Université Paris III - Sorbonne
Nouvelle
U.F.R. Théâtre et arts du
spectacle Année 2002-2003
Mémoire de D.E.A. de Yannick Bressan
L'indicible à portée du
regard.
Les nouvelles technologies : vers un au-delà de la
scène ?
à Elle(s).
Remerciements
Arrivé au terme de ce travail, je tiens tout
particulièrement à remercier Mme Béatrice Picon-vallin
pour sa confiance, son engagement sans faille, ses relectures attentives et ses
conseils avisés sans lesquels ce travail n'aurait certainement pas pu
atteindre son but.
Merci pour la rigueur dont elle a su, patiemment, me transmettre
les clefs.
Enfin, et ce n'est pas un moindre cadeau, merci de m'avoir
transmis le goût de la recherche et l'envie de poursuivre.
Je tiens, de plus, à remercier vivement Cécile
Huet pour sa patience (ô combien patiente !) et ses conseils toujours
précieux (ô combien précieux !). Chère alliée
à l'édification régulière de mes rêves.
Merci à mes parents, Michelle, Lucien, ma soeur Leslie
et ma grand mère Amélie pour être toujours près de
moi, « si loin, si proche », et pour tout leur amour qui jamais ne me
fit défaut. Tout est un peu de vous, pour vous.
Merci à Violetta Paz pour nos discussions et
échanges (trop courts) dont les fruits sont encore à cueillir
tant ils sont nombreux.
Enfin, merci, tendre merci, à Karine (Shana) Fuks,
là, essentielle.
Sommaire
Remerciements p. 4
Sommaire p. 5
Avertissement p. 7
Introduction p. 10
Première partie p. 14
Différents repères historiques :
Quelques pistes de recherche des leviers employés sur la
scène à des fins dramatiques
1. Les automates
|
p. 15
|
2. Le masque grec
|
p. 17
|
3. Les mansions
|
p. 18
|
4. Effigies et marionnettes
|
p. 20
|
5. Vidéo et projections vidéo
|
p. 27
|
Conclusion de la première partie
|
p. 32
|
Deuxième partie
|
p. 33
|
Exemples d'utilisations contemporaines de leviers
|
|
A. L'exemple du metteur en scène Robert Lepage p. 32
La technologie sur la scène au service de la
poésie
1. Robert Lepage metteur en scène p. 35
2. « La face cachée de la lune » p. 42
B. L'exemple du groupe de recherche
et de création « e-toile »
L'éclatement spatio-temporel de la représentation
p. 48
1. « Côté noir / Côté blanc »
p. 49
a) Un récit initiatique :
la page web comme « espace partagé » p. 49
b) Questionnement sur un type d'interactivité p. 53
c) Entretien avec l'auteur / metteur en scène ;
Cécile Huet p. 55
2. « Bals » p. 58
a) Dispositif scénique / web. Entrecroisement de
scènes.
Des planches au pixel : correspondances p. 59
b) Le mode d'interactivité choisi p. 63
c) Le « chat » : voir, proposer,
commenter, apprécier ? p. 68
3. Problématiques posées par l'utilisation
du levier « réseau informatique » à des
fins
spectaculaires p. 69
a) Proposition de définition traditionnelle
d'un public de spectacle théâtral
ou chorégraphique et sa transformation
au spectacle présenté sur le réseau p.
69
b) Le « spectacle de théâtre » p. 72
c) Le metteur en scène p. 75
Conclusion de la deuxième partie
Vers une mise en abîme de « l'ailleurs » ? p.
77
Conclusion p. 79
Annexes p. 82
- Le masque grec, Mansion
- Effigies, marionnette
- Vidéo
- L'amant de la nuit (Installation vidéo),
photos
- Choré-Carré 1, Photos, vues Internet,
croquis - Le Martyre, photos
- Côté noir ! Côté blanc,
Photos du spectacle et captures d'écrans de l'interface
web
- Côté noir ! Côté blanc,
texte de la pièce, équipe - Bals,
Equipe, photos interface web et du spectacle - Bals,
extraits du « chat »
- Biographies Cécile Huet et Louis Ziegler
- CD rom, Côté noir ! Côté
blanc
Lexique p. 83
Bibliographie sélective p. 84
Avertissement
Avant toute réflexion, il est important de définir
trois termes employés ici.
Au-delà1 :
Locution adverbiale. Plus loin (que).
Au-delà de, locution prépositive. Ce qui
est plus loin qu'un point de l'espace. Nom masculin. L'autre monde,
après la mort.
Outre et d'après ces trois définitions nous
souhaitons, pour notre travail, relever un univers qui apparaît lorsque
l'on associe les définitions ci-dessus, « au-delà »
dans une dimension religieuse. Ce « plus loin », « qui est plus
loin qu'un point de l'espace » nous entraîne vers un « autre
monde, après la mort ».
Ailleurs2 :
D'un autre côté, d'un autre point de vue.
Nous entendons « ailleurs » d'une façon assez
proche de celle donnée ci-dessus, à savoir, dans le cas de la
vision théâtrale, il s'agira pour nous d'un « autre
côté de la vision », d'un autre point de vue qui nous
entraînera vers une relecture du visible par le senti et l'invisible. Cet
« ailleurs » là est un lieu accessible par l'intuition parfois
quasi tangible d'un « ailleurs que le visible ».
Il est à noter que ces deux termes peuvent se croiser
au point de parfois se confondre. Les frontières ne sont pas toujours
définies ni définissables. Nous nous attacherons à
être le plus précis possible lorsque nous emploierons l'un ou
l'autre de ces termes dans notre travail.
Un autre terme, utilisé ici comme pilier de notre
réflexion, est à définir : « levier ».
On pourrait aussi dire fenêtre, porte, clef. Tous ces
termes nous semblent ici convenir pour désigner l'utilisation et les
effets des nouvelles technologies sur la scène. Nous tenterons de les
cerner tout au long de ce travail.
1 « Au delà », Encyclopédie Microsoft
Encarta 97. 1996 Les Éditions Québec/Amérique inc.
2 « Ailleurs », Ibidem
Nous avons retenu plus particulièrement le terme «
levier » car sa définition nous apparaît être la plus
proche du sens que nous souhaitons développer dans notre étude.
Nous nous fonderons sur sa définition courante adaptée à
notre propos.
Levier :
Objet, ou lieu, qui par un effort (mise en scène)
permet de « soulever » un état de plus ou moins grand poids
(l'état réceptif du spectateur) situé à
proximité de son axe (la scène) pour l'entraîner
(déplacer) vers un autre état (une autre lecture du «
réel spectaculaire », vers le réel fantastique à l'
« inquiétante étrangeté », pour reprendre
l'expression des surréalistes).
Il nous semble de plus préférable, avant d'entamer
la lecture de ce travail, de prendre connaissance du lexique proposé en
page 83 de ce mémoire.
Petite discussion fictive
Heiner Müller : « Le
théâtre n'a encore emprunté que trop peu de choses aux
nouvelles technologies ».
Claude Régy : « Je crois aux
intersections ».
Albert Einstein : « Les corps se meuvent
à travers un océan d'éther immobile ».
Stéphane Mallarmé : « Tous le
rituel du théâtre est dans cette rencontre paradoxale de l'ici et
de l'ailleurs, de la présence et de l'absence (...) »
National Géographic (accroche) : «
Ici ne se conçoit pas sans ailleurs ».
Introduction
« Who's there? »
La question inaugurale d'Hamlet pose avec force une
interrogation qui nous semble primordiale au théâtre : avec qui
sommes-nous, qui est là et par extension, où sommes-nous ? Comme
Monique Borie le note très justement à propos d'Hamlet, le
théâtre est « [une] nuit offerte à la rencontre des
puissances de l'ailleurs » 3. Outre la nuit shakespearienne, ne
peut-on voir là une vision de la scène, un lieu offert à
la rencontre des puissances de l'ailleurs ?
Mais quelles sont donc ces puissances en question ? Qu'est-ce
qui, au théâtre, les rend d'une certaine façon accessibles,
quasi-tangibles ? La simple intuition d'un au- delà du visible, une vue
de l'esprit, une réalité tangible ou encore la présence de
l'audelà de la scène décrite par
Mallarmé4 comme un effacement. La réponse n'est pas
aisée. Nous tâcherons dans ce travail d'en définir les
contours. Tout d'abord, dans la première partie de ce travail par des
exemples pris dans l'histoire, de la présence de « l'au-delà
» sur la scène et du glissement de cet au-delà vers un
« ailleurs » de la scène, non plus religieux mais
métaphysique.
On note, en effet, nombre d'exemples, à travers
l'histoire des représentations spectaculaires, de la présence des
Dieux d'abord par l'utilisation de masques sur la scène antique. Nous
passons à une vision de la scène beaucoup plus symbolique par la
présence de lieux dédiés à des
représentations de « l'ailleurs », tel le paradis ou l'enfer
sur les scènes médiévales. Les exemples sont nombreux et,
bien qu'il faille les nuancer, il nous semble important de nous y arrêter
un instant avant de poser la question majeure de ce travail que nous
développerons dans la seconde partie de ce mémoire à
savoir : les nouvelles technologies sur la scène n'ouvrent-elles pas une
porte vers un au-delà de la scène ?
La deuxième partie de ce travail proposera deux
exemples contemporains de l'utilisation des technologies illustrant
l'émergence d'un ailleurs de la scène sur la scène, rendu
accessible au spectateur.
Notons, en préambule à cette étude, une
constante dans les modalités de l'existence de cet autre monde
appelé par la scène : elle nécessite l'utilisation
d'objets spécifiques que nous nommerons des « leviers ».
3 Monique Borie, Le fantôme ou le
théâtre qui doute, Editions Actes sud 1997, pp. 9-23.
4 Thierry Alcoloumbre, Mallarmé. La
poétique du théâtre et l'écriture, Librairie
Minard 1995, pp. 48-51.
Nous donnons à ce que nous nommons ici « levier
»5 le sens d'un élément qui nous permettra de
traverser notre état de spectateur pour entrer de l'autre
côté du visible. Il agit dans ce cas comme une porte vers l'
« au-delà ». Quel peut-être ce « levier »,
quelles formes peut-il prendre?
Il est un élément (masque, effigie ou
écran vidéo) qui ouvre sur la scène des fenêtres (ou
les ferment).
Quelle que soit la forme qu'il prenne, ce levier est toujours
cet objet, là, sur la scène qui étire notre perception de
l'espace et du temps du drame joué sous nos yeux de spectateur vers
d'autres dimensions ?
Notons, néanmoins, que la présence de cet
artificium, cette ruse subtile qui a pour but de tromper ou
d'étendre nos sens, n'est pas une condition sine qua non au voyage du
spectateur vers un au-delà de la scène, un au-delà du
vivant. L'épure du théâtre Nô où de certaines
mises en scène contemporaines (comme celles de Robert Wilson ou de
Claude Régy, par exemple) sont une démonstration flagrante de la
tension de la scène vers un espace métaphysique, un «
étirement de la scène » vers l'au-delà de la
scène par le vide.
Il n'en reste pas moins que le théâtre semble
porter en lui ce déchirement spatio- temporel. Nous proposons, ici,
à travers l'histoire et par deux exemples concrets de recherches
artistiques (Robert Lepage, E-toile), d'approcher la façon dont
l'imprononçable, aux côtés de l'invisible, est mis à
portée de notre regard (compréhension, intuition) de spectateur
grâce aux nouvelles technologies.
Je m'attacherai dans la première partie de ce travail,
à montrer au travers d'un bref regard historique sur la scène
occidentale, à travers des exemples non exhaustifs de l'Egypte ancienne
au début du XXe siècle, combien les technologies et autres
artifices ont tenu le rôle de catalyseur d'une énergie trouble et
troublante. Nous verrons, également, combien ces mêmes techniques
ont ouvert des portes menant vers cet autre côté de la
scène afin que les spectateurs fassent un voyage des sens et de
l'esprit, voire des sens vers l'esprit ?
Dans la seconde partie de ce travail, nous verrons au travers
de l'exemple du travail du metteur en scène Robert Lepage, avec
combien de subtilité, de sensibilité et
5 Cf. supra, p. 8.
d'humour ce voyage des sens et de l'esprit peut se faire,
impulsé par les technologies, telle la vidéo, utilisées
sur une scène de théâtre.
Nous aborderons ensuite le point clef de notre
réflexion au travers de l'analyse de deux créations du groupe de
recherche et de création e-toile et de son utilisation des nouvelles
technologies de l'Internet sur la scène mais aussi de créations
conçues exclusivement pour ces mêmes nouvelles technologies.
Enfin nous conclurons en nous demandant s'il n'y a pas lieu de
penser que la représentation théâtrale porte en elle une
part d'au-delà dont une porte, ou en tout cas une fenêtre, serait
l'utilisation sur la scène des leviers et si dans ce cas le temps en jeu
au théâtre n'est pas démultiplié, mis en
abîme. Le temps du spectateur bien sûr, le temps de la
représentation et un autre temps encore, celui, créé par
l'emploi sur la scène de ces différents leviers.
Première partie : différents
repères historiques.
Cette liste de points de repères, bien que non
exhaustive, nous donne quelques éléments précis
d'utilisation de ce que nous nommons des leviers sur la scène
occidentale à travers l'histoire.
J'entends, ici, tous ces éléments qui, sur la
scène, nous mènent par le truchement de décalages
spatio-temporels vers la conscience d'un « autre côté »
de la scène. Il s'agit ici de pointer quelques-uns uns de ces
éléments qui convoquent ces « images qui donnent la
présence de l'absence » pour reprendre une expression de Jean-
Pierre Vernant6.
1. Les automates.
La rétroaction, appelée également
feed-back, est le principe fondamental permettant à une machine de
s'autoréguler et de se contrôler. D'après Serge
Perrine7, ce principe était utilisé dans les antiques
clepsydres de l'époque Alexandrine. Il fut inventé par Ktesibios
au IIème siècle avant Jésus-Christ. L'utilisation de cette
technique est déjà la mise en place d'un pont entre deux
réalités : la nôtre, humaine et celle des dieux. «
Déjà, dans l'antiquité, les Egyptiens fabriquaient des
statues animées dans un dessein religieux. Ils pensaient qu'une statue
à l'effigie d'un dieu ou d'un mort possédait les mêmes
pouvoirs que ceux qu'elle représentait, une fois l'âme divine
insufflée par un prêtre » 8.
Les anciens Egyptiens employaient le terme d'automate pour
désigner une machine représentant des humains ou des animaux
munis d'un mécanisme interne leur donnant l'apparence de la vie
grâce à une force motrice interne9.
Automate viens du grec « automatos » signifiant «
qui se meut soi-même ».
Il est bon d'insister sur le fait que ces «
créatures », dont la statue du commandeur est un avatar «
mozartien », se sont développées en rapport étroit
avec certaines religions anciennes et l'univers de magie qui entouraient ces
croyances10.
6 Cf. Jean-Pierre Vernant, « Naissance
d'images», in Religions, histoires, raisons, Maspero, Paris,
1979, pp. 105-1 37.
7 Serge Perrine, Histoire de l'automatique,
conférence au Centre de culture scientifique et technique Jacques Brel,
Thionville, 15 décembre 1989.
8 André-Michel Berthoux, Des automates et
des hommes,
www.faculte-anthropologie.fr
9 Serge Perrine, Histoire de l'automatique,
conférence au Centre de culture scientifique et technique Jacques Brel,
Thionville, 15 décembre 1989.
10 Ibidem
Nous ne sommes pas dans un objectif spectaculaire pur, mais
avant tout dans une dimension cultuelle, le spectaculaire étant au
service du religieux.
Ici, le guide pour le voyage vers l'au-delà est un
envoyé de l'au-delà. Il a l'apparence de la vie mais n'en
possède pas le souffle. Il est, comme le sera plus tard dans le vieux
Prague du 17 ème siècle (1610), le Golem face auquel Rabi Loew
n'a pas prononcé le mot de l'essentiel souffle de vie. « Alors
Yahweh Dieu forma l'homme de la poussière du sol et insuffla dans ses
narines un souffle de vie et l'homme devint un être vivant
»11.
Dans le cadre de ce qui nous intéresse plus
particulièrement ici, les automates, il est important de bien comprendre
qu'à l'époque des automates égyptiens, l'emploi de ces
leviers entrait exclusivement dans le champ de cérémonies
religieuses. Il n'était évidemment pas encore question de parler
de scène ou même de jeu liturgique comme au Moyen-Âge.
Ces créatures qui, plus tard, feront leur apparition
sur les scènes de théâtre, avaient ici une fonction
spectaculaire au sens de « ce qui fait sensation », qui est
prodigieux, mais la vocation première était, nous l'avons vu
ci-dessus, cultuelle. L'utilisation des automates dans les
cérémonies religieuses de l'Égypte ancienne, la
présence de l'automate, guide de l'ailleurs pour aller vers un ailleurs,
nous entraîne, de par sa nature particulière de non-vie au sein
des vivants, vers un espace / temps virtuel qui s'oppose à celui actuel
des vivants12.
Nous sommes, d'emblée, dans ce type de
cérémonies antiques, confrontés à un autre espace /
temps que celui de la « représentation ».
Ces premiers « spectacles liturgiques »13
dont nous venons de parler nous offrent déjà des clefs de
compréhension du glissement d'état de notre statut de spectateur
grâce à l'utilisation sur la « scène » (ici plus
précisément des cérémonies religieuses) de leviers
(ici l'automate).
Les Grecs ne donnaient-ils pas aux constructeurs d'automates
de théâtre un nom révélateur de ce pouvoir de
transcender le réel ? Ils les nommaient les thaumaturges, c'est à
dire les « faiseurs de miracles »14.
11 La genèse, 2.
12 Cf. Gilles Deleuze, Claire Parnet, « L'actuel
et le virtuel », in Dialogues, édition champs Flammarion
1996
13 Nous n'emploierons réellement cette
expression sous sa forme correcte de « jeu liturgique » qu'à
partir du haut Moyen- Âge.
14 Serge Perrine, Histoire de l'automatique,
conférence au Centre de culture scientifique et technique Jacques Brel,
Thionville, 15 décembre 1989.
2. Le masque grec.
Dans la Grèce ancienne, le théâtre
s'inscrit dans une pratique religieuse15 clairement définie
qui, comme pour les rituels égyptiens vus ci-dessus, reste un
élément moteur de la représentation. Nous ne parlerons pas
ici de la fonction de résolution de problèmes
d'expressivité que permet le masque mais plutôt, de la figuration
cultuelle des dieux.
Si « le masque sert à exprimer symboliquement des
aspects autres du surnaturel »16 , il sert donc aux spectateurs
de tremplin vers une vision de l'au-delà. Il ouvre clairement dans le
spectacle une autre dimension spatio-temporelle, dans ce cas précis, le
monde des Dieux.
Lorsque le masque est porté en scène, il nous
offre une vision autre que notre vision de simple mortel. Il nous donne de
cette façon accès à l'invisible, à l'inhabituel
voire au surnaturel. On peut alors, semble-t-il, dégager un « (...)
secteur du surnaturel défini par le masque(...) »17 . Ce
« secteur du surnaturel » est cet accès tangible, palpable,
aux mondes des Dieux.
De Gorgô à Dionysos (voir annexes 1 a, page I) en
passant par Artémis, nous avons une vue imagée des trois Dieux
qui, représentés par leur masque respectif, sont convoqués
sur la scène.
Ces trois dieux au masque offrent « dans les trois cas
des effets de tension entre termes contraires, terreur et grotesque, sauvagerie
et culture, réalité et illusion »18. Au travers
de ces trois Dieux, c'est l'illusion qui intervient ici. Illusion d'autant plus
étrange et troublante si l'on s'attache aux racines du mot «
théâtre » qui signifiait en grec : le lieu d'où l'on
voit, lieu d'où l'on contemple.
Le lieu où l'on voit, certes, mais aussi le lieu
où l'illusion se mêle au réel. Lieu où l'on a
accès à l'illusion, lieu de perte du réel retrouvé
symboliquement par le truchement de l'illusion ? Notre levier ici, sous la
forme du masque, nous donne accès à une vision de
l'au-delà. La présence des Dieux est essentielle à ce
passage bien sûr, mais notre condition de mortel change
considérablement de statut. Nous devenons
15 Cf. Françoise Frontisi-Ducroux et
Jean-Pierre Vernant, Divinités au masque dans la Grèce
ancienne in Le masque du rite au théâtre, CNRS
éditions 2000, p. 19.
16 Ibidem p. 19.
17 Ibidem p. 26.
18 Ibidem p. 26.
les spectateurs des agissements des Dieux, héros et
autres « êtres de condition supérieure ».
Comme les Dieux s'amusent de la vie des hommes, les hommes se
divertissent de la vie des Dieux. Extraordinaire bouleversement de statut qui
voit, par l'emploi du masque sous sa forme spectaculaire, l'incarnation, parmi
nous d'un monde divin et dont les travers, amour, haines, sont fort semblables
aux nôtres. Des Dieux plus humains en quelque sorte. Des Dieux plus
humains, derrière des masques.
3. Les mansions.
Ces lieux du théâtre médiéval, dans
lesquels se déroulaient les scènes, étaient dans le cas
des mansions permanentes à usage unique : le paradis, le temple, le
palais, les limbes et l'enfer19 (voir annexes 1 b, page I). Ces
lieux étaient déterminés de manière symbolique par
des éléments du quotidien tels par exemple des sièges, des
tables ainsi que divers autres accessoires.
Les mansions donnaient un caractère dramatique fort et
tangible à des idées religieuses parfois très abstraites,
permettant ainsi de donner à un peuple majoritairement illettré
une connaissance ou tout au moins une image des grands préceptes
fondateurs de la religion.
C'est bien de cela dont il s'agissait, une forme à
usage éducatif (tout comme les cathédrales).
« On passait d'un système évocatif à
un système illustratif tel qu'on a pu comparer la scène
médiévale à un grand livre d'images »20 .
Alors soudain, sur la scène, apparaît un au-delà
côtoyant très naturellement notre réalité de tous
les jours. Et pour cause, dans l'esprit de l'homme de l'époque, ce
surnaturel, Dieux, diables et autres démons côtoient effectivement
la réalité humaine. Les plans d'existence se chevauchent et les
mansions en sont le siège théâtral, le siège de la
contemplation.
Dans le théâtre médiéval, comme
dans le théâtre grec et dans les rites égyptiens, les liens
que la représentation entretient avec l'histoire religieuse sont
étroits. Ces rapports sont fondateurs de cette multiple présence
sur la scène. Présence du réel et d'un au-delà par
les automates, la figuration des Dieux comme nous l'avons vu plus
19 Daniel Couty et Alain Rey (Sous la direction de),
Le théâtre, édition Larousse 2001, p. 20.
20 Ibidem p. 20.
haut ou encore, comme ce qui nous intéresse à
présent, non plus par un objet en tant que levier mais un lieu
physique.
La différence entre « levier objet » et
« levier lieu physique » dans le cadre des mansions n'est pas
fondamentale pour comprendre la réflexion entreprise. Cette
différence est tout de même suffisamment importante pour s'y
arrêter un court instant et tenter de la cerner un peu plus
clairement.
Le « levier objet » permet, par le truchement d'un
objet (masque, automate, élément de décors ou accessoire
de scène par exemple) de laisser entrevoir au spectateur l'existence
d'un espace (temps) invisible mitoyen à celui visible sur la
scène.
Le « levier lieu physique » est, quant à lui,
un lieu ancré dans le réel de la représentation, mais
aussi un lieu porteur du sens (religieux dans le cas dont nous parlons, celui
des mystères) de la représentation. Un lieu double donc.
Les mansions portent en elles cette dualité
spatio-temporelle. Elles sont à la fois symbole d'espace liturgique, de
jeu, et lieu du divin par la place qu'il leur est attribuée au sein
d'une scène humaine.
Elles installent, de par leur présence double, une
frontière trouble entre la réalité humaine, quotidienne et
la « réalité transcendante » acceptée comme
vraie.
Les pères de l'église assimilaient le monde
à un vaste théâtre terrestre dont les spectateurs
étaient les Dieux et « les hommes vertueux qui sont au ciel
»21.
Là encore, notre statut de mortel (comme pour le
théâtre grec) change. Nous passons de « regardés
», par les Dieux, à « regardeurs » de l'univers divin.
Il est intéressant, pour mieux cerner encore ce double
statut de la scène médiévale et appréhender au plus
juste le rôle de pont entre « deux réalités » que
nous attribuons aux mansions, de se rappeler la comparaison que le moine
bavarois Honorius d'Autun (XIIe siècle) faisait entre la messe et une
tragédie antique. Avec son public (les fidèles) et ses acteurs
(les prêtres et les célébrants)22 cette
comparaison brouille les frontières entre deux mondes et les mêle
étroitement, les entremêle jusqu'au doute du réel (ou
« non doute » de l'irréel).
« Un portrait [la figure] porte absence et présence
(...) » écrivait Pascal23. Cette union de la
présence (l'humain, actuel) et de l'absent (monde des Dieux, virtuel)
se cristallise très précisément dans le
théâtre médiéval en ces lieux symboliques que
21 Ibidem p.19.
22 Ibidem p.19.
23 Pascal, Pensées, éditions
Classiques Garnier, Bordas, 1991, P. 275.
sont les mansions. Elles sont les leviers qui nous permettent
d'accéder à un autre état de conscience mais plus
simplement à une lecture du sens religieux plus immédiat. Tout
ici est visuel et visualisé.
