SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE
PROLEMATIQUE
I. L'ETAT DE LA QUESTION
II. L'HYPOTHESE DE RECHERCHE
III. LES OBJECTIFS DE L'ETUDE
IV. METHODOLOGIE
PREMIERE PARTIE : IDENTIFICATION ET ANALYSE
DES FACTEURS ENTRAVANT
LA CONCRETISATION PAR L'UNION AFRICAINE DU PROJET DES
ETATS-UNIS D'AFRIQUE
CHAPITRE I : PAIX ET
DEMOCRATIE : DEUX CONDITIONS SINE QUA NON
A L'EDIFICATION DES
ETATS-UNIS D'AFRIQUE
SECTION 1 : Les conflits en
Afrique : Obstacles majeurs à l'unité continentale
Paragraphe 1 : Les causes profondes des conflits en
Afrique
Paragraphe 2 : L'impact négatif des conflits sur le
processus d'intégration et
la nécessité de leur
résolution
SECTION 2 : La démocratie à
l'épreuve en Afrique
Paragraphe 1 : La problématique de
l'implantation et l'enracinement
de la démocratie en
Afrique
Paragraphe 2 : La pratique africaine de la
démocratie : « un autoritarisme
voilé »
CHAPITRE II : L'UNION AFRICAINE, OU LE REFUS DE
L'IDEAL PANAFRICAIN
DES ETATS-UNIS D'AFRIQUE
SECTION 1 : La difficile mise en place
de l'Union Africaine
Paragraphe 1 : Le contexte et les conditions de
création de l'Union Africaine
Paragraphe 2 : Les divergences
polititico-idéologiques et les questions
de leadership entre Etats africains
SECTION 2 : L''Union Africaine
entre textes et réalités
Paragraphe 1 : l'Union Africaine, « une coquille
vide » en réalité
Paragraphe 2 : Les ambiguïtés et les
imprécisions sur la forme de l'Union :
Fédération ou simple
cadre de coopération interafricaine ?
DEUXIEME PARTIE CONSTRUIRE LES ETATS-UNIS
D'AFRIQUE : TEL EST L'OBJECTIF !
CHAPITRE III : LA STRATEGIE DES ETATS-UNIS
D'AFRIQUE
SECTION 1 : La nécessaire
réforme des structures et organes clés de l'Union Africaine
Paragraphe 1 : les nécessaire réformes au
plan politique et militaire
Paragraphe 2 : les nécessaires réformes au
plan économique et social : Pour une
redynamisation du NEPAD
SECTION 2 : L'exigence d'une plus grande
implication de l'acteur social
Paragraphe 1 : Le rôle capital de la
société civile africaine
Paragraphe 2 : Le rôle des médias dans le
processus d'intégration africaine
CHAPITRE IV : S'UNIR OU PERIR : LES
ETATS-UNIS D'AFRIQUE COMME ULTIME ALTERNATIVE POUR LE DEVELOPPEMENT ET
LE RAYONNEMENT INTERNATIONAL DU
CONTINENT
SECTION 1 : Les préalables politiques
et économiques
Paragraphe 1 : L'élargissement des
compétences du parlement et
la création
d'un gouvernement fédéral africain
Paragraphe 2 : L'élaboration de politiques
économiques communes et
la création d'une monnaie
unique africaine
SECTION 2 : Les Etats-Unis d'Afrique : Une
nécessité
Paragraphe1 : Pour une concrétisation du rêve
panafricain
Paragraphe 2 : Pour une Afrique pacifique et
prospère
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
GENERALE
A la veille de la création de l'Organisation de
l'Unité Africaine (OUA), l'empereur Hailé Sélassié
rappelait déjà, que cette entreprise d'unité du continent
était noble et salutaire, mais demeurait néanmoins
périlleuse. A ce propos, il disait : « l'avenir
de ce continent réside en premier lieu dans une unité politique,
mais les obstacles à supporter sont nombreux et
difficiles. »1(*)
En effet, la création d'une organisation
régionale oeuvrant pour l'unité et l'intégration du
continent africain ne s'est pas faite sans difficultés. Du scepticisme
de certains, à la réticence de biens d'autres, en passant par
l'absence de volonté politique et de moyens financiers, la constitution
d'une telle organisation ne fut pas une sinécure.
Lorsque l'on parle d'intégration régionale, il
est toujours judicieux de définir les concepts connexes y relatifs, afin
de mieux préciser sa pensée. Pour ce faire, nous
définirons tour à tour les concepts d'intégration,
d'organisation internationale intergouvernementale, d'organisation
régionale et d'union.
S'agissant de l'Intégration, le dictionnaire de droit
international public la définit comme la fonction d'une organisation
internationale qui vise à unifier progressivement par des
mécanismes appropriés, l'économie, voire le système
politique des Etats membres. Ainsi, lorsque l'on parle d'Organisation
d'Intégration, c'est pour désigner les organisations
internationales dotées de pouvoirs nécessaires pour remplir de
telles fonctions. Quant à l'Organisation Internationale
Intergouvernementale, elle peut être définie comme une association
d'Etats, établie par voie conventionnelle et qui poursuit des objectifs
communs au moyen d'organes permanents qui lui sont propres, et qui
possède une personnalité juridique distincte de celle des Etats
membres. Les principales caractéristiques de l'Organisation
Internationale Intergouvernementale sont :
v Elle est formée d'Etats
v Elle est créée par un accord international
v Elle poursuit des buts communs par des moyens propres,
notamment normatifs.
En ce qui concerne l'Organisation Régionale, elle
renvoie à toute organisation internationale intergouvernementale
regroupant un nombre restreint d'Etats, principalement choisi selon un
critère géographique. Mais dans la pratique, le
régionalisme traduit souvent une différenciation
géopolitique ; c'est-à-dire plus une solidarité
politique voire idéologique, qu'un simple particularisme
géographique. Ainsi, dans le cadre de notre travail, le terme
« régional » sera employé pour
désigner tout le continent africain.
Enfin, le concept Union désigne quant à lui, une
organisation internationale qui utilise le
mot « UNION » dans sa définition. C'est le cas
par exemple de l'Union Africaine.
Au plan historique, c'est aux alentours des
16ème et 17ème siècles que
commença à germer l'idée d'un regroupement des peuples
africains avec l'expansion du mouvement panafricaniste. Ce mouvement,
né aux Etats-Unis d'Amérique sous la houlette de descendants
d'esclaves noirs, se donnait en effet pour mission de réhabiliter les
civilisations africaines, de restaurer la dignité de l'homme noir et de
prôner le retour à la mère-patrie qu'est l'Afrique.
D' abord perçu comme un mouvement racial, le
panafricanisme s'est transformé progressivement en mouvement culturel,
puis politique. C'est sous cette dernière forme du mouvement panafricain
que prendront corps les velléités unificatrices et
d'intégration politique des Etats du continent africain. Ainsi, le
panafricanisme se présente sous son aspect politique comme à la
fois un mouvement de libération coloniale, de consolidation de
l'indépendance et de réalisation de l'unité africaine.
En effet, Kwamé Nkrumah définissait le
panafricanisme comme « l'expression des aspirations des
descendants des peuples africains »2(*) . On peut toutefois, en donner aujourd'hui une
définition plus complète et dire que le
« panafricanisme est une aspiration des noirs d'Afrique et de la
diaspora, qui s'identifient culturellement par leur appartenance à la
civilisation négro africaine ; puisant sa force dans la
résistance pluriséculaire des Nègres à l'esclavage,
cette aspiration se projette dans une unité politique du continent sous
la forme des Etats-Unis d'Afrique. »3(*)
Cette dynamique panafricaine portée par les figures
historiques des indépendances africaines (Kwamé Nkrumah,
Sékou Touré...) aboutira à la création en Mai 1963
de l'organisation de l'unité africaine (OUA).
La création de l'OUA apparaissait donc, comme le
couronnement des années de lutte acharnée menée par les
figures emblématiques du panafricanisme et pères des
indépendances africaines dans l'optique de libérer le continent
du joug colonial et de lui assurer un développement
socio-économique durable.
Les objectifs assignés à cette organisation,
outre l'éradication du colonialisme sous toutes ses formes,
étaient ceux de la réalisation à terme de
l'intégration économique et de l'unité politique du
continent africain. Cependant, après plus de trente années de
fonctionnement, seulement une partie des objectifs furent atteints.
En effet, d'un coté la décolonisation totale du
continent qui fut une réussite indéniable est à mettre
à l'actif de l'organisation panafricaine (OUA), grâce notamment
aux activités secrètes de son comité de libération.
Mais, d'un autre coté, notamment en ce qui concerne le domaine
socio-économique, le bilan de l'OUA est alarmant et interpellateur. Car,
une fois les indépendances acquises (les Etats africains obtinrent
l'indépendance généralement vers 1960, et en 1963 les
chefs d'Etat et de Gouvernement se réunirent à Addis Abeba, pour
jeter les bases de l'unité), les Etats africains offrirent à
l'humanité le triste tableau d'un continent meurtri par les affres de la
pauvreté, de la guerre, de la famine....etc. En un mot, l'image d'un
continent « malade »économiquement et socialement.
Au plan politique également, la situation de l'Afrique n'était
guère plus reluisante. Elle était caractérisée par
la généralisation de la dictature et de l'autoritarisme comme
modes privilégiés de gestion politique.
C'est d'ailleurs, face à ce constat de crise
généralisée sur le continent africain que dès 1962,
l'agronome français René Dumont écrivait un livre au titre
provocateur mais évocateur : L'Afrique noire est
mal partie4(*). Il y
prédisait que, l'Afrique connaitrait une grave crise socio
économique si des politiques économiques et sociales
adéquates n'étaient pas adoptées. Et, une année
plus tard, Kwamé Nkrumah surenchérissait dans son ouvrage
l'Afrique doit s'unir, où il rappelait qu'il n'y aura point de
salut pour les populations africaines sans unité. A ce propos, il
disait : « Les Etats africains doivent s'unir ou bien
se vendre aux impérialistes ou aux colonialistes pour une assiette de
soupe ou bien se désintégrer
individuellement. »5(*)
La création de l'OUA devait donc, en principe,
permettre de résoudre les problèmes de l'Afrique, en favorisant
la mise en marche effective d'un processus d'intégration
économique et politique, qui devrait à la longue aboutir
à la concrétisation de cet idéal cher aux illustres
porte-étendards du panafricanisme, à savoir, la
réalisation de l'unité politique totale du continent africain.
Seulement voilà. Depuis la création de l'OUA, le
processus d'intégration économique et politique bat de l'aile. De
nombreuses difficultés aussi bien d'ordre institutionnel,
qu'idéologico-politique ont freiné cette longue marche vers la
pleine réalisation de l'intégration en Afrique.
Déjà, le contexte qui a prévalu au moment de la
création de l'OUA est symptomatique des difficultés qu'a connues
l'organisation panafricaine dans la réalisation de ses objectifs. En
effet, au sommet d'Addis Abéba en 1963, Kwamé Nkrumah proposa
l'unité politique continentale, mais le sommet préféra la
coopération technique, économique et politique, laissant à
chaque Etat sa souveraineté à l'intérieur des
frontières héritées de la colonisation.
L'Organisation de l'Unité Africaine ainsi
créée, était beaucoup plus une organisation de
coopération, qu'une véritable organisation oeuvrant pour
l'unité politique. C'est cette situation qui a fait dire à un
ancien Secrétaire Général de cette organisation
que, « l'OUA réalise ce paradoxe fondamental
d'être une organisation de l'unité qui maintient le morcellement
d'un continent dont elle est censée assurer le destin
unitaire. »6(*)
Après plus d'une trentaine d'années de
fonctionnement de l'OUA, les changements intervenus en Afrique et dans le monde
ont ravivé le sentiment de solidarité entre les peuples
africains, et suscité çà et là, chez les africains,
des sentiments favorables au panafricanisme de Nkrumah.
Pour preuve, sur le plan interne, toutes les politiques de
développement des Etats néo indépendants, en dépit
de l'aide extérieur massive ont pratiquement échoué. Aucun
pays n'a pratiquement pas pu décoller qu'il s'inspirât du
marxisme, du capitalisme ou du socialisme africain.
Forts de ces constats, les peuples africains, unis
derrière leurs chefs d'Etat, et sous l'impulsion salutaire du guide
libyen Mouammar Kadhafi créèrent en 2001 à Lusaka, l'UNION
AFRICAINE(UA), qui devrait relayer l'OUA, en vue de la poursuite des objectifs
de développement économique et d'unité politique du
continent africain. Mais, c'est en 2002 à Durban en Afrique du sud que
les chefs d'Etat et de gouvernement consacrèrent l'entrée en
vigueur de l'UA et la mise en place de nouveaux organes, notamment la
commission.7(*)
Evidemment, la création de l'UA, en remplacement de
l'OUA avait en son temps ravivé les espoirs des populations
africaines ; lesquels espoirs avaient été brisés par
les multiples échecs de la « défunte
organisation », notamment dans les domaines du développement
socio-économique et du maintien de la paix.
Au demeurant, il convient toutefois de préciser que
notre étude n'a nullement la prétention d'effectuer un bilan de
la défunte OUA. Ceci étant, nous nous limiterons dans le cadre de
notre mémoire de maitrise, uniquement à l'Union Africaine et
à ses institutions. Car, l'Union Africaine intègre dans ses
objectifs, ceux déjà proclamés dans le cadre de la Charte
de l'OUA et du Traité instituant la Communauté Economique
Africaine (CEA).8(*)
Aujourd'hui, l'acuité de la question de
l'intégration se pose de façon plus persistante, tant il est vrai
que le processus de mondialisation dans lequel nous sommes tous engagés,
implique la constitution de blocs régionaux forts politiquement et
économiquement. En effet, l'on ne s'est pas vite aperçu que l'une
des causes essentielles de l'échec économique de l'Afrique,
tenait à la « balkanisation » du continent, à
son cloisonnement en une multitude d'espaces économiques et de petits
marchés non viables, contre les limites desquels se heurtent rapidement
les effets de tout investissement.9(*)
Ainsi, face aux nouveaux enjeux liés à la
mondialisation et au développement des nouvelles technologies de
l'information et de la communication, et au regard de la situation actuelle du
continent , caractérisée par une prolifération des crises
et conflits, par un marasme économique généralisé,
sans oublier le processus démocratique balbutiant dans lequel
évolue la plupart de nos Etats, l'Union Africaine, forte de ses
institutions et structures novatrices notamment dans le domaine du
développement économique, apparaissait comme l'alternative la
mieux indiquée capable de protéger le continent d'une
marginalisation dans l'échiquier économique international.
Sous ce rapport, la portée et les perspectives de cette
nouvelle organisation panafricaine (UA), dépendront du pragmatisme
réel de cette expression unique de volonté politique
manifestée par les Etats africains.
Pour ce faire, il est impérieux pour nous africains, de
nous concentrer sur les énormes défis qui nous interpellent,
à savoir : Forger le destin de nos peuples, cultiver une grande
autonomie et une plus grande confiance en nous-mêmes, remettre notre
continent sur la voie du développement économique, promouvoir la
paix, la sécurité et la stabilité sans lesquelles, il ne
pourrait y avoir de développement significatif et durable pour le
continent africain.
Sous ces éclairages, le moins que l'on puisse dire, est
qu'il urge pour les Etats africains, sous la houlette de l'UA, de
réaliser le plus rapidement possible l'unité politique totale du
continent, afin d'assurer à ses fils un espace politique unifié,
paisible et prospère. D'où l'intérêt de notre
étude qui s'attèlera à déceler les obstacles et les
insuffisances entravant la réalisation de cette union politique plus que
nécessaire pour le salut des populations africaines.
Aussi, notre étude se veut une radioscopie, une analyse
profonde et critique de l'institution en charge de la réalisation des
objectifs de développement socio économique et d'unité
politique des Etats africains, à savoir l'UA.
En effet, cette dernière, réclamée à
cor et à cris après que l'OUA ait montré ces limites dans
les domaines de l'intégration politique et économique du
continent, entend oeuvrer à la réalisation d'une plus grande
unité et solidarité entre les Etats africains avec à terme
l'édification des Etats-Unis d'Afrique. C'est ainsi, qu'à
l'occasion de la célébration de la journée de l'Afrique le
29 Mai 2004 au siège de l'Unesco, le président de la commission
de l'UA, SEM Alpha Oumar Konaré définira l'Union Africaine
comme, « Une organisation d'intégration
régionale qui évolue vers la création des Etats-Unis
d'Afrique ».
Mais aujourd'hui, contrairement aux espérances et aux
professions de foi de nos leaders politiques, l'UA peine à
réaliser l'unité effective du continent, quand bien même
qu'elle ne soit qu'à ces premières années de
fonctionnement.10(*)
La persistance des conflits, la dégradation progressive
et visible de la situation économique de nombreux Etats africains, en
plus de l'exclusion de l'Afrique des débats liés aux grands
enjeux mondiaux, nourrissent le scepticisme de nombreux observateurs quant
à la capacité de l'UA à relever sereinement les
défis de l'intégration politique et économique, à
fortiori celui de la construction des Etats-Unis d'Afrique.
En effet, l'objectif d'édification à long terme
par l'UA des Etats-Unis d'Afrique, bien que ambitieux et salutaire, demeure
néanmoins très idyllique, tant il est vrai que de nombreux
facteurs entravent la concrétisation de ce projet. Dès lors, il
convient de se poser la question à savoir, quels sont
concrètement, les facteurs qui entravent la concrétisation par
l'UA et les Etats africains, de l'idéal panafricain d'édification
des « Etats-Unis » d'Afrique ?
Pour répondre à cette problématique
transversale qui sous-tend notre travail, il conviendra de procéder au
préalable, à l'identification et à l'analyse des facteurs
qui concourent à retarder la marche du continent vers l'unité
politique conformément aux idéaux panafricains tels que
prônés par Kwamé Nkrumah et les autres grandes figures du
panafricanisme.
Au nombre de ceux-ci, nous pouvons mentionner tout d'abord le
fléau des conflits. En effet, les conflits entravent
considérablement toute ambition de développement durable des
Etats africains. Car, comme le disait SEM Thabo Mbeki11(*), « il n'y aura
jamais de développement sans la paix et la
sécurité »12(*). A cet égard, l'Acte constitutif de l'UA
pose la nécessité de juguler le fléau des conflits, comme
condition préalable au développement socio économique et
à l'intégration.
Cependant, depuis la création de l'UA, le continent est
le foyer d'une multiplicité de conflits dont les conséquences
sont désastreuses pour les populations africaines. Parce que, non
seulement ils occasionnent de nombreuses victimes civiles, mais
également retardent et compromettent la marche vers le
développement et l'unité continentale.
De la Cote d'Ivoire, au Congo, en passant par le Darfour, les
zones de conflits sur le continent sont nombreuses. Cette situation interpelle
l'ensemble des Etats africains regroupés au sein de l'UA, à
mettre en oeuvre les mesures adéquates en vue de bouter hors du
continent le fléau des conflits, qui retarde inexorablement la
réalisation de l'objectif ultime de l'UA qui est celui de la
constitution des Etats-Unis d'Afrique.
Outre la question des conflits, la problématique de la
démocratisation, elle-même tributaire de la faiblesse structurelle
des Etats africains constitue également un des facteurs identifiables de
la difficulté de mise en marche du processus d'intégration
accéléré devant aboutir à l'édification des
Etats-Unis d'Afrique.
En effet, le besoin éprouvé par les
rédacteurs de l'acte constitutif de l'UA de placer au centre de leurs
préoccupations et objectifs, la promotion et la protection des droits de
l'homme, la consolidation des institutions démocratiques, ainsi que la
vulgarisation de la bonne gouvernance et de l'Etat de droit, témoigne si
besoin en était encore de l'importance d'une pratique
démocratique véritable en Afrique, pour la réalisation
effective des objectifs d'intégration et d'unité continentale,
incarnés par l'UA.
A coté de ces facteurs relatifs à la paix et
à la démocratie, il y'a également au nombre des facteurs
qui constituent des pierres d'achoppement au projet fédéral
africain, ceux qui relèvent des insuffisances et faiblesses
institutionnelles de l'organisation en charge de cette mission, à savoir
l'UA.
En effet, le contexte et les circonstances qui ont
présidé à la naissance de l'UA portent les germes du
discrédit qui frappe aujourd'hui l'UA, notamment en ce qui concerne sa
capacité à relever le défi de la réalisation des
Etats-Unis d'Afrique. Les divergences politico idéologiques qui se sont
exprimées au cours des réunions préparatoires pour
l'élaboration de l'Acte constitutif de l'UA ont fini par avoir raison du
projet originel des Etats-Unis d'Afrique. En effet, celui-ci fut
abandonné au profit d'une coopération interafricaine
préservant la souveraineté des Etats membres.
En sus, il convient d'ajouter à ces facteurs,
l'inadaptation des structures actuelles de l'UA à répondre
efficacement à l'ampleur de l'enjeu de la construction des Etats-Unis
d'Afrique. Il conviendra dès lors, en guise de solutions, de
procéder à une profonde réforme de l'UA afin qu'elle
puisse servir véritablement de fondation et de base institutionnelle
à la future fédération des Etats-Unis
d'Afrique.
Enfin, l' « argent étant le nerf de la
guerre », le fonctionnement de l'UA est fortement handicapé
par l'absence de moyens financiers. C'est d'ailleurs, pour cette raison
qu'à l'occasion de la célébration du septième
anniversaire de l'UA tenu à Syrte en septembre 2006, le président
de la Commission a solennellement lancé un appel aux Etats afin qu'ils
honorent régulièrement leurs cotisations auprès de
l'UA ; faute de quoi, dit-il : « l'organisation sera
inefficace et incapable de mettre en oeuvre les projets et programmes devant
baliser la voie vers les Etats-Unis d'Afrique ».
L'unification politique du continent africain est d'une
impérieuse nécessité pour l'extirper des affres de la
guerre et des crises politiques et économiques multiformes qui retardent
considérablement son développement socio-économique. Le
projet des Etats-Unis d'Afrique qui constitue l'objectif ultime de
l'UA, s'inscrit dans cette dynamique. Pour ce faire, il s'avère
également opportun de s'interroger sur les solutions envisageables dans
l'optique de favoriser sa réalisation.
Ainsi, nous nous pencherons, en première analyse, sur
l'identification des facteurs entravant la concrétisation du projet des
Etats-Unis d'Afrique (Première partie), avant de nous
appesantir en second lieu, sur les solutions envisageables dans l'optique de
favoriser la réalisation effective par l'UA de cet idéal
panafricain (Deuxième partie).
PROBLEMATIQUE
Selon Raymond Quivy et Luc Van Campenhoudt, la
problématique scientifique dans le cadre d'une recherche revient
à définir conjointement trois éléments :
« Ce qu'on cherche à
expliquer, ce avec quoi on le mettra en relation et le type de relations qu'on
envisage entre les deux premiers
éléments ».13(*)
A cet égard, nous avons choisi de travailler sur
l'Union Africaine et son projet des Etats-Unis d'Afrique. Plus
précisément, sur les facteurs qui entravent la
concrétisation de cet idéal.
Ainsi, compte tenu de la rigueur méthodologique
qu'exige tout travail scientifique, nous avons subdivisé notre
problématique en quatre parties : L'état de la
question ; l'hypothèse de recherche ; les objectifs de la
recherche et enfin la méthodologie.
