Institut de la Communication et des
Médias Université Stendhal Grenoble 3 UFR des
sciences de l'information et de la communication
Mémoire de Master Communication scientifique et
technique
La communication participative communautaire
au
Sénégal :
Un outil pour faciliter la sensibilisation et
le développement de la culture scientifique?
Préparé par : Sébastien
FROGER
Sous la direction de :
Claudine CARLUER
Remerciements
Je veux tout d?abord exprimer ma reconnaissance au
représentant de l?Institut de Recherche pour le Développement au
Sénégal, Monsieur Christian Colin, pour avoir permis le
déroulement de ce stage.
Je tiens à remercier Madame Jacqueline Thomas pour
m?avoir accueilli au sein de son service et pour le temps qu?elle a pu
consacrer au suivi de ce stage, ainsi qu?à tout le personnel de l?IRD au
Sénégal pour l?aide qui m?a été
apportée.
J?aimerais également remercier Monsieur Maurice Fay
pour ses conseils précieux, ainsi que toutes les personnes que j?ai
rencontrées et qui m ?ont aidé à l?élaboration de
ce travail, et plus particulièrement les professeurs et chercheurs
participant aux activités des clubs de Jeunes de Recherche et de
Développement pour leur disponibilité et leur aimable
collaboration.
Enfin, je désire remercier Madame Claudine Carluer
pour avoir suivi avec attention le déroulement de ce stage et avoir
apporté ses conseils à l?élaboration de ce
rapport.
Abréviations et sigles
Structures de recherche :
BRGM : Bureau de Recherches Géologiques et Minières
CNRA : Centre National de Recherches Agronomiques CNRS : Centre National de
Recherche Scientifique
CRDI : Centre de Recherche pour le Développement
International
IFAN : Institut Fondamental d'Afrique Noire
IRD : Institut de Recherche pour le Développement ISRA :
Institut Sénégalais de Recherches Agricoles
ORSTOM : Organisme de Recherche Scientifique des Territoires
d'Outre Mer
Organismes de développement :
FAO : Food and Agriculture Organization
OCDE : Organisation de Coopération et de
Développement Economiques USAID : United States Agency for International
Development
UNESCO : United Nations Educational, Scientific and Cultural
Organization NEPAD : New Partnership for Africa's Development
PNUD : Programme de Nations Unies pour le Développement
Autres abréviations :
CFA (franc) : Franc de la Communauté Française
d'Afrique
EPST : Etablissement Public à Caractère
Scientifique et Technique
IDH : Indice de Développement Humain
IST: Infection Sexuellement Transmissible
JRD (club) : Club de Jeunes de Recherche et de
Développement
MST : Maladie Sexuellement Transmissible
ONG : Organisation Non Gouvernementale
PIB : Produit Intérieur Brut PED : Pays En
Développement
PDS : Parti Démocratique Sénégalais PMA :
Pays les Moins Avancés PMD : Pays Moins Développés
PVD : Pays en Voie de Développement
RTS : Radiodiffusion Television Senegalaise
SIDA : Syndrome d'Immuno Déficience Acquise
VIH : Virus de l'Immunodéficience Humaine
Sommaire
Remerciements 2
Abréviations et sigles 3
Introduction 6
Présentation du sujet 6
Le contexte : La situation au Sénégal
8
Données générales sur le
Sénégal 8
L ?état de la recherche au Sénégal
10
La culture scientifique en Afrique de l?Ouest et au
Sénégal : ses enjeux 11
L?éducation 12
Les modes de communication 13
Les systèmes d'information traditionnels 13
Les centres de documentation 14
Les médias de masse 15
Première partie - Présentation du
concept de communication participative 16
I. La communication pour le développement
16
I. 1. La communication pour le développement et ses
enjeux 16
I. 2. Historique de la communication pour le
développement à travers ses différents modèles
18
a. Le paradigme de la modernisation et la théorie de la
diffusion 19
b. Le paradigme de dépendance 21
c. Le paradigme d'un autre développement 22
d. Les nouveaux modèles de communication 22
I. 3. Les échecs et lacunes dans le domaine 23
II. La communication participative communautaire
27
II.1. Le modèle participatif 28
a. Les différents niveaux de participation 29
b. Les éléments fondamentaux de la communication
participative 30
II.2. Adaptation de la démarche au
développement de la culture scientifique 34
a. Entrer en contact avec la communauté et s'informer du
contexte local 35
b. Faire participer la communauté 36
c. Choisir les outils de communication appropriés 37
d. Planifier le suivi du projet 38
e. Assurer le suivi du projet en tant que
«facilitateur» 39
f. Etablir une méthode d'évaluation et
d'exploitation des résultats 40
g. Se retirer de la communauté 40
Deuxième partie - Application de la
communication participative et pistes de réflexion
pour améliorer le concept 41
I. L'application de la démarche participative au
club JRD de Niakhar 41
I.1. Présentation des clubs de Jeunes de Recherche et
de Développement de l ?IRD 41
I.2. Le club JRD utilité de l?état
civil?? de Niakhar 42
a. Objectifs du club 43
b. Vie du club 43
I.3. Participation au sein du club 44
a. Choix de l'outil de communication 45
b. Réalisation des sketchs 47
c. La mise en scène et les répétitions
48
I.4. Bilan 49
a. Méthodologie 49
b. Bilan avant la mise en place de la communication
participative 49
c. Aspects positifs 50
d. Difficultés 51
e. Evaluation de la pertinence de la démarche 52
I.5. Conclusion et perspectives 54
II. Limites de la communication participative et pistes
de réflexion pour adapter le concept à la sensibilisation au
niveau communautaire 56
II.1. Limites et difficultés : des solutions ?
57
a. Conditions préalables à la mise en place d'une
communication participative 57
b. Risques de conflits 57
c. Risques de manipulation 58
d. Apporter des connaissances sans les imposer 59
e. Démarche tributaire des praticiens 60
f. Coût pour les participants 61
g. Contrainte de temps, souplesse 62
h. Spécialisation des ONG 62
II.2. Pistes de réflexion et axes de recherches pour
développer le concept 63
a. Evaluation des projets de communication participative 63
b. Complémentarité et concurrence des
médias 64
c. Accès à l'information 65
d. Le rôle de facilitateur 66
e. Interdisciplinarité 68
f. Recherches 69
g. Autres pistes 70
Conclusion 71
Bibliographie 73
ANNEXES 77
Introduction
" Former les esprits sans les conformer, Les enrichir sans
les endoctriner,
Les aimer sans les enrôler
Leur communiquer une force Dont ils puissent faire leur
force
Les séduire par le vrai
Pour les amener à leur propre
vérité
Et leur donner le meilleur de soi Sans attendre ce
salaire
Qu'est la ressemblance "
Jean Rostand
Présentation du sujet
Au Sénégal, comme sur quasiment tout le continent
Africain, cela fait 50 ans que l'on parle de «développement»
des pays pauvres.
Pourtant, les inégalités sont toujours plus
marquées entre les pays occidentaux et les pays du sud,
particulièrement pour ce continent, qui constitue pourtant une
«priorité» des organisations internationales de
développement.
Ces mêmes organismes, ainsi que tous les acteurs du
développement, ou devrait-on dire des développements
(économique, social, structurel etc.), s'accordent à
dire depuis des années qu'il n'y a pas de développement sans
communication.
La communication pour le développement, intimement
liée à la notion de développement, a connu une
évolution radicale depuis les années 1950-1960, date des
premières campagnes qui utilisaient les médias de masse pour
faciliter la croissance économique de ces pays.
Après les échecs constatés de cette
méthode, différents modèles de communication se sont
succédés et ont été améliorés, en
lien avec l'évolution même de cette notion.
Aujourd'hui, le caractère endogène du
développement influence grandement les modèles de communication.
La priorité est à la prise en main par les populations de leur
propre développement. Ces 50 dernières années
d'études et d'expériences pratiques montrent que la communication
pour le développement est plus efficace au niveau interpersonnel ou
communautaire, quand il s'agit de responsabiliser des gens, leur
faire adopter un changement de comportement ou encore une innovation.
Mais le quasi consensus s'arrête ici. Les
chercheurs et acteurs du domaine y vont tous de leur propre modèle, de
leur vision, pour parvenir au développement d'une communauté
facilité par la communication.
La complexité et l'importance des enjeux liés
à ces notions de développement rendent la tâche complexe.
Il faut pouvoir intégrer les dimensions socio-culturelles,
environnementales et économiques à l'échelle locale et
globale, bref toutes les caractéristiques du milieu.
La communication ne peut pas alors se contenter de faciliter
la mise en place de projets de développement, pour faciliter
l'acceptation par les bénéficiaires. Elle doit également
permettre la sensibilisation des populations sur des thèmes aussi vastes
que la santé publique, l'environnement ou la citoyenneté. Et ce
n'est pas tout : la recherche joue également un rôle capital dans
le développement, en apportant des innovations techniques notamment. Or
la transition recherche/développement pose actuellement d'énormes
problèmes, pour des raisons multiples, tels le manque d'acceptation par
les bénéficiaires, faute de culture scientifique, ou
l'inadéquation des innovations avec les difficultés
rencontrées sur le terrain.
Autant de paramètres et de défis auxquels doit
répondre la communication pour le développement.
Alors quel modèle de communication adopter ? La question
est aussi vaste que complexe. Dans le cadre de ce travail, nous tenterons de
répondre à la problématique suivante : Comment
valoriser les recherches scientifiques pour le développement au niveau
communautaire et faciliter leur application? Quels outils et stratégies
de communication adopter ?
Ce mémoire est élaboré dans le cadre d'un
stage au sein de l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD) du
Sénégal, un Etablissement Public à caractère
Scientifique et Technique (EPST) Français. Il est implanté dans
48 pays, majoritairement dans des Pays En Développement (PED).
Les missions fondamentales de l'IRD sont de promouvoir la
recherche scientifique dans les PED, de faire progresser la recherche pour le
développement et l'expertise.
Dans le cadre de la promotion de la recherche scientifique
dans les PED, l'IRD a depuis quelques années initié la
création de clubs Jeunes Recherche pour le Développement (JRD).
C'est au sein de ces clubs au Sénégal que nous sommes intervenus,
en tant qu'animateur, pour la réalisation d'outils pédagogiques,
et pour établir un bilan des clubs existants.
En s'appuyant sur les recherches menées actuellement en
communication pour le développement et sur cette expérience
pratique de terrain, nous essaierons de démontrer comment la
communication participative peut représenter un modèle de
communication efficace pour répondre aux enjeux du développement.
Ceci, en s'appuyant sur le caractère endogène du
développement, en rendant les populations actrices de leur
développement, en les incluant dans le processus de décision
dès l'initiative du projet.
Puis, après avoir constaté les limites et
lacunes de ce modèle à l'aide d'une expérience
menée sur le terrain, nous tenterons de livrer des pistes de
réflexion pour améliorer le concept.
Le contexte : La situation au Sénégal
Données générales sur le
Sénégal
Situé à la pointe occidentale de l'Afrique, le
Sénégal est limité à l'Ouest par l'Océan
Atlantique, à l'Est par le Mali, au Nord par la Mauritanie et au Sud par
la Guinée Bissau et la République de Guinée.
Pour une superficie de 196 722 Km2, la population
du Sénégal est estimée à 9,8 Millions d'habitants
en 2002, avec un taux d'accroissement de 2,7 % par an, du à la baisse de
la mortalité et au niveau élevé de la
fécondité. Le pays est en pleine transition démographique,
avec une population très jeune (58 % de la population a moins de 20 ans)
et largement concentrée dans les grandes villes.
La société sénégalaise est
composée de nombreuses ethnies et compte 95 % de musulmans, avec
plusieurs confréries religieuses dont les plus importantes sont les
Tidianes et les Mourides.
Mais cette Fédération ne tarde pas à
éclater et, le 5 septembre 1960, Léopold Sédar Senghor
devient le premier Président de la république du
Sénégal.
Avec Abdou Diouf, issu, comme Senghor, du parti socialiste,
ils resteront à la tête de l'Etat pendant quarante ans. En 2000,
Abdoulaye Wade, l'actuel Président de la république, chef du PDS
-- parti libéral - leur succède.
D'un point de vue économique, on observe une croissance
régulière de 5 % par an, depuis la dévaluation du franc
CFA en 1994. Les grands secteurs de l'activité économique sont
l'agriculture, la pêche, le tourisme et les sociétés de
services.
Malgré ce taux de croissance apparemment important, la
grande majorité de la population connaît des difficultés
financières.
C'est notamment ce que montre l'Indice de Développement
Humain (IDH), créé par le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD), qui est basé sur l'espérance de vie,
le taux de scolarisation et le PIB par habitant (PIB rapporté au pouvoir
d'achat). Sur les 177 pays classés selon l'IDH, le Sénégal
arrive en 157ème position en 2002, ce qui le met sur la liste
des Pays les Moins Développés (PMD) ou Pays les Moins
Avancés (PMA)
Taux d'inflation:
|
0,7%
|
Taux de croissance:
|
5,5%
|
Revenu / habitant (2000) :
|
500 dollars
|
PIB / habitant (rapporté au pouvoir d'achat, valeur
2000):
|
1.510 dollars
|
Dette extérieure totale (1999):
|
2,9 milliards de dollars US
|
Service de la dette par rapport au PIB (2000):
|
6,7%
|
Monnaie:
|
Franc CFA
|
Classement selon l'IDH (2002):
|
ème
157
|
Tableau I : Quelques indications sur l'économie
sénégalaise 1
1 Source :
http://www.pnud.org (consulté
le 01/08/2005).
L'état de la recherche au
Sénégal
La recherche scientifique et technologique au
Sénégal a hérité en grande partie du système
colonial français 2. C'est le cas de :
- l 'IFAN : Institut Français d'Afrique Noire, devenu
Institut Fondamental d'Afrique Noire ;
- le CNRA : Centre National de Recherche Agronomique de Bambey,
devenu ISRA (Institut Sénégalais de Recherche Agricole) ;
- l'ORSTOM : Office de Recherche Scientifique des Territoires
d'Outre Mer, actuel IRD (Institut de Recherche pour le Développement)
;
- le BRGM : Bureau de Recherche Géologique et
Minière ;
- et l'Institut Pasteur.
Certains de ces organismes, comme l'IRD, sont toujours
français. Une partie importante des chercheurs vient de France.
Comme dans beaucoup de pays africains, en particulier en
Afrique de l'Ouest, la recherche, bien que de plus en plus
développée, n'a que peu de légitimité au plan
international. Les publications restent le plus souvent nationales et n'ont pas
de reconnaissance en dehors des frontières du pays, ou de l'Afrique.
La recherche dans le domaine privé est quasiment nulle et
la recherche publique souffre d'un manque de structure au niveau
administratif.
En effet, depuis 30 ans les remaniements successifs de
l'organe directeur de la politique scientifique (d'abord Direction des Affaires
Scientifiques et Techniques en 1968, puis Ministère en 1983, puis
purement et simplement supprimé trois ans plus tard pour 10 ans,
etc.) constituent un des problèmes majeurs du secteur et de son
développement, avec un manque de moyens financiers évident
3.
En outre, problème supplémentaire, on constate
une fuite des cerveaux vers l'Europe et les Etats-Unis. Les étudiants
vont faire leur thèse dans les pays développés et restent
souvent dans ceux ci, faute de moyens suffisants dans leur pays.
2 GAILLARD J., La coopération scientifique et technique
avec les pays du Sud : peut-on partager la science ?, Karthala, Paris, 1999,
p.18. , 345 p.
3 GAILLARD J., WAAST R., L'aide à la recherche en
Afrique subsaharienne : comment sortir de la dépendance ? : Le cas du
Sénégal et de la Tanzanie, in Autrepart, No
13, France, 2000, p. 71-89.
Sans doute existe-t-il néanmoins un véritable
organe de recherche au Sénégal, avec des chercheurs
compétents et des résultats. On assiste à une
véritable prise de conscience des autorités politiques des enjeux
que soulève la recherche scientifique.
Mais ce secteur se heurte à une autre
difficulté, située en amont celle-là : la quasi
absence de culture scientifique. La population voit les priorités
ailleurs que dans ce domaine souvent opaque, aux retombées difficiles
à estimer pour des non spécialistes.
La culture scientifique en Afrique de l'Ouest et au
Sénégal : ses enjeux
Avant de pouvoir donner un aperçu de la culture
scientifique au Sénégal, il faut s'accorder sur la
définition du terme, loin d'être évidente.
Le terme culture renvoie à des notions
différentes selon le point de vue adopté : celui du linguiste, du
sociologue, de l'anthropologue, etc.
Ainsi Edgar Morin a-t-il souligné :
« Au sens anthropologique, la culture est ce qui n'est
pas héréditaire. Il y a bien sûr la culture d'une
société nationale ou régionale. La culture peut
également être le développement personnel d'un individu (ce
que l'on entend par culture générale). Et enfin, la culture
est l'aptitude à pouvoir situer un problème dans un
ensemble.»4
Jean Audouze 5 lui, définit la
science comme ce qui peut être contredit.
En rapprochant ces réflexions, la culture scientifique et
technique serait la capacité à émettre une opinion ou
à porter un regard critique (au sens large) sur le progrès
scientifique.
On peut avancer (prudemment) une définition, qui ne pourra
que difficilement contenter tous les spécialistes :
« La culture scientifique peut être
définie comme la capacité d?utiliser des connaissances
scientifiques pour identifier les questions auxquelles la science peut apporter
une réponse et pour tirer des conclusions fondées sur des faits
en vue de comprendre le monde naturel ainsi que les changements qui y sont
apportés par l?activité humaine et de contribuer à prendre
des décisions à leur propos » 6
Rapportée au Sénégal, autant dire qu'il
n'existe pas de culture scientifique.
De l'aveu même du recteur de l'Université Cheikh
Anta Diop de Dakar, Abdou Salam Sall :
4 M ORIN E., Qu'est-ce que la science apporte à la
culture? [en ligne], in Les rencontres CNRS
sciences & citoyens disponible sur :
http://www.patoche.org/alone/references/cedric/cnrs/refc004.htm
(consulté le 04/08/2005).
5 AUDOUZE J., Quest-ce que la science apporte à la
culture? [en ligne], in Les rencontres CNRS
sciences & citoyens disponible sur :
http://www.patoche.org/alone/references/cedric/cnrs/refc004.htm
(consulté le 04/08/2005).
6 OCDE, Connaissances et compétences en
mathématiques, lecture, sciences, résolution de
problèmes, Ocdé, Paris, p.147.
« La culture et la vulgarisation scientifique sont
'un gros problème" au Sénégal. Autant le
Sénégal dispose 'd'excellents" scientifiques et
chercheurs, autant il y a d'énormes difficultés pour aller au
coeur de nos sociétés y introduire la science et donner le
goût des filières scientifiques »
7.
Le Ministre Sénégalais de la Recherche,
Christian Sina Diatta, semble conscient des enjeux soulevés par la
question de la vulgarisation et de la culture scientifique. Dans un entretien
paru dans «Le Quotidien» du 27 mars 2003, il confie aux journalistes
que les chercheurs se doivent de rendre accessible leurs recherches, de faire
comprendre à la population et plus particulièrement aux jeunes
les enjeux de la recherche, pour la crédibiliser et la
démocratiser. Mais il est également conscient des
difficultés rencontrées :
« Les journaux scientifiques passent difficilement,
parce que peu de gens les achètent et les journaux en
général ont quelques difficultés à maintenir les
pages scientifiques pour la vulgarisation scientifique
»8.
L'éducation
Bien sûr, l'éducation a son rôle à
jouer dans le développement de la culture scientifique. Pourtant, les
filières scientifiques à l'université Cheikh Anta Diop
sont délaissées au profit des filières littéraires
(30% contre 70%).
Nous ne nous attarderons pas à en chercher les
multiples raisons. Mais le système éducatif, avec ses nombreuses
failles (en particulier aux niveaux primaire et secondaire), a probablement une
part de responsabilité.
Le système scolaire d'Etat actuel est l'héritage
du modèle colonial Français. Peu d'évolution depuis
l'indépendance de 1960, si ce n'est un taux de scolarisation en nette
hausse. Ce système très rigide n'est pas bien adapté au
contexte local, puisque calqué sur un modèle désuet
9.
Les statistiques attestent que malgré des efforts
récents, les résultats ne sont pas satisfaisants :
7 SALAM SALL A., interview publiée le 10 décembre
2004 par l'Agence de Presse Sénégalaise, Dakar.
8 SINA DIATTA C., entretien publiée le 27 mars 2003 dans
« Le Quotidien », Dakar, 2003
9 Ministère de l'éducation nationale du
Sénégal, le développement de l?éducation
rapport national du Sénégal, UNESCO, Avril 2001
Taux d'alphabétisation des adultes, Hommes, (2000)
|
47
|
%
|
Taux d'alphabétisation des adultes, Femmes (2000)
|
28
|
%
|
Taux de scolarisation dans le primaire, net, Hommes
(1998-2002)
|
61
|
%
|
Taux de scolarisation dans le primaire, net, Femmes
(1998-2002)
|
54
|
%
|
Taux d'enfants entrés en première année et
atteignant la cinquième, 1998- 2001
|
68
|
%
|
Taux de scolarisation dans le secondaire, brut, Hommes
(1998-2002)
|
22
|
%
|
Taux de scolarisation dans le secondaire, brut, Femmes
(1998-2002)
|
15
|
%
|
Tableau 2 : taux de scolarisation au Sénégal
10
Dans ces conditions, des systèmes concurrents ou
complémentaires au système scolaire d'Etat ont vu le jour, parmi
lesquels les écoles privées, les écoles communautaires et
les écoles coraniques (écoles traditionnelles).
Les modes de communication
Pour terminer ce tour d'horizon des données relatives au
contexte de cette étude, il faut encore se pencher sur les
systèmes de communication dont dispose le Sénégal.
On peut distinguer deux types de modes de communication : les
modes traditionnels, encore utilisés, particulièrement en milieu
rural ; les médias modernes ou de masse (on peut assimiler les deux au
Sénégal, les médias de masse étant apparus
récemment, avec la colonisation).
Les systq~mes d'information traditionnels
- Le griot : il était à la fois
un messager et le porte-parole des notables. Il arrive encore de nos jours que
des griots parcourent les rues pour annoncer des événements. Bien
qu'ils fassent plus partie du folklore aujourd'hui, ils conservent un
rôle informatif, surtout en milieu rural.