C'est la différence avec les exemples qui
précèdent (Égypte, Grèce) où le lieu
symbolique prend place dans la tête du spectateur par l'emploi de «
leviers objets ». Ceux-ci projettent le spectateur vers un au-delà
de la scène grâce à des « rencontres paradoxales de
l'ici et de l'ailleurs, de la présence et de l'absence (...) » pour
reprendre une phrase de Mallarmé24. Les mansions,
littéralement demeures, situent d'emblée l'action dans un «
hors-lieu réel ». Le levier n'est plus alors un objet
présent sur scène comme une porte, une fenêtre, un messager
de l'au-delà mais il est (le levier) la scène elle-même.
4- Effigies et marionnettes.
Nous aborderons, dans ce point, les effigies et marionnettes
en action sur la scène, comme étant les témoins, mais
aussi les liens vers un ailleurs de la scène, un au- delà du
visible. Ce point étant, nous semble-t-il, un point «
charnière » de notre étude nous nous y attarderons un peu
plus que les autres points de ce premier chapitre.
Nous tâcherons d'aborder et de comprendre ce voyage de
« l'au-delà vers l'ailleurs » par le truchement d'une «
créature » à « dimension humaine » mais non
humaine. Nous prendrons, dans un premier point, l'exemple du travail des
metteurs en scène et artistes de la fin du XIXème siècle
et du début du XXème (voir annexes 2 a, page II). Nous
aborderons, dans un second temps de notre travail sur les effigies et
marionnettes en tant que « leviers », par un regard rapide sur les
expériences utilisant les nouvelles technologies pour concevoir des
« êtres marionnettisés ». Soit par des « implants
» comme Stelarc ou par une utilisation du réseau Internet comme le
fil de la marionnette dans des expériences du groupe e-toile.
24 Cf. Alcoloumbre Thierry, Mallarmé la
poétique du théâtre et l'écriture, librairie
Minard 1995, pp. 47- 51.
Ce quatrième point de notre étude met en
évidence un changement fondamental s'opérant au spectacle par
l'emploi à des fins spectaculaires de leviers marionnettes et effigies
à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.
Bien avant cette période, nous avons recensé
quelques-unes unes des utilisations de « leviers » dans un contexte
de cérémonies ou de représentations religieuses tels que
l'automate égyptien, le masque grec ou les mansions. Nous
étudierons dans ce qui suit l'emploi des leviers sur la scène non
plus à des fins religieuses, mais afin d'ouvrir des dimensions plus
métaphysiques.
Nous commençons notre étude par le début
du XX ème siècle. Les exemples à cette époque sont,
avec l'avènement du théâtre symboliste, des plus probants.
Ils nous semblent illustrer fort clairement ce passage d'un «
au-delà religieux » vers un « ailleurs métaphysique
». Il est intéressant de se pencher, avant d'amorcer toute
réflexion, un instant sur la définition de «
métaphysique » pour poser clairement et en quelques lignes la
problématique de l'emploi du levier effigie ou marionnette sur une
scène.
« meta (ta) phusika, ou «au-delà de la
Physique» »25.
C'est bien cela dont il s'agit en effet d'un «
au-delà de la physique » mais aussi d'un au-delà de l'humain
(de l'acteur pour Craig, par exemple avec le concept de sur-marionnette).
a) Le vivant et ses doubles. Début du XXe
siècle.
Durant les vingt premières années du XXe
siècle, d'étranges créatures arpentèrent les
scènes, « ombres de l'homme » (voir annexes 2 b, page II) pour
reprendre l'expression de Didier Plassard26. Ces effigies et
marionnettes ne sont plus simplement utilisées, comme nous l'avons vu
plus haut avec les automates et les masques, pour figurer les Dieux, mais bien
pour produire une imitation de l'homme. Cette réflexion peut s'illustrer
par l'exemple du Pinocchio de Carlo Collodi et sa recherche
d'humanité, émanant d'une « sculpture » parfois plus
humaine dans ses sentiments que les humains de chair et de sang
rencontrés. C'est aussi la volonté du
25 "Métaphysique," in Encyclopédie Microsoft
Encarta 97, 1996 Les Éditions Québec/Amérique
inc.
26 Didier Plassard, L'acteur en effigie,
Editions L'age d'homme,1992, p. 12.
créateur de donner vie à de la matière
sans vie, à l'image de Pygmalion qui crée sa Galatée,
femme idéale ou de Rabi Loew et son Golem.
Si l'on considère la définition qu'Aristote
donne de l'action dramatique, à savoir « l'imitation d'une action
», nous sommes projetés avec l'arrivée sur scène des
marionnettes et effigies, dans une mise en abîme plus lointaine de
l'action dramatique. En effet, il ne s'agit plus simplement « d'imiter une
action » mais d'imiter un être (humanoïde ou pas) qui imite une
action. « (...) Il introduit sur les planches l'imitation d'une imitation,
une manière de simulacre au second degré »27 .
Dans ce cas, l'effet de levier est introduit par la sensation de
répétition, d'écho du vivant.
La proximité aux côtés du comédien
d'un alter ego de bois et de métal plonge le spectateur dans un
état de trouble, voire de terreur comme le souligne Tadeusz Kantor dans
Le théâtre de la mort : « (...) Voici que
s'avancent, sortant soudain des ténèbres, toujours plus nombreux,
des sosies, des mannequins, des automates, des homoncules - créatures
artificielles qui sont autant d'injures aux créations même de la
nature et qui portent en elles tout le ravalement, tous les rêves de
l'humanité, la mort, l'horreur et la terreur»28.
La prolifération des « images de l'homme
mécanisé et « marionnettisé » du début du
XXe siècle »29 renforce cette impression de double
réalité ; la première humaine, la seconde émanant
d'un ailleurs du visible qui nous est étranger, ressemblant parfois
à la réalité visible, différent aussi, mais
toujours troublante de part son double statut de proximité et de
distance du réel. Cette distance avec le réel que nous qualifions
ici de « troublante » s'articule et se cristallise par l'absence que
la marionnette ou l'effigie incarne sur scène. En effet, la
colère peut être représentée par une marionnette
sans qu'il y ait effectivement de colère jouée sur le plateau.
Pinocchio représente l'enfance mais il n'EST pas. C'est seulement
après son passage, nécessaire changement d'état, de la vie
à la mort qu'il devient humain.
Un déchirement spatio-temporel se met, ici, en place
à des fins spectaculaires et métaphysiques et non plus cultuelles
ou liturgiques comme nous l'avons vu précédemment.
27 Ibidem, p. 12.
28 Tadeusz Kantor, Le théâtre de la
mort, textes réunis et présentés par Denis Bablet,
Edition L'age d'homme, 1977, p. 222.
29 Cf. Didier Plassard, L'acteur en effigie,
Edition L'age d'homme,1992, pp.1 1-19.
Il est important de noter, comme le souligne Didier
Plassard30 que de «(...) l'Iliade, le Tripitaka, Ovide, la
Gesta Romanorum, les romans arthuriens, les légendes hassidiques, les
contes d'Hoffmann et de Poe, [sont] autant de récits qui pourraient
donner à penser que, quel que soit l'état du développement
technique, l'humanité rêve toujours d'automates et de
créatures animées, de cuirasses enchantées et de
poupées merveilleuses ». Le rapport de l'homme à la
technique s'avère alors étroit. Bien entendu, les techniques
évoluent avec l'homme et ses connaissances, leurs évolutions sont
intrinsèquement liées. Il est donc clair que l'intervention de
techniques sur la scène évolue de concert avec l'évolution
de l'homme et de son niveau technologique et, ce, depuis l'avènement de
représentations spectaculaires avec, par exemple, l'introduction d'une
machinerie théâtrale, de lumières et autres avancées
liées aux progrès de la science. Les enjeux de la technique sur
la scène ne sont pas simplement d'ordre physique. C'est par la technique
et avec elle que sur la scène les portes d'un ailleurs de la
scène s'ouvrent et se ferment. Il nous semble évident au regard
de nos recherches précédentes, présentes et, fort
probablement, futures que « l'essence de la technique n'a rien de
technique. Elle est métaphysique » 31.
Dans les années 20, l'emploi sur la scène du
levier effigie ou marionnette constitue un éclatement scénique
qui est d'ordre métaphysique plus que religieux. Nous verrons, dans la
seconde partie de cette étude, comment cet éclatement devient
géographique par l'utilisation de réseau électronique sur
la scène.
Un regard plus métaphysique donc, Didier Plassard le
relève très clairement en citant le point que met en
lumière E. Capiau-Laureys32 dans des réflexions de
Maeterlinck: « (...) l'effet étrange et en quelque sorte surnaturel
obtenu par la mise en scène d'acteurs inanimés : automates,
cires, marionnettes, androïdes, symboles (...) ». Cette
étrange impression d'un « au-delà de la scène »
que porte en lui ce levier est renforcé par un fait encore. Le
déplacement de la voix. Celle-ci ne sort pas de l'organe habituel,
prévu à cet effet par la nature, le « sur-naturel »
marque plus encore son espace au sein de l'effigie ou de la marionnette. Cette
voix censée émaner d'un pantin de bois s'adresse-t-elle à
nos oreilles ? Rien n'est moins sûr. Il s'agit d'une voix qui part
(vient) d'ailleurs (marionnettiste, haut-parleurs...) et qui va
30 Ibidem, p. 14.
31 Heidegger Martin, « La question de la
technique » (1954), traduction française in Essais et
conférences, éditions Gallimard 1958, pp. 9-48.
32 E Capiau-Laureys, in Didier Plassard, l'acteur
en effigie, édition l'age d'homme,1992., p. 35.
ailleurs, plus de l'intellect à l'intellect que de la
bouche à l'oreille. La marionnette n'a pas de bouche, pas de voix, pas
d'autonomie et c'est de (depuis) ce manque dont (qu') elle nous parle. C'est
bien une « bulle de vide » qui prend corps sur la scène
à travers ce levier et qui entraîne notre regard et notre
pensée de spectateur vers un ailleurs de la scène.
b) Marionnettes et effigies numériques.
L'exemple cybernétique de Stelarc :
Stelarc est un performer australien contemporain qui explore
grâce à la médecine, la robotique ainsi que des
systèmes de réalité virtuelle, le corps humain, ses
limites et ses extensions. Il tend vers ce qu'il nomme le « post-humain
»33
Stelarc nous donne une clef de compréhension de son
travail et de ce qu'il appelle le « post-humain » lorsqu'il dit :
« Alors que les humains opèrent de plus en plus à des
distances éloignées avec des corps de substitution - avec de plus
en plus d'images intelligentes et interactives - les images autonomes apportent
des possibilités qui donnent une issue inattendue à la symbiose
homme machine. Il se pourrait bien que le post-humain se révèle
à travers la forme de vie intelligente que sont les images autonomes
»34.
Stelarc insiste dans son travail de performer sur un
effacement et, paradoxalement, , une amplification de plus en plus radicale de
l'humain. Ces expériences vont de la mise en place de greffes
technologiques ajoutées à son propre corps (comme dans The
third hand.) jusqu'à ingérer des robots
micro-miniaturisés pour agir sur notre « population biologique
» et assister notre système immunologique. C'est aussi, toujours
d'après Stelarc, un « système de surveillance interne
».
C'est dans les recherches de Norbert Wiener sur la
cybernétique que l'on trouve probablement les racines de la
pensée artistique de Stelarc. Il est à noter, tout de même,
que Wiener n'envisageait, ni ne souhaitait, un effacement de l'homme au profit
de la machine.
Stelarc travaille dans un processus inverse au souhait de
Wiener. Ce dernier souhaitait construire une machine autonome à
l'image de l'homme, Stelarc construit un homme mécanisé afin
de palier à ce qu'il nomme le « corps obsolète». Il
nous dit
33 Cf. Stelarc, « Vers le post-humain » in,
Nouvelles de danse, danse et nouvelles technologies, n° 40, 41,
édition Contredanse, 1999, pp. 80-98.
34 Ibidem p. 81.
encore : « Les stratégies qui conduisent au
post-humain ont plus à voir avec l'effacement qu'avec l'affirmation
»35. Cette remarque est intéressante à rapprocher
de nos réflexions sur la marionnette et le manque que nous avons
étudié plus haut. En effet, Stelarc, humain
mécanisé, apôtre de la cybernétique inverse, parle
de l'effacement. La marionnette parle du manque (voix propre, mouvement
autonome). Il est clair que ces deux univers, chacun dans son champ lexical,
pose la même question : où est l'homme, qui est là ?
(Questionnement de Hamlet). Chacun ici, Stelarc ou la marionnette, parcellise
l'homme, le scinde en x morceaux. Il n'est (ce corps) qu'images.
Stelarc synthétise sa pensée sur ces deux
questions, elles sont aussi posées par l'emploi du levier marionnette :
où est l'homme ? Le corps n'est-il qu'image ? Il nous dit alors : «
Après qu'il ait été confronté à l'image de
son obsolescence, le corps, traumatisé de se détacher du domaine
de la subjectivité, envisage de réexaminer et peut-être de
reconcevoir sa structure même »36 . Cette idée de
la parcellisation (marionnette, corps, automates...) nous la retrouvons dans
une autre expérience contemporaine, déclinée autrement.
L'exemple en réseau (le marionnettiste de
l'ailleurs) d'e-toile :
Il ne s'agit plus d'une parcellisation physique du sujet
(marionnette, prothèse) et du manipulateur : nous sommes ici, avec
e-toile, dans une césure (au sens de coupure) topographique entre le
« marionnettiste » et la « marionnette ». Au sujet
d'e-toile, nous mettons « marionnettiste » et « marionnette
» entre guillemets car ce n'est certes pas en ces termes que le groupe de
recherche et de création e-toile qualifie et même envisage les
danseurs et les comédiens avec lesquels il travaille. L'étude de
la démarche d'e-toile viendra plus loin. Mais nous nous arrêtons
un instant sur le travail du groupe et sur leur utilisation du réseau
Internet (ou Intranet) dans leurs spectacles car il nous semble avoir une
parenté avec le thème étudié dans ce point. e-toile
utilise dans la plupart de ses créations le réseau pour adresser
des directions au spectacle (Danse ou théâtre) qui se joue face
à un public, uniquement sur Internet ou les deux à la fois (Cf.
infra page 49 et 58 ). L'interactivité proposée à
l'Internaute, dans les spectacles d'e-toile, est d'une certaine façon,
à l'image du fil qui actionne un
35 Ibidem p. 80.
36 Ibidem p. 84.
élément scénique, lui impulse une
énergie, une direction... Mais l'utilisation du réseau par
e-toile ne peut se résumer aussi simplement. Comme pour Stelarc ou
Pinocchio, il y a mise en morceaux du corps. Dans ce cas précis, on
parlera plutôt de « pixellisation » de corps.
Pour être encore plus précis, nous pouvons
déterminer dans nos trois sujets (Pinocchio, Stelarc, e-toile.) trois
états de « marionnettisation ». Nous étions avec
Pinocchio dans un rapport à la mimêsis, une volonté de
s'approcher au plus juste du sujet humain. Avec Stelarc, nous avons vu une
volonté de dépasser le sujet / support. Avec e-toile, nous sommes
dans un autre rapport, un glissement du sujet représenté et de sa
représentation. Le « glissement » dont nous parlons est de
l'ordre de l'eidôlôpoiikê, de « l'activité
fabricatrice d'image »37.
Il en est de même pour les deux précédents
exemples mais, avec e-toile, un écart spatio-temporel est posé
entre le « marionnettiste / Internaute » et la « marionnette
acteur ou danseur ». En effet, pour synthétiser ces
expériences, un artiste est dans une salle (face à un public ou
pas) et répond aux injonctions, propositions, ordres... d'une (ou
plusieurs) personne(s) située(s) ailleurs, reliée(s) à lui
par un réseau Internet ou Intranet qui assiste aux réponses (ou
refus) de l'artiste. A partir de ce dispositif se constituera un
développement dramaturgique selon des règles fixées au
préalable par les metteurs en scène d'e-toile (Cécile
Huet, Yannick Bressan).
Chez Pinocchio, le changement d'état de conscience de
la marionnette passe par un changement d'état physique (perte de
conscience, mort symbolique). Dans les création d'e-toile, le dispositif
mis en place propose, induit et oblige à un double changement
d'état. Le « marionnettiste / Internaute » doit être
à l'écoute et dans le temps de « la marionnette / l'artiste
». Celui-ci est à son tour à l'écoute de cet
au-delà de la scène qui influe et va influer sur ses choix et
prises de positions.
Nous avons là une sorte de « sur-marionnette
numérique », ou pour être plus juste une «
sur-marionnette relais entre deux mondes » : la scène et la page
web, le réel et le virtuel.
Mais les similitudes ne s'arrêtent pas là avec ce
qui nous intéresse ici à savoir, ces créatures qui ne
possèdent pas le « souffle de la vie » et qui une fois sur
scène nous entraînent par leur simple présence vers un
au-delà de la scène.
37 Jean Pierre Vernant, Religions, Histoires,
Raisons, éditions Maspéro 1979, p. 106.
Les refus de l'artiste de répondre aux ordres,
propositions de l'Internaute ne sont- elles pas là un peu comme le
Golem, Frankenstein ou Pinocchio échappant à son créateur
?
L'utilisation de « leviers » à des fins
spectaculaires s'est donc clairement déplacée au début du
XXe siècle ; d'une nécessité religieuse portée vers
les Dieux, il se recentre sur « l'immensité intérieure
» de l'homme. La dimension métaphysique, le rapport à la
mort ou à l'absence est bien sûr toujours là, mais
l'approche de cette question a changé. Elle est à présent
(dans les années vingt) tournée vers l'homme, ou plus
précisément encore, l'humanoïde, à savoir, un
être ressemblant à l'homme.
4. Vidéo:
« (...) Les écrans peuvent ouvrir à la
scène de nouveaux espaces pour l'imaginaire, modifier les modes de
perceptions ordinaires du public (...) »38
Les fenêtres que sont les écrans ou les
projections vidéo sur une scène de spectacle vivant, nous
renvoient, à l'image des marionnettes de Kleist, vers une pureté
originelle.
Ces images, vidées de toute conscience autre que celle
du créateur / réalisateur (à l'image de la marionnette et
du marionnettiste), ouvrent sur le plateau un autre temps. Un temps de la
« potentialité » entre les humains présents sur
scène ou dans l'univers, et les humains présents par l'emploi de
l'image vidéo, un temps de tous les possibles (voir annexes 3 a, page
III).
Deux temps et deux espaces se rencontrent. Le croisement de
ces deux réalités (comme pour les autres leviers abordés
précédemment) nous entraîne dans un au- delà de
l'action dramatique. Quelle(s) relation(s) trouble(s) est (sont)
envisageable(s) entre un « corps fait de lumière
»39 et un corps de chair et de sang? Il semble évident
que l'emploi de la vidéo sur la scène ne peut se limiter à
un simple usage illustratif se substituant aux décors de peintures et de
carton-pâte. Ici, aujourd'hui, plus que pour tout autre levier
probablement, il y a nécessité de sens.
38 Béatrice Picon-Vallin (sous la direction
de), Les écrans sur la scène, édition l'age
d'homme 1998, p. 10.
39 Giorgio Barberio Corsetti, in Les écrans
sur la scène, sous la direction de Béatrice Picon-Vallin,
édition l'age d'homme 1998, p. 306.
L'image sur la scène (et ailleurs) n'est pas neutre, sa
manipulation ne peut s'effectuer avec légèreté. « On
ne saurait créditer l'image d'un taux de confiance excessif » nous
dit le metteur en scène Peter Sellars. Comme Craig et sa sur-
marionnette, ne faut-il pas alors chercher à créer un langage
« sur-vidéo » ? Un langage où l'image serait la plus
neutre possible et porterait un sens fort sans être affectée par
le point de vue ou le sentiment personnel du réalisateur et de tous les
« parasites » qui peuvent venir s'y greffer, une émotion
« accidentelle » qui viendrait « charger » l'image et
l'éloigner de son objectif premier : être le levier vers un
ailleurs, nous emmener ailleurs, être un lieu de passage.
Là encore, c'est Peter Sellars qui nous permet
d'avancer lorsqu'il nous parle de l'utilisation de la vidéo dans son
spectacle Le marchand de Venise : « L'image est gain de visible,
gain de conscience autant que perte du réel ».
On comprend bien, grâce à cette remarque, combien
l'emploi du levier vidéo sur une scène est ambigu. Cette «
déchirure de sens » nous plonge une fois de plus dans un sentiment
trouble, un sentiment d'appartenance de l'image vidéo sur la
scène à un monde quasi inaccessible. Il est à noter que ce
sentiment est accentué par le décalage temporel de l'action
vidéo filmée puis diffusée ou projetée.
Dans le cas du direct, la vidéo déclenche un
sentiment d'écho qui nous projette dans un espace mental étrange,
celui de la vision. Vision qui par ailleurs nous semble un terme tout à
fait approprié de par sa double définition. La vision peut, dans
un premier temps, être entendue comme la perception de l'organe de la
vue40. Dans un second temps, la vision peut être
définie comme la « perception imaginaire d'objet irréel
» 41.
Le sentiment d'écho donc, que provoque la vidéo
sur la scène, sollicite ces deux sens du mot « vision ». Pour
être plus précis encore, on peut dire qu'il croise ces deux
définitions pour en créer une troisième. L'oeil
perçoit bien, rien d'imaginaire à cela mais l'objet perçu
est irréel. Nous sommes donc entre la perception physique, réelle
et la perception imaginaire, irréelle, virtuelle.
Rappelons-nous la phrase de Merleau Ponty : «Toute vision
a lieu quelque part dans l'espace tactile»42. Aujourd'hui avec
l'emploi de la vidéo ou de la projection vidéo, l'espace tactile
peut ne plus exister, nos visions, fantômes d'un ailleurs sur la
40 « Vision », in Le nouveau petit Larousse grand
format en couleur, Edition Larousse, Bordas, 1998.
41 Ibidem
42 Cité par Jean-François Peyret, «
Texte, scène et vidéo » in Les écrans sur la
scène, sous la direction de Béatrice Picon-Vallin, Edition
l'age d'homme 1998, p. 278.
scène, ne sont plus nécessairement issues d'un
espace tangible, voire même d'un espace réel.
En effet, l'outil vidéo ou l'emploi de réseaux
tel Internet ou Intranet à des fins spectaculaires permet de «
donner vie » sur une scène à des images
réalisées dans un autre lieu, un autre temps voire même,
dans certains cas d'images entièrement électroniques, n'ayant pas
une existence réelle mais exclusivement virtuelle.
Il est important de préciser ici la différence
entre l'outil analogique tel la vidéo analogique, l'outil
numérique comme la vidéo numérique, l'ordinateur, et un
troisième outil encore, atypique car il rassemble en une forme de
synthèse les deux précédents pour en donner un
troisième ; l'outil Internet.
L'outil numérique utilise un calculateur
numérique qui fonctionne sur des nombres discontinus. L'outil analogique
lui, par opposition, transforme les données en valeurs physiques
continues (longueur, angles, intensité de courant etc.) avant de les
traiter.43 Il en résulte deux esthétiques fort
différentes. Ces esthétiques (analogiques et numériques)
passées par le « filtre Internet » en donne une
troisième, différente encore, et renforce leur pouvoir de
(re)présenter des espaces et/ou figures
éthérées. Ces « mises en
scène de l'absence » sont très clairement présentes
dans des spectacles comme Foirade/Fizzles 44 mis en
scène par Michaël Rush ou encore L'homme qui 45
de Peter Brook, (voir annexes 3 b, page III).
Dans L'homme qui, par exemple, les images
vidéo « fonctionnent comme un dispositif de miroir pour le
personnage principal qui oublie chaque instant dès lors que celui-ci
s'est écoulé » 46 . Dans Foirades/Fizzles Michael
Rush adapte un texte de Beckett et en plaçant sur la scène des
« images fixes et animées [il confère] des épaisseurs
de temps et de mémoire aux voix des personnages de Beckett
»47.
Le groupe « La Fura dels Baus » dans son F@ust
version 3.0 48 a mis en scène cet espace de l'ailleurs
vers lequel nous projette l'emploi des images ou de projections vidéo
sur la scène par le trouble qu'elles induisent.
C'est aussi, entres autres interrogations que nous
étudierons dans la seconde partie de ce travail, avec cette
présence/absence de l'humain et l'éclatement
géographique
43 « Numérique », in Le nouveau petit
Larousse grand format en couleur, ed Larousse, Bordas, 1998.
44 Foirades/Fizzles de Samuel Beckett,
adapté et mis en scène par Michaël Rush, 1994.
45 L'homme qui d'Olivier Sacks, adapté
et mis en scène par Peter Brook, 1992.
46 Rush Michael, Les nouveaux médias dans
l'art, éditions. thames & Hudson, 2000, p. 72.
47 Ibidem, p. 75.
48 F@ust version 3.0, Opéra
interactif, La Fura dels Baus, 1998.
et topographique de la scène que joue le groupe «
e-toile » dans sa série de Bals49. Qu'ils
emploient le levier vidéo ou le « levier réseau »,
c'est clairement dans un éclatement spatio-temporel de la scène
que tout ces artistes et groupe de créateurs nous entraînent. Dans
ces différents cas, « l'ici et maintenant » de la
représentation est bousculée par l'incursion de « l'ailleurs
et l'avant » porté par l'image vidéo. « L'avant »
étant le temps de l'enregistrement de l'image vidéo ou de sa
conception. Nous appelons le temps de la représentation (jeu du
comédien) T. On note que le temps de l'action du comédien,
enregistrée ou ayant été effectuée en « live
» est en décalage par rapport au temps de sa réception par
le public. Celui-ci reçoit l'information visuelle et / ou sonore en T+n
(n étant le temps de la transmission pour chaque spectateur dans le
théâtre) ou en T+x (x étant le temps de transmission pour
chaque internaute connecté au spectacle). Le temps de transmission /
réception par une interface technologique étant plus long que
pour « l'interface corps » on en déduit que : x>n.