I. ETAT DE LA QUESTION
L'Union Africaine (UA), est définie par SEM Alpha Oumar
Konaré comme une « organisation d'intégration
régionale qui évolue vers la création des Etats-Unis
d'Afrique ».14(*)
C'est donc tout logiquement que la création de
celle-ci, fut considérée comme un évènement
historique majeur dans l'évolution institutionnelle du continent. C'est
en effet, le 9 septembre 1999 à Syrte en Libye que les chefs d'Etat et
de gouvernement de l'OUA adoptèrent une
déclaration dénommée « déclaration
de Syrte », demandant la création de l'UA en vue entre autres,
d'accélérer le processus d'intégration sur le continent,
afin de permettre à l'Afrique de jouer le rôle qui lui revient
dans l'économie mondiale, tout en déployant des efforts pour
résoudre les problèmes sociaux, économiques et politiques
multiformes auxquels sont confrontés les Etats africains.
Evidemment, la création de l'UA en remplacement de
l'OUA avait en son temps ravivé les espoirs des populations
africaines ; lesquels espoirs avaient été brisés par
les multiples échecs de la défunte OUA, notamment dans les
domaines du développement socio-économique et de la
réalisation de l'unité politique du continent. En effet, au
moment de la création de l'OUA en 1963 à Addis Abéba,
Kwamé Nkrumah proposa l'unité continentale, mais le sommet
préféra la coopération technique, économique et
politique, laissant à chaque Etat sa souveraineté à
l'intérieur des frontières héritées de la
colonisation.
L'organisation de l'unité africaine(OUA) ainsi
créée, était beaucoup plus une organisation de
coopération, qu'une véritable organisation oeuvrant pour
l'unité continentale.
C'est forts de ces constats, que les peuples africains, unis
derrière leurs chefs d'Etat, et sous l'impulsion salutaire du guide
libyen Mouammar Kadhafi, créèrent officiellement en 2001 à
Lusaka, l'Union Africaine, qui devrait relayer l'OUA en vue de la poursuite des
objectifs de développement et d'unification des Etats d'Afrique.
Aujourd'hui, l'acuité de la question de
l'intégration se pose de façon plus persistante, tant il est vrai
que le processus de mondialisation dans lequel nous sommes tous
engagés, implique la constitution de blocs régionaux forts
économiquement et politiquement. En effet, l'on ne s'est pas vite rendu
compte que l'une des causes essentielles de l'échec économique de
l'Afrique tenait à sa « balkanisation », à
son cloisonnement en une multitude d'espaces économiques et de petits
marchés non viables, contre les limites desquels se heurtent rapidement
les effets de tout investissement.
Face à ces situations de fait, l'UA forte de ces
institutions novatrices apparaît comme l'alternative la mieux
indiquée à même de soustraire le continent de la crise
socio-économique dans laquelle il est englué depuis les
indépendances. Pourtant, à l'épreuve de la
réalité et contrairement aux professions de foi des leaders
politiques africains, l'UA peine à réaliser l'unité
effective du continent, quand bien même qu'elle ne soit qu'à ses
premières années de fonctionnement.
En effet, la persistance des conflits, la dégradation
croissante de la situation économique de nombreux Etats africains, en
plus de l'exclusion de l'Afrique des débats internationaux de grande
importance, nourrissent le scepticisme de nombreux observateurs quant à
la capacité de l'UA à relever efficacement les défis de
l'intégration politique et économique, à fortiori celui de
la construction des Etats-Unis d'Afrique.
Par ailleurs, le contexte qui a présidé à
la naissance de l'Union Africaine est également symptomatique des
balbutiements et difficultés que rencontre le processus
d'intégration sur le continent. En effet, au moment de la
création de l'UA, beaucoup d'auteurs voyaient en cette dernière
ni plus ni moins qu'une forme d' « OUA bis ».
Ainsi, tout comme au moment de la création de l'OUA en 1963, les chefs
d'Etat n'étaient pas sur la même longueur d'onde quant à la
forme que devrait prendre cette nouvelle organisation panafricaine. A ce
propos, nous pouvons noter qu'aux cours des discussions de préparation
du projet de constitution de l'UA à syrte en 1999, le clivage entre
partisans d'une Afrique forte tendant vers l'unité politique
intégrale telle que prônée par Nkrumah, et ceux qui
souhaitaient une simple réforme de l'OUA, avait une fois de plus, comme
cela s'était passé près de quarante auparavant au moment
de la création de l'OUA, révélé la
difficulté pour les Etats africains de s'unir tant les divergences
idéologico-politiques sont profondes.
Sous ce rapport, on peut à juste titre se
demander si les difficultés rencontrées par l'UA dans la
mise en oeuvre du projet des « Etats-Unis » d'Afrique ne
résident-elles pas en partie dans le contexte et les conditions qui ont
porté l'Union Africaine sur les fonts baptismaux ?
Pourtant, qu'à cela ne tienne, au sein des
élites et de la société civile africaines, l'optimisme est
de mise quant à la possibilité de réalisation effective
des Etats-Unis d'Afrique. Cette dynamique nouvelle porteuse d'espoir a pour
illustres défenseurs, entre autres les présidents
sénégalais Me Abdoulaye Wade, nigérian Olesegun
Obassanjo , et le guide libyen Mouammar El Kadhafi. Ce dernier, dans un
discours prononcé lors des festivités commémorant le
sixième anniversaire de la déclaration de fondation de l'UA,
s'est déclaré confiant en cette organisation, qui,
dit-il : «...a devant elle une tâche
historique ». Affirmant qu'il n'ya plus de place pour ceux qui
hésitent et retardent la marche du continent vers les Etats-Unis
d'Afrique, le guide libyen ajoutera que : «La construction des
Etats-Unis d'Afrique n'est pas une entreprise difficile si l'on s'en
réfère aux données ». A ce propos, il a
constaté que dix huit pays africains font moins que l'Etat de New
York et que onze pays ont une population de moins d'un million d'habitants. Ce
qui signifie qu'il est facile de fonder un seul pays d'Afrique, ou plutôt
les Etats-Unis d'Afrique.
Ceci étant, nous pouvons donc au regard de la multitude
de facteurs et d'arguments militant pour un fédéralisme africain,
nous interroger sur les raisons apparentes ou sous jacentes qui entravent la
concrétisation par l'UA de cet idéal. Car comme le disait Me
Abdoulaye Wade, président de la République du
Sénégal dans son discours du 10 janvier 2007 à l'occasion
de l'audience de rentrée solennelle des cours et
tribunaux : «l'Union Africaine n'a besoin que d'un effort de
plus pour passer au stade des Etats-Unis d'Afrique ».15(*)
Dans quels domaines ces efforts doivent-ils être
déployés ? Plus concrètement, quels sont les
problèmes et blocages auxquels doivent faire face l'Union Africaine et
les Etats africains afin de relever le défi de l'édification des
Etats-Unis d'Afrique ?
L'ambition d'élucidation de ces questionnements, nous
amène à élaborer une hypothèse de recherche, que
nous nous évertuerons à explorer tout au long de ce travail.
II. L'hypothèse de recherche
Elle a été élaborée à la
suite des différentes lectures que nous avons effectuées, sans
oublier les multiples conférences et débats relatifs au projet
des Etats-Unis d'Afrique auxquels nous avons activement participé.
Ainsi, dans la perspective de cette étude, nous sommes
partis du constat que la construction des Etats-Unis d'Afrique apparaît
actuellement, au regard de la dynamique de la mondialisation qui implique la
constitution de blocs régionaux fort économiquement et
politiquement, comme la solution la plus pertinente pour un
développement soutenu et durable du continent africain.
Par ailleurs, l'Union Africaine qui a été
créée dans l'optique de traduire en réalité cet
ultime objectif, demeure l'acteur central de ce processus. Il doit à
terme parvenir à la réalisation de cet idéal longtemps
prôné par les illustres figures du panafricanisme et pères
des indépendances africaines.
Ainsi donc, en un mot, notre hypothèse de recherche
est la suivante : la concrétisation par l'Union Africaine du projet
des Etats-Unis d'Afrique est impérieuse pour une plus grande gloire de
l'Afrique, pour son développement socio-économique, pour le
progrès et l'épanouissement de ses populations.
III Les objectifs de la recherche
Ils sont les suivants :
v Déceler d'abord, les faiblesses, obstacles et
insuffisances qui empêchent l'Union Africaine de concrétiser le
projet des Etats-Unis d'Afrique.
v Ensuite, une fois ces faiblesses identifiées, proposer
des solutions qui permettrons à l'Union Africaine de relever plus
efficacement les défis de l'intégration économique et
politique sans lesquels il ne pourrait y avoir les Etats Unis d'Afrique.
v Enfin, au regard de tout ce qui précède, nous
chercherons à voir en toute objectivité, si le projet des
Etats-Unis d'Afrique n'est pas utopique, tant il est vrai que le processus
d'intégration sur le continent africain bat de l'aile.
IV METHODOLOGIE
Compte tenu du caractère actuel de l'Union Africaine,
notre étude fut confrontée à une
« sécheresse bibliographique ».
En effet, très peu d'études ont
été consacrées à l'Union Africaine. Seul quelques
articles universitaires, les discours ou encore des revues
spécialisées abordent profondément la question de l'Union
Africaine et son projet des Etats-Unis d'Afrique. Outre ces
éléments bibliographiques, nous avons réussi à
rassembler des informations en assistant aux conférences et
débats relatifs au thème des Etats-Unis d'Afrique.
Les bibliothèques de l'université de Ouagadougou
(UO), tout comme celles de l'Université Gaston Berger de Saint Louis et
le centre de documentation de l'UFR /SJP de la même
université, nous ont également fourni des ouvrages et manuels qui
ont été d'une grande importance dans l'élaboration de
notre travail.
Enfin, l'outil informatique, à travers notamment les
moteurs de recherches reconnus (Google, Yahoo), les encyclopédies ou
encore les sites internet abordant les questions de l'intégration et du
développement en Afrique, nous a été d'un grand apport
dans le cadre de ce mémoire de maitrise.
PREMIERE PARTIE
IDENTIFICATION ET ANALYSE DES FACTEURS ENTRAVANT LA
CONCRETISATION PAR L'UNION AFRICAINE DU PROJET DES ETATS-UNIS D'AFRIQUE
CHAPITRE I PAIX ET DEMOCRATIE : DEUX
CONDITIONS SINE QUA NON A L'EDIFICATION DES ETATS-UNIS D'AFRIQUE
La création de l'Union Africaine dont l'objectif est de
parachever l'oeuvre d'unité du continent déjà
entamé dans le cadre de la « défunte OUA », a
constitué un évènement majeur dans l'histoire politique du
continent. En effet, l'UA se donne pour mission de redynamiser le processus
d'intégration afin de parvenir à terme à
l'édification des Etats-Unis d'Afrique.
Pour atteindre cet ultime objectif, de nombreux
défis doivent être préalablement relevés. Au nombre
de ceux-ci, il y'a d'une part, le fléau des conflits qui compromet
considérablement toutes les chances de succès du processus
d'intégration devant aboutir à l'unité politique du
continent (Section1). D'autre part, le déficit démocratique, qui
se manifeste en Afrique à travers la prolifération des
régimes autoritaires et dictatoriaux, incapables de mettre en oeuvre des
stratégies crédibles et ambitieuses de développement,
constitue également une pierre d'achoppement à la construction
des Etats-Unis d'Afrique (Section2).
SECTION 1 : Les conflits en
Afrique : obstacles majeurs à l'unité
continentale
A coté de la famine, du paludisme et du sida, les
conflits comptent parmi les fléaux qui retardent le plus le
développement économique et politique du continent africain.
L'origine des conflits remonte à l'émergence de
l'Etat africain. En effet, à leur accession à
l'indépendance, ces Etats étaient confrontés au
problème du choix du gouvernement adéquat. Les institutions
précoloniales avaient été pour la plupart
démantelées à dessein par les colonisateurs. Du fait de la
fascination qu'il exerçait sur les élites nationalistes
africaines, le modèle occidental de gouvernement fut alors
généralisé dans toute l'Afrique. A la différence de
l'Etat-nation occidental, l'Etat nation africain apparaissait du jour au
lendemain dans des sociétés dont la situation économique,
les systèmes de valeurs et la culture politique présentaient bien
des spécificités.
La difficulté majeure pour les nouvelles entités
politiques africaines était d'adapter le modèle
étatique « importé »16(*) de l'Occident à une
réalité sociale caractérisée par une
diversité culturelle très marquée. Il en résulta
des rapports sous bien des aspects conflictuels qu'entretenaient ces Etats avec
leurs sociétés. Ces rapports ne sont pas cependant uniformes.
Ils sont tributaires de l'autonomie et de la capacité politiques des
Etats de concevoir et d'appliquer leur programme de gouvernement. Ces
programmes ont des répercussions diversement ressenties et
appréciées par les différentes franches de la
société.
A la diversité des situations, correspond une
diversité des conflits. Dans des pays comme la Côte d'Ivoire,
c'est la légitimité des détenteurs du pouvoir
étatique qui est le plus souvent contestée. Dans d'autres, comme
la Somalie, c'est le caractère empirique de l'Etat (territoire,
population et gouvernement) qui est en question.
A coté des conflits internes, il existe des conflits
entre Etats découlant, le plus souvent, d'une délimitation
artificielle des frontières de la part des colonisateurs. Ils
constituent aussi, dans bien des cas, une extériorisation des
difficultés internes aux Etats.
L'Afrique est aussi le théâtre des conflits dits
« déstructurés ». Ils se caractérisent
par l'affaiblissement ou la disparition partielle ou totale des structures
étatiques. Dans ces situations, des groupes armés profitent du
vide politique pour chercher à s'emparer du pouvoir. Mais le type de
conflit le plus récurrent en Afrique est celui dit
« ethnique ». Il s'y développe sous l'effet d'une
spirale de propagande, de peur, de violence et de haine, une dynamique visant
à renforcer la notion de groupe au détriment de l'identité
nationale.
De nos jours, nous assistons à une complexification des
conflits découlant d'un croisement de deux ou de plusieurs aspects du
fait des enjeux multiples, qui varient selon qu'on les aborde sous l'angle
interne, régional ou international.
Au plan interne, c'est surtout la lutte pour la
conquête et le partage du pouvoir de même que la distribution des
ressources qui sous-tendent les conflits africains.
A l'échelle régionale,
certaines « puissances » africaines ont tendance
à étendre leur sphère d'influence au-delà de leurs
frontières, sur les autres Etats de la sous-région
réputés plus faibles. La moindre tension est un prétexte
pour ces pays de tester leurs capacités politique et militaire à
instrumentaliser les dissensions à l'intérieur des Etats voisins
ou entre eux. Aussi, derrière les motifs officiels d'une
ingérence voilée, se cachent souvent des convoitises
économiques et territoriales.
Au plan international, aussi longtemps que durait la guerre
froide, les « grandes puissances » accordaient un grand
intérêt aux conflits africains. On avait assisté à
une « clientélisation » des rapports entre Etats
africains antagonistes et « grandes puissances ». En
échange de leur alignement sur l'un ou l'autre des deux blocs, les
« clients » africains se voyaient octroyer un soutien
militaire et financier. Cependant, les causes de conflit étaient
essentiellement africaines. A fin de la guerre froide, ces conflits ont moins
suscité l'intérêt des pays occidentaux. On assiste
même à une indifférence de leur part tant que leurs
intérêts économiques et stratégiques ne sont pas en
jeu. Et pourtant, les conflits ont augmenté en nombre et en
intensité et sont beaucoup plus développés à
l'intérieur des pays.
Le paradoxe est que ces crises, tensions et conflits se
développent au moment ou s'amorce un mouvement de démocratisation
et d'intégration économique et politique sur le continent. En
réalité tous ces conflits existaient à l'état
latent. L'apprentissage de la démocratie n'est qu'un des facteurs
accélérateurs de leur explosion. Au-delà des statistiques,
leur impact socio-économique révèle qu'ils s'attaquent aux
bases mêmes de l'Etat africain. Il est unanimement admis, aujourd'hui,
au sein de la communauté internationale que la paix est devenue, non
seulement un droit fondamental de l'Homme et des Peuples, mais aussi une
condition de développement.
C'est ainsi que, conscients du fait que le fléau des
conflits en Afrique constitue un obstacle majeur au développement socio
économique, les Etats membres de l'UA ont fait de la promotion de la
paix , de la sécurité et de la stabilité une condition
préalable à la mise en oeuvre de l'agenda politique de
l'institution dans le domaine du développement et de
l'intégration.17(*)
Sous ce rapport, il importe d'analyser en profondeur les
causes de ces conflits en Afrique (paragraphe 1) et leur impact sur le
processus d'intégration à l'échelle continentale
(paragraphe2) , afin de saisir le caractère incontournable et
indispensable de la paix, dans l'optique de la réalisation de l'
unité politique du continent.
Paragraphe 1 : Les causes
profondes des conflits en Afrique
Les causes des conflits en Afrique résultent de facteurs
politiques et économiques qui ont occasionné l'affaiblissement
de l'Etat.
Ainsi nous parlerons tout d'abord des facteurs politiques (A),
avant d'en venir aux facteurs économiques (B).
A. Les facteurs politiques de
conflits en Afrique
Au plan politique, malgré la diversité des causes,
deux facteurs majeurs semblent expliquer les conflits en Afrique.
v Le premier grand facteur politique renvoie à des
causes relatives à l'émancipation politique des Etats africains.
En effet, sous la domination coloniale, le mouvement nationaliste, dans sa
quasi-totalité s'était mobilisé pour l'émancipation
des peuples africains. A ce moment là, les divergences liées aux
revendications particulières à tel ou tel groupe, ne
s'étaient pas encore cristallisées. A l'indépendance, les
premières grandes fissures dans le mouvement nationaliste africain vont
apparaître. Ces causes de conflits ont pour nom : Luttes pour le
pouvoir consécutives à la décolonisation, nouvelle
consolidation après l'indépendance, restes de mouvements de
libération nationale, territoires mal définis et rivalités
structurelles.
v Le second facteur majeur des conflits en Afrique s'enracine
dans la gestion patrimoniale qui a été faite des Etats par les
dirigeants politiques dans les premières décennies de
l'indépendance.
1. Les causes relatives à l'émancipation politique
des Etats africains.
La première de ces causes découle des luttes
pour le pouvoir consécutives à la décolonisation.
L'indépendance _le droit et la possibilité de maitriser son
destin_ reste la plus haute des valeurs politiques. Il est naturel que
s'instaurent entre les groupes et partis nationaux une compétition et
des manoeuvres acharnées pour participer au processus qui y mène
et le contrôler. Lorsqu' un pays accède à
l'indépendance, il est rare que tous les acteurs soient prêts
à se partager le pouvoir.
La même logique qui sous-tend la lutte pour le pouvoir
pendant la préparation de l'indépendance, prévaut pour
l'établissement des règles qui présideront par la suite
à l'usage du pouvoir et à sa passation entre les partis.
Une autre cause, est la nouvelle consolidation des mouvements
de libération nationale après l'indépendance. Pour toutes
les luttes entre Africains antérieures à l'indépendance,
le régime colonial fournissait au moins un ennemi commun contre lequel
on forge une unité nationale. Avec l'indépendance, cette cause
commune a disparu. L'absence d'un tel ennemi et l'apparition parmi les
nationalistes de divergences régionales, personnelles et de programme
politique, sont les causes combinées de l'effondrement du mouvement
nationaliste et de l'instauration du parti unique qui s'en est suivi le plus
souvent. Le caractère absolu de la lutte anticoloniale, qui autorise les
nationalistes dominants à stigmatiser leurs opposants comme des traites,
survit à l'indépendance. Les perdants de la lutte pour le
pouvoir s'exilent souvent, en Europe ou dans les pays voisins de coloration
idéologique différente.
Les survivances des mouvements de libération
nationale constituent aussi une des causes de conflits. La lutte pour la
libération nationale a légitimé des politiques anti
étatiques et des mouvements de guérilla ; Les Etats qui en
sont issus doivent maintenant évoluer avec cet héritage. Les
mouvements de libération nationale bénéficient d'une
présomption d'authenticité. Selon Zartman, « ils sont
perçus, dans le langage anticolonial de l'Afrique du Nord, comme le
« pays réel » opposé au « pays
légal », ou la légalité doit céder le pas
à la réalité ».18(*)Cela hypothèque lourdement la nouvelle
légalité d'un Etat indépendant puisqu'il suffit à
de nouvelles poussées anti étatiques de se manifester pour
acquérir une présomption de légitimité et remettre
en question l'ordre légal .Ce fut le cas de l'Union Nationale pour
l'Indépendance Totale de l'Angola (UNITA).
Les conflits entre Etats ont souvent eu pour fondement des
territoires mal définis. Les Etats africains sont apparus en
conformité avec la doctrine de l'Organisation de l'Unité
Africaine(OUA) de l' « uti possedetis juris » qui
déclarait les frontières coloniales indiscutablement
légitimes. Dès le début, deux Etats affirmèrent,
sans toutefois remettre en cause la doctrine elle-même, que leurs propres
cas constituaient des exceptions : le royaume chérifien du Maroc et
l'Etat nation de la Somalie. De même que l'interdiction d'abriter des
éléments subversifs des autres Etats, la doctrine des
frontières ont tenu du fait d'un intérêt mutuel,
qu'apparemment chaque Etat voulait préserver. Mais, avec le temps,
à mesure que les Etats africains évoluaient et
découvraient les problèmes, les conflits, les revendications et
les empiétements liés à l'imposition des limites
territoriales artificielles, cette doctrine a été
contestée. Elle sera encore plus violemment remise en cause par la
suite. Le litige frontalier entre le Mali et le Burkina Faso et l'annexion du
nord du Tchad par la Libye sont, parmi tant d'autres, des cas qui ont
violé la doctrine de l'OUA. Et ce, par la découverte d'un nouvel
« uti possedetis juris » dans un autre traité
colonial ou par une interprétation différente d'une ligne
symbolique mal tracée.
Parfois, ce sont des critères géographiques, au
lieu de critères coloniaux qui sont avancés pour définir
une nouvelle frontière. En général, les frontières
au sein du territoire d'un même colonisateur risquent davantage de
provoquer des contestations que celles entre colonisateurs. Dans le premier cas
en effet, la démarcation était moins systématique. La
différence n'est cependant que de degré. Tout Etat peut avoir des
problèmes de frontières s'il le souhaite. Des causes
réelles de conflits existent partout ; il faut une décision
et un effort politique pour ne pas les exploiter, plutôt que
l'inverse.
Les rivalités structurelles comptent aussi parmi les
facteurs de conflits en Afrique. A mesure que les Etats africains structurent
leurs espaces politiques internes, ils multiplient aussi leurs rôles et
positions dans le cadre de la politique interafricaine. Pendant les
années soixante, ils n'avaient guère la possibilité
d'étendre leur influence très loin, au-delà du cercle de
leurs voisins. Les tentatives les plus ambitieuses (les prétentions du
Ghana à la direction du continent, les alliances franco-africaines) ont
échoué ou n'ont eu qu'une efficacité
modérée.
A la fin des années soixante dix cependant, la
répartition du pouvoir sur le continent et ses perspectives de
redistribution étaient devenues plus évidentes.