10 PNU D, Rapport national sur le développement
humain, Sénégal, 2003
- Les mosquées : le
Sénégal est un pays fortement islamisé. Sa population
compte 95% de musulmans et presque chaque quartier compte une mosquée
équipée d'un dispositif sonore. Ce dispositif est utilisé
pour appeler les fidèles musulmans à la prière cinq fois
par jour. C'est également un instrument de sensibilisation dont on se
sert pour annoncer des nouvelles à tout le quartier.
- I PtEteLJ LSPXPEte : les conseillers et
autres dignitaires des royaumes du Sénégal avaient pour habitude
de se concerter sur une place publique dénommée « arbre
à palabre ». Cette place était surtout
fréquentée par les notables et personnes âgées. Dans
certains villages, la tradition se perpétue, les hommes se
réunissant pour prendre les décisions concernant le village, ou
simplement discuter, échanger des informations, émettre des
opinions.
- Les rites : dans certaines ethnies
Sénégalaises, les rites initiatiques ont longtemps marqué
le passage de l'enfance à l'age adulte. Au cours du rite, était
transmise aux initiés toute la sagesse que requiert la vie d'adulte. Par
ce biais, on apprenait aux enfants tout ce qui leur permettait d'assumer leur
nouveau rôle dans la société.
Les survivances animistes dans certaines régions
enclavées du Sénégal permettent de perpétuer cette
tradition, en particulier en Casamance chez les Diolas, et au pays Bassari.
Ces systèmes d'informations, toujours présents
aujourd'hui, montrent une tradition de l'oralité
profondément ancrée dans la culture ouest africaine.
Avec l'influence occidentale, le développement du pays
et des technologies de l'information et de la communication, le
Sénégal a adopté de nouveaux systèmes de
communication et d'information, tels que les bibliothèques, la poste, la
radio, la télévision, la presse écrite, le
téléphone, le fax ou encore l'Internet.
Les centres de documentation
- Les centres documentaires sont
généralement rattachés à des institutions de
recherche ou d'enseignement. Ils occupent une place importante dans le paysage
documentaire du Sénégal. Leur public est spécifique,
souvent constitué de chercheurs ou d'étudiants du
supérieur.
- Les bibliothèques scolaires sont
conçues spécialement pour les écoles. Leur public est
exclusivement constitué des élèves de l'école dont
elles dépendent.
- Les bibliothèques publiques sont
ouvertes au grand public et, contrairement aux autres centres documentaires,
elles ne sont pas spécialisées. Elles sont rares et souvent mal
fournies.
Les médias de masse
De grandes mutations ont eu lieu dans le paysage
médiatique Sénégalais, suite à la
libéralisation de celui-ci en 1991. Les médias, en particulier
les radios communautaires et la presse, se sont développés,
laissant davantage d'espace à la liberté d'expression.
- La radio : le Sénégal compte
actuellement environ 60 chaînes de radio, dont beaucoup sont
communautaires. On peut citer entre autres Manoré, Oxyjeunes,
Environnement ou Ndef Leng.
Ces radios communautaires ont l'avantage de prêter la
parole aux populations qui peuvent donner leur avis sur la gestion de leur
collectivité, émettre des opinions, critiquer etc. La
radio au Sénégal est un lieu où se manifeste largement la
liberté d'expression.
- La presse écrite : depuis quelques
années, la presse écrite a également connu une grande
évolution. Elle joue un rôle important dans le renforcement de la
démocratie (journaux d'opinion, d'opposition politique, satyriques,
etc.). Il existe actuellement un douzaine de quotidiens et de nombreux
hebdomadaires.
- La télévision : contrairement
à la presse ou la radio, la télévision ne jouit pas de la
diversité et de l'espace de discussion dont profitent les autres
médias. En dehors de la chaîne de télévision
nationale, où le discours est très complaisant à
l'égard du pouvoir en place (RTS), il n'existe qu'une chaîne de
télévision privée Sénégalaise (RTS2), avec
une couverture moins importante du territoire.
Première partie - Présentation du concept
de communication participative
I. La communication pour le développement
Au préalable, il faut tenter d'apporter une
définition de ce que représente pour nous la notion de
développement.
Il ne s'agit pas de développement économique ou
social, ni même de développement structurel, mais plutôt de
développement humain, comme définit par le PNUD en 1990 :
« Les individus sont la véritable richesse d
?une nation. Le développement a pour objectif fondamental de
créer un environnement qui offre aux populations la possibilité
de vivre longtemps en bonne santé. Cela peut sembler une
évidence. Mais celle ci est souvent oubliée dans la course
à l?accumulation de biens et des avoirs financiers [...] Ce que nous
appelons développement humain est le processus qui élargit
l?éventail des possibilités offertes aux individus
» 11
Il n'existe pas « un » mais « des »
développements, selon des modes et des objectifs différents,
fonction du contexte et de l'environnement des populations
concernées.
Nous verrons dans cette partie ce qu'apporte la communication
au développement à travers leur histoire commune, pour ensuite
présenter plus précisément le modèle qui nous
intéresse : la communication participative communautaire.
I. 1. La communication pour le développement et ses
enjeux
Selon John Monyo, sous-directeur général pour le
développement durable à la FAO (Food and Agriculture
Organization) :
«La communication pour le développement est au
coeur d?un défi majeur - associer les populations pauvres aux processus
de prises de décisions qui influent sur leurs vies. Quand elle atteint
ses objectifs, la Communication pour le développement est un outil
puissant qui contribue à la réduction de la pauvreté et de
la faim tout en encourageant des processus démocratiques et des
changements sociaux dans de nombreux pays, particulièrement dans les
secteurs de l?agriculture et du développement
rural.» 12
11 PNUD, human development report 1990 [en
ligne], 1990, PNUD, disponible sur
http://hdr.undp.org/reports/global/1990/en/
(consulté le 04/08/2005)
12 MONYO J., Neuvième Table ronde des Nations Unies
sur la Communication pour le développement [en
ligne], septembre 2004 Rome, Italie, disponible sur
http://www.fao.org/sd/dim_kn1/kn1_040701a4_en.htm
(consulté le 22/07/2005)
Tout comme la majorité des acteurs du
développement, John Monyo voit donc la communication pour le
développement comme un outil nécessaire au processus de
développement.
Aujourd'hui, le développement d'un pays ne se
conçoit pas sans la mise en place d'une politique de communication. Au
niveau national, mais aussi local.
Colin Fraser et Jonathan Villet résument ainsi cette
vision de la communication pour le développement :
«Si le développement était une
étoffe tissée par les activités de millions de personnes,
la communication serait le fil qui les relie ensemble...L'utilisation
planifiée des techniques et activités de communication et des
médias met au service de la population des outils puissants pour faire
l'expérience des changements et même pour les diriger. Un
échange intense d'idées entre tous les secteurs de la
société peut conduire la population à s'engager plus
fortement pour une cause commune. C'est un élément fondamental
pour un développement approprié et
durable.» 13.
Au-delà des formulations générales et du
consensus sur l'utilité de la communication pour le
développement, cette notion cache des définitions variées
et autant de points de vues.
Cette expression est parfois employée pour qualifier la
contribution générale de la communication au développement
de la société, ou encore pour désigner la discussion des
thèmes de développement dans les médias.
Mais comme nous l'avons vu précédemment, et ce
sera le cas pour le reste de l'étude, elle renvoie
généralement à l'exploitation planifiée de
stratégies et de processus de communication visant le
développement.
Au sein même de cette dernière définition,
il existe un vaste champ d'études recelant plusieurs approches,
idéologies et courants de pensées. On peut citer parmi ces
différentes approches, l'information, la conscientisation,
l'éducation, la vulgarisation, les médias, la communication
participative, l'e-learning, le marketing social et bien d'autres encore.
Il est difficile de donner une définition précise
de la communication pour le développement, vu la variété
des approches méthodologiques. Chacune aura une définition
propre.
13 FRASER C. et VILLET J. (1994) cités par DEANE J.,
Communication: un élément clé du développement
humain [en ligne] in 9ème Table ronde des Nations
unies sur la communication pour le développement, FAO, Rome, septembre
2004, disponible sur
http://www.fao.org/sd/dim_kn1/docs/kn1_040701a10_fr.doc
(consulté le 04/08/2005).
Quant à l'expression de «communication pour le
développement» même, selon le Clearinghouse for Development
Communication, elle aurait d'abord été employée aux
Philippines dans les années 1970 par le professeur Nora Quebral pour
qualifier les procédés de transmission et de communication des
nouvelles connaissances dans le domaine de l'environnement rural. Le champ a
ensuite été étendu à tous ceux qui cherchaient
à améliorer les conditions de vie des plus pauvres.
Parmi les champs d'application du domaine, certains nous
intéresserons particulièrement pour répondre à la
problématique.
En effet, la communication pour le développement
constitue un outil fondamental pour sensibiliser les populations, corps de
métier, communautés sur divers thèmes. Allant du VIH/SIDA,
à l'utilité de l'inscription des naissances à
l'état civil, en passant par l'acquisition de nouvelles techniques
agricoles.
L'autre registre qui nous intéresse
particulièrement est de savoir comment la communication pour le
développement peut faciliter la transition
recherche/développement.
Autant d'enjeux et de défis que tentent de relever avec
plus ou moins de succès depuis une cinquantaine d'années, acteurs
du développement, communicants spécialisés dans le domaine
et hommes politiques.
Au cours de ces décennies sont apparus
différents courants de pensée. Les méthodes se sont
diversifiées, grâce aux recherches et à l'expérience
sur le terrain.
I. 2. Historique de la communication pour le
développement à travers ses différents modèles
Jusqu'à aujourd'hui, on peut noter deux grandes
tendances qui se sont développées successivement.
La diffusion massive d'informations reposant sur les
médias, et la communication à l'échelle communautaire,
exploitant plutôt des médias « légers »
(affiches, vidéos, diapositives...) ou traditionnels (contes,
théâtre...).
a. Le paradigme de la modernisation et la
théorie de la diffusion
Dans les années 1950 et suite à la
décolonisation, beaucoup de grands organismes de développement
comme l'United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization
(UNESCO), la FAO, le PNUD ou encore l'Agence américaine pour le
développement international (USAID), ont lancé de grands projets
reposant sur l'utilisation des médias de masse en vue de faciliter le
développement des pays du sud.
Alors que la guerre froide s'annonçait, Etats-Unis et
Union Soviétique projetaient de faciliter le développement de ces
pays pour accentuer leur influence et imposer leur modèle de
société à ces Etats ayant récemment acquis leur
indépendance.
C'est dans ce contexte que les travaux de Lerner se sont
effectués. Pour lui, seules les attitudes modernes (modèle
occidental) sont capables de sortir un pays du sous développement et les
moyens de diffusion de l'information de masse sont les plus appropriés
pour faciliter ce développement.
Cette approche qui constitue le paradigme de la modernisation
(Lerner, The Passing of Traditional Society, 1958)
14, est basé sur un transfert de technologie
des pays industrialisés vers les pays pauvres, l'acquisition de ces
nouvelles techniques se faisant par l'intermédiaire des médias de
masse (presse, radio, télévision).
Dans ce modèle, on considère que le processus de
communication se fonde sur des messages allant d'un émetteur vers un
récepteur. On se limite à informer la population sur les projets,
à illustrer les avantages de ces projets et on incite à les
soutenir.
Il s'agit d'un schéma classique de communication
verticale, allant de l'émetteur vers le récepteur.
En 1962, Everett Rogers introduit la théorie de la
diffusion dans le contexte de
développement15. Il considère la
modernisation comme un processus de diffusion qui permet aux individus de
passer d'un mode de vie traditionnel à un mode de vie différent,
plus développé sur le plan technologique et plus adapté
aux changements rapides.
14 Daniel L ERN ER, The passing of
traditional society. Modernizing the Middle East,
New-York, The Free Press cité par SERVA ES J. et MAL IK HAO P.,
Communication et développement durable [en
ligne] in 9ème Table ronde des Nations Unies sur la
communication pour le développement, 2004, FAO, Rome, Italie, p. 5
disponible sur
http://www.fao.org/sd/dimkn1/docs/kn1040701a1fr.doc
`consulté le 04/08/2005.
15 ROGERS E., Communication and Development, Critical
Perspectives, Beverly Hi lls, London, Delhi, Sage Publications, 1976
cité par Bessette G., la communication participative communautaire :
un agenda ouest-africain, CRD I, 1996, p 9.
Cette théorie prenait en compte trois
éléments principaux : le public cible de l'innovation,
l'innovation même à transmettre et les sources et canaux de
communication.
Ses travaux étaient principalement axés sur la
transmission de techniques agricoles vers les pays en développement par
l'intermédiaire d'une personne ressource. Rogers a insisté sur le
processus d'adoption et de diffusion des innovations culturelles.
Dans cette théorie, les médias de masse jouent
un rôle important pour sensibiliser le public sur les nouvelles
possibilités et pratiques, mais c'est la communication interpersonnelle
qui est considérée comme la plus efficace (cette théorie
aura beaucoup évolué au cours du temps).
Ce modèle a vite été critiqué car
trop simpliste, ne prenant pas en compte les types de public cible. Il ignorait
également le pouvoir de l'influence des structures politiques et
économiques, de la culture, bref du contexte sur l'adoption d'une
innovation.
Enfin, la diffusion de l'information dans ce modèle se
fait toujours de façon verticale, du haut vers le bas, ce qui n'est
évidemment pas satisfaisant, car trop réductionniste et
autoritaire.
Chin Saik Yoon nous souligne avec humour les aberrations
issues de cette approche, ne prenant pas en considération le contexte et
la manière dont pouvaient êtres perçues les actions
menées ainsi :
« Plusieurs projets de vulgarisation agricole ont
échoué parce que les agriculteurs hésitaient à
abandonner leurs façons de faire éprouvées en faveur de
nouvelles méthodes bizarres. Cela les rendait également inquiets
de planter des cultures exotiques qu'ils ne pouvaient manger, mais devaient
vendre en échange d'argent avec lequel acheter de la nourriture au
marché. Lorsque les gens ont obtenu l'eau courante, ils s'en sont
souvent servi pour laver et non pour boire et manger parce qu'ils n'en aimaient
pas le goût. On leur a demandé de cesser de croire aux esprits et
aux démons et de faire confiance à la science, qui parlait de
choses comme les « germes » qu'on ne peut voir, mais auxquels on peut
attribuer la plupart des douleurs et des maladies. On leur a également
demandé de faire attention à une chose nommée « azote
», elle aussi invisible mais ayant des effets sur le rendement des
cultures. N'était-ce pas là justement une autre forme de
sorcellerie? » 16.
Cependant, malgré les critiques soulevées, ce
paradigme de la modernisation reste vivant et continue à influencer le
discours des principaux acteurs de la communication pour le
développement en matière de politique et de planification sur le
plan théorique comme sur le terrain.
16 YOON C. S., La communication participative pour le
développement [en ligne] in La communication
participative pour le développement, Un agenda ouest-africain CRD I,
Montréal, 1996, disponible sur
http://www.idrc.ca/fr/ev-30910-201-1-
DO_TOPIC.html (consulté le 04/08/2005).
Parallèlement à cette prise de conscience des
lacunes du modèle diffusionniste, sont apparus deux paradigmes de
développement dont ont découlé de nouveaux modèles
de communication.
b. Le paradigme de dépendance
A l'origine ce paradigme est l'idée que les obstacles
au développement proviennent de sources externes, le système
économique international, ce qui expliquerait cette incapacité
des médias à induire des changements.
Si l'on suit le raisonnement de ce paradigme, les
médias ne peuvent servir de véhicule de développement
puisqu'ils transmettent des messages occidentaux, c'est-à-dire une
idéologie basée sur le capitalisme. Appliqué au
Sénégal, le panorama télévisuel illustre
parfaitement ces propos. En dehors de la Radiodiffusion
Télévision Sénégalaise (RTS) qui diffuse quelques
informations locales, les chaînes privées disponibles sont
occidentales et inadaptées au contexte local. On peut noter parmi
celles-ci Canal horizons ou TV5.
Mais ce paradigme, bien qu'aujourd'hui encore actif, est
critiqué pour sa vision uniquement internationale qui néglige les
contradictions nationales ou locales.
Suite à la naissance de cette nouvelle vision du
développement, Freire 17 présente un
modèle de communication pour le développement dans La
Pédagogie des opprimés en 1973. Selon ce modèle, on
est bien loin de la théorie diffusionniste puisque la communication est
considérée comme un outil au service de la population.
En se politisant, la population dégage elle-même
les problèmes auxquels elle est confrontée, s'organise et agit
contre ces problèmes, propose des solutions et se dote d'outils pour les
appliquer.
Mais comme les modèles précédents, il a fait
l'objet de critiques, en particulier concernant la politisation des
communautés.
En effet, s'il existe de nombreux pays où ce genre
d'initiatives populaires par l'intermédiaire des médias sont
tolérées, l'action politique dans certains pays en
développement peut mener au renversement de l'élite
gouvernante, sans laisser les moyens aux populations par la suite de
17 FREI RE P., La pédagogie des opprimés,
Paris : La Découverte / Maspéro, «Petite Collection
Maspéro», 1983, 202 p.
changer la situation. Ces actions menant possiblement au
soulèvement populaire se soldent parfois par la répression et le
recul des droits démocratiques.
c. Le paradigme d'un autre développement
Contrairement aux précédents, ce dernier
paradigme ne porte pas uniquement sur des considérations
matérielles ou économiques, voire politiques. Il inclut le
développement des valeurs et des cultures.
A l'origine de plusieurs modèles de communication pour
le développement, il privilégie les réseaux et les
approches de communication à la base (groupements de base et couches
sociales les plus défavorisées) à travers les
«petits» médias, ou médias «légers»
(radio communautaires, affiches, vidéos, etc.)
Dans ces modèles, les adeptes considèrent que la
participation aide à faciliter l'adoption d'activités
appropriées, puisque issues des cibles de cet objectif de
développement.
La méthodologie des médias communautaires est un
des modèles se rattachant à ce paradigme.
d. Les nouveaux modèles de
communication
D'autres modèles proposent des conceptions issues des
différents paradigmes, en combinant l'approche communautaire avec
d'autres pratiques.
On peut noter des approches issues du marketing social, combinant
des techniques de communication utilisées pour de petits groupes
à l'utilisation de médias à grande échelle.
La conscientisation 18
également, qui tente de donner la parole aux plus démunis dans le
but de promouvoir la démocratie et la justice sociale.
Il existe encore bien d'autres modèles et pratiques,
influencés tout ou partie par ces trois paradigmes du
développement.
18 FREI RE P., La pédagogie des opprimés,
Paris : La Découverte / Maspéro, «Petite Collection
Maspéro», 1983, 202 p.
Mais malgré cette diversité dans les approches
de la communication participative, révélant un champ vaste et
complexe, tous les acteurs de la communication s'accordent aujourd'hui sur la
nécessité d'inciter les populations à participer à
leur propre développement.
I. 3. Les échecs et lacunes dans le domaine
Nous venons de voir comment ont évolué les
modèles de communication pour le développement, en partie par
rapport à l'évolution parallèle de la notion de
développement.
Les échecs constatés par les premiers
modèles diffusionnistes et 50 ans de recul n'ont pas réussi
à combler toutes les lacunes des modèles actuels.
Pour la problématique qui nous concerne, certains
obstacles majeurs sont à contourner, des solutions variées
peuvent être apportées par la combinaison des différents
modèles.
Afin de déterminer le modèle le plus
approprié pour répondre au problème posé, à
savoir le développement de la culture scientifique au
Sénégal principalement, il est fondamental de bien cerner les
obstacles à supprimer ou contourner.
Les premiers modèles de développement
étaient définis exclusivement selon leurs variables
économiques. Comme le mentionne le rapport de la commission MacBride,
faisant état des problèmes de communication entre les pays du
nord et du sud, pour le compte de l'UNESCO en 1980 :
« Les anciens modèles utilisaient la
communication surtout pour la diffusion de l ?information, pour faire
comprendre à la population les bénéfices?? que
promet le développement et les sacrifices?? qu ?il exige. L
?imitation d?un modèle de développement, fondé sur
l?hypothèse que la richesse, une fois née, s ?infiltrera
automatiquement dans toutes les couches de la société, comprenait
la propagation de pratiques de communication de haut en bas . . . Les effets
ont été très éloignés de ce qu?on escomptait
» 19
Les modèles suivants, d'avantage centrés sur les
populations, sur la communication à la base et l'utilisation de
médias légers, n'ont pas pour autant effacé les nombreuses
lacunes que représente ce type de communication. Ils sont malgré
tout encore très utilisés aujourd'hui en communication pour le
développement.
En effet, les modèles de communication comme la
diffusion des innovations, l'interactivité des flux ou les approches
de vulgarisation s'inscrivent dans le paradigme de la modernisation.
19 MACBRI DE S., Voix multiples, un seul monde: Rapport de la
commission internationale d?étude des problèmes de
communication, [en ligne], la documentation française, les
nouvelles éditions africaines, UNESCO, Paris, 1980, p.6 disponible
sur
http://unesdoc.unesco.org/images/0004/000400/040066fb.pdf
(consulté le 04/08/2005).
Or cette manière de communiquer à sens unique, du
sommet vers la base, se heurte à des difficultés qui rendent ces
modèles inadaptés et peu efficaces.
s Manque d'appropriation
Dans ces modèles classiques et même des
modèles plus récents de communication à la base, les
populations qui reçoivent des informations de manière passive ne
s'approprient pas les connaissances.
Or, pour accepter un changement, faire changer des comportements,
il est nécessaire - mais pas suffisant - de s'approprier les
connaissances nouvelles.
Une communication verticale, quelque soit le média
utilisé, laissera toujours l'auditeur passif.
Ensuite il existe certaines méthodes dites participatives,
qui font intervenir le public dans la communication, autour de médias
déjà élaborés.
Mais là encore, bien que l'appropriation soit plus
efficace, on continue d'imposer des connaissances avec des
vérités préétablies, sur lesquelles l'auditeur ne
peut intervenir.
? Refus de l'autorité des scientifiques ou ONG,
autorités qui imposent des savoirs
Quand on impose des connaissances ou des nouvelles techniques,
comportements, etc sans que ceux-ci soient issus au moins en partie
des cibles de la communication, on risque de se heurter à un conflit
d'ordre hiérarchique.
