie familiale, « la famille a besoin de produire ses propres
moyens de subsistance qui constituent la base du pouvoir social. Suivant
l'analyse de la pauvreté structurelle, la pauvreté est le produit
des données de l'ordre socio-économique qui tendent à
entraîner un exode général des petits paysans
arrachés de leur terre »39. Selon cette approche, on
voit que la pauvreté est le produit des rapports inégaux existant
dans la société.
3.5.2- Amartya SEN, lui, selon le professeur C. Morrison,
« fonde ses réflexions sur la pauvreté en termes de
capacités ou incapacités des individus à répondre
à leurs besoins de base, ce qu'il appelle encore CAPABILITES. Sen
distingue les biens disponibles et la capacité d'en tirer parti pour
satisfaire des besoins, au lieu de raisonner seulement en termes de biens. Par
exemple, une personne n'a pas les mêmes capacités de satisfaire un
besoin de transport avec un service public selon qu'elle est en bonne
santé ou handicapée. Un service gratuit de prévention
sanitaire sera moins utilisé par une personne illettrée que par
celle sachant lire »40. Des institutions comme la Banque
Mondiale parle aujourd'hui de pauvreté élargie, pour essayer
d'apporter une explication sur l'ampleur que prend ce phénomène,
de nos jours.
3.5.3- Banque mondiale, Pauvreté Elargie.
Le rapport préparé par la BM en 2001 sur le
développement dans le monde apparaît avec une nouvelle
définition à la pauvreté. Selon la BM, la
définition ayant été axée sur la consommation et le
revenu permettant de satisfaire les besoins essentiels est trop étroit.
Présentement, la pauvreté élargie, selon le rapport,
comprend 3 parties :
- Accès au capital sous toutes ses formes : capital
éducatif, physique, financier, moyens de production (terre), capital
social lié aux relations et aux obligations réciproques ;
39 Revue Internationale des sciences sociales (RISS) ,
JUIN 1996, p.1 83.
40 Christian Morrisson, p.107
- Sécurité : les pauvres souffrent de leur
vulnérabilité à des risques souvent liés : maladie,
mauvaise récolte, violence, épidémie, conflits ou guerre
civile, désastres naturels ;
- Participation au pouvoir : les pauvres sont souvent exclus
ou discriminés à cause de leur caste, race ou ethnie. Par
exemple, les fonctionnaires peuvent leur refuser des documents, les enseignants
négliger leurs enfants, le gouvernement ne pas se préoccuper de
leurs besoins. (BM, rapport 2001)
DEUXIEME PARTIE :
LA QUESTION DE LA PAUVRETE EN
HAITI
CHAPITRE II :
CAUSES DE
LA PA UVRETE
SECTION 1. MODE DE PRODUCTION ET FAIBLESSE DE
L'ECONOMIE HAÏTIENNE :
L'agriculture joue un rôle central dans le
développement économique parce que la majorité des pays
pauvres tirent leur subsistance du sol. « Le seul moyen dont disposent les
dirigeants- réellement soucieux du bien-être de leurs concitoyens
pour améliorer la situation du plus grand nombre d'entre eux- est de les
aider d'abord à accroître la productivité de leurs cultures
alimentaires et commerciales et, ensuite, à élever les prix
auxquels elles sont payées aux agriculteurs »42.
Aujourd'hui, personne ne peut pas nier le rôle que joue l'agriculture
dans l'économie haïtienne, malgré toutes ses lacunes. Dans
un sens, nous pouvons affirmer que l'agriculture ne constitue qu'un secteur
d'activité parmi les autres de la vie économique, mais c'est un
secteur tout à fait spécial, vue son importance majeure en tant
que facteur de production. Elle sert aux autres secteurs, auxquels elle est
indispensable. Comme a fait remarquer par le Professeur Malcom Gillies «
l'agriculture est le seul secteur à produire de l'alimentation. Pour
survivre, l'humanité peut se passer d'acier, de charbon ou
d'électricité, mais pas de la nourriture. Il existe des produits
de remplacement pour la plupart des articles manufacturés, mais non pour
l'alimentation. Un pays doit ou bien assurer lui-même sa production
alimentaire ou bien de l'importer »43.
C'est un truisme de dire qu'Haïti est un pays
essentiellement agricole, c'est-à-dire un pays qui ne vit que par son
agriculture et de son agriculture. La primauté du secteur primaire est
l'évidence même. Mais il s'agit d'une agriculture de «
grappillage » ou de « rapine ». Ces expressions soulignent la
faiblesse de l'économie agricole en Haïti. Selon Edouard
Francisque, « cela tient à la complexité de noeuds de
régression qui trouvent leur origine, d'une part, dans l'état
archaïque de la technique, la baisse croissante de la productivité
des sols par suite de la répétition séculaire des
façons culturales inadéquates, dans l'éventail de plus en
plus réduit des grandes denrées d'exportation qui autrefois
faisaient la richesse du pays ; d'autre part, dans l'exiguïté
croissante des parcelles cultivées qui, à chaque
génération successorale, s'émiettent de plus en plus ;
dans la prolifération minifundia qui gênent la culture extensive,
la modernisation de l'agriculture et contribuent à la persistance d'un
système anarchique de
42 Malcom Gillies et al, p.551
43 Ibid.
tenure du sol. Il faut ajouter à tout cela le peu de
souci accordé par les pouvoirs Publics au développement agricole
»44. A cette étape, il nous semble important de toucher
le mode de production pratiqué en Haïti.
1.1 - Mode de production
« Le système agricole est mécanisé
de façon très faible et est obligé, dans ce sens, de se
soumettre aux conditions climatiques. La production agricole, en Haïti,
dépend techniquement des facteurs de production : terre et travail, mais
il convient de prendre en compte le taux de précipitation. Cela ne
signifie pas que la pluie constitue un facteur de production mais elle
influence très fortement les rendements (peu d'engrais utilisé)
car la majorité des cultures sont pluviales. Cette situation tend
à rendre précaire davantage la production nationale. Le pays a
récolté 210 000 tonnes de maïs en 1994, soit un rendement de
808 kilos par hectare contre un rendement moyen mondial de 4330 kilos par
hectare »45.
Avec une économie dominée par une agriculture
traditionnelle de faible productivité Haïti dispose d'une
économie fortement tributaire de son secteur agricole traditionnel qui
continue de mobiliser la plus forte partie de sa main-d'oeuvre active (50,6%
dans l'ensemble du pays et 68,4% en milieu rurale selon l'IHSI) et fournit
environ 30% du PIB. Néanmoins, ce secteur a toujours souffert d'un
manque cruel d'investissement productif et d'innovations. Les principaux
produits vivriers sont : le riz, le maïs, les haricots, la banane et les
tubercules. Tandis que les principaux produits d'exportations sont le
café, le cacao, la mangue et les huiles essentielles... 46.
Faut-il bien que nous fassions relater aussi que
l'économie urbaine est restée rachitique et liée
au commerce international, faible en volume en valeur et en
part relative du produit intérieur brut47. En effet, la
population haïtienne a vécu jusqu'à la fin des années
60 dans et d'une économie à prédominance agricole
basée sur la petite exploitation paysanne de faible productivité.
En fait, la diminution rapide de la fertilité de nos sols est imputable
également aux pratiques culturales archaïques sur un relief des
plus accidentés. « Dans sa lutte contre la rareté, le paysan
est contraint d'abattre des arbres protecteurs, soit pour fabriquer du charbon
de bois (principale source d'énergie du pays), soit pour alimenter le
foyer des fours à chaux ou à briques, des « guildives »
ou alambic, des boulangeries ou des « dry cleaning » ou des
distilleries d'huiles essentielles, soit tout simplement pour implanter ses
« places à vivre » qui
44 Edouard Francisque, p.99
45 Fred Doura, p.72
46 Jacob Sergot, p.5
47 CEPAL, Août 05,
www.eclac.cl
assureront sa survie et celle de sa famille. La surpopulation
entraîne une demande croissante de bois qui accélère les
processus d'érosion et de stérilité des sols
»48. « La structure agraire est un système de
rapport de force, donc de lutte pour la captation du surproduit. Elle est
caractérisée actuellement en Haïti par quelques 700 000
petites propriétés et dispersées, dont environ 89% ont
0,01 hectare et 2 hectares. Plus de 48% de ces exploitations disposent de moins
d'une demi carreau (0,6 Hectare), généralement de mauvaise terre
incapable d'assurer l'essentiel des moyens de subsistance pour faire vivre une
famille. C'est pourquoi le paysan non propriétaire se préoccupe
très peu ou pas du tout de protéger la terre ou d'accroître
les rendements »49. Nous avons à titre d'exemple la
pratique des « boucans », les incendies de vastes zones montagneuses
au profit de la culture des graminées, des plantes à tubercules
ou à racines fasciculées peu propices à la
rétention des sols sur des pentes accidentées dépassant
parfois 450 d'inclinaison, achèvent la ruine de nos terres
qui perdent leur couche arable emportée par le ruissellement des eaux
courantes. Il ne reste plus en beaucoup de zones que la roche mère
sous-jacente et des débris rocailleux stériles impropre à
la culture. « Plus de sept millions de tonnes de sol de surface
annuellement sont charriés à la mer par les cours d'eau, soit
quatre mille tonnes d'éléments fertilisants, perte
équivalant à 160.000 dollars par an »50. Faut-il
bien souligner que la production alimentaire, axée sur
l'autoconsommation, n'arrive pas, dans bien des cas, à même
couvrir la totalité des besoins alimentaires des gens à 50%. Sur
le plan économique, la proportion de terre rentable ne doit pas
être inférieure à 5 hectares, on doit reconnaître
qu'avec moins que 2 hectares comme c'est le cas, en Haïti, le paysan perd
son temps. Le rapport entre la portion de terre disponible et le nombre
d'habitants (T/H) devient de temps à autres, difficile à
réaliser, lorsqu'on compare la vitesse d'accroissement de la population
avec l'accès restreint des habitants à la terre. Bien des travaux
de recherches et d'analyses consacrés à l'économie
haïtienne au cours de ces trois dernières décennies, ont
révélé maintes réalités au chapitre du
sous-développement de notre espace national. Il s'agit de l'existence de
notre mode de production encore archaque (techniques rudimentaires, pratique de
certaines formes de servage, tenure de la terre largement foncière,
faiblesse de l'encadrement de la paysannerie) et de notre cadre
écologique affecté par l'érosion pour ne contenir
aujourd'hui qu'environ 1.5 % de ressources forestières. A ces
réalités, il importe
48 Edouard Francisque, p.100
49 Fred Doura, tome , p.80
50 Edouard Francisque, p.100
d'ajouter aussi notre cadre institutionnel et juridique
déficient, l'explosion démographique, la dégradation de
l'environnement, la baisse de la fertilité des sols, l'aide alimentaire,
manque ou absence de financement et d'infrastructure, ainsi que le degré
d'analphabétisme de notre société qui compromettront
encore longtemps tout vrai démarrage national (note de cours
d'économie haïtienne).
1.1.1- Répartition des exploitations
« La question agraire posée au lendemain
même de l'indépendance d'Haïti, malgré les divers
traumatismes sociaux dont elle est responsable à titre principal, n'a
encore trouvé de nos jours aucune solution adéquate. Elle
s'inscrit en filigrane dans la trame de tous les bouleversements, de tous les
conflits qui jalonnent plus d'un siècle et demi d'histoire nationale
»51. En effet ce tableau peut nous donner une idée sur
le comportement du paysan haïtien qui est toujours en butte aux
tracasseries de l'administration, qui défend chaque jour, pouce par
pouce, sa propriété constamment menacée. L'essor
démographique, en faisant essaimer les cultivateurs sur les terres
domaniales et même sur les « habitations » des
propriétaires absentéistes, favorisa ça et là le
développement de la petite propriété au cours d'un
siècle et demi. Toutefois, la condition de propriétaire est des
plus précaires. La commune renommée, le témoignage des
voisins ou tout autre moyens de preuve à défaut de titres
authentiques, aident le paysan à faire valoir ses droits de
propriété. En fait, une perpétuelle
insécurité et des craintes sérieuses de
dépossession brutale freinent la volonté créatrice du
paysan qui n'a aucun intérêt à aménager une terre
qu'il risque de perdre à cause des conflits permanents de
légitimité qui remettent en question la validité de ses
droits.
Tableau 2.1- Répartition des exploitations en
nombre de surface
Classes de
dimensions des exploitations
en carreaux
|
Nombre d'exploitations
|
% du nombre total
d'exploitations
|
Superficie
totale en
carreaux
|
% de la
superficie
totale
|
0,01 - 0,5 0,51 - 1,00 1,01 -2,00 2,01 - 4,00 4,01 - 10,00
plus de 10,00
|
293725 144270 110260 49370 16910 2175
|
47,6 23,4 17,9 8,0
2,7
0,4
|
94020 123855 175030 143390 99120 33980
|
14,0 18,5 26,1 21,5 14,9 5,0
|
Total
|
616710
|
100,0
|
669395
|
100,0
|
SOURCE: Doura, Tome I, p.82
De l'avis de Fred Doura « la taille des exploitations a
tendance à diminuer encore davantage en raison d'une part de la
croissance démographique et de l'achat de petites parcelles à la
mesure du pouvoir d'achat des paysans qui ne peuvent trouver du travail dans un
autre secteur de l'économie et d'autre part, en raison des «
partages successoraux répétés » basés sur des
droits qui accordent la distribution égalitaire de l'héritage
entre l'ensemble des héritiers. Ce système a favorisé la
petite propriété rurale, une structure foncière qui a
retardé grandement la modernisation de l'agriculture et a
handicapé lourdement l'industrialisation d'Haïti
»52. Ces situations favorisent le développement de la
pauvreté en Haïti. Cette dernière est liée, aussi, au
ralentissement de la croissance économique qui est dû à la
chute des investissements, à la baisse de la productivité et des
exportations. Ce tableau ci-après va nous donner une idée plus
claire sur la situation des exportations d'Haïti au reste du monde de la
période allant de 1982 à 1990.
52 Fred Doura, Tome I, p.82
Tableau 2.2- Les principales productions en
Haïti 1982 - 1990
PRODUIT
|
1982
|
1984
|
1987
|
1990
|
CAFÉ
|
179.4
|
228.9
|
182.5
|
76.7
|
HUILES ESSENTIELLES
|
28.4
|
28.2
|
14.5
|
1.9
|
PITE
|
8.6
|
0.9
|
18.7
|
21.4
|
SUCRE
|
-
|
2.5
|
22.7
|
18.3
|
VIANDE
|
8.6
|
1.8
|
-
|
-
|
CACAO
|
11.1
|
22.8
|
21.8
|
9.2
|
AUTRES
|
103.1
|
564.7
|
298.3
|
181.3
|
TOTAL
|
339.2
|
564.7
|
298.3
|
181.3
|
Source: BRH, 1987,1992
Ce tableau montre clairement que la croissance
économique n'est viable que si elle s'accompagne d'une distribution
équitable du revenu et de la satisfaction progressive des
nécessités basiques de la population.
Nous pensons qu'il s'avère nécessaire de
signaler que le contexte sociopolitique actuel est défavorable à
la croissance qui devrait en temps normal, améliorer les conditions de
vie de la population.
Nous devons insister sur le fait que, selon Fred Doura :
L'agriculture joue un rôle central dans le
développement économique de tout Etat-nation, principalement en
Haïti, car une forte majorité de la population tire leur
subsistance de la production agricole. Ainsi les dirigeants haïtiens ont
le devoir d'aider tous ceux qui travaillent dans ce secteur à
améliorer, d'une part, leur productivité et le rendement
spécifiquement de la culture alimentaire et commerciale, et
d'intégrer, d'autre part, une politique de prix dans leur politiques
économiques. Un pays comme Haïti, doit compter sur les ressources
locales pour produire l'alimentation consommée par la population,
particulièrement, urbaine ; d'autant qu'une croissance de la production
peut faire
économiser les devises utilisées pour payer les
importations des produits alimentaires et en même temps elle peut
constituer un apport important de capitaux pour les investissements, source
d'une croissance économique durable53.
Malheureusement, jusqu'à l'heure où nous sommes,
on constate que le paysan est contraint de
travailler encore sur son lopin de terre de manière
archaïque, faute d'un encadrement adéquat de la part des
autorités responsables. Et, enfin, on voit le résultat qui n'est
autre qu'une régression continue de la productivité, si on veut
bien considérer les données statistiques allant de l'année
1982 à 1990. Cette tendance tend à perdurer davantage si on ne
prend pas les mesures qui s'imposent.
1.1.2- Part des Importations dans la consommation nationale
« Le secteur agricole - déjà
caractérisé par un très faible niveau d'équipement
(donc, une faible intensité capitalistique) et de productivité
(tant au niveau du facteur terre que celui de la main d'oeuvre) -s'amenuise de
plus en plus. En outre, le secteur agricole n'est pas arrivé à
remplir l'une de ses fonctions premières qui est d'alimenter une
population en rapide croissance. Contrairement aux périodes
précédentes, il a couvert en 1996 à peine 50% des besoins
théoriques nationaux évalués à 1,77 millions de
Tonnes Equivalent Céréales par la Food and Agriculture
Organization (FAO) pour la même année; selon les estimations
de la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA);
l'autre brèche étant comblée par les importations
commerciales, la contrebande et l'aide alimentaire »54. Selon
la Banque Mondiale, dans une année normale, « la production
nationale fournit 59%, les importations 34% et l'aide alimentaire 7% des
besoins caloriques d'Haïti »55.
53 Idem, Tome II, pp. 68-67
54 Jacob Sergot, p.6
55 Banque Mondiale, 1998, p.14
Tableau 2.3- Besoins alimentaires -
Haïti
|
Tonne métriques
|
Calories en
(000 000)
|
Pourcentage de Calories
|
Besoins alimentaires
|
1 635 500
|
5 889 786
|
100%
|
Production nationale
|
900 000
|
3 241 800
|
55%
|
Aide alimentaire
|
100 000
|
360 200
|
6%
|
Importations commerciales
|
525 000
|
1 891 050
|
32%
|
Déficit alimentaire
|
110 000
|
396 736
|
7%
|
Source : Banque Mondiale, 1998
Cette insuffisance de la production nationale, malgré
un faible surplus orienté vers l'exportation, s'est traduite par une
augmentation continue des importations de produits alimentaires. En ces
derniers temps, l'importation a pris des proportions importantes, sans une
intervention rapide au niveau du secteur agricole, on risque d'enfoncer de plus
en plus vers une dépendance accélérée qui va en
retour renforcer notre état de pauvreté. Le tableau que nous
allons présenter va donner une idée plus précise de notre
point de vue.
Tableau 2.4- Estimation Des
Importations/Consommation
PRODUITS
|
PART ESTIMEE DES IMPORTATIONS DANS LA CONSOMMATION
TOTALE
|
RIZ
|
64%
|
SUCRE
|
85%
|
FARINE
|
100%
|
MAIS
|
5%
|
BANANE
|
1%
|
SORGHO
|
0%
|
POIS
|
20%
|
VIANDE DE PORC
|
27%
|
VIANDE DEPOULET
|
75%
|
OEUFS
|
78%
|
LAIT
|
56%
|
Source: IRAM & Group Croissance, 1998
Les besoins de consommation de la population et la non
disponibilité des aliments créent un déséquilibre.
Ce dernier, Selon Fred Doura, « oblige Haïti à importer des
grandes quantités de denrées alimentaires environ 235 millions de
dollars américains en moyenne par année de 1995 à 2000, ce
qui représente près de 40% du total des importations. La facture
alimentaire s'est alourdie année après année et elle
constitue un sérieux obstacle budgétaire et politique au
progrès et à la croissance. Ces taux annuels moyens ont
continué de croître à un rythme
accéléré dans les importations totales du pays. Cette
accélération prouve largement comment
les mauvaises décisions de politique de l'Etat
oligarchique haïtien ont causé la destruction de la production
agricole nationale »56.
Dans le point qui suit, nous allons traiter la faiblesse de
l'économie, afin de mieux cerner d'autres paramètres sur les
causes de la pauvreté en Haïti.
1.2- Faiblesse de l'économie haïtienne :
« Haïti, est une superficie de 27 750
kilomètres carrés et ses [8.5] millions d'habitants, est un pays
très appauvri, fort peu urbanisé, dont à peine 36% de la
population vivent dans les villes. Environ 85% de la population
économiquement active (PEA) survivent dans l'économie
citoyenne-informelle. L'emploi, dans de l'économie officielle, reste
limité, à moins de 10% de la population active. Le taux
d'activité économique des femmes âgées de 15 ans et
plus représente 57.7% du marché du travail en ce début du
XXIème siècle. La dégradation de la situation
économique est observable dans tous les secteurs tels que : le commerce,
les revenus, l'emploi, la consommation privée, la production agricole et
industrielle »57.