L'évolution de la rivalité entre le Maroc et
l'Algérie, la position centrale de l'Ethiopie dans la corne de
l'Afrique, le potentiel de prédominance du Nigéria en Afrique
occidentale et l'ex-Zaïre en Afrique centrale, tout cela commençait
à donner forme au continent.
Si toutes les autres causes de conflits disparaissaient, s'il
ne subsistait aucun problème de manoeuvres et de développement
internes, les seules rivalités structurelles de conflits seraient
déjà suffisamment fortes pour façonner des politiques, des
différences et des forces nationales.
Ces cinq causes de conflits sont africaines, et elles sont
fondamentales. Il convient de leur accorder la primauté si l'on veut
situer correctement le débat entre les perspectives africaines et
mondialistes sur l'Afrique en matière de conflits.
Des rivalités internationales peuvent certes inciter
des étrangers à tirer parti des causes africaines de conflits,
mais une influence extérieure ne suffirait pas à dresser un Etat
contre un autre si ces causes n'étaient pas déjà
présentes.
2. La gestion patrimoniale de l'Etat
L'Etat africain a été décrit comme
étant un Etat personnalisé en ce sens qu'il était
dominé par un personnage clé qui est souvent au-dessus des lois.
Cet état de fait n'exclut cependant pas l'existence d'institutions.
Mais, la plupart des pays africains sont dotés d'institutions et de
constitutions au sens abstrait. Les règles formelles du jeu politique ne
gouvernent pas de manière effective les comportements des gouvernants.
Souvent, elles ne sont respectées par les dirigeants africains
qu'après avoir été transformées et adaptées
au besoin de reproduction de leur pouvoir. Ce sont davantage des artifices
destinés à les maintenir au pouvoir que des règles
impersonnelles de gouvernement et de limitation de pouvoir.
Même si ce phénomène n'est pas propre
à l'Afrique, il s'y est répandu pendant la période post
coloniale. Il est fréquent de voir certains Etats s'identifier à
un individu. L'on a ainsi entendu parler de la Guinée de Sékou
Toure, du Malawi de Banda, du Zaïre de Mobutu etc. S'agissant du Kenya, on
a entendu dire, non sans ironie, que l'Etat c'est Moï19(*).
Le corollaire de cette personnalisation du pouvoir a
été la gestion patrimoniale de l'Etat. A cet effet, les
stratégies de recherche de soutien ont occasionné la croissance
du secteur étatique dans lequel étaient absorbées de plus
en plus de personnes. Voilà ce qui explique les effectifs
pléthoriques des fonctions publiques africaines dans les
premières décennies qui ont suivi leur accession à
l'indépendance. Outre cette croissance des effectifs de la fonction
publique, l'on a constaté une tendance à la centralisation de
l'Etat africain. En d'autres termes, l'autorité politique, ainsi que le
pouvoir d'allouer les ressources étaient concentrées entre les
mains d'un nombre restreint d'individus contrôlant le gouvernement
central. De ce fait, les collectivités locales n'avaient que très
peu de ressources, de pouvoir et de responsabilité.
Cette stratégie a permis à de nombreux
dirigeants africains de se maintenir, mais elle a également
contribué à affaiblir l'Etat dans son fonctionnement. En effet,
une grande partie des ressources devant servir à promouvoir le
développement économique et social, était utilisée
pour payer des fonctionnaires improductifs et budgétivores.
La gestion patrimoniale consiste, en une confusion du pouvoir
entre la sphère publique et la sphère privée de la part
des dirigeants et de leur entourage. Ce procédé repose sur un
principe relativement simple. Il faut compétir pour obtenir des postes
politiques et les utiliser pour s'enrichir, financer ses clientèles,
voire les coopter dans l'appareil d'Etat. La mission pour laquelle le poste est
crée devient secondaire même si ceux qui luttent pour l'obtenir y
insistent.
C'est ainsi que la distribution des prébendes a
été l'une des stratégies de consolidation de l'Etat
africain postcolonial. Mais c'est une arme à double tranchant car si
à court terme elle assure la stabilité politique, à long
terme elle inhibe la croissance économique.
Il s'ensuit une raréfaction des ressources qui pousse
l'Etat à taxer lourdement les citoyens et les opérateurs
économiques qui paient des impôts trop élevés,
notamment sur les produits importés. Au même moment, les
ressources naturelles du pays sont exploitées à un rythme intense
aux fins d'enrichir ceux qui contrôlent l'appareil d'Etat et leurs
partenaires étrangers. L'ex -Zaïre20(*) en constitue une remarquable illustration.
Dans les systèmes de personnalisation du pouvoir, les
comportements politiques impliquant l'usage de la violence, de la coercition
ainsi que le recours à des conspirations, sont fréquents. Le jeu
politique n'y a pas de règles clairement établies et il n'existe
pas d'arbitre au dessus des parties. Ce jeu est davantage
caractérisé plus par une lutte, que par une compétition,
dans la mesure où les coups d'Etat et les complots y sont des menaces
permanentes. D'autres phénomènes comme la corruption, le
clientélisme, la concussion, la gabegie y sont aussi très
présents.
Ceux qui sont exclus du jeu politique mais qui désirent
néanmoins y participer ne ménagent aucun moyen pour promouvoir
leurs intérêts. Les responsables qui sont au pouvoir, et qui
craignent de perdre leurs privilèges tendent à être
paranoïaques et à procéder à des actes
d'intimidation, voire à recourir à la coercition à
l'encontre des opposants ou des personnes soupçonnées de
comploter contre eux.
La majorité de la société se retrouve
marginalisée politiquement et économiquement. Dans les quelques
rares situations ou il n'y a pas de partis uniques, les élections ne
sont ni libres, ni démocratiques. Les partis au pouvoir réalisent
des scores qui frisent le plébiscite.
A la fin des années quatre vingt, les
différentes stratégies de reproduction du pouvoir avaient
montré leurs limites. La plupart des pays africains s'étaient
affaiblies au plan politique, ruinés au plan économique et
instables au plan social. Ils seront dès lors, obligés
d'entreprendre des réformes radicales tant du point de vue
économique que politique. Le pouvoir étatique se trouve
défié et peine à affirmer sa capacité politique et
à étendre son autorité sur l'ensemble du territoire
national. Cette « érosion » de l'autorité est
une conséquence directe de la gestion patrimoniale de l'Etat.
A coté des facteurs politiques de conflits, il existe
des facteurs économiques qui ont dans une très large mesure
contribué à affaiblir l'Etat africain, servant ainsi de terreau
au développement des conflits.
B.
Les facteurs économiques
Au lendemain de leur accession à l'indépendance, un
des problèmes fondamentaux qui se posaient aux Etats africains
était de rompre les liens de dépendance qui unissait leurs
économies aux anciennes métropoles et d'essayer de relever de
façon endogène leurs niveaux de développement.
Dans les premières décennies, malgré la
diversité des choix possible, les gouvernants africains se sont
arrêtés en général à trois solutions : le
capitalisme d'Etat, le socialisme et la voie de développement non
capitaliste.21(*)
À un problème récurrent, les Etats
africains ont donc apporté des solutions apparemment classiques.
Cependant, dans leur application concrète, ces voies de
développement vont avoir un contenu nouveau. Malgré la
variété des options, les Etats se voient en effet dans tous les
cas investis de la mission de promotion du développement
économique et social, autrement dit de jouer un rôle d'Etat
Providence.
Cette nouvelle tâche de l'Etat impliquera, dans les
trois formes de développement choisies, un rôle plus important de
ce dernier en matière économique. Cet objectif de
développement n'est plus considéré comme un long processus
de croissance harmonisée de tous les secteurs économiques, mais
aussi comme un idéal, une éthique basée sur une certaine
conception de l'homme.
La limitation de l'étude des politiques
économiques à ces trois options dans les premières
décennies de l'indépendance, s'explique par deux raisons
fondamentales. D'un point de vue quantitatif, elles avaient
bénéficié du plus grand nombre d'adhésions; d'un
point de vue qualitatif, elles ont fait l'objet de plus de
systématisation doctrinale.
Toujours est-il que ces orientations économiques n'ont
pas semblé produire des résultats positifs. En effet, à la
fin des années 70, la quasi-totalité des Etats africains se sont
mis à libéraliser un peu plus leurs économies. Ce
changement de cap était dicté par les institutions de Bretton
Woods dans le cadre des programmes d'ajustement structurel.
Les pays qui ont manifesté leur attachement au
capitalisme d'Etat étaient très peu nombreux dans les
premières décennies de l'indépendance. On pourrait citer
la Côte d'Ivoire, le Gabon et dans une certaine mesure le Cameroun. Le
cas ivoirien est cependant considéré comme le plus typique.
À la base de ce choix, se trouve fondamentalement le rejet du
marxisme-léninisme.
On ne peut comprendre la politique économique des pays
africains "capitalistes" sans se référer à leurs
structures socio-économiques. On sait que ces structures, après
les indépendances, résultaient en large partie de l'impact de la
colonisation. Le colonisateur a, en effet introduit un secteur moderne à
côté du secteur économique traditionnel; et cette
dualité va entraîner une désarticulation de ces
économies africaines et leur déséquilibre en faveur du
secteur moderne. Mais ce secteur n'avait pas d'activités
réellement profitables pour les africains, car il se concentrait
essentiellement autour des industries extractives.
Les Etats africains n'ont donc pas hérité de
structures favorables à l'amorce d'un développement
économique et social plein et harmonieux. C'est ce qui explique qu'en
Côte d'Ivoire par exemple, on fait appel à l'Etat malgré la
place reconnue à l'initiative privée. Ainsi, l'état a
été obligé de dépasser les limites traditionnelles
dans un contexte libéral. Le capitalisme d'Etat ici ne devrait pas
être entendu de la même façon qu'au sens léniniste.
Dans le système économique ivoirien, les entreprises
créées par l'Etat devraient être finalement
transférées au secteur privé.
Le socialisme adapté en Afrique a semblé, quant
à lui, bénéficier d'une faveur particulière de la
part des dirigeants africains de la période postcoloniale.
C'est ce que l'on a coutume d'appeler le socialisme africain.
Il constitue « une construction spécifique, en partant de Marx
et Engels bien sûr, mais en les enrichissant d'autres pensées et
d'autres expériences socialistes vécues de par le monde, mais
surtout en s'enracinant dans les réalités négro-
africaines »22(*). Il sera en fait une juxtaposition de deux
éléments de la doctrine économique, en partie
empruntée au schéma marxiste, et en partie aux valeurs
négro- africaines. De ce fait, les éléments les plus
divers s'y côtoient. C'est le résultat du désir des
dirigeants socialistes d'asseoir un programme socialiste de gestion africaine
des structures économiques héritées de la colonisation.
Ce socialisme africain reposait sur trois
éléments :
Tout d'abord, parmi les idées
marxisme-léninistes dont le socialisme africain s'inspire, le
président Senghor avait mentionné le Plan23(*). Par le plan, on
prévoit ce que sera l'ensemble des activités productives de la
nation pendant une période en fonction des objectifs fixés par
les pouvoirs publics.
Mais, si cette institution est un élément
constant de la politique de presque tous les pays se réclamant du
socialisme africain, elle y est rarement rigide et autoritaire, mais souple et
indicative.
Ensuite, l'Etat agit dans le secteur industriel et commercial
par des prises de participation dans les sociétés privées.
Les socialistes africains n'avaient pas voulu opter pour une nationalisation
systématique. Même, dans les pays où la
référence au socialisme est proclamée avec vigueur, il
existe un secteur privé assez considérable. Le Mali et la
Guinée avaient tout de même fait oeuvre originale en nationalisant
tout le commerce extérieur, et en créant des
sociétés d'État.
Enfin, on considère que le développement est une
oeuvre collective et que les citoyens doivent être organisés en
conséquence, d'où un «encadrement des masses ». Il
s'agissait de leur faire saisir l'importance et les impératifs du
développement, de leur faire accepter les solutions proposées. Le
but de cet encadrement est de permettre aux collectivités
concernées de prendre librement et en connaissance de cause les
décisions relatives à leur développement. C'est ce qui
expliquerait l'importance donnée à l'animation rurale au
Sénégal et au parti unique dans les autres pays africains de
façon générale.
Des trois voies de développement les plus suivies dans
les premières décennies de l'indépendance, la voie de
développement non capitaliste est la plus originale. On y sent le plus
un effort de construction d'une doctrine et d'une méthode basée
sur une analyse de la situation des Etats africains.
Elle n'a cependant été adoptée que par
quelques pays dont le Ghana pourrait être considéré comme
le chef de file. Elle part de l'idée selon laquelle le régime
colonial n'avait pas totalement disparu en Afrique, dans la mesure où le
néocolonialisme continuait encore à subordonner de façon
subtile certains pays africains aux intérêts de l'Occident. Il s'y
ajoute une exploitation des masses populaires par une minorité de
conservateurs et des réactionnaires : féodaux ou "compradores",
chefferie traditionnelle et bureaucratique évoluée.
Devant cet état de fait, et pour construire le
socialisme, la voie de développement non capitaliste adopte une
stratégie que l'on pourrait résumer en deux propositions : la
lutte contre l'impérialisme et l'instauration d'une démocratie
basée sur la reconnaissance des libertés individuelles. Ainsi,
pour assurer l'indépendance économique des ex colonies, cette
voie prône la lutte contre les monopoles économiques
étrangers et les classes conservatrices qui leur servent d'appui. Par
cette action qui doit être menée par l'Etat, on aboutirait
à la formation d'un secteur public assez important. Les programmes
d'actions devront par conséquent bénéficier d'une large
adhésion des masses.
Après examen des trois voies, on a l'impression que
l'Etat Providence est partout de mise du fait de la présence pesante de
l'Etat. Il faut tout de même relever que paradoxalement, dans les
régimes capitalistes, l'Etat était très actif alors que
les socialistes étaient plutôt réformistes, ce qui
révèle un emprunt timide à l'orthodoxie
marxiste-léniniste.
Cette incertitude a été à l'origine de la
faillite de ces politiques économiques. En tout état de cause,
ces choix économiques ont tous monté leurs limites. À la
fin des années 70, les économies africaines faisaient face
à de grandes difficultés, surtout au plan structurel. Une des
raisons objectives de cette faillite est à chercher dans la
dépendance de ces économies embryonnaires vis-à-vis de
l'environnement international et dans l'influence des anciennes
métropoles dans la conduite économique de leurs anciennes
colonies.
C'est ainsi que dans les pays socialistes, la faiblesse de la
collectivation des principaux moyens de production s'expliquerait par la petite
dimension des marchés intérieurs et l'incapacité des Etats
africains à défier l'Occident en nationalisant toutes les
entreprises exerçant sur leur territoire.
Face au besoin de lancer leurs économies, les Etats
africains se sont tournés vers les institutions financières
internationales. Les financements de ces institutions furent
conditionnés à un engagement des Etats africains à
libéraliser le secteur économique public. Les mesures dans ce
sens englobent entre autres la privatisation des entreprises publiques, la
compression des effectifs de la fonction publique, la réduction des
dépenses publiques, la suppression des subventions du secteur primaire,
l'ouverture des marchés intérieurs à la concurrence
etc.
Cette libéralisation économique devrait assurer
à l'individu une émancipation sociale. Mais cette quête
d'épanouissement individuel va donner naissance à des
disparités et des inégalités sociales très
marquées. En effet, après deux décennies de politique
néolibérale dite "d'ajustement structurel", un très grand
nombre de pays africains se trouve dans une situation de pauvreté
extrême.
Pris dans l'étau de la dette et des mesures
imposées par le fonds monétaire international(FMI), l'Etat ne
paie plus le salaire des fonctionnaires et abandonne écoles,
hôpitaux, transports etc. Les conditions de vie des ménages sont
devenues de plus en plus précaires. La crise économique frappe de
plein fouet les citoyens à travers la baisse du pouvoir d'achat, les
licenciements, le renchérissement du coût des denrées de
première nécessité (pain, sucre, riz, maïs etc.).
Ainsi, il apparait que les causes des conflits en Afrique sont
multiples et complexes. Leur complexité relève du fait qu'ils
résultent de la combinaison de facteurs aussi bien d'ordre politique,
économique que culturel. Ils constituent pour ce faire des obstacles
certains à la bonne conduite du processus d'intégration sur le
continent. Il est donc impérieux pour les Etas africains de mettre en
oeuvre les moyens adéquats qui permettront d'arriver à bout du
fléau des conflits.
Paragraphe 2 : l'impact négatif des conflits
sur le processus d'intégration et la nécessité de leur
résolution
Les conflits constituent en Afrique des données qui
retardent toutes les ambitions de développement durable et solidaire
des Etats africains. En effet les Etats africains, réunis au sein de
l'Union Africaine, conscients de cette réalité ont fait de la
résolution des conflits leur priorité. À cette fin, un
protocole portant création du Conseil de Paix et de
Sécurité a été ratifié le 31 décembre
2003 par 27 Etats membres de l'organisation, nombre requis pour l'entrée
en vigueur de cet organe.
« Ce conseil doit renforcer les
capacités de l'union à prévenir, gérer,
résoudre les conflits et à consolider la paix en Afrique dans les
situations d'après-guerre. Il devrait également déterminer
les programmes et initiatives de diplomatie préventive, de consolidation
de la paix et de restauration de la paix afin de renforcer la
sécurité et la stabilité en Afrique »24(*).
En effet, la plupart des conflits destructeurs que l'Afrique a
connu ces dernières années ont été internes,
quoiqu'ils aient souvent eu une dimension régionale ou aient
été alimentés par des puissances extérieures.
Ces conflits ont sérieusement entravé et
continuent à l'état actuel des choses, de compromettre le
développement dans de nombreux pays d'Afrique, provoquant des pertes en
potentiel humain et les privant des ressources déjà
limitées.
La sécurité et la stabilité sont donc des
conditions préliminaires essentielles au développement.
Les processus de réformes économiques et
politiques qui conduiront à une croissance économique autonome,
ne peuvent pas être engagés dans des pays qui restent en proie
à des conflits. Par ailleurs, avec la fin des conflits majeurs en
Afrique, est venue aussi la fin du conflit interne alimenté par les
puissances étrangères qui utilisaient les pays africains,
individuellement ou collectivement aux fins de leurs propres rivalités
géopolitiques.
Avec l'achèvement de la guerre froide, l'Afrique voit
cesser l'ingérence des grandes puissances dans les conflits africains
par la fourniture d'armes, d'argent ou d'une assistance technique.
Les conflits que l'Afrique connait aujourd'hui illustrent la
vulnérabilité de nombreux pays alors qu'ils entreprennent
simultanément réformes économiques et politiques. Ils
témoignent aussi de l'importance qui doit être accordée
à la mise en place des mécanismes efficaces de gestion de
conflits.
De toute évidence, le Conseil de Paix et de
Sécurité (CPS) est l'organe sur lequel repose tous les espoirs
quant à l'éradication du fléau des conflits sur le
continent. Paradoxalement, l'acte constitutif de l'Union Africaine n'avait pas
prévu originellement la création du Conseil de Paix et de
Sécurité. C'est seulement lors du lancement officiel de l'Union
Africaine, en 2002 à Durban, que les chefs d'Etat et de Gouvernement de
l'OUA ont donné corps à une institution dont les premiers traits
avaient été esquissés, un an auparavant, au sommet de
Lusaka, sous la forme d'un conseil de médiation et de
sécurité.
Les fonctions du Conseil de Paix et de Sécurité
(article 6 du protocole) recouvrent des domaines très étendus,
qui vont de la prévention des conflits, avec l'instauration de
systèmes d'alerte, à la mise en oeuvre d'opérations
militaires dans les cas prévus par l'acte constitutif, en passant par la
promotion d'une politique de défense commune. Il doit devenir,
après la ratification du protocole relatif à sa création,
« l'organe de décision permanent pour la prévention la
gestion et le règlement des conflits »25(*). Il constitue toujours selon
le protocole (article 21), « un système de
sécurité collective et d'alerte visant à permettre une
action rapide et efficace aux situations de conflits en
Afrique ».26(*)
Par ces principes et les objectifs qui le guident, en tous
points identiques à ceux qui figurent dans l'Acte constitutif de
l'Union, comme par ses modalités de saisine et d'intervention ou encore
les instruments sur lesquelles il s'appuie, le Conseil de Paix et de
Sécurité marque une franche rupture avec l'organe central de
l'ancien mécanisme auquel il se substitue. Du reste, le protocole
relatif à sa création tient lieu et place de la
déclaration du Caire de 1993 et ses dispositions remplacent les
résolutions et décisions de l'OUA relatives au mécanisme
pour la prévention, la gestion du règlement des conflits qui sont
contraires au présent protocole.
Le Conseil de Paix et de Sécurité, se distingue
de l'ancien organe par sa composition et les modalités de
désignation de ses membres. Il comprend quinze membres, dont dix ayant
un mandat de deux ans et cinq un mandat de trois ans. L'élection des
membres du conseil tient compte du principe de la représentation
géographique équitable et de la rotation, avec néanmoins
la possibilité, pour un membre sortant, d'être
immédiatement rééligible. En revanche, comme pour l'organe
central, le nouveau conseil peut se réunir aussi bien au niveau des
représentants permanents (au moins deux fois par mois), que des
ministres ou des chefs d'Etat et de Gouvernement.
À s'en tenir au texte du protocole, l'Union Africaine
dispose donc d'un dispositif de sécurité qui s'impose aux
mécanismes régionaux et s'intègre dans la mission de
maintien de la paix des Nations unies en vertu du chapitre8 de la Charte. Sur
la suprématie des Nations unies en la matière, le protocole
souligne sans ambiguïté que le Conseil de Paix et de
Sécurité « coopère et travaille en
étroite collaboration avec le conseil de sécurité des
Nations unies, qui assume la responsabilité principale du maintien de la
paix et de la sécurité ».27(*)
L'originalité de ce nouveau dispositif de l'Union
Africaine concerne deux aspects de la collaboration désormais
institutionnalisée du président de la Commission, d'un groupe de
sages composé de cinq personnalités africaines
désignées par le président de la Commission après
consultation des Etats d'une part, et le Conseil de Paix et de
Sécurité d'autre part. Le second aspect de l'innovation
réside dans la création de nouveaux instruments permettant au
conseil d'assumer pleinement ses responsabilités en matière de
prévision et de prévention des conflits, (système
continental d'alerte rapide), d'intervention (force africaine pré
positionnée) et de commandement des opérations (comité
d'état major).
L'ambition de l'Afrique à travers cet instrument
novateur qu'est le Conseil de Paix et de Sécurité est de trouver
des solutions à des conflits dévastateurs, dont, peu ou prou, se
désintéresse la communauté internationale, et de mieux
cerner les maux qui en sont générateurs. C'est dans cet ordre
d'idées que la notion de consolidation de la paix est introduite dans le
protocole relatif au Conseil de Paix et de Sécurité, impliquant,
entre autres, des actions visant à promouvoir les réformes
institutionnelles et économiques ainsi que des actions humanitaires.
Toutefois, ils convient de préciser que l'intervention
de l'Union Africaine se fonde sur deux considérations : elle
découle d'abord du « droit de l'Union d'intervenir dans un
Etat membre sur la décision de la Conférence dans certaines
circonstances graves, à savoir les crimes de génocide, les crimes
contre l'humanité », et ensuite du « droit des Etats
membres de solliciter l'intervention de l'Union pour restaurer la paix et la
sécurité »28(*).