Il est beaucoup plus difficile d'accepter une nouveauté
imposée qu'une nouveauté initiée par soit même. Cela
parait évident, mais cela pose un problème difficile en
communication pour le développement.
Tout simplement parce que la plupart des innovations, messages
de prévention et tout autre enjeu de développement
nécessitant une communication sont issues des autorités locales,
internationales, d'organisations non gouvernementales (ONG), de scientifiques,
agents de développement, etc.
Là encore, les modèles dits participatifs, qui
n'en sont pas réellement au sens où nous l'entendons, tentent
d'atténuer le problème, en faisant participer les cibles à
la communication. Mais si le message est déjà construit, les
rapports d'autorité restent inchangés
et les savoirs imposés - peut-être de façon
moins brutale, mais le fond du problème reste inchangé.
s Autres difficultés : accès à
l'information, information non ciblée...
L'expérience de ces 50 dernières années
en communication pour le développement indique que les modèles
utilisés jusqu'à une période très récente,
et même encore aujourd'hui pour beaucoup, ne prennent pas suffisamment en
compte le contexte dans lequel s'inscrit cette communication.
Ici, et ce sera le cas dans tout ce travail, nous prendrons le
terme de contexte comme définissant l'ensemble des paramètres
socio-culturels, économiques, environnementaux et politiques,
c'est-à-dire les circonstances accompagnant la communication.
Dans la plupart des cas, les médias sont
élaborés soit, au mieux, par des professionnels de la
communication pour le développement, soit des agents de
développement, des ONG, des centres de recherche et tout autre organisme
ayant besoin de faire passer un message.
Or, même si une étude du terrain approfondie a
été effectuée en amont, tous les paramètres du
contexte seront très difficiles à cerner.
D'une part, dans les communications de masse, il est
impossible d'adapter le message à toutes les cibles, puisque
différentes.
D'autre part, même à l'échelle
communautaire voire interpersonnelle, si on ne vit pas dans le même
contexte que les cibles, il est très difficile d'adapter parfaitement
son message a celle- ci.
Bien que cela ne soit pas impossible, les contraintes
liées au temps ou au budget limitent souvent ce travail d'appropriation
du contexte de communication.
Mais la difficulté se situe souvent à un autre
niveau, non pas dans la manière de communiquer ou d'adapter le message,
mais dans l'innovation même.
Les innovations, dans leur immense majorité, sont
issues de recherches scientifiques. Les chercheurs ne connaissant pas toujours
les applications concrètes de leurs recherches et surtout le contexte
dans lequel elles seront appliquées, les résultats de recherche
sont parfois inadaptés au terrain.
Les exemples foisonnent, notamment dans le domaine de la
recherche agricole, comme le suivant, cité par Niels Röling
20.
Il nous explique qu'une agence de recherche agricole
internationale s'est penchée sur la question de la gestion de la
fertilité des sols en Afrique de l'Ouest. Au terme d'une recherche
importante, elle a démontré qu'une l'amélioration de la
fertilité des sols pouvait être obtenue par la culture sous la
végétation du haricot de la Floride (Mucuma spec).
« Comme on pouvait s ?y attendre, lors de sa
présentation au public, cette idée a quelque peu
été critiquée. On a essayé le Mucuma plusieurs
fois. Invariablement les agriculteurs se plaignent qu ?ils ne peuvent pas
manger les haricots, et qu ?il est dur et fatigant d?incorporer les
matières végétales au sol, que les haricots occupent la
terre pendant deux saisons durant lesquelles la production alimentaire est
impossible, etc. Le Mucuma, comme engrais vert, n ?a été
adopté nulle part en Afrique de l?Ouest. Imperturbable, le
représentant de l?agence proclama que ce n ?était pas son
problème mais celui des agriculteurs et que s ?ils voulaient sortir du
cercle vicieux de la dégradation des sols et de la pauvreté, ils
devaient planter du Mucuma. C ?est une approche typiquement linéaire. Le
chercheur a raison et son manque d?incidence est un problème qui
concerne les agriculteurs. »
Cet exemple est typique et révélateur des
obstacles que peuvent rencontrer la communication pour le
développement.
Les modèles théoriques, aussi poussés
soient-ils, sont confrontés à des obstacles dépassant le
cadre de la communication (si on considère qu'il existe un cadre de la
communication...). Certaines composantes difficiles à maîtriser
doivent pourtant être prises en compte. Tel que le transfert de
technologie, qui repose actuellement sur un modèle linéaire,
comme celui proposé par Kline et Rosenberg, 1986, et Chambers et
Jiggins, 1987.
Recherche fondamentale
4
Recherche appliquée
?
Recherche finalisée
9
Experts spécialisés
?
Agents de vulgarisation en première ligne
?
Agriculteurs progressistes (diffusion)
?
Utilisateurs finaux
Figure 1: Transfert de technologie (appelé aussi
`Modèle linéaire') 21
20 RÖL I NG N., La communication pour le
développement dans la recherche, la vulgarisation et l?éducation,
[en ligne] in 9ème Table ronde des Nations unies
sur la communication pour le développement, FAO, Rome, septembre 2004,
p.20 disponible sur
http://www.fao.org/sd/dim_kn1/docs/kn1_040701a3_fr.doc
(consulté le 04/08/2005).
21 ibid, p.13
Dans nombre de cas, ce schéma linéaire pourrait
tout aussi bien être appliqué au transfert de connaissances.
Cependant, la tendance est à l'implication des populations dans leur
propre développement. Il existe un quasi consensus à ce
niveau, même si ce n'est pas le cas sur le terrain.
C'est d'ailleurs ce que dénoncent certains chercheurs
ou acteurs du développement. Ils vont jusqu'à remettre en cause
la légitimité des pratiques de communication de
développement, qui au-delà des discours apparemment consensuels
sur leur caractère fondamental, seraient loin d'avoir cette
reconnaissance sur le terrain.
Missè Missè est un exemple de ce courant de
pensée très contemporain :
« La dimension symbolique qui se manifeste par les
résistances observées s'explique probablement, du
côté des populations africaines, par la contradiction
perçue entre les pensées et les pratiques du
développement. Ce décalage valide la thèse des
arrière-pensées du développement, qui institue une
relation de méfiance des "receveurs" vis-à-vis des "donneurs" ou
des "donateurs"[...]. Au niveau de leur opérationnalisation, on observe
un manque de cohérence, à l'échelle mondiale, des
stratégies qui se donnent pour objectif de mettre la communication
sociale au service du changement et du développement. Les
stratégies de développement mises en oeuvre sont loin de donner
aux professionnels de la communication du développement la
reconnaissance nécessaire à leur action en faveur du
développement à l'échelon national. On observe que la
communication du développement n'est, ni plus ni moins, que la roue de
secours de la bicyclette. » 22
Cette vision très critique de l'action des acteurs du
développement reflète un trouble actuel dans les modèles
de communication qui sont loin d'être parfaits. Les chercheurs,
même s'ils ont conscience de ces lacunes, n'ont pas forcément de
réponse à apporter. En particulier dans un contexte ou les
changements politiques et sociaux vont de paire avec une vision du
développement bien loin de celle de Ronald Reagan qui
«inaugura» le terme en 1949.
II. La communication participative communautaire
Nous restons persuadés, et il existe un consensus sur ce
postulat, que la communication pour le développement est un
élément fondamental du processus de développement.
Comme le slogan de Balit, popularisé par la FAO, l'exprime
: « il n'y a pas de développement sans communication
».
22 MISSE MISSE, L'aporie de la communication sociale pour le
développement [en ligne], Séminaire de
Misse Misse, chaire Unesco, Université Stendhal de Grenoble, Mars 2004,
disponible sur
http://www.u-grenoble3.fr/chaire_unesco/Textes/misse/seminaire5.htm
(consulté le 04/08/2005)
Alors pour avoir une approche la plus efficace possible, nous
tenterons de proposer une stratégie adaptée aux besoins qui nous
concernent, à savoir le développement de la culture scientifique
au Sénégal, ainsi que la sensibilisation de la population sur des
thèmes de santé publique notamment et, enfin, l'adoption
d'innovations issues de la recherche pour le développement.
Le but reste ambitieux et les éléments
nécessaires pour répondre à une telle problématique
ne pourront être étudiés sous tous leurs aspects.
Pour la suite de ce travail, nous nous limiterons à
l'étude d'une stratégie de communication la mieux adaptée
pour répondre à la problématique. Dans un premier en temps
en décrivant celle-ci, puis en testant sa pertinence à travers
divers exemples.
Avant d'exposer le modèle retenu, voyons un bref
aperçu des différentes approches participatives en communication
pour le développement.
II.1. Le modèle participatif
Le modèle participatif tel que nous l'entendons
aujourd'hui intègre les concepts issus des expériences, en
soulignant l'importance de l'identité culturelle des communautés
locales, de la démocratisation et de la participation à tous les
niveaux (national, local et individuel). Paulo Freire
23, qui a la largement contribué à
cette approche, considère cela comme le droit de tout peuple à
s'exprimer individuellement et collectivement :
« Il ne s'agit pas du privilège de quelques
personnes, mais du droit de tout homme (et de toute femme) à s'exprimer.
En conséquence personne ne peut dire une vérité tout seul
- pas plus qu'il ne peut la dire à la place de quelqu'un d'autre, de
façon normative, en volant aux autres leur parole ».
Cette approche participative, née dans les années
70, a comme idée centrale la participation active des gens visés
par un processus de développement.
Mais il s'agit sûrement de l'unique point commun, tant la
participation des populations est vue de différentes manières, et
les divergences demeurent nombreuses.
23 FREI RE P., La pédagogie des opprimés,
Paris : La Découverte / Maspéro, «Petite Collection
Maspéro», 1983, 202 p.
Le paradigme de la modernisation et la théorie de la
diffusion, avec Rogers notamment, ont mis en avant les méthodes
interpersonnelles après avoir préconisé l'utilisation des
médias de masse.
Les premières expériences participatives se sont
donc déroulées au niveau communautaire, en utilisant des
médias traditionnels et populaires, des activités de groupe,
etc. Mais aucun rôle n'avait été laissé aux
médias dans cette conception. Les praticiens ont vite innové avec
notamment les radios communautaires qui ont rapidement connu un certains
succès.
André-Jean Tudesq 24 souligne
notamment le rôle de la FAO dans la mise en place de ces radios
communautaires, essentiellement rurales.
A ce moment sont nées des émissions basées
sur des enjeux locaux, animées par des acteurs locaux.
Cette initiative a permis par la suite de donner aux
médias de masse un rôle en communication participative
dépassant le niveau de la collectivité, jusqu'à un niveau
régional, et même national.
a. Les différents niveaux de
participation
Il existe plusieurs types d'approches, non seulement au niveau de
l'échelle, mais aussi de la participation.
Selon Uphoff (1984) 25, il existe
quatre niveaux de participation, selon l'implication de la population dans le
projet de développement :
s Participation à l'exécution
La contribution des gens concernés se tourne vers
l'exécution de certaines taches, ils prennent part au projet et ont
parfois des responsabilités.
22 TUDESQ André Jean, Les médias en
Afrique, ed. Ellipse, 1999, p60-70 et 100-110.
25 Uphoff cité par Guy bessette, Communication et
participation communautaire Guide pratique de communication participative pour
le développement, Les Presses de l'Université Laval, 2004,
200p.
? Participation à l'évaluation
On demande l'avis à la population sur le
déroulement du projet une fois qu'il est arrivé à son
terme.
? Participation aux avantages
La population profite des retombées d'un projet, par
exemple obtenir de l'eau d'une pompe à main, ou un camion pour
transporter leurs produits au marché, etc.
? Participation à la prise de décisions
Les gens prennent part à l'élaboration du
projet, émettent des idées, des critiques, décident. Que
ce soit sur le plan politique, culturel, religieux ou des projets de
développement. Cette forme de participation est sans doute celle qui
implique le plus la population et peut dépasser le cadre du
développement au sens conventionnel, regroupant des activités
communautaires comme l'organisation de fêtes ou tout autre
événement.
Les activités de développement peuvent aller
jusqu'à l'utilisation de ces quatre niveaux de participation, mais cela
reste assez exceptionnel.
D'une part, du fait de l'implication que cela demande de la
part de la population ; d'autre part, du fait des moyens que cela
nécessite et des problèmes que cela peut poser, par exemple sur
un plan politique.
Parmi toutes ces nuances, il est très difficile de
faire son choix en tant qu'acteur de développement. Chaque forme
possède ses avantages et contraintes, et il faut savoir surtout
s'adapter en fonction du contexte.
b. Les éléments fondamentaux de la
communication participative
Dans ce que nous appelons communication participative, les
quatre niveaux de participation précédemment cités
doivent être présents. En particulier pour la problématique
qui nous intéresse, à savoir l'application de cette approche
participative pour le développement de la
culture scientifique au niveau communautaire. Mais
également dans toute autre démarche de communication
participative.
Dans d'autres domaines, cette démarche participative
pourrait s'avérer efficace, dans la communication pour le
développement bien sûr, domaine dont elle est issue, mais aussi la
sensibilisation des communautés à certains problèmes
soulevés par la recherche, et la transition recherche/application par
l'adoption d'une innovation, par exemple dans le cadre d'une recherche
participative (recherche qui inclut la population à la base dans
l'orientation de ses activités de recherches en donnant la parole aux
futurs bénéficiaires des résultats de ces recherches).
Certaines méthodologies tentent une approche
généraliste, suffisamment souple pour s'adapter au contexte.
Toute la difficulté se trouve là, bien conscient qu'il n'existe
pas de « recette » à appliquer à la lettre pour chaque
situation.
Néanmoins, nous considérons tout comme le souligne
Elayne Harris 26, qu'il y a au moins 10
éléments fondamentaux à respecter pour faire de la
communication participative.
s La responsabilisation
Le premier intérêt d'adopter une démarche
participative est la responsabilisation des personnes concernées par le
projet de développement, de sorte qu'elles définissent et
analysent les problèmes rencontrés et les mesures à
prendre.
On part du postulat qu'il existe un savoir profane issu du
milieu de vie, et que les acteurs de développement ou scientifiques ne
peuvent avoir une connaissance aussi approfondie du milieu que ceux qui y
vivent et y travaillent.
Cependant, certains chercheurs ou acteurs de
développement ajoutent que cette responsabilisation n'est pas
forcément atteinte, qu'elle n'est possible sans conscience des
disparités sociales et économiques. Mais cette conscience est
généralement acquise par d'autres médias de masse, comme
la télévision qui véhicule une image du monde occidental.
Ensuite, cela ne permet pas forcément une vision critique des
disparités.
26 HA RRIS E. M., Le rôle de la communication
participative pour le développement comme outil d'éducation non
formelle à la base [en ligne], in
La communication participative pour le développement, Un agenda
Ouest-africain CRDI, Montréal, 1996, disponible sur
http://web.idrc.ca/fr/ev-30920-201-1-DO_TOPIC.html
(consulté le 05/08/2005)
s Public pas seulement auditeur, mais acteur
Le public, qui était auparavant passif, participe au
contenu de la communication. Il passe d'un statut d'objet dans la
communication, et dans l'apprentissage, à celui de sujet.
s Large éventail de types de communication
Ne pas se contenter de communication interpersonnelle et
locale traditionnelle, mais aussi la développer grâce aux
médias d' « amplification », permettant de multiplier et
élargir le panel de types de communication.
s Libre choix des outils de communication et activités
Une fois les outils de communication adaptés à
la situation choisis, il faut créer les conditions nécessaires
pour que les personnes concernées par le projet soient dotées de
ces outils et puissent décider librement des activités à
mener, de leur structuration et des applications.
s Outils de communication appliqués aux problèmes
et questions touchant les personnes concernées
Le choix de l'outil de communication est fonction de l'usage
auquel on le destine. Par exemple on pourra plus facilement soulever des
problèmes à l'aide du thêatre-forum, ou bien un
enregistrement audio ou vidéo des points de vue de certains participants
peut aider à approfondir un débat.
s Présence d'un animateur pour la mise en place de la
communication participative
Il est nécessaire qu'un animateur, agent ou
facilitateur soit présent pour lancer le processus de communication
participative. Son rôle étant de faciliter la communication,
permettre une investigation approfondie et une recherche pertinente. Cela
n'implique pas qu'il n'ai pas le même pouvoir que les autres : chacun
doit rester sur le même pied d'égalité.
s Choix du facilitateur ou animateur
Pour mettre en oeuvre une communication participative, il faut
que l'agent chargé de sa mise en place soit bien sûr initié
aux techniques d'utilisation des médias, à la mise en oeuvre
pratique de tels projets, qu'il ait une connaissance approfondie du terrain.
Mais il faut veiller à ce que ses connaissances
n'influent pas sur le pouvoir de décision des personnes
concernées par le processus. Au risque de perdre de son pouvoir de
responsabilisation.
La fonction de cet animateur est donc fondamentale, elle
nécessite une formation approfondie d'une part et une grande
compétence en matière de relations humaines.
Il faut faire attention si on choisit des spécialistes
d'un domaine quand il s'agit du «pilote» d'un projet et ce, pour
garantir l'initiative de l'appropriation des outils de communication et du
pouvoir de décision aux personnes concernées.
s Prohiber toute manipulation
Il n'est pas rare de rencontrer des cas de manipulation des
populations à la base dans des projets utilisant - soi-disant - une
démarche de communication participative (pas au sens où nous
l'entendons, mais à des niveaux de participation moins
intégrée que la vision que nous en avons).
Ces manipulations conscientes ou non sont quasiment toujours
nuisibles pour les personnes concernées par le projet de
développement ou la sensibilisation. Les bénéfices iront
plutôt vers les élites.
? Pas de programme préétabli
Si un «carnet de route» est déjà
planifié avant le début d'un projet de développement, que
ce soit pour s'occuper des problèmes identifiés comme
prioritaires par les personnes concernées ou tout autre programme, on
risque fortement de passer à coté des véritables
priorités, ou bien d'y répondre de manière
inadaptée.
Il est primordial d'établir ce programme en partenariat
avec la population cible, sous peine de se tromper dans l'identification des
objectifs principaux de la communication participative : cerner au mieux les
enjeux et, ainsi, les moyens d'y répondre grâce au savoir
local.
s Pas de médium ou de méthode miracle dans le
déroulement d'un projet
La communication participative se définit par des
idées et des postulats comme cités auparavant, mais en aucun cas
par une méthode inflexible ou par l'utilisation d'un médium de
manière préférentielle.
Certains auteurs vanteront par exemple l'utilisation de la radio
communautaire comme moyen le plus efficace.
Nous pensons que chaque situation nécessite bien au
contraire une approche, un choix et une utilisation des médias
spécifique.
Suite à cet énoncé non exhaustif de
principes sur lesquels s'appuie notre vision de ce que nous appelons
«communication participative pour le développement», en
particulier dans le domaine de l'éducation populaire, nous pouvons
tenter de retenir une définition de cette notion.
La définition que donne Guy Bessette 27 nous
semble la plus proche de la conception que nous nous en faisons :
« La communication participative pour le
développement est une action planifiée, fondée d?une part
sur les processus participatifs et d ?autre part sur les médias et la
communication interpersonnelle, qui facilite le dialogue entre
différents intervenants réunis autour d?un problème de
développement ou d?un but commun, afin d?identifier et de mettre en
oeuvre une initiative concrète visant à solutionner le
problème ou atteindre le but fixé, et qui soutient et accompagne
cette initiative. »
II.2. Adaptation de la démarche au
développement de la culture scientifique
S'il n'y a pas de méthode à appliquer pour le
déroulement d'un projet, on peut tenter de donner une
méthodologie de la démarche participative
«générique», traitant des différentes
étapes, sans donner de chronologie, pour mettre en place un
démarche participative au niveau communautaire.
Il s'agit plus de conseils pour mettre en place le projet,
dont le programme sera mis en place par la suite avec la communauté sous
l'angle communication (au sens large), destinés aux chercheurs et agents
de développement devant agir dans un projet participatif.
Ces conseils sont adaptés à une démarche
visant le développement de la culture scientifique et la sensibilisation
par la même occasion à des sujets en rapport avec des
activités de recherche. Mais ils devraient être aussi applicables
pour d'autres objectifs, comme faciliter des programmes de recherche
participative, ou le transfert d'une innovation à une
communauté.
27 BESSETTE Guy, Communication et participation
communautaire : Guide pratique de communication participative pour le
développement, Les Presses de l'Université Laval, 2004, p
10.
a. Entrer en contact avec la communauté et
s'informer du contexte local
Cette première phase est très importante
puisqu'elle conditionnera en grande partie les relations futures avec la
communauté.
Il faut bien sûr se renseigner avant d'entrer en contact
directement avec la communauté, sur le milieu de vie, la culture, les
activités, les contraintes, les personnes clés (chef de village,
marabout, sous-préfet, instituteurs...).
Ensuite les premiers contacts avec la population peuvent
être établis, en corrélation avec la façon de faire
locale (aller d'abord voir le chef de village par exemple, ou le maire, le
directeur de l'école...).
Après avoir rencontré la communauté, il
faut prendre le temps d'identifier les différents groupes et
personnes-clés, qui pourront aider à mise en place du projet, par
leur statut dans la hiérarchie, ou leur compétence, ou encore
leur situation au plus près des enjeux ou problèmes à
identifier s'il y a lieu.
Dans le cadre du développement de la culture
scientifique, on ira principalement identifier les groupes de personnes
susceptibles de s'impliquer le plus dans le projet.
La difficulté dans ce domaine spécifique est que
selon le niveau de culture scientifique des personnes, le projet ne sera pas
mené du tout de la même manière.
Dans le cas spécifique du développement de la
culture scientifique, nous pensons que les cibles privilégiées
sont les enfants scolarisés. D'une part, parce qu'ils sont dans une
infrastructure qui pourra aider à la mise en oeuvre de la
démarche, d'autre part, parce qu'ils possèdent un niveau de
connaissance préalable qui facilitera l'acquisition d'une
démarche scientifique et d'un esprit critique envers l'activité
scientifique. De plus, cette génération prendra le relais des
aînés par la suite. En effet, il s'agit d'un processus long
à mettre en oeuvre, et des résultats durables ne sont valables
que sur le long terme, il nous semble donc plus pertinent de miser sur les
jeunes générations.
Enfin, ils peuvent constituer des relais efficaces vers leurs
familles, leurs amis. Dans quasiment toutes les familles au
Sénégal, que ce soit dans un milieu rural ou urbain, au moins un
enfant par famille est scolarisé. Les espoirs d'ascension sociale
reposent souvent sur lui, et cette place au sein de la famille en fait un
membre à qui l'on accorde plus de crédit qu'un autre, en dehors
du chef de famille bien sûr.