« On se rappelle qu'en 1950, Haïti se positionnait
à la dernière place au classement des revenus per capita
parmi les pays d'Amérique. Elle a gardé la même place
depuis, alors que l'écart s'agrandissait entre elle et les autres pays
de la région entre 1950 et 1980. C'est donc sur une toile faite de
rachitisme économique et de retards importants au niveau de tous les
indicateurs socio-économiques qu'Haïti a abordé un cycle de
longue stagnation et de difficultés énormes à partir de
1981 »58 . Voyons entre autre l'évolution
négative du produit intérieur brut (PIB).
1.2.1- Evolution du PIB
« Dans tout Etat-nation, les activités
économiques sont exercées, habituellement, selon
des règles établies, que l'on peut caractériser de
normes dominantes reflétant ainsi le secteur officiel de
l'économie : elles sont dites légales, soumises à des
obligations déclaratives fiscales
56 Fred Doura, Tome I, pp.66-67
57 Idem, Tome II, p. 9
58 R. MONTAS, p.3
et sociales, c'est pourquoi elles sont comptabilisées
dans le produit intérieur brut (PIB) et soumises à la
régulation des pouvoirs publics »59. Il importe de
souligner que le PIB, en soi, n'est pas une mesure complète pour
expliquer le niveau de production d'un pays, car il ne tient compte que des
richesses qui peuvent être évaluées sous forme
monétaire telles activités marchandes assurées par le
secteur privé ou les activités non marchandes mais
financées par les prélèvements obligatoires. Ainsi, selon
les études de Fred Doura, « le PIB ne reflète pas toujours
très bien la mesure de la production du pays, puisque certaines
productions telles que les production hors marché (préparation
des repas, éducation des enfants, ...) ou la production
réalisée dans le cadre de l'économie citoyenne-informelle
sont exclues »60. Cependant, il reste et demeure un puissant
instrument pouvant donner une certaine idée sur le niveau de
productivité d'un pays. C'est ainsi que nous pouvons voir à la
lumière des études menées par R. Montas que
l'investissement total a représenté en « moyenne 17% du PIB
vers la fin des années 1978. Il a enregistré une tendance
à la baisse en passant de 18% en moyenne sur la période 1980/
1987 à environ 14% en moyenne entre 2000 et 2003. Pour un pays au niveau
de développement aussi faible, la croissance obtenue à partir
d'un tel taux d'investissement aurait dû être beaucoup plus
élevé, c'est-à-dire de l'ordre d'au moins 4 à 5%
par année si la productivité était plus
élevé alors qu'il y a été enregistré une
croissance moyenne du PIB par tête de 2.1 entre 1987 et 2003
»61 . Plus d'un pense que cette situation a un rapport
étroit avec les mauvaises gestions des ressources humaines et naturelles
par les autorités responsables.
Nous voulons employer le terme propre de l'Institut
Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI), le produit
intérieur brut (PIB) se nourrit des 3 trois branches d'activités
de l'économie, à savoir: le secteur primaire, secondaire et
tertiaire. On ne peut négliger aucun de ces secteurs, compte tenu de
leurs poids, mais nous devons faire remarquer l'importance du
secteur primaire avec ses diverses composantes (l'agriculture, la sylviculture,
l'élevage, ...) ne représente plus en moyenne les années
antérieures. Telles : « 31,92% (1995-1998) contre 38% pour les
années 1985-1986 à 1989-1990, alors qu'il représentait 50%
de ce même PIB dans les années 70. La tendance de ce secteur est
donc très nette.
L'agriculture représente, à l'intérieur
même du secteur primaire, 85,95% pour les années
59 Fred Doura, Tome II, p.21
60 Ibidem,, p.26
61 R. Montas, p. 4
1985-1986 / 1990-1991, 81,94% pour les années 1990-1991
/ 1995-1996, et à 77,23% pour les années 1995-1996 à
1997-1998 »62.
Au niveau de ce sous-secteur, on constate une chute
significative qui est, à notre avis, le résultat de plusieurs
paramètres dont le manque d'encadrement des paysans ; quasiment, pas
d'infrastructures ; l'isolement du milieu rural qualifié de « pays
en dehors » où, selon Fred Doura, « habite les deux tiers de
la population haïtienne, soit environ 5.2 millions de personnes et
d'après la Banque Mondiale, 80% d'entre eux disposent d'un revenu en
dessous du seuil de pauvreté, dont 66% vivent dans une extrême
pauvreté »63. C'est dans cette optique que Kern l'a si
bien fait remarquer en disant que « la société nationale ne
forme pas un tout solidaire et interdépendant. C'est plutôt un
ensemble stratifié, disposé en couches superposées avec
subordination des unes par rapport aux autres. L'élite urbaine, qui
s'est emparée des dépouilles de l'administration coloniale,
s'arroge en pseudo aristocratie et réserve des prérogatives
exorbitantes : détentrice du pouvoir politique et économique,
elle domine le paysannat qu'elle soumet à une exploitation impitoyable.
C'est l'apparition du colonialisme interne, qui prend le relais du colonialisme
français »64. Selon Harry Salomon, la performance
enregistrée dans l'agriculture est le résultat des effets
combinés de la saison pluvieuse et de quelques investissements publics
en matière d'infrastructures agricoles ( cité par Henri Bazin,
p.39)
62 Henri Bazin, p.37-38
63 Fred Doura, Tome II, p.25
64 Kern, p. 203
Poids en Pourcentage des différentes branches
à l'intérieur du secteur primaire, de 1985 à
1998
Tableau 2.5-
|
1985-
|
1986-
|
1987-
|
1988-
|
1989-
|
Moyenne
|
Branches d'activités
|
1986
|
1987
|
1988
|
1989
|
1990
|
|
|
100,0
|
100,0
|
100,0
|
100,0
|
100,0
|
|
Secteur primaire
|
|
|
|
|
|
|
Agriculture
|
86.40
|
85.98
|
86.23
|
85.98
|
85.16
|
85.95
|
Sylviculture, élevage et pêche
|
13.31
|
13.60
|
13.34
|
13.66
|
14.46
|
13.68
|
Industries
|
0.29
|
0.42
|
0.43
|
0.36
|
0.38
|
0.37
|
Extractives
|
|
|
|
|
|
|
(Source : HENRI BAZIN p.305) Tableau
2.6-
Branches d'activités
|
1990-
1991
|
1991-
1992
|
1992-
1993
|
1993-
1994
|
1994-
1991
|
Moyenne
|
Secteur primaire
|
100,0
|
100,0
|
100,0
|
100,0
|
100,0
|
100,0
|
Agriculture
|
84.84
|
84.50
|
82.65
|
80.13
|
77.59
|
81.94
|
Sylviculture, élevage et pêche
|
14.78
|
15.18
|
16.98
|
19.49
|
21.88
|
17.76
|
Industries Extractives
|
0.38
|
0.32
|
0.37
|
0.39
|
0.52
|
0.40
|
(Source: HENRI BAZIN p.305)
Tableau 2.7-
Branches d'activités
|
1995-1996
|
1996-1997
|
1997-1998
|
Moyenne
|
Secteur primaire
|
100,0
|
100,0
|
100,0
|
100,0
|
Agriculture
|
77.74
|
77.07
|
77.19
|
77.23
|
Sylviculture, élevage et pêche
|
21.98
|
22.29
|
22.14
|
22.14
|
Industries Extractives
|
0.58
|
0.65
|
0.67
|
0.63
|
Source : HENRI BAZIN, p.305
SECTION 2. LES POLITIQUES ECONOMIQUES EN VIGUEUR
Avant de parler des politiques économiques
appliquées en Haïti, il importe pour nous de rappeler que « la
politique économique désigne l'ensemble des mesures prises par
l'Etat pour modifier l'affectation des ressources, réguler la
conjoncture et redistribuer le revenu national. La politique économique
se fait en fonction d'objectifs avec des instruments et selon des
théories économiques. Pour atteindre ces objectifs, il y a
plusieurs instruments disponibles ; le choix se fait en fonction d'options
théoriques65 ».
Tableau 2.8- INSTRUMENT DE POLITIQUE
ECONOMIQUE
Choix théoriques
|
Instruments
|
Objectifs
|
Néo-classique Keynésien
|
Politique monétaire politique budgétaire
|
Chômage inflation
|
65 Notes de cours /
http://pauillac.inria.fr/~lang/licence/v1/lldd.html
Cependant, comme s'est demandé le professeur Fritz
DESHOMMES, peut-on parler de politique économique en Haïti. Depuis
quand en a t-on entendu parler dans ce pays ? Depuis quand les grandes options
sur la meilleure manière de conduire, de piloter l'économie
nationale ont fait l'objet de débats, de discussions ou même
d'information ou de sensibilisation 66 . La crise
socio-économique tend à persister, tant que les décideurs
n'agissent pas en faveur des plus faibles afin de les faire sortir dans leur
difficulté. Assez souvent l'Etat se montre désengager en faveur
des pauvres et cette situation a le coût qu'elle mérite. A ce
propos, Fred Doura fait avancer que l'accélération de la crise
économique, durant les deux dernières décennies, a
montré l'incapacité de l'Etat haïtien d'intégrer la
plus forte partie de sa population dans un projet de développement
articulé et de création massive d'emplois. Réduire la
pauvreté nécessite une réforme agraire efficace, des
investissements importants dans l'agriculture, l'industrialisation rurale et
surtout des investissements publics dans l'éducation, la santé et
les infrastructures.
« Force est de constater que l'économie exclut
d'importantes couches de la société, générant ainsi
de nouvelles formes d `inégalités, d'injustices sociales,
d'exploitations et d'abus. Le coût de l'exclusion, qui apparaît
chaque fois que les décisions sont prises par l'Etat au profit des
minorités, sans tenir compte de l'intérêt d'un individus ou
d'un groupe, est d'autant plus élevé qu'il a
d'êtres-citoyens actifs exclus »67. Le
développement du pays ou la sortie des démunis dans la
pauvreté ne va pas se faire avec une baguette magique. Il demande
science et méthode. Joseph Déjoie nous montre que « dans les
pays développés, le progrès économique
peut-être facilement atteint si ces pays respectent les lois
économiques fondamentales. Quoique la tache soit plus difficile que dans
les pays développés, un progrès économique viable
peut-être atteint en Haïti, si, comme ces pays, nous suivons des
principes économiques appropriés et acquérons certains
facteurs essentiels qui nous font défaut. Ces facteurs sont en
l'occurrence, la connaissance technique moderne, la disponibilité de
capitaux, la disponibilité de main-d'oeuvre spécialisée et
un plan solide pour l'utilisation de capitaux, de la maind'oeuvre et de la
connaissance technique. Si ceux-ci sont fournis, il y aura progrès
»68. Comme dit le vieux dicton « Mieux vaut tard que
jamais ». C'est vrai, que nous avons beaucoup à faire pour sortir
dans ce que nous sommes (Haïti) aujourd'hui, mais c'est une obligation
impérieuse.
66 Fritz Deshommes, Politique en Haïti,
Rétrospectives et Perspectives
67 Fred Doura, Tome II, pp. 27-28
68 Joseph Déjoie, p.19
Ce que nous vivons maintenant, est le fruit de ce qu'on a
semé, notamment avec les différentes politiques
économiques appliquées en défaveur de la majorité
de la population. A noter que « durant ces 20 dernières
années, Haïti confronte à une récession
prolongée causée, en partie, par la dégradation du
marché du travail liée aux problèmes des systèmes
de production traditionnels. Les politiques de libéralisation
économique, entamées en 1987 et consacrées en 1996, qui
ont sérieusement affecté l'agriculture et l'industrie de
transformation »69. Si les politiques économiques ont un
poids assez lourd dans les causes de la pauvreté en Haïti, elles ne
sont pas aussi les seules. Il y a, aussi, des causes dites sociopolitiques et
institutionnelles. Nous tentons de les développer dans la section qui
suit.
SECTION 3. CAUSES SOCIO-POLITIQUES ET INSTITUTIONNELLES
Il est plus facile de trouver des idées communes autour
des caractéristiques de la pauvreté que d'en trouver sur ces
causes, toutefois nos recherches nous ont permis d'identifier les causes
suivantes :
3.1 - Instabilité politique et Institutionnelles
Selon Kern, « l'un des traits fondamentaux de la
société haïtienne réside dans le fait que la
majorité de la population est soumise à des effets de domination,
d'exploitation et de discrimination qui conduisent à de très
fortes disparités entre les différentes classes sociales et entre
les différentes régions du pays. Au sein de société
inégalitaire par excellence, une majorité asservie est
écrasée par une minorité dominante »70.
L'insatisfaction des besoins fondamentaux engendre des flambées de
violence. Cette situation laisse l'avenir de la Première
République Noire hypothéqué. Haïti est en train de
marquer des pas sur place, au dire de plus d'un. Force est de constater que de
1804 à nos jours, ce pays a toujours connu une série de
dictatures plus ou moins sanglantes qui alternant avec des périodes
d'anarchies, généralement courtes (L.F. Hoffmann, 1995:196).
69 Rapport National 2004 sur les objectifs du
millénaire, pp. 11-12
70 kern, p.260
De l'observation de Fred Doura, depuis 1986, ce pays a connu
douze gouvernements et un coup d'Etat sanglant causant la mort de milliers de
personnes, induisant un embargo commercial partiel qui a
détérioré complètement son
économie71. « Neuf présidents et plus d'une
quinzaine de gouvernements se sont succédés au pouvoir en
Haïti. L'Etat haïtien est caractérisé par une
instabilité politique et économique quasiment permanente, et une
gestion économique et financière catastrophique. Aucun des
régimes qui se sont succédés en Haïti n'a eu la
chance de bénéficier du temps de la stabilité pour
instaurer de manière durable une politique de développement.
Manifestations, graffitis et barricades enflammées, d'un
côté, gigantesques murs de maisons aisées, vitres
fumés et autres barbelées, de l'autre, témoignent tous
d'une situation d'antagonisme important »72.
La quasi inexistante de l'Etat a favorisé pendant deux
siècles la succession de régimes autoritaires. En effet, de
Jean-Jacques Dessalines à Jean-Bertrand Aristide, respectivement premier
et dernier dirigeant en date d'Haïti (2004), les hommes politiques
haïtiens se sont souvent proclamés dirigeants à vie ou ont
manifesté des velléités allant dans ce sens. Pour y
parvenir, ils se transformèrent en despote ayant à leur solde des
bandes armées : « Zenglens » sous le Président
Soulouque, les macoutes sous Duvalier ou les chimères sous J.-B.
Aristide. En outre, le vide institutionnel chronique a permis à
l'opposition de fomenter des coups d'Etat, émeutes, soulèvements
armés et assassinats qui garantissaient la victoire aux
détenteurs des armes. En témoigne ce dicton populaire
haïtien : « La constitution, c'est du papier et les baïonnettes,
c'est du fer ». Cette conception du pouvoir s'est traduite par la
succession de gouvernements éphémères (15 dirigeants sur
47, soit plus d'un tiers, sont restés moins d'un an au pouvoir). En
outre, la primauté des armes se manifeste par l'écrasante
majorité de gouvernements militaires dans l'histoire d'Haïti (au
moins 27 soit près de 60 %), alors que seulement 5 présidents ont
été élus au suffrage universel direct73.
Cette situation chaotique que connaissait le pays a
découragé les entrepreneurs à investir faute de
l'instabilité et l'incertitude. Ce qui a provoqué une forte
recrudescence de la violence, la misère, ...
« En raison de la faiblesse des Institutions Politiques,
les dirigeants haïtiens ont souvent pillé les caisses de l'Etat.
Par des stratagèmes variés, ils ont amassé des fortunes
considérables
71 Fred Doura, p34
72 Didier Dominique, p.9
73 M@ppemonde, p.6
en détournant l'aide internationale, en
prélevant un pourcentage élevé des taxes et des
impôts et en se livrant à des trafics de tout genre. La fortune de
J.-C Duvalier (1971-1986) a été évaluée à
120 millions de dollars et celle de J.-B Aristide (1994-1996 et 2000-2004)
s'échelonnerait entre 200 et 800 millions de dollars
»74. N'est-ce pas dans cette lignée que LUNDAHL, dans
ses réflexions sur les causes de la pauvreté en Haïti,
avance à penser que « se sont surtout les forces politiques
combinées à des facteurs structurels, comme la croissance
démographique et l'érosion, qui sont responsables de
l'appauvrissement rural en Haïti et non les imperfections du marché
»75. Ces derniers temps, on a pu constater une forte migration
interne, où les paysans laissent la campagne pour venir s'installer dans
les grandes villes notamment au Cap-Haïtien en vue de trouver une
amélioration dans leur vie quotidienne. Les causes de cette migration
sont multiples notamment le manque d'infrastructures de bases, telles: Routes,
Education, Santé, Loisirs. Ils sont en quête d'une vie
meilleure.
L'agriculture a connu une diminution de 32% de sa valeur
ajoutée de 1990/91 à 1993/94 ...Durant cette même
période, le produit national brut (PNB) a baissé de plus de 17%
en 1992/93, puis encore de 10% en 1994 (BM, 1998, vol.II, 1).Cet
échec a une incidence majeure sur l'économie avec:
- Une croissance économique négative et faible du
PIB (4 millions $ en 2002 contre -3,5 millions en 2004
- Déséquilibre budgétaire permanent
- Investissement public insuffisant
- Chômage très élevé
- Augmentation élevée de la pauvreté.
- Pillage systématique au niveau des administrations
publiques76.
74 Ibidem
75 LUNDAHL, pp. 243-263
76
www.radiocanada.ca, Haiti
: Entre la dictature et la pauvreté
Tableau 2.9- Des Gouvernements D'Haïti, 1956@
2004
Nemours Pierre-Louis
|
12 décembre 1956 - 3 février 1957
|
Franck Sylvain
|
7 février 1957 - 2 avril 1957
|
|
Daniel Fignolé
|
25 mai 1957 - 14 juin 1957
|
|
François Duvalier
|
22 octobre 1957 - 21 avril 1971
|
|
Jean-Claude Duvalier
|
22 avril 1971 - 7 février 1986
|
Leslie F. Manigat
|
7 février 1988 - 20 juin 1988
|
|
Henri Namphy
|
20 juin 1988 - 18 septembre 1988
|
|
Prosper Avril
|
18 septembre 1988 - 10 mars 1990
|
|
Ertha Pascal-Trouillot
|
18 mars 1990 - 7 février 1991
|
|
Jean-Bertrand Aristide
|
7 février 1991 - 7 février 1996
|
|
|
René Gracia Préval
|
7 février 1996 - 7 février 2001
|
|
Jean-Bertrand Aristide
|
7 février 2001 - 29 février 2004
|
|
|
Boniface Alexandre
|
29 février 2004 -
|
|
SOURCE:
http://www.infolimone.it/l/li/liste_des_presidents_d_haiti.html
« Cette instabilité politique a eu pour
conséquence le retrait de certains investisseurs nationaux et
internationaux, compte tenu du risque très élevé qu'on
court en Haïti. Cette situation augmente d'avantage la pauvreté
à Shada et encourage souvent des émeutes.
L'intensité des conflits portant sur la conquête du pouvoir
et la répartition des richesses ne permet pas aux gouvernements
d'acquérir la cohésion et la force internes nécessaires
à l'accomplissement des taches impératives à l'Etat. La
nation ne peut accéder à une phase de développement, qui
postule les changements structurels et des réformes drastiques. Les
dirigeants restent
incapables d'assurer la capacité d'adaptation du pays aux
défies du dedans comme du dehors »77.
Pour sa part, Alex Dupuy, dans son analyse voit
l'appauvrissement d'Haïti comme « le produit du
sous-développement structurel de l'économie haïtienne, comme
l'a souligné tantôt Kern. Le système d'exploitation
agricole ayant une répercution vraiment négative sur la taille
des exploitations agricoles et d'une part les relations entre les
différentes catégories des couches paysannes, telles : les grands
dons et les petits paysans victimes du système de deux moitiés,
et d'autre part, l'inefficacité du système traditionnel ou
archaque pratiqué dans le quotidien du paysan haïtien,
caractérisé par la faiblesse du soutien ou le manque
d'encadrement de l'Etat haïtien à ce dernier
»78.