Lors de la lecture de l'image représentée sur
scène cette image est en fait dans un autre temps que celui de la
scène ; elle est en T+n ou en T+x. Sa présence n'est en fait que
le reflet d'une absence. L'image donne ici par l'emploi du levier vidéo
« corps » à l'absence. Un esprit virtuel semble s'incarner sur
la scène ou tout au moins, prend part à l'action dramatique
présente et présentée, et cela, sans être
physiquement réellement là, sur le plateau.
Nos fantômes d'aujourd'hui n'ont plus besoin de corps
pour exister. C'est ce vide et paradoxalement cette présence (virtuelle)
que cristallise sur la scène l'outil vidéo. Ce paradoxe ouvre au
spectateur un état de conscience particulier, état de
réception de l'au-delà de la scène mais aussi état
de projection mentale (grâce au support visuel) vers cet ailleurs. En
effet, Il était jusqu'alors nécessaire d'incarner les
fantômes et autres corps de l'au-delà pour les faire exister sur
la scène. Dorénavant, nulle présence réelle n'est
requise, aucune incarnation pour que soit « présent » sur
scène des créatures de l'ailleurs, fantômes et autres
chimères. Le levier vidéo et/ou réseau a cette aptitude
fantastique à rendre, d'une certaine façon, présent
l'absent.
« Ces images, multitudes d'ectoplasmes issues de la
chimie, de la lumière, du nombre, de l'électronique,
composées de pixels, semblent parler de la mort, alors que le corps
parlerait de la vie... A moins que ce ne soit l'inverse, puisque l'image est
49 Bals , Chorégraphie interactive du
groupe e-toile, direction artistique Cécile Huet, 2003.
aussi résurrection d'entre le monde des morts. Et l'on
sait bien que c'est en faisant passer sur la scène le souffle de la mort
que Meyerhold, avec la dramaturgie symboliste, et plus tard Kantor ont
donné à voir le vivant de leur époque
»50.
Les écrans vidéo et (ou) les projections
vidéo sur la scène seraient comme un appel d'air de
l'au-delà (voir annexes 4, page IV), au même titre que les
automates, les masques, les mansions, les effigies ou les marionnettes ?
Et si, comme l'a justement remarqué Béatrice
Picon-Vallin au sujet de Meyerhold et de Kantor, il s'agissait pour les leviers
qu'ils utilisaient (effigies et marionnettes sur la scène) de simplement
nous mettre face à notre temps, nous donner à voir le vivant de
notre époque ? Ces leviers agiraient donc, en plus de leur pouvoir
d'ouvrir les portes de la perception vers un ailleurs de la scène, comme
révélateurs du présent.
50 Béatrice Picon-Vallin (sous la direction
de), Les écrans sur la scène, Edition l'age d'homme
1998, p. 11.
Conclusion de la première partie :
Il nous semble à présent clair, au regard de la
première partie de ce travail, que la scène porte en elle une
part d'invisible, de « sur-visible » et qu'à travers
l'histoire les hommes ont tentés, parfois réussi, à
établir des liens avec cet autre côté de la scène.
Ces liens s'établirent par l'utilisation sur la scène de leviers
dont nous venons de donner quelques exemples. L'utilisation de techniques sur
la scène est une des portes qu'il est possible de pousser pour ouvrir au
spectateur des possibilités d'intuitions, de sensations, d'un
au-delà de la scène sur la scène. Nous avons vu, de plus,
comment le glissement de l'au-delà religieux vers l'ailleurs
métaphysique s'est effectué.
Le rapide parcours historique que nous venons d'effectuer
plante ainsi le décor de notre travail et le situe dans un rapport
à des questions qui trouvent leurs résonances dans l'histoire et
qui sont posées au et par le théâtre : qui est là,
avec qui sommes- nous ?
Il ne s'est pas agi pour nous, dans la première partie
de cette étude, de répondre à cette question mais d'en
définir les contours. La seconde partie de ce travail ne répondra
pas plus à cette question, qui par ailleurs, nous semble difficile
à résoudre, mais elle nous permettra de voir, par deux exemples
concrets, les frontières de ce « où sommes-nous ? »
remises en questions par deux exemples contemporains de l'utilisation des
nouvelles technologies sur la scène.
Au-delà ou ailleurs51, la scène porte
en elle une part d'ombre que la technique, des prémisses spectaculaires
à nos jours, a pu et peut mettre en exergue. Tachons de voir comment,
aujourd'hui, cette quête par la lumière (électronique et
numérique) nous révèle la face cachée de la
scène.
51 Cf supra p. 7, avertissement.
Deuxième partie : exemples d'utilisation
contemporaine de « leviers ».
Dans la seconde partie de ce travail nous tâcherons de
définir, ou tout au moins, de cerner les enjeux et problématiques
que pose l'utilisation du « levier vidéo » et du « levier
nouvelles technologies » sur la scène au travers de deux exemples
concrets. Notre premier exemple est le travail du metteur en scène
québécois Robert Lepage, son approche de la scène et son
utilisation des technologies. Nous analyserons, afin de mieux comprendre son
travail, le spectacle La face cachée de la lune.
Notre second exemple est le groupe de recherche et de
création e-toile.
Ce groupe français fondé en 1999 par
Cécile Huet et Yannick Bressan interroge dans ses créations
l'utilisation des réseaux internet et intranet sur la scène. Il
conçoit aussi des spectacles interactifs exclusivement visibles sur
Internet.
Nous comprendrons mieux leurs recherches en nous
intéressant à deux de leur créations :
Côté noir / Côté blanc et Bals.
Nous nous interrogerons, enfin, dans cette seconde partie sur
la mise en abîme de la scène et, plus précisément,
de « l'ailleurs de la scène » dans laquelle nous plonge
l'utilisation du « levier réseau » et vidéo.
Avant de se pencher sur le travail de ces deux «
décortiqueurs » et modeleurs d'images référons-nous
à cette pensée de Régis Debray à relier à
nos deux objets d'études :
« Penser l'image suppose en premier lieu qu'on ne confonde
pas pensée et langage. Puisque l'image fait penser par d'autres moyens
qu'une combinatoire de signes»52. L'image, telle que nous
allons l'étudier dans nos deux exemples, s'enrichit de codes,
d'émotions et d'ouvertures au-delà même du signe. Elle est
un alphabet complexe et, semble-t-il, non finit, à la disposition des
artistes. Les voix de la pensée ouverte sont très clairement
au-delà du signe. Nous tacherons de montrer où elles se situent
et vers où elles vont.
52 Debray Régis, Vie et mort de
l'image, coll. Folio essais, Editions Gallimard, 1997, p. 64.
A . L'exemple de Robert Lepage.
La technologie sur la scène au service de la
poésie.
1. Robert Lepage metteur en scène.
Examinons à présent, à la lumière
du travail du « faiseur d'images » québécois Robert
Lepage, l'utilisation du « levier vidéo / nouvelles technologies
» sur la scène. Voyons, dans un premier temps, comment Lepage
envisage son métier de « metteur en scène.
Il est important, en préambule, de noter que Robert
Lepage n'est pas venu tout de suite à l'emploi de l'outil vidéo,
dans son travail d'homme de théâtre. En effet : «
L'intégration de la vidéo est venue un peu plus tard, parce
qu'elle exigeait des moyens qui n'étaient pas nécessairement
accessibles aux gens de théâtre »53
C'est l'influence du théâtre international et
européen qui va amener Robert Lepage à un théâtre
d'image (Bausch, Wilson).
Les points d'ancrages de cet homme complexe ne sont pas
aisés à fixer dans des limites précises. Metteur en
scène, auteur scénique, comédien, cinéaste, Lepage,
homme de théâtre, échappe à toutes les tentatives de
le cataloguer, de le cerner, de le restreindre. Néanmoins nous avons pu
relever des constantes dans ce travail riche et atypique.
Il nous a semblé pouvoir dégager trois pistes
constantes dans le travail de Lepage : le texte, la scène, la
technologie. Il est évident que ces trois points
s'interpénètrent mais les isoler en permet une lecture plus
claire.
53 Cf. Robert Lepage « Du thêatre d'ombres
aux technologies contemporaines » in Les écrans sur la
scène, sous la direction de Béatrice Picon-Vallin, Editions
L'age d'homme 1998, pp. 325-332.
Le texte :
C'est dans un premier temps son rôle et son regard
d'acteur qui, dans ses créations, prime tant au niveau du choix du texte
que des prises de parties artistiques :
« En tant qu'acteur, mon intérêt pour Hamlet
est ancien, mais il ne s'agissait pas de proposer une interprétation de
plus. Mon défi se situait plutôt au niveau de la narration, dans
sa façon de donner le texte : je voulais « raconter » Hamlet
et non le jouer »54. Pour Lepage, l'image scénique est
un « composé d'images »55 multiple comme autant de
portes à passer pour aller vers un sens subtil du texte. Cette
compréhension du texte passe, d'après lui, par une lecture
éclatée de la pièce notamment grâce à
l'utilisation des techniques (nouvelles et autres) mais aussi par une
recomposition, par le spectateur, d'un sens qui lui est propre.
Lepage va plus loin encore et souhaite faire «
éclater la lecture du spectateur », lui donner à voir (lire)
plus que ses yeux ne lui offre dans une première lecture, en d'autres
termes, il souhaite faire entrer le spectateur dans le texte par des portes
multiples, inattendues, surprenantes, inusitées.
Sans aller jusqu'à la vision de Claude Régy pour
qui le spectacle est situé au delà des yeux du spectateur, il
semble certain que Lepage désire, par le recours à l'imaginaire
du spectateur, l'entraîner dans un monde intérieur d' «
éblouissement, [de] plaisir, [de] beauté des images
scéniques »56 qui ouvrira immanquablement le spectateur
à un autre regard sur le texte présenté.
Cette exigence semble être un des « leitmotiv
» de Lepage : donner à voir (comprendre) un texte autrement par une
lecture entre les lignes, une relecture.
Ce « texte matière première » est
composé d'une façon particulière qui dès sa
genèse intègre le spectateur et son regard. Ainsi Lepage dit
à propos de l'écriture de ses spectacles :
« Il faut inviter le spectateur sur scène. (...) Le
spectateur participe parce que le spectacle se développe à son
contact. (...) c'est à la suite de la confrontation avec le
54 Robert Lepage, « Eloge de la technologie
bancale » in Puck n°9, Editions Institut International de la
Marionnette, 1996, p. 39.
55 Fouquet Ludovic, De la boîte à
l'écran, le langage scénique de Robert Lepage. Thèse
sous la direction de Mme Béatrice Picon-Vallin, Université de
Nanterre, Paris X, Ecole Doctorale Lettres, Langues, Spectacles, 2002, p. 8.
56 Ibidem p. 9.
public qu'on écrit. On n'écrit pas pour lui
faire plaisir mais on écoute ce qu'il a à nous renvoyer. (...)
» 57
En utilisant ce processus de création Lepage se
positionne à rebours d'un processus de création classique.
L'écriture textuelle ne préexiste pas dans une forme aboutie,
elle est à inventer jusqu'au dernier jour, la première du
spectacle, et reste encore après cette première sujette à
modifications, changements et autres développements.
« Pour moi, (...) la première, c'est le premier
jour d'écriture, c'est là que ça commence, tout le reste
n'est finalement qu'un travail préparatoire. »58
Nous venons de situer une des premières
préoccupations de Lepage dans son engagement de metteur en scène
à savoir la primauté du texte et un désir de le montrer
autrement, mais pas le désir d'un texte pré-établi : la
primauté va au texte en devenir. Lepage met alors en place une technique
de travail qui tient beaucoup du « work in progress », de
l'élaboration et de la construction du travail artistique durant la
réalisation de l'oeuvre. Un « work in progress »,
écriture vivante, dynamique, c'est ce que semble privilégier
Lepage. En effet, elle lui octroie la souplesse et la réactivité
dont il a besoin dans l'écriture de ses spectacles.
« Il importe moins de produire un objet fini, une chose
close, définitive, que de travailler à une oeuvre en train de
s'organiser »59.
L'approche de Lepage comme metteur en scène est, par le
texte et sa construction, une expérience perpétuelle, un
processus de création sans cesse réactivé. Depuis quelques
années il est arrivé à Lepage de partir de textes
écrits pour, monter et construire ses spectacles. Il faut tout de
même noter que, pour lui, de prime abord, le texte figé est trop
souvent un compte rendu, le « fantôme d'un événement
qui s `est passé »60 . Il est évident que cette
vision du texte « pré-écrit » entre en opposition avec
celle, plus proche de lui, où celui-ci se construit sans cesse. Lepage
cherche à se débarrasser du préjugé de la «
centralité » du texte61, il cherche à le
rendre
57 Hivernat Pierre, Véronique Klein, «
Histoires parallèles. Entretien avec Robert Lepage » in Les
Inrockuptibles, n°77, 1996. pp. 30, 31.
58 Ibidem pp. 30, 31.
59 Hébert Chantal et Irène
Perelli-Contos, La face cachée du théâtre de
l'image, l'Harmattan, 2001, p. 57.
60 Ibidem p. 57.
61 Cf. ibidem p. 57.
mobile, mouvant en accord avec la création et le temps de
création. L'un et l'autre, texte et création scénique,
sont intimement liés dans un même processus.
La scène :
Ce sont les « multiples reflets de la scène
»62 que souhaite convoquer Lepage sous les yeux du spectateur,
faire éclater l'unité du plateau sans jamais oublier de laisser
entendre le texte, point important de son activité de créateur
nous l'avons vu.
La scène lepagienne est le lieu, majeur, où vont
prendre forme les chemins multiples offerts à l'attention et à
l'imagination du spectateur. Le désir du metteur en scène, dans
son rapport à la scène et la lecture qui en est faite par le
public, est très justement présenté par Ludovic Fouquet:
« (...) la relation à la scène [mêle] acuité du
regard et recours à l'imaginaire (...) »63.
La scène est donc, pour Lepage, le lieu de l'entre-deux
où le virtuel et le réel s'entrechoquent. C'est au sein de cet
espace qu'est convoqué la « réalité
intermédiaire »64 . Un lieu où la «
pensée du voyageur conserve sa puissance active, créatrice
»65 . Si il est une constante, essentielle et forte, pour
Robert Lepage, il s'agit de la pré-existence du plateau scénique.
C'est sur et pour cet endroit, symbolique donc complexe que tout se pense
d'abord. « Nous voudrions nous intéresser à la
manière dont est pensé ce plateau scénique, comment il est
porteur d'une mission essentielle, vecteur premier de la
célébration qu'est le théâtre pour Lepage
»66 . Le terme de « célébration » pour
parler de la scène chez Lepage nous semble ici des plus justes. Il
s'agit bien, sur la scène et par elle, de célébrer,
d'exalter, de louer, avec éclat l'action de la scène et de la
rendre le catalyseur, par la force de cette célébration, de
visions intérieures fortes. Célébrer, c'est aussi
accomplir
62 Fouquet Ludovic, De la boîte à
l'écran, le langage scénique de Robert Lepage. Thèse
sous la direction de Mme Béatrice Picon-Vallin, Université de
Nanterre, Paris X, Ecole Doctorale Lettres, Langues, Spectacles, 2002, p. 8.
63 Ibidem p. 9.
64 Philippe Quéau, « Les frontières
du virtuel et du réel » in Esthétique des Arts
médiatiques, de Louise Poissant, t 1, Presses de
l'Université du Québec, Montréal, 1995, p. 351.
65 Hébert Chantal et Irène
Perelli-Contos, La face cachée du théâtre de
l'image, l'Harmattan, 2001, p. 60.
66 Fouquet Ludovic, De la boîte à
l'écran, le langage scénique de Robert Lepage. Thèse
sous la direction de Mme Béatrice Picon-Vallin, Université de
Nanterre, Paris X, Ecole Doctorale Lettres, Langues, Spectacles, 2002, p.1
1.
solennellement. L'acte scénique chez Lepage est
empreint de solennité. Il est réfléchi et mûri. Il
nécessite un engagement total des acteurs et des autres protagonistes de
la scène. La scénographie est très importante dans son
travail. Elle se doit d'être habile, étonnante. Le jeu de la
surprise et ses constituantes est, sur la scène « lepagienne
», sans cesse réinventés. C'est « (...) Une
capacité à créer de la magie avec peu de chose et dans des
contrepoints visuels étonnants »67 qui confère
à cette scène une atmosphère si séduisante et
parfois aussi étrange. C'est probablement l'une des clefs qui explique
que l'on parle souvent de magie pour qualifier les créations de Lepage.
L'emploi de leviers technologiques (vidéo) entre bien entendu sur la
scène dans cette logique. La scène est transversale. Elle est un
pont entre deux rives. Les artifices utilisés, quels qu'ils soient,
technologiques ou autres (comme les marionnettes), ne se cachent pas, ils se
transforment. Comme par magie.
Pour conclure ce point concernant la scène chez Lepage
il nous semble important de rappeler et d'insister sur le fait qu'elle est le
lieu où tout se fait, tout se crée, tout a lieu. Elle constitue
« les viscères où a lieu le développement de
l'embryon et du foetus »68 : la matrice.
La technologie :
Une des clefs qui semble être la démarche de
Robert Lepage pour concevoir ses mises en scène et son rapport aux
nouvelles technologies réside certainement dans le rapport qu'il
entretient avec elles. Il importe de souligner que l'« impact
poétique » véhiculé par les (nouvelles) technologies
sur la scène permet à l'effet sensible, porté par la
scène, d'être accessible immédiatement en donnant un corps
(de lumière) aux rêveries et aux visions du metteur en
scène. C'est l'immédiateté de « l'impact
poétique » provoqué par la scène et son dispositif
qui est un des éléments qui pousse Lepage, dans ses mises en
scène, à utiliser les (nouvelles) technologies.
Ce sont l'ingéniosité technique et l'utilisation
de points de vues originaux qui sont, ensemble, partagés avec (par) le
public, pour aller vers une force scénique qui nous entraîne dans
un dévoilement du texte inattendu.
67 Ibidem, p.10.
68 « Matrice », in Le nouveau petit Larousse grand
format en couleur, ed Larousse, Bordas, 1998.
« Je voulais entrer dans la pièce par une porte
différente, pour voir comment les nouvelles technologies -ainsi que les
plus anciennes- nous amènent à une nouvelle lecture du texte
»69 . Le « levier nouvelle technologie » est, chez
Lepage, un exemple fort intéressant dans le cadre de notre recherche. En
effet, ce levier utilisé parallèlement à une forte
recherche textuelle propose au spectateur d'entrer dans une dimension
extra-spectaculaire. Le levier est, dans le cas de Lepage, une vraie porte vers
l'au-delà, une fenêtre qui offre la vision d'un ailleurs de la
scène, un « au- delà du sens »70 . Il est
frappant de constater avec quelle simplicité apparente la technologie
prend place dans ses spectacles. Pourtant, pour lui, la technologie n'est pas
d'un emploi aisé sur la scène et son utilisation est parfois un
échec. Lepage nous dit à ce sujet : « Parfois la rencontre
de la technologie et du texte est heureuse, parfois elle ne l'est pas (...)
»71.
Comme nous l'avons noté, Lepage souhaite employer les
nouvelles technologies pour nous présenter un envers du décors,
ou plus précisément, un envers du visible. Toutes les portes
ouvertes par la technologie sur la scène ont pour objectif avoué
de donner accès au spectateur à une autre lecture de la
pièce jouée sous ses yeux. Lepage exprime très clairement
cette volonté lorsqu'il dit : « Le fait d'utiliser les nouvelles
technologies nous fait découvrir que peut-être la pièce
raconte des choses qu'on n'imaginait pas » 72 . Une fois de plus, Lepage
parle de l'imagination comme le moteur d'actions ou/et de réalisations
scéniques.
I-magi(e)-nation. Voici donc, pour
l'implication de la technologie dans les créations de Lepage, un
maître-mot.
Le levier technologique est donc cet outil qui permet à
Lepage d'accéder et de faire accéder le spectateur à un
nouvel éclairage sur le texte par un voyage intérieur.
Il reconnaît la difficulté et la
nécessité expérimentale relative à l'emploi des
nouvelles technologies sur la scène. Pour bien comprendre avec quelle
rigueur et quelle précision Lepage entend l'utilisation du levier
technologique, il est intéressant de constater que celui-ci compare cet
emploi à celui d'un « nouvel instrument de
69 Robert Lepage, « Eloge de la technologie
bancale », in Puck n°9, Editions Institut International de
la Marionnette, 1996, p. 39.
70 Régy Claude, L'ordre des morts,
édition Les solitaires intempestifs, 1999, p. 54.
71 Robert Lepage, « Eloge de la technologie
bancale », in Puck n°9, Editions Institut International de
la Marionnette, 1996, p. 39.
72 Ibidem, p. 39.
musique »73 qu'il est nécessaire
d'explorer pour en définir les codes d'utilisations et les limites.
Un autre point important est à souligner. Lepage
affirme : « [Les] moyens techniques (...) rendent le contact avec le
public plus intime»74. Cela peut sembler à-priori
paradoxal. En effet, comment l'image projetée d'un acteur peut rendre le
contact de celui-ci avec le public plus intime que si le comédien
était réellement là, en chair et en os ? Lepage, par
l'utilisation d'écrans, de gros plans et d'autres techniques,
judicieusement employées, utilise les codes et les systèmes de
l'amplification cinématographique. C'est dans cette amplification,
changement d'échelle et autres jeux de perceptions, qu'il met en place
une façon de se rapprocher du spectateur. La technique, ainsi
utilisée, lui permet de scruter l'intime du comédien (battement
de cils, expression du regard, etc.) et place le spectateur dans un rapport
inhabituel à la scène et à ces protagonistes. Les deux
dimensions des écrans, leur élargissement, de même que
l'impalpable de l'image renvoient à une nouvelle intimité de la
scène et des spectateurs. Pour le spectateur, l'intimité avec le
corps absent, le corps fantasmé, le corps représenté, n'en
est que plus forte, plus troublante. Pour saisir un peu mieux ce trouble des
sens, du désir et de la fascination de l'image sur la scène
lepagienne, ainsi que chez d'autres metteurs en scène utilisant
sensiblement les mêmes techniques, David Le Breton avance, à ce
propos, des pistes des plus pertinentes lorsqu'il écrit : « La
séduction ici est radicale en ce qu `elle élimine absolument la
chair pour se donner comme une trame d'apparence (...) »75.
C'est en brillant par son absence que le corps se fait désirable et
étrangement proche, très proche, dans notre imagination. En nous
donc. L'intime est certainement là, entre notre perception d'une image
sur la scène et la traduction qu'en donnera notre esprit de spectateur ;
entre nous et nous-même se niche l'intime que Lepage déclenche par
le truchement du levier (nouvelle) technologie.
Nous venons d'examiner les trois points qui, dans
l'activité de Lepage metteur en scène, nous semblent primordiaux
: le texte, la scène et la technologie. De plus un autre
élément apparaît en filigrane dans les trois autres. Ce
quatrième élément est celui qui confère à la
scène lepagienne ses caractéristiques et particularités.
Il s'agit
73 Ibidem p. 39.
74 Ibidem p. 39.
75 Le Breton David, « La cybersexualité ou
le corps en disquette », in L'Adieu au corps, Editions
Métailié 1999, p.168.
d'une poésie immédiatement perceptible, pleine
de tendresse et d'humour mais qui porte aussi, derrière le masque du
sourire ou du rire, un regard extrêmement critique sur notre monde
contemporain.
S'il est une évidence à retenir, pour conclure
cette première partie de notre étude consacrée à
Robert Lepage, c'est la complexité étonnante au centre de
laquelle il se situe en tant que praticien de
théâtre76. Texte, scène, technologie sont trois
éléments rassemblés lors de la convocation
théâtrale pour aller vers un seul but : passer « du chaos au
cosmos, du désordre à l'ordre (...) »77.
Apparente complexité fort étonnante, en effet, lorsque l'on
assiste à une représentation d'un spectacle de Robert Lepage. Sur
la scène, tout semble simple, limpide, couler de soi. La
complexité, qu'elle soit technique ou, plus largement concerne la mise
en scène, n'apparaît que très peu. C'est certainement un
des éléments qui rend les mises en scène Lepagiennes aussi
propices à « l'envol de l'esprit » du spectateur. Le levier
technologique n'est qu'un pont offert à la rêverie et à
l'imagination des spectateurs et non la (dé)monstration d'une lourde
machinerie. «Théâtraliser la technologie et non l'inverse
» (Ludovic Fouquet, p. 11, 2002.) semble nous dire en substance Lepage
malgré son utilisation d'une machinerie parfois lourde sur la
scène.
2. La face cachée de la lune.
L'étude que nous allons entreprendre à
présent porte sur La face cachée de la lune, un
spectacle de Robert Lepage conçut en 2000 et présentée par
deux fois au Maillon, à Strasbourg en 2002 et en 2003. Nous nous
fonderont, pour notre étude, sur les deux représentations
Strasbourgeoises.
Dans La face cachée de la lune, Lepage joue
avec un univers en trompe l'oeil mais aussi fantasmagorique pour reprendre un
mot cher à Méliès.
Il est intéressant de noter que « fantasmagorie
» vient du grec « phantasma » qui signifie « apparition
». La première définition que nous donne le Larousse
de fantasmagorie est, au regard du travail de Lepage, encore plus
éclairante : « Art de
76 Cf. Hébert Chantal et Irène
Perelli-Contos, « Un praticien de la complexité : Robert Lepage.
» in La face cachée du théâtre de l'image,
l'Harmattan, 2001, pp. 17-26.
77 Ibidem, p. 32.
faire apparaître des fantômes dans une salle
obscure avec l'aide d'illusions d'optique » 78.