Les personnes clés seront alors le directeur de
l'école, éventuellement l'inspecteur d'académie, les
professeurs, le maire ou le chef de village, et bien sur les
écoliers.
Dans ce cas précis, on pourra considérer que
l'école constitue la communauté, avec les familles des membres de
cette école par extension.
Cette façon de cibler peut poser problème dans
le sens où elle s'adresse à une frange quelque peu
privilégiée de la population, laissant de côté les
analphabètes, qui représentent la majorité de la
population. Ce ciblage peut sembler aller à l'encontre des principes de
la démarche participative énoncées auparavant, sauf si on
considère l'école comme base de la communauté.
Mais rien n'empêche d'initier un projet au niveau de la
communauté au sens large, s'adressant aux adultes également.
Les personnes ressources ne seront bien sûr pas les
mêmes dans ce cas.
On peut même imaginer que les acteurs les plus
impliqués dans cette démarche soient les enfants
scolarisés, mais qu'ils ne laissent pas pour autant de côté
les autres membres de la communauté, qui auront un rôle peut
être moins participatif.
Toutefois comme le rappelle Chin Saik Yoon 28
:
« Si on se réfère à un public
très général en parlant de «la communauté
», ou « des habitants de tel village », il est peu probable que
les gens se sentent concernés par le processus de communication. Chaque
groupe qui forme la communauté - qu?on les classe selon l?âge, le
sexe, l?origine ethnique, la langue maternelle,
l?occupation ou les conditions sociales et économiques
- présente ses propres caractéristiques, son propre point de vue
sur un problème et ses solutions et sa propre façon de passer
à l?action.
La communication participative pour le développement
vise à rejoindre certains groupes particuliers dans la
communauté.»
Mais il faut surtout garder à l'esprit qu'il n'y a pas
de règle préétablie, et que ces problèmes sont
à élucider en fonction de chaque communauté, avec les
membres de celle-ci. Une communauté s'orientera naturellement vers un
travail avec les enfants scolarisés, une autre vers les adultes
analphabètes.
b. Faire participer la
communauté
Cette deuxième étape intervient une fois la
relation de confiance établie entre les intervenants et la
communauté, les mécanismes de collaboration mis en place, et les
rôles et responsabilités négociés.
28 YOON C. S., La communication participative pour le
développement [en ligne] in La communication
participative pour le développement, Un agenda ouest-africain CRD I,
Montréal, 1996, disponible sur
http://www.idrc.ca/fr/ev-30910-201-1-
DO_TOPIC.html (consulté le 04/08/2005).
Dans cette deuxième étape, le ou les
intervenants ou animateurs, qu'ils soient agent de développement,
chercheur ou autre, feront participer la communauté en fonction des
personnes ou groupes ciblés.
C'est à ce moment que la communauté doit cerner
le ou les problèmes, en discuter les causes et trouver des solutions
potentielles.
Dans les cas où l'intervention ne procède pas de
l'identification d'un problème, mais d'un but collectif, ce qui est le
cas dans le développement de la culture scientifique, le processus est
similaire : la communauté participe au choix de cet objectif, des
activités et des conditions nécessaires à sa
réalisation et à la prise de décision visant à
mettre en oeuvre cette initiative.
S'il s'agit de développer la culture scientifique au
sein d'une communauté, on déterminera en partenariat les besoins,
les objectifs et les activités de communication.
Par exemple, une communauté décidera de traiter
d'un sujet qui est en relation avec des préoccupations liées
à son environnement. Dans un village de pêcheurs, on
s'intéressera peut- être aux ressources halieutiques et leur
gestion. Dans un village de brousse enclavé, c'est le recours aux soins
qui intéressera les membres de la communauté.
Ensuite, il faudra décider avec ces derniers de quelle
façon répondre à ces objectifs. Par exemple, comment
acquérir des connaissances sur ces sujets, comment acquérir une
démarche scientifique, en fonction des moyens potentiellement
disponibles, tant au niveau matériel que humain.
Ce peut être par exemple en menant une enquête
auprès de la population, en participant à une activité de
recherche, ou encore en faisant des manipulations en laboratoire si les moyens
le permettent.
c. Choisir les outils de communication
appropriés
Ces activités choisies et planifiées, il faut
choisir les outils de communication. Ceux-ci doivent bien sûr être
appropriés à la démarche participative,
c'est-à-dire être facilement manipulables par la
communauté.
En effet, l'outil de communication aura ici une nature
instrumentale : le but des médias utilisés n'est pas de
diffuser l'information, mais bien de soutenir le processus de communication
participative.
Par exemple, la production d'une vidéo n'aura pas pour
but de diffuser une information sur tel avantage à adopter une attitude
ou une innovation, mais plutôt de provoquer le débat, d'inciter
à la discussion au sein de la communauté, pour soulever des
questions.
Comme nous venons de l'évoquer, il est
préférable d'utiliser des outils déjà connus par la
communauté et auxquels ses membres ont souvent recours. Cela permettra
une utilisation plus aisée et une appropriation de l'outil plus
rapide.
Il faut garder à l'esprit que le but poursuivi est de
faciliter la réalisation d'une initiative communautaire que les
habitants ont eux-mêmes choisie. Développer la culture
scientifique en ce qui nous concerne.
Par exemple, si nous choisissons de faire des sketchs pour
sensibiliser à un problème particulier, le but premier ne sera
pas le message avant tout, mais d'abord de sensibiliser ceux qui auront
participé à sa réalisation, puis susciter le débat
au sein de la communauté.
Le choix de cet outil sera fonction des habitudes de la
communauté.
Bien sûr il faut prendre en compte les
considérations techniques et le coût de tels médias. Si le
choix retenu nécessite des compétences que les gens n'ont pas, ou
que les lieux ne sont pas appropriés, un tel outil ne pourra pas
être retenu.
Enfin, le choix de cet outil devra être
déterminé par son usage. En effet, si on utilise le
théatre-débat comme outil de communication, celui-ci pourra
être efficace pour soulever les problèmes de la communauté
par exemple. L'utilisation de médias de ce type permet d'inciter
à la discussion. Dans le cas présent, l'avantage du
théâtre est de présenter des situations et des personnages
fictifs. Il sera alors plus facile de soulever de mauvaises attitudes, des
scènes délicates que dans des situations réelles.
d. Planifier le suivi du projet
Il est préférable d'organiser les activités
en fonction des disponibilités des participants, en rappelant les
rôles et responsabilités de chacun.
Mener de telles activités n'est sûrement pas dans
les habitudes de la communauté, le fait de planifier de façon
formelle, de travailler en collaboration avec des partenaires inhabituels,
nécessite une organisation concertée, sous peine de
difficultés probables.
e. $ ssKa-r l- sKIMITK $114-t
-UJIBUMFK-IeefIFRIUt-KM
Une fois la stratégie mise en place, le planning
défini et les rôles distribués, l'animateur ou intervenant
pourra garder un rôle moins important, consistant à faciliter la
communication entre les partenaires, à réviser la planification
si nécessaire, et suivre le bon déroulement des
activités.
Moins l'intervenant aura à agir, mieux ce sera : c'est que
la communauté aura pris en main son projet, en autonomie quasi
complète dans l'idéal.
Mais encore une fois, cela dépend beaucoup du type de
projet. Par exemple, pour reprendre notre projet fictif de développement
de la culture scientifique auprès d'une communauté, l'intervenant
pourra être un scientifique, épaulé ou non par un
animateur.
Celui-ci devra directement intervenir dans le
déroulement des activités, surtout s'il s'agit de permettre aux
gens d'acquérir une démarche scientifique et/ou d'être
sensibilisés à un thème en lien avec les recherches de ce
scientifique.
Ces interventions peuvent revêtir plusieurs formes, en
fonction des objectifs, des outils et des activités
décidées par les partenaires, tenant compte des objectifs et
enjeux soulevés.
Il pourra par exemple aider à la mise en place d'un
protocole expérimental, à l'élaboration d'un
questionnaire, à la réalisation d'affiches de sensibilisation,
etc.
Dans ce cas, le rôle du chercheur est assez complexe. En
effet, il doit sans imposer le contenu du médium ni la manière de
l'utiliser, initier à une démarche scientifique.
Cela requiert de la pédagogie, et de ne pas intervenir
dans le rendu final, même si celui-ci n'est pas de grande
qualité.
Le piège étant de retomber dans un schéma
vertical de type diffusionniste, le chercheur imposant au final ses
idées. Sa méthode sera peut être la plus rigoureuse, mais
coupera court à l'initiative des autres partenaires.
f. Etablir une méthode d'évaluation et
d'exploitation des résultats
Le projet une fois lancé, il y aura
inévitablement des ajustements, des améliorations à
apporter, pour atteindre au mieux les objectifs. Il est très important
d'élaborer des outils d'évaluation qui permettront
d'améliorer le déroulement du projet.
S'il s'agit d'un projet à courte échéance,
cette évaluation servira à la communauté pour savoir
où étaient les lacunes.
S'il s'agit d'un projet à plus long terme, elle servira
à améliorer en continu le processus.
De plus, cela permettra aux intervenants de faire leur auto
critique et d'améliorer leur savoir faire pour d'éventuels futurs
projets.
g. Se retirer de la communauté
Suite à l'évaluation et à l'exploitation des
résultats, les intervenants pourront se retirer progressivement de la
communauté.
S'il s'agit d'un projet voué à l'autonomie et
mené à long terme, ce qui est le but premier de la
démarche participative, les intervenants pourront garder un contact avec
les différents partenaires de la communauté, de
l'extérieur.
Il est préférable que ce retrait se fasse de
manière progressive, pour être assuré du suivi et de la
reprise du rôle de l'intervenant par la collectivité.
Deuxième partie - Application de la communication
participative et pistes de réflexion pour améliorer le
concept
|
. L'application de la démarche participative au club JRD de
Niakhar
|
I.1. Présentation des clubs de Jeunes de Recherche
et de Développement de l'IRD
Depuis la création d'un premier club de Jeunes de
Recherche et de Développement (JRD) en 1999 à Nouméa, en
Nouvelle-Calédonie, l'IRD propose à des jeunes, de 15 à 25
ans, d'entreprendre une étude scientifique.
Les activités de ces Clubs s'articulent autour de
thématiques correspondant aux principaux domaines de recherche de
l'Institut : alimentation et nutrition, santé, évolution des
climats, gestion de la ressource en eau, gestion des sols, éducation et
développement durable...
Bien que très différentes dans leurs
thématiques et leur fonctionnement, ces initiatives ont en commun leur
volonté de faire découvrir à des jeunes ce qu'est le monde
scientifique, et leur donner le goût des sciences.
En plus de les sensibiliser à un thème de recherche
pour le développement mené par les scientifiques de l'IRD, les
jeunes deviennent acteurs de cette recherche.
Le fonctionnement de ces clubs se base sur un partenariat entre
chercheurs de l'IRD et jeunes. Les quatre étapes essentielles de la vie
d'un club peuvent être résumées ainsi :
· Choix d'un sujet d'investigation réaliste, en
concertation avec le ou les scientifiques volontaires
· Étude de la documentation existante sur le
sujet
· Suivi d'un programme d'activités pour une ou deux
années
· Restitution de la synthèse des travaux et
résultats
Les missions réalisées lors de ce stage
étaient d'établir un historique des clubs JRD du
Sénégal passés et présents, et de réaliser
un site Internet à ce sujet. Il s'agissait également de faire un
bilan des activités de ces clubs et de faire des propositions pour
améliorer leur fonctionnement, tant au niveau logistique que
pédagogique.
A cela s'ajoutait naturellement un travail d'animateur des trois
clubs de Niakhar.
Ces différentes missions nous ont permis de tenter
d'appliquer la démarche participative au sein des clubs, et ainsi
valider ou infirmer par la pratique les hypothèses
énoncées auparavant. En particulier, nous avons adopté une
démarche participative au sein du club «utilité de
l'état civil» de Niakhar.
I.2. Le club JRD «utilité de l'état
civil» de Niakhar
L'IRD effectue depuis plus de 40 ans des études
démographiques et épidémiologiques sur une zone regroupant
22 villages et environ 30 000 habitants près de Niakhar, un village non
loin de Fatick dans la région du Saloum
29.
Cette présence de l'IRD depuis si longtemps auprès
de la population de la zone a permis la création d'un club JRD en
partenariat avec le jeune lycée de Niakhar.
Les élèves du club ont donc été
consultés pour choisir les thèmes de travail des futurs clubs
(parmi 5 ou 6 propositions), dont un émanait des professeurs et
élèves.
Ils ont à ce moment émis le désir de
travailler sur le thème de la nutrition, au plus près de leurs
préoccupations. Malheureusement, les ressources humaines à l'IRD
n'ont pas permis de retenir ce thème.
Au final, les choix retenus étaient : l'utilité de
l'état civil et l'accès aux soins en milieu rural. Par la suite,
un troisième club a vu le jour, sur le thème de l'adolescent face
au SIDA.
Ces trois clubs ont pu démarrer leurs activités
début 2005, ce qui fait d'eux de très jeunes clubs, mais
néanmoins très actifs.
a. Objectifs du club
L'état civil au Sénégal,
particulièrement en zone rurale, en est encore à son balbutiement
et se heurte à de nombreuses difficultés, en particulier pour ce
qui concerne l'inscription des naissances sur les registres d'état
civil.
Pour des raisons diverses (culturelles, manque d'information,
manque d'infrastructures, enregistrement payant ...), seule une minorité
des naissances est déclarée (17%) 30.
Cet acte est pourtant fondamental puisqu'il ouvre droit à la
scolarisation, au mariage, donne une identité, le droit de vote,
etc
C'est sur cet aspect que se sont concentrées les
activités du club état civil.
Les objectifs annoncés étaient de
réaliser une enquête auprès de la population afin de faire
l'état des connaissances sur l'état civil, ainsi que sur les
obstacles à la déclaration des naissances, ceci après
avoir rencontré les autorités et personnes intervenant dans ce
domaine. Il s'agissait aussi de diffuser l'information sur l'importance de
l'inscription des enfants sur les registres d'état civil et sur la
manière de procéder. Ce dernier objectif émanait
directement de la volonté des membres du club.
On voit bien ici tout l'intérêt de la
communication participative. Alors que le projet initial était
plutôt axé sur un recensement des connaissances sur l'état
civil, l'échange avec la communauté concernée a permis de
compléter cet outil avec un objectif complémentaire
répondant directement à ses préoccupations.
b. Vie du club
Comme les autres clubs, le fonctionnement repose sur la
présence, d'une part, d'un scientifique de l'IRD qui apporte ses
connaissances sur le domaine et la démarche scientifique et, d'autre
part, d'un professeur du lycée responsable de l'animation et la
coordination.
Ce qui diffère des autres clubs, c'est l'implication du
chercheur. En effet, depuis le début de l'année 2005 et
jusqu'à la fin de l'année scolaire, celui-ci est intervenu
à une dizaine de reprises, ce qui est exceptionnel en terme de
fréquence.
A chaque séance, le mercredi après-midi, les
élèves assistaient aux explications du chercheur sur ce qu'est
l'état civil, comment mener une enquête, comment élaborer
un questionnaire et traiter les résultats.
Les élèves ont également eu l'occasion de
suivre une initiation à l'informatique et de rencontrer divers acteurs
impliqués dans leur domaine d'étude (sous-préfet, chef de
village, chef religieux).
Mais les activités du club ne se sont pas
arrêtées là pour cette année scolaire 2004-2005.
Les élèves du club JRD état-civil ont
écrit et interprété des sketchs de sensibilisation sur
l'état civil.
C'est à cette occasion que nous sommes intervenus, en
prenant le relais au niveau de l'animation du club.
I.3. Participation au sein du club
Les élèves avaient précédemment fait
par de leur volonté de transmettre les savoirs acquis lors des
séances avec le chercheur de l'IRD et de leur recherche
d'information.
L'initiative partant des élèves, les conditions
étaient réunies pour mettre en place une communication
participative.
On peut considérer que cette démarche
était déjà amorcée avant notre arrivée.
D'abord, le contact avec le lycée, que l'on pourra considérer
comme une communauté, était déjà établi
depuis deux ans. Ensuite, le groupe d'élèves était
déjà formé (membres du club, tous volontaires) et
certaines activités débutées.
Par contre, le choix du thème du club n'était que
relatif, puisque choisi parmi 5 ou 6 thèmes possibles, mais fonction des
moyens disponibles.
Mais nous tenons à préciser que si la
démarche globale du club n'est pas participative au sens où nous
la définissons, nous avons tenté dans cette partie du travail,
d'appliquer les principes théoriques énoncés
auparavant.
La première phase de la mise en oeuvre de la
démarche était déjà réalisée, ainsi
que le problème soulevé, à savoir comment sensibiliser la
population sur la nécessiter de s'inscrire sur les registres
d'état civil.
Arrivant en cours de projet, nous avons tenté de nous
imprégner du contexte le plus rapidement et complètement
possible, par une étude documentaire dans un premier temps, grâce
aux nombreuses recherches menées par l'IRD sur cette zone notamment,
mais aussi sur la culture Serrer (ethnie locale), son histoire.
Nous avons ensuite complété cette étude sur
le terrain, avant de rencontrer les élèves.
Nous avons d'abord rencontré le proviseur, puis les
professeurs coordinateurs des clubs, avant de faire connaissance avec les
élèves, présentés de manière officielle par
le proviseur et le chercheur de l'IRD, comme il est de coutume.
Suite à ce premier contact, nous avons pu fixer un premier
entretien, afin de faire plus ample connaissance, sans la présence
d'autre autorité du lycée ou de l'IRD.
Dans le même temps, nous avons pu passer beaucoup de
temps avec les professeurs, en dehors de tout réunion formelle, pour
apprendre à connaître les lieux et les personnes du village.
a. Choix de l'outil de communication
Au cours des séances suivantes, qui avaient lieu en
dehors du lycée pour éviter le côté formel et parce
que les élèves le souhaitaient (locaux du lycée
inconfortables, envie de sortir du cadre scolaire...), nous avons pris le
rôle d'animateur «facilitateur».
En fait, le but était, conformément à la
philosophie de la communication participative, d'aider les élèves
à choisir l'outil de communication qu'ils souhaitaient utiliser.
Pour faciliter le déroulement des activités, nous
avons utilisé comme outil de communication participative les discussions
de groupe et les débats.
Cet outil très efficace pour des petits groupes permet les
échanges entre les membres, afin de confronter les différentes
opinions en vue, dans l'idéal, d'obtenir un consensus
général.
Les discussions se déroulaient d'après un
«guide de discussion» préparé à l'avance, mais
dont les questions restaient évidemment ouvertes. Concrètement,
cela revenait à aider les
membres du club à se poser des questions sur leurs
objectifs, les moyens à disposition et l'efficacité potentielle
des outils dont ils pouvaient disposer.
Au cours de ces réunions, les élèves ont
d'abord recensé des problèmes que pouvaient soulever l'absence
d'état civil, comme l'accès à la scolarité, le
droit à la nationalité, les droits de l'enfant, l'accès
aux soins, l'héritage, le droit de vote ou encore le droit de
voyager.
Puis les moyens de résoudre ces problèmes.
Au Sénégal, l'inscription à l'état
civil se fait normalement à la naissance, par l'intermédiaire du
registre des naissances. Cette déclaration peut se faire auprès
de différentes autorités. En pratique, pour la région de
Niakhar, elle se fait principalement auprès du chef de village.
Et il est possible de déclarer tardivement une naissance,
grâce à d'autres dispositifs réglementaires (jugement
supplétif et audiences foraines) 31.
Conscients que ces démarches administratives ne sont
pas une panacée, que la population est très peu informée
sur les enjeux de l'inscription des naissances à l'état civils et
les modalités pour y parvenir, les jeunes ont d'abord choisi un outil de
communication, le mieux adapté possible au contexte.
Au cours de leur scolarité, les élèves
ont pu assister à quelques séances de sensibilisation, notamment
sur le thème du VIH/SIDA. La forme qui leur semblait la plus efficace
était le théâtre, avec en plus des conférenciers
venus expliquer les dangers que représente la maladie et les attitudes
à adopter.
Ils étaient donc familiarisés avec ce média
et se sont directement tournés vers lui. Postérieurement,
après discussion avec les différents partenaires, la
nécessité d'inclure une dimension interactive est apparue.
Les élèves ont alors décidé de faire
du «porte à porte», plus efficace selon eux, car permettant un
contact direct avec les personnes, ouvrant ainsi une possibilité de
débattre. Seulement, les contraintes d'une telle démarche ont mis
en attente ce projet, le nombre de personnes touchées leur ayant alors
paru trop restreint.
Le choix s'est donc redirigé vers du
théâtre, qui s'insérerait dans le cadre d'une
journée de sensibilisation. En effet, le motif pour lequel les
élèves ne voulaient pas faire uniquement du
31 Cf. annexe VII : L'état civil au
Sénégal
théâtre tenait à ce qu'ils estimaient que ce
média n'attire que les enfants, si du moins il n'est pas inclus dans un
cadre plus «sérieux».
Mais inséré dans le cadre d'une journée
de prévention, les avantages de ce média leur ont paru nombreux :
facilité à mettre en place les conditions pour pouvoir
réaliser les pièces ; possibilité de se déplacer
dans les villages de la zone ; format reproductible et adapté au public
- support oral (traditionnel), pour une population en majeure partie
analphabète, en langue locale.
Bien que le média choisi ne permette pas vraiment une
communication participative par la suite avec la population, nous ne sommes que
peu intervenu. Rappelons à cet égard que le but prioritaire ici
n'était pas de créer un support de prévention pour la
diffusion auprès de la population, mais bien d'initier les concepteurs
de ce projet à une démarche participative pour les sensibiliser
aux thèmes qu'ils étudiaient.
Les jeunes ont ainsi pu se rendre compte que les outils de
communication participative ne se s'adaptaient pas à tous les contextes.
Le choix du support s'est finalement arrêté sur le format
«sketchs» d'une dizaine de minutes, en lien avec un thème
lié aux enjeux que représente l'inscription des naissances.
b. Réalisation des sketchs
Pour écrire les sketchs, nous avons aidé quelque
peu les jeunes dans la méthodologie. C'est en fait surtout à ce
niveau qu'il a fallu faciliter la démarche des jeunes, ainsi que dans la
coordination avec le lycée et la logistique.