3-2 Situation socio-économique et Développement
Humain
Durant ces dernières années les conditions de
vie de l'haïtien s'aggrave, notamment du point de vue
socio-économique. Les derniers rapports de la CNUCED en sont
des révélations. Ils révèlent tout, la
généralisation de la pauvreté, c'est-à-dire le
développement d'une situation où la plus grande partie de la
population dispose d'un niveau de revenu à peine suffisant ou
insuffisant pour satisfaire ses besoins primaires. La pauvreté empointe
une voie à un point tel, les différentes ressources disponibles
de l'économie, même équitablement reparties, ne pourraient
pas tenir longuement pour assurer la survie de la population dans sa
quête de satisfaire ses besoins les plus essentiels.
Les faits montrent bien que :
- L'espérance de vie à la naissance passe de 53.7
ans en moyenne en 1997 contre 52.4 en 2001 ;
- La persistance de la sous-alimentation et de la malnutrition
;
- Faible investissement en capital humain ;
- Mauvaises conditions hygiéniques, faible accès
aux services de santé et à l'eau potable, mortalité
infantile élevée, prévalence de maladie infectieuses,
...79.
Les éléments essentiels du bien-être dans un
Etat-nation sont le niveau du revenu réel
par habitant, le niveau d'éducation, la santé et
l'espérance de vie de la population. Le PNUD (1998 : 16), fait
référence à un indicateur composite construit.
77 Kern, p.258
78 Alex Dupuy, p.100
79 CNUCED, p. 75
CHAPITRE III :
MONOGRAPHIE
DE SHADA
Section I- HISTORIQUE ET DESCRIPTION GEOGRAPHIQUE DE
SHADA
La présentation de cette partie a pour objectif
principal de nous aider à trouver des indices valables pouvant nous
permettre de trouver des éléments qui sont à même de
prouver l'existence de la pauvreté dans la zone.
La population est estimée à 12500 habitants
environ à Shada, bidonville situé à l'entrée Est de
la ville du Cap-Haïtien, est l'une des plus pauvres de la région
Nord. Elle a commencé à attirer des personnes venant notamment
des milieux ruraux, tels Dondon, Bahon, Saint- Raphaël, ... (Voir le
tableau A) à partir des années 1980, pour se faire installer
autour des grandes compagnies et Usines qu'on avait dans la zone, telle :
Fougerolles, Conserverie Nationale S.A (CONASA), le Service d'Entretien
Permanent du Réseau Routier National (SEPREN) par le fait que ces
personnes sont dépourvues de tout accès pouvant les aider
à survivre à la campagne. Les habitants se disent être en
quête d'un mieux être. Le quartier SHADA est divisé en deux
(2) parties distinctes soit SHADA I qui est délimité par le Pont
Hyppolite (ou Pont Ancien) et le marché du Pont Neuf localisé
juste avant le pont du même nom et SHADA II, qui va du marché Pont
Neuf au delà du pont du même nom jusqu'à CONASA qui est une
ancienne conserverie de jus de mangue déchouquée en 1991.
SECTION 2. SOMMAIRE DE LA SITUATION D'OBSERVATION
SOCIO-ECONOMIQUE DE SHADA
« Dès la première vue, le quartier
présente un tableau vraiment sombre, avec des constructions qui sont si
rapprochées qu'il est parfois difficile de s'y croiser les pieds. Ce
quartier accueille une gare routière, un marché, où on y
vend principalement du charbon et de la canne à sucre et un grand
marché en détail. Il se situe sur une bande étroite de
terrain entre la mer et l'embouchure de la rivière de Haut-du-Cap. Ces
terrains sont souvent inondés lors des marrées et des fortes
pluies. Par endroit de petites digues ont été construites de
manière bien irrégulière et s'avèrent
insuffisantes. Il n'y a pas vraiment accès pour un véhicule ou
une charrette, à l'intérieur du quartier. Il est parfois
nécessaire de passer à travers un logement pour accéder
à certains autres secteurs de ce même quartier. Les marres d'eau
stagnantes sont dues à l'accumulation des eaux de pluies ou
d'écoulement de drain et transforment parfois ce quartier en
véritable marécage particulièrement lors des marées
montant parfois jusqu'à 300- 400 cm dans le quartier
»80.
Les gens défèquent, assez souvent, dans des sacs
plastiques qu'ils jettent dans la mer car, souvent, ils n'ont pas d'autres
options. Selon une étude réalisée par DESSAU INTENATIONNAL
LTD/Ltée, Shada est considéré comme « la zone la plus
insalubre avec la plus forte densité de la population et
également repère de bandits les plus dangereux de la commune ;
symbole de promiscuité et délinquance.» (Volume II, annexe
3, p.4). Ce qui à nos yeux est important de mentionner ici est que la
faible scolarisation de la population a une incidence majeure sur le
développement regrettable de la pauvreté à SHADA II. Comme
le démontre aussi l'enquête qui a été menée
par l'IHSI, les plus fortes incidences de la pauvreté sont
associées au niveau d'éducation les plus faibles ou à
l'absence de tout bagage scolaire.
Section 3. PRESENTATION DE L'ENQUETE
Objet de l'enquête :
Nous nous sommes fixés comme objectif d'étudier
la problématique de la pauvreté à SHADA, au
Cap-Haïtien, tout en essayant d'identifier les facteurs
socio-économiques afin d'y proposer certains éléments de
solutions pouvant servir aux principaux décideurs du pays à
résoudre ce fléau.
METHODE DES COLLECTES DES DONNEES
Il a été question pour nous de réaliser,
de manière approfondie, une étude sur le problème de la
pauvreté en Haïti, et d'une façon spécifique,
à SHADA au Cap-Haïtien, par le fait que nous avons rencontré
d'énormes difficultés de trouver des données disponibles
pour mieux approfondir notre travail. Toutefois, des documents tirés au
bureau de l'Institut pour la sauvegarde des patrimoines nationales (ISPAN /
Nord) et des enquêtes de l'Institut Haïtien de Statistique et
d'informatique (IHSI) nous étaient vraiment favorables. Nous avions
dû, nous- même, mener notre propre enquête
socio-économique auprès de certains ménages du
côté de Shada I et II. Cette enquête était
considérée comme le gros de notre travail et surtout, elle nous a
permis d'aborder les habitants de cet immense bidonville afin de mieux cerner
le problème que pose la pauvreté.
En somme, nous avons fait appel tour à tour aux
méthodes suivantes :
o Investigation documentaire consistant à passer en
revue des ouvrages, revues, documents officiels et des sites Internet ayant
rapport avec le sujet sous étude.
o Engager une enquête sur le terrain, construit à
partir d'un échantillon et la tenue d'entrevue avec un questionnaire
auto administré. Pour interpréter et analyser les données,
nous avons fait appel à l'analyse statistique et celle de contenu.
Mise à jour du questionnaire
Ce questionnaire est le fruit d'un ensemble de recherches
mené dans des documents émanant de la part de ceux qui ont
déjà réalisé des travaux similaires. Après
être documenté, nous avons
compris la nécessité de monter le questionnaire
qui comportait 30 questions, à travers lesquelles nous avons
trouvé des informations concernant les conditions de vie socio-
économiques des habitants de Shada I et II. Nous avons reparti le
questionnaire en trois parties :
1. Aspect Démographique
2. Le mode de vie domestique
3. Questions aux responsables des écoles de la zone,
relatives à l'état des écoles, le niveau académique
des enseignants, financement, etc.
Après avoir construit le questionnaire, nous étions
prêt à passer à l'étape de prétest.
Prétest du questionnaire
Nous avons beaucoup appris avec la réalisation du
prétest. En effet, il nous a permis d'approcher 11 chefs de familles,
dont 7 à Shada I et 4 à Shada II. Ces interviews
administrées nous ont, aussi, donné la possibilité de
mieux structurer notre questionnaire et y ajouter d'autres questions
pertinentes constituant le questionnaire définitif.
Questionnaire définitive
Nous avons décidé d'ajouter 16 questions du
questionnaire utilisé pour le prétest, c'est-à-dire un
ensemble de 46 questions au total. Pour la compréhension totale des
interviewés, nous avons rédigé notre questionnaire en
créole. Une fois élaborée, nous n'avions qu'à
utiliser les techniques d'enquêtes enseignées par les
spécialistes du domaine. Le dépouillement des données nous
ont permis de découvrir la manière dont ce bidonville a
été construit, le milieu de provenance des gens, leur conditions
de vie, éducation, ...
Enquête sur le terrain
L'enquête a été dirigée
auprès de 70 chefs de famille. A cause de la mauvaise
numérotation des maisons qui est le fruit des constructions anarchiques,
nous avons dû recourir à la méthode de grappe, en lieu et
place de celle de probaliste.
On a tout prévu, suivant la planification qu'on a
élaborée. Le questionnaire étant codé à
l'avance, on avait qu'à y insérer les chiffres.
CAUSES DE LA MIGRATION A SHADA
A travers notre travail de recherche nous résumons les
causes de la migration en ce sigle intitulé
F.E.S.E.P.
Tableau 3.1- Causes de la Migration à
Shada
Causes de Migration
|
Quantité
|
Pourcentage
|
Economiques
|
26
|
37.14 %
|
Education
|
15
|
21.43 %
|
Santé
|
13
|
18.57 %
|
Raisons Familiales
|
11
|
15.72 %
|
Politique et Autres
|
5
|
7.14 %
|
Total
|
70
|
100 %
|
Source : Notre enquête 2006
Familiale : Lorsque le chef de famille
se déplace, laissant sa famille à la campagne et après un
certain temps la femme ou le mari est obligé de laisser le milieu rural
pour s'installer au côté de son conjoint. Ces cas
représentent 15.72 %, environ. Ils sont appelés à occuper
les aires marginales où les logements et terrains coûtent moins
chers.
Economique : Notre enquête
menée auprès de ces gens nous pousse à constater que les
migrants sont, pour la plus grande majorité, touchés par des
problèmes économiques et cela constitue la cause la plus
fondamentale. Cette situation persiste par le fait que les paysans ne
reçoivent quasiment aucun encadrement auprès des responsables.
Ils sont laissés pour contre. L'agriculture qui est leur source
économique la plus fiable tombe depuis plusieurs décennies en
une situation lamentable. Les chefs de famille souvent
accompagnés de leurs enfants et époux se sont obligés de
s'émigrer en ville pour chercher le pain quotidien. Le seul endroit
répondant à leur situation de misère est cette zone,
située à proximité d'une part, d'une cité
fraîchement établie dans la région appelée
cité Fougerolles. L'établissement de cette cité a
été rendue possible grâce à un prêt
hypothécaire qui a été octroyé par l'Office
National d'Assurance et de Vieillesse (ONA) aux anciens employés de la
centrale sucrière Nord (WESCH) et le lotissement des terrains de Mme
Georges Benjamin ; et d'autre part, tout près des grandes compagnies
établies dans la zone, telles CONASA ET FOURGEROLLES. Malheureusement,
avec la fermeture brutale de ces compagnies, leur espoir se passe en
désespoir. L'absence d'emploi, d'éducation, d'encadrement, ...
transforme ce lieu en un « enfer sur terre ». Il tire son nom de la
Société Haïtienne Américaine de Développement
Agricole qui a reçu le monopole de l'importation du caoutchouc et de
sisal, produits fort demandés sur le marché de guerre nord
américain81. Elle représente environ 37, 14 % des
cas.
Santé : Les zones de provenance des
habitants de grand bidonville, sont dépourvues d'hôpitaux ou de
centre de santé pouvant aider les habitants lorsque le besoin est. C'est
ainsi qu'on peut toujours constater un va et vient qui se pratique par le
paysan qui habite à la campagne au sein des villes en quête de
soin de santé. Ceux qui répondent à nos questions à
Shada concernant les causes de leur migration représentent environ 18.57
%.
Education : La quête d'une bonne
éducation est l'une des grandes causes de migration, selon la
révélation faite par les habitants de Shada. Les personnes qui se
déplacent à la recherche du pain de l'instruction pour
elles-mêmes et / ou leurs enfants constituent 21.43 % des cas, en
moyenne. Cette situation est due à cause des manques ou absences
d'infrastructures scolaires dans les milieux ruraux. La personne qui est
contrainte d'envoyer à l'école son enfant au Cap- Haïtien
doit avoir un minimum financier afin de louer ou acheter une maison. Faute de
ce minimum, il est obligé d'aller s'installer à ce quartier qui
ne l'exige pas trop.
81 Gérard Pierre-Charles, Economie
Haïtienne et sa voie..., p.91
POLITIQUE : Les autres cas comme celui
de la politique s'élèvent à 7.14 %. Ce dernier s'explique
avec les troubles politiques de 1986 où l'on pratiquait le
déchoucage des chefs sections et les « adjoints » dans les
milieux ruraux et des miliciens « les tontons macoutes » dans les
villes. Ces personnes-là sont obligées de chercher des endroits
plus ou moins propices afin de se faire protéger contre toute sorte
d'attaque, c'est ainsi que les gens envahissent des terrains vides de la
zone.
Tableau 3.2- Répartition des zones de
provenance des habitants de Shada
Aire
|
Quantité
|
%
|
Dondon
|
16
|
22.86
|
Bahon
|
9
|
12.86
|
Saint-Raphaël
|
12
|
17.14
|
Limonade
|
5
|
7.14
|
Grande Rivière du Nord
|
7
|
10
|
Ranquite
|
3
|
4.29
|
Limbé
|
4
|
5.71
|
Port-Margot
|
3
|
4.29
|
Marmelade
|
2
|
2.86
|
Né dans la zone
|
9
|
12.86
|
Total
|
70
|
100
|
Source : Notre enquête, 2006
Type d'Union constaté à Shada :
L'enquête nous révèle que plus de 24 % des
familles sont séparées. Cela représente plus de 20 % des
familles qui sont dirigées par des hommes et 26 % de celles
dirigées par des femmes. Plus de 14 % des unions sont faites de
façons régulières, soit environ 13 % de la situation des
hommes et plus de 14 % chez les femmes. Selon l'enquête plus de 51% des
chefs
de famille vivent en union libre, situation de plus de 34 des
hommes et 39 %, le cas des femmes chefs de famille.
Tableau 3.3- Répartition des types de relations
conjugales
|
Hommes
|
Femmes
|
Total
|
|
Effectif
|
%
|
Effectif
|
%
|
Effectif
|
%
|
Séparé
|
6
|
20.69
|
11
|
26.83
|
17
|
24.29
|
Marié
|
4
|
13.79
|
6
|
14.63
|
10
|
14.29
|
Concubinage
|
15
|
34.48
|
21
|
39.02
|
36
|
51.43
|
Célibataire
|
4
|
13.79
|
3
|
4.29
|
7
|
10
|
Total
|
29
|
100
|
41
|
100
|
70
|
100
|
Source : Notre enquête, 2006
- MAUVAIS LOGEMENT:
Au seuil du 21ème siècle où l'avancement
de la technologie permet à l'homme de penser à la colonisation de
l'espace, cette étude nous a permis de constater que la majorité
des habitants vivant à SHADA croupit dans les conditions les plus
primitives, qu'on pourrait même qualifier d'infrahumaines. Ils souffrent
d'une pénurie de logements. Ils s'abritent dans des maisonnettes
délabrées, mal construites et surpeuplées. La
majorité des familles, composée jusqu'à 5 personnes,
vivent dans une pièce de moins que 4 m2. Cette situation les
oblige de pratiquer une stratégie communément appelée :
«dòmi pa relèv». Ils construisent à
proximité de la mer, sur des déchets, des bagasses, etc. Ces
maisonnettes de désespoir représentent un véritable enfer
sur terre, pourtant cela fait souvent l'affaire de certains dirigeants
étatiques (politiques) ou des ONG quand il y a des catastrophes
naturelles, telles, les inondations, etc.
Conséquences:
Les gens deviennent des «laisser pour contre». Ils
cherchent à eux seuls à gagner le pain quotidien, sans aucun
soutien social, ce qui encourage aussi le développement vertigineux du
secteur informel. Ils forment aussi une cachette de clientélisme
politique au service des politiciens (Déchouquage, manifestations,
...)
Autres conséquences: Propagation de la Tuberculose,
Promiscuité, sida, beaucoup de victimes lors des inondations et
autres.
Tableau 3.4- Répartition du niveau
d'éducation des chefs de ménage
|
Hommes
|
Femmes
|
Ensemble
|
Niveau d'instruction
|
Effectif
|
%
|
Effectif
|
%
|
Effectif
|
%
|
Aucun
|
9
|
31.04
|
16
|
39.02
|
25
|
35.71
|
Préparatoire
|
5
|
17.24
|
7
|
17.07
|
12
|
17.14
|
4e - 6e AF
|
5
|
17.24
|
4
|
9.76
|
9
|
12.86
|
7e - 9e AF
|
3
|
10.35
|
5
|
12.20
|
8
|
11.43
|
3e Sec. -Philo
|
3
|
10.35
|
4
|
9.76
|
7
|
10
|
Université
|
1
|
3.45
|
1
|
2.44
|
2
|
2.86
|
Professionnelle
|
3
|
10.35
|
4
|
9.76
|
7
|
10
|
Total
|
29
|
100
|
41
|
100
|
70
|
100
|
Source : Notre enquête, 2006
SECTION 4- CAUSES ET TYPOLOGIE DE LA PAUVRETE A SHADA
+ ETRE ISSU D'UNE FAMILLE PAUVRE :
A SHADA, notamment au numéro 2, il y a une
pauvreté chronique qui fait rage. 43 personnes sur 70
questionnées déclarent avoir vécu leur enfance dans la
pauvreté. Précisément, ceux qui à la campagne
n'avaient pas eu de parents possédant de terre, bétail ou autres
biens. D'autres
qui naissent dans le bidonville, avaient des parents qui ne
possédaient rien en terme de propriété (maison, terrain,
voitures, ...). Ils soulignent, également, leur limitations à la
non scolarisation.
Conséquences : Ces personnes n'ont
presque aucune éducation de base qui aurait pu leur permettre d'avoir un
métier ou une activité économique rentable en vue de les
aider à survivre.
Rares, sont ceux qui déclarent avoir eu de richesse et
devenus pauvres, sauf dans le cas des gens qui gagnaient de l'argent dans la
loterie et en faisaient de mauvaise gestion.
· · Absence ou manque d'encadrement:
Dans tous les pays, le rôle premier de l'Etat est
d'assurer la sécurité des citoyens. Notre observation à
SHADA nous amène à constater la faillite de l'Etat Haïtien
à ce point de vue où toute la population est laissée pour
compte. Il y a une insatisfaction totale des besoins fondamentaux. Au cours de
ce travail, nous avons été mis en face d'une
réalité, celle de la polarisation de la société
haïtienne. L'inégalité sociale, la mauvaise
répartition des biens et services est criante. Les disparités se
manifestent notamment dans le pouvoir d'achat, l'alimentation et la nutrition,
logement, le niveau de l'éducation, l'accès à l'eau
potable et autres services de bases. En constatant ce qui se passe dans ce
bidonville, l'étude nous pousse, justement, à demander où
est l'Etat Haïtien? Pour reprendre le professeur Kern, « on reste de
façon impuissante à constater que le niveau du pouvoir d'achat
des groupes sociaux désavantagés continue d'être plus
dérisoires. Sa régression est la règle: elle est à
l'origine d'un appauvrissement croissant qui ne permet pas aux masses
populaires urbaines et rurales de se procurer les biens de consommation et les
services indispensables. A l'inverse, l'accroissement du pouvoir d'achat reste
la norme pour les minorités dirigeantes, qui s'enrichissent
continuellement »82. On peut facilement remarquer dans beaucoup
de zones dans le pays, en particulier à SHADA où des gens ne
peuvent pas arriver à se procurer le strict minimum indispensable pour
apporter à l'organisme la somme d'énergie nécessaire pour
le bon fonctionnement du corps, faute de moyen économique.
Tableau 3.5- Evolution de la consommation des
ménages sur l'ensemble du pays
|
1986-1987
|
1999-2000
|
Alimentation
|
48.00 %
|
55 %
|
Logement, transport, habillement
|
29.8 %
|
30 %
|
Santé
|
2.2 %
|
3 %
|
Education
|
5.3 %
|
3 %
|
Autres
|
14.7 %
|
8%
|
Total
|
100 %
|
100 %
|
Source : IHSI, Enquête budget consommation,
1986-87 ; 1999-2000
+ ÉDUCATION :
« L'instruction est fort peu répandue dans le pays
qui ne dispose pas d'un système d'enseignement national
généralisé, contrairement au Costa Rica ou à Cuba
par exemple. L'ensemble des effectifs scolaires aux différents niveaux
de l'enseignement reste inférieur à 1 500 000. Les taux de
scolarisation nets comptent les plus faibles du continent américain 48.3
% pour l'enseignement primaire, 10.1% pour l'enseignement secondaire et 1.1%
pour l'enseignement supérieur. L'inefficacité du système
se mesure notamment à la grave déperdition d'effectifs
résultant de l'importance des taux de départ
prématuré : seulement
10% des élèves complètent le cycle
d'études auquel ils sont régulièrement inscrits.
