INTRODUCTION
Les traditions orales du
Foûta-Djalon, si riches et si variées, ont fait l'objet d'une
collecte et d'une diffusion à grande échelle. Cette noble
entreprise a été effectuée par Gilbert Vieillard,
Alfâ Ibrâhîm Sow, Thierno Diallo...dont les ouvrages, assez
représentatifs de la production littéraire et historique,
couvrent des domaines très vastes allant de la simple chronique à
la véritable histoire, de l'oraison funèbre aux cantiques, du
chant guerrier à la généalogie épique, de la
poésie profane à la poésie sacrée et mystique, des
sortilèges pastoraux à la satire des moeurs, etc.
Cependant certains genres sont restés, pour
plusieurs raisons1(*),
méconnus en dehors de la région. On peut citer l'exemple de
l'épopée, du conte, du mythe, de la légende, des chants
guerriers, des chants bucoliques...
Conscient de cet état de fait, notre ambition
consiste à exhumer, à faire connaître, autant que faire se
peut, cet héritage quelque peu enfoui dans les marécages de
l'anonymat. C'est ainsi donc que notre mémoire de Maîtrise
s'était attaché à établir, pour la première
fois, la version peule2(*)
de la chute de Kansala et à jauger le récit à l'aune du
contexte et de l'histoire. Continuant sur cette lancée, nous
approfondissons ce travail dans un cadre plus large.
Pour ce qui est du Mémoire du Diplôme
d'Études Approfondies que nous avons intitulé Étude
de l'épopée d'Abdoul Rahmâne du Foûta-Djalon,
il est sous-tendu par une problématique un peu morcelée en raison
même du caractère composite des éléments
constitutifs du DEA.
Il s'articule autour de trois parties. Nous
présentons d'abord une partie du Corpus des récits
peul et mandingue qui feront l'objet de la thèse. Ce
corpus est précédé par trois cartes du Foûta-Djalon
et du Ngâbou. Ensuite, dans la partie Bibliographie
commentée, nous procédons au résumé et
à la critique de trois ouvrages théoriques (Les
Épopées d'Afrique noire de Liliyan Kesteloot et de Bassirou
Dieng, Critique de la raison orale (les pratiques discursives en Afrique
Noire) de Mamoussé Diagne et L'Épopée de
Daniel Madelénat) et de trois articles3(*) (« Épopée et identité :
exemples africains » de Christiane Seydou, « Notes
sur les procédés poétiques dans la littérature des
Peuls du Foûta-Djalon » de Alfâ Ibrâhîm Sow
et « Mode d'expression poétique et stratification sociale dans
l'État théocratique du Fouta Djallon » de Alpha
Ousmane Barry).
Enfin, dans la troisième partie, nous faisons le
compte rendu des séminaires, d'une part, et présentons nos
différents exposés, d'autre part.
PROBLMÉATIQUE ET ORIENTATION DE LA
THESE.
Notre problématique de recherche
tourne autour de l'analyse de l'épopée et de la poétique
de l'épopée. On se demande, entre autres, comment le griot, en
composant son récit, établit un découpage
thématique et des procédés mnémotechniques à
partir des intermèdes musicaux et des séquences textuelles
nettement identifiables à travers le récit. Quel traitement
l'épopée fait-elle des genres comme l'histoire, le mythe, la
généalogie, les chants guerriers, la devise, etc. ?
Comment, dans une oeuvre qui se veut avant tout
l'expression de l'identité du groupe social, apparaît la
perception de l'autre ? Quelle est l'idéologie qui sous-tend une
telle perception ? Quelle est la place et le rôle sinon des
religions, du moins des divinités dans une guerre religieuse ?
Comment sont les caractéristiques esthétiques du récit, et
comment analyse-t-on les personnages ? Comment les uns et les autres se
sont-ils préparés pour cette ultime confrontation, et quelles en
sont les batailles symboliques ? Pourquoi, enfin, dans un récit
épique dont le nerf de la guerre est l'âme humaine, ne meurt-on
pas physiquement ?
Voilà en somme les différents volets de
notre problématique.
Cette problématique s'appuie sur une
démarche qui consiste, comme on le voit, à embrasser le
récit dans ses différents contours, l'objectif étant de le
décrypter entièrement et de le rendre plus intelligible non
seulement aux lecteurs peuls, mais surtout aux non peuls.