Toute la difficulté était de ne pas imposer une
façon de faire, de manière directe ou détournée.
Mais pour autant, il était nécessaire de faire progresser les
travaux.
Dans la partie précédente, où les jeunes
ont eu à soulever les problèmes à résoudre et
choisir un support, nous ne sommes que peu intervenus, pour rappeler quelques
contraintes à ne pas oublier, et souligner quelques questions à
se poser. Toujours en utilisant comme outil de communication le groupe de
discussion.
Trois sketchs ont entièrement été
rédigés par les jeunes, sans aucune aide (à notre
connaissance). Nous avons simplement corrigé quelques fautes de
français. Tous les élèves n'ont pas participé
à la rédaction, ils étaient trop nombreux (une vingtaine),
mais chaque texte est une oeuvre collective (au moins trois jeunes par
texte).
c. La mise en scène et les
répétitions
Au cours des séances suivantes, les membres du club se
sont attribués les rôles, sur une base de volontariat, ce qui a eu
pour effet de faire jouer quelques acteurs sur deux sketchs, tandis que
d'autres n'ont pas eu de rôle. Mais plus de la moitié des
élèves en ont eu au moins un.
A partir de ce moment, les séances ont étés
consacrées aux répétitions et à la mise en
scène. Les jeunes n'avaient pas vraiment de notions de mise en
scène, ni du jeu de théâtre. Malgré cela, le
résultat s'est avéré très satisfaisant.
Ils ont présenté leurs sketchs en conditions
réelles pour la première fois devant le personnel de l'IRD de
Dakar le 6 juillet 2005, ainsi que devant les élèves des autres
clubs de Niakhar alors en visite des locaux de l'IRD.
Pour donner quelques repères, voici la chronologie de
ces différentes étapes, sachant que les premières
séances ont eu lieu début mai, et les dernières
début juillet (chaque séance durait une demi-journée).
· Premier contact, présentations - 1
séance
· Rappel des enjeux et définition des objectifs - 1
séance
· Choix de l'outil de communication - 2 séances
· Ecriture des sketchs - 2 séances (fait en grande
partie en dehors de ces réunions)
· Répétitions et mise en scène - 5
séances (plus les répétitions en autonomie) Ces
séances étaient plus ou moins rapprochées dans le temps.
Les contraintes de temps et de distance ne nous permettaient pas de venir de
façon tout à fait régulière.
I.4. Bilan
a. Méthodologie
Pour réaliser le bilan de ces activités, en plus
des observations de terrain, nous avons conduit une série d'entretien de
deux types principalement :
- des entretiens non formels, lors de discussions libres pendant
ou en dehors de la journée de travail
- des entretiens formels de type semi directif fonctions de
la personne interrogée et de la problématique (guide d'entretien
répertoriant des thèmes et sous thèmes, évitant de
cadenasser l'entretien comme peut le faire un questionnaire rigide, mais
permettant de garder le contrôle de la discussion).
Enfin, pour les élèves, en plus des entretiens, vu
leur nombre, nous leur avons soumis un questionnaire avec des questions
ouvertes. 32
Pour le traitement des données, nous avons fait une
analyse thématique du contenu, en repérant les thèmes
communs et transversaux à l'ensemble des entretiens recueillis.
Même réalisés de manière rigoureuse,
ces questionnaires et entretiens restent totalement subjectifs, et
l'échantillon interrogé étant faible, un traitement
statistique ne serait pas pertinent.
Il faut donc prendre en compte ces aspects en lisant les
résultats du bilan.
b. Bilan avant la mise en place de la communication
participative
Avant de faire un bilan des activités du club pour la
partie sketchs, voici d'une manière générale les points
positifs issus du bilan des activités du club :
- Travail régulier et fréquent
- Solides connaissances théoriques apportées
- Investissement personnel du chercheur de l'IRD très
important - Cours d'informatique réguliers et utiles au travail des
clubs
32 Questionnaire soumis à chaque élève des
clubs, voir annexe IV
Pour ce qui est des points négatifs :
- Manque de pratique en dehors des cours d'informatique et des
sketchs
- Peu ou pas d'investissement des professeurs
- Attitude très « scolaire » du chercheur
(communication verticale de l'émetteur vers le récepteur), avec
tout de même un certain nombre de rencontres de professionnels de
l'état civil
- Aucune initiative laissée aux élèves
- Compréhension des objectifs et enjeux du club pas
toujours claire, que ce soit pour les membres du club ou les professeurs
- Travail d'enquête et de prévention dans le
même temps (ajoute à cette confusion) - Pas d'activité en
dehors des interventions de l'IRD au sein des clubs
- Cours très théoriques et trop simples selon le
résultat de l'enquête menée auprès des
élèves
- Manque de matériel en informatique : trois PC pour
parfois trente jeunes par cours.
c. Aspects positifs
Après ce bref aperçu des forces et faiblesses
des clubs, important pour préciser dans quel contexte se sont
déroulées les activités qui nous concernent, nous pouvons
voir le bilan de la partie à laquelle nous avons directement
participé.
Si on se restreint à l'action que nous avons
menée, on peut considérer que la démarche adoptée
était participative, avec une quasi autonomie des jeunes dans
l'élaboration de leur support de communication. Ils étaient
réellement acteurs de leur projet.
La démarche adoptée était des plus
rigoureuse bien que non imposée (dans le contexte), avec un réel
travail de recherche du meilleur moyen pour réaliser les objectifs,
à savoir la sensibilisation de la population aux questions concernant
l'état civil. Considérant les différents paramètres
du contexte, les avantages et inconvénients des différents
supports de communication, ils ont finalement pris la décision
eux-mêmes de faire des sketchs.
La réalisation de ceux-ci s'est également faite de
façon rigoureuse, malgré leur inexpérience et le manque de
temps certains.
Ils ont donc pu mener leur projet de bout à bout, sans
qu'il ne leur soit imposé de contraintes autres que des contraintes de
temps et de moyens. Ils ont travaillé en commun, pris les
décisions et réalisé ce projet.
Les sketchs, même s'ils n'ont pas encore
été testés auprès de la population, ont reçu
un avis très favorable de la part du personnel de l'IRD ainsi que des
élèves des autres clubs de Niakhar. Mais il faudra attendre de
voir les résultats auprès des cibles (population de la zone de
Niakhar) pour connaître leur réelle efficacité.
Enfin, un dernier aspect très positif, les
élèves étaient très motivés,
impliqués dans les activités, présents jusqu'à la
fin. Or en fin de projet (pour cette année), les activités ont
continué malgré l'achèvement de l'année scolaire.
De plus, la fermeture du lycée correspond au début de
l'hivernage, synonyme de travaux dans les champs pour ces jeunes qui doivent
aider leurs parents. Il s'agit peut être d'une conséquence de
l'appropriation du projet par les jeunes.
Toutefois, l'absence de recul rend aléatoire une
évaluation rigoureuse de l'efficacité de la démarche.
d. Difficultés
Bien qu'a partir de la décision des membres du club de
faire de la sensibilisation auprès des habitants de la région,
une démarche participative a été entreprise avec
succès, les activités antérieures n'avaient pas ce
caractère.
Or, il serait intéressant de savoir si il est possible
d'adopter cette démarche dès l'initiative de création d'un
club JRD.
En effet, ils n'ont pas entièrement choisi la
thématique du club, bien qu'ils aient eu le choix parmi plusieurs
thèmes. Mais on peut considérer que cette restriction dans le
choix du thème fait partie des contraintes du milieu, de part la
disponibilité limitées des ressources de l'IRD (au niveau
matériel et humain).
Le deuxième point pouvant nuancer la part de
participation réelle dans le projet concerne les connaissances
préalables nécessaires à l'élaboration des messages
des supports de communication. Or cette acquisition des connaissances s'est
faite de manière classique, le chercheur se substituant au professeur et
donnant des cours, sans interactivité réelle.
On peut donc se poser des questions sur ce préalable :
savoir s'il était indispensable d'une part, et surtout s'il ne peut
être dispensé d'une autre manière, moins verticale, d'autre
part.
En dehors de ces questions par rapport au contexte
périphérique aux activités qui nous intéressent,
nous avons relevé quelques difficultés dans le déroulement
du projet.
Au niveau de l'organisation, il était parfois difficile
de fixer des rendez-vous. Nous fixions rendez-vous directement avec les
élèves, puis confirmions avec les professeurs, ou inversement.
Mais il arrivait parfois qu'au dernier moment, les horaires soient
changés sans que nous en soyons avertis, ni que tous les
élèves soient prévenus.
Compte tenu des contraintes dues au peu de temps disponible
pour faire avancer le projet et des contraintes géographiques (nous
étions basés à Dakar, à 3 heures de route de
Niakhar), le moindre retard était pénalisant pour
l'avancée du projet.
Cette contrainte a quelque peu précipité
l'écriture et la mise en scène des sketchs. Il y a fort à
parier que le résultat aurait été encore meilleur avec
plus de temps. Mais le travail devrait reprendre dès la
rentrée.
Enfin, un dernier point a peut-être eu une influence sur
le déroulement des activités. Le fait que ce soit un
français (avec toute l'image que cela véhicule au
Sénégal) qui facilite et anime les activités, et que les
élèves n'aient pas l'habitude d'avoir l'initiative dans le cadre
scolaire ont sûrement retardé l'établissement de bons
contacts entre les partenaires.
Cette retenue s'est heureusement assez vite dissipée,
peut-être grâce au caractère non autoritaire de la
communication participative.
e. Evaluation de la pertinence de la
démarche
Le bilan de cette expérience soulève plus de
questions que de réponses, car d'une part il est difficile
d'évaluer sur une seule démarche de ce type, d'autre part nous ne
disposons pas de suffisamment de recul.
Les activités sont amenées à se
poursuivre. Il faut voir si les élèves continueront sur la
voie qu'ils se sont tracés sans animateur. Nous pensons qu'ils
pourront très certainement interpréter leurs sketchs, mais les
faire évoluer, les inscrire dans une démarche plus globale,
ce qui implique la création de partenariats et
l'acquisition de nouvelles compétences semble plus difficile.
En outre il est très délicat de s'auto
évaluer, pour un problème d'objectivité évident.
Nous ne pouvons donc nous reposer que sur des critères qualitatifs.
De nombreuses questions découlent de l'étude de
l'efficacité de cette démarche. En effet, y aurait-il eu la
même efficacité sans les connaissances apportées au
préalable par le chercheur ? Sûrement pas, vu la pertinence des
informations contenues dans le message. A moins qu'ils aient cherché
eux-mêmes les informations (ce qu'ils ont fait en partie). Mais est- ce
que la qualité du contenu était vraiment importante ? Sans aller
dans des considérations théoriques sur l'importance du contenu
par rapport au medium, le but recherché n'était tant pas tant
l'efficacité du message pour la qualité de ses informations, mais
plus sur la réalisation de celui-ci par les jeunes pour les sensibiliser
en priorité.
Ce qui revient à une question beaucoup plus large et
délicate : est-il nécessaire de posséder des connaissances
avant de pouvoir faire ce type de communication participative ? Et cet
apprentissage peut-il se faire de manière interactive, tout comme
l'expérience en éducation des adultes nous le montre ?
Toutefois, s'il est impossible de comparer avec un autre cas en
tous points similaire en dehors de l'utilisation de la communication
participative, on peut toujours s'en tenir aux faits.
Le problème étant plus dans la
généralisation, à savoir si les remarques valables ici le
seront dans d'autres cas.
La motivation et l'appropriation de la thématique par
les élèves se sont révélées excellentes,
puisque qu'ils ont mené le projet du début jusqu'à une
première représentation alors qu'ils n'y étaient pas
obligés.
Ensuite, les jeunes étaient acteurs de leur propre
«développement», ou plutôt de leur propre apprentissage,
puisqu'en quasi autonomie.
Enfin, l'adoption d'une démarche participative dans
cette partie des activités du club n'a pas nuit à la
qualité du travail effectué. De l'avis des chercheurs,
professeurs et autres personnes ayant assisté à la
représentation (dont le secrétaire de l'association
Sénégalaise Kaddu Yaraax, organisant des festivals de
théâtre-forum sur des thèmes de prévention),
affiliés ou non aux
clubs JRD, le résultat était
«excellent», de par son interprétation inventive et dynamique,
ainsi que par la pertinence des informations véhiculées et les
arguments utilisés.
Au-delà d'une efficacité potentielle de ce
support, cette qualité pourrait être le signe d'une acquisition et
d'une appropriation de connaissances sur la thématique, ainsi que de la
pertinence de la méthodologie employée par les jeunes.
I. 5. Conclusion et perspectives
Le but ici était avant tout de sensibiliser les
élèves du club. Nous avons utilisé un outil de
communication interpersonnelle, à savoir les discussions de groupes et
débats pour responsabiliser les jeunes et faciliter leur démarche
de développement.
Au niveau du groupe, la communication participative a
responsabilisé les jeunes. Mais reste à savoir si l'objectif
qu'ils se sont fixés peut être atteint par cette démarche
participative.
Si l'objectif premier des clubs n'est pas d'aboutir à
une sensibilisation massive de la population, pour valider l'hypothèse
que la communication participative peut permettre l'adoption de nouveaux
comportements, ou d'innovations, il faut aller plus loin.
Il n'est pas concevable d'utiliser ce genre d'outils de
communication interpersonnelle uniquement pour sensibiliser toute une
population, cela demanderai trop de moyens financiers humains, ou trop de
temps, vu la masse de gens à toucher.
D'ailleurs, le travail effectué par ces
élèves illustre bien ce constat. Sans mettre le terme
approprié sur leur démarche, ils ont débuté la mise
en place d'une stratégie de communication pour le développement,
appuyant un projet de développement, qui n'est autre que d'inciter la
population à inscrire les naissances des enfants à l'état
civil.
En nous détachant des objectifs et du cadre des clubs
JRD, on peut penser que cette expérience pourrait constituer une bonne
base pour poursuivre et élargir la démarche à un niveau
supérieur, en utilisant des outils de communication participative.
Le concept de théâtre-débat (où
après la pièce est provoqué un débat avec les
spectateurs) et le théâtre-forum (où certaines parties de
la pièce sont jouées par les spectateurs, habituellement pour
tenter de convaincre un personnage de changer son comportement) sont
très efficaces pour soulever la discussion sur les problèmes du
milieu. Par contre, ils doivent s'insérer à l'intérieur
d'une stratégie de développement qui accompagne l'initiative
à long terme.
Dans le cas présent, l'inexpérience des
élèves posera (si l'expérience continue l'année
prochaine) sûrement problème dans la partie interactive tout au
moins.
En revanche, le fait de partir de l'expérience de ces
jeunes, qui ont dans leur entourage direct ou eux-mêmes rencontré
des problèmes liés à l'inscription des naissances, rend la
stratégie de communication d'autant plus pertinente. En effet, nous
avons appris du domaine de l'éducation des adultes que partir de
l'expérience des individus pour concevoir et mettre en oeuvre une
expérience d'apprentissage interactif est une stratégie
efficace.
Ensuite, le rôle de l'intervenant
«facilitateur» reste indispensable pour aider à continuer sur
une voie participative, par son expérience et son rôle en
matière de coordination et partenariat. Bien sûr il ne s'agit
encore ici que de suppositions, qui demandent à être
vérifiées par la poursuite de l'expérience sur le terrain.
Et seule l'augmentation significative à long terme du nombre
d'inscription des enfants à la naissance pourrait montrer
l'efficacité de la démarche dans cette zone.
Quand bien même, quelque soit l'efficacité
apportée par l'utilisation de la communication participative comme outil
de facilitation à la démarche participative pour le
développement, il n'est pas évident que ce soit
généralisable à d'autres domaines ou d'autres
circonstances.
Nous avons vu à travers cet exemple,
réalisé pour un petit groupe relativement homogène, pour
une courte durée, dans des conditions favorables pour l'utilisation de
la communication participative, qu'il y avait tout de même des
difficultés et que la théorie ne suffit pas à
régler tous les problèmes.
II. Limites de la communication participative et pistes
de réflexion pour adapter le concept à la sensibilisation au
niveau communautaire
L'utilisation de la communication participative au niveau
communautaire se heurte à de nombreuses difficultés et comporte
même certaines limites, comme le montre cette expérience
réalisée au sein du club JRD de Niakhar, mais aussi d'autres
réalisées par diverses ONG comme Enda tiers-monde, ou des
organismes comme la FAO.
Malgré tout, comparée aux autres modèles
de communication utilisés pour le développement en Afrique et
plus particulièrement en sensibilisation, elle présente de
nombreux avantages. Tout dépend du contexte, des moyens, et des
objectifs de la sensibilisation.
Dans le cas d'une information de sensibilisation à
faire passer d'urgence auprès d'une population importante, la
communication participative ne sera d'aucun secours, ou alors pour
pérenniser une action de diffusion de masse déjà mise en
place.
Mais si les conditions sont favorables, la communication
participative se révèle être un outil puissant pour
responsabiliser la population et la rendre actrice de son propre
développement (que ce soit pour un projet de développement ou
faire de la sensibilisation et même de la recherche participative).
Les autres modèles, en particulier ceux fondés
sur le modèle diffusionniste, ne permettent pas cette appropriation de
savoir, ou cette responsabilisation. Or, c'est le principal reproche qui est
fait dans les projets de développement : le manque de
pérennité de ces projets, ou d'impact des campagnes de
sensibilisation. Et cet échec sur le long terme, de l'avis des
spécialistes quasi unanimes sur la question : la non
responsabilisation et la non implication des bénéficiaires en
seraient la cause principale, puisque vecteur de changement des
comportements.
Pour adopter un nouveau comportement, il faut accepter et
intégrer l'innovation, et cette intégration peut passer par la
responsabilisation des populations devant, soit bénéficier de
l'innovation, soit éviter un comportement à risque.
Dans la pratique, tout n'est pas si clair, mais certaines des
difficultés rencontrées peuvent sans doute être
contournées, et la poursuite des recherches dans ce domaine pourraient
permettre d'améliorer le concept.
II.1. Limites et difficultés : des solutions ?
Cette expérience menée au sein du club JRD de
Niakhar révèle donc de nombreuses difficultés,
confirmées par d'autres expériences menées dans des
situations différentes, qui peuvent être imputées à
la communication participative ou sa mauvaise application.
Nous pouvons désormais tenter d'apporter des pistes de
réflexion pour résoudre ces difficultés ou les
contourner.
a. Conditions préalables à la mise en
place d'une communication participative
Les caractéristiques de la collectivité peuvent
être déterminantes pour la réussite de l'utilisation de la
communication participative communautaire.
En effet, l'efficacité du processus n'est possible que
sous certaines conditions, notamment au niveau des ressources
financières et matérielles, et de la situation politique du
pays.
De plus, la communication participative s'inscrit souvent dans
un continuum à long terme et ne sera pas toujours, voire rarement,
adaptée à une situation d'urgence.
Au niveau des agences et ministères de
développement, la durée de ces projets est parfois prohibitive,
préférant des projets à court terme avec des
retombées immédiates afin de justifier le bon emploi de fonds
publics.
b. Risques de conflits
En donnant la parole aux plus démunis, en faisant
participer les populations les plus touchées par la pauvreté, ou
soumises à des problèmes de développement, on remet
parfois en cause les rapports de pouvoir établis.
En effet, les plus touchés sont la plupart du temps
justement ceux qui n'ont jamais de pouvoir décisionnel, car en bas de
l'échelle sociale.
Cette adaptation des relations de pouvoir peut créer des
conflits à deux niveaux.
Premièrement au niveau de la communauté. Pour
rester dans le cadre de notre étude, au Sénégal, la
légitimité du chef de village ne peut être remise en cause.
Si un paysan va à l'encontre de ce qu'ordonne le chef de village ou
qu'on lui ôte son pouvoir de parole, cela
peut aboutir à des conflits. On peut retrouver la
même situation entre diverses familles ou encore entre classes
sociales.
Ce genre de problèmes s'est présenté dans
de nombreux projets. On peut citer à titre d'exemple le projet de
développement agro-sylvo-pastoral de quatre villages pilotes et d'une
zone d'élevage au Sénégal piloté par le PNUD et la
FAO 33. Des difficultés ont
été relevées par rapport à la hiérarchie
très forte au sein de la communauté. Certaines catégories
socioprofessionnelles ont peu ou pas accès aux ressources naturelles,
les femmes, les jeunes et les migrants notamment. Dans le cas présent,
l'intervention a renforcé le pouvoir des catégories dominantes en
leur fournissant des moyens nouveaux pour asseoir leur autorité, puisque
ces «dominants» étaient les interlocuteurs
privilégiés des acteurs de développement.
Ensuite au niveau de la gouvernance. Dans les pays où
le contrôle de l'État est très fort, ce qui est le cas dans
beaucoup d'états d'Afrique de l'Ouest, les gens peuvent souhaiter la
participation mais s'exposer par là même à des risques de
représailles. Cette prise en charge de la communauté de son
propre développement peut être considérée comme en
défi envers le pouvoir établi.
Mais on peut noter aussi l'influence croissante des
entreprises privées. Elles vont parfois employer certaines personnes de
la communauté, et si les intérêts de la communauté
vont à l'encontre de cette entreprise, il y a risque de conflits. C'est
le cas notamment des industries d'exploitation forestière.
Dans les cas de conflit au sein de la communauté, la
priorité est bien sûr à la négociation. Inutile
d'essayer de renverser des rapports de pouvoir ancrés depuis des
générations, le but de la communication participative n'est pas
ici.
c. Risques de manipulation
Les formes dites de pseudo participations, qui ne sont que des
formes de participation partielles, où les gens concernés ne
prennent pas toutes les décisions sont souvent
dénoncées
33 BONNAL J., Participation et risques d'exclusion :
réflexions à partir de quelques exemples sahéliens
[en ligne], FAO, 1995 disponible sur :
http://www.fao.org/documents/show_cdr.asp?url_file=/docrep/003/v5370f/v5370f00.htm
(consulté le 03/08/2005)
par les adeptes de la communication participative
«totale» comme une forme de manipulation. Le fait de laisser une
partie seulement du pouvoir décisionnel ne donnerait que l'illusion de
participation, les stratégies et objectifs étant
déjà fixés.