L'analphabétisme atteint plus de 50% de la population de plus de 15 ans
»83 . Comme nous l'avons vu au point 1,
concernant l'historique de SHADA, on a pu constater que les gens venaient dans
la zone en vue de trouver un mieux être. Au point de vue éducatif,
on voit que le milieu rural est marginalisé par les décideurs. A
titre d'exemple, du total de 2.5% du PIB dépensé par le
gouvernement, en 1993, seulement 20% étaient destinées aux zones
rurales où vivent 70% de la population. Le coût direct moyen par
étudiant varie considérablement par
région et type d'école et met en évidence de
grandes inégalités dans les opportunités
d'éducation84.
Notre enquête révèle que 30 % des adultes
de la population de Shada ont un niveau primaire, 34.48 % des hommes et 15.71 %
des femmes. Les chefs de famille analphabètes atteignent jusqu'à
35.71% de l'ensemble, soit 3 1.04 % au sein des hommes et 39.02 % des femmes
chefs de famille. Ils ont aussi, un niveau très bas en classe
secondaire, soit un pourcentage représentant un total de 21.43 %, soit
20.7 % chez les hommes et 21.96 % chez les femmes. Le niveau supérieur
est atteint jusqu'à 2.86 %, soit 3.45 % Chez les hommes et 2.44 % chez
les femmes. 10 % des chefs de familles fréquentent l'école
professionnelle.
Tableau 3.6- Distribution du niveau d'éducation
des chefs de ménage
|
Hommes
|
Femmes
|
Ensemble
|
Niveau d'instruction
|
Effectif
|
%
|
Effectif
|
%
|
Effectif
|
%
|
Aucun
|
9
|
31.04
|
16
|
39.02
|
25
|
35.71
|
Préparatoire
|
5
|
17.24
|
7
|
17.07
|
12
|
17.14
|
4e - 6e AF
|
5
|
17.24
|
4
|
9.76
|
9
|
12.86
|
7e - 9e AF
|
3
|
10.35
|
5
|
12.20
|
8
|
11.43
|
3e Sec. -Philo
|
3
|
10.35
|
4
|
9.76
|
7
|
10
|
Université
|
1
|
3.45
|
1
|
2.44
|
2
|
2.86
|
Professionnelle
|
3
|
10.35
|
4
|
9.76
|
7
|
10
|
Total
|
29
|
100
|
41
|
100
|
70
|
100
|
Source : Notre enquête, 2006
84 Notes de cours Economie haïtienne,
Haïti : Lutte contre la pauvreté
Tableau 3.7- Coût direct annuel de scolarisation
par étudiant et par type d'école (1993)
PROVINCE
|
ECOLES CATHOLIQUES
|
ECOLES PROTESTANTES
|
ECOLES NON-
CONFESSIONELLES
|
|
75
|
83
|
125
|
Artibonite
|
|
|
|
|
43
|
41
|
55
|
Centre
|
56
|
59
|
53
|
Grand-Anse
|
170
|
89
|
111
|
Nord
|
67
|
64
|
105
|
Nord-est
|
76
|
86
|
129
|
Nord-ouest
|
226
|
191
|
341
|
Ouest
|
76
|
79
|
75
|
Sud
|
49
|
64
|
74
|
Sud-est
|
|
|
|
Total
|
108
|
100
|
167
|
Source : FONHEP, 1994
Selon la constitution, il est clairement dit que «
l'État garantit le droit à l'Éducation, il veille à
la formation physique, intellectuelle, morale, professionnelle, sociale et
civique de la population. »85. Toutes les grandes
sociétés font de l'alphabétisation de masse, le
développement de l'enseignement supérieur et de la formation
scientifique une des priorités majeures, vu leur importance dans le
développement. Ici, en Haïti, c'est le contraire qui se pratique.
N'est-ce pas l'une des bases de la pauvreté ? ). « En 1995, selon
un rapport publié par le PROGRAMME DES NATIONS UNIS POUR LE
DEVELOPPEMENT (PNUD), l'analphabétisme des adultes était
évalué à 55%. En Haïti, indique la Banque Mondiale
(1998 : 3), la dotation en capital humain et matériel est faible.
Quelques 58% des chefs de ménage ne savent ni lire ni écrire, 34%
ont suivi six années de scolarisation, 6% ont terminé le cycle
supérieur et 0.4% ont obtenu un diplôme universitaire
»86. Pour des raisons strictement économiques, les
élèves issus de classes ou couches sociales
différenciées ne bénéficient pas de chances
égales en matière d'accès au système
éducatif. « On observe que les groupes sociaux
défavorisés, dont les ressources exiguês ou incertaines ne
peuvent financer les
85 Constitution de 1987, Article 32
86 Fred Doura, p.162
dépenses d'éducation, sont victimes d'une
discrimination de fait sanctionnée d'ailleurs par les pouvoirs publics.
Par contre, les taux d'accès aux différents niveaux
d'enseignement sont relativement élevés pour les enfants en
provenance des couches sociales aisées disposant de revenus
substantiels. Ici, l'origine sociale de l'élève produit son effet
dès l'age de scolarité élémentaire
»87.
De nos jours, le problème de l'éducation est
quasiment le même à travers tout le pays. Des écoles
situées au coeur de Port-au-Prince, la capitale du pays, ne sont pas
à l'abri des problèmes rencontrés aux autres écoles
des provinces, notamment dans les bidonvilles. Nous pouvons considérer
le cas de l'Ecole Nationale Claire Heureuse qui a fait la une au niveau de la
presse, quand le journaliste Gaspard Dorélien a mis nu l'état
exécrable dans lequel se trouve l'école nationale. Selon les
propos du journaliste « la vie dans cette école n'est ni claire, ni
heureuse pour les professeurs, encore moins pour les trois groupes
d'élèves qui fréquentent l'établissement
»88. Cette école souffrance de la négligence de
nos dirigeants au niveau du Ministère de l'Education Nationale et de la
Formation Professionnelle (MENFP) qui ne font rien pour redresser la situation
des écoles, notamment celles appelées « école
nationale », destinées surtout à recevoir les enfants les
plus pauvres de la société. L'exemple de l'école Claire
Heureuse que nous venons de citer, abritant « environ un millier
d'élèves, du préscolaire à la
6ème année fondamentale, en trois vacations,
hébergée dans deux bâtiments différents. Le premier
qui compte six chambrettes mal aérées et mal
éclairées est une ancienne maison qui pourrait s'écrouler
à la moindre secousse. Le second bâtiment, plus récent et
en béton comprenant deux salles, abrite les classes septième
année.
Le nombre de bancs est insuffisant et sont en majorité
en piteux état... Une chambre est convertie en quatre salles de classe.
Chacune est séparée par des contreplaqués troués et
qui manque par endroits. Deux élèves de deux classes
différentes peuvent aisément communiquer entre eux. Imaginons la
cacophonie et/ou l'interférence qui doivent quotidiennement
régner quand plusieurs classes font à haute voix, lecture ou
récitation de tables de calcul, comme cela se fait,
généralement, en Haïti dans les écoles
primaires89. De l'avis de plus d'un, le maire de cette ville devait
classer cette maison comme danger public et la fermer pour rénovation.
Elles sont légions, les écoles nationales situées au coeur
de Port-au-
87 Kern, p267-268
88 Le Nouvelliste, Une année académique
ni claire ni heureuse, No 37474, mercredi 30 août 2006
89 Idem
Prince se trouvant dans le même état que Claire
Heureuse. On retrouve des problèmes similaires dans d'autres endroits du
pays, à titre d `exemple, « dans le Bas comme dans le Haut Plateau
central, les problèmes du systèmes éducatif sont presque
identiques. Avec force d'exemples, les professionnels de l'éducation ont
dressé un tableau plutôt sombre de l'enseignement dans cette
région. Professeurs non payés, état pitoyable des
écoles nationales, élèves qui doivent marcher plus de 10
kilomètres, écoles « borlettes » et personnel souvent
incompétent, mauvaise gestion, incapacité des responsables
à contrôler le nombre et le fonctionnement réel des
écoles du département, le système éducatif est
manifestement malade dans le plateau centrale »90. Les
écoles n'ont pas les moyens de bases pour fonctionner, tels : bancs,
bibliothèque, papiers, absence de toilette ou latrines etc. Les
professeurs travaillent dans des conditions vraiment difficiles et la situation
des élèves est pire. A SHADA, au Cap-Haïtien, l'état
piteux du système éducatif. Considérerons, l'enseignement
du premier cycle fondamental. Il en existe seulement 5 Écoles primaires,
dont une école nationale où sa cour sert aussi comme
marché public. Chacune possède en moyenne 3 enseignants,
c'est-à-dire, 1 enseignant pour 2 classes, en moyenne. Ces enseignants-
là, pour la grande majorité n'atteignent pas une étude
jusqu'au 2ème cycle fondamental. Les bâtiments qui sont
plus en piteux états se trouvent à Shada II où l'on a 3
chambrettes pour 6 classes. On est obligé de les séparer en deux.
Les élèves s'entassent, certains sont obligés de rester
débout à la fenêtre. Cette situation est le résultat
des salles trop éxiguies ou manque de bancs. Les professeurs n'ont pas
même un espace pour placer leur bureau. Le directeur de l'école
nationale de Shada déclare qu'il pourrait faire mieux, malheureusement
il ne trouve pas le soutien du Ministère de l'éducation Nationale
et de la
Formation Professionnelle (MENFP). C'est la direction de
l'école qui doit elle-même se procurer les matériels
didactiques, la craie, papiers, etc.
Avec cette maigre présence d'école à
SHADA, on a pu constater seulement 2 enfants sur 10 vont à
l'école. Les causes sont dues notamment du niveau élevé du
chômage qui sévit trop longtemps dans ce quartier. A ce point, en
se référant à l'enquête de l'IHSI (2001), il y a un
rapport assez étroit entre la pauvreté et l'éducation.
Selon ce rapport, de plus fortes incidences de la pauvreté sont
associées aux niveaux d'éducation les plus faibles (primaires,
P.E :51%) où à l'absence de tout bagage scolaire (aucun niveau,
P.E : 68%).
La qualité de l'éducation à Shada est
dramatiquement faible. Selon une enquête du Ministère de
l'Education Nationale, « seulement 43% des élèves entrant en
première année arriveront à la cinquième, et 29%
seulement arriveront à la sixième année. La moitié
des élèves du primaire ont passé l'age. La proportion
atteint 89% en cinquième année, où l'age moyen est de 15,3
par rapport à un age théorique de 11 ans. La mauvaise
qualité provient du grand nombre d'enseignants non qualifiés et
non motivés, du manque de manuels scolaires, du développement non
coordonnés de programmes scolaires et de matériels
pédagogiques, et des mauvaises installations »91. Sans
une éducation saine, on n'arrivera jamais au développement.
Aujourd'hui l'éducation n'est pas seulement une question d'ordre
sociale, mais elle est aussi économique. Comme le démontre
MICHAEL Porter, lors d'une conférence destinée à des chefs
d'entreprises latino-américains « l'éducation est une
question de compétitivité économique et pas seulement une
question sociale »92. Le fait que les gens n'ont pas de moyens
financiers pour envoyer leurs enfants a l'école, ils sont
condamnés dans une sorte de cercle vicieux ou les mêmes causes
produiront dans les temps à venir les mêmes effets. Avec moins de
34 à 40 gourdes par jour. Ces familles se composent, aussi, avec 3
à 6 enfants. Les personnes appartenant à cette tranche ont comme
principale activité la cordonnerie et le petit commerce. La
dernière tranche se composant de
plus de 20 % des chefs de famille pratiquant comme
activité maçon, ferronnerie et la charpenterie. Leurs revenus se
situent entre 1201 et 1400 gourdes. Ils doivent s'efforcer également
pour prendre soin, peu qu'il soit, avec moins de 41 gourdes à 47 gourdes
par jour.
EAU POTABLE :
Un spécialiste du PNUD, déclare l'absence
d'accès à l'eau potable, est à l'origine de la mort de
près de deux millions d'enfants tous les ans et contribue à
creuser le fossé entre les pays riches et pauvres, affirme le Programme
des Nations Unies pour le développement. A la lumière de ce
rapport, on peut sans aucun ambages déclarer que le problème de
l'accès à l'eau potable devient une préoccupation
mondiale. « Les causes profondes de la crise de l'eau sont liées
à la
91 Notes de cours de l'Economie haïtienne,
Haïti, La lutte contre la pauvreté, p.29
92 CLED, p.30
pauvreté, aux inégalités, aux relations de
pouvoir déséquilibrées ainsi qu'à des politiques
inadaptées de gestion de l'eau qui exacerbe de
ressources»93.
Les infrastructures en eau et assainissement d'Haïti sont
pour une large part déficientes, notamment en zone urbaine. En 2005,
l'UNICEF estime à « 45% le pourcentage de la population
haïtienne ayant accès à l'eau potable. Ceci conjugué
à une forte croissance démographique et à un très
fort exode rural, les installations existantes (points d'eau, pompes, canaux de
drainages, latrines, etc.) sont souvent sur-sollicitées et en l'absence
d'entretien souvent dans un état déplorable »94.
L'enquête que nous avons menée à SHADA nous décrit
des scènes stupéfaites, encore. L'institution qu'on appelle
Service National d'Eau potable (SNEP) paraît être inconnue pour
beaucoup de gens questionnés. Sur 50 personnes, 10 d'entre elles savent
le rôle de l'institution, 14 avouent avoir l'habitude d'en entendre
parler vaguement et 26 déclarent l'ignorer. Tout cela, c'est juste pour
montrer la quasi-absence de ce service dans ce bidonville. L'eau potable y est
acheminée par bidon acheté en petite quantité. On y fait
un recyclage intensif de l'eau qui est constamment
récupérée et réutilisée. Comme ce qu'a
révélé le rapport 2006 du PNUD, où « chaque
jour des millions de femmes et de jeunes filles vont chercher de l'eau pour
leurs familles, un rituel qui renforce l'inégalité des sexes face
à l'emploi et l'éducation. », les habitants de Shada se sont
livrés à eux-mêmes. Ils sont obligés de parcourir
des kilomètres, de s'abonner avec des marchands ambulants, ou se creuser
un puits afin de se procurer de l'eau. Le PNUD met aussi en exergue la
situation sanitaire déplorable dans nombre de bidonvilles en Afrique et
cette situation n'est pas différente à ce qui se passe dans les
bidonvilles en Haïti, notamment à Shada.
Conséquences : Diarrhées,
typhoïde et autres...
Selon Guillaumont, les besoins fondamentaux ont des
caractères communs, leur satisfaction peut être mesurée
grâce aux indicateurs sociaux et elle est susceptible d'accroître
la productivité humaine. Ils sont nombreux, des chefs de famille
résidant à Shada II, à déclarer être venus
des zones rurales en quête de meilleures conditions de vie. Mais au lieu
de trouver un logement décent et sûr, ils sont confrontés
à une dure réalité ne leur permettant pas d'élever
leurs enfants, considérés comme leur « seul bien ». Il
n'y a quasiment aucune infrastructure de
93 Kema Dervis, PNUD, 2006
94 Action contre la Faim, Haïti, p.3
base à Shada II. Toutes les conditions sont réunies
pour dire que le Shada est en état d'extrême pauvreté.
SECTION 5. ANALYSE ECONOMIQUE DES RESULTATS DE
L'ENQUETE :
Le gros de la population est condamné à des
niveaux de vie médiocres, qui tendent à s'empirer. Cette
réalité est claire à SHADA, où la population se
demande, chaque jour, quoi faire ? Les enfants, pour la grande majorité,
ne peuvent pas aller à l'école et prendre un repas normal par
jour ; promiscuité ; maladies ; délinquance, développement
des « Banks » de borlette et autres jeux de hasard, etc. Bref, ils ne
voient où s'en aller. C'est le désespoir. Pourtant, en
dépit de leur triste réalité, selon l'observation de SIMON
M. Fass, spécialiste en urbanisation, « ces gens ordinaires sont,
en fait, extraordinaires au moins sur un point. Leurs revenus sont bas, si bas
que la moindre erreur sérieuse de jugement ou le moindre accident peut
souvent menacer la survie de tout un foyer en tant que tel ou celle des
individus qui le composent. Ce qui est extraordinaire ce n'est pas tant la
pauvreté elle-même que la capacité de ces gens à
survivre malgré elle. D'ailleurs, ils ne se contentent pas de survivre.
Ils s'engagent eux-mêmes de façons actives et agressives dans ce
qui peut apparaître comme un processus constant de production-
reproduction au minimum, au niveau de revenu qui leur permet de survivre...
»95.
En fait d'une manière globale, les problèmes de
revenus qui est le résultat direct de la baisse de la
productivité du secteur primaire ont porté beaucoup de paysans
à se tourner le dos à la campagne et à venir gonfler les
rangs des bidonvilles. Pour eux, les centres urbains constituent leur espoir
ultime. Pour mieux présenter l'aspect économique de notre
enquête, nous allons surtout mettre l'emphase sur le chômage et
emplois, le revenu, la consommation des familles vivant dans ce bidonville.
EMPLOIS ET ABSENCE DE TRAVAIL
Les chefs de famille sont ceux qui ont la
responsabilité de prendre soin de la famille du point de vue
éducationnel, sanitaire, logement, nutritionnel,... Une majorité
d'entre eux, questionnée déclare n'avoir pas de travail à
faire. 40/70 sont des professionnels de petits métiers (cordonniers,
maçons, ferronnier, charpentier, ...) et les autres n'en ont pas. Pour
bien remplir sa mission, le chef de famille doit avoir une occupation. Ce qui
est anormal, selon tout ce qu'on a remarqué à Shada I et II, plus
de 61 % des responsables de familles sont en situation de chômage, soit
environ 58 % de la condition des hommes et 63 % de celle des femmes. Seulement
38 % de l'ensemble, soit environ 41 % des hommes et 36 % en moyenne dans le cas
des femmes chef de famille, ont quelques choses à faire. Cette situation
oblige beaucoup d'entre eux à pratiquer de la pêche occasionnelle
ou de portefaix. Ce sont alors majoritairement des personnes isolées ou
de familles monoparentales et dans une moindre mesure des couples avec 3
à 6 enfants. Ici, la pauvreté prend un sens monétaire qui
est lié surtout du taux élevé du chômage dans la
zone. Selon l'étude, les femmes sont les premières victimes du
chômage (63.41%) et cette situation crée leur situation de
dépendance par rapport aux hommes qui sont occupé à plus
de 41 %.
Tableau 3.8- Nombre de familles en situation de
chômage ou occupé
|
Hommes
|
%
|
Femmes
|
%
|
Total
|
%
|
Occupés
|
12
|
41.38
|
15
|
36.59
|
27
|
38.57
|
Chômeurs
|
17
|
58.62
|
26
|
63.41
|
43
|
61.43
|
Total
|
29
|
100
|
41
|
100
|
70
|
100
|
Source : Notre enquête, 2006
Le chômage transforme leur espoir en désespoir.
L'absence d'emploi, d'éducation, et d'encadrement transforme ce lieu en
un « enfer sur terre ». SHADA est dépourvue de richesse, sauf
la mer en situation normale aurait pu permettre aux habitants de la zone
d'avoir la possibilité de subsister (pêche, tourisme,...).
Hélas ! les gens l'ont mal utilisées notamment
avec la pratique déboisement des palétuviers,
les dépôts d'ordures, ... En constatant cette situation, on se
demandait: Quelle stratégie utilisée par ces habitants faisant
partis du groupe de plus de 61 % de la population en situation de chômage
? L'enquête révèle que plus de 30 % de cette entité
reçoit du transfert venant des parents vivant notamment à
République Dominicaine ou Providenciales « Turks and Caicos »
; plus de 25 % vivent au dépend des voisins ou amis ; 13 % environ
vivent de la mendicité ; plus de 23 % fonctionnent avec l'aide de
l'église et les autres, soit près de 7 % subsistent avec des
moyens divers.
Tableau 3.9- Moyen de subsistance des gens en Situation
de chômage
|
Quantité
|
%
|
Transfert
|
13
|
30.23
|
Solidarité des voisins/ amis
|
11
|
25.5 8
|
Mendicité
|
6
|
13.95
|
OEuvres Ecclésiales
|
10
|
23.26
|
Autres
|
3
|
6.98
|
Total
|
43
|
100
|
Source : Notre enquête, 2006
Il est important de faire remarquer que les 38 % des chefs de
familles qui déclarent être occupés, travaillent dans des
activités différentes du métier appris, le plus souvent.