Aujourd'hui, avec l'entrée en vigueur du Conseil de
Paix et de Sécurité depuis décembre 2003, l'espoir est de
mise quant à son action positive et salvatrice dans la résolution
de conflits qui essaiment à travers le continent. Cette innovation
institutionnelle en matière de résolution de conflits se doit
d'être mise à l'épreuve de la pacification du continent et,
ce d'autant plus que celui-ci est traversé de continuums conflictuels
qui font de la région le lieu le plus chaotique et le plus meurtrier du
monde.
En effet, d'après le rapport du Secrétaire
Général des Nations unies sur les causes des conflits en Afrique
publié en 1998, plus de trente guerres à majorité
interétatiques se sont déroulées en Afrique depuis 1970.
En 2006, au moins quinze des 53 Etats du continent étaient
marqués par des tensions conflictuelles soit ouvertes, soit
larvées.
L'Afrique de l'Ouest, connaît des conflits ouverts
à la fois classiques et dégénérés (Sierra
Leone, Liberia, Côte d'Ivoire, Guinée-Conakry, Casamance),
l'Afrique centrale intègre désormais le régionalisme
conflictuel de "l'Afrique médiane" allant de l'Angola au Soudan en
passant par le Tchad et la Centrafrique, les deux Congo, le Rwanda et le
Burundi, l'Ouganda, l'Ethiopie, l'Erythrée et la Somalie. En Afrique
Australe, le Zimbabwe est un espace politique tendu, tandis que le très
fort taux de criminalité en Afrique du Sud représente une menace
permanente pour la stabilité du pays. En Afrique du Nord,
l'Algérie n'est pas encore définitivement sortie d'une
décennie de guerre civile, tandis que le conflit armé du Sahara
occidental n'a jusque là pas connu d'issue définitive et
durable.29(*)
Sous ce rapport, il apparaît clairement que, la nouvelle
"Afrique" qui entend faire de l'intégration et de l'unité une
réalité, est une Afrique des conflits. Dès lors, il urge
de mettre en oeuvre différentes stratégies qui permettront de
sortir le plus rapidement et le plus efficacement possible de cette situation.
Faute de quoi, l'unité politique du continent tant souhaitée ne
saurait être effective.
Outre la question des conflits, une autre série de
facteurs essentiels relatifs notamment à la démocratie, à
la bonne gouvernance compromettent sérieusement les ambitions
d'intégration politique de l'Afrique.
SECTION 2 : La
démocratie à l'épreuve en Afrique.
Le climat politique de l'Afrique s'est profondément
transformé depuis 1989. Le fameux discours de la Baule30(*) de 1990 et la fin de la guerre
froide y ont certainement été pour beaucoup.
A l'évidence, dans de nombreux pays du continent des
progrès considérables ont été
réalisés sur la voie de la libéralisation politique. Par
ailleurs, un certain nombre de pays ont maintenant des gouvernements
élus, tandis que la plupart d'entre eux se sont engagés à
des degrés divers, dans un processus de transition politique allant
dans le sens de la démocratisation.
En revanche, il faut reconnaître que les
prédictions qui annonçaient qu'une « vague de
démocratie » balaierait le continent se sont
révélées d'un optimisme excessif, et que pire, le rythme
de la démocratie s'est ralenti. Comme en témoignent des
évènements récents (élection présidentielle
au Nigéria, législatives au Sénégal), il n'est pas
certain que la transition politique aboutisse à la démocratie, ni
que les régimes « démocratiques » prennent
durablement racine.
Ces évènements montrent également que
la tenue d'élections ne garantit pas la démocratie, et qu'il
reste beaucoup à faire pour en renforcer les fondements institutionnels,
et pour mettre en garde contre les attentes irréalistes sur l'issue des
élections. En effet, la transition vers la démocratie en Afrique
est un phénomène complexe, qui dépend de nombreux
facteurs. Ces facteurs qui sont de nature historiques, culturels, voire
économiques pourraient justifier dans une certaine mesure, les
difficultés d'implantation et d'enracinement de la démocratie en
Afrique (Paragraphe1).
Il apparaît en outre, que les changements politiques
intervenus dans la vie politique ne sont pas nécessairement assortis
d'un véritable engagement à l'égard des nouvelles
règles et des nouveaux comportements et que, même dans les pays
où le résultat d'une élection a été
accepté par toutes les parties, il reste beaucoup à faire pour
assurer le bon fonctionnement de la démocratie. Car en l'état
actuel des choses, la pratique africaine de la démocratie s'apparente
à un autoritarisme « voilé »
(Paragraphe2).
Paragraphe 1 : La
problématique de l'implantation et de l'enracinement de la
démocratie en Afrique
La problématique de l'enracinement
et de l'implantation de la démocratie est au coeur de toutes les
réflexions sur l'avenir et le devenir du continent africain, tant il est
vrai que la démocratie est incontestablement une des conditions
premières pour le développement et l'intégration en
Afrique. Conscients de cette donne, les Chefs d'Etats et de Gouvernement ont
convenu de la création d'une Charte Africaine sur la Démocratie
et la Bonne Gouvernance.
La difficulté de démocratisation du continent
africain est tributaire d'une pluralité de facteurs, au nombre desquels,
on peut citer la trajectoire politique des Etats africains, leur
historicité propre ainsi que la situation dégradée de leur
économie qui ne favorise pas la conduite cohérente des processus
de transitions démocratiques.
Ceci étant, pour bien comprendre la
problématique de la démocratie africaine, il faut partir des
contradictions et des conflits d'ordre culturel que connaissent les
sociétés africaines postcoloniales. En effet, l'incapacité
des régimes politiques africains à constituer des centres
d'agrégation et d'articulation des différentes forces qui les
déchirent, constitue l'obstacle majeur à l'enracinement de la
démocratie. Ces contradictions sont en réalité de deux
sortes : d'une part, une opposition entre les valeurs de l'Occident et
celles de l'Europe de l'Est, et l'opposition entre le traditionalisme et le
modernisme d'autre part.
Dans leur souci d'ouverture vers l'extérieur, les
dirigeants politiques africains ont fini par réunir dans un même
ensemble deux conceptions fondamentalement opposées de la
liberté : La liberté au sens individualiste et la
liberté au sens collectiviste. Ces deux conceptions sont si
opposées qu'on a du mal à imaginer leur coexistence possible dans
un même régime politique. Mais, les leaders africains ont
donné à chacune d'elles une signification particulière.
Prise au sens libéral, la liberté avait une
fonction de légitimation dans les relations internationales. Le sens
socialiste par contre joue un rôle de conservation du pouvoir.
La référence à la conception
libérale de la démocratie permet aux Etats africains de
satisfaire partiellement aux « exigences
démocratiques » des pays occidentaux. Une des
conséquences les plus importantes au plan politique, est la
liberté d'association, donc le droit d'opposition. Dans la mesure (assez
limitée du reste) ou il est reconnu et effectivement garanti dans les
Etats africains, ce droit d'opposition sert presque uniquement à leur
donner une image de marque sur la scène internationale. La
révision constitutionnelle du 19 mars 1976 instituant le tripartisme au
Sénégal est édifiante à cet égard. On peut
en effet penser que la perspective d'une adhésion du président
Senghor à l'Internationale Socialiste en est une des causes. De
même, pour bénéficier des avantages consentis par
certaines institutions internationales à caractère
économique et financier, les Etats africains se conforment
occasionnellement et partiellement au « code de bonne
conduite » élaboré par les puissances occidentales qui
dominent ces organisations.
En définitive, lorsque les droits de l'homme sont
respectés par les régimes politiques africains, c'est moins pour
les besoins de la réalisation de la démocratie que pour
satisfaire aux exigences du système occidental dans lequel ils sont
insérés.
A l'inverse, la référence à la notion
de liberté au sens des pays de l'Est permet aux dirigeants africains de
briser les velléités de contestation du pouvoir. Selon cette
conception, la liberté ne s'exerce pas contre l'Etat, mais par son
intermédiaire. La remise en question de la politique gouvernementale
devient ainsi une contestation des fondements même de la
société tout entière. Cette interprétation qui se
retrouve en Afrique, si regrettable soit-elle, ne saurait étonner. Elle
se traduit par des arrestations d'opposants et de leaders syndicaux. Ce qui
permet aux dirigeants politiques au pouvoir de s'y maintenir durablement.
Ce n'est donc qu'au moyen d'un artifice que ses dirigeants
ont pu concilier deux conceptions opposées de la démocratie. Mais
ce n'est pas là le seul conflit qui paralyse la marche vers une voie
africaine de la démocratie. En effet un autre obstacle vient du fait que
l'Afrique est écartelée entre deux systèmes de
valeurs : le traditionalisme et le modernisme.
Ce conflit déchire les sociétés
politiques africaines et constitue un obstacle significatif à
l'édification d'une démocratie viable et crédible en
Afrique. Il trouve son origine dans la tentative de renaissance des valeurs
culturelles de l'Afrique.
Du fait de la colonisation, toute l'organisation sociale
traditionnelle africaine avait été modifiée.
L'unité de cette structure sociale de base n'était plus
constituée par la famille au sens large, ou le clan, mais par des
cellules plus petites comme la famille au sens restreint ou même
l'individu. Dès lors, la vie sociale ne va plus être perçue
comme une démarche collective. L'Africain va tendre de plus en plus
à s'affranchir des règles de la collectivité dans laquelle
il était intégré, et à jouir d'une autonomie
individuelle.
Parmi les causes de cette attitude nouvelle, il faut citer
la scolarisation qui a facilité l'assimilation de la culture
occidentale. De la sorte, on a abouti en Afrique à la constitution d'une
certaine catégorie sociale ayant adhéré à
l'individualisme occidental.
Cette catégorie sociale constituée par
l'élite, s'est interposée entre les populations rurales et le
colonisateur. Pourtant, bien qu'ayant assimilé cette culture
occidentale, des intellectuels africains gardent encore eux- même un
fond traditionnel. De même, les masses rurales demeurent encore
attachées aux valeurs ancestrales en dépit des efforts de
modernisation. Dès lors, se pose le problème de la superposition
de l'individualisme des sociétés occidentales au système
des valeurs traditionnelles dans lequel, le groupe prime sur l'individu.
L'incapacité des africains à se déterminer franchement par
rapport à ces systèmes différents aboutit finalement
à une confusion sur le plan idéologique et plus
particulièrement à une conception ambiguë du contenu de la
liberté.
En effet, la notion de liberté a eu un contenu
variable selon les époques et les sociétés. Ce contenu
dépend de l'environnement social, intellectuel, moral et politique des
différentes sociétés. Il est donc normal que les pays
africains aient leur conception de la liberté. D'ailleurs,
l'évolution de la notion de liberté prouve son adaptation
à la vie sociale.
Elle a d'abord été entendue au sens des droits
naturels et subjectifs, inaliénables et imprescriptibles ; elle a
ensuite été réglementée et l'Etat va avoir un droit
de regard sur la totalité de la vie sociale. Cette oeuvre de
définition et d'interprétation, les Africains ont
été incapables de la réaliser. Ils vivent entre deux
mondes, car ils n'ont pas encore réussi à réduire les
courants culturels contradictoires qui traversent leurs sociétés.
De ce fait, ils ne dégagent pas une conception claire et nette de la
liberté, qui est pourtant le fondement de la démocratie.
Contrairement à une opinion très
répandue, les africains vivent dans un système où deux
types de valeurs sont intégrés. Le problème qui se pose
dès lors en Afrique est le dépassement de l'affrontement de ces
deux cultures occidentale et africaine. Cette question n'a pas trouvé de
réponse acceptable. L'échec provient essentiellement du fait que
l'adaptation des apports extérieurs à la culture africaine n'a
pas été adéquate. Bien des sociétés ont
réalisé dans l'histoire une assimilation des valeurs
étrangères tout en conservant ce qui leur était
spécifique.
Dans son principe, une tentative de synthèse des
différents éléments de civilisation empruntés ou
même subis de l'extérieur n'est donc ni impossible, ni
condamnable. Seulement, les régimes politiques africains n'ont pas su se
moderniser. La manifestation la plus éclatante se trouve dans
l'imprécision des contours et du contenu de la liberté en
Afrique.
La combinaison de l'exégèse des textes
constitutionnels, de l'idéologie et de la pratique des Etas africains a
permis de tracer à grands traits le véritable visage de la
démocratie africaine.
La conception africaine de la démocratie se
caractérise théoriquement par une forte dose d'occidentalisation,
sans ce confondre dans la pratique avec l'idéologie qui la sous-tend.
Sur un autre plan, bien que le fait démocratique africain se rapproche
des pratiques démocraties des pays de l'Est, il ne semble pas que l'on
puisse aboutir à une analogie.
Ainsi la liberté ne peut se définir en Afrique
ni au sens individuel, ni au sens collectiviste. Cette ambiguïté
fait apparaître le syncrétisme de la démocratie
africaine.
Cette conception africaine de la démocratie n'en
constitue pas pour autant une troisième variante de la
démocratie31(*).
Dans le cas des deux grandes expériences antérieures à
l'apparition des Etats africains indépendants, on est parti de
l'idée de base de la démocratie pour l'interpréter. Or en
Afrique, la démarche semble différente. On envisage plus la
démocratie comme un idéal à atteindre, mais chaque
dirigeant prend en considération les spécificités de son
pays, voire ses intérêts personnels pour leur appliquer le
système de gouvernement adéquat. Cette approche de la
démocratie va donner naissance à un modèle qui se
rapprochera selon les cas du libéralisme ou du communautarisme.
Dans tous les cas, ce modèle ne traduit qu'une
conception « néo-patrimoniale » du pouvoir en
Afrique, faite d'une confusion entre la sphère publique et la
sphère privée du détenteur du pouvoir32(*). Si l'on considère
cette conception africaine de la démocratie comme troisième
variante, il faut convenir alors qu'elle se refuse à une
systématisation rigoureuse.
On reconnaît qu'il n'a jamais existé de
véritable démocratie, et qu'il n'en existera jamais comme le
prédisait Jean Jacques Rousseau dans le « contrat
social »33(*).
Sa réalisation ne peut donc être qu'une aventure, une
expérience fondée sur le volontariste. Cette démocratie
idéale suppose trois niveaux d'application de la liberté et de
l'égalité : politique, économique et personnelle.
Les Etats africains, dans leur tentative de concevoir un
projet de société démocratique, ont abouti à des
résultats insuffisants. Il ne faudrait pas, cependant, exagérer
la portée des déformations subies par le concept de la
démocratie en terre africaine. Les interprétations de la
démocratie en Occident et en Europe de l'Est recèlent aussi des
lacunes notoires. Le vice fondamental qui semble affecter une affirmation et
une implantation acceptables de la démocratie en Afrique est cette
inadaptation aux réalités nationales et locales. Or, la
construction de l'Etat en tant qu'institution et mode de gouvernement
démocratique doit obéir à certaines conditions valables en
toutes circonstances. L'idéal démocratique est donc relativement
autonome.
Cependant, dans l'esprit de nombreux dirigeants africains,
une démocratie effective serait conditionnée essentiellement par
le niveau de développement économique et dans une moindre mesure
par l'éthique sociale du pays qui tente de la réaliser.
L'idéal démocratique comporterait-il des
préalables économiques ?
En vérité, les mesures et les structures
économiques devraient être choisies en fonction de la
liberté des individus. La démocratie, loin d'être
subordonnée aux conditions économiques, est théoriquement
créatrice d'un climat social et économique stable.
Finalement, on s'aperçoit que la problématique
de la démocratie en Afrique est très complexe. La conception
africaine de la démocratie ne repose pas sur une analyse
systématique. Elle ne résulte pas non plus d'une construction
doctrinale rigoureuse. Elle tente d'amalgamer les éléments les
plus divers à savoir les apports extérieurs et les conditions
sociologiques et économiques des Etats africains. Ainsi, son examen
laisse t-il parfois à l'observateur une impression de confusion.
Eu égard à ces considérations, la
pratique africaine de la démocratie se démarque
substantiellement de l'idéal démocratique. A y regarder de
près, elle s'apparente à un autoritarisme
« voilé ».
Paragraphe 2 : La pratique africaine de la
démocratie, un autoritarisme
« voilé »
D'emblée, il convient de constater que l'Afrique n'a
presque connu que des régimes autoritaires depuis les
indépendances. Les exceptions furent de deux ordres : Soit une
poignée de régimes démocratiques ou s'en approchant, soit
des entités politiques en proie à la « guerre
civile », dans ce dernier cas , la violence est à son comble
et on peut difficilement parler de régime politique ou même
d'Etat.34(*)
« L'autoritarisme est une notion à
laquelle il est difficile de trouver une définition claire, tant cette
appellation regroupe finalement une très grande variété de
formes de pouvoir institutionnalisé. Il n'est d'ailleurs pas
exagéré d'avancer l'idée que les autoritarismes sont
actuellement beaucoup plus présents à la surface du globe que ne
le sont les démocraties. Des régimes militaires, aux monarchies
fondamentalistes en passant par les régimes ultra nationalistes, les
systèmes présidentialistes de type sud-américain ou les
tyrannies molles à l'image de la Syrie ou de la Libye. La liste est
longue, illustrant la diversité de la réalité
autoritaire ».35(*)
Ce que partagent finalement tous ces régimes, c'est
une même tendance à l'abus d'autorité, quelle que soit la
forme de celle-ci. Pour reprendre la distinction Wébérienne,
l'autorité peut être traditionnelle, lorsqu'elle repose sur un
corps de «coutumes sanctionnées par leur validité
immémoriale », elle peut être charismatique lorsqu'elle
s'incarne dans un personnage perçu comme exceptionnel et
grandiose ; elle est enfin légale-rationnelle lorsqu'elle se fonde
sur une « direction administrative bureaucratique ».
L'abus
d'autorité peut être constaté dans les trois formes
d'autorité susmentionnées, et il prend la forme d'un gouvernement
qui fonctionne plus à la forme qu'au compromis, plus à
l'injonction qu'à la persuasion, plus à la règle de droit
qu'à celle du droit. Pour autant, les régimes autoritaires ne
doivent pas se confondre avec les dictatures. La différence est notable
entre les formes de gouvernement qui nient totalement les principes et
l'idée même de la démocratie et les autoritarismes, dont
beaucoup affichent leurs ambitions démocratiques, leur volonté
transitoire vers la démocratie (cas de nombreux régimes
militaires), ou pour certains, se déclarent comme des régimes
réellement démocratiques. En Afrique particulièrement elle
se manifeste à travers l'omniprésence des régimes
militaires.
Face à cet état de fait, déjà au
mois de Juillet 1999, à Alger, l'OUA a décidé d'exclure de
ses sommets tout gouvernement issu d'un coup d'Etat36(*). Pourtant cette même
année, les militaires ont renversé des gouvernements au Niger, en
Sierra Léone aux Comores et en Cote d'Ivoire.
Aujourd'hui, avec l'UA et près de quinze ans
après la transition démocratique africaine et face à la
persistance des coups d'Etat et des crises politiques sur le continent,
l'Afrique s'est dotée d'une Charte destinée à y asseoir
durablement la démocratie et stabilité. En effet, lors d'une
réunion à Brazzaville, les ministres de l'UA ont adopté un
projet de Charte sur la Démocratie, les élections et la
gouvernance qui fut soumis pour adoption lors du sommet des chefs d'Etat et de
Gouvernement de l'UA tenu les 1er et 2 Juillet 2005 à Banjul,
avant d'être soumis à ratification par les Etats-membres.
Cette charte rappelle
que,
« Bien que des progrès
considérables aient été réalisés en
matière de démocratie en Afrique depuis les années 90, le
processus du maintien et de la consolidation du système
démocratique demeure une tâche décourageante, et qu'il est
évident que la transition démocratique est relativement plus
facile que le maintien et l'édification de la
démocratie »37(*).
En effet, poursuit la Charte, « Renoncer
à un gouvernement autoritaire est une chose, poser des fondations
institutionnelles et culturelles pour la démocratie en est une
autre.. ».38(*)
La situation politique des Etats africains invite à
un profond changement, tant il existe un hiatus profond entre la proclamation
à l'adhésion aux principes démocratiques et la pratique
qui, elle s'apparente à l'autoritarisme. En atteste, la recrudescence
des coups d'Etats en Afrique depuis la transition démocratique.
Le coup d'Etat n'est pas un mal en tant que tel, mais
plutôt un symptôme. C'est une manifestation externe des
dysfonctionnements internes aux Etats. Il est nécessaire dans ce cas de
trouver remède aux causes des coups d'Etats.
Le problème n'est donc pas tant le coup d'Etat que
les conditions et les situations qui favorisent la tentation du coup de force
à la tête de l'Etat. Il est évident que ces coups d'Etat ne
sont pas toujours le fait d'armées républicaines. Or il ne
saurait y avoir d'armée républicaine sans république. De
là, une interpellation majeure relative au défi des coups d'Etat
en Afrique se dégage :
Pourquoi ce phénomène est-il devenu
si banal sur le continent ? La réponse est qu'il n'existe pas ou
peu de pays en Afrique dotés de système de pouvoir
institutionnalisé au sens concret du terme.
En effet, la crise est d'abord institutionnelle. La
démocratisation a apporté le multipartisme et une certaine
liberté de la presse. Mais elle n'a pas apporté le principe
fondamental d'acceptation de l'alternance. Le Bénin en 2006, le
Sénégal en 2000, et le Mali en 2002 sont à ce jour les
seuls exemples d'alternance véritable par la voie des urnes. Le plus
souvent, un président une fois installé au pouvoir, n'entend en
aucun cas le céder par la voie des urnes. L'attitude du président
Omar BONGO à la tête du Gabon depuis près de quarante ans
est « tristement » illustrative à cet effet.
La fraude électorale est massivement pratiquée
dans la plupart des pays africains. En attestent par exemple les multiples
irrégularités manifestes qui ont été
soulignés par les différents observateurs présents au
Nigéria durant l'élection présidentielle tenue en Avril
2007.En dépit de ces contestations, le président frauduleusement
élu a été installé dans ces fonctions. Mais le
problème n'est pas qu'électoral. Le multipartisme n'a
engendré qu'une acceptation minimale des règles du jeu, du
côté des responsables politiques au pouvoir d'abord, et ensuite du
côté des oppositions désunies et en crise permanente. La
logique de la confrontation est souvent la norme, comme au Togo durant
l'ère Eyadema, ou une crise aigue mettait aux prises un pouvoir
patrimonial et une opposition intransigeante.
Dans ce contexte, toute la crise devient une crise de
régime .Il n'y a aucun code, même tacite et réduit
à l'essentiel de la « bonne conduite » politique.
Or, on voit mal comment un Etat démocratique peut se passer d'un minimum
de consensus institutionnel. Les intrigues et les complots sont de ce fait
omniprésents. Les tentatives du président Bédié
d'exclure M Alassane Dramane Ouattara de la candidature à la
présidence de Cote d'Ivoire l'illustrent bien et ont certainement
contribué à son éviction du pouvoir en Décembre
1999.
Dans ce choc permanent des ambitions, qui se fait au
détriment des idées et des règles démocratiques,
tous les coups semblent permis, y compris les coups de force militaire. Au
demeurant, dans bien des cas, l'armée devient le seul rempart contre le
désordre et l'instabilité politique.
L'incapacité de la plupart des hommes de pouvoir
à sortir du système des prébendes, du clientélisme
et du népotisme à tous les échelons de la fonction
publique, et même au sommet de l'Etat sont des traits communs à la
plus grande partie des appareils d'Etat africains, qui se réclament
curieusement et paradoxalement de la démocratie.