Même dans la forme de communication participative que
nous avons exposée, ce risque est bien présent. Il se peut que le
communicateur entre dans un village en ayant une idée bien
précise de sa réalité et de ses valeurs et qu'il
espère que les gens perçoivent leurs problèmes de la
manière dont il la voit. Il pourrait alors être tenter d'influer
sur la communauté dans le sens de ses convictions, ce qui peut
être considéré comme de la manipulation.
L'expérience d'un projet de lutte contre l'ensablement
des terres de cultures dans les départements de Zinder et de Diffa
(Niger/PNUD/FAO) 34 montre bien le genre de
difficultés auxquelles peuvent être soumis ces agents de
développements manquant d'expérience et/ou de formation. Ceux-ci
se sont notamment trouvés confrontés à des
difficultés pour identifier les situations initiales des projets.
L'effet constaté est une gestion faite sans avoir réellement
cerné la situation, ce qui a entraîné une certaine
dérive dans l'orientation du projet (mauvaise gestion des outils
d'évaluation, donc mauvaise évaluation et choix pris en
conséquence mal adaptés).
Il n'y a pas vraiment de moyen de s'affranchir de ce risque de
manipulation. Seule une formation adéquate de l'intervenant et une
connaissance poussée du milieu où il doit intervenir peuvent
atténuer ce risque sans l'annihiler.
d. Apporter des connaissances sans les
imposer
Dans le cas de la sensibilisation en particulier, l'apport de
certaines connaissances est indispensable à la compréhension des
enjeux.
Or, la philosophie de la communication participative repose
sur un principe d'échanges horizontaux, sans rapports
hiérarchiques entre les partenaires, que ce soit entre les membres de la
communauté participant au projet ou l'animateur, le scientifique,
etc.
On se heurte dès lors à un problème
majeur : comment ne pas imposer des savoirs, pour qu'ils soient acceptés
comme des vérités établies, et à partir de
là pouvoir continuer la démarche participative.
Soit il faut aussi faciliter les apprentissages, sans jouer au
maître d'école ni avoir recours à une pédagogie
directive (se référer à l'expérience de
l'éducation des adultes). Il faut rechercher dans le milieu les
personnes-ressources qui peuvent aider à faciliter ces apprentissages et
acquisitions.
Soit il n'est pas nécessaire d'apporter ces
connaissances, ce qui nous parait difficile dans le domaine de la
sensibilisation et encore d'avantage dans le domaine de la
prévention.
Par exemple, comment prévenir une
épidémie de choléra sans informer un minimum sur les
mécanismes de transmission de la maladie, les règles
d'hygiène à respecter en conséquence et les
symptômes à dépister ?
Mais nous pouvons retourner également le
problème dans l'autre sens, une épidémie a lieu au moment
où nous écrivons ces lignes, dans la région de Niakhar. La
prévention faite par les autorités est de type diffusionniste :
message de prévention dans les médias de masse, distribution de
T-shirts « luttons ensembles contre le choléra ». Les
retombées sont quasi nulles et l'épidémie, qui n'est pas
très importante, dure depuis maintenant six mois.
Nous pouvons alors nous demander dans ce cas précis, si
la communication participative communautaire, en complément de cet
apport d'information sur l'épidémie et sa prévention,
n'aurait pas permit de lutter plus efficacement contre l'épidémie
en aidant à changer les comportements.
e. Démarche tributaire des
praticiens
En plus des risques de manipulation, le rôle du
facilitateur animateur est ambiguë et délicat. Les qualités
requises pour faciliter la communication participative sont très
pointues, et pourtant fondamentales. Il sera parfois le seul partenaire
extérieur à la communauté en lien permanent avec celle-ci,
et pourtant il sera chargé d'aider les participants à mettre en
place la démarche du début jusqu'à la fin.
Il sera même parfois l'intermédiaire par qui
arrivent les fonds et le matériel nécessaire à la mise en
oeuvre du projet.
Il est difficile d'imaginer une démarche à 100%
participative, au sens théorique. L'animateur aura forcément une
influence sur les prises de décision, que ce soit de manière
volontaire ou non, ne serait-ce qu'en orientant ses questions, en ajoutant des
commentaires mêmes neutres ou, par exemple encore, en donnant plus
facilement la parole à certains partenaires.
Ce qui peut nous faire croire qu'il est bien rare de trouver
des démarches participatives «idéales», sans que
l'influence de l'extérieur intervienne dans la gestion du projet ou de
la sensibilisation. Ce serait utopiste de le croire, mais tout l'enjeu est de
diminuer au maximum l'influence de ce ou ces «facilitateur(s)».
Pour cela, seul le choix pertinent de ces intervenants au
rôle si important, accompagné d'une formation très solide,
peut augmenter les chances d'obtenir une communication participative de
qualité.
Reste à déterminer ces qualités requises, le
profil du facilitateur en fonction du type de projet, et surtout la formation
à dispenser à ces intervenants.
Par exemple, le rapport de la FAO sur la situation de la
communication pour le développement au Burkina Faso
35 révèle que pour l'utilisation de
médias de proximité les acteurs de développement n'avaient
pas de formation suffisante. De même pour l'utilisation de médias
traditionnels, la connaissance du milieu faisait souvent défaut. Donc
même si ce rapport souligne la pertinence de l'utilisation de ces
médias, des améliorations sont nécessaires pour profiter
pleinement des avantages qu'ils peuvent représenter.
f. Coût pour les participants
Il ne faut pas perdre de vue que la participation peut
être synonyme de coût pour prendre part au processus participatif.
Même si à terme le participant devrait y trouver un
bénéfice, le temps consacré à la participation est
autant de temps qu'il perd à exercer son activité habituelle lui
permettant de se faire rémunérer ou de se nourrir.
Le communicateur doit en tenir compte lorsqu'il se
présente dans un village ou dans un quartier pauvre.
35 FAO, Situation de la communication pour le
développement au Burkina Faso tome1, FAO, Rome, 2001
http://www.delgi.gov.bf/Tic/Plans%20de%20d%C3%A9veloppement/Burkina1.pdf
(consulté le 04/08/2005)
g. Contrainte de temps, souplesse
La démarche participative demande le plus souvent
beaucoup de temps. Dans la phase d'approche, dans la prise de décision,
la mise en oeuvre... Et les retombées ne se voient pas forcément
tout de suite, ce qui peut décourager rapidement une
communauté.
En effet, en multipliant les interlocuteurs, en donnant la
parole à tous ou presque, en prenant les décisions en commun, en
essayant au maximum de parvenir au consensus, on rallonge d'autant la longueur
pour mettre en oeuvre le projet et son déroulement.
Les contraintes - et l'inertie du projet avec - sont donc
d'autant plus importantes qu'on voudra faire participer le plus de personnes
possible.
De plus, le fait de laisser le pouvoir décisionnel
rend le déroulement des activités plus aléatoires. Si on a
une démarche planifiée d'avance, avec des professionnels, les
calendriers seront plus ou moins respectés ainsi que le budget. Mais si
on confie ces tâches à des gens inexpérimentés, il y
a plus d'aléas, de tâtonnements.
Il est donc indispensable de garder une certaine souplesse
dans la gestion des projet par les ONG ou autres «pilotes», afin de
ne pas se retrouver dans une impasse faute de budget suffisant ou de temps.
h. Spécialisation des ONG
Les ONG dans le domaine du développement, de la
sensibilisation ou autre sont de plus en plus spécialisées. Les
organismes de recherche pour le développement comme l'IRD sont
également spécialisés, de manière
générale, tous les acteurs de développement le sont, en
dehors des très grosses structures comme l'Etat ou des organismes
internationaux tels l'UNESCO, le NEPAD ou le l'USAID.
Ce constat peut causer des difficultés dans le sens
où la communication participative amène à soulever des
problèmes complexes, multidisciplinaires, pouvant dépasser les
domaines de compétence d'une structure spécialisée.
La solution envisageable pour le moment semble être
l'établissement d'un réseau d'ONG pour mettre en commun les
expériences de ces spécialistes pour répondre au mieux aux
besoins soulevés par la communauté concernée.
II.2. Pistes de réflexion et axes de recherches pour
développer le concept
En dehors de ces difficultés et limites
rencontrées et les débuts de solutions qui s'y rapportent, on
peut émettre des pistes de réflexion pour développer et
améliorer le concept, pour plus d'efficacité et de pertinence
dans la communication participative.
a. Evaluation des projets de communication
participative
La nécessité de mettre en oeuvre des outils
d'évaluation en cours de projet pour les expériences
elles-mêmes est une idée communément admise, et largement
employée.
Mais pour ce qui est de l'évaluation des
résultats de ces expériences, très peu de recherches ont
été menées dans ce domaine. Il existe bien sûr des
comptes rendus, des bilans plus ou moins poussés, mais qui restent le
plus souvent qualitatifs et faits par les acteurs de développement
inclus dans le projet, ce qui pose un problème de
subjectivité.
Or, si on veut connaître réellement la pertinence
de ces méthodes, les points à améliorer, l'influence du
milieu sur les stratégies adoptées, les changements induits...
Une évaluation rigoureuse à l'aide d'outils adaptés est
primordiale.
Sans quoi, le retour d'expérience, si important dans ce
type de stratégies, ne peut se faire.
Et quand bien même cette évaluation serait faite,
il faut ensuite pouvoir partager cette expérience, au sein d'un
même organisme (ce qui est fait en général), mais aussi
entre les différents organismes.
D'autant plus dans le contexte de spécialisation des
ONG.
Il nous semble indispensable, pour progresser dans la
manière d'aborder cette communication participative, de se nourrir des
pratiques issues du terrain, au risque de répéter sans cesse les
mêmes erreurs et de ne pas progresser en laissant de côté
des expériences, positives comme négatives.
b. Complémentarité et concurrence des
médias
La communication participative communautaire peut se
révéler très efficace, mais les communautés sont
rarement coupées du monde. Or, si on reçoit des messages
contradictoires de l'extérieur d'autres médias à plus
large diffusion, ou même de niveau équivalent, il y a un risque de
concurrence.
De plus, il existe des médias participatifs au niveau
régional ou même national, qui possèdent des avantages
certains par rapport à la communication au niveau communautaire, ne
serait-ce que d'un point de vue économique. Mais souvent ces niveaux
sont pensés séparément, alors qu'une
complémentarité entre ces divers médias serait
sûrement bénéfique. Les chercheurs dans le domaine le
pressentent déjà, mais aucune ou très peu de recherches
sont faites sur la complémentarité de ces approches, leur
conjugaison, leur synchronisation, etc.
On admet que ces actions à différentes
échelles sont complémentaires le plus souvent, en particulier
dans le domaine de l'éducation à la santé. Mais il s'agit
plus d'un postulat que d'un sujet d'étude. Les médias de masse
agiraient sur les changements sociaux avec plus ou moins d'efficacité et
les outils interpersonnels plus en profondeur au niveau individuel.
Mais attention au contexte, car en Afrique de l'Ouest, en
milieu rural plus particulièrement, l'accès aux médias est
difficile pour de multiples causes. Prenons l'exemple de la région
d'Agadez au Niger. Dans leur rapport 36 sur la
situation de la communication pour le développement, les agents de
développement de la FAO de cette région recensent quelques
besoins au regard des nombreuses contraintes dues au milieu. Le rapport
mentionne des besoins notamment de modernisation, d'extension et
d'accessibilité aux réseaux de télécommunication;
l'extension de la couverture TV; la valorisation des langues nationales; la
dotation des radios en matériels de production adéquats; la
consolidation de la liberté de la presse; une plus grande autonomie
à la radio régionale en matière de gestion, de production
et de diffusion; la revitalisation de la presse rurale; le renforcement de
l'environnement lettré; la création d'unités de production
des outils de communication de proximité...
On voit bien par l'expression de ces besoins l'ampleur des
besoins en infrastructures, mais aussi des problèmes d'ordre plus
politiques et culturels. Il ne faut pas oublier que l'emploi de
36 FAO, Situation de la communication pour le
développement au Niger tome1 [en ligne], FAO,
Rome, 2003, p 119 disponible sur :
ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/006/Y4957F/Y4957F00.pdf
(consulté le 04/08/2205)
médias de masse est problématique dans un contexte
multilinguistique, avec une population en majorité analphabète
qui ne connaît bien souvent que son dialecte local.
c. Accès à l'inO1LP D.ioL
Si on désire développer ce principe
d'autonomisation des communautés pour agir pour leur propre
développement, il est impératif qu'elles puissent avoir un
accès facile à l'information. Sans sources d'information, on voit
mal comment une communauté pourrait se développer en
autonomie.
Or il suffit de lire les rapports 37
faisant état de la communication pour le développement dans les
divers pays d'Afrique de l'Ouest pour se rendre compte de l'ampleur des
besoins.
Les politiques de développement des pays de la sous
région vont dans le sens de l'utilisation des Nouvelles Technologies de
l'Information et de la Communication (NTIC) pour combler ces lacunes.
Mais en dehors des centres urbains, l'accès au
réseau Internet par exemple est quasi inexistant. De plus, il nous
semble utopiste de miser sur ce genre de technologie qui nécessite de
lourds investissements en matériel ainsi qu'en formation.
Comme le souligne Annie Chéneau-Loquay :
« Comment relier différents points du
Sénégal importe plus aux associations rurales que de naviguer
à l'international sur la toile. Alors qu'en Afrique l'oralité est
privilégiée, Internet fait appel d'abord à une bonne
maîtrise de l'écrit ; les commerçants rencontrés
à Saint Louis, désireux de connaître et
éventuellement d'utiliser Internet, mais largement illettrés, ont
bien perçu cet obstacle » 38.
Elle affirme également que bien que le
développement de ces NTIC permet de désenclaver les pays
africains dans certains domaines, tel que celui de la recherche, au niveau de
la population en général, on est loin d'avoir les conditions
nécessaires pour assurer un accès au plus grand nombre (pour elle
le désenclavement par le réseau filaire au niveau rural n'est pas
possible car demandant trop d'investissements coûteux et non rentables
pour les opérateurs). 39
37 Voir notes de bas de page n° 35 et 36
38 CHENEAU-LOQUAY A., DIOUF P. N., LE RENARD T.,
Disponibilités et usages des technologies de la communication dans
les espaces de l?échange au Sénégal
in CH EN EA U-LOQUAY A., Enjeux des technologies
de la communication en Afrique : du téléphone à Internet
[en ligne], Editions Karthala, 2000, 105 p. disponible
sur :
http://www.africanti.org/resultats/Livre_enjeux/Annied.pdf
(consulté le 05/08/2005)
39 CHENEAU-LOQUAY A., entre leurre et miracle,
in CHENEAU-LOQUAY A., Enjeux des technologies de
la communication en Afrique : du téléphone à Internet
[en ligne], Editions Karthala, 2000, 105 p. disponible
sur :
http://www.africanti.org/resultats/documents/enjeux.htm#intro
(consulté le 05/08/2005)
d. Le rôle de facilitateur
Les intervenants ou acteurs de développement devant
faciliter la démarche participative en utilisant des outils de
communication participative ont un rôle très délicat. C'est
une fonction clé dans ce genre de démarche. Il est
nécessaire que ce «facilitateur» ait un profil et une
formation bien adaptés à sa mission.
Or, nous avons pu voir à quel point ce rôle
était complexe, demandait de multiples compétences et à
quel point il pouvait influer sur le déroulement d'un projet.
L'expérience montre que la formation de ces agents est le
plus souvent insuffisante. De fait, ils sont confrontés à des
difficultés pour assurer leur mission.
Ils doivent être à la fois compétents dans
leur domaine de base, mais aussi connaître parfaitement le milieu
où ils auront à intervenir, savoir manipuler les outils de
communication traditionnels et populaires, gérer des conflits, faciliter
le consensus, planifier, évaluer, écouter etc.
s Profil
En plus des compétences déjà
énumérées précédemment, le praticien doit
être crédible aux yeux de la communauté.
Pour acquérir cette légitimité, ce
facilitateur doit afficher une compétence reconnue dans le domaine
où se situe le projet.
Par exemple, pour un programme de lutte contre la
désertification, on fera plutôt appel à un agent forestier,
pour un programme de prévention en IST/SIDA, à un médecin
ou autre personnel médical.
Ensuite, pour accroître cette légitimité
et rendre le dialogue entre les partenaires et la communauté plus
facile, il est préférable que les praticiens soient, sinon issus
de ces communautés, proches de celles-ci.
La connaissance de la langue est indispensable par exemple. De
même, il sera plus facile d'accepter l'intervention d'une personne avec
la même culture que celle d'un occidental.
Ce facilitateur est donc une personne ressource
possédant les compétences dans un domaine technique en rapport
avec le thème du projet, les compétences nécessaires
à la mise en oeuvre de la communication participative. Et il est proche
du milieu où il doit intervenir.
Ces conditions, bien que nécessaires, sont difficiles
à toutes réunir. Beaucoup d'enjeux reposent sur une ou quelques
personnes, selon la taille du projet.
Néanmoins, on peut accroître les chances de
réussite d'une telle entreprise par une formation accrue des
praticiens.
? Accentuer et revoir la formation des praticiens
Les domaines de compétence auxquels doivent être
formés ces «facilitateurs» sont déjà connus,
nous les avons déjà évoqués. Ils se rapportent aux
diverses étapes de la mise en oeuvre de la communication
participative.
Cette formation peut s'effectuer de façon non
structurée, dans le cadre d'activités organisées par la
collectivité (sur le terrain) ou au moyen de cours structurés.
Jusqu'à maintenant, ce sont des professionnels de la
communication en tant qu'experts en formation qui assurent ces formations
structurées aux personnels des ONG ou autres organismes devant
intervenir dans une communauté.
Une formation est donc dispensée par des formateurs
«extérieurs», pour des gens extérieurs à une
communauté pour travailler au sein de celle-ci.
Si cette formation est nécessaire, il apparaît
clairement qu'elle ne prend pas en compte le milieu d'intervention.
La communication participative apprend à favoriser les
échanges horizontaux, en se servant des médias traditionnels en
particulier, alors que les formateurs ne sont pas initiés à ces
médias et sont très rarement en contact avec les
communautés pour lesquelles ils forment du personnel.
Il nous semble important que les communicateurs soient
formés aux méthodes indigènes de communication de
façon à pouvoir mieux participer aux pratiques de communication
de la collectivité.
D'une part, il semble pertinent d'utiliser les moyens de
communication traditionnels des communautés concernées, car c'est
la communication de tous les jours qui nourrit l'identité d'une
collectivité.
D'autre part, il semble aberrant d'enseigner uniquement des
moyens de communication externes à une communauté, alors qu'on
parle de communication participative ; ou bien de former à des moyens de
communication indigènes sans y avoir été soit même
formé.
Nous pensons donc que ce serait une erreur de baser les
formations sur des méthodes descendantes selon lesquelles le savoir est
transmis du maître à l'étudiant, mais plutôt
s'accorder avec les principes de la participation, chacun apprenant de
l'autre.
Ensuite, il existe certaines qualités qu'il n'est pas
possible d'acquérir par la formation. Du moins elles nous
échappent pour le moment. Certaines personnes semblent posséder
des qualités particulières, comme le «charisme» qui
font qu'elles peuvent grandement faciliter le processus.
e. Interdisciplinarité
On a vu que la communication participative appelait un
échange de savoirs Or il ne faut pas que les savoirs transmis influent
sur le pouvoir de décision de la communauté, pour rester dans
cette relation d'échange. On a souvent tendance à négliger
la manière de transmettre ces savoirs qui sont pourtant fondamentaux. Il
ne s'agit pas seulement de rendre la population actrice en communication
participative, mais que chacun apprenne de l'autre pour aller dans le sens du
développement ou de l'intérêt commun.
L'expérience de l'éducation des adultes
possède beaucoup de similitudes avec la communication participative.
Pourtant ces deux interdisciplines sont très cloisonnées. Il y
aurait tout intérêt à aller vers ces domaines pour
apprendre des expériences de chacun, tout comme la communication
prône de le faire dans son domaine.
Plus généralement, les chercheurs en
communication pour le développement auraient tout intérêt
à se servir des expériences des autres domaines qui se rapportent
de près ou de loin aux activités de communication participative,
pour compenser les lacunes du concept.
f. Recherches
Comme beaucoup d'auteurs spécialistes de la
communication participative pour le développement le soulignent, la
recherche participative possède de nombreux avantages, dans le domaine
du développement en particulier.
En effet, l'idée repose sur le principe de la
communication participative toujours, mais appliquée au domaine
spécifique de la recherche scientifique.
En incluant les bénéficiaires potentiels de
l'application de la recherche, on espère ainsi éliminer les
énormes problèmes rencontrés dans la transition
recherche/développement.
Si les programmes de recherche sont élaborés
à l'aide des futurs bénéficiaires, on espère ainsi
d'une part impliquer ces derniers dans la recherche et l'appropriation future
de l'innovation, mais surtout adapter les recherches pour le
développement aux besoins réels des populations.
Reste à savoir si la communication participative peut
également être bénéfique dans ce domaine, qui se
heurte à beaucoup de résistances, en particulier pour les
sciences dites « exactes ». Il faudrait pour cela que les
scientifiques en ressentent le besoin, ainsi que les
bénéficiaires, ce qui peut passer par le développement de
la culture scientifique pour ces derniers.
Pour en revenir à la communication participative, les
chercheurs du domaine auraient sans doute tout intérêt à
s'appliquer leurs préconisations.
C'est d'ailleurs ce qu'ont fait des chercheurs du CRDI (Centre
de Recherche pour le Développement International), un institut Canadien,
dans un programme de communication pour le développement, afin de
témoigner de l'importance des interrelations entre la Communication
à la base, l'échange d'Information, l'utilisation à double
voie des Médias et l'Education non formelle (CIME)
40, établi en collaboration avec une
centaine d'ONG de neuf pays d'Afrique de l'Ouest.
40 Programme détaillé sur le site Internet du CRDI
à l'adresse suivante :
http://www.crdi.ca/fr/ev-9302-201-1-
DO_TOPIC.html (consulté le 02/08/2005).
g. Autres pistes
On peut noter encore d'autres pistes de recherches issues des
recommandations de chercheurs et d'acteurs de développement qui seraient
certainement bénéfiques pour faire avancer l'interdiscipline, par
exemple :
· S'appuyer d'avantage sur les femmes pour le
développement communautaire en milieu rural
· Réexaminer la pertinence des contenus
· Organiser davantage de programmes de recherches au niveau
politique
Le champ des pistes qui restent à explorer est encore
très vaste, et on peut considérer que la communication
participative n'en est encore qu'à ses balbutiements. Issue de la
communication pour le développement, l'énorme avantage que
constitue ce principe, c'est son adaptabilité aux conditions
spécifiques du milieu. Cet avantage sur les autres formes de
communication, de type diffusionniste, est modéré par les
difficultés à mettre en oeuvre une telle démarche.
