SECTION 3 : LA COMPETENCE ANALYTIQUE
Nous l'avons souligné dans notre introduction que la
militarisation des rapports socio-humains entre les ethnies de l'Ituri,
notamment les Hemas et les Lendus, a ouvert la voie à des
atrocités graves, lesquelles se sont succédés au fil du
temps et ont bloqué toute perspective de pacification rapide de cette
partie du pays.
Et retenons que ce conflit entre communauté vivant en
Ituri portait une dimension identitaire et stratégique de sorte que la
couverture médiatique de celui-ci parait bien délicate. Dans
cette perspective, la présente section traitera du travail des
journalistes de Radio Okapi en Ituri. Eu égard à la
délimitation de notre travail à savoir entre Mars 2004 et
Décembre 2005 et par rapport à notre enquête au sein de la
Radio Okapi nous avons répertorié dans les archives des
reportages réalisés par les journalistes de Radio Okapi en Ituri
ce qui suit :
TABLEAU N° 3 : Tableau des reportages
réalisés en 2004
MOIS
|
REPORTAGES
|
Mars
|
14
|
Avril
|
12
|
Mai
|
11
|
Juin
|
17
|
Juillet
|
14
|
Août
|
12
|
Septembre
|
11
|
Octobre
|
8
|
Novembre
|
7
|
Décembre
|
14
|
TOTAL
|
120
|
TABLEAU N° 4 : Tableau des reportages
réalisés en 2005
MOIS
|
REPORTAGES
|
Janvier
|
9
|
Février
|
8
|
Mars
|
11
|
Avril
|
10
|
Mai
|
6
|
Juin
|
12
|
Juillet
|
7
|
Août
|
10
|
Septembre
|
13
|
Octobre
|
6
|
Novembre
|
9
|
Décembre
|
12
|
TOTAL
|
113
|
De ce qui précède il se dégage qu'au
moins 120 reportages ont été réalisés par les
journalistes d'Okapi en 2004 tandis qu'en 2005 au moins 113 reportages ont
été réalisés. A cet effet, on s'aperçoit
qu'en 2004 il y avait plus de reportages juste pour dix mois alors que pendant
toute l'année en 2005 le nombre de reportage est de 113 reportages
d'où une chute d'au moins 7 reportages. Ceci s'explique par le fait que
la situation était plus tendue en 2004 qu'en 2005.
A cet effet, toujours en considérant notre
délimitation, nous avons retenus trois reportages des ces années.
Il s'agira d'analyser les compétences par rapport au
traitement de l'information, quel a été l'angle pris par le
journaliste ? Le pourquoi de cette prise de position ? Quels sont les
mérites et les failles dans ces reportages par rapport aux
objectifs ? Quelle analyse faire sur le plan de la forme et du fond de ce
reportage.
Reportage N°1.
Bunia
7h
12/03/04
Situation déplorable a Songolo dans la
province orientale. Constat d' une première mission conjointe
humanitaire et militaire de la Monuc qui s' est rendue dans ce
village situé a 30 Km de Bunia. Des affrontements avaient
opposé des éléments du FNI a ceux de l' UPC dans
ce secteur.
Explication Sophie Baderha
A l'arrivée des blindés de la MONUC les
habitants de Songolo sortent sur les pas de leurs portes. Il y a surtout des
vieillards et des enfants, une bonne partie des adultes se cache toujours en
brousse. A la sortie du village les miliciens lendu du FNI armés d'arc
et de flèches, des lances des quelques kalachnikov redoutes encore une
attaque des hema de l'Upc. Mais les combats se font beaucoup plus rare et les
déplacés commencent à rentrer. Le village a beaucoup
souffert des combats et de pillages mais une centaine de maison est toujours en
cours de rénovation. Les habitants de songolo sourient à la
délégation mais ils ont une mauvaise mine. Les routes qui
mènent à Bunia sont toujours coupées, l'approvisionnement
ne vient pas, les étales du marché sont vides, les cultures ont
été dévastées et la réserve des semences a
disparus.
La vie cachée en brousse par peur des combats et de
pillages a laissé des traces, surtout des maladies de peau. Le nouvel
ennemi principal, n'est peut être plus la milice d'en face mais la faim
et la maladie. A songolo comme ailleurs en Ituri, il faut toujours lutter pour
vivre.
De Bunia Sophie Baderha Radio Okapi.