Voyons les différents types d'activités.
Tableau 3.10- Type d'activités des personnes dites
occupées
Activités
|
Quantité
|
%
|
Charpentier
|
3
|
11.11
|
Portefaix
|
4
|
14.81
|
Journalier
|
4
|
14.81
|
Pêcheur
|
4
|
14.81
|
« Bonne » / Lessiveuse
|
3
|
11.11
|
Gardien
|
2
|
7.40
|
Maçon
|
2
|
7.40
|
Ferronnier
|
1
|
3.70
|
Petit Commerçant
|
3
|
11.11
|
Cordonnier
|
1
|
3.70
|
Total
|
27
|
100
|
Source : Notre enquête, 2006
Selon le tableau précédent, on voit que cette
population occupe surtout des petites activités pouvant juste leur
permettre de subsister. Les activités de portefaix, la pêche et
journalier « vann jounen », comme on l'appelle en créole,
représentent à chacun respectivement un total de 14.81 % ; il y a
aussi les charpentiers, les servantes ou lavandières, ainsi que les
petits commerçants qui représentent tour à tour 11.11 % ;
il s'en suit des gardiens des maisons ou boutiques et les maçons qui
occupent une valeur de 7.40 % et enfin, les ferronniers et les cordonniers qui
représentent 3.70 % du total.
Revenu Produit Par les Activités des Habitants de
Shada
L'étude nous a révélé des situations
pires de ce qu'on aurait pensé. Il y a une situation de chômage
déguisé qui se répand grandement dans ce bidonville. On se
demande
que fassent ces chefs de familles pour répondre à
leur responsabilité, vu leur maigre revenu. Le tableau ci-dessous nous
donne une idée quantitative pour mieux apprécier cet état
de fait.
Tableau 3.11- Revenu produit par Habitant
TRANCHE REVENU Par Mois en gourdes
|
NOMBRE DE CHEFS DE FAMILLE
|
POURCENTAGE
|
500 - 600
|
4
|
14.82 %
|
601 - 700
|
5
|
18.51 %
|
701 - 800
|
3
|
11.11 %
|
801 - 900
|
3
|
11.11 %
|
901 - 1000
|
4
|
14.82 %
|
1001 - 1100
|
2
|
7.41 %
|
1101 - 1200
|
3
|
11.11 %
|
1201 - 1300
|
2
|
7.41 %
|
1301 - 1400
|
1
|
3.70 %
|
TOTAL
|
27
|
100 %
|
Source : Notre enquête, 2006
Notre attention se porte surtout par le fait que les revenus
des habitants de Shada disant être occupés se situent entre 500 et
1400 gourdes. Au niveau de la répartition de cette tranche, on peut
constater que près de 60 % de cette population vivent avec un revenu
inférieur ou égal à 1000 gourdes par mois. Nous nous
sommes demandés quelle marge de manoeuvre a un chef de famille avec 16.7
gourdes à 33.33 gourdes par jour, pour offrir les besoins de bases
à sa famille composée le plus souvent de 4 à 6 enfants.
Cette catégorie fait partie des personnes ayant comme activité de
portefaix, vendeur de journée, la petite pêche, servantes ou
lavandières et gardien de maisons ou de magasins. Il y a aussi
près de 20 % de chefs de famille qui ont un revenu mensuel se trouvant
entre 1001 et 1200 gourdes. Ces chefs de familles, quoiqu'ils soient mieux par
rapport à la première catégorie, eux aussi doivent
consentir des efforts considérables pour vivre.
Faible alimentation:
« Il est hors de doute que le volume global de
la consommation privée reste faible par rapport à l'importance de
la population. Les niveaux de consommation varient en effet avec le montant de
ressources monétaires qui leur donnent naissance. La demande est
fonction du pouvoir d'achat et du niveau des prix. La médiocrité
du revenu, aggravée par l'inflation, a pour effet de maintenir la
demande à des niveaux très bas. La faiblesse de la consommation
moyenne se manifeste dans tous les domaines... Parmi les dépenses des
ménages, le plus important est celui de l'alimentation, qui absorbe
environ 50% du budget. La modicité des dépenses alimentaires
n'autorise qu'une consommation moyenne de 1700 calories par jour, d'où
le déficit de 25% par rapport aux besoins minima. En dehors d'une
insuffisance globale de calories, le régime alimentaire se
caractérise par une forte consommation de céréales et de
tubercules. Par contre, la consommation de viande, de légumes, de
produits laitiers, de graisses, d'oeufs et de poissons, reste trop faible
»96. Dans la grande majorité, la population est
gravement mal nourrie, conséquence directe de la faim qui sévit
dans le pays de manière chronique. On constate que le plus grand nombre
de la population haïtienne a de jours en jour de très grandes
difficultés à se nourrir, ce qui entraîne de graves
incidences sur leur état de santé, notamment des cas de
malnutritions fréquentes.
« La situation alimentaire demeure particulière
alarmante. Plus d'un, pourtant, reste convaincus que le problème
alimentaire haïtien n'est pas à rechercher du coté de la
disponibilité de la nourriture, puisque selon ces personnes les
marchés locaux sont en règle générale bien
achalandés. Mais les Haïtiens citadins les plus vulnérables
souffrent d'un manque frappant de revenus et donc d'accès à une
nourriture en quantité et en qualité suffisante. En Haïti,
plus de 70% de la population serait en chômage »97.
L'état nutritionnel des habitants est très faible. Selon
l'enquête menée à SHADA, en voici le sombre tableau sur 70
personnes questionnées:
6 déclarent avoir la possibilité de prendre 2
plats chauds par jour;
26,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,,
,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,,,,,,, 1 , ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, , ,, ,, ,,
,,,,,;
38 déclarent avoir l'habitude de passer une
journée, assez souvent, sans rien prendre. Cette situation occasionne
fréquemment des cas de maladies. Cette situation conduit le plus
souvent
96 Kern, p.264
97 Action Contre la faim, p.5
à la malnutrition. On sait pertinemment que quand cette
dernière apparaît sous forme de malnutrition
protéino-énergétique chez les enfants d'age scolaire, en
particulier de 5 à 15 ans, cela dérange énormément
la capacité intellectuelle de bien appréhender les choses. «
A cinq ans, les enfants ont pratiquement la même alimentation que les
adultes. Elle est donc souvent insuffisante en qualité et en
quantité. Dans les cas de pénuries alimentaires
saisonnières (période de soudure), on note chez les enfants de
paliers dans leurs courbes de poids, mais ces stagnations alternent avec une
période de croissance accélérée après la
récolte. L'insuffisance globale de la ration alimentaire résulte
d'une mauvaise répartition des repas dans la journée. Souvent les
restes de la veille sont insuffisants. L'enfant va à l'école et y
passe la journée sans manger. A cela, s'ajoutent les longues distances
parcourues pour atteindre l'école : les besoins
énergétiques de l'enfant sont donc majorés.
Conséquences : Les alternances
de sous-alimentation et de suralimentation sont préjudiciables au
développement physique harmonieux de l'enfant. Il présente un
retard de croissance ainsi que certaines difficultés d'attention et
d'apprentissage à l'école »98.
La continuité de la régression de
l'économie nationale menace la viabilité de la formation sociale
haïtienne. Elle crée une situation anormale qui deviendra difficile
à maintenir, à mesure que le rétrécissement du
niveau de vie porte sur les biens alimentaires indispensables99.
Comme nous l'avions déjà dit, les faits économiques ne
peuvent pas démontrer, à eux seuls, le caractère
monstrueux de la pauvreté dans ce bidonville. C'est pourquoi, notre
étude s'est intéressée aussi à l'analyse
sociale.
SECTION 6. ANALYSE SOCIALE DES RESULTATS DE
L'ENQUETE EN TERMES D'INCIDENCES DE LA PAUVRETE ET DE
COUVERTURE SOCIALE.
En analysant le phénomène de la pauvreté,
nous aurions pu nous concentrer uniquement sur l'aspect économique du
problème. Cependant la science économique étant une «
science sociale qui a pour objet l'étude et la recherche de « lois
» permettant d'expliquer les
98 LE NOUVELLISTE, 14-05-07, Les différentes
formes de malnutrition, p.21
99 Kern Delince, p.228
mécanismes qui gouvernent la production, la
consommation et l'échange de biens et services ou encore, sur la
manière dont les individus décident d'affecter, au meilleur
coût possible, telle ressource au système productif en vue de
satisfaire des besoins de consommation individuels et collectifs,
présents et futurs »100, selon la définition
donnée par l'économiste américain Samuelson. Vue sous cet
aspect, la science économique ne peut pas se dissocier des faits sociaux
quotidiens et, c'est cette constatation qui nous pousse à analyser
l'aspect social de la pauvreté à Shada. En fait, il s'agit pour
nous de mettre en évidence la nature de logements occupés et
l'habitat, de la vie au foyer, les loisirs, etc., des habitants de Shada.
Nature des logements occupés :
La localité de Shada répond théoriquement
aux différentes caractéristiques des bidonvilles, notamment sur
les formes d'habitat précaire, dépourvu d'équipement
élémentaire (eau, électricité), et dont la
construction est réalisée initialement avec des matériaux
de récupération. Cette situation est due par le fait que ces gens
venant des campagnes, résultat de l'exode rural, n'ont pas de l'argent
nécessaire pour se payer un bail normal. Ils se voient dans l'obligation
d'avoir recours à des terrains à proximité de la mer.
L'exode rural ajoute dans les grandes villes, en Haïti, une population
pauvre, dont les pouvoirs publics sont dans l'impossibilité d'assurer
l'accueil et le logement. C'est pour cela qu'ils occupent illégalement
des terrains souvent inconstructibles selon les normes habituelles. La
construction se fait selon l'opportunité d'une place libre pour
minimiser les coûts Ses unités de logement sont environ de 6
m2 pour une famille de 6 personnes en moyenne. Cet habitat traduit
les conditions de la croissance urbaine dans une société
inégalitaire. Nous devons aussi souligner le poids de la nourriture dans
leur budget, les obligeant d'habiter que ce quartier.
L'étude nous a permis de questionner les gens afin d'avoir
des réponses claires et nettes concernant leur état foncier. La
situation se présente ainsi :
100 Encyclopédie Microsoft ® Encarta ® 2004.
Tableau 3.12- Nature d'occupation des
logements
Nature
|
Quantité
|
Pourcentage
|
Locataire
|
42
|
60
|
Héritier
|
7
|
10
|
Propriétaire
|
15
|
21.43
|
Autres
|
6
|
8.57
|
Total
|
70
|
100%
|
Source : Notre enquête 2006
On constate bien qu'une très grande majorité des
occupants des maisonnettes sont en situation de location soit un total de 60 %.
En suite vient ceux qui ont leur propre unité de logement sont
estimés à 21.43 %. Puis 10 % jouit une à deux chambres de
maisons comme héritage d'un parent ou autre. Enfin, d'autres qui
habitent avec tiers ou jouissent d'une faveur d'une personne.
En fait le problème du logement ne peut se poser
isolément. En effet, on doit le contempler dans un contexte
général de développement urbain planifié incluant
les services de base, le transport, etc. Un partenariat du secteur privé
et de l'Etat s'avère nécessaire.
La vie au foyer :
Les habitants de Shada connaissent des situations difficiles
qui sont liés avec leur niveau économique tellement
précaire. Ils habitent des chambres de maisons coincées, ce qui
les pousse à vivre dans des conditions de promiscuités
avilissantes. Nous devons souligner aussi l'état de délabrement
des latrines, quand elles existent. Ils cohabitent avec la présence de
déchets (ordures ménagères). Les marres stagnantes
renforcées par des ordures ménagères à cause des
canaux obstrués constituent une menace pour la vie au foyer. Elles sont
aussi les sources de différentes maladies courantes, telles : la
malaria, la diarrhée, la typhoïde, etc. Une très grande
majorité des habitants de cette zone dit ne se sent pas à l'aise
avec le genre de vie qu'ils mènent à la maison. Ils sont
obligés d'y rester faute de moyen nécessaire pour trouver une
autre maison. Une fois que leur condition économique change, selon leur
avis,
ils laisseront la zone. On constate aussi qu'une très
grande quantité d'enfants se livrent à eux- mêmes. Ceci est
le résultat des activités des parents qui sont obligés,
malgré les vents et marrées de chercher le pain quotidien pour
leurs enfants. Ainsi, voit-on, une montée grandissante de la
délinquance juvénile. Beaucoup d'entre eux passent leur
journée à la station de Pont-neuf, à la mer ou à
travers les rues.
Le système de loisirs :
Selon l'Encyclopédie Microsoft Encarta 2004, les
loisirs sont des « activités, pratiques dites de « temps libre
», qui se définissent par opposition au temps passé au
travail. Les loisirs sont en général associés à des
notions telles que le plaisir ou le divertissement. La définition des
loisirs est fonction de l'époque dans laquelle ils s'inscrivent, mais en
règle générale ils ont toujours été le
reflet des sociétés et de leurs inégalités. Les
différentes catégories sociales
peuvent plus ou moins facilement se dégager des
servitudes du travail et ont un accès plus ou moins aisé aux
loisirs en fonction de leurs revenus »101. En tout temps,
l'homme a toujours divisé son temps en trois parties, à savoir :
le temps pour prendre son sommeil, pour faire son travail et, enfin, pour
prendre ses loisirs. Ces derniers constituent toujours un sujet de
préoccupation pour la très grande majorité des habitants
de grand bidonville. Le loisir est comme le plus grand des luxes. Nous avons
posé des questions relatives aux modes de divertissements pris par les
gens comme loisirs. Voici les réponses trouvées :
101 Encyclopédie Microsoft ® Encarta ®
2004. (c) 1993-2003 Microsoft Corporation.
Tableau 3.13- Les types de loisirs
Divertissements
|
Quantité
|
Pourcentage
|
Football
|
6
|
8.57
|
Vaudou
|
7
|
10
|
Eglise
|
10
|
14.29
|
Télévision
|
6
|
8.57
|
Cinéma de quartier
|
17
|
24.29
|
Musique (radio)
|
20
|
28.57
|
Autres
|
4
|
5.71
|
Total
|
70
|
100 %
|
Source : Notre enquête 2006
Le résultat de cette enquête nous montre que la
musique et les activités de cinéma réalisées
grâce aux initiatives de quelques personnes en vue d'en faire profit en
retour, occupe un très grand pourcentage dans le partage du temps des
loisirs, soit respectivement à 28.57 % et 24.29 % des
interviewés, ensuite, nous avons les activités ecclésiales
avec une valeur relative de 14.29 %. Les gens pour se libérer de
certains problèmes, notamment celui de la faim, passent beaucoup de
temps à jeûner, dans les réunions de prières et les
veillées de nuit. Puis, viennent ceux qui pratiquent le vaudou comme
divertissement, ils représentent 10 %, les amants ou pratiquants du
football et ceux qui ont un poste téléviseur sont à 8.57
%, tour à tour. Enfin, les autres divertissements comme jeu de hasard,
domino, carte, etc. représentent 5.71 %.
TROISIEME PARTIE :
LES MESURES DE LUTTE CONTRE LA
PAUVRETE ET ALTERNATIVES
CHAPITRE IV :
LES MESURES
TRADITIONNELLES
En ces derniers temps, à travers toutes les grandes
institutions du monde, on ne cesse de parler de la lutte contre la
pauvreté et beaucoup de ressources (économiques et humaines) se
convergent en vue de trouver la solution adéquate. Mais, jusqu'ici,
où en sommes-nous ? A qui bénéficie véritablement
cette lutte, dite contre la pauvreté ? Autrement dit, comment y arriver
?
Plusieurs voies s'offrent.
Si l'on veut considérer la logique des
néo-libéraux, c'est de laisser « le libre jeu des forces du
marché », et à long terme, tout finirait par rentrer dans
l'ordre. Cependant, selon une remarque assez surprenante faite par l'un des
experts du PNUD, Hugo FernandezFaingold :« Si la région parvenait
à croître à un taux de 6 %, sans modifier les patrons
actuels de distribution, il faudrait compter plus de trois décennies
avant que sa population puisse sortir de la pauvreté.
»103. Donc voir cette lutte d'une manière
traditionnelle, comme on le fait depuis des années, ne va pas
résoudre le problème. Il est nécessaire de changer les
canaux de distribution tout en incluant les pauvres eux-mêmes. On doit
les demander leur point de vue, notamment en ce qui concerne leur aspiration.
On doit faire en sorte que les pauvres soient réinsérés
dans les rapports sociaux leur ouvrant l'accès aux ressources, biens et
services disponibles. Nous pensons que la lutte contre la pauvreté ne
doit pas être réduite à une manière
spécifique d'intervenir en faveur des pauvres, mais elle doit être
une façon de concevoir des modèles inclusifs de
développement. Il est clair que la pauvreté représente,
aujourd'hui un grand danger. Et c'est ce que fait remarquer le directeur
général de l'UNESCO, « la pauvreté est un facteur
d'instabilité. Aujourd'hui, la pauvreté constitue la facette la
plus alarmante de l'insécurité à l'échelle
internationale... La croissance dans l'inégalité tend à
l'aggraver. Inégalité non seulement à l'échelle
internationale mais surtout à l'échelle nationale. Très
103 Fritz Deshommes, p. 224
souvent, les références aux
inégalités, aux asymétries, aux bipolarités
internationales occultent- parfois malicieusement- les inégalités
énormes, Intolérables, qui existent à l'intérieur
des différents pays »104 . Plus que jamais, on doit
chercher des voies à en sortir. Voyons les solutions qui ont
été déjà proposées.
SECTION 1. LES PROGRAMMES D'AJUSTEMENT STRUCTURELS
Avec les néo-classiques, au cours des années
1970, un terme nouveau apparut dans le domaine de la pensée
économique. Il s'agit bien du « programme d'ajustement structurel
» et ce dernier a pris un rôle déterminant dans tous les
débats socio` -économiques et au niveau de la coopération
bilatérale et multilatérale. Mais, on peut
ajouter aussi qu'au moment de la crise de la dette de 1982, au régime
soviétique débilité sont venus s'ajouter les échecs
patents des modèles de développement fondés dur des
approches « radicales » et « structuralistes » comme
l'Industrialisation par substitution des importations (ISI) mis à
l'essai en Amérique latine. Cette conjoncture a eu pour effet
d'instiller l'idée pour que le modèle capitaliste à
l'américaine fût la seule voie de développement pour les
gouvernements des pays du Sud. Les programmes d'ajustements structuraux (PAS)
proposés par le FMI et la BM ont donc pu être appliqués
sans trop de résistance105.
Cependant, les programmes d'ajustement structurels varient en
fonction du besoin d'un pays à un autre et semblent, assez souvent,
résulter de la mauvaise utilisation des recettes en devises et des
ressources de l'Etat suite à l'élévation rapide de la
valeur de leurs exportations. Selon le constat fait par GUILLAUMONT Patrick,
«quatre indicateurs de besoin d'ajustement sont retenus pour
définir un indicateur synthétique : deux indicateurs fondamentaux
: solde courant et croissance ; et deux indicateurs complémentaires :
niveau d'endettement extérieur, et de taux de change réel. Selon
les critères retenus, sont considérés comme ayant un fort
besoin d'ajustement ceux dont simultanément le solde de la balance des
paiements courants et le taux de croissance du PIB sont inférieurs
à leur valeur médiane, ou encore ceux qui combinent l'une des
deux propriétés précédentes avec un encours de la
dette extérieure ou un taux de change effectif réel
supérieur à sa valeur médiane».Nous
énumérons certains indicateurs de besoin, selon ce dernier:
104 Ibidem, p.225
105 Le Nouvelliste, No. p.11
1- Un pays dont la balance courante est déficitaire et la
croissance du produit faible, voire négative;
2- Un pays qui ne parvient à équilibrer sa
balance courante qu'au prix d'une politique déflationniste
(c'est-à-dire dont la croissance est faible ou négative). Son
besoin d'ajustement correspond à une perte de
compétitivité et dans le fait qu'il a atteint son niveau maximum
d'endettement, ce qui le condamne à équilibrer sa balance
courante. Un pays dont la croissance économique rapide s'accompagne d'un
fort déséquilibre de la balance des paiements courants et qui ne
peut espérer poursuivre sa croissance si l'encours de sa dette
extérieure limite à brève échéance le
recours aux capitaux extérieurs et si son niveau de
compétitivité compromet le rééquilibre de sa
balance106.