Mais s'il est nécessaire d'accentuer les recherches et
les échanges entre praticiens pour améliorer le concept, la
communication semble être ce qui se fait de mieux en terme d'impact sur
la communauté, que ce soit pour responsabiliser les gens, les
sensibiliser ou adopter une innovation.
Conclusion
Le terme de communication participative ne se suffit pas en
lui-même. Il cache beaucoup de visions, de points de vue et de questions
qui restent en suspens.
Issue de la communication pour le développement, cette
philosophie possède tout de même des caractéristiques que
tous les auteurs et pratiquants s'accordent à lui attribuer. Née
de l'expérience des premiers modèles de communication pour le
développement trop restrictifs et simplistes, la nécessité
de placer la population au coeur des stratégies de développement
apparaît désormais comme évidente.
Evidente pour les chercheurs et beaucoup de praticiens, mais
sur le terrain, on est bien souvent loin de ce principe de donner le pouvoir de
décision à la population grâce à l'utilisation de la
communication participative, qui veut faciliter les échanges entre les
différents intervenants (membres d'une communauté, ONG,
autorités...).
Alors si l'utilisation de la communication participative est
présentée comme la solution, du moins théoriquement, pour
responsabiliser les populations, les rendre actrices de la résolution de
leurs problèmes, pourquoi subsiste-t-il encore tous ces
difficultés et réticences constatées dans la pratique ?
La communication participative, bien que séduisante
dans sa philosophie, soulève de nombreuses questions et pose des
obstacles différents des autres modèles de communication. Alors
remplace-t-on pour autant des difficultés inhérentes à un
modèle par d'autres ?
Dans les modèles diffusionnistes, l'impact des
campagnes de sensibilisation constaté est faible, la responsabilisation
des populations sur un projet de désertification par exemple,
empêchera sa pérennisation.
Tandis que la communication participative au niveau
communautaire pourra soulever des conflits, coûter cher, n'avoir que peu
de retombées à court terme...
Mais deux raisons majeures font pencher la balance en faveur
de la communication participative.
Premièrement, la pratique montre que les actions
entreprises à l'aide de la communication participatives se sont
avérées bien plus efficaces.
Deuxièmement, les difficultés
rencontrées dans le domaine ne sont pas incontournables, seulement, il
reste beaucoup à développer, améliorer, rechercher,
échanger, pour arriver à un résultat meilleur.
On pourrait ajouter à cela que la communication
participative est également possible à un niveau plus large que
celui de la communauté, mais il ne s'agissait pas du sujet de
l'étude nous concernant.
Si la communication participative reste cantonnée
actuellement à certains domaines du développement (social,
structurel, économique, environnemental principalement), elle gagnerait
tout à s'étendre vers d'autres aspects, comme celui
exploré en particulier, à savoir le développement de la
culture scientifique.
En effet, une des causes des difficultés
rencontrées dans la recherche au Sénégal, mais aussi
ailleurs, est le manque de vision des enjeux que soulève la recherche
scientifique. Dans un contexte où les innovations scientifiques sont un
des moteurs possible du développement, par de nouvelles techniques
agricoles par exemple, de réduction de la pauvreté, de lutte
contre les endémies, le soutien de la population est quasi
indispensable. Car elle permet l'acceptation des innovations bien sûr,
mais aussi parce qu'elle joue son rôle critique, indispensable pour
adapter les programmes de recherche aux enjeux réels.
C'est ce que tend à faire la recherche participative,
qui tente d'inclure des représentants de la population dans
l'élaboration de ses programmes, pour en finir avec ces innovations
laissées à l'abandon car incomprises ou totalement
inadaptées.
Actuellement, nous ne pensons pas que la communication
participative soit une solution miraculeuse, applicable à tous les
domaines de la communication. En revanche, elle constitue ce qui se
révèle être le plus efficace au niveau communautaire, le
niveau de la vie quotidienne en société. L'atout majeur des
principes issus de la communication participative, c'est son
adaptabilité. Comment rendre une communication efficace si ce n'est en
l'adaptant au mieux au contexte ? Reste à continuer de chercher les
meilleurs moyens d'y parvenir.
C'est cette même adaptabilité, grâce
à l'implication des premiers concernés, qui laisse supposer que
le concept est généralisable à d'autres domaines et
à d'autres lieux certainement. Cela reste à vérifier par
la pratique.
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problèmes, Ocdé, Paris, p.147.
- SCHIELE Bernard, Quand la science se fait culture. La
culture scientifique dans le monde, Editions Multimondes, 1994
- TUDESQ André Jean, Les médias en
Afrique, Ellipse, 1999, pages 60-70 et 100-110
Multimédia, presse :
- Emission radiophonique, les mondes changent : les clubs
JRD du Sénégal, RFI, 20 minutes, 2004
- Visioconférence entre les clubs JRD de Dakar et
Montpellier, débat autour du SIDA et les adolescents, dispo.
enda santé (projet sid@pi lote), 2004
- SALAM SALL A., interview publiée le 10 décembre
2004 par l'Agence de Presse Sénégalaise, Dakar
- SINA DIATTA C., entretien publiée le 27 mars 2003 dans
« Le Quotidien », Dakar, 2003
ANNEXES
Sommaire
Annexe I : Données statistiques
générales de développement du Sénégal
78
Annexe II : Données socio-démographiques
générales sur la zone d'étude de Niakhar
(source :IRD) 79
Annexe III : Sketchs de sensibilisation à
l'utilité de l'état civil écrits par le club JRD de
Niakhar 81
Annexe IV : Questionnaire soumis aux
élèves des clubs JRD 88
Annexe V : Bilan des clubs JRD du Sénégal
89
Annexe VI : Evolution de la communication pour le
développement 94
Annexe VII : L'état civil au
Sénégal et l'inscription des naissances 95
Annexe I : Données statistiques
générales de développement du Sénégal
Annexe II : Données socio-démographiques
générales sur la zone d'étude de Niakhar (source :
IRD)
Structure de la population :
· 45,4% ont moins de 15 ans
· 64,6% ont moins de 25 ans
· Dans le groupe d'âges 10-19 ans, il y a 15% de
garçons de plus que de filles (migrations des petites filles)
· Le groupe 5-14 ans représente 9000 jeunes (proche
de l'effectif à scolariser)Pyramide des âges au 1er
janvier 2002
· Taux de natalité voisin de 40 pour mille soit
environ 1200 naissances par an
· Taux de fécondité en 2001, 6,7 enfant par
femme (équivalent à la moyenne nationale rurale)
· Taux de la mortalité infantile en 2001 : 20 pour
mille
· Espérance de vie : 28,6 ans en 1963, 58,1 ans en
2001
Scolarisation :
· 20 écoles privées ou publiques en 2003 (+17
écoles coraniques)
· Parmi la population âgée de 25 à 34
ans, ce sont environ 70% des individus qui ne sont jamais allés à
l'école
· Chez les jeunes de 6 à 14 ans, plus de 50% des
enfants vont à l'école
· Absentéisme important (40% des
élèves sont absents plus de 4 fois dans l'année)
Autosuffisance alimentaire :
· Plus de 50% des ménages atteignent le seuil
d'autosuffisance alimentaire
· Par le biais des migrations, ce sont alors 60% des
ménages qui l'atteignent
· Et grâce aux entraides, ce seuil est atteint par
83% des ménages
Niveaux de vie, niveaux de pauvreté :
· Les plus aioes (habitat en dur, gaz, latrines), 14% des
ménages
· Classe moyenne (matériel agricole, animaux de
trait, eau du puits), 57% des ménages
· Les plus démunis (habitat précaire, peu de
bétail...), 29% des ménages
· 60% des ménages ont accès à une
borne fontaine
· 43% des ménages ont au moins un toit en tôle
ondulé
· 22% des ménages ont accès à des
latrines
Annexe III : Sketchs de sensibilisation à
l'utilité de l'état civil écrits par le club JRD de
Niakhar
Club JRD « état civil » de Niakhar Juin 2005
Sketch de sensibilisation sur l'utilité de l'état
civil
Thème : le droit de vote
Le pari
Les personnages
Modou : partisan du PS
Ousmane : partisan du PS Moussa : commissaire de
vote Saliou : partisan du PDS
Fatou : partisane du PDS
Situation : A l?ombre d?un tamarinier
discutent des partisans du PS et du PDS à propos des prochaines
élections présidentielles...
MODOU : Nous allons faire une campagne
électorale pour avoir beaucoup de votes pour notre candidat.
OUSMANE : Nous allons aussi organiser des
meetings, des conférences et distribuer des habits neufs du PS pour
qu'ils soient nombreux à voter pour nous.
SALIOU (à FATOU) : Est-ce que pourrons
voter ?
FATOU : Bien sûr, à condition de
remplir les critères pour avoir le droit de voter.
SALIOU : Tu veux dire qu'il faut que j'aie une pièce
d'identité ?
FATOU (étonnée) : Quoi ?! Tu ne
vas pas me dire que tu n'as pas de pièce d'identité...
SALIOU : Non je n'en ai pas, mon père ne
pas déclaré à la naissance, par négligence. Mais ce
n'est pas grave, je vais voter de toute façon.
Les partisans du PS interviennent
MODOU : Hé ! Si tu n'as pas de
pièce d'identité, tu ne pourras pas voter !
SALIOU : C'est ce qu'on va voir. Je paris ma
maison que je voterai ! Et vous, qu'est-ce que vous donnez ?
MODOU : Moi aussi je donne ma maison. Si l'un
de nous perd, il n'aura qu'à tenir sa parole.
Le jour tant attendu arrive. Ousmane et Modou se rendent au
lieu de vote et trouvent Saliou, Moussa et le commissaire de vote en train de
se disputer.
OUSMANE : Qu'est-ce qu'il y a ?
SALIOU : Il dit que je ne peut pas voter parce
que je n'ai pas de carte d'identité.
LE COMMISSAIRE : Sans pièce
d'identité, on peut pas voter ! Tu n'es même pas reconnu comme
étant Sénégalais, si tu n'es pas inscrit à
l'état civil, tu n'as aucun droit.
OUSMANE : Mais c'est vrai ce que le commissaire
dit, c'est la vérité. Tu as de la chance qu'il n'appelle pas la
police !
MODOU : Je te l'avais dit. Tu as perdu !
MOUSSA : Il ne reste qu'une semaine et une seule
chance. Si tu la rate, tu en subiras les conséquences. Une audience
foraine va être organisée dans le village. A ce moment tu pourras
t'inscrire à l'état civil et avoir des papiers d'identité.
Tu pourras alors voter.
SALIOU : Je m'en fiche puisque notre parti va
gagner les élections, ce n'est pas la peine que j'aille chercher une
pièce d'identité.
MOUSSA : Va en chercher ! Ca te servira une
autre fois.
Saliou ne l?écoutant même plus, s?en va.
Une semaine plus tard, les résultats sont
annoncés : le PS remporte les élections. Ousmane et Modou
écoutent les résultats à la radio quand Saliou arrive chez
eux, furieux.
SALIOU (crie): Vous avez triché !
MODOU: Ce n'est pas vrai. Comment oses-tu nous
accuser de tricherie ! Ils se mettent à se battre, le commissaire de
vote intervient alors
LE COMMISSAIRE : Saliou, c'est toi qui as
tord, tu es venu dans leur maison pour te battre avec eux. Ce n'est pas juste !
Je vais te faire arrêter et le juge va te faire emprisonner pendant un
mois ! C'est tout ce que tu mérites.
Club JRD « état civil » de Niakhar Juin 2005
Sketch de sensibilisation sur l'utilité de l'état
civil
Thème : inscription des naissances, droit à
l'héritage
L'héritDH1 d1 Mou\\D
Les personnages
Ablaye Diouf: le père
Ndeye : première femme d'Ablaye
Néné : deuxième femme d'Ablaye
Moussa : ainé de la famille Abdou :
ainé de Néné
Situation : Ablaye avant de mourir
réunit toute sa famille à son chevet
ABLAYE : Mes enfants, je vous ai laissé
de quoi bâtir votre aveni r.Sur mon compte en banque à la
B.C.E.A.O., il y a 24 millions de Francs CFA.
J'espère que vous en ferez bon usage. Surtout n'oubliez
pas le sang qui vous uni.
MOUSSA : Père vous pouvez aller en paix.
Tout sera fait selon votre volonté.
ABDOU : Père pour l'instant il ne faut
pas penser au pire. Surtout essayez de reprendre des forces.
ABLAYE : Je te remercie Abdou, mais c'est trop
tard
Après avoir poussé son dernier soupir, Ablaye
Diouf rendit l?âme, laissant derrière un problème auquel il
n ?avait pas pensé. En effet, après les obsèques, place au
partage des biens.
MOUSSA : Mon frère, j'étais chez
le notaire qui m'a signifié que le retrait de l'argent à la
banque risque d'être difficile car les procédures judiciaires
compliquent les choses.
ABDOU : Sois plus explicite. Il faut fournir
pour chacun de nous un acte de naissance et il paraît que seul les
détenteurs de papiers en règle peuvent accéder à
l'argent du vieux.
MOUSSA : Et moi dans tout çà ?! Je
suis l'aîné tout de même !
ABDOU : Mère m'a confié que tu
n'avais pas d'acte de naissance alors que j 'en possède un. Je serais
donc le bénéficiaire de l'héritage.
Les femmes d?Ablaye interviennent alors, la situation
devenant de plus en plus périlleuse.
NDEYE : Ca ne se passera pas comme
çà ! Je suis la première femme d'Ablaye, et Moussa est
l'aîné, il doit donc recevoir l'héritage, c'est la
tradition. J'irai voir mon frère qui est commissaire et sinon je ferais
appel à mon marabout !
NENE : Mon fils, ne l'écoute pas, nous
sommes riches ! ABDOU : Oui, grâce à vous.
Abdou repense aux paroles de son père et décide
finalement de faire le nécessaire pour l?aider
ABDOU : Cher frère, je pense qu'il peut y
avoir une solution a ce problème délicat. SALIOU
: Il dit que je ne peut pas voter parce que je n'ai pas de carte
d'identité.
LE COMMISSAIRE : Sans pièce
d'identité, on peut pas voter ! Tu n'es même pas reconnu comme
étant Sénégalais, si tu n'es pas inscrit à
l'état civil, tu n'as aucun droit.
OUSMANE : Mais c'est vrai ce que le commissaire
dit, c'est la vérité. Tu as de la chance qu'il n'appelle pas la
police !
MOUSSA (reconnaissant) : Je n'ai pas les mots
qu'il faut pour traduire ma pensée, petit frère.
ABDOU : J'ai entendu dire qu'il était
possible de t'inscrire à l'état civil par un juge, malgré
ton age. Mais pour cela allons à la mairie pour plus de
renseignements.
Ils partent donc ensembles à la mairie pour savoir
comment faire obtenir des papiers à Moussa, sans que leurs mères
respectives ne soient au courant.
Ndeye qui n ?est pas au courant à
préparé un mauvais coup à l?aide de son marabout pour
récupérer l?héritage.
NDEYE : Moussa, j'ai vu le marabout qui m'a
assuré que si Moussa prend tout l'argent pour lui, il deviendra
fou...
MOUSSA : Je suis désolé
mère, mais il faudra revoir ton cher marabout pour qu'il arrête
tout. NDEYE: Dis moi, quelle mouche t'as piqué ?
MOUSSA (rie): Pour une raison
mystérieuse, Abdou m'a aidé à me procurer un acte de
naissance pour ensuite le déposer chez le notaire. On attend juste le
rendez vous avec la banque pour retirer l'argent.
NDEYE (s'évanouie) : ahhhhh...
Une fois remise de ses émotions, Ndeye part retrouver
Abdou et Néné
NDEYE (émue): Chère
co-épouse, cher fils. Par où commencer ? Non, sincèrement
je ne sais quoi dire, je suis très élue !
NENE : Mais de quoi s'agit-il ? Dis moi quelque
chose fils !
ABDOU : Je suis désolé de
m'être tu pendant tout ce temps mais j 'ai accompli une chose que je ne
regrette nullement. Je veux rendre à César ce qui appartient
à César et donc j 'ai fait le nécessaire pour que Moussa
puisse bénéficier de sa part de l'héritage.
NENE (bouche bée, reste un moment
silencieuse, puis dit) : Tu as très bien agit mon fils, je suis
fière de toi. Beaucoup d'autres à ta place n'auraient pas
été aussi honnête et seraient parti avec tout l'argent,
laissant leur frère sans un sou.
Club JRD « état civil » de Niakhar Juin 2005
Sketch de sensibilisation sur l'utilité de l'état
civil
Thème : scolarisation
Moustapha n'ira plus à
l'école
Les personnages
Le père:
L'ami :
Le fils : Moustapha Diouf Le maitre : monsieur
Mbodji Le directeur de l'école :
Situation : Un père heureux vient
annoncer à un ami la naissance de son fils, le premier avec sa seconde
femme.
PERE : Ha ! Mon ami, je suis venu vous faire
part du baptême du fils de ma seconde femme. AMI :
Quelle bonne nouvelle ! Que décidez vous de faire maintenant ?
PERE : J'aimerai faire un baptême
extraordinaire.
AMI : Formidable, mais as tu déjà
déclaré ton fils auprès du chef de village qu'il puisse
être reconnu officiellement ?
PERE : Pour quoi faire ? Peu importe.
AMI : Il m'est arrivé la même chose
avec mon fils Ndiougour, j'ai négligé de le déclarer
à la naissance et çà m'a coûté très
cher. J'ai du aller jusqu'au tribunal pour réparer cette erreur.
PERE : Tout cela m'est égal ! Je vais
baptiser mon fils ainé et dès demain, je vais tuer un gros
taureau comme personne n'a jamais et n'aura jamais vu !
AMI : Et bien je t'aurais prévenu, mais
tu es mon ami avant tout, alors je participerai volontiers au baptême de
ton fils.
Six ans plus tard, son fils à l?age d ?entrer à
l?école
PERE : Bonjour monsieur le directeur, je suis
venu pour inscrire mon fils Moustapha dans votre école.
DIRECTEUR : C'est le moment des inscriptions,
vous arrivez au bon moment. C'est possible
PERE : Que dois-je faire maintenant ?
DIRECTEUR : L'essentiel est de fournir un acte
de naissance, ce qui va montrer qu'il a une nationalité et donc droit
à l'éducation.
PERE : Monsieur, il va falloir patienter un peu
car au moment où je vous parle les papiers ne sont pas encore
disponibles.
DIRECTEUR : D'accord, je le laisse
étudier pour le moment. Mais il faudra absolument avoir ces papiers pour
qu'il puisse passer ses examens d'entrée au collège. Sans
identification, il ne pourra pas entrer au collège, même s'il est
bon élève.
DIRECTEUR (se retournant et s'adressant aux
professeurs) : Vous pouvez commencer les cours maintenant !
Quelques années plus tard
MAITRE MBODJI : J'aimerai avoir la classe qui se
présente à l'examen d'entrée en sixième
DIRECTEUR : Oui, il va être temps, il ne reste
pratiquement plus de cours.
MAITRE : Oui, il ne reste plus qu'un cours
d'éducation civique sur les droits et devoirs.
DIRECTEUR : C'est une leçon
d'actualité, il faudra tout faire pour terminer cette leçon avant
l'examen, on en parle beaucoup à la radio et a la
télévision, surtout les droits des enfants.
MAITRE : Oui, à ce propos, vous avez
déjà déposé les actes de naissance à
l'inspection ? DIRECTEUR : Pas encore, il reste un
élève qui n'a pas fourni le sien.
MAITRE : Mais de qui s'agit-il ?
DIRECTEUR : C'est Moustapha Diouf
MAITRE : Moustapha ! Ce n'est pas possible,
pourtant lorsqu'on faisait la leçon sur l'état civil, il
était le premier à répondre correctement !
DIRECTEUR : Malheureusement je n'ai pas le
choix, je dois le renvoyer chez ses parents, je l'avais pourtant prédit
à son père.
MAITRE : Hélas ! Quel excellent
élève !
Moustapha rentre chez lui, renvoyé par le
directeur...
MOUSTAPHA : Le directeur m'a renvoyé
parce que je n'ai pas d'extrait d'acte de naissance. PERE
(affolé) : Comment ?
AMI : Ne dit rien, je t'avais prévenu
dès la naissance de Moustapha, mais tu étais entêté
et maintenant voilà le résultat : il ne peut pas passer son
examen alors que c'est un très bon élève ! Tout
çà parce que tu as négligé de le déclarer
à la naissance, il ne pourra plus continuer à étudier.
PERE : Oh ! Comment je vais faire ?
AMI : Allons voir le directeur tous les deux.
Ils rendent alors à l?école voir le
directeur
PERE et AMI : Bonjour monsieur le directeur.
DIRECTEUR : Bonjour chers parents.
PERE : Mon fils Moustapha est venu me dire que
vous l'avez renvoyé.
DIRECTEUR : Oui je l'ai renvoyé parce
qu'il est temps de déposer les extraits de naissance au niveau de
l'inspection pour que les élèves puissent passer leur examen.
PERE : Et alors ? Quelle peut être la
solution ?
DIRECTEUR : Le débat est clos, personne
n'entrera sans extrait de naissance. AMI : Pourtant ce n'est
pas une nouvelle, je l'avais prévenu !
PERE : Monsieur, aidez moi, je n'ai que ce
garcon d'instruit et j'ai misé tous mes espoirs sur lui.
DIRECTEUR : La seule solution qu'il vous reste,
c'est d'aller à l'audience foraine qui se tiendra demain dans votre
village.
PERE : Très bien ! Mais que dois-je faire
là bas ?
DIRECTEUR : Vous pourrez aller voir le juge avec
deux témoins et votre fils pour l'inscrire à l'état
civil.
PERE : Ah, merci mille fois monsieur le
directeur ! Je ne savais pas que l'état civil avait une si grande
importance pour la scolarisation de nos enfants ! Je ne me laisserai plus
piéger et j'inscrirais mes enfants à l'état civil
dès la naissance en allant voir le chef de village.