Ainsi, il apparaît que la démocratie a
été battue en brèche par l'autoritarisme,
caractérisée par les comportements anti démocratiques des
hommes politiques, et par les coups d'Etat militaires.
En définitive, on peut légitimement avancer que,
« L'acclimatation de la démocratie suppose
simultanément des contraintes contextuelles et une responsabilisation
des dirigeants par un apprentissage des normes
démocratiques »39(*).
Toutefois, la conversion tardive des dirigeants et des
opposants à la démocratie ne les discrédite pas à
priori, même si elle porte à les considérer avec
circonspection.
CHAPITRE II l'UNION AFRICAINE, OU
LE REFUS DE L'IDEAL PANAFRICAIN DES ETATS-UNIS D'AFRIQUE.
L'un des grands défis posés aux Etats africains
est la réalisation de l'unité politique conformément aux
voeux des précurseurs du panafricanisme. La création de l'UA
participe donc de cette dynamique. L'acte constitutif de cette dernière,
dont l'idée avait été lancée en Septembre 1999 en
Libye sous le nom des Etats-Unis d'Afrique a été adopté en
Juillet 2000 à Lomé, au Togo au cours du 36ème
sommet de l'OUA.
Toutefois de nombreuses ambiguïtés et zones
d'ombre entourent cet acte fondateur qui sert de base institutionnelle à
la dite Union. Ils sont révélateurs de la difficulté avec
laquelle a été mise en place cette Union Africaine(Section1). De
ce fait, on a assisté à la naissance d'une organisation aux
contours mal définis avec un déphasage criard entre les textes et
la réalité(Section2).
SECTION 1 : La difficile mise en
place de l'Union Africaine.
Les difficultés que rencontrent aujourd'hui l'UA dans
la mise en oeuvre effective de l'unité politique du continent, à
travers notamment l'édification à terme des Etats-Unis d'Afrique
peut se comprendre au regard d'une pluralité de facteurs. D'abord au
regard du contexte et des conditions qui ont présidé à la
création de l'UA (paragraphe1), et ensuite, au regard des tensions et
divergences idéologico-politiques qui ont émaillé le
processus de mise en place de l'UA (paragraphe2).
Paragraphe 1 : Le contexte et
les conditions de création de l'Union Africaine.
La gestation de l'UA fut longue et difficile.
Débutée en 1999 à Syrte avec la déclaration du
même nom, le processus de création de l'UA s'est finalement
achevé en Juillet 2002 avec le premier sommet des chefs d'Etat et
gouvernement, qui a consacré l'entrée en vigueur officielle de
l'organisation, avec la mise en place des nouveaux organes, notamment la
commission.
Cette organisation ainsi créée, apparaissait
donc, comme étant la concrétisation de la volonté
manifestée par les dirigeants africains d'impulser une nouvelle
dynamique au processus de développement et d'intégration
politique du continent.
Porté sur les fonts baptismaux en remplacement de
l'OUA, en vue de remédier aux insuffisances et limites dont cette
dernière a fait montre depuis sa création en 1963, en
réalisant le plus rapidement possible l'unité politique de
l'Afrique, l'UA reste néanmoins une équation à plusieurs
inconnues. Car pour beaucoup d'observateurs, elle n'est « ni plus ni
moins qu'une sorte « OUA bis ».
En effet, l'OUA qui avait été
créée près de quarante années auparavant avait
montré ses limites quant à sa capacité à relever
sereinement et efficacement les défis de l'intégration
économique et politique sur le continent africain.
L'UA apparaissait au moment de sa création comme
l'alternative la plus crédible à même de booster le
processus d'unité continentale qui devra culminer avec
l'édification des Etats-Unis d'Afrique.
Seulement, le climat et les circonstances qui ont
jalonné le processus de sa création nourrissent le scepticisme au
sujet de la capacité et surtout de la volonté politique des
leaders africains à mettre en place les bases d'une future
fédération des Etats-Unis d'Afrique.
Déjà à Syrte en 1999, des divergences
avaient commencé à se manifester. En effet, au cours des
débats sur la seule question à l'ordre du jour de ce sommet
extraordinaire de l'OUA, qui était libellée comme suit :
Comment renforcer la capacité de l'Afrique à faire face aux
défis du nouveau millénaire ? deux positions se sont
exprimées.
Pour Kadhafi, la seule réponse qui vaille à
cette question est la création d'une Union Africaine sur le
modèle des Etats-Unis d'Amérique ou de l'Europe avec des organes
législatifs et exécutifs censés être
opérationnels en 2000.
Pour les autres, plus nombreux, il fallait seulement
rénover l'OUA. Pas d'Union Africaine forte. Les discussions n'ont
finalement pas permis d'aboutir à un accord sur un modèle
d'institutionnalisation de l'UA. C'est malheureusement, en dépit de ces
divergences que mandat fut donné par les chefs d'Etat pour un projet
d'élaboration d'un acte constitutif en tenant compte des objectifs et
principes de l'OUA, ainsi que ceux du Traité (Traité d'Abuja)
instituant la Communauté Economique Africaine(CEA).
Le projet final constituera un compromis entre les
thèses minimalistes et les thèses maximalistes, comme cela avait
été le cas au moment de la création de la
« défunte OUA ». Le projet a été
soumis par la suite aux chefs d'Etat et de Gouvernement réunis à
Lomé du 7 au 12 juillet 2000. « Ils l'adoptèrent
avec la signature de 27 Etats et après plusieurs sessions de huis clos
des 37 chefs d'Etats présents »40(*).
Les dirigeants africains réunis à Lomé
avaient à cette occasion manifesté une réelle
volonté de moderniser l'OUA. Toutefois, en raison de l'insistance sur
une forme fédérale assez rigide d'union politique, un certain
nombre de pays ont préféré s'abstenir de signer l'Acte
constitutif de l'UA.
Ainsi, les divergences internes des dirigeants africains ont
conduit à l'adoption d'un texte restant en deçà des
espérances du leader libyen, le colonel Kadhafi qui, lors du sommet de
syrte du 9 Septembre 1999, avait présenté son grand projet de
création des Etats-Unis d'Afrique, en s'inspirant des pères
fondateurs de l'OUA notamment le Ghanéen Kwamé Nkrumah. En effet
ce dernier proposa dès 1963, mais sans succès, de faire fi des
nationalismes étroits en formation sur le continent africain.
Finalement, le projet des Etats-Unis d'Afrique, courageusement
défendu et promu par les illustres figures du panafricanisme et remis en
scelle à l'orée du troisième millénaire par
quelques chefs d'Etats convaincus du bien fondé de cet idéal
panafricain, a buté contre des divergences idéologico-politiques
dont sont maintenant coutumiers les Etas africains.
Paragraphe 2 :
Les divergences idéologico-politiques et les
questions de leadership entre Etats africains.
L'UA dès sa création a été
gangréné par un certain nombre de problèmes qui,
déjà avaient fragilisé la « défunte
OUA ». Il s'agit des questions de leadership et des divergences
idéologico-politiques qui opposent régulièrement les chefs
d'Etats africains.
En effet, « à la Conférence de
Lomé par exemple, chacun voulait obtenir l'auréole qui s'attache
toujours au concept d'Union continentale dans l'esprit
africain »41(*).
Or la compétition pour une sorte de leadership moral, entre la notion
de « renaissance africaine » du président
Mbéki et celle des « Etats-Unis d'Afrique » du
président Kadhafi, n'a pas précisément fait avancer la
cause de l'Union, mais bien celle de l'interdépendance d'une Afrique
plurielle. Du fait d'une vision trop nébuleuse de cette union, l'OUA
en juillet 2000, s'était repartie en trois grands groupes d'Etats.
v Celui des pays absents du sommet de Lomé pour des
raisons diverses, et qui ne se sont pas joints à la
cérémonie de signature de l'Acte constitutif de l'UA. Il s'agit
entre autres de l'Angola, des Comores, de la république
démocratique du Congo, de la Cote d'Ivoire, du Maroc, de la Namibie et
de la Somalie.
v Celui des pays effectivement présents au sommet, mais
qui ont refusé de signer le document final le 12 Juillet 2000. N'ayant
pas d'obligations, ni de liens particuliers et certainement pas de
dépendance financière vis-à-vis de celui qui avait
relancé l'idée d'une Union Africaine totale et immédiate,
ces Etats ont voulu témoigner, officiellement et dans la circonstance,
de leur désapprobation de ce projet qu'ils estimaient
précipité. Il s'agit entre autres de l'Afrique du Sud, de
l'Egypte, de l'Erythrée, du Kenya, du Mozambique, du Nigéria, de
l'Ouganda, de la Mauritanie, du Rwanda, de la Zambie et du Zimbabwe.
v Celui des pays ayant adhéré au principe de
l'Union Africaine, mais qui ont aussi estimé nécessaire de
recentrer l'approche libyenne en y incluant des propositions venant de
l'Afrique au sud du Sahara.
C'est cette situation de déficit consensuelle entre
Etats africains qui explique le changement terminologique par rapport au
premier projet de syrte, faisant passer des « Etats-Unis
d'Afrique » à l' « Union
Africaine ».
Avec le lancement de l'UA, qui se substitue à l'OUA,
une véritable guerre d'appropriation de celle-ci est apparue à
Lomé et continue de se manifester au cours des sommets des chefs d'Etat
et gouvernement.
En effet, très vite étaient apparues des
dissensions, vestiges des vieilles luttes intestines entre ceux qui caressaient
l'espoir d'une direction africaine de type fédéral à
l'américaine et ceux qui, estimaient que l'interdépendance et
l'intégration par étapes devraient prévaloir, et
proposaient une forme confédérale et très souple
d'Union.
De toute évidence, comme le rappelle Yves Ekoué
Amaizo,
« Le guide libyen ne semble pas avoir
imaginé un instant que la direction des Etats-Unis d'Afrique ne lui
revienne de droit, il avait même été question de placer en
Libye la capitale des Etats-Unis d'Afrique
Cependant,
la perspective d'un continent entier, risquant de ne devenir à terme
qu'un seul Etat doté d'un président non élu,
flanqué de 53 gouverneurs de province, fit peur.
Une union totale
ne pouvait que mécontenter de nombreux africains, d'autant que certains
d'entre eux avaient un sentiment de recolonisation virtuelle et
larvée de l'Afrique du Nord sur l'Afrique
subsaharienne »42(*).
C'est ainsi que, pour dissiper de telles craintes, les chefs
d'Etat réunis à Lomé ont fait en sorte de dire
« non » au projet des Etats-Unis d'Afrique lancé
à Syrte, mais tout en dégageant aussi un consensus sur un
autre « non » beaucoup plus discret, à une
Union Africaine selon les vues exclusives du colonel Kadhafi.
Quatre éléments, ont ensuite justifié le
refus par certains chefs d'Etats africains de signer l'Acte constitutif de
l'Union.
v Trop de précipitation dans le lancement du projet de
Syrte, doublée d'une certaine crainte de voir l'Afrique
contrôlée par la Libye.
v Un appui financier libyen se révélant ne pas
être sans contrepartie.
v Le sang des immigrés africains de Libye versé
fin septembre 2000 à la suite des accès de violence d'une part
minoritaire de la population libyenne.
v Enfin, une certaine indifférence doublée d'une
certaine minimisation de ces derniers faits par les officiels libyens
concernés.
Du reste, le bilan que l'on peut tirer du XXVIème
sommet de l'OUA de Lomé de Juillet 2000, est que les questions de fond
ont été évincées au profit d'une lutte entre chefs
d'Etat sur l'appropriation africaine du concept de l'Union. Aussi, au cours des
discussions préparatoires sur le projet d'acte constitutif pour l'union
souhaitée, il s'est manifesté une volonté politique
commune des pays africains subsahariens de ne pas voir leur souveraineté
collective, présente comme future, être remise en cause par des
propositions venant de la Libye. Cette volonté était d'autant
plus forte que certains pays, conscients de leur situation dite de
« pauvreté », se sentaient justement très
vulnérables sur le plan de la souveraineté. Ils souhaitaient
ainsi faire entendre leur différence en se démarquant nettement
du projet antérieur et non sollicité par eux,
des Etats-Unis d'Afrique.
Ainsi , face à tous ces désaccords et cette
absence de volonté politique, le nouveau projet d'Union Africaine, ne
pourra que difficilement servir de fondement et de base institutionnelle
à l'ultime aspiration des peuples africains, a savoir,
l'édification d'un espace politique unifié sous la forme des
Etats-Unis d'Afrique .
SECTION 2 :
l'Union Africaine entre textes et réalités
En succédant à l'organisation de l'unité
africaine(OUA), l'UA se donne pour mission de renouveler et de consolider le
projet d'intégration politique et économique à
l'échelle continentale, dont les bases avaient été
jetées en 1963. A cet effet, l'Acte constitutif de cette nouvelle
organisation dont les contours avaient été tracés dans la
Déclaration de Syrte du 9 Septembre 1999, a fixé les objectifs et
instauré un cadre institutionnel allant bien au-delà de
l'approche diplomatique finalement privilégiée par l'OUA. C'est
sous l'angle organique que les changements sont les plus notables, avec
notamment une Commission et un Parlement appelés à relayer et
à impulser la dynamique unitaire.
A travers ce dernier aspect, la création du Conseil de
Paix et de Sécurité, traduit la volonté de rompre avec la
fatalité des guerres et de se doter d'instruments aptes à
relever les défis de la paix et à promouvoir une politique de
défense commune.
Cependant, la rupture tant annoncée avec les
égarements de l'OUA se heurte une nouvelle fois aux
réalités d'une Afrique toujours repliée sur le dogme de la
souveraineté étatique et confronté à des
difficultés, notamment financières, qui risquent de renvoyer
à un avenir plus lointain et incertain le vaste chantier des politiques
communes de construction des États-Unis d'Afrique
(paragraphe1). Ainsi, la mise en place de l'UA représente à bien
des égards une problématique assez complexe tant l'acte
constitutif sur lequel elle repose est ambigu et imprécis
(paragraphe2).
Paragraphe2 : l'Union
Africaine : Une « coquille vide » en
réalité.
Le 9 Juillet 2002 à Durban, en Afrique du Sud, la
38ème Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement
de l'OUA proclame la naissance officielle de l'Union Africaine. Au- delà
de la symbolique d'une telle décision, décision inaugurant une
période intérimaire d'un an au cours de laquelle les principaux
acteurs de la nouvelle institution seront mis en place, les dirigeants
africains prenaient définitivement acte de leur volonté d'ouvrir
une nouvelle page de l'intégration de leur continent. Pareil tournant
consacrait certes plusieurs années de préparation et de
négociation des textes fondateurs de l'UA, mais il marquait dans le
même temps le souci de clore définitivement les débats
parfois controversés et toujours passionnés sur le calendrier et
les modalités de passage de l'OUA à l'UA.
En effet, pendant près de trois années, entre la
réunion de Syrte ou était pris l'engagement solennel de
créer l'UA, et la réunion de Durban de 2002 en passant par les
sommets de Lomé(2000) et de Lusaka(2001), bien des divergences avaient
été surmontées sur les structures de l'Union et, en
particulier sur la nature des rapports entre ses organes interétatiques
classiques et la future Commission.
En arrière plan de ces problèmes d'organisation
et d'ordonnancement institutionnels, sans pour autant que cela affecte
l'affirmation de la souveraineté des Etats-membres, se profilait
surtout le souci de ne pas réduire l'Union Africaine à un simple
changement de dénomination de l'OUA. C'est autour de ce postulat qu'ont
surgi les interrogations sur les ambitions de l'UA, sur les rapports entre
cette dernière et les Etats membres, sur son architecture
institutionnelle, sur le calendrier de mise en place des organes prévus
par l'Acte constitutif, ainsi que sur le contenu des politiques communes,
notamment en matière d'intégration économique, politique
et de défense.
C'est pour prévenir les critiques éventuelles
sur les fondements de la nouvelle organisation et surtout répondre aux
appréhensions de nombreux Etats sur les finalités réelles
de l'Union et la préservation de leurs attributs de souveraineté,
que le Secrétaire général de l'OUA, Amara Essy, a
initié une large concertation impliquant des acteurs venant des horizons
les plus divers. Car, comme le soulignait Albert Bourgi
« Le projet de l'UA a beau figurer
à l'ordre du jour du 36ème sommet de l'OUA, qui doit
se tenir à Lomé du 10 au 12 Juillet 2000 et avoir de grandes
chances d'être entériné par les chefs d'Etat, plus par pur
réflexe légaliste que par conviction, sa mise en oeuvre n'en
soulève pas moins des interrogations ».43(*)
Jamais dans l'histoire de l'OUA, une aussi large consultation
n'avait été organisée. Outre les représentants des
Etats-membres à tous les niveaux, elle associa pendant des mois des
membres de la société civile africaine, des experts tant
nationaux qu'internationaux et bénéficia du concours des
Nations-Unies. L'originalité de cette procédure de consultation a
été illustrée par l'avis que le Secrétaire
général de l'OUA a donné à un groupe
consultatif d'éminentes personnalités sur la transition de l'OUA
à l'UA. Présidée par un ancien chef d'Etat, le
Général nigérian Yakubu Gowon, cette instance avait un
mandat élargi, recouvrant aussi bien les questions institutionnelles que
les objectifs assignés à l'Union ou encore l'intégration
de certaines initiatives dans les programmes de l'Union Africaine.
L'attention ainsi portée au processus de mise en place
de l'UA fut d'autant plus rigoureuse que l'Acte constitutif n'était pas
d'un grand secours en la matière.
En effet, le schéma institutionnel discuté et
arrêté à Tripoli peut paraître séduisant.
Mieux encore, et c'est sous cet aspect que le leader libyen a su emporter
l'adhésion de ses pairs, il s'inscrit pleinement dans la mystique de
l'unité africaine qui habite tous les africains.
Mais entre le rêve d'unité qui sous-tend confusément les
débats, même les plus houleux à l'OUA depuis plus de trois
décennies, et la réalité sous la forme institutionnelle
bannissant les frontières nationales, il subsiste encore et toujours des
obstacles.
Dès-lors, dixit Albert Bourgi « On voit mal
comment des constructions supranationales aussi prudentes soient-elles, peuvent
se substituer à des organisations de coopération fortement
ancrées dans la logique des pouvoirs nationaux »44(*) . Certes, il faut un
début à tout, et les peuples africains ont besoin de rêves,
de desseins à long terme du type de celui de l'UA qui ambitionne
à plus longue échéance la construction des Etats-Unis
d'Afrique.
Le projet d'Union Africaine, du moins dans sa version
consensuelle et minimale telle qu'elle existe aujourd'hui, parait être
d'autant plus accessible qu'il ne comporte que peu d'engagements précis.
Il se présente au mieux, comme un cadre organique aux futures relations
interafricaines, coiffée par une Conférence de l'Union
ressemblant à s'y méprendre à la conférence des
chefs d'Etats et gouvernement de la « défunte OUA »,
au pire comme une « coquille vide » ayant vocation à
se remplir au fil des années et avancer sur le chemin de
l'intégration politique.
Paragraphe 2 : Les ambiguïtés et
imprécisions sur la forme politique de l'Union :
Fédération ou simple cadre de coopération
interafricaine ?
L'UA est une organisation dont les contours et la forme
politique sont encore mal définis. La précipitation avec laquelle
cette organisation a été créée en est certainement
une des causes principales. Les divergences entre minimalistes et maximalistes
ont eu raison du projet d'unité politique dont été porteur
le colonel Kadhafi et plus connue sous le vocable des Etats-Unis
d'Afrique. C'est ainsi que l'on a assisté à la mise en marche
d'une organisation « ambiguë et imprécise »,
dont l'Acte constitutif traduit de fort pertinente manière cette
situation.
Libellé en termes très généraux,
celui-ci se contente d'énumérer dans trente trois articles, les
objectifs de l'Union (article3) et les principes (article4) sur lesquels devra
fonctionner l'organisation. C'est ce même type d'énoncé
très bref, que recouvrent les dispositions qui traitent des pouvoirs et
attributions des principaux organes de l'Union. Cette rédaction
plutôt sobre reflète, l'accord minimal sur lequel se sont
finalement entendus les Etats membres, et qui permettait de dissiper les
craintes exprimées lors de l'élaboration de l'Acte constitutif de
cette Union, sur la nature de celle-ci et sur son éventuel
caractère supranational. Sur ce dernier point, l'Acte constitutif ne
laisse planer aucun doute sur le fondement interétatique de
l'organisation. En effet, on n'y trouve nulle part de dispositions
préfigurant les « Etats-Unis d'Afrique » chers au
colonel Kadhafi. Les rédacteurs ont ainsi voulu semble t-il tirer toutes
les leçons de l'ambiguïté de certains articles de la charte
de l'OUA de 1963, source de multiples spéculations et de
surenchères qui, au fil des ans avaient entamé la
crédibilité de l'institution.
De toute évidence, les Etats africains ont pris le pari
de laisser au temps et à la pratique le soin de déterminer,
voire d'étendre le champ de compétence de l'Union et partant, de
fixer au vu des résultats, les différentes étapes à
venir de l'intégration continentale. Et cela pour plusieurs
raisons :
D'abord au nombre des objectifs de l'Union, il est inscrit la
défense de « la souveraineté,
l'intégrité et l'interdépendance de ses Etats
membres ». La souveraineté est l'apanage des seuls Etats comme
le définit le droit international. La souveraineté des membres de
l'Union est rappelée par l'article4, alinéa (a), qui institue
une « une égalité souveraine... de tous les Etats
membres de l'Union ». Ce constat du caractère non
fédéral de l'Union est conforté par les termes mêmes
de l'Acte constitutif où il n'est question que des Etats membres.
L'intégrité territoriale et l'interdépendance qui doivent
être défendues impliquent aussi qu'il s'agit des structures
étatiques africaines telles qu'elles existent au moment de la naissance
de cette Union Africaine. Les membres de celle-ci sont donc les Etats africains
actuels. L'article4, alinéa (b) ajoute un autre élément
qui est la frontière. Il inscrit au nombre des principes « le
respect des frontières existant au moment de l'accession à
l'indépendance » ; or, les limites entre Etats dans une
structure fédérale ne constituent pas des frontières au
sens du droit international. En conséquence cette disposition ne vient
que renforcer l'analyse selon laquelle l'UA est une organisation internationale
dans laquelle les Etats sont représentés par leurs chefs d'Etat
ou de Gouvernement, conformément à l'article6, alinéa
1 : « La conférence est composée des Chefs
d'Etats et de gouvernement ».
Ensuite, des documents antérieurs à l'Acte
constitutif offrent divers éléments allant dans le même
sens, confirmant que l'Union Africaine est une organisation internationale
à l'instar de l'OUA.
Le premier de ces éléments est la
déclaration de Syrte qui indique que les Chefs d'Etat et de Gouvernement
ont délibéré sur les voies et moyens pour renforcer
l' « organisation continentale »45(*) et non pour créer les
Etats-Unis d'Afrique. L'objectif est donc de renforcer l'OUA en lui donnant les
moyens d'être plus efficace dans un environnement ou la
nécessité de positions communes se faisait plus que jamais
pressante. Les Chefs d'Etat et de Gouvernement y rappellent qu'ils ont juste
été inspirés par les propositions soumises par le Colonel
Kadhafi. Or, ces propositions étaient claires quant à l'objectif
fédératif.