L'analyse
Ce reportage est une description de la situation humanitaire
d'une cité en Ituri après des affrontements entres les Hemas de
l'UPC et les Lendus de FNI.
Du point de vue interne de l'information, le journaliste
décrit l'aspect de la cité après les combats. Il souligne
dans son reportage, les conséquences socio-économiques mais aussi
psychologiques de la guerre. Il décrit les armes utilisées par
les combattants Lendu à savoir des flèches, des lances et des
quelques kalachnikov.
Le journaliste souligne par ailleurs, l'enclavement de la
cité de Songolo. Les routes qui mènent vers la cité sont
coupées et le ravitaillement n'est plus assuré, les cultures sont
dévastées. Non seulement qu'on pourrait déplorer le fait
que la situation humanitaire est beaucoup trop dégradante, mais aussi la
vie sociale est instable.
Débarqué dans la zone quelques temps
après les affrontements, le journaliste a pris soin de prendre pour
angle ici l'intérêt public. C'est-à-dire, mettre à
la lumière du public les conséquences sociales d'une guerre
interethnique. Le but final étant de susciter le souci dans les uns et
les autres de mettre un terme aux combats fratricides.
Cependant, le lancement même de ce reportage affiche
quelques manquement eu égard aux questions de référence.
Nulle part, le journaliste précise le temps. Quand est ce que le convoi
s'est rendu dans cette cité. Ensuite, parlant des affrontements entre
Lendu et Hema dans la cité de songolo, le reporter ne précise pas
à quand remonte le dernier combat entre les deux factions.
Seulement, la descente sur terrain du reporter a
été rendue possible grâce aux casques bleus de la MONUC. Ce
qui met en exergue la question de la sécurité des journalistes.
Une sécurité que le journaliste doit en principe être la
première à se la garantir et cela par la rigueur dans le
traitement de l'information.
A cet effet, le journaliste a décrit dans son reportage
la position des combattants Lendu à la sortir de la cité
prêt à toute attaque Hema. Ce qui ne nous paraît pas
prudent. Il transparaît ici une mise en garde à l'autre partie
c'est-à-dire aux combattants Hema de ne plus s'aventurer à
revenir vers la cité Songolo de peur de tomber entre les mains de Lendu
qui veille sur leur cité, surtout qu'il souligne à la fin de son
reportage que le nouvel ennemi principal n'est peut être plus la
milice d'en face... cela pourrait dans la mesure du possible n'être
qu'une figure de style mais il laisse entrevoir en effet l'antagonisme qui
existe entre les parties. En stipulant ainsi, le journaliste n'a pas
donné la source de son information. Qu'est ce qui a dit que les Lendu
redoutaient une attaque des Hema ? De qui tient-il ce sentiment des Lendu
? Peut-être que c'est juste son imagination eu égard à la
tension qu'il présentait dans une cité presque
déserte ?
Par ailleurs, ce que le reportage n'a pas bien
développé c'est l'aspect maladie dans la population, en
épinglant les maladies de peau le journaliste n'a pas donné des
détails à ce sujet.
Quand bien même le reportage est basé sur
l'intérêt public, le reporter a laissé ressortir de son
reportage une contradiction dans ses dires. Il souligne que le village a
beaucoup souffert des combats et de pillages mais une centaine de maison est
toujours en cours de rénovation. C'est qui voudrait dire que ces combats
n'ont pas eu d'impact profond.
Toutefois, le reportage retrace une situation réelle de
condition de vie des habitants de l'ituri se trouvant dans les zones en proie
aux combats.
Reportage N° 2
Bunia
7h
27/07/04
La cité Ndrele dans un état
lamentable. Un mois après les combats entre FAPC et FNI deux
groupes armé de l'Ituri. Ndrele cette cité commerciale du
territoire de Mahagi donne le spectacle d'apocalypse ; absence de vies
humaines, magasins pillés, habitations détruites. Des
précisions avec Charles Ntiricha qui a fait le déplacement
de Ndrele cette cité commerciale.
Reportage
Personne ne passe la nuit à Ndrele, quand on y
entre c'est la désolation, plusieurs magasins et boutiques ont
été systématiquement pillés de même que
certaines maisons. Seuls des miliciens de FAPC en tenue civile circulent dans
quelques artères. Certains habitants ont fui les villages environnants.
D'autres se sont réfugiés en Ouganda. Quelques habitants
courageux viennent tout de même la journée voir si leurs maisons
n'ont pas encore été pillées.