De plus, comme le soulignent Chantal Hébert et
Irène Perelli-Contos, le théâtre de l'image, bien que
remontant bien avant les années quatre-vingt, a vu « (...) la
consolidation d'un langage théâtral imagé à partir
de cette décennie. Fondé sur une écriture scénique
dont la forme ou la disposition signifie moins que les mouvements et les
métamorphoses, ce langage consiste en des images multidimensionnelles
qui, en suscitant des correspondances ou des associations visuelles
illimitées, donne la « parole » au regard du spectateur
»79 . C'est bien dans cette inquiétude que le travail de
Lepage joue d'apparitions lors de ses spectacles dont celui qui nous concerne
ici : La face cachée de la lune. Effectivement, de «
flash-back » en mondes imaginaires, oniriques, de nombreux univers sont
convoqués sur la scène lepagienne. Dans cette profusion de
sensations ludiques, troublantes et envoûtantes, il s'agit bien de faire
parler le regard du spectateur.
Le terme « fantasmagorique », nous l'avons vu
précédemment, s'applique très justement au travail de
Lepage homme de théâtre. N'oublions pas que celui-ci est
également un cinéaste80. Ce terme est d'autant plus
pertinent pour qualifier le travail de Lepage créateur qu'il semble
être le pivot entre les deux « disciplines »,
théâtre et cinéma entre lesquelles Lepage navigue.
Son théâtre « par l'intégration
d'autres univers tels que le cinéma, la vidéo (...) »
redéfinit « (...) un nouveau spectateur, qui tiendrait à la
fois du spectateur de théâtre traditionnel, du lecteur et du
spectateur de cinéma (capacité à lire les didascalies,
à sauter dans le temps, à superposer les informations)
»81 . Pour reprendre une expression de Chantal Hébert et
Irène Perelli-Contos, la scène chez Lepage est comme un «
écran de visualisation »82.
78 « Fantasmagorique », in Le nouveau petit
Larousse grand format en couleur, Larousse, Bordas, 1998.
79 Chantal Hébert et Irène
Perelli-Contos, La face cachée du théâtre de
l'image, L'harmattan 2001. p.11.
80 « Le confessionnal », 1995 ; « Le polygraphe
», 1997.
81 Béatrice Picon-Vallin (sous la direction
de), Katérina Flora, « Archaos et le piège des images
», in Les écrans sur la scène, Editions L'age
d'homme 1998, pp. 253-255.
82 Chantal Hébert et Irène
Perelli-Contos, La face cachée du théâtre de
l'image, L'harmattan 2001, pp. 179-195.
Plus précisément dans La face cachée
de la lune, la scène est un univers où les surprises et
étonnements se succèdent sous une forme quasi-filmique par le
découpage des tableaux, les « cut » mais aussi parfois les
sensations de fondues enchaînées par, entres autres, la
lumière, l'emploie de la musique, des projections vidéo...
Sur la scène, l'action est portée par le
comédien Yves Jacques qui, seul, campe l'ensemble des rôles.
Il est, tour à tour, Philippe et André, deux
frères dont les univers de vie sont diamétralement
opposés. Philippe est un universitaire idéaliste, sensible, sans
argent, vivant de petits boulots médiocres. Il est surtout féru
de conquête spatiale. André, lui, est une vedette de la
météo à la télévision. Il est
égocentrique, matérialiste et ne comprend pas l'attitude de son
frère aîné et l'intérêt réel de ses
recherches. L'écart entre deux mondes est posé et se creusera
tout au long du spectacle malgré la tendresse réelle entre les
deux frères qui apparaît fortement lorsque André annonce
par téléphone à Philippe, retenu en Russie pour un
colloque, que celui-ci à une fois de plus échoué à
la soutenance de son doctorat.
La grande force de la mise en scène de Lepage est, ici,
de nous présenter les situations les unes derrières les autres,
dans un enchaînement quasi effréné de type « zapping
», mais sans céder à la tentation de l'image reine.
La démarche qu'il emploie pour construire ses
spectacles avec l'utilisation des nouvelles technologies mais aussi le rapport
qu'il entretient avec elles est certainement l'une des clefs qui chez Lepage
permet d'éviter le piège de l'image creuse, vide de sens, simple
effet, jouer avec la technique et ses dangers :
« Il faut que le spectacle montre son côté
un peu bancal, avec les machines qui parfois font du bruit, tombent, ou ne
fonctionnent pas. Il faut montrer qu'il y a un danger et que ce danger est
réel [...] »83.
Nous avons vu précédemment84 combien,
pour Lepage, l'utilisation de la technologie n'est pas d'un emploi aisé
sur la scène et peut même se révéler parfois
être un échec. Celui-ci poursuit, néanmoins, ses recherches
et expériences scéniques dans ce domaine et pose une
réflexion sur l'emploie des nouvelles technologies au
83 Robert Lepage, « Eloge de la technologie
bancale » in PUCK n° 9, Editions Institut International de
la Marionnette 199, p. 42.
84 Cf. supra p. 37.
théâtre. Si Lepage utilise la technologie
vidéo, il emploie aussi les marionnettes dans La face cachée
de la lune, et donne à voir au spectateur plusieurs lieux qui
coexistent en un même espace mais aussi plusieurs temps.
En fait, toute la perception du texte est bousculée par
l'emploi de leviers qui de façon le plus souvent ludique
entraînent le public vers un « ailleurs » de la scène,
« ailleurs » du regard. Lorsqu'une marionnette « cosmonaute
», par exemple, entre sur la scène, le « vivant » du
comédien se trouve confronté à de multiples univers qui se
côtoient, se croisent et dans lesquels il est plongé. L'univers de
bois et de chiffons de la marionnette, l'univers technique de projections
vidéo et d'atmosphères sonores, l'ensemble baigné par une
lumière se faisant irréelle, proche de celle, sourde, des songes.
Le spectateur entend à ce moment bien plus que le texte. Texte qui par
ailleurs affiche une apparente légèreté. L'essentiel est
ailleurs que ce qui est dit. L'importance est dans la façon de dire, de
raconter l'histoire.
Ici, par l'utilisation de différents leviers dans ce
spectacle, l'indicible est vraiment à la portée du regard.
L'effet est saisissant. Le spectateur, par le truchement de son imagination,
devient créateur. L'ensemble du spectacle, par l'utilisation de la
vidéo, plonge le spectateur dans un univers de rêve
éveillé qui lui donne l'impression d'être partie prenante
dans la création qui se déroule face à lui, face à
ses yeux, dans sa tête.
En effet, le spectateur assiste à tout un ensemble
d'images, d'idées, qui se présentent à l'esprit non pas
durant le sommeil comme le voudrait la définition du
rêve85, mais bien à l'état d'éveil (du
moins nous pouvons le souhaiter !).
René Guénon nous parle de « combinaisons
d'idées revêtues de formes subtiles (...) »86 pour
définir l'état de rêve, cette définition s'applique
de manière troublante à la mise en scène de La face
cachée de la lune.
Chacun des tableaux semble être comme la lettre d'un
alphabet. Ces lettres, mises bout à bout, dans un ordre précis,
donnent au spectateur l'étrange sensation de déchiffrer un
ensemble mystérieux. L'utilisation que Lepage fait des technologies sur
scène n'est certes pas pour rien dans le sentiment qu'un langage
poétique, parfois mystérieux, dont le sens, comme pour le
rêve, est revêtit de « formes subtiles », se
développe face au spectateur :
85 « Rêve », in Le nouveau petit Larousse en
couleur, Larousse, 1998.
86 René Guénon, Les états
multiples de l'être, Guy Trédaniel éditeur 2000, p.
41.
« Je compare souvent l'utilisation de la vidéo
à toutes les techniques d'ombres chinoises, qui existent depuis des
millénaires. Cette « technologie » consiste en un flambeau, ou
une lumière électrique, et un sujet qui vient interrompre la
lumière pour créer une poésie visuelle ou un langage
visuel »87.
L'image est, ici, au service d'un propos, d'une narration,
d'un rêve, parfois aussi d'une magie étirant la scène vers
d'autres espaces, au-delà de la scène.
Robert Lepage s'est posé le problème du passage
d'une langue à l'autre à de multiples reprises. « La
pluralité linguistique [fait] partie de ses options de mise en
scène (...)»88.
Lepage ne se cantonne pas au simple écran et
intègre à sa mise en scène des instants où l'image
devient un « fait dramatique subtil ». C'est le cas, par exemple,
lorsqu'une projection sur un mur de scène donne l'impression d'une porte
d'ascenseur s'ouvrant ou qu'un hublot de machine à laver dans un «
lavomatic » se transforme, lorsque le comédien y passe la
tête pour déposer son linge, par un jeu de caméra et de
projections en une capsule spatiale. Effets vidéo et son aidant, ainsi
que toutes les images fortes ayant imprimées l'(in)conscient collectif,
images de ces hommes en apesanteur dans leur capsule spatiale, le
résultat projette le spectateur dans un univers dramatique hallucinant
au sens propre du terme, celui d'une perception sans objet. L'image est donc
parfois projetée sur toutes formes de supports et ouvre de ce fait
l'espace de la scène sans que le regard du spectateur converge vers un
point (lumineux) précis. Par cet emploi de l'image projetée, hors
du cadre d'un téléviseur, Lepage résout un problème
qu'il pose en ces termes : « L'écran pose le problème
suivant ; on se sent toujours obligé de le remplir »89 .
En effet, il n'y a aucun « remplissage » vidéo dans La
face cachée de la lune. Il s'agit, ici, de s'emparer de l'espace au
moyen de la lumière. Cette utilisation de la lumière, des
projections vidéo sur la scène fait de Lepage non pas un faiseur
d'images, mais plutôt, un faiseur potentiel de toutes les images.
Nous avons vu plus haut la « navette/machine à
laver » ainsi que l'ascenseur projeté sur le mur, mais il y a
aussi le film réalisé pour les éventuels extraterrestres
et qui est sélectionné pour être envoyé dans
l'espace. On ne voit pas ce film mais on assiste à
87 Robert Lepage « Du théâtre
d'ombres aux technologies contemporaines » in Les écrans sur la
scène, sous la direction de Béatrice Picon-Vallin, Editions
L'age d'homme 1998 p. 326.
88 Cf. Sophie Grandjean, Isabelle schwartz-Gastine,
« surtitrage : texte projeté, texte-image », in La
scène et les images, sous la direction de Béatrice
Picon-Vallin, CNRS éditions, 2001, pp. 231-255.
89 Ibidem
son tournage. Rien n'est montré, tout se situe dans
l'imaginaire du spectateur. C'est là que le film à
réellement lieu. C'est là, peut-être que sont les «
extraterrestres vers lesquels le film doit être envoyé.
L'utilisation de la vidéo faite ici, par Lepage, nous montre clairement
combien le levier vidéo, utilisé avec poésie, ouvre sur la
scène un espace/temps au-delà de la scène. Ce voyage vers
l'ailleurs est très clairement présenté dans cette mise en
scène par la déchirure forte entre les deux personnages
principaux, tous deux issus de deux univers diamétralement
opposés, mais aussi grâce au personnage de Philippe. Celui-ci veut
constamment être ailleurs, par ses recherches universitaires qui vont
à l'encontre de l'idée communément acceptée sur
l'aventure spatiale, par la drogue, lorsqu'il était plus jeune en
quête d'expérience, par le film de sa vie qu'il envoie dans
l'espace, vers une hypothétique vie extraterrestre mais aussi dès
le début de la pièce par la perte de sa mère. La
mère meurt, le fils semble s'éveiller.
Il faut donc « cesser de faire l'enfant » semble
dire le spectacle alors que, paradoxalement, il semble sans cesse pousser le
spectateur vers l'étonnement d'un regard d'enfant. Dès cet
instant, l'action bascule dans un univers tragique et cocasse à la fois,
l'image vidéo ne se contente pas d'ouvrir des espaces sur la
scène, mais par le jeu d'éclairages et de musique, le spectateur
est directement pris à parti et entraîné dans le
bouleversement de la vie de Philippe. Sa fragilité, sur scène et
celle du spectateur se sont croisées, comme une rencontre
intersidérale, une rencontre du « troisième type ». La
cassette de la vie de Philippe a peut être atteint son but : rencontrer
une vie « extra-scénique ».
Dans ce passage, tout particulièrement, le «
levier vidéo » remplit son rôle avec une extrême
justesse. L'aller-retour scène / spectateurs et la rencontre de
plusieurs espaces / temps se mettent en place de manière troublante,
tout au long de ce spectacle, au point de plonger le spectateur dans un
état de quasi-apesanteur. Cette sensation qu'il peut être
amené à ressentir est d'une certaine façon
représentée à la fin du spectacle lorsque Philippe, par un
jeu de miroirs judicieusement disposés au plafond, donne l'impression
que le comédien flotte entre ciel et terre dans l'espace
scénique. Il s'agit simplement de l'image reflétée de
Philippe, mais l'utilisation de ce levier atteint, ici,
précisément son but : entraîner le spectateur vers un
ailleurs de la scène.
Lepage a réuni sur une même scène bon
nombre de leviers qui ont fait glisser son « théâtre d'image
» vers un « théâtre de la projection mentale », un
« théâtre du voyage de l'esprit » non simplement
à des fins de divertissement mais dans une volonté de
découverte de landes inexplorées, au-delà du visible et
pourtant tellement présentes. Son travail a concentré sur la
scène un sentiment de présence / absence mise en exergue par les
leviers avec une évidence et une efficacité qui, par de simples
incursions de l'inhabituel dans le réel, nous amène à
repenser notre réalité quotidienne.
Il nous semble, pour conclure, pouvoir synthétiser ce
spectacle et plus largement l'implication comme metteur en scène de
Robert Lepage, dans une phrase : « Enchantement, magie, trouvaille,
habileté, il est sans cesse question d'émerveillement, de
maîtrise et de surprise »90.
B. L'exemple du groupe de recherche et de création
« e-toile »
L'éclatement spatio-temporel de la
représentation.
« L'ici et maintenant » du spectacle,
éclaté au profit d'un « au-delà » de la
scène. Ce pourrait être le credo du groupe e-toile si l'on voulait
tenter de résumer en une phrase son activité. Les choses ne sont,
bien entendu, pas aussi simples.
La première expérience d'e-toile que nous
étudierons, Côté noir / côté blanc ,
est une pièce de théâtre exclusivement écrite pour
Internet. La seconde, Bals, est une expérience
chorégraphique interactive présentée dans un même
temps à un public dans un théâtre (Marché aux
Grains, théâtre de Bouxwiller) et sur Internet.
Nous tâcherons avec ces deux exemples de cerner les
questions posées mais aussi de proposer des amorces de réponses
aux questions posées par l'utilisation de l'outil Internet et du «
levier réseau informatique en général » sur une
scène de spectacle.
90 Fouquet Ludovic, De la boîte à
l'écran, le langage scénique de Robert Lepage. Thèse
sous la direction de Mme Béatrice Picon-Vallin, Université de
Nanterre, Paris X, Ecole Doctorale Lettres, Langues, Spectacles, 2002, p.1
1.
1. Côté noir / Côté blanc
91
a) Un récit initiatique : La page web comme « espace
partagé ».
Cette expérience théâtrale fut
présentée à la Cité des sciences de la Villette
à Paris du 23 au 29 septembre 2002 dans le cadre de « Villette
numérique ».
Elle fut créée et uniquement visible sur
Internet en novembre 2001. Les « streaming », envois vidéo sur
le web, étaient réalisés à heures fixes depuis La
Filature, Scène nationale de Mulhouse (voir photos annexes 7 A, page
IX). Chacune des expériences « envoyées » sur Internet
était issue d'une captation vidéo réalisée trente
minutes avant que l'expérience soit accessible au public
d'internautes.
Sans retoucher en aucune façon la prise de vue sur le
jeu de la comédienne, les techniciens d'e-toile ajustaient les actions
de jeu du vivant de la comédienne avec les éléments
intervenant sur la page web. Ainsi, par exemple, lorsque la comédienne
intimait l'ordre aux internautes de « cliquez tous sur le bouton rouge !
»92, un point rouge apparaissait simultanément sur la
page web. Ce point rouge ou divers autres éléments apparaissant
offraient à l'internaute des possibilités d'interaction avec le
spectacle. Nous étudierons ces systèmes et ce choix d'interaction
dans le second point de ce travail. Cette opération ne fut pas
réalisable, à ce moment là, en temps réel pour des
raisons techniques de synchronisation entre l'envoi du flux vidéo
filmé et les éléments de la page web. Chaque ordinateur
d'internaute connecté au spectacle ayant ses caractéristiques de
puissance personnelle, le risque était qu'il y ait un décalage
entre le jeu de la comédienne et les éléments
programmés de la page web.
Il est tout de même important de noter que ces
contraintes techniques n'enlevèrent aucun intérêt aux
questions posées et aux éléments de réponses
dégagés puisque le direct n'était pas ici en question. Il
s'agissait plutôt d'interroger l'espace de la page web en tant que lieu
scénique ainsi que le récit interactif.
Le personnage principal de Côté noir /
Côté blanc était joué par une
comédienne. Les autres personnages étaient des
éléments de la page web93. Concrètement,
à
91 Aussi appelé par e-toile : CN
/CB
92 Voir annexes 7 B, page X, Côté
noir / Côté Blanc
93 Voir annexes 7 C, page XI Côté
noir / Côté Blanc
quoi assista l'internaute qui se connecta au jour et à
l'heure de l'expérience Côté noir / Côté
blanc ?
Un personnage de chair et de sang se retrouvait dans un
univers double, clairement évoqué par le titre du spectacle, pris
à parti par des éléments composant la page web (barre
d'outil, de statut etc.) et des éléments de sa
réalité physique tels des cadres de bois ou divers accessoires
comme un nez rouge ou des dès94. L'esprit de l'Internaute se
cristallisait dans ce personnage égaré joué pour la
création du spectacle par la comédienne Catherine Tartarin
(comédienne issue du Théâtre National de Strasbourg).
La page Internet, entièrement noire, mis à part
le navigateur gris-clair, comportait une « ouverture » sur une
fenêtre vidéo (Voir annexes 7 C, page XI). Cette fenêtre
vidéo ne se contentait pas, bien entendu, de diffuser la
comédienne et son jeu. La vidéo et son support, la page web,
s'interpénétraient, se répondaient, se bousculaient.
Lorsque, par exemple, la barre de tâche, dans le haut de la fenêtre
Internet, interpellait le vivant, un haut-parleur descendait de la barre en
question et une voix s'adressait à la comédienne (au vivant).
Celle-ci répondait et s'en suivait alors une discussion étrange
entre un être vivant et un espace virtuel qui l'entourait.
Dans la progression dramaturgique de la pièce, le
personnage incarné par la comédienne allait rencontrer nombre
d'autres « créatures étranges » qui allaient lui donner
la réplique. L'Internaute serait amené à faire des choix
et à répondre (ou pas) à des injonctions du personnage
incarné sur la scène-web. Il est, dans un premier temps et pour
commencer l'étude de cette création, intéressant de noter
que le rôle principal se nomme « le fantôme ». C'est
certainement là, dans ce personnage que se trouve une des clefs de cette
création.
Le fantôme au théâtre est comme le
révélateur « (...) de quelque parole secrète
chargée d'un savoir que seul [il] nous livrerait (...)
»95. Ce personnage troublant semble en quête de
lui-même. Il est, de par son double statut réel / virtuel,
l'étrange, la « non-incarnation » de nos angoisses face
à l'écran qui ici fait office de scène. Il est là,
sous nos yeux et pourtant, il figure l'absence de l'autre. En effet,
l'internaute face à son écran est seul et c'est seul qu'il vit
cette expérience. Son statut de spectateur actant n'est pas clair, les
frontières s'effritent entre sa place de regardeur
94 Voir annexes 7 D, page XII, Côté
noir / Côté Blanc
95 Monique Borie, Le fantôme ou le
théâtre qui doute, Actes sud. Académie
expérimentale des théâtres, 1997, page 9.
et les choix d'actes qui lui sont proposés par un
être de chair et de sang « virtuellement présent ».
Le fantôme de Côté noir /
Côté blanc est la « (...) figure par excellence de la
présence de l'invisible »96 . Là, dans
Côté noir / Côté blanc, nulle incarnation.
Le mouvement de va et vient du théâtre, incarnation /
désincarnation semble, dans cette création, résolument du
côté de la désincarnation, du côté de l'autre
monde, du côté de l'impalpable, de l'image dans une petite
boîte (l'écran de l'ordinateur). Le « non actuel »
apparaît comme le seul temps en vigueur.
Non actuel dans le temps de la réception du jeu (temps
écoulé entre l'acte réalisé et l'acte
représenté). Non actuel dans le temps de jeu et la situation du
jeu (une page web). Le temps du jeu est en effet éclaté (Cf
supra, partie 1, p. 28).
La représentation du vivant qu'offre la fenêtre
vidéo sur la page Internet retransmettant l'expérience
présente en action un être, « le fantôme »,
égaré dans un espace de double réalité : la
scène, celle qui est jouée dans un espace réel avec la
comédienne, entourée d'une machinerie théâtrale
classique de cordes et de cadres de bois97 et les
évènements extérieurs à l'espace réel
(actions / réactions de l'univers de la page web) tels des zones «
cliquables », liens hypertextes, etc.
Ces évènements extérieurs, virtuels car
non présents dans le temps de jeu de l'actrice lors de l'enregistrement
vidéo, étaient malgré tout déterminants. La
comédienne se devait de tenir compte de leur absence et de jouer avec
ces « créatures virtuelles » (Liens hypertextes, barre d'outil
et barre de statut prenant la parole grâce à un porte voix...) qui
lui donnaient la réplique... Plus tard, ailleurs.
Tous les éléments interactifs ou simplement de
personnalisation de la page web n'étaient pas représentés
sur scène durant le temps du jeu mais la comédienne avait des
directions de temps et d'espace pour que, dès que la vidéo serait
placée dans la page Internet, ses mouvements de têtes et autres
agissements semblent répondre et suivre précisément les
actions du monde virtuel98. La page web et sa «
personnalité » étaient alors le creuset de l'émotion
et des interrogations du vivant de la comédienne.
96 Ibidem
97 Voir annexes 7 E, page XIV, Côté
noir / Côté Blanc
98 Voir annexes 7 C et 7 F, page XI et XV
Côté noir / Côté Blanc
Ici, nous pouvions parfois avoir l'impression étrange
que « (...) le corps s'insère dans le virtuel comme par effraction
»99. C'est, en effet, un sentiment de déchirement entre
deux espaces mis en présence que procure l'incursion du vivant (la
comédienne) au sein d'un ailleurs (Internet). La page web, deviendrait
donc, dans le cas de cette création, un « espace partagé
», espace d'une rencontre, d'actions, d'interactions entre deux mondes ?
Le lieu où le virtuel et le réel, deux univers
diamétralement opposés100, s'associent et
créent ensemble un « tiers-univers » avec ses codes de
représentation particuliers.
Les ombres et les tensions entre matériel et
immatériel, visible et invisible sous- tendent bon nombre
d'interrogations au théâtre. Nous retrouvons dans ce travail,
comme chez Lepage ainsi que chez de nombreux autres créateurs, la
même inquiétude plus ou moins marquée, la même
conscience que nous pouvons résumer par la phrase d'Eliphas Lévi
cité par Régis Debray101 : « Il n'y a qu'un dogme
en magie : le visible est la manifestation de l'invisible ». Bien entendu,
dans notre travail, la magie est le théâtre. Dans
Côté noir / Côté blanc l'invisible est au
coeur même de la création. La comédienne doit, nous l'avons
vu, avoir sans cesse conscience de cette part invisible de l'action. C'est avec
cet invisible qu'elle joue. Il est son partenaire de travail. Lui donner du
crédit dans son « tour de jeu », c'est le rendre plus
présent lors de la réalisation finale (« montage » de
la vidéo dans la page web). C'est bien de cela dont nous parle ce
spectacle. Il nous raconte les limites, parfois floues, entre la
présence et l'absence. L'outil Internet, ainsi utilisé, renforce
ce propos et élargit cette question des lisières entre l'actuel
et le virtuel, l'ici / maintenant du théâtre et l' « ailleurs
/ plus tard » possibles grâce à la technologie.
Il est encore un élément particulier à
cette création : l'action dramatique est ici à l'intérieur
même du levier. La scène finale est l'écran d'ordinateur.
Le levier sur cette scène est le potentiel même du levier
utilisé à savoir l'ordinateur et le réseau. Ce qui conduit
le spectateur (internaute) vers un au-delà de la scène
(l'écran d'ordinateur) c'est le propre langage scénique
(graphique, technique) du levier. Une des caractéristiques majeures de
ce langage, employé ici à des fins spectaculaires, est
99 Philippe Quéau. « Corps virtuels.
Croire ou voir » in PUCK n° 9, Editions Institut
international de la marionnette. 1996. p. 13.
100 Cf. Gilles Deleuze, Claire Parnet, « L'actuel et le
virtuel » in Dialogues, Champs Flammarion 1996
101 Debray Régis, Vie et mort de l'image, coll.
Folio essais, Gallimard, 1997, p. 43.
certainement l'interactivité proposée au
spectateur. Dans chacune des expériences d'e-toile cette
interactivité, utilisée dans le développement
dramaturgique du spectacle, est différente, mûrement
réfléchie et adaptée au projet.
b) Un questionnement sur un type
d'interactivité.
Côté noir / Côté blanc est une
expérience qui, dans son développement dramaturgique, propose au
spectateur d'interagir avec la spectacle. Nous l'avons vu
précédemment avec l'exemple du « point rouge » (Cf.
supra, p. 46).
Avant d'analyser l'interactivité utilisée dans
Côté noir / Côté blanc nous nous attacherons
à proposer une définition générale de la notion
« d'interactivité ».