Ce schéma, dicté par le FMI et la BM, a conduit
les grands décideurs d'Haïti d'entrer dans ce « jeu »,
comme ce fut les cas pour d'autres pays de l'Amérique latine, à
savoir, l'application des programmes d'ajustement structurels. Malgré le
caractère messianique qu'on a voulu attribuer à ces types de
programme, pour résoudre le problème de la pauvreté dans
les pays du TIERS-MONDE, puisqu'ils n'arrivent pas aux attentes
escomptées. Selon ce que nous lisons dans le document titré
« Une fenêtre d'opportunité pour Haïti », on dit
que :
Après l'ajustement structurel de 1986 dont la
performance est généralement qualifiée de succès,
l'on assiste à une succession de programmes financiers (accords de
confirmation, accord d'ajustement structurel renforcé, programmes
relais) dont l'implantation est presque toujours interrompue par
l'éclatement de crises surtout politiques. Néanmoins les
réformes structurelles touchant le commerce extérieur et les
finances publiques entreprises durant la mise en oeuvre des programmes
financiers, quoique généralement inachevées et les
engagements pris au niveau international pendant les 25 dernières
années, ont changé le cadre d'évolution de
l'économie haïtienne. Ces changements sont pour la plupart
`désirables', ce sont également accompagnés de chocs
externes, de pratiques et de politiques dommageables, avec des
conséquences lourdes pour le cadre macroéconomique. Ainsi, avec
l'avènement du gouvernement de transition en 2004, certaines pratiques
ont entraîné la contraction de la pression fiscale, la perte du
contrôle de l'augmentation des prix, la perte de
compétitivité malgré une dépréciation
importante de la monnaie nationale par rapport au dollar américain le
retrait des investissements privés, l'asphyxie du marché du
crédit, la dollarisation de l'économie. Vu l'état critique
de la situation, le Gouvernement décida d'accorder la priorité
à la stabilisation macroéconomique et au renforcement de la
gouvernance tout en misant sur un appui renforcé des bailleurs de
fonds107.
Les critiques sont nombreuses sur les méfaits de
l'application des programmes d'ajustement structurels (PAS). Nous pouvons
citer les commentaires de la professeure Stéphane
106 Guillaumont, p.19
107 Une fenêtre d'opportunité pour Haïti,
DSRP-1, p. 14, Septembre 2007
Rousseau108, affirmant que les effets des «
PAS » sont négatifs et ils auraient contribué à
« l'accroissement des inégalités sociales, à
l'incapacité des pays de développer et maintenir des industries
nationales qui ont un potentiel d'entraîner le développement
d'autres secteurs et permettant de réinvestir au niveau national
»109. Le professeur Jacques B. Gélinas110,
pour sa part, présente un bilan désastreux de l'application des
PAS dans les pays sous-développés. Selon lui, « vingt ans
plus tard, plus d'une centaine de pays soumis aux PAS ont reculé par
rapport à leur niveau de développement des années 1980
111». En contrepartie, Mme Rousseau concède certains
aspects positifs du « PAS ». Toutefois, elle affirme qu'en
Amérique Latine, au Moyen-Orient et en Afrique « il y a eu une
stabilisation économique liée aux PAS, car ils forçaient
les Etats à mettre de l'ordre dans leurs finances, à assurer une
gestion financière et fiscale plus rigoureuse et
équilibrée 112». Il est important de voir les
différentes formes que prennent le plus souvent les programmes voulant
résoudre le problème de la pauvreté.
1.1- Programme d'Aide
La réduction de la pauvreté est l'un des plus
anciens objectifs que la « Communauté Internationale » s'est
fixée dès le lendemain de la deuxième guerre mondiale.
L'aide étrangère, telle qu'on la conçoit aujourd'hui, est
l'élimination de la phase qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Nous
devons rappeler que « l'origine de l'aide remonte au plan Marshall dont
l'application a amené les Etats-Unis à transférer 17
milliards de dollars en quatre ans à l'Europe - soit l'équivalent
d'environ 1,5 % du PNB américain pour l'aide à se reconstruire
après le conflit. On a jugé, à l'époque, que deux
éléments du plan Marshall avaient été essentiels
à son succès : l'apport de capital financier de la part des
Etats-Unis et l'utilisation productive de celui-ci, par des plans
coordonnés, pour rebâtir le patrimoine matériel
dévasté de l'Europe »113. Au fil des
années, la formulation de l'aide a varié au cours du temps mais
elle constitue aujourd'hui une question centrale avec les Objectifs de
développement du Millénaire (ODM), définis et
adoptés par un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement qui s'est tenu
en
108 Professeure de Sociologie à l'Université Laval,
Canada
109 Le Nouvelliste,
110 Professeur de sociologie de développement
retraité de l'Université d'Ottawa, Canada
111 Ibidem
112 Ibid., p.11
113 Malcolm Gillies et al., 1998, 284 pages
Septembre 2000 sous les auspices de l'ONU. Des huit objectifs
retenus, le premier vise expressément la pauvreté absolue
(réduire la proportion de la population dont le revenu est
inférieur à $1 par jour). Pour y arriver depuis plus d'un
demi-siècle, on essaie d'utiliser plusieurs méthodes afin de
trouver des solutions viables. Parmi lesquelles, nous retenons
l'assistancialisme.
SECTION 2. ASSISTANCIALISME FINANCIER, TECHNIQUE ET
INSTITUTIONNEL
2.1- Apparition de l'assistance
extérieure
« On peut faire remonter au début des
années 1950 le démarrage de l'assistance extérieure telle
qu'elle se présente actuellement, en Haïti. Sur une période
relativement courte, des agences internationales s'implantent à
Port-au-Prince et fournissent au secteur public, sous forme d'assistance
technique et d'appui financier, un volume appréciable d'aide
multilatérale. Les principales sources de ce type d'assistance sont les
Nations Unies (PNUD, FAO, UNICEF, UNESCO, etc.), la Banque
Interaméricaine de Développement (BID) et l'Organisation des
Etats Américains (OEA) »1 14 . L'aide bilatérale
provient essentiellement des Etats-Unis, par l'intermédiaire de l'USAID.
A coté des Etats-Unis, on doit noter le Canada, Taiwan, la
République fédérale d'Allemagne. D'après les
données de la Banque Interaméricaine de développement (
BID), entre 1980 et 1990, les apports nets des ressources extérieures de
toutes origines fournies à Haïti s'élèvent à 2
660.9 millions de
dollars EU. Ce transfert effectif, qui regroupe capitaux publics
et capitaux privés, représente l'écart entre
l'investissement brut et l'épargne intérieure. Il figure au
tableau ci-dessous.
Tableau 4.1- Transfert Réel de Ressources (en
millions de dollars EU)
Année
|
Montant
|
1980-1984
|
1 506.1 6
|
1985
|
230. 78
|
1986
|
232.10
|
1987
|
240.11
|
1988
|
218. 79
|
1989
|
232.94
|
Total
|
2 660.88
|
Source : Kern, p.310
Environ une vingtaine des principaux bailleurs de fonds
travaille activement en Haïti, chacun avec des soldes importants non
décaissés, se chevauchant dans les secteurs et dans les projets,
et ayant souvent des objectifs divergents. L'assistance passe par le programme
d'investissement dans le secteur public, le soutien de la balance des
paiements, l'assistance humanitaire, et l'octroi direct de
sécurité. En 1997, il y avait 269 programmes
séparés d'assistances techniques et d'investissement
financés par les agences bilatérales et multilatérales
dont 43 dans le domaine de la gestion des affaires publiques, 39 dans
l'agriculture, 31 dans l'enseignement, 29 dans l'eau, l'assainissement,
l'aménagement urbain et 27 dans la santé. Sur ceux-ci, 110
programmes avaient des engagements se montant à un total
inférieur à 2 millions de dollars EU115.
Le professeur Malcolm Gillies fait voir que « les fonds
étrangers de tous ordres ont pour rôle
d'accroître l'épargne intérieure, afin
d'augmenter l'investissement et, par conséquent,
d'accélérer la croissance. A supposer que l'aide et tous les
autres financements extérieurs ajoutent, disons 6% au PIB, qu'ils
servent tous à des investissements supplémentaires, que le
coefficient de capital s'élève á 3.0 et que la part du PNB
acquise par le capital atteigne 50%, le taux de croissance sera accru de 1 %
»116.
2.2- Projets de développement institutionnel et
d'assistance technique
Selon l'Association Haïtienne des Economistes (AHE), «
il est impératif que le pays s'inscrive dans une dynamique
institutionnelle constructive. Qu'il s'agisse des jeux politiques, des jeux
115 Notes de cours de l'Economie haïtienne, Haïti la
lutte contre la pauvreté, p.25
116 Malcolm Gillies et al., p.515
économiques, de la recherche de réponses aux
questions sociales, de la résolution des conflits et des
problèmes juridiques de manière générale, c'est
dans la mise en place et le renforcement des structures institutionnelles et
dans le respect de leurs vocations que le pays devra trouver les voies pour
réenclencher le cercle vertueux du développement. La gouvernance
institutionnelle concerne en effet tous les secteurs de la vie publique
»117. En fait, si les institutions sont aussi
déterminantes pour la prospérité économique,
pourquoi notre société ne se dote-t-elle de bonnes institutions
ou se retrouve-t-elle avec de mauvaises institutions ? Pourquoi de telles
institutions persistent-elles longtemps malgré leurs conséquences
désastreuses? Est-ce un accident de l'histoire ou le résultat
d'idées fausses ou d'erreurs de nos décideurs ?... « En plus
d'influer sur les perspectives économiques d'un pays, les institutions
jouent un rôle essentiel dans la répartition du revenu entre les
individus et entre les groupes sociaux. Autrement dit, elles influent non
seulement sur la taille du « gâteau social », mais aussi son
partage. Dans cette optique, une transition d'institutions dysfonctionnelles
vers des institutions de meilleure qualité qui augmenteront la taille du
gâteau social pourrait néanmoins être bloquée si les
groupes au pouvoir voyaient leur part
du gâteau notablement réduite et ne pouvaient
être compensés de manière crédible
»118. Nous devons noter toute fois que la persistance des
institutions et l'éventuelle résistance aux réformes ne
signifient pas que ces institutions ne peuvent pas changer. Les institutions
évoluent souvent de manière notable, et même des
institutions fort dysfonctionnelles peuvent être transformées avec
succès. Les politiques prioritaires pour transformer l'économie
haïtienne, les politiques de support à mettre en oeuvre pour
créer un cadre propice au développement des entreprises, ainsi
que celles qui sont indispensables pour assurer une croissance dans
l'équité, supposent des institutions qui fonctionnent de
façon éfficiente119. C'est ainsi, touchée par
cette réalité, depuis 1994, la Communauté Internationale
dans le cadre de la lutte contre la pauvreté intervient à travers
des projets de développement institutionnel et d'assistance technique.
L'emphase sur le renforcement de la capacité institutionnelle
était considérée comme essentielle à la
durabilité des projets. Ceci a été accompli en formant de
nombreuses organisations communautaires, les ONG et les gouvernements locaux
à la gestion et l'administration des projets. L'objectif premier de
l'assistance technique est d'encadrer et
117 AHE, p.4
118 Daron Acemoglu, p.4
119 CLED, Haiti 2020,p.134
former des haïtiens à la réalisation des
programmes de développement socio-économique. Elle assure la
fourniture de services administratifs ainsi que d'équipement. Cette
forme d'aide représente un volet considérable de l'effort
bilatéral ou multilatéral, en raison de l'exceptionnelle
gravité de la pénurie de cadres nationaux. En dehors de l'ONU et
de l'OEA, de nombreux organismes internationaux pratiquent l'assistance
technique. En assurant l'exécution de programmes d'ordre
multilatéral ou bilatéral, les ONG sont amenés à
fournir également les services d'assistance technique120.
Depuis de nombreuses années le secteur privé étranger
finance des projets d'assistance institués et gérés par
des entreprises bénévoles. Ces associations à but non
lucratif que la terminologie officielle désigne du nom d'organisations
non gouvernementales (ONG) interviennent aux cotés des organismes de
l'aide bilatérale et multilatérale. Elles agissent en
complément de l'aide publique au développement fournie par la
coopération internationale. Nous devons noter que les ONG font leur
apparition en Haïti vers les années 1960, sous forme de missions
d'assistance à caractère humanitaire (voluntary agencies
ou VOLAGS) bénéficiant de l'appui financier de l'Agence pour le
Développement International (AID). Les organisations formées par
des groupements privés ont proliféré au cours des
années suivantes, mais leur action s'est étendue au domaine de
développement, particulièrement du développement
rural121. Dans le cas du projet de gouvernance communale (PGC), par
exemple, le soutien institutionnel aux élus et aux leaders locaux a
conduit à la création de 25 comités d'amélioration
qui maintenant se réunissent pour discuter leurs priorités en
matière de développement communautaire122. Il faut
commencer par reconnaître l'importance des institutions pour le
développement économique et identifier les obstacles souvent
considérables qui bloquent des réformes institutionnelles.
120 Kern, p.318
121 Ibidem, p.316
122 Note de cours de l'Economie Haïtienne, Haïti, lutte
contre la pauvreté, p.35
SECTION 3. LA SECURITE ALIMENTAIRE
3.1- Sécurité Alimentaire, Approche
Anti-pauvreté :
Pour venir à bout des problèmes de la
pauvreté et de sous-alimentation, de nombreux bailleurs de fonds ont
fourni une assistance humanitaire au moyen de l'aide alimentaire.
Paradoxalement, l'aide alimentaire est parfois dénoncée comme un
aspect de l'arme alimentaire. L'aide alimentaire consiste dans des livraisons
fournies à titre gratuit ou à des conditions particulières
de paiement (prix et devises) aux pays déficitaires (Notes de cours). En
provenance presque exclusivement des Etats-Unis, l'aide alimentaire consiste
dans la fourniture de surplus agricoles, à titre gracieux ou
onéreux, en vertu d'une loi adoptée par le Congrès des
Etats-Unis et connue sous le nom de Public Law 480 et est
administrée par le USAID. Elle comprend trois volets principaux :
1- conformément au titre I, le gouvernement des
Etats-Unis accorde à l'Etat haïtien des prêts à long
terme pour le financement des importations de céréales
alimentaires destinées à être commercialisées sur le
marché local.
2- Aux termes du titre II, l'administration américaine
fait procéder à des distributions gratuites d'excédents
alimentaires par le canal des entreprises bénévoles
américaines implantées dans le pays.
3- Les fonds du titre II constituent des subventions ordinaires,
par opposition à ceux du titre II qui représentent une assistance
d'urgence.
L'aide alimentaire américaine s'est chiffrée
à 42.5 millions de dollars en 1995, soit 21.1 % de l'aide totale
américaine123. En 1995, les denrées alimentaires les
plus importantes étaient le blé bulgur, la farine de blé,
les légumineuses et le riz. Au cours de cette même année,
l'aide alimentaire a atteint selon les estimations 1.3 millions de
bénéficiaires directs124. Les bailleurs de Fonds
choisissent eux-mêmes les canaux de distribution selon des programmes
différents, tels : Santé maternelle et infantile, alimentation
scolaire, vivre contre travail, et assistance générale. Ces types
de programme viennent à partir de contacts justifiés, sur la
dégradation du système alimentaire de la majorité des
haïtiens considérés comme des pauvres. La
sécurité alimentaire des haïtiens se détériore
de jour en jour. Avoir de quoi à se nourrir
123 Kern, p.319
124 Haïti, Lutte contre la Pauvreté, p.37
quotidiennement est un droit humain fondamental. Tout
système de sécurité doit être conçu non
seulement pour atténuer la pauvreté et la faim mais, aussi, il
doit pouvoir assurer la sécurité du revenu. Par exemple, au
Canada, la sécurité alimentaire est envisagée sous deux
optiques globales : la première visant à établir un
système alimentaire durable, la seconde, à éliminer la
pauvreté. Ces deux optiques correspondent aux deux principales
dimensions de la sécurité alimentaire, à savoir :
Production et offre d'une quantité suffisante d'aliments de bonne
qualité et accès aux denrées. Il est intéressant de
faire remarquer qu'au cours de notre enquête, beaucoup de personnes
vivant à Shada ont déjà bénéficié de
l'aide alimentaire que ce soit à travers le Programme Alimentaire
Mondiale (PAM) ou l'USAID, mais ne sont pas satisfaits par le caractère
de courte durée du programme. Selon les donateurs, étant
donné que l'extrême pauvreté continue à
représenter un problème majeur dans le court terme, l'aide
alimentaire la plus effective est ciblée aux familles extrêmement
pauvres et elle est fournie aux fins d'objectifs spécifiques et
réalisables. Il est vraiment difficile de quantifier le résultat
de ces programmes à Shada, et nous estimons que ceci est valable pour
tout le reste du pays. Jusqu'à présent, les pauvres continuent
à se demander chaque jour s'ils auront de quoi à manger
demain.
Les gens, ce qu'ils demandent exactement c'est du travail
à faire afin d'éduquer leurs enfants, de payer leur logement,
bref, ils veulent être membre à part entière de la
société. Ce constat nous amène à paraphraser Elaine
M. Power « Les solutions alimentaires ne règleront pas le
problème de la pauvreté. Sans justice sociale pour les personnes
pauvres de la société, c'est-à-dire, sans la garantie d'un
niveau suffisant de ressources matérielles qui procurera à tous
les citoyens dignité, stabilité et sécurité et
favorisera leur participation entière à la société,
les programme visant à résoudre les problèmes alimentaires
des personnes ne feront que renforcer les solutions individualistes aux
problèmes structurels, peu importe les intentions des concepteurs des
programmes 125 ». « Toutefois, il serait irresponsable, de
notre part, de nier qu'elle sauve des vies humaines. Il est évident que
l'aide d'urgence s'impose en cas de besoin comme un devoir de solidarité
internationale. Mais, si au lieu d'être exceptionnelle pour
répondre à un besoin temporaire, elle devient structurelle, elle
risque de fixer durablement le pays receveur dans sa dépendance
alimentaire126». Les réflexions montrent qu'une aide
alimentaire bien articulée devrait viser une production
agricole plus importante, supposant d'agir sur les techniques de production et
sur les structures sociales de l'agriculture. Si l'on veut effectivement finir
avec la dépendance d'Haïti du point de vue d'aide alimentaire, il
faut conjuguer les efforts à déboucher sur une croissance
économique qui soit pérenne.
Tableau 4.2- Aide Externe Par Secteur En 1990 Et
1996
Secteur
|
Valeur
|
1990
%
|
1996
Valeur %
|
Gestion de l'Economie
|
5329
|
3.84
|
81297
|
19.43
|
Administration du développement
|
3940
|
2.84
|
20220
|
4.83
|
Ressources Naturelles
|
5796
|
4.18
|
2392
|
0.57
|
Ressources humaines
|
16951
|
12.22
|
11293
|
2.85
|
Agriculture, foresterie et pêcheries
|
33687
|
24.29
|
46496
|
11.11
|
Développement régional
|
13488
|
9.73
|
46742
|
11.17
|
Industrie
|
709
|
0.51
|
4710
|
1.13
|
Energie
|
3823
|
2.76
|
26365
|
6.3
|
Commerce de biens et services
|
83
|
0.06
|
1014
|
0.24
|
Transports
|
7316
|
5.28
|
24162
|
5.77
|
Communications
|
1367
|
0.99
|
1606
|
0.38
|
Développement social
|
9301
|
6.71
|
55664
|
13.3
|
Santé
|
18115
|
13.06
|
26182
|
6.26
|
Planification préalable en prévision de
catastrophes
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Aide et secours humaines
|
18757
|
13.53
|
69635
|
16.64
|
Total
|
138662
|
100
|
418.408
|
100
|
Source : PNUD
|
|
|
|
|
3.2- APPROCHE DE LA COORDINATION NATIONALE DE LA SECURITE
ALIMENTAIRE
En 1996, on croyait trouver un remède adéquat
pour combattre l'insécurité alimentaire qui fait rage dans le
pays. C'était l'année de la création de la coordination de
la sécurité alimentaire (CNSA). Son but ultime était
d'élaborer et proposer un plan de sécurité alimentaire,
comme l'indique bien son nom, dans le sens de trouver une sorte d'harmonisation
et d'intégration des politiques sectorielles. Selon les conclusions
tirées par cette institution, les principales causes
déterminantes de la situation d'insécurité alimentaire
sont pluridimensionnelles et doivent, de ce fait, impliquer tous les secteurs
de la vie nationale. La stratégie de lutte contre
l'insécurité alimentaire définie par la CNSA s'inscrit
dans le long terme. Le tableau qui succède nous donne une idée
sur les priorités que l'institution s'est fixée, dans le but
d'atteindre ses objectifs.