Difficile, on vient seulement passé de fois
la journée voir l'état de la maison parce qu'il y a toujours
d'infiltration de ces gens là, il est difficile de passer la nuit. Il
faut qu'on puisse se retirer de à une ou deux kilomètres. Si on
vient il faut arriver vers huit, neuf heure, comme ça 13 h 14 h on
commence à vider aussi la cité.
Ndrele qui était habité par près de
dix mil personnes est aujourd'hui une cité fantôme. Sa population
déplacée ne sait à qui se vouer.
Maintenant on ne compte même pas sur ces
membres de FNI FAPC on pense si peut être la MONUC arriverait ici,
ça allait attirer ces gens là qui sont aux frontières
Il y a quelques la MONUC a exigé une
démilitarisation de cette cité afin que la population soit
sécurisée. Le FAPC et le FNI ont promis de se rencontrer
très prochainement pour discuter de la question, mais reste que les
deux factions accepter de céder la gestion des taxes dont elles se
disputent les revenues.
Bunia Charles Ntirica Radio Okapi
L'analyse
Le reportage ici se base sur la destruction du tissu
économique d'une cité commerciale par la guerre entre les groupes
armés FAPC et FNI. Nous l'avions souligné que le FNI est
d'obédience Lendu, tandis que le FAPC regroupait en son sein des
combattants de différentes ethnies confondues. Seulement, au fur et
à mesure que le conflit s'aggravait, les finalités divergeaient
eu égard au profit que tirait l'une ou l'autre faction. La chute du
reportage en témoigne lors que le journaliste souligne en disant que
reste à savoir si les deux factions accepteront de céder la
gestion des taxes dont elles disputent les revenues.
Le journaliste décrit une scène désolante
d'une cité commerciale détruite. Il a tenu à
préciser que son arrivée à Ndrele intervient un mois
après les combats entre les deux groupes armés le FNI et le FAPC.
La cité est vidée de sa population ; cette information le
reporter la tire des témoignages de quelques hommes courageux qui
reviennent au village pour vérifier leurs habitations. En leur donnant
la parole, le journaliste se dédouane des critiques des uns et des
autres sur sa source d'information.
Respectant les objectifs de la Radio Okapi en ituri, le
journaliste se fait le porte parole d'une population en situation
déplorable. En leur accordant la parole, la population a trouvé
en Radio Okapi un canal pouvant lui permettre d'implorer une assistance
internationale pour les sortir de cette situation.
Et le journaliste de chuter sur l'implication de la MONUC dans
la pacification de cette partie du pays.
Bon reportage qui donne des éclaircissements sur les
conséquences et les enjeux du conflit. Le journaliste semble
maîtriser en amont les enjeux des combats entre les groupes armés.
Il souligne que ces miliciens ont même prévu une rencontre entre
eux pour discuter de la question de la gestion des taxes. Cela donne une
impression que le reporter est mieux informé sur les deux factions et
les motivations de leur lutte.
Reportage N°3
Bunia
7h
7/10/05
CHAPO
En Ituri, le tribunal militaire de garnison de Bunia a
condamné ce vendredi un ex-commandant de bataillon de la milice des
Forces armées du peuple congolais, FAPC, à sept ans de prison. Il
est également renvoyé des forces armées de la
république démocratique du congo.
José des chartes Menga a suivi ce
procès.
Reportage
Le major Ricky Mutakama ancien commandant de bataillon de FAPC
à Aru était poursuivi par la justice militaire pour violation des
consignes. Cet officier qui avait déjà intégré les
FARDC à Kinshasa, avait évité de rejoindre le centre de
brassage de Mushaki dans le nord Kivu pour se retrouver de nouveau à Aru
en passant l'Ouganda. Selon le ministère public cet officier avait
rejoint des ex chefs miliciens en Ouganda pour infiltrer les FARDC afin de
déstabiliser l'Ituri à partir de Aru.
Le jugement a été prononcé dans une
audience publique à la place dite la tribune. Major Innocent Mayembe
président du tribunal de garnison///
Le tribunal militaire de garnison d'Isiro Bunia dit
établi en fait comme en droit l'infraction mise à charge de Ricky
Mutakama et le condamne par conséquent comme suit à sept ans de
servitude pénale principale pour violation des consignes.
Prononce contre lui la destitution de FARDC. Voila,
détachement bolongola ye tenue na bottine.