Cette définition générale se subdivise
elle-même en quatre sous-définitions102. Ces quatre
modes fonctionnent par dichotomies :
· Interactivité simulée - réelle.
· Interactivité fonctionnelle - intentionnelle.
· Interactivité autonome -
hétéronome.
· Interactivité exogène - endogène.
La définition générale de
l'interactivité appliquée à l'outil informatique qui nous
semble, tout en étant succincte, pertinente est : l'utilisation d'un
programme informatique faisant appel à l'intervention d'un utilisateur
humain. L'interactivité ne se satisfait donc pas d'une observation
passive mais exige une « prise en main » de l'homme et donc un choix,
une prise de position active.
Elle rentre donc directement en contradiction avec la notion
traditionnelle du spectacle et la distance physique que celui-ci entretient
entre la scène et le spectateur103. L'interactivité
joue un rôle de partenaire à travers les supports
numériques.
Pour revenir plus spécifiquement à
l'interactivité de CN/CB, elle est, pour reprendre les
modèles des quatre modes dichotomiques vu ci-dessus :
102 Morelli Pierre, Multimédia et création,
contribution des artistes au développement d'une écriture
multimédia, Thèse sous la direction de M. Noël Nel,
Université de Metz, U.F.R. Sciences Humaines et Arts, 2000, pp.
84-87.
103 Cf. tableau infra p. 74.
· Simulée : Le spectateur-net interagit avec
le programme de l'expérience. L'interactivité se situe dans un
contexte déjà prévu à l'avance par les
créateurs de CN/CB et s'inscrit dans la narration de type
récit interactif.
· Fonctionnelle : Le spectateur-net a la liberté
de manipuler l'oeuvre moyennant les fonctionnalités proposées
(sélection de liens hyper-texte, de zones « cliquables ») afin
de se diriger vers un document, une autre page web du spectacle. Ces multiples
fonctions proposées ponctuellement par le spectacle sont autant de liens
vers ces organes périphériques du récit.
· Endogène : l'interactivité est strictement
interne au programme.
· Hétéronome : l'interaction de
CN/CB et de l'internaute est confinée dans des lois qui sont
définies une fois pour toutes. Les lois du changement restent fixes.
C'est un récit initiatique dans lequel le spectateur-net choisit son
chemin lorsqu'il en a la possibilité mais les chemins sont
pré-écrits.
Cette interactivité était pour chacun unique et
indépendante. Le spectateur-net qui choisissait de cliquer sur un
élément du spectacle, lorsque cela lui était
proposé, perdait le contact avec le « réel » de la
comédienne visible dans la fenêtre vidéo et se retrouvait
face à une autre page web périphérique au spectacle.
Pendant ce temps, la comédienne continuait à livrer son texte et
à vivre ses aventures prévues dans la trame première de la
pièce. L'internaute ayant cliqué perdait cette continuité
de l'action mais pouvait s'enrichir d'éléments annexes à
l'expérience avant d'y revenir. Lors de l'entracte une question
était posée au cyber-spectateur. Il pouvait y répondre en
cliquant sur le dessin d'une enveloppe devenue rouge (Voir annexes 7 G, page
XVI). Chaque Internaute connecté choisissait son chemin. Le clic de l'un
ne déterminait pas ce que les autres verraient. Chacun était
indépendant. Chacun donc se frayait son propre chemin et donc sa propre
lecture de l'oeuvre.
c) Entretien avec l'auteur / metteur en scène,
Cécile Huet (voir biographie
Cécile Huet, annexes 13, page XLVIII).
Entretien réalisé par Yannick Bressan le samedi 2
août 2003
1/ Comment envisagez-vous Internet dans votre travail de metteur
en scène?
Avant de répondre à cette question, il me faut
pointer ce qui m'intéresse dans le fait même d'Internet. Point de
vue qui évolue sans cesse depuis les premières créations
d'e-toi le.
Au départ, le fait même de l'existence
d'Internet, la certitude que l'outil ne reculerait pas, que nous nous y
intéressions ou non, et le sentiment qu'il changeait notre rapport au
monde et aux autres me sont apparus comme les raisons principales.
Au moment de la création de CN / CB, mes
questions se posaient, d'une part, sur la relation entre l'image vidéo
(partie extraite du réel) et la page web, virtuelle, qui l'entoure. Par
l'intermédiaire des différents média utilisés sur
Internet, son, image, liens hypertexte, un monde virtuel communique avec la
comédienne, Catherine Tartarin. Le personnage qu'elle joue ne les voit
pas et n'en connaît pas l'origine. D'autre part, sur la question du surf
et du « clic » frénétique qui conduit l'internaute de
page web en page web sans jamais se poser réellement sur l'une
d'entre-elles. Jusque là, les projets réalisés
étaient conçus pour la diffusion web et les spectateurs
étaient des internautes exclusivement.
Depuis, ces réflexions m'ont naturellement
amenée à définir différemment la façon dont
j'envisage Internet dans une création. D'une part, il nous est apparu
nécessaire d'ouvrir nos créations à des spectateurs,
c'est-à-dire de concevoir un développement propre à la
scène et un développement propre à la page web
simultanément. C'est alors sur le croisement entre deux scènes,
l'une réelle, l'autre virtuelle que joue l'utilisation d'Internet dans
nos créations aujourd'hui. Par le fait même de la communication
à travers l'écran, due à la symétrie entre moyens
d'émission et de réception, ces deux scènes s'articulent
l'une par rapport à l'autre.
2/ Comment est né le projet CN / CB?
Le projet est né de l'observation de la page web en
elle-même et de l'activité du surf. Ce sont les
possibilités artistiques des points de vue de l'univers sonore, textuel,
« hypertextuel », graphique et vidéo qui ont motivé la
naissance du projet.
3/ Comment avez-vous imaginé, écrit puis
créé le texte de CN / CB?
Le texte a été très clairement
imaginé à partir de la construction de la page web et le jeu
qu'un acteur dans une salle, tout seul, pourrait avoir avec elle. Il
était important pour moi de rendre sensible l'existence des
différentes pages web et évidentes les différentes voies
de narration possibles. Pour cela notre ponctuation possède la
parenthèse et notre langue les conjonctions de coordination « ou
» et de subordination « si », elles m'ont été
très utiles. C'est donc dans un permanent aller- retour entre ce qu'il
pourrait y avoir en ligne dans la réalisation finale et la façon
de le transcrire sur le papier que la rédaction a eu lieu.
Une autre dimension s'est greffée. Celle de la
relation entre le personnage principal et son univers et celui de la page web
et de ses personnages virtuels. Petit à petit de la
nécessité de cette rencontre est née la relation entre le
fantôme et les personnages de l'espace virtuel. De leur contact physique
impossible l'histoire de Côté noir / Côté blanc (Cf.
annexes 8 page XVII, texte de cn/cb) a progressivement pris forme.
4/ Comment avez-vous travaillé avec la
comédienne?
Nous avons d'abord essayé des pistes très
différentes de celles finalement retenues. Je voulais travailler sur
l'alternance entre des images posées, calmes et des images
saturées par le mouvement. Cette alternance nous permettait de jouer sur
une perte de la précision d'image d'autant plus accentuée par les
pertes de qualité de la vidéo streamée (Cf infra,
lexique, p. 80). Les débuts étaient, alors, très physiques
pour Catherine.
Puis, nous avons repéré deux types de travail
liés à la construction de l'image : celui du cadre et celui du
cône. Le premier correspondait au travail de premier plan avec des
profils et des gestes nets qui entraient visuellement en contact avec les
personnages de la page web. Le second correspondait à un travail dans
l'ensemble de l'espace du champ de la caméra.
Finalement, nous avons construit un plan séquence de
20 min, dans le champ duquel Catherine jouait et dont le temps était
découpé par les changements de décor, d'écrans qui
montaient et descendaient.
5/ CN / CB oeuvre théâtrale
multimédia, création artistique pour le web ou projet
technique utilisant le théâtre comme argument?
Quelle est votre définition de ce type de création?
Des trois propositions, les deux premières me parlent.
Maintenant, comment définir précisément ce qu'est ce
projet ? C'est plutôt à vous que je devrais poser la question!
CN / CB se trouve à la rencontre de
nombreuses disciplines. Il recouvre celles du théâtre, du montage
de la scène au travail avec le corps de l'acteur lors des
répétitions, jusqu'à l'enregistrement dans les conditions
du direct. Celui-ci est alors assemblé avec les animations de la page
web. Nous sommes alors dans le cadre d'une création pour le web. Pour
chaque diffusion un enregistrement et un assemblage ont eu lieu, faisant appel
aux compétences graphiques et techniques relatives au format de la
page-web.
Si cela vaut pour une définition, alors la voici. Il
n'en reste pas moins que d'oeuvre théâtrale multimédia
à création artistique pour le web, ces considérations de
vocabulaire sont noyées dans ma tentative à faire émerger
la mécanique profonde qui unit l'espace réel à l'espace
virtuel.
6/ Est-ce pour vous une oeuvre aboutie?
Dès qu'elle fût réalisée, la mise
ne scène de CN / CB n'a pas été
considérée comme une oeuvre aboutie. Elle a été
l'élément déclencheur d'une nouvelle façon
d'envisager nos créations. Notamment, elle nous a immédiatement
amenés à la nécessité de penser nos
créations pour des spectateurs et des internautes
simultanément.
Concernant plus précisément CN / CB,
la dimension de parcours à plusieurs entrées, induit par le
mini-site web dans lequel l'internaute surfe pendant qu'il visionne la
création, me semble une piste à développer plus avant. La
réflexion reste donc ouverte.
7/ CN / CB aura-t-il une suite?
CN / CB a été créée en
2001. Les projets que j'ai initiés avec d'autres artistes n'en
constituent pas une suite. J'ai très vite pensé à une
évolution ultérieure qui se réalisera vraisemblablement
sans en être une suite directe. Elle sera conçue pour une
scène réelle et virtuelle simultanément et jouera sur la
double vision du spectateur et de l'internaute et notamment sur l'amputation de
la réalité par le filtre du cadrage vidéo, pour une autre
vision de la réalité sur la page web.
2. L'éclatement spatio-temporel de la scène
au
travers de l'exemple de la série des « BALS
»
Cette expérience fut la suite d'une recherche
débutée dès 1999 dans la première expérience
d'e-toile, Choré-carré 1 (Voir annexes 5 A, page V).
Elle fut réalisée au théâtre Le Maillon de
Strasbourg. Cette première expérience était exclusivement
présentée en direct sur Internet. Depuis la grande scène
du Maillon, des danseurs répondaient à des propositions simples
envoyées ponctuellement par des internautes choisis au hasard toutes les
trois minutes. Un alphabet de dix lettres correspondant chacune à un
développement chorégraphique précis était mis
à la disposition des internautes. (Voir annexes 5 B, page VI )
Dans l'exemple des Bals, contrairement à
Choré-carré 1 ou Côté noir /
Côté blanc, un public était présent
face à l'expérience, dans un dispositif frontal classique et dans
un même temps des vues choisies de la captation du spectacle
étaient proposées sur Internet. Les Internautes avaient donc, par
une fenêtre vidéo dans la page web, accès à des
éléments choisis par le réalisateur du direct de la
scène et avaient ponctuellement la possibilité d'adresser des
propositions chorégraphiques préétablies aux
danseurs104.
104 Cf. supra, 2b) « Le type
d'interactivité choisi », p. 53.
105 voir biographie Cécile Huet et Louis Ziegler, annexes
13, page XLIX.
Cette captation était issue de différents
points de vues de caméra disposées sur, à
côté ou au-dessus de la scène.
Un réalisateur effectuait en direct le mixage des
images adressées aux internautes. Un système interactif
permettait aux internautes d'agir / réagir sur la chorégraphie en
train de se dérouler face au public dans le théâtre.
La première série des Bals comporte
six spectacles. Bal 1 eu lieu le 15 novembre 2002 au
théâtre du Marché aux Grains. Bal 2 se
déroula le 13 décembre 2002 à Rheinmunster (Allemagne),
Bal 3, 4 et 5 furent présentés les 29
décembre 2002, 17 janvier et 13 février 2003 au
théâtre du Marché aux Grains. Bal 6 fut
présenté face à un public et dans un même temps ce
spectacle fut réalisé avec un dispositif intranet (et non
Internet comme les cinq Bals précédents. Bal 6
fut présenté à l'Université Marc Bloch de
Strasbourg 13 mars 2003 (Voir photos annexes 9, pages XXX jusqu'à XXXVII
pour tout les Bals).
La direction artistique du projet fut assurée par
Cécile Huet et la direction chorégraphique par Louis
Ziegler105.
a) Dispositif scénique / web, entrecroisement de
scènes. Des planches au pixel : correspondances.
Dans cette série de créations, e-toile
se pose la question de l'utilisation de l'outil Internet dans la construction
d'un spectacle présenté sur Internet et face à un public.
Internet comme outil dramaturgique. C'est le levier réseau qui est mis
en question ici. e-toile adapte le questionnement de la
représentation à un nouvel outil, un nouvel espace de
création. C'est bien là que se situe le point aveugle d'Internet,
tel qu'etoile l'utilise. Il est à la fois question d'outil et
d'espace de création. Expliquons-nous plus précisément :
considérer Internet comme un outil, tel que le groupe de recherche et de
création e-toile l'utilise dans ses créations, c'est lui
donner une part importante dans la construction dramaturgique ou
chorégraphique. Du point de vue de l'émission, de la transmission
et de la réception, il fait appel aux spécificités du
réseau web et de l'outil informatique. La page web permet l'utilisation
d'images, de vidéo, de sons, de textes, de liens hypertextes à
partir desquels la lecture de la création proposée se fait
à plusieurs entrées. L'espace de création est cette
page
web, accessible aux internautes, avec lesquels elle
entretient une relation intime, de l'ordre de celle qui relie le lecteur
à son livre. L'internaute est seul devant son écran,
l'équipe de réalisation artistique est seule dans le studio de
réalisation, dans le cas de spectacles conçus exclusivement pour
le web. Dans le cas des Bals, l'équipe technique
(régisseur lumière, son, streaming, réalisateur
vidéo) était à vue, sur le plateau. Les spectateurs dans
le théâtre avaient accès au dispositif technique.
Finalement, pour le spectateur-net, de quoi s'agit-il ? D'une
scène sans en être une, avec des danseurs présents sans
être là, avec des spectateurs ailleurs, les internautes. «
Imaginons une scène à distance, qui (...) s'adresserait à
nous depuis l'ailleurs, un ailleurs physique autant que symbolique
»106 . Dans le cas présent, celui des Bals, le
problème est plus complexe que pour l'expérience
étudiée précédemment. En effet, les Bals
étaient présentés sur une scène réelle, face
à des spectateurs présents ici et maintenant en même temps
que sur Internet. Que se passait-il concrètement ?
Sur la scène de multiples caméras captaient la
chorégraphie en action. Certaines de ces caméras étaient
fixes, d'autres étaient rendues mobiles par un cadreur, certaines
étaient au plafond, d'autres encore dans le fond de scène
filmaient le point de vue inverse de celui du spectateur dans le
théâtre (voir annexes 9G, page XXXVII). Des écrans
disposés sur la scène présentaient aux spectateurs
présents les prises de vues des caméras. Un réalisateur
vidéo faisait un choix parmi elles et envoyait son mixage sur la «
scène-net ». Certains plans choisis par le réalisateur
pouvaient être des gros plans, des vues prises du plafond
(plongées), des parcelles de corps des danseurs, des fondus entre deux
caméras etc... Les spectateurs in-situ et les spectateurs-net avaient
donc deux visions très différentes d'un même spectacle. Il
faut noter, de plus, que le spectateur-web pouvait avoir ponctuellement la
possibilité d'adresser des propositions chorégraphiques qui
étaient transmises aux danseurs. Ces propositions venaient orienter le
développement de la chorégraphie. L'interface de la série
Bals, bien qu `elle ait évolué d'un spectacle à
l'autre, est restée sensiblement la même dans son fonctionnement.
Le spectateur-net avait face à lui, sur son écran d'ordinateur,
une page web dans laquelle une fenêtre vidéo d'environ huit
centimètres sur dix retransmettait la réalisation de
l'opérateur vidéo. Le cyberspectateur avait ainsi accès
à une lecture de l'oeuvre qui par ailleurs était
présentée
106 Cécile Huet, Faust I et II, quel
théâtre, pour quel monde ?, Mémoire de DEA, sous la
direction de Mme Marie-Madeleine Mervant-Roux et M. Jean-François
Peyret, Université Paris III, p. 89.
face à un « public réel », dans le
théâtre. L'Internaute n'avait, bien entendu, pas la
possibilité de « toucher » cette réalité. Il
avait en revanche une autre possibilité. Il était offert aux
Internautes connectés pour le spectacle d'agir directement sur la
chorégraphie qui se déroulait dans le théâtre.
L'interface du spectacle, sur le web, proposait à un Internaute
sélectionné aléatoirement toutes les x minutes parmi ceux
connectés, de choisir un élément proposé par
l'interface (Voir annexes 9 G, page XXXVII). Cet élément, le plus
souvent un mot ou une expression comme « solo » ou « haïku
», était transmis au danseur par des projections
scénographiées (nous l'avons vu en préambule de ce point
sur les Bals). Les danseurs avaient travaillés en amont du
spectacle des développements chorégraphiques qui correspondaient
aux mots ou groupes de mots. Ainsi donc, le web-spectacteur, à partir de
la grammaire et de l'orthographe mise à sa disposition au travers de ces
mots conversait, d'une certaine façon, avec les danseurs qui lui
répondaient par leurs propres formes corporelles
pré-déterminées, sorte d'alphabet corporel. Il s'agissait
donc, de part et d'autre de l'écran de s'écouter et d'avancer
ensemble dans la création. Ce qui intéresse e-toile, ici
plus précisément, c'est le fait qu'un « ailleurs de la
scène », par le truchement du levier réseau, ait des
incidences physiques sur le spectacle, tant actuel que virtuel. Il est
intéressant, de plus, de noter que ces propositions de l'ailleurs
(levier) étaient la résultante d'une vue parcellaire du
spectacle, et de plus, d'une vue filtrée par le regard du
réalisateur. Le choix des Internautes n'était-il pas d'une
certaine manière induit par tous les filtres par lesquels passait le
spectacle avant de lui être offert ? Que penser alors de ces propositions
aux danseurs ? Elles avaient des répercussions sur la scène
réelle mais c'est depuis la scène virtuelle qu'elles
étaient adressées. Sans cesse les scènes
s'entrechoquaient, s'entremêlaient.
Les spectateurs dans le théâtre voyaient donc
sous leurs yeux se développer un spectacle dont les choix de
développement étaient effectués par des « habitants
de l'ailleurs » non présents dans leur temps et leur lieu. Les
spectateurs du théâtre étaient informés par des
projections des mots ou termes choisis par le cyberspectateur. Ces projections
de propositions étaient bien entendues scénographiées et
intégrées au spectacle107 avant d'être
récupérées par les danseurs pour être
dansées. Pour Bal 6, les propositions et « chat » des
internautes étaient
107 Voir annexes 9 D et 9 F, pages XXXIV et XXXVI
« poétisées » et lues par une
comédienne présente sur le plateau108 au fur et
à mesure que les propositions arrivaient sur l'ordinateur face à
elle.
Le levier réseau joue dans ces créations un
vrai et important rôle de pont entre deux réalités. La
scène est, ici de façon évidente, un lieu de l'espace de
communication. C'est du moins l'une des volontés d'e-toile dans
ce type de création.
La (les) scène (s) telle (s) que l' (les) utilise
e-toile dans les Bals comme espace de communication nous ouvre (ent)
un territoire d'investigation large et c'est par les questions soulevées
que nous conclurons ce point de notre travail en élargissant au levier
technologique sur la scène d'e-toile.
La scène, au regard de l'expérience des
Bals, est clairement l'espace de communication entre
l'ailleurs et les spectateurs, la cité. Le théâtre
est un média, comme Internet en est un. Si Internet sonne, avec
évidence, à nos oreilles comme étant un média de
communication, le théâtre en est un aussi. Penser à faire
du théâtre pour Internet ou pour une scène, c'est penser
à transmettre quelque chose, du sens, de l'émotion, etc. Ce peut
être la même chose, mais la façon dont elle est dite est
différente, elle est adaptée au média utilisé. Sur
Internet, la réception est solitaire. L'internaute entretient une
relation intime et active avec l'écran de son ordinateur, dans le sens
où il peut directement agir sur l'écran (selon la création
proposée). Cette page web est une scène à part
entière. Elle est extraite de la scène réelle sur
laquelle les danseurs se trouvent par captation vidéo. Celle-ci n'est
pas une simple retransmission mais le résultat du choix d'un cadrage.
Les danseurs jouent pour cette scène, qu'ils ne voient pas, ils jouent
avec sa spécificité : l'ouverture d'une fenêtre
vidéo dans la page web et sa mise en relation avec cette page.
C'est-à-dire avec l'intimité créée par la «
proximité » de l'internaute face à son écran, avec
les animations de la page, son graphisme, la possibilité
d'interactivité etc. Ils appartiennent à la dramaturgie et sont
les acteurs d'une scène à l'autre.
b) Le mode d'interactivité choisi
108 Voir annexes 9 F, page XXXVI.
Dans la série des Bals, comme pour toutes
leurs créations, e-toile conçoit avec attention
l'interface et le rôle de l'interactivité dans le
développement de son spectacle afin de rendre celle-ci la plus
pertinente. Il est évident pour l'équipe d'etoile que «
(...) l'interface ne peut être imaginée après-coup, elle
constitue l'enjeu même de l'oeuvre, elle devient la clef de l'ensemble du
dispositif dans lequel elle est impliquée »109 .
Pour l'exemple des Bals, si nous reprenons le
schéma sur l'interactivité employé dans l'étude de
Côté noir / Côté blanc,110 nous
pouvons dire que l'interactivité est :
· Réelle, ou plus précisément
semi-réelle : le dispositif se place entre deux personnes
(généralement situées en deux points
géographiquement éloignés, l'une de l'autre) qui
interagissent l'une sur l'autre. Dans le cas des Bals, il est plus
juste de parler de semi-réalité de l'interactivité car
l'interactivité n'a lieu physiquement que dans le sens internaute /
danseur. L'internaute n'agit pas simplement sur un programme, mais par le
programme sur les danseurs. La réciprocité n'a, dans les
Bals, pas lieu bien qu'il soit probable que le développement
chorégraphique influence quelque peu dans ses choix l'internaute qui en
reçoit la vidéo. e-toile a, par ailleurs, mené
des expériences de ce type (Cf. le site d'e-toile :
www.e-toiler.com).
· Fonctionnelles : L'internaute a la possibilité,
en s'appuyant sur le système mis en place par l'équipe
artistique, de manipuler l'oeuvre ou tout au moins de proposer à
l'adresse du vivant (danseurs) de la scène des propositions de
développement.
· Hétéronome : Les lois de
l'interactivité du spectacle sont fixées
précisément par l'équipe d'e-toile bien en amont
du spectacle présenté face au public et aux internautes.
109 Duguet Anne-Marie, Déjouer l'image,
créations électroniques et numériques, coll.
Critiques d'art, Editions Jacqueline Chambon, 2002, p. 116.
110 Cf supra p. 54.
· Hexogène : L'interactivité est au
centre d'un rapport étroit entre les spectateurs-net et les danseurs.
D'une certaine façon le cyber-spectateur entre en interaction avec
l'image et ses composantes en temps réel.
Dans ce point sur l'interactivité, outre le type
d'interactivité en question dans cette série de spectacle, une
question essentielle se dégage : quelle est la place de l'internaute ?
Il est, chez lui, face à un écran d'ordinateur et assiste
à un événement présenté physiquement
ailleurs dans lequel il pourra être amené à intervenir. De
plus, pour les derniers Bals, il aura la possibilité de
commenter son intervention par un système de « chat ». Son
statut n'est plus celui d'un spectateur au sens commun du terme, c'est à
dire « une personne qui est [le] témoin oculaire d'un
événement »111, mais plutôt d'un «
spectacteur »112. Des choix multiples lui sont offerts, nous
l'avons vu, et de ces choix que l'interface lui propose la communauté de
« spectacteurs » va mettre en place, dans un système de
cadavres exquis chorégraphiques, un spectacle dont le pilier
dramaturgique est le levier réseau. Ce système
d'interactivité a, dans la série des Bals, une
répercussion scénique première. Il s'agit du travail
même des danseurs. L'aléatoire des propositions adressées
par les internautes détermine le mode chorégraphique. La danse
d'improvisation est alors apparue à e-toile comme une réponse
appropriée à ce mode d'(inter)actions. Le chorégraphe
Louis Ziegler était alors tout indiqué pour prendre en charge la
direction chorégraphique des Bals. Comment ce mode de travail
chorégraphique a-t-il été mis en place pour
répondre aux propositions des spectateurs-net ? L'interaction
venait-elle bousculer l'espace artistique personnel du danseur ? Enfin,
l'improvisation chorégraphique a-t-elle été une
réponse satisfaisante à l'utilisation du levier réseau
dans les Bals ?
Autant de questions auxquelles nous tâcherons de
répondre pour conclure ce point sur l'interactivité dans les
Bals. En effet, comme dans tous les projets d'e-toile la part
technique et la part artistique sont, comme pour l'interface, nous l'avons vu,
étroitement liées. Première question donc :
111 « Spectateur », in Le nouveau petit Larousse
grand format en couleur, Larousse, Bordas, 1998.
112 Cf Weissberg Jean-Louis, Présences à
distance, Edition l'Harmattan, 1999, pp 57-58.
Comment ce mode de travail chorégraphique a-t-il
été mis en place pour répondre aux propositions des
spectateurs-net ?