Tableau 4.3- Orientation d'une stratégie de lutte
contre l'insécurité alimentaire en Haïti
Axes d'interventions
Stabilisation et
relance de
l'économie
|
Objectifs
- Amélioration de
l'accessibilité
économique aux
aliments ;
- Génération d'emplois et de revenus
- Relance de la production nationale et des services
|
Mesures à prendre
- Contrôle de l'inflation
- Rationalisation et ciblage
de l'aide alimentaire
- Mise en place d'activités génératrice
d'emplois
- Appui au secteur informel
- Etablissemment des
conditions favorables à
l'investissement
|
Relance et
diversification de la production vivrière
|
Amélioration de
l'utilisation globale des aliments
|
- Augmentation de la
disponibilité alimentaire
- Accroissement des
rentrées en devises
- Amélioration du niveau de vie des agriculteurs
|
- Corrections des
problèmes de sanitaire, de couverture de santé
et d'éducation
|
- Réforme agro foncière
- Maîtrise de l'eau et
aménagement des bassins
versants
- Appui à la mise en d'un système financier
décentralisé
- Renforcement de la
disponibilité et de
l'accessibilité aux intrants
- Amélioration des
conditions de
commercialisation des
vivres
|
- Contrôles les déficiences nutritionnelles
- Renforcement des services de santé publique milieu
rural
- Déconcentration des
ressources sanitaires
- Prévention des qualités nutritives et de
l'innocuité des aliments consommés
|
Source : CNSA, 1996
SECTION 4. LE SECTEUR PUBLIC ET LA LUTTE CONTRE LA
PAUVRETE
Une phrase célèbre, souvent citée, dit
« Le gouvernement le meilleur, c'est celui qui gouverne le moins ». A
ce propos, Ludwig Von Mises déclare « je ne crois pas que ce soit
là une image correcte du rôle d'un bon gouvernement. Le pouvoir
politique doit faire tout ce pour quoi il est nécessaire, tout ce pour
quoi il a été instauré. Il doit protéger les
personnes, à l'intérieur du pays, contre les violences et les
escroqueries des malfaiteurs, et il doit défendre le pays contre les
ennemis étrangers. Telles sont les fonctions du gouvernement dans un
régime libre, dans le cadre du système d'économie de
marché127 ». L'Etat, en tant que pourvoyeur de biens
publics, a la responsabilité première de mettre en place le cadre
qui facilite la tâche aux autres acteurs du domaine de
développement, comme le dit CLED « lutter contre la
pauvreté, c'est mettre en place, en même temps et dans l'harmonie,
toute les pièces du « puzzle », mais c'est surtout
être attentif aux besoins des pauvres. »128. C'est le
rôle de l'Etat haïtien de mettre les moyens en place en vue de
sécuriser les citoyens à tous les points de vue, comme est le cas
dans les pays développés. Par exemple, au XVIIIe, « le
développement économique a commencé en Grande Bretagne
avec une aide directe minime des pouvoirs publics ; mais depuis cette
époque, la part prise par le gouvernement dans le processus s'est
constamment accrue, au point qu'aucune croissance véritable n'est
réellement possible sans un appui public actif... Pour l'heure, il
suffit de savoir que les pouvoirs publics doivent exercer une intervention
active, positive. Il s'ensuit que le gouvernement qui se refuse à
remplir un tel rôle, ou on est incapable, peut lui-même être
considéré comme un obstacle au développement ou comme une
cause fondamentale de la pauvreté »129.
C'est bien malheureux de constater qu'il est vraiment
difficile de parler aujourd'hui, en Haïti, de véritable
stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, du point de vue
de planification ou mis en oeuvre d'un programme cohérent. Notre
gouvernement et 188 autres chefs d'Etat et de gouvernements se sont mis
d'accord sur un ensemble de points en vue d'éliminer ce fléau
qu'est la pauvreté. Les différents objectifs, aussi,
définis dans le programme d'action établit lors de la
3ème conférence des Pays Moins Avancés (PMA)
pour
127 Ludwig Von Mises, p.3
128 CLED, Haïti 2020 : Vers une nation compétitive,
p. 126
129 Malcolm Gillies et autres, p.31
la période allant de 2001 jusqu'à 2010
concernent entre autres les soins de santé, la nutrition,
l'éducation et la formation, la réduction progressive de la
pauvreté et le développement humain, la croissance et
l'investissement, bref le développement. Plus de 6 ans après, on
soupire encore. On se demande : où sont passées ces belles
idées ?
Ces prises de positions ne sont pas nouvelles, puisque de
façon théorique « réduire la pauvreté a
été une priorité plusieurs fois exprimée par les
gouvernements haïtiens qui se sont succédés depuis 1986.
Mais, ceci n'a jamais fait l'objet d'une politique systématique ni d'un
programme cohérent avec des mesures et des objectifs précis. En
l'an 2000, le gouvernement a souscrit aux Objectifs du millénaire pour
le développement (OMD). En 2003, il a appuyé le Programme
Intégré de Réponse aux Besoins Urgents des
Communautés et Populations Vulnérables (PIR) lancé par les
Nations Unies. Le but de ce programme était d'apporter une
réponse coordonner, rapide et ciblée aux besoins urgents d'une
portion grandissante de la population. Pourtant, malgré toutes ces
initiatives, aucune voie réaliste n'a été tracée
jusqu'à présent, pour atteindre les OMD. C'est aussi au milieu de
l'année 2003 que le gouvernement a initié pour la première
fois la préparation d'une Stratégie Intérimaire de
Réduction de la pauvreté. Il mettait ainsi à profit le
cadre méthodologique proposé par les Institutions de Brettons
Wood et les incitations monétaires qui y sont généralement
associées. Mais, les troubles politiques de la fin de 2003 et du
début de 2004 qui ont entraîné la chute du gouvernement ont
mis aussi fin à l'exercice de préparation de ce DSRP
intérimaire. Il est cependant possible de tirer des leçons de
cette expérience avortée130 ». En pratique le
leadership du secteur public devrait motiver les administrations à
être plus attentif aux besoins des démunis et de leur donner des
moyens d'agir en ce sens. Il devrait également favoriser la circulation
de l'information et donner aux vrais pauvres de faire entendre leurs voix.
Toutes les analyses montrent bien que le système
socio-économique haïtien va de mal en pire. On doit s'efforcer
à remédier cette situation le plus rapidement possible. Pour y
arriver, nos dirigeants étatiques doivent faire preuve d'intelligence,
en élaborant des stratégies de développement
véritables. Nous pensons qu'ils n'ont qu'à s'approprier des
objectifs de la 3ème Conférence des PMA de l'an 2001, à
savoir : concentrer des investissement dans les infrastructures, l'agriculture,
l'éducation et formation, la santé, etc. Faut-il dire,
clairement, que la démarche pouvant déboucher à
l'apaisement voire l'éradication de cette pauvreté que nous
connaissons plus d'un siècle en Haïti et, encore,
plus de deux décennies à Shada, doit passer inévitablement
par l'adoption d'une stratégie nationale visant la mise en valeur et
à l'utilisation maximale de toutes les ressources du pays.
C'est-à-dire, les ressources tant humaines que naturelles, tout en
tenant compte de la mondialisation et / ou la globalisation nous faisons face
aujourd'hui. Les politiques publiques doivent favoriser l'accès des
pauvres aux actifs, aux marchés et aux infrastructures de base. C'est le
rôle de l'Etat de s'assurer de la fourniture des infrastructures et des
services publics nécessaires pour réduire l'isolement des
communautés les plus pauvres. Nos politiques d'urbanismes doivent rendre
les bidonvilles vivables et s'attaquer sans tarder à la crise urbaine et
à ses avatars : la dégradation du cadre de vie et la
criminalité131.
CHAPITRE V :
LES MESURES
ALTERNATIVES
SECTION 1.- L'APPORT DES ONG ET LE DEVELOPPEMENTISME
Les ONG jouent un rôle extrêmement important dans
la lutte contre la pauvreté en Haïti. Bien sûr, il y a dans
certains cas où elles n'arrivent pas remplir de façon efficace,
cependant leur contributions ne peuvent pas être ignorées par
quiconque.
A la lumière des précisions données par
le CLED, avant d'aborder ce qu'est ou doit être le rôle des
organisations non gouvernementales (ONG), il convient de différencier
« la réduction » de « l'allégement » de la
pauvreté. Ce dernier se réfère au support qui est
donné à la consommation des individus et de familles pour
suppléer à leurs besoins de base, alors que la réduction a
trait à des programmes dont l'objectif est d'améliorer la
capacité des pauvres à se sortir eux-mêmes de leur
situation.
Les ONG ne sont pas toutes, loin s'en faut, engagées
dans des programmes de réduction de la pauvreté. Il faut
cependant reconnaître qu'il y a une place pour l'allégement dans
notre stratégie, tout comme il y a une place pour l'étayage dans
une construction pendant la période qu'il faut aux colonnes de
béton pour durcir132. Tout le monde ne voit pas de la
même manière le rôle des ONG dans un processus pouvant
amener à éliminer la pauvreté ou encore, selon le CLED, Le
rôle des ONG dans une stratégie de réduction de la
pauvreté est un sujet assez controversé. Cependant certains
consensus ont émergé lors du débat sur la question au
cours de l'Atelier organisé dans le cadre de Forum 2000 :
· Les ONG tant nationales qu'internationales ont rendu
de grands services à la
communauté haïtienne et ceci depuis de nombreuses
années. Il suffit de se rappeler que
l'Hôpital Albert Schweitzer de Deschapelles est
géré par une ONG depuis près de 45 ans.
· Leur rôle s'est accru depuis les années
1970 en réponse aux faiblesses de l'Etat haïtien et à son
incapacité à fournir certains biens publics, en particuliers en
éducation et en santé primaire.
· Dans ce vide laissé par l'Etat se sont
insérées des institutions qui ne remplissent pas toujours la
mission humanitaire à laquelle elles étaient
destinées133.
Depuis les années 1970 les bailleurs d'aide
internationale ont repris les idées sur les méthodes de
développement découvertes par les organisations non
gouvernementales (ONG). Ces associations à but non lucratif, le plus
souvent au départ originaires des pays développés,
étaient désireuses de faire accéder les pays pauvres
à un développement réel, en partant de la base, en
invitant les communautés « villageoises » ou les populations
apparemment non structurées à se regrouper pour travailler
ensemble à des actions des « projets ». Cela a
été l'époque de la floraison des petits projets, ou des
projets intégrés d'envergure régionale eux aussi
menés avec cette nouvelle approche groupale, époque qui dure
encore. De tous temps les pauvres ont été ainsi invités
à se regrouper pour qu'on puisse leur apporter les bienfaits des oeuvres
de charité ou ceux de nouvelles techniques134.
De part sa nature et pour avoir été issues des
mouvements religieux, les ONG ont réintroduit la morale dans le
développement. Les fonds de l'aide doivent parvenir aux
bénéficiaires au lieu d'être détournés
à travers les grands programmes d'Etat, les projets doivent être
conçus en fonction des capacités réelles des
bénéficiaires, ni plus ni moins, au lieu d'être
montés par des bureaux d'études ou des services étatiques
corrupteurs et corruptibles. En outre, les projets devaient être à
la dimension des communautés, pouvoir être gérés par
un expatrié, puis par un homologue local, ou un groupe (plus rarement).
Autogestion, honnêteté, résultats immédiats, petits
projets de durée courte, et renouvelables, tous ces concepts ont
été intégrés dans les techniques de
développement135.
Cependant malgré toutes ces mesures, de l'observation de
plus d'un, certaines ONG ont
même été formée par des individus
malhonnêtes, en vue de détourner ce qui a été
préalablement conçu au bénéfice des pauvres.
Il reste à l'Etat haïtien de mettre des balises
afin d'empêcher la population cible à être toujours des
éternels perdants. En dépit des faits constatés et
mentionnés plus-haut, on peut constater une sorte de grimpement dans la
présence des ONG, en Haïti, jour après jour. « Le
développement communautaire a tellement cru et proliféré,
c'est du fait de la demande inextinguible et sans cesse
différenciée des couches sociales les plus démunies. Ne
perdons pas de vue que ce modèle est une réponse à des
besoins réels. Mais comme le rappelle la devise
133 Ibidem, p. 128
134 Collectif pour l'Etat de droit en Haïti,, p.78
135 Ibid., p.79
d'une grande ONG française, ce que nous pouvons
espérer faire de mieux par le développement communautaire c'est
d'offrir « l'accès au développement »136.
La présence accrue des ONG tant nationales
qu'internationales n'est pas quelque chose ayant lien au hasard. Elle est le
résultat de la faiblesse de l'Etat haïtien a subvenir aux besoin de
la population. Aussi, le rôle important que joue les ONG dans la
prestation des services est né de la nécessité des
différentes crises économiques et politiques et a
été renforcé durant l'embargo. Bien que les ONG aient
pourvu aide et charité, et aient assuré les services sociaux
depuis les années 1950, leur intervention s'est considérablement
accrue au cours des deux dernières décennies. Pendant la crise de
1992-94, les ONG ont fourni 100 millions de dollars américains
d'assistance officielle au développement selon les estimations. Cette
tendance s'est poursuivie, en particulier dans les secteurs de la santé,
de l'éducation, de l'alimentation en eau et de l'assainissement, ainsi
que dans la construction et la réhabilitation de l'infrastructure
à petite échelle137.
Dans de nombreuses zones rurales isolées, le
gouvernement haïtien dispose d'une capacité très
restreinte de prestation de services, et les ONG ont pris la
responsabilité de satisfaire les besoins de la population. Leurs
services sont également importants pour les pauvres des villes.
Dans le domaine de la santé, les ONG assurent environ
50 % des services des soins primaires et curatifs. Dans le domaine de
l'éducation, soit les ONG soit le secteur privé, des institutions
à but lucratif, gèrent près de 80 % de toutes les
écoles primaires et secondaires. Et dans le secteur de l'eau et de
l'assainissement, près que toutes les interventions sont
financées par le biais des organisations non gouvernementales ... Les
ONG en Haïti sont très variables en taille, en structure
administrative et en capacité. La qualité des services varie
considérablement, avec des problèmes de capacité
institutionnelle et en technique, de chevauchement des activités et de
diminution du financement. Toutefois dans l'ensemble, il y a des preuves d'une
masse importante d'organisations de taille grande, moyenne et petite qui
possèdent des bilans supérieurs à la moyenne et qui
pourraient absorber davantage de fonds et les utiliser plus efficacement et
plus effectivement s'ils devaient recevoir assistance technique et formation.
Les écarts et les chevauchements des activités pourraient
être réduits s'ils étaient coordonnés
générales qui jouent un rôle important dans ce domaine. Les
organisations générales pourraient aider les ONG membres en
donnant de meilleures informations aux membres et coordonnant les
activités avec des économies d'échelle telles que la
formation technique et de gestion et la collecte des fonds.... A l'avenir,
l'accroissement de la prestation et de la qualité des services exigera
le renforcement de l'ensemble de la capacité institutionnelle et
technique au sein des secteurs public et des ONG et une intégration plus
poussée de la prestation des services par les ONG dans les
stratégies sectorielles telles que les plans d'éducation et de
santé nationales. En outre, il faut qu'il y ait des relations plus
formelles entre le secteur public, les bailleurs de fonds et les ONG au moyen
d'une collaboration net de modalités contractuelles138.
136 Ibidem, p.99
137 Note de cours d'économie Haïtienne, Haïti,
lutte contre la pauvreté, p.25
138 Ibid., p.25-26
SECTION 2. DES POLITIQUES DE DEMARGINALISATION ET DE
PARTICIPATION
La situation socio-économique des pauvres à
Shada, qualifiés comme des marginaux, doit attirer l'attention de tous
les secteurs pouvant faire quelques choses de mieux, afin de les aider à
sortir dans ce style de vie humiliant et déshumanisé. Il est
vraiment difficile, pour nous, d'établir si l'Etat a une politique de
« démarginalisation ». S'il en existe, elle ne se fait pas
sentir. A part de certaines ONG qui ont une présence dans la zone, on
constate que cette portion de population est oubliée par ceux qui
conçoivent les politiques de « développement ».
Peut-on parler de « lutte contre la pauvreté
» sans mener des enquêtes sérieuses sur la vie des habitants
des quartiers pauvres ou bidonvilles afin d'en tirer des conclusions
réelles ? Selon les observations faites à travers notre
étude, on arrive à constater que la marginalité de cette
population n'est pas un résultat du hasard. Elle est le produit du
mauvais rapport existant entre les grandes villes du pays et les campagnes,
appelées encore « En dehors ». Les paysans se sont
laissés pour contre. Ils sont de véritables oubliés. La
plus grande partie de la population vit à la campagne. Pourtant, leurs
milieux ne sont pas dotés des infrastructures de base notamment :
Routes, hôpitaux / centre de santé, école, loisirs, ...pas
d'encadrement agricole pour les encourager à pratiquer l'agriculture.
Cette situation encourage l'exode rural. Malheureusement, si les
décideurs ne font pas ce qu'il faut pour freiner cette tendance, les
années à venir vont être pire. Quand les gens arrivent en
ville, ils se créent des endroits non appropriés pour s'abriter.
Bidonvilles. Devenus sources de toutes sortes de tensions sociales et
encouragent assez souvent le banditisme, la corruption, prostitution ... Cela
ne veut pas dire qu'il n'existe pas de personnes sérieuses au sein de la
zone. Il en existe. Il y a beaucoup de gens qui s'efforcent pour gagner
dignement leur vie, envoyer leurs enfants à l'école, tant bien
que mal, mais, malheureusement les conditions ne sont pas réunies.
Aujourd'hui, la politique de démarginalisation constitue une mesure
alternative à appliquer dans la lutte contre la pauvreté. On doit
aider les gens à participer, eux-mêmes aussi, dans lutte dite
anti-pauvreté. Les marginalisés réclament leur
participation dans le développement de la communauté.
Très souvent, on constate que les projets de
développement implantés dans la zone ne donnent pas les
résultats escomptés. La cause principale de cet état de
fait est due par le fait que les responsables de ces projets ne tiennent pas
compte des réalités de la population, c'est-àdire ces
besoins réels. A la lumière de ces expériences, on peut
dire que l'implantation des
projets doit étudier minutieusement et
préalablement avec les leaders de la communauté. On doit essayer
de venir avec des projets pouvant avoir une répercussion directe sur la
situation socio-économique des marginaux. On sait tous que la
majorité des personnes vivant dans la zone n'a ni ressources
économiques, ni profession assez rentable, ni de grandes relations
sociales afin de s'intégrer facilement dans la société.
SECTION 3. LA REFORME AGRAIRE ET LA DECENTRALISATION
La réforme agraire se définit, selon Mokhtar
Lakehal, comme une politique d'expropriation des propriétaires riches et
de redistribution de leurs terres à des paysans pauvres, en vue de
lutter contre l'exode rural et d'améliorer le niveau de vie des masses
paysannes. L'expropriation peut se faire sans indemnisation139. De
l'avis de Malcolm Gillies, habituellement, la réalisation d'une reforme
agraire se fonde principale sur des motifs politiques. Les facteurs politiques
qui conduisent à la reforme sont de deux ordres. La
société dotée d'une fraction importante de fermiers et
journaliers sans terre, placée sous la tutelle d'autres classes, peut se
trouver en butte à une agitation rurale croissante. Dans la
première formule de reforme agraire, pour empêcher l'agitation
d'exploser en révolution, on adopte des lois qui visent à
réduire la charge imposée à la paysannerie et à
l'intéresser au maintien de la stabilité. Dans le second cas, la
reforme agraire survient après le succès d'une révolution
soutenue par les ruraux démunis. En l'espèce, l'objectif
essentiel de la reforme est de consolider l'appui de ces derniers à la
révolution et d'éliminer la base économique de l'une des
classes, celles des propriétaires- les plus opposés à la
revolution140. En Haïti, la lutte pour une vraie reforme
agraire ne date pas d'hier. Pour certains, cela remonte au lendemain de la
guerre de l'Indépendance, en 1804. André Yves Cribb, explique que
J.J. Dessalines commença a dénoncé l'exclusion
économique des `pauvres noirs' sans terre ; mais, malheureusement, il
n'a pas eu le temps de réaliser une redistribution foncière en
leur faveur. En 1883, Salomon mit en exécution une reforme agraire ;
mais, malheureusement, celle-ci n'avait pas une dimension suffisante pour
provoquer de profond changement dans le système économique et
social du
139 Mokhtar Lakehal, p.566
140 Malcom Gillies, p.561
pays141. En ses manières, le Professeur E.