Ainsi, comme l'a rapporté l'hebdomadaire Jeune
Afrique, « la Libye voulait, à travers le projet de
déclaration finale qu'elle a soumis, amener les Etats africains à
s'unir dans le cadre d'une fédération, un Etat unique et seul
détenteur de la souveraineté, et donc unique représentant
de l'Afrique sur la scène internationale au lieu des cinquante trois
voix dont l'harmonie reste difficile et rare »46(*). Ce projet libyen, se
caractérisait par l'institution d'un gouvernement unique avec un pouvoir
réel de décision et de gestion des affaires de la
fédération, et d'autres organes comme la Banque Africaine de
Développement et le Fonds Monétaire Africain dont les pouvoirs
sont aussi plus conformes à la pratique dans les
fédérations d'Etats. C'est ce projet, qui a été
écarté pour une structure ou les Etats restent ce qu'ils sont,
c'est-à-dire les seuls sujets du droit international, avec une
souveraineté qu'ils ne veulent point céder, ce qui aurait
été le cas dans le cadre d'une fédération des
Etats-Unis d'Afrique. Alors même que cette souveraineté reste
théorique pour la plupart de ces Etats, étant donné les
difficultés auxquelles ils sont confrontés dans le
« village planétaire »47(*).
DEUXIEME PARTIE
CONSTRUIRE LES ETATS- UNIS D'AFRIQUE : TEL EST
L'OBJECTIF !
CHAPITRE III LA STRATEGIE
DES ETATS-UNIS D'AFRIQUE
SECTION 1 : La nécessaire reforme des
structures et organes clés de l'Union Africaine
L'UA telle qu'elle se présente aujourd'hui constitue un
obstacle certain à l'édification des Etats-Unis d'Afrique. La
configuration ambiguë et parfois imprécise des dispositions de son
Acte Constitutif en constitue la parfaite illustration.
Pour ce faire, de profondes réformes devraient
être engagées afin de permettre à l'UA de baliser la voie
vers les Etats-Unis d'Afrique. A cet effet, il conviendra d'apporter des
transformations aussi bien au plan politique et militaire, qu'au plan social et
économique. S'agissant du domaine politique et militaire, les
réformes à ce niveau consisteront tout d'abord, à
dépoussiérer l'Acte constitutif afin de le rendre compatible avec
les objectifs d'unité politique du continent. Ensuite, il s'agira de
mettre en oeuvre les mécanismes appropriés qui permettront
à l'Afrique d'arriver à bout du fléau des conflits qui
entrave considérablement toutes les ambitions de développement
solidaire et intégré des Etats africains (paragraphe1) . En
ce qui concerne les domaines économique et social, les réformes
préconisées, s'articulent essentiellement autour de la
redynamisation du projet « NEPAD » et de la mise en
fonctionnement effectif des institutions financières africaines
prévues dans le cadre du Traité instituant la Communauté
économique Africaine et reprises par l'UA (paragraphe2).
Paragraphe 1 : les
nécessaires réformes au plan politique et militaire
Reformer l'UA revient à faire de celle-ci, une
institution crédible à même de mener le continent vers
l'unité politique. A cette fin, et eu égard aux
difficultés que rencontre l'UA dans la réalisation de ces nobles
objectifs, il conviendra de la moderniser en vue de l'adapter aux exigences
panafricaines.
Au plan politique, c'est l'Acte constitutif qui doit
être foncièrement dépoussiérer. Celui-ci
recèle en effet, de nombreuses dispositions qui font que l'UA
s'apparente beaucoup plus à une organisation de coopération
qu'à une organisation d'intégration régionale
évoluant vers les Etats-Unis d'Afrique.
C'est ainsi que, l'Acte ne définit pas clairement les
pouvoirs et fonctions des divers organes, ni leurs liens opérationnels
dans le processus d'intégration.
Les organes déjà mis en place sont la
Conférence de l `Union, le Conseil Exécutif composé des
ministres des Affaires Etrangères, la Commission dont le siège
est à Addis Abéba, le Comité des Représentants
Permanents composé des ambassadeurs accrédités
auprès de la République Fédérale d'Ethiopie, le
Parlement Panafricain en Afrique du Sud, et le Conseil Economique Social et
Culturel, dont le siège reste à déterminer. Il y a lieu de
souligner toutefois que, le parlement a été mis en place sur la
base du Traité d'Abuja, et qu'il ne joue pas encore sa pleine fonction
législative, aux fins d'assurer la pleine participation des peuples
africains au développement et au processus d'intégration du
continent.
D'autres organes de l'Union sont les comités techniques
spécialisés composés des ministres chargés des
différents secteurs économiques. Il y a également la Cour
Africaine de Justice, des droits de l'Homme et des Peuples dont le
fonctionnement n'est pas encore effectif.
La Conférence de l'Union qui est l'organe suprême
de l'UA, prend la plupart des décisions, mais ses réunions
portent essentiellement sur des questions d'actualité,
généralement les crises politiques et les conflits. Elle devrait
plutôt se consacrer davantage aux questions directement liées au
processus d'intégration à l'échelle continentale.
Il en est de même du Conseil Exécutif et du
Comité des Représentants Permanents. En effet, s'agissant de
cette dernière, qui peut être considérée comme la
seule véritable nouveauté de l'UA48(*), sept grandes spécialités y sont
distinguées49(*).
Toutefois, ces regroupements ne semblent pas prendre en compte la donne
récente de la mondialisation et de la nouvelle économie. Les
technologies de l'information et de la communication, la formation
adaptée, la valorisation des brevets et la promotion de la
propriété intellectuelle sont autant de secteurs qui doivent
faire l'objet d'une attention particulière de la part de l'UA.
Les articles 15 et 16 de l'Acte Constitutif de l'UA qui
traitent des attributions et de l'organisation des comités techniques
spécialisés auraient pu être intégrés dans
l'article 14. Plutôt que de se formaliser sur les détails de
procédure, il aurait aussi été intéressant de fixer
des objectifs réalisables avec des sources budgétaires fiables et
de proposer une date buttoir pour faciliter les évaluations, ainsi que,
une éventuelle sanction par la société civile.
Au contraire, tout ce qui pourrait permettre d'inscrire un
tel mécanisme de contrôle par la société civile se
trouve écarté du texte. Il n'y a donc pas de possibilité
d'évaluation, ni de sanction des urnes quelle que soit la
résultante des actions initiées dans le cadre de ces
comités techniques, ni plus globalement au niveau des autres
entités proposées dans l'Acte.
La Commission quant à elle, a été
définie dans l'Acte Constitutif comme un Secrétariat, alors que
dans la pratique, les Etats membres, les pays et les organisations non
africains, tout comme les organisations internationales, la perçoivent
comme l'organe principal d'élaboration et de mise en oeuvre des
politiques de l'UA. En effet, c'est essentiellement sur elle, ou plutôt
sur son dynamisme que repose la mise en oeuvre efficace du processus
d'intégration devant culminer avec la concrétisation du projet
de création des Etats-Unis d'Afrique. Toutefois, bien que conçu
comme un Secrétariat dans l'Acte constitutif, les statuts de la
Commission lui confèrent un pouvoir exécutif dans certains
domaines. Mais, la Commission n'a malheureusement pas les ressources humaines
et financières adéquates pour exercer ce pouvoir et mener
à bien toutes ces activités. Pour ce faire, il faut que les Etats
honorent régulièrement leurs cotisations auprès de l'UA
afin que celle-ci puisse conduire harmonieusement les réformes qui
permettront de faire de l'unité politique du continent une
réalité tangible. En outre, les domaines d'activités de la
Commission qui correspondent à des départements, sont vastes et
manquent de précision. Ils couvrent la paix et la
sécurité, les affaires politiques, les affaires sociales,
l'Agriculture et l'Economie rurale, les Ressources humaines, le Commerce et
l'Industrie et les Infrastructures. A cela, s'ajoute le cadre actuel de
gestion, en particulier le fait que les responsables des départements
soient directement élus à leurs fonctions. Ce qui ne favorise pas
le travail d'équipe, pourtant essentiel pour la conduite harmonieuse du
processus d'intégration.
Sous ces éclairages, il apparaît que la reforme
de l'Acte constitutif notamment, en ce qui concerne les attributions et les
compétences des organes politiques de l'Union est plus que
nécessaire dans l'optique de placer le processus d'intégration
politique du continent dans une dynamique positive.
Au plan militaire, il s'agira de donner à l'organe
principale en charge de cette question, en l'occurrence le Conseil de Paix et
de Sécurité, les moyens d'oeuvrer à la pacification du
continent, car comme le disait Alpha Oumar Konaré, « que
la paix soit le socle du développement n'est plus un secret pour
personne ». En effet, le conditionnement réciproque, entre le
développement d'institutions et d'une culture démocratique
fortes, le respect des droits de l'Homme et de l'Etat de droit, et la promotion
de la sécurité collective, d'une paix et d'une stabilité
durables n'est plus à démontrer. Ce lien dialectique doit
constituer une motivation supplémentaire pour l'UA à faire face
au fléau des conflits, en jouant un rôle de premier plan dans la
restauration de la paix, de la sécurité et de la
stabilité.
A cet effet, Le protocole portant création du Conseil
de Paix et de Sécurité énonce la nécessité
pour l'Afrique de mettre en oeuvre un système fiable, non seulement pour
les préventions et les interventions, mais aussi pour la défense
du continent africain. L'entrée en vigueur du protocole relatif à
la création du Conseil de Paix et de Sécurité depuis
2003, commande donc l'accélération du processus de mise en place
d'une politique de défense commune. A ce propos, l'UA doit se doter
d'une force africaine en attente, qui puisse être opérationnelle
et capable d'une réponse rapide aux crises éventuelles.
Seulement, cette politique de défense commune tant souhaitée est
en proie à de nombreuses difficultés pour sa mise en place, du
fait notamment de divergences politiques et de problèmes financiers. En
effet, même si, l'adoption par la troisième réunion des
chefs d'états major d'Afrique, tenue à Addis Abéba les
15-16 Mai 2003, d'un document-cadre sur la réalisation des objectifs de
l'Union en matière de défense commune a ravivé les
espoirs, rien de définitif ne s'est toujours dégagé des
travaux des organes de décision.
L'examen par le Conseil Exécutif du
« projet-cadre de politique commune de défense et de
sécurité »50(*), lors de sa troisième session extraordinaire
tenue du 21 au 25 Mai 2003 à Sun City (Afrique du Sud), et les
discussions plutôt passionnées sur la question au sommet de
Maputo, ont plutôt fait ressortir des divergences entre les pays membres.
Celles-ci se cristallisent aussi bien sur le principe même de la
constitution d'une force permanente que sur les cas ou son intervention
pourrait être décidée, ou encore sur les moyens de financer
de telles opérations.
S'il est vrai que la réunion des ministres de la
Défense prévue pour Novembre 2007 devrait de toute
évidence apporter des éléments de réponse à
propos des statuts et modes d'intervention de la force africaine, le
problème reste en revanche entier en ce qui concerne le budget des
opérations de paix. Or, c'est en grande partie, faute de moyens
financiers que l'OUA s'était contentée d'intervenir
« à minima », sous la forme de missions
d'observations temporaires (composées de quelques dizaines de civils et
de militaires) financées presqu'exclusivement par l'aide
extérieure.
A ce propos, les contraintes auxquels a été
confrontée l'UA dans la gestion du conflit au Darfour illustrent de fort
belle manière la difficulté avec laquelle l'organisation fait
face aux crises et conflits qui sévissent sur le continent. Ils
révèlent en même temps, l'impérieuse
nécessité d'engager des transformations au niveau du dispositif
militaire de l'UA afin de la rendre plus efficace. C'est ainsi, qu'à
l'occasion du 7ème anniversaire de l'UA
célébré à Syrte le 12septembre 2006, le
président de la Commission Alpha Oumar Konaré a justifié
l'incapacité des forces de l'UA à intervenir durablement au
Darfour, par l'absence des moyens financiers dus au fait que les Etats membres
ne s'acquittent pas régulièrement de leurs cotisations. Il a, par
la même occasion rappelé que, « 75°/°
des moyens financiers utilisés pour le maintien de la paix au Darfour
proviennent des soutiens occidentaux ».
Ces handicaps renvoient inexorablement aux difficultés
financières et structurelles de l'UA. Celle-ci est toujours
confrontée aux importants arriérés de contributions et
aux réticences des partenaires extérieurs à soutenir
certaines initiatives de paix. A titre indicatif, à la date du 3 Juillet
2003, le montant des arriérés de contributions s'élevait
à plus de 39millions de dollars51(*), soit l'équivalent du budget annuel de
l'Organisation.
A coté des questions politiques et militaires où
des réformes doivent être nécessairement
opérées, la donne économique et sociale devrait
également faire l'objet de transformations pour permettre à l'UA
de relever le défi de la construction des Etats-Unis d'Afrique. Car,
l'union politique n'a de matérialité que si elle est
fondée sur une union économique.
Paragraphe 2 : Les nécessaires
réformes au plan social et économique :
Pour une redynamisation du
NEPAD
La crise socio-économique dans laquelle stagne le
continent, est révélatrice des difficultés des Etats
africains et de l'UA de venir à bout de cette dramatique situation,
dont la persistance constitue un obstacle majeur à tout projet
d'unité politique du continent. Face à cet impératif de
redressement économique et social du continent, les Chefs d'Etat et de
Gouvernement d'Afrique ont adopté lors du sommet de Lusaka en 2001, la
Nouvelle Initiative Africaine (NIA), qui était une fusion entre le
Programme de Redressement de l'Afrique (MAP) initié par le
président Thabo Mbéki de l'Afrique du Sud, et le Plan
Oméga du président Abdoulaye Wade du Sénégal. La
NIA est ensuite devenue le Nouveau Partenariat Pour le Développement de
l'Afrique (NEPAD), avec le soutien des partenaires au développement,
notamment ceux du Groupe des pays les plus industrialisés (G8).
Le but premier du NEPAD était de mettre les pays
africains, collectivement sur la voie de la croissance et du
développement durable afin qu'ils deviennent des acteurs majeurs de
l'économie mondiale et des affaires monétaires et politiques de
la planète.
Ainsi, avec le lancement quasi simultané de l'UA et du
NEPAD, les Chefs d'Etat africains ont voulu s'assurer que la seconde serve
d'outil facilitant la mise en oeuvre de la première.
Le Plan d'Action du NEPAD, couvre les six axes prioritaires
suivants : la Bonne Gouvernance politique et économique,
l'Agriculture et l'accès aux marchés, le développement des
Ressources Humaines, les Infrastructures, l'Environnement et la mobilisation
des ressources.
Seulement voilà. Depuis son adoption, le NEPAD peine
à mettre en pratique son programme. Ici encore, l'absence de moyens
financiers fait de celui-ci un catalogue de bonnes intentions sans
possibilité d'application effective et efficiente. A ce propos, le 21
Mars 2007, à l'occasion de la journée internationale du NEPAD
célébrée en Algérie, le président Abdel Aziz
Bouteflika a mentionné au nombre des facteurs qui retardent la mise en
oeuvre du NEPAD, la non tenue par les partenaires économiques et les
bailleurs de fonds de leurs promesses d'aide financière. Face à
cette situation, il est impérieux de mettre en oeuvre les
stratégies et mécanismes qui permettront à l'Afrique
d'auto financer ses programmes de développement, au lieu de tout
attendre de l'extérieur. Pour ce faire, la mise en place des
institutions financières africaines, à savoir la Banque Centrale
Africaine, le Fonds Monétaire Africain et la Banque Africaine
d'Investissement conformément aux dispositions de l'article 19 de l'Acte
constitutif de l'UA devrait être accélérée afin que
le développement du continent puisse s'opérer de manière
« endogène ».
Aujourd'hui, de l'avis de nombreux observateurs l'avenir du
NEPAD n'est pas des plus prometteurs. Il est vrai que depuis sa
création, très peu de réalisations sont à mettre
à son actif. Pire, on assiste à un essoufflement de cette
structure du fait de la démission flagrante et manifeste des leaders
politiques africains qui en avaient fait la promotion. Le refus du
président Sénégalais Abdoulaye Wade d'assister au dernier
sommet du NEPAD en Mars dernier à Alger(Algérie), tout comme le
retrait du nigérian Olesegun Obassanjo de la scène politique
africaine depuis son départ de la tête de son pays, sont autant de
signes qui augurent d'une extinction future du projet NEPAD.
Pourtant, il n'est plus un secret pour personne que le NEPAD
est une réponse originale et pertinente des Africains à leur
marginalisation, et à une stagnation économique et sociale aux
allures inquiétantes, qui compromet par ricochet, toutes les ambitions
d'unification politique du continent.
La redynamisation de ce projet est à l'heure actuelle
la voie la plus pertinente pour une solution africaine aux problèmes
économiques qui fragilisent considérablement le tissu
sociopolitique du continent. En effet, le NEPAD concerne l'ensemble du
continent et répond au cadre de l'UA. Il peut ainsi permettre de jouer
sur les complémentarités entre les pays disposant de
capacités financières et technologiques (Afrique du Nord et du
Sud) et l'Afrique intermédiaire. Il peut aussi, permettre aux grandes
puissances africaines de jouer un rôle de pôle de
développement régional. Pour les pays industrialisés
réunis au sein du G8, il constitue un cadre de référence
dépassant les anciens clivages issus de la colonisation.
De toute évidence, le NEPAD est une initiative
politique endogène qui doit être prise au sérieux par les
Africains, car visant à promouvoir un développement
autocentré de l'Afrique et à offrir une vision
opérationnelle englobant les activités sociales, politiques et
économiques. Pour ce faire, le NEPAD doit collaborer avec l'UA. En
effet, c'est un programme qui vise à favoriser la réalisation des
objectifs de l'UA à savoir, l'intégration économique et
politique du continent. Cette collaboration est d'autant plus nécessaire
que, l'une des causes de l'échec relatif du projet NEPAD tenait au fait
qu'il a été perçu et a fonctionné comme une
organisation autre que l'UA, avec ses propres structures (Le comité de
mise en oeuvre des chefs d'Etat et de Gouvernement, le comité directeur,
et le Secrétariat). La déclaration de la Conférence des
Chefs d'Etat et de Gouvernement de Maputo en 2003, a réaffirmé
que le NEPAD est un programme de l'UA, et qu'il doit par conséquent
être intégré dans les structures et les procédures
de celle-ci.
Ce ne sera qu'à ce prix et, bien sûr avec le
soutien des populations africaines, que l'UA pourra bâtir sur le
continent un espace politique unifié, prospère et paisible,
traduisant ainsi le destin unitaire des Etats africains.
SECTION 2 : L'exigence d'une
plus grande implication de l'acteur social
Le projet d'unification politique du continent sous la forme
des Etats-Unis d'Afrique dont la réalisation incombe à l'UA, ne
pourra être effectif qui s'il emporte l'adhésion de l'ensemble des
acteurs sociaux africains. La création du Parlement panafricain,
s'inscrit dans cette volonté de faire entendre la voix des africains au
sujet du projet panafricain dont est porteur l'UA.
Pour ce faire, il est d'une impérieuse
nécessité que les acteurs de la société civile
s'impliquent activement dans le processus d'intégration à
l'échelle continentale (paragraphe1). Egalement, les médias en
tant que support de diffusion de l'information et des moyens de communication
à très large échelle devront être des acteurs
principaux de ce processus (paragraphe2).
Paragraphe 1 : le
rôle capital des acteurs de la société civile
africaine
En Afrique comme partout ailleurs, le concept de
« société civile » est complexe. Il renvoie
à une réalité mouvante et diversifiée. Dans ses
manifestations concrètes, la société civile constitue le
baromètre du degré de conscience des populations de leurs
problèmes, et d'appréciation des formes de mobilisation dont
elles sont capables pour prendre en charge la résolution de ceux-ci.
La particularité de la société civile
africaine par rapport à celle occidentale, relève de trois
ordres : D'abord, il est difficile en Afrique de spécifier les
véritables composantes de la société civile, même si
beaucoup s'en réclament. Ensuite, le niveau de sous-développement
et le retard démocratique du continent fixent à sa
société civile des objectifs essentiellement politiques et
socio-économiques. Enfin, la société civile africaine est
elle-même en phase de maturation, d'où son déficit
organisationnel et structurel. Cependant, par la lucidité dont elle fait
preuve dans la définition de ses projets et actions, elle est un acteur
privilégié de développement. N'est-il pas permis de dire
que sans paix sociale et stabilité, le développement, et à
fortiori la mise en place d'un espace politique intégré en
Afrique est compromise ? Dès lors, la société civile
participe par son action au processus d'intégration politique et
économique du continent, dont le succès dépend de nombreux
facteurs au nombre desquels on peut citer la Paix et la Démocratie.
La complexité des problèmes sociaux, requiert
une approche à la fois globale et différenciée des
défis que doit relever la société civile africaine. Elle
implique le combat pour l'éducation, le civisme, la laïcité,
la bonne gouvernance, la promotion de l'intégration africaine etc. Ce
combat doit aboutir à une culture de démocratie et de paix, socle
sur lequel pourra alors, être édifié les Etats-Unis
d'Afrique.
Au plan politique et social, la société civile
africaine lutte pour aider à l'affirmation d'une démocratie
véritable et à l'émergence d'une nouvelle
citoyenneté panafricaine. Car, comme le disait le président sud
africain Thabo Mbéki, « pour être un
véritable africain, il faut être un rebelle, il faut se battre
pour la cause de la renaissance africaine »52(*).
Une compétition politique régulière, une
très large participation politique et la garantie des libertés
civiles sont les conditions essentielles à la démocratie. C'est
pourquoi, la réforme électorale est un des canaux par lesquels la
société civile peut accroitre son influence.
L'intérêt, suscité par le débat sur l'Observatoire
nationale des élections(ONEL) et la Commission électorale
nationale autonome(CENA) au Sénégal, montre par exemple qu'un
type nouveau de citoyen émerge dans ce pays. Il s'agit au-delà
d'un besoin de transparence, d'une volonté d'appropriation du processus
de désignation des représentants auxquels on
délègue les pouvoirs. La question de la légitimité
devient donc centrale en Afrique, pour la stabilité des régimes
politiques. Ceux dépourvus de légitimité se
caractérisent par des crises politiques et socio économiques
à répétition. Ainsi, pour lutter contre le
sous-développement, la nécessité de moderniser la
société doit être une priorité. Seule, une
société civile forte peut parer à d'éventuels
dérapages.
La société civile aspire à la paix civile
et à la sécurité. Donc, elle tient au respect des
règles communes qui permettent de faire l'économie des conflits
et le long terme nécessaire à la réalisation des projets
du continent, notamment son unification politique. Ainsi, dans le champ
politique, la société civile doit amener les acteurs politiques
à être fidèles à la démocratie en rejettent
l'usage et la rhétorique de la violence.
Cette nécessité est non seulement liée
à la promotion des valeurs démocratiques, mais aussi à
leur enracinement dans les traditions historiques et culturelles. En
effet, « La culture politique traditionnelle africaine
contrebalançait les valeurs autoritaires par une tendance naturelle au
débat ainsi que par la limitation constitutionnelle de l'autorité
monarchique »53(*).
Une vie associative riche peut contribuer à accroitre
qualitativement le rôle des partis en stimulant la participation
politique et en renforçant l'attachement au système
démocratique. Des associations bénévoles s'investissent
dans la défense de la liberté de la presse, des activités
civiques et des droits de la femme.