Les danseurs ont travaillé, en préparation du
spectacle, sur les mots et expressions qui étaient proposés par
l'interface aux internautes. Ils constituaient ainsi un « alphabet
corporel » qui servit de base à l'élaboration des cadavres
exquis chorégraphiques. A partir de ces éléments
chorégraphiques repérés, ils développaient des
formes artistiques souples qui leur permettaient d'avoir une
réactivité importante aux propositions des spectateurs-net. Il
était, par exemple, une forme appelée, « solo » qui
voyait un danseur seul sur les scènes, réelle et virtuelle,
présenter une forme chorégraphique. Pendant ce temps les autres
danseurs, hors champ de la caméra et dans l'ombre de la scène,
restaient en observation et en attente de la prochaine proposition d'internaute
pour intervenir et venir prolonger, en la faisant évoluer, la
chorégraphie déjà en cours. Après « solo
» donc pouvait, par exemple, être proposé «
répertoire » aux danseurs. Quelques danseurs entraient donc sur
scène et face aux caméras et à partir du solo de l'un
d'entre eux, ils entraînaient la chorégraphie, en
développement, vers un élément de leur répertoire
commun qu'ils avaient mis en place en amont.
La troupe du Grand Leu, de Louis Ziegler, travaille
depuis des années sur le mode de l'improvisation utilisé dans les
Bals. La nouveauté et la difficulté, pour elle, fut de
réagir à des propositions émanant d'un ailleurs de la
scène. La réponse à une absence, ainsi que la conscience
des caméras fut une des importantes parties du travail des danseurs dans
les Bals qui, selon le propre aveux du metteur en scène
Cécile Huet et du chorégraphe, restent encore à creuser
pour aller plus loin dans la conscience de l'image, de son potentiel et de ses
limites. Louis Ziegler nous dit à propos de cette expérience dans
un entretien de juillet 2003 réalisé par nos soins : « Cela
ouvre des possibilités extraordinaires : on danse en fixant la
caméra du haut ou en tournant le dos au public. Ce sont de nouveaux
points de repère. On le ressent dans la salle mais aussi sur
l'écran d'ordinateur. Car même si le spectacle perd son aspect
tridimensionnel, l'internaute assiste à un dépaysement complet.
Les danseurs jouent à entrer et sortir de son champ de vision »,
L'interaction venait-elle bousculer l'espace artistique
personnel du danseur ?
Le danseur « pris » dans le développement
d'une forme proposée a besoin de temps pour « entrer » dans la
forme. Lorsque, toutes les x minutes (le temps était défini
aléatoirement par l'ordinateur dans une duré comprise entre une
à trois minutes), une autre proposition était faite, par
l'internaute, le danseur se retrouvait dans le besoin de changer d'état
mental et physique pour répondre à cette autre forme. Son espace
mental (et physique) pouvait se voir bousculé, voire violé, par
cette nouvelle proposition d'un spectateur absent, invisible, qui pouvait
parfois lui sembler omnipotent, omniscient à l'image du Big
Brother d'Orwell113. En effet, le danseur pouvait ne pas avoir
envie d'interrompre son développement chorégraphique pour en
intégrer un autre au moment choisi par le spectateur-net. Le «
spectacteur » pouvait sembler alors, au danseur, être un censeur, ou
lui donner l'impression d'avoir un contrôle trop grand de ses faits et
gestes. e-toile insista beaucoup auprès des danseurs pour
qu'ils trouvent leur liberté d'action dans leur for intérieur. La
contrainte apparente de l'interactivité proposée aux internautes
ne devait pas être un frein à l'expression des danseurs mais un
tremplin à leurs imaginaires. C`est sur cette base que les artistes des
Bals ont travaillés pour intégrer l'interaction du
cyber-spectateur au développement artistique sans que la
sensibilité du danseur soit violemment heurtée par la sensation
d'être manipulé.
L'improvisation chorégraphique a-t-elle été
une réponse satisfaisante à l'utilisation du levier réseau
dans les Bals ?
L'improvisation n'a pas besoin d'une écriture
linéaire. Cela en fait un type d'expression privilégiée
lorsque l'interactivité entre dans la composition d'un spectacle. La
souplesse de jeu, la réactivité permise par l'improvisation en
font une réponse artistique adaptée à l'utilisation de
l'interactivité. Sa faiblesse est peut-être, parfois, le manque de
cohérence et d'unité artistique sur la longueur d'un spectacle.
L'équipe d'e-toile semble rester vigilante à ce que le
spectacle conserve une cohérence artistique qui propose aux spectateurs,
in-situ et sur Internet, un voyage des sens. C'est surtout et logiquement
à la fin de la série des Bals, prévue à
cet effet,
113 George Orwell, 1984, Collection Folio, Gallimard,
2002
que l'artistique, la technique et le concept se
rencontrèrent et formèrent un ensemble cohérent vivant /
technologie, actuel / virtuel.
Il importe, enfin, de souligner l'importance pour le
cyber-spectateur, dans les Bals, de l'interactivité. Pourquoi
ce désir d'interaction dans un projet comme celui-ci ?
Ce désir d'interactivité avec l'oeuvre nous
semble avoir une explication, qui pour le cas de l'utilisation de l'outil
réseau est fort troublante. Nous conclurons ce point sur
l'interactivité par cette réflexion :
Jean Dubuffet, artiste majeur d'après la seconde guerre
mondiale a probablement pressenti l'évolution de notre
société lorsqu'il a dit :
« Il n'y aura plus de regardeur dans ma cité,
plus rien que des acteurs. » Ce à quoi il nous semble possible
de répondre :
« L'art vivant ne s'offrirait plus à la seule
contemplation passive du spectateur mais viserait à déclencher
chez celui-ci une reconnaissance plus viscérale de l'esthétique
propre au corps en mouvement. » 114
On pourrait penser à priori le contraire, que
saturés d'images nous sommes dans une société de
regardeurs, voire de voyeurs, mais passifs, cantonnés derrière un
écran. Pourtant, si l'on y regarde de plus près, on se range
très vite du côté de la phrase de Dubuffet. Il faut se
sentir vivant : interagir est nécessaire. L'interaction serait l'action
nécessaire qui nous démontre notre existence, le «
prière de toucher » de Marcel Duchamp.«
Prière de toucher » ; n'est-ce pas une réaction
contre les prémisses de la société de fantasmes dans
laquelle nous vivons aujourd'hui ? N'estce pas une réaction à
cette carence de palpable, dans une société de l'intangible, de
l'à-côté?
Nous avons abordé avec l'exemple d'e-toile deux types
d'interactivité, celle qui conduit à une réaction de
l'équipe artistique et une remise en question du déroulement de
l'expérience qui n'est pas prévu à l'avance, d'une part
(Bals), celle qui conduit à la réaction du dispositif
technique lui-même, d'autre part (Côté noir /
Côté blanc), et permet à l'internaute de faire son
propre chemin dans la dramaturgie. Dans un cas comme dans l'autre,
l'interactivité est outil qui transforme la relation de
114 Sally Jane Norman, « Nouvelles scénographies
du regard ou scénographie du nouveau regard » in Debray
Régis (coordonné par), Cahier de médiologie 1, La
querelle du spectacle, Gallimard, 1996, p. 94
l'internaute à la barrière de l'écran. Il
n'est plus passif, il est en attente de ce qui va arriver. Il est actif. Pour
aller où ?
C) Le « chat » : voir, proposer, commenter,
apprécier ?
« 1 > bonjour
217 > silencieux et troublé
3 > troublant certainement... »115
Les trois phrases ci-dessus sont les trois premières
phrases du « chat » du spectacle Bal 5. Dans cet exemple
trois spectateurs-net sont intervenus. Ces trois spectateurs ainsi que tous les
autres connectés au spectacle avaient la possibilité d'envoyer
ponctuellement des propositions aux danseurs, nous l'avons vu, mais aussi de
commenter leur choix (voir annexes 10, 11, 12, pages XXXVII à XLVII).
Ces commentaires étaient intégrés au développement
de l'événement. Les danseurs s'en emparaient et jouaient avec. Le
chat était là pour « colorer » les propositions faites
par les spectateurs-web. L'internaute voyait donc dans la fenêtre
vidéo de la page web comme dans une lorgnette pointée sur le
spectacle. A partir de cette vision, il pouvait être amené
à proposer des orientations chorégraphiques, ou de lumière
ou encore de cadrage. Il devait ensuite, s'il le désirait commenter son
choix, ses sensations, ses impressions, etc. Il était donc actif et
fortement sollicité voire, peut- être, sur-sollicité. En
effet, il semble difficile d'accomplir toutes les actions demandées en
pleine conscience de cause et, de plus, apprécier un spectacle. Soit le
spectateur-web tente de saisir le fond et les répercussions de son
action et il nous paraît difficile qu'il puisse alors apprécier
réellement l'intérêt plastique et artistique du spectacle.
Il peut alors avoir la sensation de se retrouver face à un projet
informatique expérimental parfois complexe et rébarbatif et rate
donc les enjeux profonds du projet. Soit il délaisse la part
conceptuelle pour se concentrer sur le jeu mis en place, la beauté des
images et, dans ce cas, toutes les interrogations que pose e-toile sur
l'utilisation du médium Internet au spectacle risquent de ne pas le
toucher.
115 Extrait du chat de Bal 5, Cf. Annexes 12,
page XLIV.
3. Problématiques posées par l'utilisation
du levier
« réseau informatique » à des fins
spectaculaires.
L'élargissement.
La rupture des limites traditionnelles en ce qui concerne les
concepts de : « Public », « Spectacle », « Metteur en
scène ».
a. Proposition de définition traditionnelle d'un
public de spectacle théâtral ou chorégraphique et sa
transformation au spectacle présenté sur le réseau :
Des gens assis ou disposés à l'intérieur
d'une salle de théâtre ou d'un espace délimité :
- Soit par des conditions architectoniques (On prend ici en
compte les spectacles développés dans d'autres espaces non
théâtraux, tel que hangars, parking, etc...)
- Soit par les limites propres à la vision ainsi
qu'à l'écoute du spectacle réalisé [sur
scène ou l'espace dédié à la représentation
de la fiction]. (Les spectacles de rue, ou /et en plein air, ont pour limites
les possibilités physiques des spectateurs pour entendre et voir le
spectacle).
Dans des spectacles et expériences en réseau,
il est nécessaire d'élargir le concept de « public ».
Appliqué aux spectacles utilisant le réseau Internet cette
définition se transforme. Le public demeure l'ensemble des gens qui
peuvent entendre et voir le spectacle. Cependant, cet ensemble n'a plus besoin,
pour les spectacles présentés exclusivement sur le
réseau116, d'être rassemblé au même
endroit. Les données « temporelles » reste sensiblement les
mêmes : le public doit entendre et voir le spectacle sur son écran
d'ordinateur (dans le cas d'expériences sur le réseau Internet)
pendant la durée « live » du spectacle. Si l'on y regarde de
plus près, il apparaît que le coefficient temporel de vision et
d'écoute du spectacle sur la « scène web » varie en
fonction de la puissance des ordinateurs qui reçoivent la vidéo,
mais aussi en fonction de l'encombrement du réseau. La
possibilité d'être spectateur tout
116 Voir à ce sujet les expériences du groupe de
recherche et de création e-toile sur
www.e-toiler.com
en restant éloigné des réactions
d'autres spectateurs souligne la solitude de l'individu et renforce son
sentiment de perception individuelle face au spectacle.
La solitude des spectateurs devant un spectacle
présenté exclusivement sur Internet élargit les
possibilités de réaction des spectateurs. La « ceinture
» de règles sociales largement acceptées à
l'intérieur des salles de spectacles (XX-XXI ème siècles.)
comme par exemple ne pas commenter à haute voix, ne pas boire, ne pas
manger, ne pas exprimer de façon excessive et trop expressive le
mécontentement, l'ennui, la fascination, la joie... bref, garder, dans
son statut de spectateur, toutes les attitudes de respect d'autrui qui
permettent d'assister à un spectacle dans les meilleures conditions.
Ces lois nous semblent exister seulement à
l'intérieur d'une salle. (Dans la rue ou dans des spectacles en plein
air les carcans de la conventions, bien que moins rigides, n'en restent pas
moins présents).
Le public du Net compte avec son intimité et sa
liberté d'expression. Toutes les lois énumérées
ci-dessus semblent, dans le cadre d'un spectacle présenté et/ou
vu exclusivement sur Internet, caduques.
Il est important de noter que les spectateurs sur Internet
sont dans l'absolue ignorance de la réaction des autres spectateurs.
L'absence de « retour »117 de l'ensemble des
spectateurs-net, laisse les acteurs et les spectateurs dans un silence tant
physique que sensible qui peut s'avérer être angoissant.
L'interactivité peut parfois permettre, outre le sentiment
d'échange avec la scène-web, de connaître les choix de
certains spectateurs lorsqu'ils déterminent une action sur la page web
à laquelle tous les autres Internautes peuvent assister. Cela n'est
certainement pas suffisant pour ressentir l'impression physique et psychique du
spectateur-net. Le groupe de recherche et de création e-toile a
néanmoins, dans ce sens, proposé dans certaines de ses
créations (nous l'avons vu avec la série des Bals) un
système de « Chat » qui permettait à l'internaute de
commenter le choix qu'il venait de faire et d'envoyer aux artistes. Ce
commentaire était visible à tous les autres Internautes et aux
spectateurs dans le théâtre118. Pour l'acteur : comment
ressentir une « salleInternet » ? Pour le spectateur : quelle est la
réaction des autres spectateurs ?
117 Ici « retour » est employé comme en
musique. Les chanteurs et les musiciens ont en « live » des enceintes
personnelle qui leur donne leur « retour ».
118 Cf. supra pages 61. 62.
Il semble difficile de sentir la réaction «
collective » du public-net. Il faut néanmoins noter quelques
expériences à cet égard fort intéressantes. L'une
d'elles en particulier nous semble éloquente pour illustrer une esquisse
de contre-exemple de l'idée que nous venons de développer plus
haut.
e-toile présenta les 28, 29, 30 novembre 2000 Le
Martyre119 . Il s'agissait de l'adaptation d'un mystère
inédit du XV ème siècle. Sans s'attarder sur la mise en
scène et l'histoire mise en jeu ici qui est celle du martyre de Saint
Etienne, premier martyre chrétien, nous allons nous attacher plus
particulièrement au système d'interactivité utilisé
pour ce spectacle. Ce système, par une interface très simple,
permit au comédien sur le plateau ainsi qu'aux internautes
connectés durant le spectacle de connaître les humeurs du groupe
d'Internautes- spectateurs.
Concrètement, sur la page Internet était
disposée une « fenêtre » d'environ 10 cm sur 12 dans
laquelle était diffusée la vidéo filmée en direct
du spectacle (visible exclusivement pour Internet, construit et pensé
pour ce support).
Sous cette « fenêtre », ouverte sur le
spectacle, étaient placés trois boutons de couleurs
différentes qui représentaient l'humeur et l'avis du
spectateur-web en réaction au message (de tolérance) que St
Etienne voulait faire passer. Trois boutons pour trois humeurs :
Le bleu pour l'accord avec les propos et le soutien
d'Etienne.
Le vert pour la neutralité vis à vis de Etienne,
ce qui lui arrive et ce qu'il dit.
Le rouge pour le désaccord et d'une certaine
façon lui « jeter des pierres virtuelles ». Chaque Internaute
parmi tous ceux connectés pouvaient donner son avis en cliquant sur l'un
de ces boutons trois fois par acte. La pièce comprenant trois actes
l'Internaute pouvait « voter » neuf fois au total. Le choix de
restreindre le nombre de vote par Internaute marquait la volonté
d'éviter le « clic frénétique » qui aurait
faussé une grande partie de l'intérêt de
l'interactivité proposée. En effet, ces votes apparaissaient dans
le temps du spectacle sous forme de pourcentage (x % de bleu, y % de vert et z
% de rouge) sur un écran informatique face au régisseur
lumière120.
Celui-ci faisait varier l'intensité et la couleur de
la lumière sur le plateau en fonction du vote des Internautes et donnait
de ce fait des indications d'atmosphères au comédien.
119 Le Martyre , adapté et mis en scène
par Yannick Bressan. « Streamé » en direct depuis « La
Fabrique de théâtre » de Strasbourg. Production
e-toile, 2000, Cf. annexes 6, page VII.
120 Voir annexes 6, page VII.
Il est à noter qu'en aucun cas les Internautes
n'influaient sur ce qui était dit, mais sur l'atmosphère
(lumineuse) autour d'Etienne et donc, le comédien connaissant les codes
de couleurs, sur sa façon de jouer, de donner le texte.
Il est évident que si les propos d'Etienne
remportaient une forte approbation (atmosphère plutôt vert), le
comédien jouait différemment (le même texte) que si il
avait « face à lui » une foule hostile (atmosphère
à dominante rouge).
On voit bien, ici, combien l'attitude du spectateur
derrière son écran pouvait avoir des répercussions fortes
dans le spectacle pour le comédien ainsi que pour les autres spectateurs
(Ce système est finalement une adaptation contemporaine assez proche de
l'atmosphère participative du public des mystères
médiévaux).
Cet exemple reste aujourd'hui encore un exemple relativement peu
courant de théâtre interactif en direct sur Internet.
L'individualisme, la solitude, l'absence de lois sociales
(hormis celles de la sphère privée) définissent l'attitude
d'un spectateur-Internaute, de plus, l'ignorance des réactions des
autres spectateurs nous semble définir (délimiter) un nouveau
public. Ce public nouveau, plutôt éclaté, ne trouve plus
dans sa présence au spectacle théâtral des
expériences de collectivité, d'association, de rassemblement en
un lieu et en un temps identique, de complicité, de synchronisation,
d'empathie... L'éclatement géographique du spectacle
(public/scène) par l'utilisation du réseau Internet
délimite de nouveaux codes spectaculaires et nous donne une nouvelle
définition du « spectateur de théâtre ».
b. Le « spectacle de théâtre ».
Nous ne prenons pas l'inextricable et délicate
tâche de délimiter cette expression.. Nous souhaitons juste, ici,
peindre une approche de ses caractéristiques.
Les spectacles de théâtre, sont construits
principalement par les comédiens (en pensant à tous les autres
rôles : metteur en scène, scénographe, costumier,
régisseur lumière, régisseur son, régisseur
vidéo, Ingénieurs informatiques, compositeurs, musiciens, etc.)
qui restent peu visibles aux spectateurs sauf exceptions notables (Kantor,
dispositif technique apparent dans certains spectacles utilisant les nouvelles
technologies, mais aussi les musiciens dans les spectacles
traditionnels...).
Les spectacles évoluent d'une représentation
à l'autre par (entre autres raisons) l'influence que le public a sur les
comédiens. Il nous apparaît, au regard des métiers du
spectacle, que l'on peut généralement classer le public en lui
attribuant certains qualificatifs tels, par exemple, chaleureux, froid, dur,
difficile, bon...
Les rires, les larmes, les souffles retenus ou pas, les
soupirs, les silences gênés, l'inquiétude, l'engagement,
l'ennui, etc., toutes les expressions des émotions ressenties par les
spectateurs façonnent une ambiance qui constitue le contexte direct
(live) d'un spectacle. Etant donné la « disparition » du
contexte de « prise directe » avec le réel dans le cas des
spectacles sur Internet, les comédiens, tout comme les spectateurs sur
Internet, sont dans une condition similaire à savoir :
- La solitude.
- L'ignorance de la réaction des (d'autres)
spectateurs (de la moitié du public dans le cas de spectacles
présentés dans un même temps sur le Web et sur une «
scène classique »).
- Les regards absents de gens qui n'ont aucun moyen sensible
pour construire une synchronisation ou une expérience collective
physique ou encore, une empathie, avec les comédiens. Cependant, au
moyen de certains dispositifs, il semble possible de reconstruire un type de
synchronisation121 ou une « espèce de
collectivité ».
Dans les spectacles sur la « scène web »
où l'interactivité entre en jeu, le choix du «
spectateur-net » souligne le caractère individuel du public / des
composantes du public et laisse entre guillemets la donnée «
collectivité » qui, dans ce cadre là, est virtuelle. Qu'est
donc une collectivité dont les membres ne se connaissent pas
(sensiblement, physiquement) et ne partage pas le même lieu physique
d'existence en un temps donné ? Les termes « spectacle » et
« public » sont interdépendants si l'on considère le
spectacle comme un événement artistique présenté
à un public et « public » est l'ensemble des gens qui arrive
à un endroit précis, dans un temps précis, pour voir et
entendre un spectacle.
Les changements de ce qui constitue l'essence même d'un
spectacle (à savoir « l'ici et maintenant ») nous
amènent forcément, par voie de conséquence, à
transformer la définition du public mais aussi de ses rôles devant
le spectacle. Il nous semble alors possible d'affirmer que : bien que les
concepts de « spectacle » et de « public »
121 Voir supra exemple le Martyre page 71
soient, dans le cas défini ci-dessus,
interdépendants, c'est la délimitation du spectacle qui change le
rôle du public et non l'inverse.
Voyons par exemple un spectacle conçu pour être vu
dans une salle et dans un même temps sur le net (comme pour les
Bals122) .
La délimitation du public et ses caractéristiques
changent en fonction du lieu de vision du spectacle :
Public salle
|
Public Internet
|
- Présent.
- Qui échange, exprime son (ses) émotion(s).
|
- Absent.
- Qui ne peut pas faire ressentir aux comédiens et aux
autres spectateurs ses
réactions/émotions.
|
|
- Définit (un certain nombre d'hommes et de femmes avec
âge, vêtements, visages définis).
- Qui respire, souffle, vit, mais qui à l'interdiction de
« parler ».
- Qui a l'impossibilité, sauf exception notable, de
communiquer avec la scène et les acteurs ou
|
- Inconnu / indéfini / défini selon un
système pré-établit (Cf. Infra Bals, P. 56)
- Qui vit son expérience comme
bon lui semble et peut communiquer avec son entourage proche et
personnel sans perturber le spectacle.
|
|
|
122 Voir supra, L'éclatement spatio-temporel de
la scène au travers de l'exemple de la série des BALS,
p. 59
danseurs (nous entendons ici interaction physique exclusivement.
L'interaction sensible n'étant, au théâtre, plus à
démontrer).
|
aléatoire ou définie par le metteur en
scène, de communiquer avec les comédiens ou danseurs et d'influer
sur le spectacle.
|
|
c. Le metteur en scène.
Donnons, dans un premier temps, ce qui nous semble être
la définition traditionnelle du metteur en scène : Une personne
qui est chargée de la conception intégrale du spectacle, garant
de l'unité artistique. Cette définition mériterait, bien
entendu, d'être complétée pour être exhaustive. Notre
propos n'est pas là. Nous souhaitons, ici, donner les grandes lignes du
travail du « metteur en scène classique » et les comparer au
travail du metteur en scène utilisant le levier réseau sur sa
scène. Néanmoins nous compléterons notre définition
du metteur en scène par celle donnée par le nouveau petit
Larousse grand format en couleur : « Personne qui, pendant les
répétitions d'une pièce, règle les mouvements de
chacun des acteurs, la disposition des décors, etc. »
Les moyens ou les disciplines qu'il a à sa disposition et
avec lesquelles il travaille sont :
- La scène (espace vide, en attente).
- Les comédiens (leur corps, leur voix, leurs
sensibilités, leurs capacités à être présent
sur une scène et à exprimer idées et émotions).
- La scénographie.
- L'éclairage.
- La musique (bande son, musiciens présent en « live
»).
Voyons à présent, au regard de l'utilisation de
l'outil (du levier) réseau sur la scène l'élargissement de
la définition du concept de « metteur en scène ».
Jusqu'à maintenant l'utilisation d'écrans
restait la plus part du temps dans les limites propres de la
scénographie. La substitution de caméras à l'oeil physique
du public entraîne, forcément, la transformation de la
définition du public ou de ses rôles devant le spectacle. Dans ce
cas-là (spectacle en réseau), l'écran (l'ordinateur)
devient la scène pour les spectateurs (Internautes),
mais pour les acteurs, c'est un changement plus complexe qui s'opère.
Pour eux, la scène reste le plateau au départ et devient un
écran à l'arrivée.
Mais où donc le metteur en scène, afin de penser
sa mise en scène, peut il situer le public ?
- Dans un « ailleurs » de la salle de
théâtre.
- Dans un « ailleurs » du face à face public /
plateau réel.
Ces deux points restaient le caractère essentiel de la
définition d'une réalisation d'un programme de
télévision123.
Jusqu'à maintenant on comprenait que «
réalisateur » et « metteur en scène »
étaient deux métiers clairement différenciés
notamment par l'absence / présence, mais aussi par la différence
temps / espace. Hors, c'est justement une des composantes de l'utilisation du
« levier réseau » sur une scène de spectacle :
l'ailleurs, dans un autre temps (hors lieu, hors temps) mais aussi le visible /
invisible. Les frontières « metteur en scène » / «
réalisateur » s'effritent et donnent, par l'utilisation du
réseau sur la scène ou par la conception de spectacles
exclusivement conçus pour le réseau, naissance à une autre
dimension du travail de metteur en scène : la conscience et le travail
d'un à côté de la scène, d'un ailleurs de la
scène,
existant conjointement à la réalité
scénique.
123 Pour les émissions de télévision
filmées en direct et en public il n'y a face à face public /
plateau qu'avec une partie du public alors qu'au théâtre la
totalité du public assiste à ce face à face.
Conclusion de la deuxième
partie Vers une mise en abîme de « l'ailleurs »
?