Le condamné estime que le jugement n'a pas
été juste, bien qu'il ait été assisté par
deux avocats. Ricky Mutakama entre les mains de soldats de la justice
militaires qui l'amène en prison rejette la peine.
- On dit que dans cinq jours on peut toujours
faire recours,
- alors qu'elle est votre point de vue, vous allez faire
appel ?
- C'est la dernière chance.
- Vous allez donc faire recours,
- Oui !
- Vous n'acceptez pas ce jugement ?
- Non !
Quand bien même qu'il rejette la peine prononcé
ce vendredi, Ricky Mutakama avait admis les griefs portés
à sa charge par le ministère public lors de l'instruction du
dossier.
Le condamné de ce jour avait même
demandé pardon au tribunal lors de l'audition des parties.
Bunia José des chartes Menga Radio Okapi.
L'analyse
Il s'agit ici d'un procès contre un ancien commandant
bataillon de FAPC basé à Aru qui pourtant avait
intégré les FARDC se retranche encore en ouganda. Il faut
signaler en passant que la force armée du peuple congolais est un groupe
armé dissident de l'UPC. Il contrôlait la partie est de l'Ituri
à la frontière avec l'Ouganda. Ce groupe regorgeait en son sein
des combattants de différentes ethnies avec le soutien de l'Ouganda.
Le journaliste dans son traitement du point de vue interne de
l'information a ressorti le fait que le passage de ce major en Ouganda
était mal perçu par les autorités. Il est ainsi
accusé d'être en connivence avec des chefs miliciens à
l'étranger. Fallait-il que le journaliste souligne cet aspect dans
son reportage ? En effet, cela est important car en 2005, la situation en Ituri
devenait telle qu'il paraissant aussi flagrant l'implication des certaines
puissances étrangères dans le conflit en Ituri. Elles tiraient
profit de l'instabilité de la situation par des groupes armés
interposés et déstabilisaient tout processus de pacification.
Le journaliste a, par ailleurs, indiqué que cette
accusation est du ministère public et cela cadre bien entendu avec la
politique éditoriale de Radio Okapi, celle de ne jamais prendre position
mais de donner la paternité de l'information à qui de droit.
Le journaliste a également cherché à
donner la parole au condamné quand bien même il était entre
les mains des soldats en partance vers son lieu de détention. A ce
point, nous soulignons l'équilibre qui se dégage dans ce
reportage. La parole est accordée à toutes les deux parties.
Du point de vue externe de l'information, il se dégage
des non dit qui d'ailleurs constituent la toile de fond quand à la
compréhension de l'information. La condamnation sous entend qu'il y
avait d'abord une décision d'un côté de FAPC
d'intégrer les FARDC, chose qui ne figure pas dans ce reportage. Cela
pourrait peut être se trouver dans un corpus de l'information et qu'il
serait déjà traité dans un autre reportage. De l'autre
côté, la décision prise par le gouvernement, de mettre un
point final aux actions des ex-miliciens intégrés au sein de
l'armée régulière n'est perçus ici qu'implicitement
lorsque le journaliste souligne qu'il y a violation des consignes.
Le journaliste termine son reportage d'une manière
fermée, c'est à dire que sa chute laisse entrevoir certains
questionnements sans réponse. Le commandant arrêté
était-il le seul à être arrêté ? Y
avait-il d'autre éléments arrêtés avant lui ?
Est-ce qu'il y aura d'autres qui seront arrêtés ? Cet aspect
n'est pas perçu. Le journaliste dans ce cas pouvait, soit
énumérer que celui qui venait d'être condamné
était le premier ou le dernier d'une liste, soit laisser une ouverture
pour d'autre procès qui pourrait surgir.
En guise d'une conclusion partielle en rapport avec la
réalisation des reportages des journalistes, Il faut souligner que la
Radio okapi avait mis en place une chaîne de production dans le seul but
de procéder à chaque niveau à la vérification de
l'information. Ainsi, toute descente du journaliste sur terrain a
été préalablement cordonnée par le chef d'antenne
Bunia et la rédaction centrale de kinshasa. De tel enseigne que en
commençant par le reporter en passant par le chef d'antenne Bunia, le
secrétaire de rédaction à Kinshasa et le rédacteur
en chef jusqu'au présentateur du journal, l'information est
peaufinée et vérifiée avant de passer à l'antenne.
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