NB : Ce sketch initialement écrit
ainsi, à subit beaucoup de transformations, tant au niveau des dialogues
que la mise en scène. Par exemple, le père part furieux à
la fin du sketch, et c'est l'ami qui reste auprès du directeur pour se
renseigner, car il espère que Moussa puisse l'envoyer en France quand il
sera plus âgé...
De même les autres sketchs ont évolué,
principalement au niveau des dialogues, bien plus étoffés,
laissant une large place à l'improvisation et à l'humour, tout en
restant sérieux dans le message à transmettre.
Annexe IV : Questionnaire soumis aux élèves
des clubs JRD Age :
Sexe :
Lycée :
Club JRD :
1. Pourquoi as-tu choisi de faire partie de ce club ?
2. Qu'as tu fait au sein du club ?
3. Es-tu satisfait du travail accompli dans ce club ? Pourquoi
?
4. Penses-tu qu'il vaut mieux faire de la prévention ou
être sensibilisé à une démarche scientifique
(enquête, expériences de laboratoire, mise en place d'une
pépinière etc.) ?
5. L'organisation et le fonctionnement du club t'ont-ils parus
satisfaisants (fréquence des interventions, organisation des sorties,
retards ou rendez-vous manqués etc.)?
6. Que penses tu des interventions des chercheurs de l'IRD (trop
longues, trop théoriques, pratiques, trop compliquées, trop
simples, pas assez d'explications, etc...) ?
7. Comment pourrait-on améliorer la qualité des
clubs JRD ?
8. Pour toi quel est l'objectif des clubs JRD ?
9. Est-il atteint ? Dans quelle mesure ? Si non que reste-t-il
à accomplir ?
10. Remarques, commentaires, suggestions ?
NB : Les élèves ont répondu
anonymement à ces questionnaires
Annexe V : Bilan des clubs JRD du Sénégal
1. Difficultés
matérielles
s Matériel
Les clubs souffrent d'un manque évident de
matériel, en dehors des maristes (Dakar), qui reste un cas à
part, vu leurs moyens.
En particulier le matériel de laboratoire dans les
lycées, ou informatique (Niakhar). Mais aussi du matériel
spécifique aux activités des clubs (enclos contre les
chèvres, radeau pour observer les oiseaux).
Les lycées sont généralement mal
équipés, en dehors du cours sainte marie de Hann (club de Dakar),
qui est un lycée privé avec beaucoup de moyens. Or l'IRD ne
dispose pas de suffisamment de moyens à consacrer pour équiper
tous les établissements.
? Problèmes de distances
Ces problèmes de matériel sont parfois
atténués par la proximité d'infrastructures de l'IRD. Mais
c'est insuffisant, et les déplacements vers les régions plus
éloignées de Dakar comme Mbour ou Niakhar posent des contraintes
aux chercheurs (les chercheurs des clubs de Niakhar profitent de leurs visites
de travail à Niakhar parfois, mais y vont souvent juste pour les
clubs).
s Financement
Certaines sorties demandent des financements que ne
possèdent pas le lycée. Ils sont tributaires de l'IRD. Mais les
initiatives du lycée sont rarement financées par l'IRD, ce qui
peut se comprendre, mais impose une hiérarchie dans les rapports avec
les partenaires.
Autre soucis, les partenaires, encadrants professeurs ou
chercheurs recherchent parfois une compensation financière que ne peut
accorder l'IRD et encore moins les lycées, ce qui constitue un frein
certain au déroulement des activités dans les meilleures
conditions. Certaines activités et certains partenariats n'ont pas pu se
développer faute de rémunération
des individus devant participer à la vie du club. Par
exemple pour le partenariat avec l'APSVT (association des professeurs des
sciences de la vie et de la terre).
2. Difficultés dans la
communication
s Entre chercheurs et enseignants
De nombreux quiproquos et difficultés ont
étés constatés entre les chercheurs et les responsables
enseignants des clubs JRD. Ceux-ci sont souvent minimes et rapidement
réglés. Mais le manque de communication entre ces deux acteurs
fondamentaux que sont le chercheur et l'enseignant est allé
jusqu'à l'arrêt quasi complet des activités des clubs des
maristes et de Mbour depuis mars/avril 2005.
Les raisons sont difficiles à cerner, sans doute un manque
de temps pour le chercheur, les clubs étant assez dépendants de
l'IRD, les activités ont alors quasiment cessé.
Il s'agit peut-être également d'un manque
d'initiative de la part des lycées, qui ont trop tendance à se
reposer sur l'institut. On peut le voir dans les deux sens.
s Le sentiment d'un rapport hiérarchique entre l'IRD et
les lycées
Un sentiment commun aux différents clubs actuels au
Sénégal s'est révélé au cours de cette
enquête: l'IRD adopte une attitude dirigiste selon les différents
partenaires de l'IRD, imposant sa vision des choses et inhibant toute
initiative des lycéens (qui sont parfois peut-être des professeurs
d'ailleurs...). La raison de cette attitude serait que l'institut finance les
activités du club. L'IRD finance effectivement quasiment à 100%
les activités des clubs, en dehors des salaires des animateurs et
différents partenaires, mais ne peut expliquer un tel comportement ou
plutôt un tel sentiment.
Ce sentiment, qu'il soit avéré ou non, nui
à la qualité des clubs. La motivation n'est évidemment pas
la même lorsqu'on a l'impression de travailler sur des thèmes
imposés plutôt que choisis.
Ce point est particulièrement important, surtout dans une
démarche de l'IRD qui se veut « participative ».
3. Difficultés dans les ressources
humaines
· Disponibilité
Il existe certaines difficultés dans le respect des
programmes fixés à la création des clubs. Le calendrier
est rarement respecté, mais surtout les objectifs ne sont pas tous
toujours atteints, Par manque de temps et/ou de moyens.
Ce manque de temps n'est pas dû à
l'indisponibilité des professeurs (bien que les professeurs de Niakhar
disent ne pas avoir de temps), mais à celle des chercheurs
principalement. Il est également du fait que pour diverses raisons, le
travail n'est pas poursuivi par les professeurs sans les chercheurs ou autre
personnel de l'IRD.
· Engagement des professeurs
Cette difficulté déjà
évoquée dans d'autres points est plus spécifique aux trois
clubs de Niakhar. Les encadrants des autres clubs s'investissant dans les
activités du club sans trop rechercher de compensation, du moins
financière, et bien qu'en autonomie très restreinte par rapport
à l'IRD, le travail dans les clubs se poursuit de manière plus ou
moins régulière (sauf depuis mars2005).
En revanche, pour les clubs de Niakhar, en dehors des
interventions de l'IRD, les clubs n'existent pas. Le travail avance donc
difficilement, la coordination reste compliquée, et les chercheurs se
transforment en professeurs.
· Fonctionnement des clubs avec un chercheur, un enseignant
plus la coordination du service communication de l'IRD
On a vu que le fonctionnement des clubs reposait quasiment
exclusivement sur un professeur, un chercheur et le soutien logistique de la
DIC (délégation à l'information et à la
communication).
Or, avec ce mode de fonctionnement, dès qu'il existe
des difficultés de communication entre le scientifique et le professeur,
ou que l'un des deux « piliers » (professeur ou chercheur) s'en va
pour diverses raisons (ce qui est fréquent à l'IRD, c'est le cas
de Marc Neyra qui rentre en France cette année), c'est l'existence
même du club qui est menacée.
4. Difficultés dans la
pédagogie
s Côté pratique parfois négligé,
attitude souvent didactique des scientifiques
Comme l'enquête faite auprès des
élèves le révèle, les membres des clubs ont le
sentiment qu'il y trop de cours théoriques, qu'ils sont trop simples et
que c'est au détriment de la pratique (en dehors du club symbiose des
maristes). Et s'il n'y a pas trop d'apprentissage théorique, il n'y a
pas assez de pratique selon les enseignants.
Il est reproché aux chercheurs, en particulier dans
les clubs de Niakhar, d'avoir un rôle de professeur, et non de
scientifique. De plus, même s'ils font ces interventions avec beaucoup de
bonne volonté, ce ne sont pas des pédagogues. Et les
scientifiques ont souvent quelques problèmes à vulgariser leurs
recherches.
D'une part parce qu'ils n'ont pas d'expérience
généralement dans le domaine, ils s'adressent à un public
très spécifique (contexte interculturel qui plus est), d'autre
part ils ne connaissent pas le niveau de leur public.
De fait, les interventions si elles sont dispensées de
manière classique, c'est-à-dire une communication horizontale de
l'apprenant vers l'élève, risquent le plus souvent d'être
inadaptées, soit trop simplistes, soit trop complexes.
Cette adaptation très difficile à cerner s'est
avérée plus aisée dans d'autres méthodes
d'apprentissage.
Lorsque le chercheur adopte une démarche plus souple,
en posant des questions, en faisant parler les élèves, en les
incitant d'avantage à construire leurs propres connaissances, il
s'adapte automatiquement au niveau de l'élève d'une part, et le
motive d'avantage d'autre part.
En effet, un élève actif, qui construit ses
propres connaissances est d'avantage motivé, attentif, que s'il subit un
discours sans interactivité.
? Peu ou pas de place pour le tâtonnement, l'erreur,
l'initiative de l'élève
Ce point rejoint le précédent, en effet il est
également reproché dans les activités scientifiques des
clubs, en dehors des aspects théoriques, de ne pas laisser la place
à l'apprentissage par l'erreur.
L'activité scientifique est faite de
tâtonnements, d'erreurs, d'initiative. Or il semblerait que les
chercheurs aient tendance à diriger les travaux sans laisser les
élèves mener réellement des recherches. Une
méthodologie leur est donnée, une problématique, des
hypothèses. Toutes les étapes d'une démarche scientifique
sont enseignées, mais l'élève ne les élabore pas
lui-même. Il va simplement appliquer ce qu'on lui propose. Il s'agirait
alors, si c'est vraiment le cas, plutôt d' « exercices pratiques
» que d'une démarche scientifique.
? Approche partiellement participative
Nul doute que les élèves participent aux
activités du club, certaines réalisations sont là pour le
montrer.
Mais ces réalisations, bien que finalisées par
les élèves, ne sont pour la plupart pas de l'initiative des
élèves, de la conception à la réalisation. Mis
à part les sketchs de prévention sur l'utilité de
l'état civil qui sont imaginés, écrits,
réalisés et interprétés entièrement par les
élèves, les autres documents produits ont tous la signature d'un
professeur ou d'un enseignant. Il suffit de comparer le style d'écriture
des élèves et les documents produits pour s'en apercevoir.
Mais ce ne serait pas très grave s'il s'agissait d'une
simple « correction », malgré le brio de ces
élèves, on peut douter que ces réalisations soient du
niveau d'élèves de seconde ou de première. En tout cas
pour beaucoup d'entre-elles.
Mais plus généralement, les élèves
n'ont pas un rôle d'acteur dans ces clubs, ou alors à une
échelle réduite.
Ils n'ont pas le choix des thèmes, en fonction de leurs
préoccupations, de leur environnement etc...
Ils n'ont pas le choix des modalités pour atteindre les
objectifs, un programme leur est imposé avant même que le
thème du club leur soit proposé.
Ils n'ont pas d'initiative possible dans le
déroulement des activités, ils doivent suivre un protocole, ce
qui est normal, mais auquel ils n'ont que rarement participé (en dehors
du club ornithologie).
Tous ces paramètres influent à la fois sur la
motivation des élèves et sur l'esprit d'initiative que
nécessite une véritable démarche de recherche
scientifique.
Annexe VI : Evolution de la communication pour le
développement
L'Évolution de la communication pour le
développement
|
Modèle de développement
|
Modèle de communication
|
Approche de diffusion
|
Modernisation/croissance
|
Diffusion/communication verticale du haut vers le bas
|
Radio paysanne
|
Croissance pour satisfaire les besoins fondamentaux et
distribution
|
Horizontal/à la base
|
Forum radiophonique
|
Dépendance
|
« Conscientisation »
|
Échange d'information
|
« Autre »
|
Communication participative
|
Radio communautaire
|
Croissance
|
Marketing social
|
« Enter-educate »
|
|
Source : YOON Chin Saik, La communication participative pour
le développement, CRDI, Montréal, 1996
Annexe VII : L'état civil au Sénégal
et l'inscription des naissances
Source : Aide et action, La non inscription des naissances
et son impact sur la scolarité [en ligne], centre de ressources
documentaires 2003, 15 p. disponible sur :
http://doc-aea.datapps.com/data/anne/impact_de_la_non_inscription_des_naissances_sur_la_scolarite.doc
(consulté le 05/08/2005)
Au Sénégal, la loi N° 72-61 du 12 juillet
1972 portant code de la famille définit l'état civil à
travers ses trois composantes : les actes de naissances, les actes de
décès et les actes de mariage.
L'inscription des naissances repose sur l'implication des
déclarants. En effet, c'est sur les indications de ces derniers que
l'officier d'état civil est à même de recevoir la
déclaration de toute naissance.
1. Au plan économique
L'arrière-pays du Sénégal est
caractérisé par une faible densité démographique,
des conditions de vie difficiles, des voies de communications précaires
et un analphabétisme généralisé.
L'état civil dans le pays repose sur une organisation qui
distingue les centres principaux et ceux secondaires. Son accessibilité
par rapport aux populations semble être la première entrave. Il
s'y ajoute son coût pour les déclarants dont le pouvoir d'achat
est faible.
1.1. L'enclavement
L'organisation de l'état civil en centres principaux et
secondaires est à la base de dysfonctionnements réels au niveau
géographique.
En effet, les centres principaux implantés dans les
chefs-lieux de communes et d'arrondissement de même que les centres
secondaires situés aux différents chefs-lieux de
communauté rurale se caractérisent par leur
inaccessibilité. L'organisation administrative a l'inconvénient
majeur, pour un service public aussi particulier, d'ignorer la donnée
distance : des villages distants des chefs-lieux de communautés rurales
ou d'arrondissement de dizaines de kilomètres sont ainsi
complètement enclavés en l'absence de route voire de piste.
Dans ces conditions les populations éprouvent moults
difficultés pour accéder à ces centres d'état
civil, à fortiori si leur déplacement "n'est justifié que
par une déclaration de naissance", démarche pour laquelle la
motivation laisse à désirer et qui en outre a un coût.
1.2. Au plan financier
L'état civil a un coût. Ce dernier qui fait l'objet
d'une désignation sous le vocable de droit de délivrance des
actes d'état civil est souvent décrié.
En effet, cette taxe d'un montant de 200 FCFA par acte est
réclamée dans la pratique en cas de déclaration en
violation des dispositions du décret N° 89 428 du 22 avril 1989
fixant les droits de délivrance des actes de l'état civil.
En effet la déclaration même si elle est
sanctionnée une fois faite par la remise d'un des trois volets
prévus aux dispositions de l'article 38 alinéa 4 du code de la
famille, n'est pas pour autant assimilable à l'opération
consistant à solliciter la copie d'un autre déjà
rédigé ou délivrance seule taxée. Il s'y ajoute
dans les différents arrondissements et communautés rurales une
difficulté à travers la taxe rurale.
En effet, en invoquant cette dernière base la même
somme de 200 FCFA est réclamée en plus à tout
déclarant. Cette pratique quoique communément répandue
constitue une violation de la loi sur l'état civil. Car même
s'agissant de la taxe rurale seule la délivrance est taxée et non
la déclaration.
Ces charges dans un environnement économique
caractérisé, surtout en milieu rural, par une instabilité
et une rareté des ressources financières entravent pour beaucoup
le déplacement des populations vers les centres d'état
civil. Au chapitre des difficultés de cet ordre il faut
ajouter la prise en charge des frais de transport des lieux d'habitation aux
sièges des centres d'état civil surtout qu'en matière de
déclaration tardive trois personnes sont concernés à
savoir, le déclarant et ses deux témoins.
Malgré ces obstacles conjoncturels il serait
péremptoire de soutenir qu'ils suffisent pour justifier voire fonder les
réticences des populations. Dans les enquêtes à venir, il
faudra sans doute interroger les croyances voire l'état d'esprit du
monde rural pour comprendre les autres raisons cette attitude attentiste.
2. Au plan sociologique
Avec un taux d'analphabétisme élevé, le
constat de ses effets induits sur la perception voire l'implication des
populations pour toute action de leur part enfermée dans un formalisme
est de loin insatisfaite.
Il s'y ajoute que la connaissance des textes de loi par les
populations même lettrées, base de toute action de leur part est
marginale, et la perception qu'elles ont de tout acte ou démarche les
mettant en relation avec l'administration centrale est biaisé.
2.1 Illettrisme
L'analphabétisme dans le département de Kolda
affecte une bonne partie de la population. Cette situation, d'un niveau
acceptable en milieu urbain, connaît des proportions dramatiques en
milieu rural. Dans certaines localités, on ne trouve aucune personne
sachant lire et écrire dans la langue officielle (le français),
c'est à dire celle utilisée pour l'établissement des actes
officiels.
Même s'il n'est pas ici le lieu de débattre de
l'utilisation de langues nationales, cet obstacle majeur qu'est l'illettrisme
pourrait être jugulé instamment par des actions de sensibilisation
et de vulgarisation dans les différentes langues locales.
Les populations ne sont pas au fait des enjeux de l'état
civil en général à fortiori de l'importance des actes de
naissances en particulier. Dans ces circonstances, l'engouement des
déclarants, ou ne serait ce que leur implication, qui elle-même
suppose un sacrifice financier, physique et psychologique, est loin d'atteindre
les résultats escomptés.
2.2 Méconnaissance des procédures
légales.
La loi, expression de la volonté générale,
est, à priori le voeu du peuple mis en oeuvre par ses
représentants. Cette abstraction est traduite à travers la maxime
combien évocatrice "Nul n'est sensé ignorer la loi". Certes le
fondement de cette présomption n'est pas discuté ou remis en
question mais son déphasage par rapport à la
réalité ne fait non plus l'objet d'aucune contestation.
En effet les lois, de par leur diversité et leur
complexité, ne sont souvent connues et comprises que par un public
averti, constitué par les professionnels et les praticiens du droit.
Dans ces circonstances il est loisible de constater que les populations qui
dans la grande majorité ne savent ni lire ni écrire, ignorent non
seulement l'existence de la norme à fortiori son contenu.
Même pour les populations alphabétisées,
il est difficile de se retrouver dans les arcanes des textes de loi. Une
illustration parfaite de cet état de fait symptomatique est
décelée chez les préposés à la tenue des
registres d'état civil qui à longueur de journée
accomplissent les actes matériels de leur office tout en ignorant le
contenu de la loi organisant leur métier.
En résumé le constat qui se dégage est que
l'application de la loi elle - même pose problème.
1. Au plan juridique
· D'abord ils distinguent la déclaration normale de
la naissance qui doit intervenir dans le délai d'un mois et quinze jours
pour les déclarants et les chefs de village.
· Ensuite la déclaration tardive enfermée
dans le délai d'une année qui ne peut être reçue que
sur la foi de deux témoins ou une attestation délivrée par
un médecin ou une sage femme.
· Enfin, le jugement d'autorisation d'inscription de
naissance au delà de cette durée annale qui fait intervenir les
juridictions départementales suivant un formalisme prévu aux
dispositions des articles 86 et suivants du code de la famille.
Il est loisible de constater que cette triple distinction
à faire suffit elle seule à empêcher la bonne marche de la
déclaration des naissances. Cependant il s'y ajoute d'autres
difficultés liées à la brièveté du
délai annal mais aussi à la complexité de la
déclaration tardive.
3.1. La brièveté du délai de
déclaration.
A travers la distinction tripartite faite supra, la
précision doit être faite que c'est le délai normal de
déclaration celui d'un mois et quinze jours qui est incriminé car
inapproprié au contexte. Les populations préoccupées par
les cérémonies religieuses liées à la naissance,
sans oublier les aléas liés à la santé de la
parturiente et de l'enfant (rappelons que la région de Kolda
détient les tristes records des plus forts taux de mortalité
maternelle et de mortalité infantile) et autres, ne peuvent satisfaire
aux formalités de la déclaration dans ce bref délai.
Pendant cette période l'urgence voire la nécessité
à leur niveau d'en posséder ne se pose point.
Dans la Commune de Kolda, l?examen sommaire des registres
de l?année en cours du centre principal révèle que seul 1%
des déclarations sont faites dans le délai normal. Dans les
centres d'état civil des arrondissements et communautés rurales
la déclaration normale, dans les délais, est presque
inusitée. S'il arrive qu'elle soit faite les populations résidant
dans les différents sièges des centres d'état civil en
sont les auteurs.
En ce qui concerne les populations des villages, leur
éloignement des centres d'état civil s'il est conjugué au
délai d'un mois et quinze jours, compromet quasi
irrémédiablement leur recours à la procédure de
déclaration normale.
De renvoi en renvoi, conséquemment, différents
obstacles finissent par se poser.
3.2. Obstacles à la déclaration tardive
La déclaration tardive, rappelons-le, est celle qui
intervient au delà du délai d'un mois pour les déclarants
et quinze jours en sus pour les délégués de quartiers.
En outre, cette déclaration est enfermée dans un
formalisme restrictif en ce qu'elle doit être prouvée soit par une
attestation d'un médecin ou sage femme établissant la naissance
ou la déposition de deux témoins.
A toutes ces restrictions s'ajoute l'enfermement de la
procédure dans un délai d'un an, c'est à dire d'autant
d'obstacles pour les déclarants.
Pour ce qui est de l'exigence d'établir la naissance par
une attention d'une sage femme ou d'un médecin, il y a lieu de relever
la difficulté ainsi créée car en milieu rural rares sont
les naissances qui se produisent dans une structure sanitaire : les pesanteurs
sociologiques constituent encore un obstacle réel . Il s'y ajoute dans
certains villages que les structures de santé sont inexistantes. Dans
ces circonstances l'on constate aisément que les conditions primaires de
satisfaction des exigences de la loi sont ainsi compromises.
Relativement à la déposition des deux
témoins, l'enclavement, l'absence de moyens de transport, de même
que les difficultés économiques suffisent pour décourager
plus d'un déclarant.
En somme la déclaration tardive, malgré le fait
qu'elle s'inscrive dans la durée, ne permet non plus, en raison de
difficultés énormes qui l'entachent, de résoudre le
problème de la brièveté du délai normal de
déclaration sa mission légale première, du moins
exclusive.
Cette étude nous aura permis de relever au plan structurel
et conjoncturel des obstacles qui amoindrissent voire freinent la marche
régulière du procédé de la déclaration des
naissances. Cette situation à n'en pas douter produit des effets
considérables.
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