Pour Lepage ou e-toile, un désir majeur semble motiver
la création : représenter l'irreprésentable, rendre
visible l'invisible. Il est certain que pour chacun, avec ses outils et sa
sensibilité, « représenter c'est rendre présent
l'absent »124 et de rendre présent le présent
autrement. Ce désir d'accéder à cet « autre
côté de la scène », cet « ailleurs que le visible
» passe chez eux par l'utilisation de technologies. Cette utilisation ne
prime pas, nous l'avons vu, sur le sens et la poésie du spectacle. Dans
le cas de l'utilisation du levier vidéo sur le plateau la
présence de la « scène écran vidéo » ou
projection vidéo vient s'imbriquer avec des caractéristiques
spatio- temporelles (autre temps, autre lieu) dans le temps scénique de
la représentation. Le levier technologique en action sur la scène
vient bousculer l'espace temps scénique. Qu'il s'agisse de vidéo
ou du levier réseau, bien plus qu'avec tout autre levier, «
l'ailleurs » en présence (révélé) sur la
scène change de statut. Weissberg parle de « présence
à distance »125 . C'est là, peut-être, que
se cristallise la force et l'intérêt du «
théâtre d'image » aujourd'hui. Nous avons vu
précédemment que nous parlons, dans le cadre de l'utilisation
d'Internet, d'un acteur physiquement « ailleurs » que devant nos yeux
de spectateur-net, d'une scène intangible et pourtant là,
présente, à distance. Wiener, le cybernéticien, parlait
dans son livre Cybernétique et société du «
doublage informationnel d'un corps pour le télé-déplacer
(... )». Une anecdote de Wiener est, à ce titre, éclairante,
celle de la première expérience de réalité
virtuelle qui a été réalisée par la N.A.S.A
à la fin des années 70. Dans cette expérience, nous sommes
plus précisément dans la télé-robotique spatiale.
Les mouvements d'un opérateur au sol étaient
exécutés par son exo-squelette dans l'espace. Dans ce projet, on
note que la simulation interactive et le déplacement informationnel
étaient déjà très liés l'un à
l'autre, ils étaient interdépendants. La proposition de Wiener
nous laisse encore dans une vision réaliste. Aujourd'hui, la «
virtualisation » ne reproduit pas forcément à l'identique,
mais invente de nouveaux mondes, pour lesquels les codes de la
représentation sont redéfinis. L'emploi sur la scène de
tels outils ouvre sur cette dernière des « pans de
réalités » dont la force, le
124 Debray Régis, Vie et mort de l'image, coll.
Folio essais, Gallimard, 1997, p.49.
125 Cf. Weissberg Jean-Louis, Présences à
distance, Edition l'Harmattan, 1999.
trouble et la séduction se situent dans l'absence.
« L'ailleurs » du levier vidéo ou réseau ouvre une
béance de l'ici vers un ailleurs autre que celui du plateau.
Conclusion :
L'architecte Leon Battista Alberti, durant la Renaissance, dit
une phrase fort éclairante pour ce qui concerne notre « ailleurs
» que le réel :
« Il fait grand bien au fiévreux de voir des
peintures représentant fontaines, rivières et cascades. Si
quelqu'un, la nuit, ne peut trouver le sommeil, qu'il se mette à
contempler des sources et le sommeil viendra »126 . Il est
intéressant de rattacher cette phrase à notre propos. Il y a donc
une virtualité (peinture, image vidéo...) qui agit sur notre
réalité, qui a la faculté d'accéder à notre
actualité.
Est-ce le virtuel qui accède à notre réel
ou, comme nous l'avons vu dans les exemples étudiés plus haut,
nous qui plongeons dans le virtuel et nous laissons entraîner vers un
ailleurs dont la carte a été dessinée par un metteur en
scène ? C'est bien par et avec les leviers qu'il a à sa
disposition (utilise) que le metteur en scène ouvre un autre espace /
temps dans celui du spectacle.
Nous assistons donc, fréquemment, à des «
incursions » de l'ailleurs sur les scènes de spectacle.
Nous avons identifié trois espaces / temps du
spectacle dont la superposition conduit à la mise en abîme de la
scène. Cette mise en abîme peut se comprendre comme suit :
· L'espace / temps du spectateur : espace temps
déjà différent à celui de l'homme en dehors du
théâtre bien sûr, car dans une position d'attente /
réaction à un spectacle qui se déroule sous ses yeux. Ce
temps est le plus proche de la durée réelle du spectacle.
L'espace, quant à lui, est celui du siège du spectateur ou du
moins le lieu physique dans lequel il est. Cet espace et ce temps sont soumis
à des variations subjectives comme l'appréciation du spectacle,
la disponibilité psychique, intellectuelle et physique du spectateur.
· Le deuxième espace / temps est celui de
l'action dramatique, le temps de la fiction : l'espace et le temps de la
scène et de son action dramatique sont différents de ceux du
spectateur. Ils sont soumis aux ellipses narratives et aux
126 Paul-Henri Michel, La pensée de L.B. Alberti,
Paris, Les Belles Lettres, 1930, p. 493.
sauts de lieux et de temps qu'appelle le texte ou sujet
représenté. Comme pour le cinéma, des étirements
temporels peuvent être imaginés. Ces « sauts spatio-temporels
» existent dans pratiquement toutes les pièces de
théâtre. Ils SONT (font) la fiction représentée sur
la scène.
· Ce temps de l'action dramatique se trouve
lui-même bouleversé par la présence en son sein
d'éléments leviers portant en eux un espace / temps personnel,
intrinsèque.
Il y a donc, pour résumer ce que nous venons de voir
ci-dessus, trois temps dans la mise en abîme du lieu
théâtral porté par le lieu théâtral
lui-même. Le premier, la présentation, celui du réel des
spectateurs, sorte d'antichambre entre l'extérieur du
théâtre, la vie « profane » et celui de la
scène.
Le second espace / temps en jeu est celui de la scène,
celui de la représentation. Ce temps est celui du jeu, celui du
spectacle. Le troisième espace/temps est celui de la
re-représentation. C'est dans celui-ci que se situent les leviers
étudiés ici. Ces leviers sont placés dans le drame au sein
de la scénographie, la mise en scène, les personnages
etc. et font le lien entre plusieurs
états de conscience, « l'invisible rendu visible
»127.
L'interpénétration de ces trois temps, donne au
spectacle un statut de lisière parfois, nous l'avons vu avec les
exemples de Lepage et d'e-toile, fort troublants, déclenchant une
impression de « temps hors du temps ».
Cette impression se conçoit et se démontre par
la physique et c'est le prix Nobel de chimie Ilya Prigogine qui nous donne un
élément de compréhension lorsqu'il nous dit que « Le
tout est un peu plus que la somme des parties »128.
C'est en effet un ailleurs de la scène que souhaite
pointer notre travail. Le spectacle est-il complet sans la conscience de cet
au-delà ?
C'est la part manquante que les leviers pointent sur une
scène de théâtre, l'existence sensible et troublante d'un
au-delà de la scène sur la scène.
Il y a au théâtre une rencontre avec cet «
ailleurs », cette autre dimension. Les spectateurs attendent,
consciemment ou inconsciemment, un échange avec cet
127 Peter Brook, L'espace vide, Le Seuil 2001.
128 Ilya Prigogine, Les lois du chaos, Champs,
Flammarion, 1997, p. 8.
« ailleurs ». C'est probablement dans cette tension
que réside une des grandes forces du spectacle vivant. Cette
énergie, l'emploi de leviers sur la scène la met fortement en
présence en plaçant le spectateur dans un temps «
Au-delà de l'espace et du temps »129. C'est
précisément dans la physique dite « nouvelle » que se
trouve, certainement, une des propositions de définition les plus
pertinentes de ce temps hors du temps dans un lieu « hors-lieux ».
ANNEXES 1
129 Marc Lachièze-Rey, Au-delà de l'espace et
du temps, La nouvelle physique, Editions Le Pommier, 2003
a) Masque de Dionysos en marbre, fin du 5e
siècle.
b) La Passion et la Résurrection de Notre Seigneur
Jésus-Christ. Jouée à Valenciennes en l'an 1547.
ANNEXES 2
a) Le turc, la Danseuse en fil de fer et l'Abstrait du Ballet
triadique d'Oskar Schlemmer, 1925.
b) V. Huszar, « Mécano-danseurs », 1926.
ANNEXES 3
a) La Fura dels Baus, F@ust Version 3.0, 1998.
b) Peter Brook, L'homme qui, 1992. ANNEXES 4
Yannick Bressan, L'amant de la nuit, Installation
vidéo, Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg,
1998.
ANNEXES 5
Choré-Carré 1
Coordination générale: Yannick Bressan,
Coordination artistique: Cécile Huet - 20, 21, 22, 23, septembre 2000.
Théâtre « la Maillon », Strasbourg.
A.
Répétition Sur Internet
Sur le plateau Sur le plateau
Sur Internet Sur Internet
.
Exemples de croquis de développements
chorégraphiques proposés aux Internautes.
Croquis réalisés par Cécile Huet
ANNEXES 6
Le Martyre, Adaptation et mise en scène Yannick Bressan ,
E-toile, La fabrique de théâtre, Strasbourg, novembre 2000.
Dispositif technique du régisseur lumière (Xavier
Martayan).
Sur scène, Yannick Bressan.
Sur scène, Yannick Bressan.
Sur scène (vue de derrière le dispositif
technique)
ANNEXES 7
Côté noir / Côté blanc
Côté noir / Côté blanc, texte et mise
en scène Cécile Huet, E-toile, La Filature, scène
Nationale de Mulhouse, novembre 2001.
A .
(Cécile Huet, Catherine Tartarin)
Répétition, vue depuis la régie.
Catherine Tartarin, répétition, vue depuis le
plateau.
B.
Capture d'écran du spectacle.
Le fantôme : cliquez tous
sur le point rouge !
Le porte-voix rentre dans la barre d'outils.
Dans le même temps, un point rouge apparaît
à droite de la fenêtre vidéo.
(Page web 4 :
Si le spectateur clique dessus, il tombe sur Dialogue de
la mode et de la mort de Giacomo Leopardi.
Ecrit : Lisez ce beau dialogue, vous perdrez le
fil de l'histoire.
La Mode : Madame la Mort, Madame la Mort !
La Mort : Attends que ce soit l'heure ; je viendrai sans que
tu m'appelles. ...)
C.
Capture d'écran du spectacle.
Capture d'écran du spectacle.
D.
Sur scène durant le spectacle
Sur scène durant le spectacle
Sur scène durant le spectacle
Capture d'écran du spectacle.
E.
Vue du dispositif scénique.
Vue du dispositif scénique. (répétition).
F.
Capture d'écran du spectacle.
Capture d'écran du spectacle.
G.
Capture d'écran du spectacle (durant l'entracte).
Catherine Tartarin, répétition, vue depuis le
plateau.
ANNEXES 8
Côté noir / Côté blanc (texte
et équipe)
Une expérience théâtrale sur
Internet Ecriture et mise en scène de Cécile
Huet
Les personnages :
Le fantôme, voix en direct
Voix off (d'en haut), la barre d'outils, voix off d'homme Voix
off (d'en bas), la barre de statut, voix off de femme Voix en direct
Ecrit
Lien hypertexte
Voix off
Ecrit, Lien hypertexte, Le fantôme, Voix off, Voix en
direct.
Page web 1 :
Ecrit : Un espace se dédouble, Un devient
deux.
Lien hypertexte : Entrez
Page web 2 :
Le fantôme : Où suis-je ?
Ecrit : Là Ecrit :
Là
Ecrit et voix off : Plutôt là
Le fantôme : Ici.
Une silhouette se dessine en ombre chinoise. Un écran
de mire la suit.
Voix en direct : Un espace carré.
Plutôt rectangle.
Enfin, à angles droits, c'est sûr.
I
Le fantôme, Ecrit, Voix off (d'en-haut), Voix off
(d'en-bas), Voix off, Voix en direct.
Le fantôme : Par où puis-je sortir
?
Ecrit : Il n'y a pas de sortie.
Le fantôme : Je veux sortir !
Tentative de fuite, ponctuée par un
métronome
Sortir Sortir
Sortir
Sortir Sortir Sortir Sortir Sortir Sortir
Sortir
Je ne peux sortir ?
Ecrit : Ni par là, ni par là.
(Ils s'écrivent simultanément de part et d'autre de la
fenêtre vidéo, sur la page web.)
Le regard du fantôme suit la direction de chaque
« ni par là ».
Le fantôme : Suis-je enfermé ?
Il regarde autour de lui, sur les côtés, en
dessous, au-dessus.
Le fantôme : Qu'est-ce que c'est que
toutes ces lumières grises ? En dessous, au- dessus...
Qu'y a-t-il d'écrit ?
Ecrit : Précédent. (Descend
depuis la barre d'outils, à gauche de la fenêtre vidéo ; il
s'arrête en haut de celle-ci, clignote deux fois et
disparaît.)
Le fantôme : Précédent quoi
?
Un porte-voix sort de la barre d'outils, à l'angle
gauche de l'écran.
Voix off (d'en haut) : Clique sur moi, tu
verras... Ha, haaaa !
Le porte-voix rentre dans la barre d'outils.
Le fantôme : Cliquer, mais c'est quoi ? Ca
sert à quoi ? Et qui es-tu ?
(S'adressant aux spectateurs) Vous savez-vous ? Alors
faites-le ça... cliquez, aller sur PRE-CE-DENT... c'est son nom, non
?
(Page web 3 :
Si le spectateur clique sur précédent, il tombe
sur une page sur laquelle il trouve :
Ecrit : espace à facettes.
Voix off : Cliquez sur suivant.
Si le spectateur clique sur suivant, il retombe dans la
salle, lorsque celle-ci est chargée :
Voix off : Téléchargement
terminé.
S'il ne clique pas sur suivant, il a trois solutions : rester
sur la page, retrouver le chemin de la salle ou sortir)
Le fantôme : De toutes façons, moi,
je ne peux pas faire ça. Je ne suis pas là, chacun chez soit.
Et chez moi, je n'y suis même pas.
L'espace est vide.
Une main noire entre tout prêt de nous. De son index
blanc, elle clique sur une souris imaginaire. Ils passent.
Notre fantôme entre au loin, de dos. Il est face
à un cadre carré blanc de travers. Il s'en détourne et
part à la découverte de l'espace dans lequel il se trouve. Il en
inspecte la rectitude et les angles.
Il ne parvient pas à en franchir les limites. A chaque
fois qu'il tente de sortir, elles le repoussent à
l'intérieur.
L'espace refuse de se vider à nouveau.
Epuisé par sa tentative de fuite, il s'écroule
au centre de la scène et boude face à la caméra, avant de
fuir en lui-même, sous la forme d'une boule.
Voix off (d'en-haut) : Il est
complètement perdu.
Voix off (d'en-bas) : On pourrait l'aider un
peu.
Deux porte-voix sortent simultanément de la barre
d'outils et de la barre de statut.
Les deux en choeur : Regarde en face de toi
!
Le fantôme sort subitement de son recroquevillement et
fixe l'objectif. Les porte-voix rentrent dans leur barre respective.
Ecrit : Cyber (glisse depuis les
lumières grises du haut vers celles du bas.)
Le fantôme : cyber... mais oui !
Le fantôme se lève comme s'il avait reçu
une révélation. Il se dirige vers la caméra et en referme
l'objectif.
Voix en direct : Web, net, toile, réseau,
e-économie, non e-business, e-cole, ça , heu... c'est
...e-learning pour les cyberjeunes électroniques : cybermecs et
cyberfilles du troisième millénaire !
Cybercafé, cyberculture, cyberthéâtre,
cyberceci, cybercela, cybertruc et machin truc ; cybermonde, oui, c'est
ça, cyberespace : cybervie, bien sûr.
Ecrit : Et vous, où êtes-vous ?
II
Voix off (d'en-haut), Voix off (d'en-bas), Le fantôme,
Ecrit, Lien hypertexte, Voix off, Voix en direct.
Des petites pièces de bois qui tombent dans un plateau
en métal se font entendre. Plan sur des dés à six faces
noirs et blancs, jetés sur le plateau. Ils sont ramassés et
rejetés plusieurs fois de suite.
Une balle rouge tombe après un jet de dés. Les
dés ne seront plus jetés ensuite.
Un porte-voix sort de la barre d'outils.
Voix off (d'en haut) : N'ai pas peur,
ramasse-le, ça ne tombe pas du ciel !
Le porte-voix rentre dans la barre d'outils.
Une autre balle rouge descend au milieu du champ, face
à la caméra, elle reste suspendue en l'air.
Le fantôme rentre dans le champ et s'en saisi
délicatement.
Le porte-voix sort de la barre d'outils.
Voix off (d'en haut) : Mais prend-la !
Il la prend.
Le porte-voix rentre dans la barre d'outils. Un porte-voix
sort de la barre de statut.
Voix off (d'en bas) : Met-la !
Le porte-voix rentre dans la barre de statut.
Le fantôme interloqué met la balle sur son nez,
il se redresse d'un coup, s'affaisse puis se tient droit comme un soldat au
garde-à-vous devant son supérieur.
Ses mains en écouteur, il écoute quelques
chuchotements venus d'en haut. Un porte-voix sort de la barre d'outils, juste
au-dessus de la fenêtre vidéo.
Voix off (d'en-haut) : bzzzz...
Le fantôme : cliquez tous sur le point rouge
!
Le porte-voix rentre dans la barre d'outils.
Dans le même temps, un point rouge apparaît
à droite de la fenêtre vidéo.
(Page web 4 :
Si le spectateur clique dessus, il tombe sur Dialogue de
la mode et de la mort de Giacomo Léopardi.
Ecrit : Lisez ce beau dialogue, vous perdrez le
fil de l'histoire.
La Mode : Madame la Mort, Madame la Mort !
La Mort : Attends que ce soit l'heure ; je viendrai sans que
tu m'appelles.
...)
Le fantôme : cliquez sur le point jaune
!
(Si le spectateur clique, le point jaune tourne sur
lui-même et s'évapore)
Le fantôme, gainé de plus belle, lance
des ordres d'une façon de plus en plus
déterminée.
Le fantôme : Cliquez sur le point blanc
!
(Page web 5 :
Si le spectateur clique sur le point blanc, il tombe sur une page
toute blanche, un mot est écrit en noir au centre :
Lien hypertexte : là-bas
(6
Si le spectateur clique sur « Là-bas
», il tombe sur une nouvelle page toute
blanche, un mot est écrit en noir au centre :
Lien hypertexte : Là
S'il ne clique pas sur « Là-bas »,
il a trois solutions : rester sur la page, retrouver le chemin de la salle ou
sortir.
(7
Si le spectateur clique sur « Là »,
il tombe sur une nouvelle page toute blanche, un mot est écrit en noir
au centre :
Lien hypertexte : Ici.
S'il ne clique pas sur « Là », il a
trois solutions : rester sur la page, retrouver le chemin de la salle ou
sortir.
(Si le spectateur clique sur « Ici », il
revient à la salle de spectacle.
S'il ne clique pas sur « Ici », il a trois
solutions : rester sur la page, retrouver le chemin de la salle ou
sortir.))))
Le fantôme : Cliquez sur le point rose
!
(Si le spectateur clique sur le point rose, le point
se transforme en rose, puis disparaît.)
Le fantôme entre dans une furie qu'il ne peut
plus contenir. Le fantôme : Cliquez sur le point
vert !
(8
Si le spectateur clique sur le point vert, il tombe
sur une page au centre de laquelle attend une souris verte, quelques secondes
après...
Voix off : une souris verte, qui courrait dans l'herbe,
je ...
A la fin de la chanson, la page revient
automatiquement à la salle de spectacle.)
(Si le spectateur n'a cliqué sur aucun point,
ils sont tous intacts sur l'écran de l'ordinateur.)
Au sommet de sa rage, d'un mouvement brusque, le
fantôme fait tomber la balle rouge de son nez.
Les points affichés sur l'écran
disparaissent un par un.
Le fantôme, loin de pouvoir répondre au
garde-à-vous de fin de mission, est complètement
décontenancé. Il s'écroule par terre.
Le bruit des dés retenti à
nouveau.
Ecran de mire.
Le porte-voix de la barre d'outils
sort.
Voix off (d'en haut) : On ne l'a pas
avancé.
Celui de la barre de statut sort
aussi.
Voix off (d'en bas) : On l'a complètement
perdu.
Les deux porte-voix rentrent dans leur barre
respective.
Voix en direct : Le carré et ses angles droits ne
sont pas moins ouverts que le cercle.
Ecrit : Et vous, êtes-vous là ?
III
Voix en direct, Le fantôme, Voix off
(d'en-haut), Voix off (d'en-bas), Ecrit.
Voix en direct : Moi, je suis ici.
La mire se lève, une balle en ombre chinoise
se balance de gauche à droite. Notre fantôme de personnage entre
sur scène, dos à nous. Il traverse l'espace, au loin, en
même temps qu'il décrit un mouvement circulaire de tout son bras.
Après un aller-retour, il sort.
Le fantôme entre à
nouveau.
Le fantôme: Qui est là ? Y a-t-il quelqu'un
?
Il regarde loin autour de lui, il scrute l'horizon,
sa main en pare-soleil au- dessus des sourcils.
Le fantôme: hou, ou..., hou, ou... ! Il y a
quelqu'un ? Hou, ou... ! lance-t-il au hasard dans toutes
les directions, sans autre réponse que l'échos de sa propre
voix.
Il appelle par delà les limites de l'espace
dans lequel il se trouve en se rapprochant de plus en plus de nous,
jusqu'à arriver tout prêt. Il appelle dans l'objectif de la
caméra, puis frappe sur le verre, comme si c'était une
porte.
Aucune réponse.
Les deux porte-voix sortent simultanément de
la barre d'outils et de la barre de statut.
Voix off (d'en haut)/(d'en bas) en choeur : Nous, nous
sommes là.
Le fantôme: Où là ?
s'écrit-il en même temps qu'il regarde autour de lui.
Voix off (d'en haut)/(d'en bas) en choeur :
Ici.
Le fantôme: Ici ou là ?
Voix off (d'en haut) et voix off (d'en bas) ensemble et
respectivement : - Au-dessus de toi !
- En dessous de toi !
Le fantôme éberlué scrute le sol
et le plafond. Il tente même de sonder l'espace vide qui
l'entoure.
Sans succès.
Voix off (d'en haut) : Nous sommes les lumières
grises, juste là. Voix off (d'en bas) : A
côté.
Le fantôme: Vous êtes loin.
Là-bas.
Il regarde successivement au-delà du ciel et
de la surface de la terre. Voix off (d'en haut)/(d'en bas) en
choeur : Non, juste là. Presqu'ici.
Le fantôme: Alors , je suis où moi
?
Voix off (d'en haut) : Tu es ailleurs.
Le fantôme: Ailleurs où ?
Voix off (d'en haut) : Avec toi.
Voix off (d'en bas) : Entre nous.
Le fantôme: Depuis quand suis-je ici ?
Voix off (d'en haut) : Pas encore une heure.
Le fantôme: Et vous ?
Voix off (d'en haut)/(d'en bas) en choeur : Oh ! Bien
avant toi ! Le fantôme: Ah...
Les porte-voix rentrent dans leur barre
respective.
Le fantôme déconfit reste
seul.
Après un bref parcours dans l'espace, il se
place derrière l'écran blanc. Sa silhouette apparaît en
ombre chinoise.
Il disparaît dans la
pénombre.
Ecrit : Avec qui êtes-vous, là ?
FIN
Equipe de réalisation
Ecriture, scénographie et mise en scène
Cécile Huet
Le Fantôme, voix en direct Catherine Tartarin
Voix off (d'en bas), voix off, page web Anne Vauclair
Voix off (d'en haut),voix off, page web 8 Reinette Kelly
Voix off (d'en haut),voix off, page web Grégory
Marongio
Directeur technique Joanny Krafft
Consultants techniques Cédric Kuntz
Marc Rohfritsch
Régie plateau Anne Laure Mossière
Assistant régie Mathias Steinlen
Musique, mixage en direct Alexandre Pax
Son Fabio Solare, Cécile Huet
Lumières Xavier Martayan
Marc Laperrouze
Aide à la mise en scène, création
électronique Yannick Bressan
Coproduction
La Filature, scène Nationale de Mulhouse
e-toile
Le CICV Pierre Schaeffer
Partenaires
Avec le concours du Ministère de la culture et de la
communication, La Région Alsace, Le Conseil Général 67, La
Ville de Strasbourg, Comutations.
Sur Internet (Caméra 1) Sur Internet (Caméra
2)
Sur Scène Sur Internet (Caméra 1)
Sur Scène Sur Internet (Caméra 2)
ANNEXES 9
La série des BALS :
Bal 1, 15 novembre 2002 au théâtre du
Marché aux Grains.
Bal 2 , 13 décembre 2002 à Rheinmunster
(Allemagne).
Bal 3, 4 et 5 les 29 décembre 2002, 17
janvier et 13 février 2003 au théâtre du Marché aux
Grains. Bal 6, 13 mars 2003 à l'Université Marc Bloch de
Strasbourg.
Direction artistique : Cécile Huet Direction
chorégraphique : Louis Ziegler
Création électronique, scénographie :
Yannick Bressan (excepté Bal 3 et Bal 6)
Danseurs : Marjorie Burger-Chassignet - Yvan Favier - Cyriaque
Kempf - Brigitte Morel - Claude Sorin - Bert Van Gorp -
Musique : Alexandre Pax (excepté Bal 6) - Joe Krencker
(uniquement Bal 6) Voix : Marie Frering (uniquement Bal 6)
Programmation informatique : Yves Merlicco - Joanny Krafft
Régie lumière et plateau : Xavier Martayan
(excepté Bal 3) Jean von Cramer (uniquement Bal 3)
Régie son : Joanny Krafft
Réalisation vidéo : Louis S. (excepté Bals 1
et 6) - Yannick Bressan (uniquement Bal 1) - Cécile Huet (uniquement Bal
6)
Cadrage : Philippe Hutt (excepté Bal 6) - Laurent Brunner
(uniquement Bal 6) Streaming video : Comutations (excepté Bal 6) -
e-toile (uniquement Bal 6) Animation : Yanneck Heintz.