FRANCISQUE dit « La question agraire posée au lendemain même
de l'indépendance d'Haïti malgré les divers traumatismes
sociaux dont elle est responsable à titre principal, n'a encore
trouvé de solution adéquate. Elle s'inscrit en filigrane dans la
trame de tous les bouleversements, de tous les conflits qui jalonnent plus d'un
siècle et demi d'histoire nationale...Le paysan haïtien, toujours
en butte de tracasseries de l'administration, défend chaque jour, pouce
par pouce, sa propriété constamment menacée. L'essor
démographique, en faisant essaimer les cultivateurs sur les domaniales
et même sur les `habitations' des propriétaires
absentéistes, favorisa ça et là le développement de
la petite propriété au cours d'un siècle et
demi142».
Faute d'une prise en charge par l'Etat, ses paysans sont
restés seuls à se débrouiller pour trouver des solutions
à leurs problèmes, notamment en ce qui a trait avec la question
de deux moities, engrais, machine agricole, etc. C'est ainsi qu'on constate une
sorte de paupérisation qui se développe dans les milieux ruraux
et qui facilite et encourage l'exode rural. Ce dernier, comme on le sait bien,
va amplifier les problèmes existant déjà dans les villes
ou centres urbains, en augmentant ce qu'on appelle les « bidonvilles
» quand les migrants n'ont autre choix. André Y. Cribb fait
remarquer que de nombreuses études publiées au cours des dix
dernières années mettent à nu l'ampleur de la
misère dans laquelle vivent des ruraux haïtiens. La plupart d'entre
elles analysent minutieusement cette lamentable situation et en même des
interprétions. « En 1988, la FAO (Organisation des Nations Unies
pour l'alimentation et l'Agriculture) a informé que les ruraux
haïtiens vivant dans la pauvreté absolue- c'est-à-dire,
n'ayant pas suffisamment de moyens pour satisfaire leurs
nécessités basiques- représentaient environ 80 % de la
population totale du pays et 95 % de la population rurale. Elle a en outre pris
le soin d'indiquer que, parmi ces pauvres, il existait des indigents,
c'est-à-dire des ruraux n'ayant même pas la possibilité
d'acheter le minimum d'aliments nécessaires. Ceux-ci constituaient
environ 90 % des ruraux pauvres. En 1992, le FIDA (Fonds International pour le
Développement agricole) a classé Haïti parmi les quatorze
pays de l'Amérique Latine où la pauvreté rurale est
sévère. Elle base cette classification sur l'indice de
sécurité alimentaire. Le FIDA a constaté que, sur une
période à peu près vingt cinq ans, la pauvreté ne
cessait de s'accroître. De 1965 à 1988, le nombre de ruraux vivant
dans la pauvreté absolue passait
141 André Yves Cribb, p.4,
www.geocities.com/aycribb
142 Edouard Francisque, p.111
d'environ 891 000. Les catégories de ruraux
principalement atteints étaient : les petits agriculteurs, les ruraux
sans terre, les travailleurs ruraux journaliers, les petits artisans et les
jeunes chômeurs ruraux 143». Dans le cadre de lutte
contre la pauvreté qu'on mène en Haïti, une reforme agraire
s'avère nécessaire en vue de faciliter un mieux-être pour
les pauvres paysans.
On doit, certes, se référer aux
différentes « réformes agraires » qu'on a
déjà expérimentées, mais, cependant on ne peut pas
les prendre comme modèle. Si on prend le cas de celle qui a
été menée par le leadership du Président
René Préval (en 1995), dans la vallée de l'Artibonite, on
peut se dire que cela a contribué à l'éradication des
conflits mettant assez souvent des petits paysans face à face, ou
tantôt avec les « grandons » présents ou
absentéistes. A ce niveau, c'était un succès, mais si on
considère les autres aspects en terme d'accompagnement, cette reforme
peut-être considère comme un échec. Il n'y avait quasiment
aucun encadrement en faveur des pauvres ruraux. Par exemple, comme le constate
Djemps Olivier d'Alter Presse, « l'augmentation considérable des
coûts de production grève les profits de ce riziculteur de
Carrefour Peigne, près de Pont Sondé. Vendu à 175 gourdes
il y a six ans, le sac d'engrais coûte aujourd'hui 1500 gourdes. Pas
étonnant qu'il ne récolte plus que seize sacs de riz à
chacune de ses deux récoltes annuelles, soit moitié de ce qu'il
récoltait auparavant... 144». Il est vrai que l'institut
National de la Reforme Agraire (INARA) a prévu de distribuer une
parcelle d'1/2 hectares à chacun des bénéficiaires du
programme et l'octroi d'un prêt de 5000 gourdes pour une durée de
deux ans145, mais cela ne suffit pas, comme le montre la
réalité, d'après.
Il faut reconnaître même si on aurait donné
tout ce qu'il faut pour assurer le suivi de la
reforme, dans le contexte du commerce international
d'aujourd'hui, les paysans seraient toujours en butte à certaines
difficultés. Les parcellements n'encouragent pas le développement
des technologies pouvant aider les paysans à maximiser leurs profits
davantage, au contraire, ils encouragent des systèmes d'exploitation
familiale. Il faut, de toute façon, agir, en sorte que la reforme
agraire soit accompagnée d'une « politique de développement
rural intégré », c'està-dire une « politique qui
se définit par un ensemble d'objectifs et de moyens destiné
à faciliter l'intégration des marginalisés en comblant le
fossé entre les secteurs riches et pauvres du monde rural. Elle est
conçue de façon à apporter des ressources aux pauvres des
zones rurales. Elle met l'accent sur des programmes tels que le crédit,
l'assistance technique, la conservation des sols, l'infrastructure
routière, l'adduction d'eau potable, la santé,
l'éducation, etc.... Aujourd'hui, le développement rural ne doit
pas être considéré comme une bienfaisance
143 André Yves Cribb, p.1,
www.geocities.com/aycribb
144
http://www.alterpresse.net
145
http://www.collectif-haiti.fr/data/file/nih_16.pdf.
sociale mais plutôt comme un investissement socialement
rentable dans le cadre d'une stratégie globale de la relance de
l'économie nationale. Les financements, consentis pour le
réaliser, peuvent favoriser à une croissance évidente de
l'offre de produits agricoles et artisanaux ainsi qu'une augmentation
considérable de la demande de ceux-ci. La clé du succès
d'un tel processus de reprise économique réside dans le choix et
l'agencement de mesures et actions définies dans le cadre d'une
perspective de freinage de l'exode rural146». L'Etat
haïtien a intérêt de doter des paysans les moyens
nécessaires pour survivre à la campagne, au lieu de les attendre
à venir gonfler les bidonvilles déjà existés ou en
créer d'autres. Leurs prises en charge en ville par l'Etat haïtien
seraient plus coûteuses à tous les points de vue. « Le
développement rural en Haïti exige une politique destinée
à combattre non seulement des problèmes liés aux
techniques de production agricole ou forestière mais aussi ceux relatifs
à d'autres aspects économiques et sociaux. Une telle politique ne
peut être conçue et menée à bonne fin qu'avec la
participation d'une équipe de cadres professionnels, choisis non sur la
base clientélisme mais en fonction de leurs compétences. Il est
temps de faire preuve de discernement et de volonté politique. C'est
seulement à ce modeste prix qu'on peut cesser de cultiver la
pauvreté rurale en Haiti147 ».
CONCLUSION ET RECOMMANDATION
Fatigué par des programmes implantés ne
répondant pas à la réalité, Haïti ne cesse de
plonger dans la pauvreté extrême. On ne constate que des sols
ruinés, société déstructurée qui sont,
également, des conséquences des politiques
socio-économiques ne rendant pas vraiment compte des besoins
fondamentaux des couches défavorisées, en particulier les paysans
qui sont exploités et méprisés, ainsi que les habitants
des bidonvilles qui sont marginalisés. Plus d'un se demande où
est l'Etat haïtien?
On constate que ce dernier se dissimule à un point tel
qu'on ne sait pas où il est. Comme nous l'avons mentionné, les
programmes d'ajustement structurels imposés par les puissances
étrangères et appliquées par les gouvernements qui se sont
succédés au cours de ces 20 dernières années n'ont
pas jusqu'ici donné les résultats escomptés.
Jusqu'à quand notre gouvernement va enfin mettre les
balises nécessaires, en place, pour atteindre les Objectifs du
Millénaire, dont il était parti prenante ?
Comment continuer à tolérer à ce qu'une
minorité de gens ont assez de nourriture à manger et, en
même temps, la grande majorité de la population ne peut pas
nourrir sa famille ?
Il est de l'intérêt de tous, de travailler
à ce qu'on ait une société juste. Cette dernière
est indispensable pour créer la stabilité. On sait que la
stabilité encourage l'investissement et ceci crée l'emploi et
réduit le chômage afin de bloquer le développement de la
pauvreté qui fait tant de rage. Il n'y a pas d'effet sans cause. Ce
qu'on est entrain d'assister à Shada, est le résultat du mode
d'organisation de l'Etat ou du moins, de la mauvaise gestion du pays.
Pour étayer ce que nous venons d'avancer, prenons
l'exemple du Cap-Haïtien, étant le chef-lieu du département
du Nord et la deuxième ville du pays, qui est doté quasiment de
l'ensemble des infrastructures socio-économiques du Grand Nord, voire le
pays en général, après Port-au-Prince. Mais, quelles
infrastructures ?
A l'inverse, les autres communes du département
continuent à être placées sous la dépendance des
« infrastructures » existant au Cap-Haïtien. Cette situation
alimente le phénomène de l'exode rural comme nous l'avons
déjà expliqué et facilite la prolifération des
bidonvilles, jour après jour aux alentours de la ville. On assiste
à une sorte de paupérisation grandissante de cette tranche de la
population qui se livre à elle-même. En effet, nous
rappelons que l'étude sur le problème de la
pauvreté dans les bidonvilles en Haïti, le cas de Shada au
Cap-Haïtien, a pour objectif principal de déterminer et analyser
les causes du phénomène de la pauvreté dans les
bidonvilles en Haïti et, notamment à Shada. C'est ainsi que les
résultats de notre enquête nous permettent d'affirmer encore que
les causes majeures de la pauvreté à Shada sont :
1- L'absence ou Manque de planification de l'Etat ;
2- Inadéquation à la réalité des
différentes dispositions, prises par l'Etat ou imposées par les
« Amis d'Haïti », en vue d'éradiquer le
phénomène de la pauvreté ;
3- Imposition et l'application de la politique
néolibérale.
4- Manque d'éducation, car un niveau faible en
éducation favorise et encourage la marginalisation du fait que le niveau
d'instruction non compétitif empêche les individus
d'accéder à un emploi bien rémunéré. Ils
sont obligés de pratiquer des petits métiers manuels.
5- Manque d'infrastructures.
6- Chômage
7- Etc.
Devant cette complexité, on a droit de se demander,
à nouveau, « Quoi faire »?
Devons-nous rester comme des spectateurs passifs par devant
cette montée cruelle de la pauvreté qui tue, sacrifie et
marginalise davantage plus de 85 % de la population, notamment ceux des
bidonvilles ? Peut-on continuer à faire croire que c'est le destin qui
veut que le Shada soit ainsi, en ce 21ème siècle ?
On est tous conscients qu'il n'existe pas une baguette magique
pour résoudre le problème. Mais, nous croyons que science et
méthode peuvent nous aider à trouver des solutions alternatives.
Celles-ci dépendent de la volonté et la capacité de l'Etat
à assumer ses responsabilités vis-à-vis du reste de la
population qui n'attend qu'une bonne directive à suivre. On doit
être clair qu'en dehors de ceci, on va continuer à regarder ce
grand épisode de la paupérisation des couches les plus
vulnérables du pays.
En terme de mesures alternatives, nous proposons à ce que
l'Etat :
1- Encadre et canalise les actions des Organisations Non
Gouvernementales notamment dans les milieux ruraux et urbains. Avec toutes
leurs défaillances constatées, on ne peut
pas nier et négliger l'apport considérable des
ONG au cours de ces deux décennies dans la « lutte contre la
pauvreté » et en même temps, l'Etat doit travailler pour
reprendre le contrôle où ses interventions étaient absentes
;
2- Mène sans relâche, une politique de
démarginalisation au profit des pauvres. Notre enquête nous permet
d'affirmer que la population n'exige que du respect de leur droit de vivre.
C'est-à-dire la capacité, d'une part, de pourvoir aux besoins
primordiaux de leur famille (nourriture, logement, éducation, ...),
d'avoir un emploi stable ou du travail à faire et, d'autre part, de
participer activement dans les grandes décisions engageant cette
génération et future ;
3- Active la reforme agraire et la décentralisation.
Il doit prouver qu'il ait une volonté réelle de freiner le
développement grandissant des bidonvilles autour des grandes villes du
pays, en particulier au Cap-Haïtien. L'étude nous permettait de
retracer la zone originelle des habitants de Shada. Plus de 85 % des gens
viennent de la campagne, en quête d'une vie meilleure en ville.
L'Etat a pour responsabilité de doter les milieux
ruraux des infrastructures de bases (routes, hôpitaux/centre de
santé, école,...) et doit réaliser une reforme agraire
afin d'encourager les habitants à vivre dans leurs milieux d'origine. En
les questionnant, ils n'ont pas vraiment envie de venir s'installer en ville.
En revanche, comment voulez-vous que le paysan soit resté à la
campagne alors qu'il n'a pas de quoi à prendre soin des membres de sa
famille à tous les points de vue ?
En bon père ou bonne mère de famille, c'est normal
qu'il ou elle prenne ses responsabilités de chercher « la vie
» là où elle parait être existée.
On ne peut pas parler de lutte contre la pauvreté sans
tenir compte des droits les plus fondamentaux de l'individu, à savoir de
se nourrir, se vêtir, avoir un logement , s'éduquer/ se former,
etc. La lutte pour une Haïti juste devrait être l'objectif de tout
citoyen- haïtien, aujourd'hui, en vue de se réaffirmer comme peuple
aux yeux du monde entier.
Nous constatons que la précarité de la situation
socio-économique des habitants compromet beaucoup à leur
épanouissement général. La manière même de
s'entasser dans des maisonnettes mal confectionnées a un impact assez
négatif sur leur état sanitaire. Des maladies comme la
diarrhée, malaria et tuberculose font rage dans ce bidonville à
cause de la mauvaise gestion de l'environnement et de manque
d'hygiène.
Le mode de vie de la population de Shada met à jour le
niveau extrême de la pauvreté en Haïti, en ce début du
21ème siècle. Nous constatons que la grande
majorité de la population s'efforce de subsister avec leur maigre moyen
économique. Comment accepter qu'une petite partie baigne dans
l'opulence, alors que la grande majorité se plonge sans arrêt dans
le désespoir ? Ne sont-ils pas tous fils d'une même nation Ces
genres de rapports ne sont-ils pas les sources des différentes
instabilités du pays ? On doit changer cette tendance, si on veut
éviter d'éventuelles tensions sociales en Haïti. Nous
reprenons, la véritable lutte de tout vrai haïtien aujourd'hui,
doit être contre : la faim, l'inégalité,
l'analphabétisme, mauvaise condition d'hygiène et le
chômage. La nécessité nous en oblige ! Une autre Haïti
est réellement possible, mais, avant tout, il nous faut de la
volonté, la capacité et détermination. La reconstruction
du pays doit être démarrée de toute urgence, sinon,
Haïti deviendra un pays invivable. On doit travailler à
réduire la pauvreté, afin de pouvoir l'éradiquer, en
retour. C'est la seule façon d'intégrer le grand concert des
nations et de faire preuve de reconnaissance à la grande bataille que
nos valeureux héros ont mené pour notre indépendance, dans
le but d'avoir un pays juste et prospère pour tous ses fils.
« Mieux vaut tard que jamais ».
BIBLIOGRAPHIE
LIVRES
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2001, 180 pages.
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Imprimeur, juin 2003, 1650 pages.
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paris, 1998, 2028 pages.
3- Encyclopédie Microsft Encarta 2004.
4- LAKEHAL, Mokhtar. Dictionnaire d'économie
contemporaine et des principaux faits politiques et sociaux, Paris,
Vuilbert, Décembre 2000, 735 pages.
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27 pages.
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économistes. 2006, 6 pages.
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géographie- UE GEO LO3, 12 pages.
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12) PERRIN, Emile-Robert. La lutte contre la
pauvreté. HCCI,
Avril 2004.
ANNEXE
Questionnaire d'Enquête / Shada /
Cap-Haitien
No du questionnaire
Zone
Popilasyon-an
1- Sèks: a) Gason b) Fanm
2- Ki laj ou genyen ?
3- Ki jan ou ap viv kounye-a? a) Plase
|
|
|
|
|
b) Marye
|
|
|
|
|
|
|
c)Selibatè d) Separe e) Lòt
4- Nan Ki Klas ou te rive lekòl ?
a) Pa janm ale lekòl b) Klas pwepatatwa (3e
AF)
b) Klas 4e - 6e AF c) Klas 7e - 9e AF
d) Klas 3e AF - Reto e) Klas Filo - Inivèsite
f) Lekòl pwofesyonèl
5-
Konbyen pitit ou genyen?
a) Kantite piti fi b) Kantite pitit gason
c) Pa genyen pitit
6- Nan Ki zòn ou fèt ?
a) Nan Shada b) Lòt Kote ( pwesize)
7- Ou ap viv nan Shada depi Konbyen tan ?
8- Poukisa ou te kite zòn ou te fèt la
?
a) Travay b) Vini lekòl
d) Problèm Sante
d) Lòt ( pwesize )
9-
Poukisa?
Poukisa?
Eske ou renmen Katye a ? a) Wi
b) Non
10- Eske ou gen moun lòt bò dlo ?
a) Wi Nan ki peyi lap viv
b) Non
11- Ki moun li ye pou ou ?
12-
Konbyen lajan li konn voye pou ou?
13- Konbyen chanm kay la genyen ?
14- Konbyen moun k'ap viv nan kay sa-a ?
15- Konbyen nan moun sa yo ki sou responsabilité ou
?
16- Ki metye ou te aprann ?
17- Eske se ak metye sa-a ou ap viv ?
a) Wi b) Non
18- Ki travay ou ap fè kounye a ? ( si se non,
pase nan # 28 )
19- Ki pozisyon ou nan travay la ?
20- Eske ou renmen travay la ?
a) Wi b) Non
22- Ki lòt aktivite ki rapòte ou lajan an plis
de travay ou an ?
23- Eske ou konnn resevwa transfè lajan ?
24- Konbyen kòb antou ou genyen pou depanse nan yon
semèn ?
25 Konbyen ou depanse nan yon mwa ?
26- Nan ki bagay ou depanse plis kòb, nan yon mwa ?
27- Konbyen lajan ou depanse pou manje nan yon jounen ?
28- Konbyen fwa ou manje pandan jounen ?
29- Ou di-m ou p 'ap travay, depi konbyen tan ?
30- Pouki sa ou p 'ap travay ?
31- Eske ou konn jwenn pwete a lenterè ?
a) Wi b) Non
( si se non, pase nan # 34)
32- Ki kote ?
a) Vwazinaj b)Mezon dafè
c) Mikwofinans / Labank e) Lòt
33- Sou 100 goud, konbyen enterè a konn ye ?
a) 10 a 20 goud b) 21 a 40 goud
c) 41 a 50 goud d) Lòt
Fonksyònman ak Lavi nan kay
la
34- Nan ki kondisyon ou rete nan kay ?
a) Pwopwyetè b) Lokatè
c) Eritye d) Lòt
35- Nan konbyen chanm ou rete nan kay la ?
36- Avèk ki sa kay la konstwi ?
a) Tè b)Blòk
c) Tòl d) Beton
37- Ki sa ou itilize pou distraksyon-w?
38- Lè moun nan kay la malad, ki kote n 'ale
trete?
a) Dispansè b) Gran lopital
b) Kay bòkò d)Lòt( Pwesize)
39- Ki kote ou jwenn dlo pou bwè ?
a) Nan Pi b) Nan tiyo
c) Nan Ponp d) Lòt Pwesize
40- Konbyen fwa yo bay tiyo nan yon mwa?
41- Kisa ou konnen de Sèvis Nasyonal Dlo Potab
(SNEP)
Keksyon pou Responsab lekòl ki nan
zòn nan
42- Pou kilès lekòl sa ye ? a) Leta b)
Pwive
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43-
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45-
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46-
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c) Kominotè
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d) Kongweganis
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e) Lòt
47- Konbyen sal klas lekòl la genyen ?
48- Nan ki Klas lekòl la rive ?
49- Konbyen Pwofesè lekòl la genyen ?
50- Konbyen pwofesè nan lekòl la ki rive nan
nivo :
a) 5è - 9è AF b) 3è - Reto
d) Filo - Inivèsite e) lekòl nòmal
fondamantal
f) Lòt
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