En outre, nous devons signaler que notre thèse
pourrait aussi prendre une autre perspective ou orientation. En effet, au lieu
de s'intéresser uniquement à l'épopée, il nous
semble tout aussi intéressant d'étendre notre étude
à un domaine plus vaste comme celui des traditions orales du
Foûta-Djalon.
Un sujet sur les traditions orales serait
intéressant à plus d'un titre parce qu'une telle approche prendra
en charge non seulement le récit dont on vient de décliner la
problématique, mais aussi et surtout d'autres genres comme le conte, le
mythe, la légende, etc. L'avantage de cette étude est de nous
permettre de déployer nos ailes sur un terrain plus vaste tout en
restant dans la voie balisée par notre Maîtrise.
Cette éventuelle orientation, qui est en
état de conception et de murissement, nécessitera des
enquêtes sur le terrain, et donc un contact plus direct et plus fructueux
avec les réalités de la littérature orale.
PLAN DÉTAILLÉ DE LA
THÈSE.
SUJET : ÉTUDE DE
L'ÉPOPÉE D'ABDOUL RAHMÂNE DU
FOÛTA-DJALON.
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE :
PRÉSENTATION
I-BRÈVE PRÉSENTATION DES RÉGIONS DU
FOÛTA-DJALON ET DU NGÂBOU.
1) Le Foûta-Djalon.
2) Le Ngâbou.
3) Cartes.
DEUXIÈME PARTIE : CORPUS
I- La version peule (du griot Farba Ibrâhîma
Ndiâla) : Alfâ Abdoul Rahmâne Koyin du
Foûta-Djalon.
II- La version mandingue (du griot Sana Kouyaté) :
Tourouba? Kansala (la fin du monde animiste).
TROISIÈME PARTIE : ANALYSE
ETHNO-LITTÉRAIRE
I- LA QUESTION DE L'IDENTITÉ ET DE
L'ALTÉRITÉ.
1) L'épopée comme expression de l'identité
« nationale ».
2) L'épopée ou la perception négative de
l'autre (l'opposition idéologique : Peuls vs Païens).
3) L'Islam contre l'Animisme, ou la guerre des
divinités.
II- L'ÉPOPÉE OU LA CONFLUENCE DES GENRES.
1) Épopée et histoire.
2) Épopée et mythe.
3) Épopée et généalogie.
4) Épopée et chants guerriers.
QUATRIÈME PARTIE : ANALYSE
LITTÉRAIRE
I- COMPOSITION ET STRUCTURE DES DEUX RÉCITS.
1) Découpage thématique.
2) Structures narratives et procédés
mnémotechniques.
3) Étude du temps et des intermèdes.
II- ANALYSE STYLISTIQUE.
1) La ou les langues des récits.
2) Les procédés rhétoriques.
3) Les motifs.
4) L'intertextualité :
La généalogie des Diallôbé, le
Laqya, le Coran, l'intronisation des Almâmy
III- ÉTUDE DES PERSONNAGES.
-Personnages principaux :
1) Héros-adjuvants-antihéros.
2) Griots.
-Personnages secondaires :
1) Les Cheikhs ou les doctes et les muezzins.
2) Almâmy Oumar et Alfâ Ibrâhîma de
Labé.
IV- LA GUERRE.
I- Les préparatifs :
1) Le Foûta-Djalon : De la retraite mystique à
l'intervention divine.
2) Le Ngâbou : Des idoles à la reddition de
Dianké Wâli.
II- Les batailles symboliques ou les guerres dans la guerre.
1) L'imberbe garçon contre l'Almâmy du
Foûta.
2) Quand le petit-fils venge le grand-père :
l'épopée comme expression de vengeance.
3) La mort.
CONCLUSION.
EXPLICATION DU PLAN.
Dans la première partie
Présentation, il s'agira de planter le décor
géographique, social et historique du Foûta-Djalon et du
Ngâbou en y adjoignant des cartes à l'appui en guise de
présentation. L'objectif de cette partie est de mettre en
évidence les aspects sociaux, culturels, religieux de la
société des Peuls du Foûta-Djalon et des Mandingues du
Ngâbou. L'analyse qui sera menée ici pourra donner une lecture
critique du traitement que le griot fait de ces différents aspects dans
le récit.
La deuxième partie, elle, sera uniquement
consacrée à l'établissement du corpus.