Coproduction : e-toile, Le Grand Jeu,
Cité des sciences et de l'industrie de la Villette (Paris).
Partenaires
Drac Alsace, Conseil Régional d'Alsace, Conseil
Général du Bas-Rhin, Ville de Strasbourg, Action Culturelle
Université Marc Bloch
A. Bals 1
Sur le plateau Sur le plateau
Mixage caméra 1 et 2 (Internet) Vue Internet
(caméra 2)
Vue Internet (caméra 1) Sur le plateau
B. Bals 2
C. Bals 3
Vue Internet (Mixage caméra 1 et 2) Vue Internet
(caméra 2)
Vue Internet (Mixage caméra 1 et 2)
Vue Internet (Mixage caméra 1 et 2)
D. Bals 4
Sur scène (vue de derrière la régie
vidéo) Sur scène ( vue public) Régie vidéo
(Réalisateur, Louis S.) Sur scène (vue de derrière la
régie vidéo) Sur scène (équipe technique :
vidéo, lumière, streaming, son)
E. Bals 5
Vue Internet (caméra 1) Vue Internet (caméra 2,
mobile)
Vue Internet (Mixage caméra 1 et 2) Vue Internet
(caméra 2, mobile)
Vue de la scène Vue Internet (caméra 1)
F. Bals 6
Sur scène (Louis Ziegler Sur scène la
comédienne (assise)
et le musicien Joe Krencker ) Marie Frering et C.
Sorin (danseuse)
Sur scène (vue de derrière la régie
vidéo) Sur scène (vue de derrière la régie
Informatique, streaming)
Sur scène Public sur Intranet
ANNEXES 9 G.
Mise en place scénique
Dispositif (à titre d'exemple)
Page-web, « Cyberscène »
Exemples de croquis de disposition scénique et capture
d'écran de l'interface Internet pour les Bals.
Interface web (scène-web) de bal 5 durant le
spectacle.
ANNEXES 10
Extraits du chat du spectacle BAL 4 15h30
...
53csi7 > c'est trop court pour choisr....
54csi6 > je ne sais pas ce qu'est un solo....
55csi10 > j'ai choisi un détail....
56csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 57csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 58csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 59csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 60csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 61csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 62csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 63csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 64csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 65csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 66csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 67csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 68csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 69csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 70csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 71csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 72csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 73csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 74csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 75csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 76csi7 > j'avaisnpas bien vu "le détail" je
recommence donc 77csi7 > on repart
78csi7 > on repart
79csi7 > on repart
80csi7 > on repart
81csi7 > on repart
82csi7 > on repart
83csi7 > super ca tourne bien...
84csi7 > on en redemande
85csi7 > tip top la musique
86csi7 > un gros plan après SVP
87bouxwiller > bravo a tout le monde cà tourne
très bien 88bouxwiller > merci
89csi10 > le silence est d'or
90csi10 > après l'entracte on redémarre en
douceur... 91csi13 > un p'tit détail sur la danseuse...
92lehmannmar > tabula rasa
93csi2 > la nbande passante faibli, plus que 8 postes
94csi2 > la nbande passante faibli, plus que 8 postes 95csi2 > la nbande
passante faibli, plus que 8 postes 96csi2 > la nbande passante faibli, plus
que 8 postes 97csi2 > la nbande passante faibli, plus que 8 postes 98csi2
> le chat radotte!!!!
99csi2 > c'est de mieux en mieux. ..bravo pour
l'équilibre chorégraphie /muisque
...
102csi2 > ca marche du tonnerre, hein?
1 03lehmannmar > Beau spectacle
1 04csi2 > hola de l'est , comment ca se passe chez vous,
côté scène? 1 05csi2 > ca devient vraiment rythmé
et dynamique maintenant?
106csi9 > enfin à moi
1 07csi2 > bon l'image est encore un peu limite parfois mais
le son est super... 1 08csi9 > c'est super !
109csi2 > tu es ou lehmannmar?
11 0csi2 > tu nous dis quoi pascaline, pas d'inspiration?
11 1csi13 > une petite traverser pour mieux voyager
112csi2 > choisis bien christian
11 3csi1 > solo demande
1 14csi2 > tous les internautes enn ligne peuvent-ils envoyer
un chat?
11 5bouxwiller > la tete
1 16csi2 > lehmanar et schmittar vous êtes où? et
que pensez-vous de ce que vous voyez
117csi15 > Youpi
11 8csi9 > solo mio enencore des solos
11 9csi9 > c'est reparti crescendo
1 20csi9 > 2 fois la main sur le même poste je suis trop
gâté
121 csi9 > et puis je m'éclate avec le chat
122bouxwiller > pour une fille
123bouxwiller > pas de garcon
124csi12 > j'adore les solos
...
128csi9 > détail encore des détails
129csi9 > je suis de plus en plus sous le charme 1
30cyber-base > cb tomblaine bj
131cyber-base > tres beau et agréable
1 32lehmannmar > le premier chat dans l'espace lol 1
33bouxwiller > sur les genoux et vite
1 34bouxwiller > bonjour a boux
135csi12 > c'est la course au premier sur le poste 1
36cyber-base > csi= cité des sciences????
1 37bouxwiller > le torse et le dos
1 38bouxwiller > fille garcon bravo
...
ANNEXES 11
Extraits du chat du spectacle BAL4 20h30
1 bouxwiller > pour essayer... à deux. 2abatecleme >
duo
...
4bouxwiller > tous au centre si possible
5bouxwiller > ensemble 6abatecleme > unisson 7abatecleme
> traverser 8abatecleme > j'reflechis 9Yann > traversée
chaotique... 10Yann > anarchique...
1 1Yann > le desordre regne.. 12bouxwiller > un herisson,
comme un
1 3bouxwiller > herrisson 14bouxwiller > solo
15abatecleme > duo
16Yann > minutieux..
1 7bouxwiller > avec les mains en douceur
1 8bouxwiller > exprime le gros...
19bouxwiller > plan,
20bouxwiller > planification 21 bouxwiller >
planifié 22bouxwiller > plante 23bouxwiller > planète
24bouxwiller > planisphère
25bouxwiller > chhuuutttttttttttttt
26bouxwiller > chutttt, encore, et encore chhhuuuuurttttt
27Yann > on repart a zero...
28Yann > tout le monde dehors... 29Yann > puis rentrent a
nouveau.. 30bouxwiller > passionné et passionnant 31 bouxwiller >
vas y seul
32bouxwiller > seul
33bouxwiller > seul
34bouxwiller > du ballet
35bouxwiller > plus souple, plusde souffle 36schneiderm >
pareil et différent
...
40schneiderm > je voudrais etre à boux 41 bouxwiller
> inspirez, d
42bouxwiller > l'eau 43bouxwiller > douceur 44bouxwiller
> encore 45bouxwiller > encore 46bouxwiller > encore 47bouxwiller >
du nerf 48bouxwiller > lachez vous
49schneiderm > violent et ruptures 50bouxwiller > et que
ça saute
51 bouxwiller > plus vite 52bouxwiller > encore plus
vite
53Yann > mouvements saccadés
54Yann > par accoups.. 55bouxwiller > oàrage
56bouxwiller > orage
57bouxwiller > traverser du desert 58bouxwiller > fevrier
59bouxwiller > accroitre 60bouxwiller > la bas
61 bouxwiller > la bas
62bouxwiller > initial 63bouxwiller > lenteur 64bouxwiller
> lentement 65bouxwiller > origine
66merliccoca > traverser une junghle 67merliccoca > comme
ds sof2 68bouxwiller > deplier
69bouxwiller > déplier 70schneiderm > contacts
71schneiderm > porter 72merliccoca > solo
ANNEXES 12
Extraits du chat du spectacle BAL 5
1 > bonjour
217 > silencieux et troublé
3 > troublant certainement...
4yves > chuttt, repos, calme, douceur
5Kugel > je deux vilains 6 > si beaux pourtant 7christian
> amoureux
8Kugel > le chaos précède l'ordre
9 > retour au chaos? 10pierremore > gros plan
11 > autre planète, une autre planète, dites
avec vos voix, vos mots...
1 2pierremore > je n'ai pas trouvé les mots
13 > ils s'ordonnent, se dérobent, se construisent...
ensemble...
14jeremieber > choc bruit. Enfermement et liberté.
Magnétisme. Vivacité. Survie
1 5yves > magnétisme, autour du centre
16yves > plus de bruit, s'envoller, vivacité
17 > instant entre...
18Deborah > douceur
19 > la douce déborah
20 > grace...
21 > calme
22 > voluptée
23jeremieber > Détails, macro, organique, biologique,
entropie
24bouxwiller > lentement
25bouxwiller > avec douceur, et calme
26bouxwiller > mais encore 27christian > sensualité
28christian > violence
2917 > angoisse, stress, frayeur, peur, 3017 > angoisse,
stress, frayeur, peur, 31 > et tout cela électronique, bravo le
challenge
3217 > Appui au sol et sur les corps, corps à coprs...
33yves > un temps, ensemble?
34yves > au delà du virtuel, actuellement. 35bouxwiller
> szia szivem tudod ???? 36 > ugfaezjhgfa bqsdb tudod !!
37bouxwiller > ou sur le bord !!!!! 38bouxwiller > mais
egalement a demi 39 > un mot encore...
40charlotte > sexualitee primitive 4117 > ensemble,
liée et déliée
4217 > ombres chinoises
4317 > Main dans la main, paix
4417 > main dans le platre, cassée 45géraldinec
> jouer et rire
46 > tant d'impressions
47 > l'une sur l'autre, sur l'une, sur l'autre sur...
48 > un instant entre l'instant...
49 > encore un peu...
50 > champs libre danseurs
51 > un instant à travers l'espace...
52 > du dedans.
53 > l'ombre d'un instant...
54 > encore
55odile > fraicheur, douceur
56Deborah > dynamisme
57 > encore un mot...
58charlotte > desequilibre
5917 > une ronde de danseurs autour d'un centre invisible 6017
> un grand collier d'air?
6117 > A fleur de peau
62 > rendre visible l'invisible?
63Deborah > en couple 64 > ensemble?
65gaelbialko > ciel, espace, univers
66pierremore > sautiller se frôler s'enlacer
67 > et enfin exister... 6817 > caresses
6917 > Prends-moi dans tes bras
70pierremore > c'est la Saint Valentin profitez en !!!!!!
71 > arret de l'aléatoire...
72 > un instant tunel...
73 > retour...
74géraldinec > envelopper un mot
75géraldinec > caresser une idée
76 > soupir d'une ombre...
77 > soupir du silence...
78 > noir
...
1 12camillebou > L'absurdité des enfants courant dans
la rue...
113 - modo' - opale > droite, gauche
114 - modo' - opale > devant, derrière
115 - modo' - opale > ... 116celine&ani > rond,
carré
11 7MaisonImag > tous ensemble au centre ! merci
118 - modo' - opale > parlez, mais parlez moi...
119 - modo' - opale > parlons nous...
120yves > chuttt...
121yves > plus de mots
122yves > un regard juste, une impression
123yves > fugace, belle... 124celinedele > Duo et
entrelacements
125 - modo' - opale > dessus dessous quoi?
1 26MaisonImag > amour thérapeutique
127MaisonImag > frénésicosmique
128 - modo' - opale > tunel... 129schneiderm > et porter
130 - modo' - opale > tunel...
131 - modo' - opale > un instant dans l'instant...
132celine&ani > immobilité
133yves > le sol
134yves > l'aiaussi
1 35celine&ani > modernité 136celine&ani >
schizophrénie
137 - modo' - opale > tunel à nouveau...
138 - modo' - opale > un autre monde
139 - modo' - opale > 10 minutes encore tunel...
140 - modo' - opale > le regard seulement...
141 - modo' - opale > l'écoute
142 - modo' - opale > retour... 143celine&ani >
deconnection 144celine&ani > vide
145 - modo' - opale > une planète...
146yves > un autre univers s'ouvre à nous 147regiskenne
> présence
...
158 - modo' - opale > bonheur ensemble... 1 59MaisonImag >
dexterite meritee 160MaisonImag > athletisme
161 Maison Imag > violence dosee 162MaisonImag > decollage
immediat 163MaisonImag > envol malicieux 164MaisonImag > zenith zenith
165celine&ani > apesanteur
166celine&ani > tourbillon de pensées
ANNEXES 13
Biographies.
Cécile Huet.
Elle née le 1er juin 1976 à Maisons-Laffitte (78),
Cécile Huet passe son enfance dans la région parisienne, avant de
découvrir le sud-ouest de la France, lors du départ de sa famille
à Toulouse.
Après avoir commencé un cycle d'études
supérieures aux Beaux-Arts de Toulouse (1995-1 997), Cécile Huet
intègre l'Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs
de Strasbourg (1997-2000).
Le choix de cet établissement et de cette destination a
été déterminé par sa situation géographique.
Au cours des trois années passées au sein de cette école,
elle part neuf mois à Berlin à l'école de mise en
scène et de scénographie (1998-1 999). Ces neufs mois lui
permirent de s'immerger dans le pays si particulier qu'est l'Allemagne, ils
furent également un moment de transition dans sa recherche personnelle.
D'une pratique exclusivement plastique et sculpturale, elle s'orienta
réellement dans la direction du théâtre, jusque-là
abordée de façon parallèle uniquement. C'est avec la
réalisation d'une mise en scène, Les paradis naturels,
qu'elle achevait ses études aux Arts Décoratifs et obtenu le
Diplôme National Supérieur d'Expression Plastique (2000).
Elle poursuivi ensuite son engagement pour le
théâtre dans deux directions.
La première, théorique, l'a amenée
à prolonger ses études dans un contexte universitaire, à
l'Institut d'Etudes Théâtrales de Paris III, où elle a
mené une réflexion et rédigé un mémoire sur
le Faust I et II de Goethe (DEA obtenu en octobre 2002, avec la
mention Très bien«).
La seconde répond à une nécessité
de création, ancrée au point de rencontre du spectacle vivant et
des nouvelles technologies de l'image et plus particulièrement Internet.
Elle se concrétise dans l'activité du groupe de recherche
e-toile, dont elle occupe la direction depuis mai 2000,
simultanément avec Yannick Bressan, avec lequel elle a fondé le
projet. Le questionnement critique qu'elle soutient au sein d'etoile
l'a amenée à réaliser différents projets de la
direction artistique à la mise en scène. Des créations
chorégraphiques d'une part ; elles sont fondées sur le mode de
création interactive entre artistes et publics, récemment
développé dans les BALS.
Ce projet vise l'identification des modes de communication
à travers l'écran de l'ordinateur et le réseau Internet.
D'autre part, elle s'est dédiée à la question de
l'écriture sur le web dans la création de Côté
noir / Côté blanc mais aussi l'écriture dramatique
pour la scène.
Aujourd'hui, son travail s'oriente toujours dans ces
directions. Les réalisations à venir, dans la lignée des
BALS, s'engagent sur le terrain de l'interactivité et
l'esthétique déployées par ce mode de création.
L'écriture adaptée pour le web reste une préoccupation
permanente, dont la concrétisation naîtra dans des
créations ultérieures.
Louis Ziegler.
Louis Ziegler, a été formé au C.N.D.C. par
Alwyn Nikolaïs. Il conduit une recherche théorique et pratique sur
le "chorégraphier" aujourd'hui.
Après une maîtrise de lettres modernes /
spécialisation Etudes Théâtrales à Université
de Strasbourg qu'il obtenu en 1972 il étudie la Danse classique avec
Jean GARCIA (1974 - 1978) puis il entre au Centre National de Danse
Contemporaine d'Angers, (1978 - 1981) direction Alwin NIKOLAÏS.
De 1969 à 1974 il présente au Théâtre
du Quai - direction Bernard Marie Koltès - quatre spectacles.
En 1975 il Fonde le Théâtre du Marché aux
Grains de Bouxwiller avec Christiane Stroe et Pierre Diependaele
(créations collectives / tournées en région Alsace).
De plus de 1975 à 1978 il travaille avec l'Opéra
National du Rhin (Danse - Chorégraphie).Suite à ces
expériences il poursuit un parcours riche et varié. Louis Ziegler
est un infatigable touche à tout. Curieux et talentueux il
enchaîne de 1982 à 2002 plus d'une vingtaine de créations.
De Brise-Lames, (chorégraphie - mise en scène) en 1982,
Tonnerres (1984), chorégraphie, Prix spécial Tanz
Theater - Concours International de Chorégraphie de Cologne à une
première expérience avec e-toile en 2000,
Choré-carré II qu'il chorégraphie. Son parcours
est riche et atypique. Danse, chorégraphie, vidéo, photo,
direction artistique, enseignement, rien ne semble émousser son
appétit de recherche et sa soif de découverte. En 2002-2003 il
chorégraphie la série des bals présentée
par e-toile. Le champ d'exploration proposé par les créations
scène / Internet d'e-toile semblent convenir au mieux à
son désir de recherches et d'actions sur le territoire de la danse
contemporaine.
Lexique (établit par nos soins
excepté la définition d'Internet qui à été
inspirée du Glossary of Internet Terms de Matisse Enzer,
http://www.matisse.net/files/glossary.html)
:
Chat : Discussion en direct sur le
réseau (inter ou intra net) entre au moins deux personnes par le moyen
de textes et / ou pictogrammes (appelés aussi Smiley, Emoticones...)
échangés en direct.
Internet :
Il s'agit de la vaste collection de réseaux
reliés ensemble en utilisant les protocoles de TCP/IP et qui ont
évolué depuis l'Arpanet de l' US Department of Defense des
années 60 et du début des années 70.
L'Internet relie des dizaines de milliers de réseaux
indépendants dans un vaste Internet global et est probablement le plus
grand réseau informatique étendu dans le monde.
Intranet :
Réseau privé à l'intérieur d'une
compagnie ou d'une organisation qui emploie les mêmes genres de logiciel
que sur l'Internet public, mais celui-ci est seulement pour l'usage interne.
Salle-net, cyber-scène, scène web
:
Page Web mise en réseau accueillant la vidéo ou
tout autre élément artistique (comme le son, ou les
écrits...) ayant un lien avec une action artistique se déroulant
(ou s'étant déroulée) sur un plateau réel et dont
le prolongement dramaturgique est la page Internet. C'est sur cette
scène web qu'est proposée, si il y a lieu,
l'interactivité.
Spectateur-net, cyber-spectateur,
web-spectateur: Spectateur qui assiste à la
représentation sur une scène web.
Streaming : Envoie d'un flux de son et / ou
de vidéo sur le web. Les données sont encodées par un
serveur qui les redistribue ensuite aux internautes dans un format choisi
(real, quick time, mp3 etc.).
Bibliographie sélective:
Alcoloumbre Thierry, Mallarmé la poétique du
théâtre et l'écriture, Librairie Minard, 1995.
Artaud Antonin, Le théâtre et son double,
Folio essais, 2001.
Aslan Odette et Denis Bablet (sous la direction de), Le
masque du rite au théâtre, CNRS éditions, 2000.
Borie Monique, Le fantôme ou le théâtre
qui doute, Actes sud / Académie expérimentale des
théâtres, 1997.
Brecht Bertolt, « Théorie de la radio, 1927-1932
», in Sur le cinéma, précédé des extraits
des carnets sur l'art ancien et l'art nouveau, sur la critique, la
théorie de la radio, Ed. L'Arche, Paris, 1976
Breton Philippe, Le culte de l'Internet, Editions La
découverte, 2000.
Brook Peter, L'espace vide, Le Seuil, 2001.
Buci-Glucksmann Chistine, La folie du voir. Une
esthétique du virtuel, Edition Galilée, 2002.
Bureaud Annick et Magnan Nathalie, Connexions, art,
réseaux, media, Edition Ecole Nationale Supérieure des
Beaux-Arts, 2002.
Cauquelin Anne, Le site et le paysage, édition
puf Quadrige, 2002.
Couty Daniel et Alain Rey (sous la direction de), Le
théâtre, Larousse, 2001.
Craig Edward Gordon, De l'art du théâtre,
coll. Penser le théâtre, Circé, 1999.
Debray Régis, Vie et mort de l'image, coll.
Folio essais, Gallimard, 1997.
Debray Régis (coordonné par), Cahier de
médiologie 1, La querelle du spectacle, Gallimard, 1996.
Deleuze Gilles, Claire Parnet, « L'actuel et le virtuel
» in Dialogues, Flammarion, 1999.
Duguet Anne-Marie, Déjouer l'image, créations
électroniques et numériques, coll. Critiques d'art,
éditions Jacqueline Chambon, 2002.
Durant Ben et Clerbois Michel (sous la direction de),
Prométhée et le Golem, éditions La lettre
volée, cellule des activités culturelles de l'ULB, 2000.
Eruli Brunella (coordonné par), Puck n° 9, images
virtuelles, Editions Institut International de la Marionnette, 1996.
Finkielkraut Alain, Soriano Paul, Internet
l'inquiétante extase, Edition Mille et une nuits, 2001.
Fouquet Ludovic, De la boîte à l'écran,
le langage scénique de Robert Lepage. Thèse sous la
direction de Mme Béatrice Picon-Vallin,
Université de Nanterre, Paris X, Ecole Doctorale Lettres,
Langues, Spectacles, 2002.
Guénon René, Les états multiples de
l'être, Guy Trédaniel éditeur 2000.
Hamilton Edith, La mythologie. Ses dieux, ses héros,
ses légendes, Marabout 1997.
Hébert Chantal et Irène Perelli-Contos, La face
cachée du théâtre de l'image, l'Harmattan, 2001.
Heidegger Martin, « La question de la technique »
(1954), in Essais et conférences, Gallimard 1958.
Hivernat Pierre, Véronique Klein, « Histoires
parallèles. Entretien avec Robert Lepage » in Les
Inrockuptibles n77, 1996.
Jomaron (de) Jacqueline, (sous la direction de) Le
théâtre en France, Armand Colin éditeur, 1992.
Kandinsky Vassili, Du spirituel dans l'art, et dans la
peinture en particulier. édition folio essais, 1994.
Kantor Tadeusz, Le théâtre de la mort,
textes réunis et présentés par Denis Bablet, Editions
L'age d'homme, 1977.
Lachièze-Rey Marc, Au-delà de l'espace et du
temps, La nouvelle physique, Editions Le Pommier, 2003.
Le Breton David, L'Adieu au corps, Editions
Métailié 1999.
Lecourt Dominique, Prométhée, Faust,
Frankenstein. Fondement imaginaire de l'éthique, biblio essais, Le
livre de poche, 1998.
Mc Luhan Marshall, Pour comprendre les médias,
Edition Points / Essais, 1977.
Mallarmé Stéphane, « crayonné au
théâtre » in Igitur, Divagations, Un coup de
dés, Collection poésie, Gallimard, 2001.
Mazouer Charles, Le théâtre Français du
moyen âge, Sedes, 1998.
Mèredieu (De) Florence, Arts et nouvelles
technologies, Art vidéo, Art numérique, Larousse, 2003.
Merleau-Ponty Maurice, Phénoménologie de la
perception, Gallimard, 1945.
Michel Paul-Henri, La pensée de L.B. Alberti,
Paris, Les Belles Lettres, 1930.
Morelli Pierre, Multimédia et création,
contribution des artistes au développement d'une écriture
multimédia, Thèse sous la direction de M. Noël Nel,
Université de Metz, U.F.R. Sciences Humaines et Arts, 2000.
Nouvelles de danse, danse et nouvelles technologies, n 40,
41, édition Contredanse, 1999.
Orwell George, 1984, Collection Folio, Gallimard,
2002
Pascal, Pensées, éditions Classiques
Garnier, Bordas, 1991
Picon-Vallin Béatrice (sous la direction de), Les
écrans sur la scène, Editions L'age d'homme, 1998.
Picon-Vallin Béatrice (sous la direction de), La
scène et les images, CNRS édition, 2001.
Plassard Didier, L'acteur en effigie, Editions L'age
d'homme, 1992.
Poissant Louise, Esthétique des Arts
médiatiques, Montréal, Presses de l'Université du
Québec, t.1, 1995.
Prigogine Ilya, Les lois du chaos, Champs, Flammarion,
1997.
Régy Claude, Espaces perdus, Editions Les
solitaires intempestifs, 1999.
Régy Claude, L'ordre des morts, Editions Les
solitaires intempestifs, 1999.
Régy Claude, L'état d'incertitude,
Editions Les solitaires intempestifs, 2002.
Rosset Clément, Le réel et son double,
Editions folio essais, 1999.
Rosset Clément, Le réel, l'imaginaire et
l'illusoire, Edition Distance, 2000.
Rush Michael, Les nouveaux médias dans l'art,
éditions Thames & Hudson, 2000
Schmitt Jean-Claude, Le corps des images, Gallimard,
2002.
Turing Alan, La machine de Turing, collection Points
sciences, Editions du Seuil, 1999.
Vernant Jean-Pierre, « La catégorie psychologique
du double » in Mythe et pensée chez les Grecs II,
Maspero, Paris, 1965.
Vernant Jean-Pierre, « Naissance d'images» in,
Religions, histoires, raisons, Maspero, Paris, 1979
Weissberg Jean-Louis, Présences à
distance, Edition l'Harmattan, 1999.
Wiener Norbert, God & Golem inc. Sur quelques points de
collision entre cybernétique et religion, Editions de
L'éclat, 2000.
Wiener Norbert, Cybernétique et
société, Edition synoptique, collection 10/18, 1971.
Wolton Dominique, Internet et après ?, Edition
Champs Flammarion, 2000.
|