Là où la vie associative est dense,
institutionnalisée et autonome, elle agit pour faire reculer le pouvoir
autoritaire. Ce qui se traduit par des pressions efficaces en faveur de la
démocratie. Une société civile et l'autorité de
l'Etat sont toutes deux indispensables pour promouvoir la justice sociale en
Afrique. Il faut que les citoyens s'investissent dans le contrôle des
mécanismes politiques et économiques auxquels ils sont
assujettis.
Au plan économique, l'exacerbation des crises a
contribué au développement d'un imaginaire économique
auprès des Africains. Ceci justifie et explique le triomphe
de « l'informel » sur le secteur structuré.
Cette vitalité de l'informel témoigne du dynamisme de la
société civile dans les agglomérations urbaines en
particulier. On peut noter une série d'innovations réellement
productives constituant des réponses et des formes d'adaptation des
populations à la conjoncture économique difficile.
A un niveau économique plus élevé, on
trouve les opérateurs économiques se regroupant autour
d'organisations patronales. Ils font face à l'abaissement des
barrières douanières et à l'envahissement des
marchés africains par des produits étrangers. En l'absence
d'espace politique effectivement intégré sur le continent
africain, ils essaient par diverses stratégies, de lutter contre les
effets pervers de la mondialisation, en diversifiant par exemple les
partenaires extérieurs.
En définitive, la construction et l'enracinement de la
démocratie en Afrique exigent la création et l'affirmation d'un
espace à la société civile. Une démocratie forte
signifie un Etat capable de répondre à la demande de ses
citoyens, des partis politiques, et d'une société civile
puissante et organisée. Le dynamisme des organisations de défense
des droits humains, la meilleure structuration des associations paysannes et
féminines fondent les espoirs à placer en la
société civile africaine quant au développement
socio-économique du continent.
Elle doit aussi, être un gage de stabilité dans
une Afrique confrontée simultanément à une crise
économique très aigue et au défi de l'intégration
politique.
Dans le même registre, les médias
devront servir d'appui à l'oeuvre gigantesque de développement et
de réalisation de l'unité politique en Afrique.
Paragraphe 2 : Le rôle des
médias dans le processus d'intégration en Afrique
Les médias sont un support de diffusion de
l'information et des moyens de communication à très large
échelle. Par l'influence qu'ils exercent sur l'opinion publique, les
médias peuvent amener l'Etat ou des acteurs sociaux particuliers
à reconsidérer leurs rapports avec leurs protagonistes, dans un
sens plus conforme aux attentes des citoyens. La médiatisation des
causes légitimes permet aux médias indépendants de jouer
un rôle de « défenseur de la
société ». Porte parole des sans- voix, des victimes et
des personnes opprimées, ils offrent une tribune à ces derniers
pour alerter l'opinion sur leur sort.
Ce rôle critique des médias s'observe à
mesure que grandit le mécontentement populaire. En effet, l'insuffisance
des mesures prises en réponse à la demande sociale,
représente un terreau favorable à l'émergence d'une presse
libre et critique. Les médias africains sont devenus ainsi des acteurs
déterminants de la quotidienneté par leurs analyses axées
sur les domaines perçus comme vitaux pour les groupes sociaux. Ils
créent l'évènement et accompagnent le changement social en
Afrique. Relais de la société, ils conditionnent
l'évolution des attitudes et comportements des citoyens. Grâce
à leur pouvoir d'influence sur les moeurs, les institutions et les lois,
les médias peuvent jouer un rôle de conscientisation des
masses.
S'agissant de l'intégration africaine, les
médias y jouent un rôle capital à plus d'un titre. Car,
comme le disait Me Abdoulaye WADE, « la sous-information des
peuples africains constitue l'une des principales barrières qui les
séparent de l'unité »54(*). Forts de ces constats, l'UA a fait de l'information
un des axes prioritaires sur lesquels repose sa stratégie pour la
réalisation de l'unité politique continentale. A ce titre, l'UA a
initié en 2005 un projet de création d'une Chaine panafricaine de
Radio et de Télévision.
Cette chaine, selon SEM Alpha Oumar Konaré,
s'attellera
« A redresser la fausse image que le monde se
fait de l'Afrique ; c'est-à-dire l'image d'un continent miné
par la famine, les conflits, les maladies endémiques telles que le
paludisme, les maladies du système immunitaire et bon nombre de crises
qui sont évoquées toutes les fois qu'il est question de
l'Afrique »55(*).
Ainsi, avec cette chaine les Africains seront maitres de leur
destinée, et pourront dire non à toutes les crises.
Qu'à cela ne tienne, l'Afrique doit traduire ses
rêves en réalités et le moment est venu pour le continent
de passer de la parole à l'action et de s'atteler à changer la
fausse image qui lui est attribuée. C'est en cela, que le projet de
création d'une chaine panafricaine de radio et de
télévision est salutaire. En effet, elle est porteuse d'espoir
quant au développement et au rayonnement international du continent
africain.
Elle présente de nombreux avantages pour les futures
générations africaines, dans la mesure où elle sera la
vitrine de l'Afrique de part le monde, et permettra de faire de l'Afrique un
marché attrayant pour les investisseurs internationaux. Fort
heureusement, ce projet a été entériné lors du
Sommet de l'UA à Khartoum en Janvier 2006, et mandat a été
donné aux experts en charge du dossier, d'accélérer la
mise en place et le fonctionnement effectif de cette Chaine panafricaine de
radio et de télévision.
Au plan politique, les médias jouent le rôle
d'intermédiaires et d'arbitres en donnant la parole à tous les
acteurs du système politique en général, et du jeu
partisan en particulier. En démocratisant l'accès aux
médias, publics surtout, chaque formation politique pourra exposer son
programme et défendre son point de vue devant l'opinion. L'organisation
à la radio et la télévision de débats
contradictoires sur les sujets politiques de l'heure permet à
l'électeur citoyen d'avoir une vision claire sur les choix et les
orientations politiques des uns et des autres. En période
électorale, les médias assurent la couverture de la campagne de
tous les candidats. En dénonçant les fraudes, ils
préviennent les contentieux post électoraux, qui sont le plus
souvent source de violence et d'instabilité politiques en Afrique.
Ainsi, accompagnant le processus électoral en amont et en aval, la
presse veille à la régularité du scrutin et se prononce
sur l'opportunité d'accepter ou de rejeter les résultats issus du
vote.
Enfin, au plan culturel, le caractère multiethnique des
sociétés africaines assigne aux médias un combat singulier
à mener. Tout d'abord en utilisant toutes les langues parlées
dans un pays, ils démocratisent l'accès à l'information.
En sensibilisant les masses sur des thèmes majeurs du
développement et de l'unité africaine, les médias
facilitent la pénétration et l'acceptation des décisions
politiques par les populations. En permettant à toutes les
sensibilités de s'exprimer, ils promeuvent la compréhension
mutuelle et l'intégration nationale par la réduction des
frustrations. Ainsi, les médias renforcent le sentiment national dans
les différents groupes socioculturels au détriment du sectarisme.
De ce fait, ils réduisent les risquent de revendications
irrédentistes ou sécessionnistes. Ce rôle de
médiateur donne aux médias une place très importante dans
la prévention des conflits en Afrique. Ce qui permettra la mise en place
de conditions favorables à l'édification des Etats-Unis
d'Afrique.
CHAPITRE VI
S'unir ou Périr : les Etats-Unis d'Afrique comme ultime
alternative pour le développement et le rayonnement international de
l'Afrique
SECTION 1 : Les
préalables politiques et économiques
Pour construire les Etats- unis d'Afrique de nombreux
obstacles devraient être préalablement surmontés.
L'obligation de compromis, qu'il a fallu trouver au moment de la
création de l'UA entre partisans d'une unité politique
continentale forte sous la forme des Etats-Unis d'Afrique, et ceux favorables
à une forme souple d'union préservant la souveraineté et
l'indépendance des Etats membres, a fait de celle- ci une institution
qui constitue à bien des égards une négation du projet
fédéral africain.
En effet, le rêve panafricain des Etats-Unis d'Afrique
ne pourra être transformé en réalité par l'UA, que
si des politiques adéquates orientées vers une intégration
véritable étaient menées, et des structures
supplémentaires à vocation fédérative, mises en
place.
Dès lors, au plan politique d'abord, il conviendra
d'élargir les compétences du parlement panafricain
déjà fonctionnel, et par la suite, de mettre en place un
gouvernement de l'Union qui aura en charge la coordination des politiques de
développement à l'échelle continentale (paragraphe1). Au
plan économique ensuite, il s'agira, à l'instar des Etats
européens avec l'Union Européenne (UE) de doter l'Afrique d'une
monnaie unique qui servira de fondement à l'élaboration de
politiques économiques communes (paragraphe2).
Paragraphe 1 : L'élargissement des
compétences du parlement panafricain et la création d'un
gouvernement fédéral africain.
En lançant à Syrte en Septembre 1999, le projet
de création d'une Union Africaine, les chefs d'Etats entendaient
à travers cette initiative, impulser une nouvelle dynamique au processus
d'intégration et d'unité du continent, amorcé depuis 1963
avec la création de l'OUA. La déclaration qui en fut issue et
dénommée déclaration de Syrte, rappelait en substance
que, pour relever les défis et faire face de manière
efficace aux nouvelles réalités sociales, politiques et
économiques en Afrique et dans le monde, les Chefs d'Etat étaient
déterminés à répondre aux aspirations des peuples
africains à une plus grande unité ; conformément aux
objectifs énoncés dans la charte de l'OUA et le Traité
instituant la CEA. C'est ainsi que fut mise en place l'UA après
l'adoption en 2000 de sa charte constitutive (Acte constitutif).
En effet, l'Acte constitutif de l'UA a suscité de
nouveaux espoirs de mise en place d'un cadre continental pour réaliser
les aspirations communes des peuples africains. Il met un accent particulier
sur la nécessité d'une vision commune pour l'Afrique et de
partenariats effectifs entre les gouvernements et toutes les couches de la
société.
Toutefois, une des plus grandes lacunes de l'Acte constitutif
est qu'il se présente comme un cadre de coopération
interafricaine, alors que l'UA a été conçue comme un cadre
d'intégration devant aboutir à la création des Etats-Unis
d'Afrique. Cette situation paradoxale est la résultante des divergences
et de l'obligation de compromis qu'il a fallu trouver entre ceux qui voulaient
la création immédiate des Etats-Unis d'Afrique et ceux qui y
étaient opposés.
De toute évidence, l'UA s'est résolument
engagée depuis quelques années dans la voie vers
l'édification des Etats-Unis d'Afrique. En attestent, les
réformes et transformations institutionnelles et structurelles
engagées par celle-ci en vue de baliser la voie vers une unité
politique continentale effective. Le lancement du parlement panafricain depuis
2004, ainsi que le projet de création d'un Gouvernement de l'Union qui
sera d'ailleurs, qui a constitué l'unique point à l'ordre du jour
du sommet de l'UA qui s'est tenu du 1er au 3 Juillet 2007 à
Accra(Ghana) s'inscrivent dans cette dynamique.
Ainsi, face à l'impératif de construction des
Etats-Unis d'Afrique, les organes politiques à savoir le parlement
panafricain et le gouvernement de l'Union doivent être
nécessairement fonctionnels à plein régime et le plus
rapidement possible.
S'agissant du Parlement Panafricain, sa création a
constitué une avancée majeure du continent dans la marche vers la
réalisation de son unité politique. Cependant, ce dernier depuis
son installation, ne fait office que d'un organe consultatif. Pour ce faire, il
conviendra conformément aux dispositions du protocole portant sur sa
création de la doter des pleins pouvoirs législatifs. En effet,
celle-ci doit être une instance commune permettant aux peuples africains
et à leurs organisations communautaires de participer davantage aux
débats et à la prise de décisions concernant les
problèmes et les défis auxquels le continent fait face. Le
protocole stipule également que, « les membres du
parlement sont choisis au sein des législatures nationales ou autres
organes délibérants élus au suffrage universel dans les
Etats membres »56(*). Au plan organique, chaque Etat a droit à cinq
députés, dont une femme au moins. Ils exercent leur mandat en
même temps que celui national. En sus, le parlement doit tenir au moins
deux sessions par an.
Ceci étant, il convient par ailleurs de préciser
que le parlement panafricain a un rôle vital à jouer dans le
destin unitaire du continent africain. Le défi qu'il doit s'atteler
à relever est celui d'être en mesure d'adopter des lois, de
surveiller l'application par les Etats africains des normes convenues et
d'intervenir de manière décisive pour défendre les droits
de l'homme et la démocratie dans les Etats-membres.
En ce qui concerne le gouvernement de l'Union, il n'est pas
encore créé, mais suscite déjà de nombreux espoirs
pour la simple raison qu'il devra constituer l'organe central chargé de
la coordination des politiques de l'Union dans les domaines diverses allant de
la politique étrangère à l'énergie en passant par
les infrastructures et l'agriculture, etc.
A cet effet, et consciente de l'impérieuse
nécessité de doter l'Afrique d'un gouvernement
fédéral afin de concrétiser l'idéal panafricain des
Etats-Unis d'Afrique, la conférence des Chefs d'Etat de l'UA, au cours
de sa quatrième session ordinaire en 2005 à Abuja, a pris une
mesure majeure en mettant en place un Comité ad hoc de sept chefs d'Etat
et Gouvernement, présidé par le président Yoweri Museveni
de l'Ouganda. Ce comité avait pour mission d'examiner les propositions
du Colonel Mouammar Kadhafi de la Libye visant à accélérer
le processus d'intégration politique et économique du continent,
notamment par la mise sur pied d'un gouvernement fédéral africain
compétent dans les domaines tels que les infrastructures, les
négociations internationales, les affaires étrangères, la
défense etc. Ce comité a non seulement confirmé la
proposition de création de postes ministériels, mais il a
également réaffirmé que l'objectif ultime de l'UA est
l'intégration politique et économique totale devant conduire le
continent vers la réalisation des Etats-Unis d'Afrique.
Au sommet de Syrte en Juillet 2005, où fut
présenté le rapport du comité, la Conférence des
Chefs d'Etat et de Gouvernement a mis en place un second comité de sept
Chefs d'Etat et de Gouvernement sous la présidence de Olesegun Obassanjo
du Nigéria. Il avait pour mission d'élaborer une feuille de
route en vue de la mise en place d'un gouvernement de l'Union Africaine. Ainsi,
à l'initiative du président de ce nouveau comité, une
conférence à base élargie a été
organisée en Novembre 2005 à Abuja sur le thème
suivant : « Bien-fondé d'un gouvernement de l'Union
Africaine », avec en plus des membres du comité, la
participation du monde universitaire, des représentants de la diaspora
africaine, des représentants des Communautés Economiques
Régionales(CER), et des membres de la société civile. La
conférence a tiré les conclusions suivantes :
v Que la nécessité d'un gouvernement de l'Union
ne fait plus aucun doute.
v Qu'il doit s'agir d'un Union des peuples africains et pas
seulement une union des Etats et des Gouvernements.
v Que sa formation doit être fondée sur une
approche multicouche et sur le principe « d'évolution
graduelle ».
v Que le rôle des CER devrait être mis en exergue
en tant que piliers du cadre continental.
Au regard des conclusions de cette conférence d'Abuja,
le Comité a recommandé, et la Conférence des Chefs d'Etat
et de Gouvernement l'a approuvé au cours du sommet de Khartoum (Soudan)
en Janvier 2006, qu'un document cadre soit préparé,
définissant l'objectif du Gouvernement de l'Union, les valeurs
partagées qui la sous-tende, les étapes essentielles pour sa mise
en place, y compris un projet de feuille de route à caractère
indicatif.
C'est ainsi que, conscients de l'urgence qu'il y a à
doter le continent d'un gouvernement qui sera chargé de traduire
concrètement les objectifs d'unité politique et économique
de l'Afrique, une étude intitulée, « Etude sur un
Gouvernement de l'UA : Vers les Etats -Unis d'Afrique », a
été réalisée et ses conclusions majeures ont
été présentées par le président du
Comité à Banjul en Juillet 2006, au cours de la Conférence
des Chefs d'Etat et de Gouvernement. Par la suite, et à la demande de
ces derniers, l'étude a été examinée par le Conseil
Exécutif lors de sa neuvième session extraordinaire de Novembre
2006, puis par la Conférence elle-même à sa huitième
session ordinaire en Janvier 2007, toutes deux ayant été tenues
à Addis Abéba. Et, étant donné la nature des
propositions contenues dans l'étude et leurs implications aux niveaux
national, régional, continental et international, la Conférence a
décidé de s'y consacrer au cours de sa neuvième session
prévue pour se tenir du 1er au 3 Juillet 2007 à Accra
au Ghana.
A la veille de cette grande messe panafricaine où il
sera question de la création de ce Gouvernement de l'Union tant
souhaitable, il est nécessaire et utile de rappeler que l'ambition
d'édification des Etats-Unis d'Afrique devrait impérativement
s'appuyer sur un Gouvernement fédéral africain.
Certes, il existe de nombreuses voix qui
s'élèvent contre ce projet, mais, force est de reconnaître
qu'il est temps pour les Etats africains de passer à une autre phase
dans le processus d'intégration qui n'a que trop longtemps duré.
Il est temps en effet, de rompre avec cette attitude dont sont coutumiers les
Chefs d'Etat africains, et qui consiste à énoncer des catalogues
de bonnes intentions, des projets ambitieux et salutaires, mais qui ne sont
jamais suivis d'application effective.
A cet effet, et en prélude à la
Conférence sur le Gouvernement de l'Union, le guide libyen Mouammar
Kadhafi a réuni à Tripoli les 20 et 21 Juin 2007, un forum des
cadres africains pour apporter son soutien à la mise en place de ce
gouvernement africain. A cette occasion, il a rappelé
que « le temps, face à la mondialisation joue contre les
africains ». En effet, le monde fonctionne aujourd'hui selon le
système des grands ensembles, avec l'UE pour l'Europe, les Etats-Unis
pour l'Amérique, la Chine le Japon et l'Inde pour l'Asie. Dès
lors, on peut se demander, que peut l'Afrique qui malgré ses cinquante
trois pays demeure une proie facile entre les mains de ces
« Grands » ? Il est donc urgent et impératif,
que l'Afrique se protège contre les velléités
séparatistes et les divisions.
Sous ce rapport, il est recommandable que l'Afrique parle
d'une seule voix sur les marchés financiers et dans les transactions
commerciales et économiques avec les « grands
pays ». Sur des questions telles que la réforme du Conseil de
sécurité de l'ONU, le financement de son développement par
le G8 par exemple, il est nécessaire que le continent ait un point de
vue consensuel. Il est aussi souhaitable, qu'il lui soit possible d'assurer sa
propre défense et sa sécurité. Tout cela, ne peut
être réalisé qu'en mettant en place un gouvernement
africain doté de moyens conséquents et de prérogatives
bien déterminées.
A l'évidence, les Chefs d'Etat et de Gouvernement
africains ont pris toute la mesure de l'importance cruciale de ce Gouvernement
de l'Union en l'imposant comme unique thème à l'ordre du jour du
sommet d'Accra. Malheureusement, ce sommet qui vient de s'achever, comme on
pouvait s'y attendre, a consacré la division des Africains sur ce point.
En effet, les Chefs d'Etat africains ne sont pas parvenus à adopter une
position commune favorable à la création de ce gouvernement
fédéral tant souhaité. Ce projet, est donc
momentanément abandonné. Du reste, une commission d'experts a
été constituée en vue de réfléchir et de
faire des propositions concrètes sur la faisabilité de ce
gouvernement fédéral africain. Leurs conclusions et
recommandations seront soumises une nouvelle fois à discussion au cours
prochain sommet de l'UA en Janvier 2008. Nous osons espérer que ce
prochain sommet se soldera par un accord des Chefs d'Etats pour la mise en
place de ce Gouvernement. Faute de quoi, l'ambition panafricaine
d'édification dans un futur proche des Etats-Unis d'Afrique devrait
être définitivement abandonnée.
Paragraphe 2 : L'élaboration de politiques
économiques communes et la création d'une monnaie unique
africaine.
La création d'une monnaie unique africaine comme levier
de la croissance économique a toujours été au coeur des
préoccupations des défenseurs et promoteurs de l'unité
continentale.
Déjà, en adoptant à Abuja en Juin 1991,
le Traité instituant la Communauté Economique Africaine, dont
l'entrée en vigueur est intervenue en Mai 1994, les Etats africains,
avaient réaffirmé leurs ambitions de construire un espace
économique intégré, devant servir de base à une
future union politique. L'objectif de la CEA était la mise en place au
bout de 34 ans, c'est-à-dire en 2025, d'un Marché Commun
Africain. A cet effet, le Traité a prévu la création
d'institutions financières qui auront pour mission d'accompagner ce
processus. Il s'agit, de la Banque Centrale Africaine, du Fonds
Monétaire Africain et de la Banque Africaine d'Investissement. En
intégrant dans ces objectifs ceux du Traité instituant cette CEA,
l'UA a, du même coup fait sienne, le projet de création de ces
institutions financières57(*) .
Pour Abdoulaye WADE, « si, la production de
marché est le moteur de la croissance économique, la monnaie en
est le levier »58(*). Il se trouve cependant que les pays africains n'ont
pas à proprement parler, de système monétaire. Soit, parce
qu'ils n'ont pas la maitrise de leur monnaie, soit parce que leur marge de
manoeuvre est trop étroite.
En effet, l'une des principales causes du retard
économique de l'Afrique en dépit de ses immenses
potentialités minières, minéralières et
hydrauliques, réside dans le fait, qu'après les
indépendances, les Etats africains se sont exclusivement tournés
vers l'extérieur pour financer leur développement. Par
conséquent, la mise en place des institutions financières
africaines devrait être accélérée en vue d'amorcer
l'oeuvre d'auto financement du développement du continent, indispensable
pour la construction des Etats-Unis d'Afrique.
Manifestement, la création d'une monnaie unique
africaine est aujourd'hui un impératif pour la prospérité
économique de l'Afrique. Car, pris individuellement, à
l'exception d'une petite minorité, les Etats africains ne sont pas
viables économiquement dans ce contexte de mondialisation tous azimuts.
En s'inspirant de l'expérience européenne, le
moins que l'on puisse dire est qu'une monnaie unique africaine, en supprimant
les obstacles de change, stimulera le commerce inter africain dans un
environnement totalement intégré. Ce qui du même coup,
dynamisera la croissance et la production. Pour preuve, les pays
européens sinistrés, qui ne pouvaient pas être dans une
situation pire, ont créé l'UE qui, grâce aux efforts
conjoints des Etats membres, et à une ferme volonté politique de
faire de l'Europe un espace compétitif et prospère sur le plan
économique, sont parvenus à se doter d'une monnaie unique.
Tel est, le défi lancé à l'UA
et aux institutions financières africaines qui seront bientôt
créées, afin de traduire concrètement le rêve de
voir l'Afrique unie politiquement et prospère économiquement.
SECTION 2 : Les Etats-Unis d'Afrique :
Une nécessité
Le projet d'édification à long terme des
Etats-Unis d'Afrique qui avait sous tendu la création de l'UA,
apparaît aujourd'hui comme une nécessité pour le salut des
peuples africains. En effet, sa création s'impose pour une double
raison. D'une part, elle sera une concrétisation du rêve
panafricain de voir l'Afrique libre et unie (paragraphe 1). D' autre part, elle
sera le creuset dans lequel émergera une nouvelle Afrique
prospère et paisible.
Paragraphe 1 : Pour une
concrétisation du rêve panafricain
Le rêve d'une unité politique de l'Afrique ne
date pas d'aujourd'hui. Depuis le début du XXème siècle
avec l'émergence du panafricanisme sous sa forme politique, qui
prônait le retour de tous les Africains à la mère patrie,
l'unité du continent a toujours été l'objectif primordial
des promoteurs du panafricanisme. A ce propos, le panafricanisme était
d'ailleurs défini comme, « une aspiration des noirs
d'Afrique et de la diaspora qui s'identifient culturellement par leur
appartenance à la civilisation négro africaine ; puisant sa
force dans la résistance pluriséculaire des Nègres
à l'esclavage, cette aspiration se projette dans une unité
politique du continent sous la forme des Etats-Unis
d'Afrique »59(*).
Plus concrètement, cette unité politique que
Kwamé Nkrumah appelait de tous ses voeux60(*), s'est manifestée non seulement par la
naissance du panafricanisme, mais également par l'intervention dans la
politique mondiale de ce qu'on a appelé la personnalité
africaine61(*).
Historiquement, l'expression
« panafricanisme », était inconnue avant le
XXème siècle, quand, Henry Sylvester Williams de l'île de
Trinité et WEB Dubois des Etats-Unis d'Amérique, tous deux
descendants d'Africains l'employèrent lors de plusieurs congrès
africains, auxquels assistèrent surtout des savants américains
d'origine africaine. Une autre contribution notable au nationalisme africain
fut le mouvement de « retour à l'Afrique » de Marcus
Garvey.
Le premier Congrès panafricain se tint à Paris
en 1919, tandis que la Conférence de paix de Versailles était en
séance. Clémenceau, alors premier ministre, répondit quand
on lui demanda ce qu'il pensait de ce Congrès, « ne lui faites
pas de publicité, allez de l'avant ». Sa réaction,
était assez typique de celle des Européens de l'époque.
L'idée même d'un panafricanisme était si étrange
qu'elle semblait irréelle, bien qu'en même temps dangereuse. Il y
avait cinquante sept représentants de plusieurs colonies africaines,
ainsi que des Etats-Unis et des Antilles. Ils votèrent plusieurs motions
dont rien il est vrai ne sortit. Par exemple ils proposèrent que les
alliés et les Puissances associées établissent un code de
lois en vue de la « protection internationale des natifs
d'Afrique ».
Le second congrès se tint à Londres en 1921 et se
termina par une déclaration au monde qui mentionnait
que « l'égalité physique, politique et sociale
est la pierre d'angle du monde et du progrès de
l'humanité ».
Deux ans plus tard, en 1923, un troisième
congrès panafricain se tint à Londres. L'une de ses
résolutions demandait pour les Africains une voix dans leur propre
gouvernement, et une autre, le droit d'accéder à la terre et
à ses ressources. Ainsi, on commençait à comprendre
l'aspect politique de la justice sociale. Mais, malgré le travail de
Dubois et d'autres, les progrès furent lents. Le mouvement manquait
d'argent et de membres. Les délégués étaient plus
des idéalistes que des hommes d'action.
Un quatrième congrès panafricain eut lieu
à New York en 1927, avec deux cent huit délégués,
et ensuite le mouvement parut reculer pour un temps.
Toutefois, le panafricanisme et le nationalisme africain
reçurent une expression véritablement concrète quand le
cinquième congrès panafricain se réunit à
Manchester en 1945. Pour la première fois, on insista sur la
nécessité de mouvements bien organisés et fortement unis,
comme condition de succès de la lutte pour la libération
nationale en Afrique. Ce congrès rassembla plus de deux cent
délégués du monde entier. Il connut un succès
retentissant dans le monde entier et se solda par une déclaration
adressée aux puissances impérialistes, et réaffirmant la
détermination des peuples colonisés à être
libres.
« Le cinquième congrès panafricain
invite les intellectuels et les travailleurs des colonies à prendre
conscience de leurs responsabilités. La longue, longue nuit est
achevée. En luttant pour les droits syndicaux, le droit de former des
coopératives, la liberté de presse, d'assemblée, de
démonstration et de grève, d'imprimer et de lire la
littérature nécessaire à l'instruction des masses, vous
utiliserez les seuls moyens que vous avez de conquérir vos
libertés. De nos jours, il n'ya qu'une seule façon d'agir, et
c'est l'organisation des masses »62(*) .
Plus tard, grâce
aux efforts conjugués des protagonistes du congrès de Manchester,
la Côte de l'Or (actuel Ghana) s'empara de sa liberté et se
présenta en 1957 comme l'Etat souverain du Ghana. A cette occasion
Kwamé Nkrumah déclara que cette indépendance nationale
n'aurait pas de sens si elle n'était pas liée à la
libération totale du continent africain.
Après quoi, la première Conférence des
Etats indépendants se réunit à Accra en 1958. Ils
étaient au nombre de huit : l'Egypte, le Ghana, le Soudan, la
Libye, le Libéria, le Maroc et l'Ethiopie. Le but de cette
conférence était de confronter les points de vue sur les sujets
d'intérêts communs, d'étudier les moyens de consolider et
de préserver leur indépendance, de resserrer les liens
économiques et culturels entre leurs pays, de tomber d'accord sur des
procédés réalistes pour aider les autres africains encore
colonisés, enfin d'examiner le grand problème mondial : le
maintien de la paix.
Avec cette Conférence, le panafricanisme s'installait
sur son véritable terrain, à savoir le continent africain. Elle
aboutit à un sursaut d'intérêt pour la cause de la
liberté et de l'unité africaine. C'est ainsi, qu'en Novembre
1959, des représentants des syndicats de l'Afrique toute entière
se rencontrèrent à Accra pour organiser la
Fédération Panafricaine des Syndicats. Le syndicalisme africain
ayant toujours été étroitement lié à la
lutte pour la liberté et l'unité politique, ainsi que pour le
développement économique et social.
Un pas de plus vers la coopération panafricaine eut
lieu quelques mois plus tard quand s'ouvrit à Accra, en 1960, la
conférence qui devait discuter de l'action positive et de la
sécurité en Afrique. Elle avait été
convoquée par le gouvernement du Ghana après consultation
d'autres Etats africains indépendants, pour étudier la situation
en Algérie et en Afrique du Sud, et aussi pour prévoir comment on
empêcherait dans le futur, l'Afrique de servir de terrain d'essai pour
armes nucléaires. D'autres sujets étaient à l'ordre du
jour, comme la libération totale du continent et la
nécessité de se garder du néo colonialisme et de la
balkanisation, qui l'un et l'autre, s'opposeraient à l'unité. Au
milieu de cette même année, une autre conférence des Etats
indépendants d'Afrique, qui à l'époque étaient
douze, se tint à Addis Abéba. Les délégués
parlèrent de la liberté et de l'unité continentale.
Avec le temps, d'autres conférences de tous les peuples
d'Afrique eurent lieu, et leurs résolutions et déclarations
eurent de plus en plus de poids. Il ne se passait guère de semaine sans
qu'on entende parler de quelques réunions d'africains de diverses
parties du continent. A mesure que toute l'Afrique se libérait, ces
rencontres gagnèrent en participation, en force et en
efficacité.
Cet activisme du mouvement panafricain culminera avec la
création en 1963 de l'Organisation de L'Unité Africaine (OUA),
dont l'objectif était la décolonisation totale du continent et la
réalisation de son unité politique. S'il est vrai que celle-ci a
réussi à libérer entièrement le continent de la
colonisation, il n'en demeure pas moins qu'en ce qui concernait son
unité, beaucoup restait encore à faire. C'est ce qui a
justifié son remplacement en 2001 à Lusaka et après
près de quarante années de fonctionnement, par l'Union Africaine.
Cette dernière dont la mission est de parachever l'oeuvre
d'unité politique et économique du continent, s'emploie tant bien
que mal, à faire de l'idéal panafricain de construction des
Etats-Unis d'Afrique une réalité, quand bien même que le
chemin vers cette unité politique soit parsemé de nombreux
obstacles.
Toutefois, l'espoir reste de mise, car ce ne sera que quand
l'unité politique parfaite aura été réalisée
que nous pourrons célébrer la fin, triomphante, de la lutte
panafricaine et des mouvements africains de libération nationale.
Paragraphe 2 : Pour une Afrique
pacifique et prospère...
Le continent africain en s'unifiant, parviendra de toute
évidence à résoudre les différentes
calamités qui compromettent son développement. En effet,
l'Afrique est le continent de tous les paradoxes. Ce continent qui renferme 1/3
des ressources naturelles du monde, qui est quatre fois plus grand que la
Chine, qui est peuplée de plus d'un milliard d'habitants et qui peut
contenir les Etats-Unis et l'Europe des vingt cinq, se contente d'être le
continent des pandémies, des famines, de la pauvreté et des
conflits.
Avec les premières tentatives d'unification du
continent, des résultats probants ont été atteints. L'OUA,
a permis la décolonisation totale du continent. L'UA, dont l'objectif
est de parachever l'oeuvre d'unité continentale entamée par
l'OUA, parvient à obtenir également des résultats
encourageants. En effet, sous ses auspices de nombreux conflits ont
été résolus, ou sont en cours de règlement.
L'Afrique naguère berceau des conflits, ne compte plus que très
peu de zones conflictuels. Seuls le Soudan et la Somalie font aujourd'hui
office de zones sérieuses de conflits sur le continent.
Au niveau économique, grâce au dynamisme des
Communautés Economiques Régionales, les pays africains,
particulièrement ceux d'Afrique occidentale, sont dans une dynamique
positive de développement.
Au plan politique, l'ambition affichée par les
dirigeants africains et l'UA de faire du continent un exemple en matière
de démocratie et de bonne gouvernance, à travers notamment
l'adoption par ceux-ci d'une Charte sur la Démocratie la Bonne
Gouvernance, ainsi que le refus de l'UA d'admettre en son sein des
gouvernements issus des coups d'Etat, sont des signes révélateurs
du renouveau de l'Afrique.
Ainsi, il apparaît que, retourner la situation et mettre
l'Afrique au nombre des nations modernes à production intense implique
un effort immense de la part des africains, particulièrement les
élites politiques et intellectuelles. L'Afrique ne peut y arriver
qu'avec un plan d'ensemble, dans le cadre d'une politique
générale déterminée par une autorité
commune. En un mot, il s'agira de construire les Etats-Unis d'Afrique.
CONCLUSION
Au moment, où l'Afrique s'apprête à
franchir une nouvelle étape dans son évolution politique, avec
notamment le Grand Débat sur le Gouvernement de l'Union lancé par
l'UA, et qui a constitué le thème principal à l'ordre du
jour du sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'UA qui s'est tenu du
1er au 3 Juillet 2007 à Accra(Ghana), l'épineuse
question de la construction des Etats-Unis d'Afrique est toujours
d'actualité. En effet, rien ne présageait que le sommet d'Accra
se solderait par une décision favorable à la réalisation
immédiate de l'unité politique continentale, tant il est vrai que
les divergences sont encore présentes. D'un coté, il y a ceux qui
sont pour une réalisation immédiate des Etats-Unis d'Afrique,
avec pour têtes de file les présidents libyen Mouammar Kadhafi et
Sénégalais Abdoulaye Wade. De l'autre, il y a les
modérés qui pensent qu'il est prématuré aujourd'hui
de parler des Etats-Unis d'Afrique. Ces derniers préconisent en effet de
renforcer les organisations régionales existantes, pour avancer vers
l'unité du continent par étapes. Cette option est défendue
par l'Afrique du Sud entre autres.
Au sortir de cette étude, il apparaît à
l'évidence que de nombreuses contraintes sociopolitiques empêchent
une réelle unité de l'Afrique.
v Tout d'abord, les Etats en Afrique sont essentiellement des
territoires contigus plutôt que des Etats-nations. Alors que
l'idée de l'Etat continue à avoir une certaine résonnance,
l'appel pour une Afrique unifiée aussi bien en terme économique
que politique, montre que l'Etat africain dans sa forme actuelle pourrait
devenir à terme un obstacle et une barrière artificielle à
l'unification ultérieure du continent.
v Ensuite, il y a cette incongruité entre l'accent mis
sur la souveraineté nationale d'une part et la forte aspiration à
une intégration économique et politique d'autre part. L'UA
étant la parfaite manifestation de ce paradoxe.
v A cela s'ajoute, les préoccupations de
sécurité étroite des Etats, définis en termes de
sécurisation et de viabilisation de l'Etat, de ses institutions et
démembrements, qui pourraient être des obstacles majeurs à
l'intégration et à l'unité continentale.
v Enfin et surtout, le manque de volonté politique de
la part des dirigeants, ainsi que l'absence de ressources humaines et
financières adéquates sont des facteurs essentiels qui entravent
la réalisation de l'unité politique du continent.
Néanmoins, en dépit de ces obstacles, des signes
annonciateurs d'un renouveau du panafricanisme sont de plus en plus visibles
sur le continent. Les réformes et transformations politiques et
institutionnelles engagées par l'UA, sont salutaires et aideront
certainement à parachever l'indispensable mutation qui permettra
à l'UA de baliser la voie vers les Etats-Unis d'Afrique.
Les doutes que l'on peut raisonnablement émettre sur la
capacité de l'UA à concrétiser dans un délai assez
court, le projet d'édification des Etats-Unis d'Afrique, ne peuvent
néanmoins faire l'économie d'un simple constat. En effet, il est
indéniable que l'opinion publique africaine beaucoup plus aujourd'hui
qu'hier, est très sensible à l'appel panafricain. En atteste la
floraison partout en Afrique de mouvements sociaux qui appellent de toutes
leurs forces à l'édification d'un Etat fédéral
africain.
Pour peu qu'elle soit davantage associée à la
construction de ce nouvel espace africain(ne fut-ce qu'à travers
l'octroi au parlement d'une réelle capacité de
représentation des populations africaines), l'opinion publique
africaine serait certainement en mesure d'infléchir le carcan
« politicien » et « souverainiste » qui
caractérise les structures de l'Union.
Dès lors, il nous parait que, l'association de toutes
les forces vives de la société africaine au projet
d'édification des Etats-Unis d'Afrique, demeure la stratégie la
plus démocratique et la moins impopulaire qui permettra à l'UA de
réussir sans trop de difficultés et d'oppositions cette noble
mission panafricaine.
L'espoir est donc permis !
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doit s'unir, traduit de l'anglais par L Jospin, Paris, Payot, 1964, p.
99.
* 6 Préface par Edem
Kodjo de : Edmond Jouve, L'Organisation de l'Unité
Africaine, Paris, P.U.F, 1984.
* 7 C'est en 2003 à
Maputo qu'à eu lieu l'élection du président de la
commission de l'UA en la personne de l'ancien président du MALI, SEM
Alpha Oumar Konaré.
* 8 Préambule de l'Acte
constitutif de l'UA
* 9 Abdoulaye Wade, Un destin
pour l'Afrique, op. cit. p.54.
* 10 En effet, l'UA n'a
été lancé officiellement qu'en Juillet 2002 à
Durban. Dans la vie d'une organisation internationale cinq années sont
minimes et insignifiantes. Pour ce faire elles ne permettent pas une
appréciation objective et rigoureuse de son action, à fortiori un
bilan.
* 11 Thabo Mbeki est l'actuel
président de l'Afrique du Sud.
* 12 C'était lors du
lancement officiel de l'Union Africaine à Durban(Afrique du Sud),le 9
Juillet 2002
* 13 R Quivy et
L.V.Campenhoudt, Manuel de recherches en sciences sociales, Paris,
dunod, 1995, p.87.
* 14 C'était dans un
discours prononcé au siège de l'Unesco à l'occasion de la
célébration de la célébration de la journée
de l'Afrique, le 29 Mai 2004.
* 15 In. Le soleil
n°10987 du jeudi 11 janvier 2007.p3
* 16 Cette idée est
loin de faire le consensus au sein de la communauté des politologues de
tradition française. Bertrand Badie l'a défendu dans de nombreux
ouvrages, dont(avec Guy Hermet) Sociologie de l'Etat, Paris,
Grasset,1979, réedit.1982, le développement politique,
Paris, fayard,1992.B Badie a également fait ressortir la
spécificité de l'Etat nation comme produit de l'héritage
culturel de l'Europe occidentale en le comparant à l'Etat musulman dans
les deux Etats, pouvoir et société en terre d'Islam,
Paris, Fayard,1986. une autre école de pensée sociologique de
l'Etat dont Jean François Bayart peut être considéré
comme le chef de file, récuse cette lecture européocentriste de
la naissance de l'Etat, et a fait valoir que dans nombre de régions
d'Afrique et d'Asie, l'Etat moderne avait son assise sociale propre. Voir
notamment Jean François Bayart, l'Etat en Afrique, la politique
du ventre, Paris, Fayard, 1989, 317 p.
* 17 Cf. préambule de
l'Acte constitutif de l'Union Africaine.
* 18 William ZARTMAN, la
résolution des conflits en Afrique, Paris, Harmattan, 1990, p.17
* 19 En référence
au président Daniel Arap Moi, ancien Président du Kenya.
* 20 Aujourd'hui devenu
République Démocratique du Congo(RDC)
* 21 KANTE.B « la
démocratie dans les régimes politiques ouest
africain », in Annales africaines, 1983-1984-1985.p.87
* 22
L.S .SENGHOR, « le socialisme africain et la voie
sénégalaise » (Conférence donnée à
Brazzaville en Février 1974), in B.KANTE, « la
démocratie dans les régimes
ouest-africains ».op.cit.p.91
* 23
L.S.SENGHOR, « le socialisme africain et la voie
sénégalaise ».op.cit.p.54
* 24 Site de l'Union Africaine,
www.africa-union.org,
communiqué de presse relatif à la création du
Conseil de Paix et de Sécurité de l'UA.
* 25 Protocole relatif à
la création du Conseil de Paix et de Sécurité de l'UA,
juillet 2002.
* 26 Ibid.
* 27 Voir, protocole relatif
à la création du Conseil de Paix et de Sécurité.
Op.cit.
* 28 Voir protocole relatif
à la création du Conseil de Paix et de Sécurité de
l'UA
* 29 Coalition mondiale pour
l'Afrique, démocratie et bonne gouvernance, p.45
* 30 La Baule : Lors du
sommet France-Afrique des 19-20 juin 1990, le président François
Mitterrand avait averti ses pairs africains de la liaison de l'aide publique au
développement à l'ouverture démocratique
* 31
B.KANTE, « La démocratie dans les régimes
politiques ouest-africain » op.cit.p.119
* 32 Jean François
MEDARD, « la spécificité des pouvoirs
africains », in Pouvoirs, n°25, 1983, p.15 ; Voir
aussi :(dir), Etats d'Afrique noire : formation, mécanisme
et crise, Paris, Karthala, 1991
* 33 J.J.ROUSEAU, Du contrat
social. Livre3, chap4, p.107. in B. KANTE, « La
démocratie dans les régimes politiques
ouest-africains ».op.cit p.119
* 34 Jean François
MEDARD, « Autoritarismes et démocraties »
in Politique Africaine, n°45, Mars 1995, p.54.
* 35 (Dir), D.ALCAUD et
L.BOUVET, dictionnaire de sciences politiques et sociales, Paris, Dalloz, 2004,
p.12
* 36 A.
AYISSI, « Illusoire interdiction des coups d'Etat »,
in Manière de voir, n°51, mai-juin 2000, p.32
* 37 www.africa-union.org,
communiqué de presse relatif à la création d'une Charte
africaine sur la Démocratie, les Elections, l'Etat de droit et la Bonne
Gouvernance en Afrique.
* 38 Ibid.
* 39 Jean François
MEDARD, « autoritarismes et démocraties »,
op.cit.p.60
* 40 Yves Ekoué
AMAIZO « De l'OUA à l'Union Africaine : les chemins
de l'interdépendance »,in Afrique
contemporaine,n°197, Janvier-mars 2001,p.97
* 41 Yves Ekoué
Amaizo, « De l'OUA à l'Union Africaine : les chemins
de l'interdépendance »op.cit.p.98
* 42 Yves Ekoué
Amaizo, « De l'OUA à l'Union Africaine : sur les
chemins de l'interdépendance ».op.cit p.99
* 43 Voir Jeune Afrique
l'intelligent, n°2060 du 4 au 10 juillet 2000.p.26
* 44Albert
Bourgi, « l'Union Africaine, un rêve difficile à
réaliser »in Jeune Afrique, n°2070 du 11 au 17
Juillet 2002, P 26.
* 45 Déclaration de
Syrte, 4e session extraordinaire de Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement de l'OUA, 8-9 septembre, 1999.
* 46
S.GHARDI « Les Etats-Unis d'Afrique : faut-il y
croire »in Jeune Afrique, n°2019 du 21-27 septembre 1999,
p.14-18
* 47 Expression utilisée
par Paul Valéry pour désigner le monde globalisé
* 48 On peut
légitimement se demander quel est l'apport substantiel effectif de la
transformation de la « Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement » de l'OUA en une « Conférence de
l'Union dont les mêmes chefs d'Etat et de gouvernement sont membres de
droit. Une remarque identique vaut pour le « Conseil des
ministres » qui devient le « Conseil Exécutif des
ministres de l'Union ».
* 49 Voir article 14 de l'Acte
Constitutif de l'Union Africaine. Annexe 1
* 50
www.africa-union.org, document
EXT/EX/CL/2(III)
*
51www.africa-union.org, « Rapport du sous
comité des contributions », présenté devant le
comité exécutif à sa troisième session ordinaire,
en Juillet 2003 à Maputo.
* 52 Thabo
MBEKI, « Eloge de la rébellion », discours
prononcé en Aout 1998 à Midrand en Afrique du Sud, alors qu'il
était vice-président de l'Afrique du Sud, in Jeune
Afrique, n°1970, 13-19 Octobre 1998, p26-27.
* 53 Penda
MBOW « la société civile
sénégalaise : identification et rôle dans le processus
démocratique », in Revue
Sénégalaise de sociologie, n°7et 8, 2002-2003,
p.226.
* 54 Abdoulaye WADE, un
destin pour l'Afrique, op.cit. p.128
* 55
www.africa-union.org,
communiqué de presse n° 02/2005, Caire, Egypte du 21 novembre et
portant sur la réunion des experts sur la création de la chaine
panafricaine de radio et de télévision.
* 56 www.africa-union.org, voir
protocole portant création du parlement panafricain
* 57 Cf. article 19 de l'Acte
Constitutif de l'Union Africaine
* 58 A.WADE, un destin pour
l'Afrique, op.cit p.74
* 59 A.WADE, un destin pour
l'Afrique, op.cit. p. 45.
* 60C'est pour ce faire qu'en
1963, il publia son ouvrage intitulé, l'Afrique doit s'unir,
où il rappelle l'impérieuse nécessité pour les
Etats africains de réaliser l'unité politique
* 61 Kwame NKRUMAH,
l'Afrique doit s'unir, op.cit. p.76
* 62 Kwamé NKRUMAH,
déclaration to the colonial peoples of the World,
approuvé et adopté par le congrès panafricain de
Manchester, Angleterre, 15-21 Octobre 1945.
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