Ensuite, dans la troisième partie, on
procèdera à une analyse qui sera à la fois ethnique et
littéraire, une analyse qui éclaire le récit par le
biais de la culture et de l'herméneutique littéraire. Les
thèmes de l'identité, de l'altérité, de la guerre,
de l'épopée comme genre pluridimensionnel... seront les
principaux centres d'intérêt. On se demandera, par exemple,
comment l'épopée en tant qu'autocélébration
prend-t-elle en charge les deux communautés en conflit. Ceci mettra
l'accent sur l'éternelle discrimination de l'autre ; discrimination
qui est inhérente au genre épique même.
Par ailleurs, dans le chapitre intitulé
L'épopée ou la confluence des genres nous nous
demanderons comment le récit manie-t-il les genres comme l'histoire, le
mythe, la généalogie, pour les intégrer en son sein et,
à partir de cet traitement, quelle est la ligne de démarcation
qui existe entre ces genres. L'accent sera mis plus particulièrement sur
l'opposition religieuse qui émane de l'opposition identitaire,
idéologique, et portera sur les relations
Peuls/Païens, Islam/Animisme.
Enfin, dans la quatrième partie, Analyse
littéraire, la réflexion portera sur l'analyse du
récit du point de vue de sa composition, de sa progression
thématique, de ses caractéristiques esthétiques et
stylistiques, les caractères, les fonctions et les attributs des
personnages. L'examen des intermèdes musicaux, leurs fonctions, les
transitions et les motifs montreront l'originalité du griot.
À travers la composition et la structure du
récit, on ferra ressortir les structures narratives et les
procédés mnémotechniques, et dans
l'Intertextualité, on se focalisera sur les textes d'autres
auteurs qui traversent le récit comme la généalogie des
Diallobé du Labé, l'air musical appelé Laqya, les
passages du Coran, le texte d'intronisation des Almâmy du
Foûta-Djalon.
CARTES
I. SITUATION GÉOGRAPHIQUE

DU FOÛTA-DJALON ET DU NGÂBOU
D'après Gilbert Vieillard, « Notes sur les
Peuls du Foûta-Djallon », Bulletin de l'Institut
Français d'Afrique Noire, n°1-2, Janvier, Avril 1940, tome 2,
Paris, Larose, pp. 87-210, cartes 1.

II. ORGANISATION TERRITORIALE DU FOÛTA
THEOCRATIQUE
D'après Gilbert Vieillard, « Notes sur les
Peuls du Foûta-Djallon », Bulletin de l'Institut
Français d'Afrique Noire, n°1-2, Janvier, Avril 1940, tome 2,
Paris, Larose, pp. 87-210, cartes 3.
III. ORGANISATION TERRITORIALE DU ROYAUME DU
NGÂBOU

D'après D. T. Niane dans Histoire des Mandingues
de l'Ouest, Paris, Khartala, Arsan, 1989, p. 4.
-Ee Farba Abbaasi,
Miin, Farba Ibraahiima Njaala
Mi?o joo?ii Mombema
Ka Mista Jaabi Koyi?.
5 O wii4(*)
himo faalaa yo mi yeewtu mo ko mo nanata;
Himo faalaa yo mi yeewtu mo ko o anndi.
- Naam.
Intermède.
-Himo faalaa
Taariika Fuuta Jaloo o?,
10 Ka hunnduko a?, miin, Faarba Njaala.
-Naam.
Intermède.
-A yi'i5(*)
nde ?a yeeya ka??e maa,
Yeeyu anndu?o.
-Naam.
15 -Sa yeeyii mo anndaa
-Naam.
-Ko o lamdoto ma,
Si yonay keri maa teenirde.
Intermède.
- Eyyo.
-Eh ! Farba Abâssi6(*),
Moi, Farba Ibrâhîma Ndiâla,
Je suis assis à Mombema,
Chez l'honorable7(*) Diâby de Koyin.
5 Il dit qu'il veut que je lui parle de ce qu'il veut
entendre;
Il veut que je lui parle de ce qu'il connaît.
-Oui8(*).
Intermède9(*).
-Il veut connaître
L'histoire du Foûta-Djalon,
10 À travers ma parole, moi Farba Ndiâla.
-Oui.
Intermède.
-Comme tu le sais, lorsque tu vends ton or,
Vends-le à quelqu'un qui en connaît la
valeur.
-Oui.
15 -Si tu le vends à quelqu'un qui n'en connaît pas
la valeur,
-Oui.
-Ce qu'il te demandera,
C'est si avec cet or on peut faire une houe ou un
coupe-coupe
Intermède.
-Oui.
20 - Ayi'i kappe e ka??e,
Fow no asee e leydi.
- Naam
- Kono yo ne??o yo joo?o jentoo ka ho?ataa,
Tawa fow fotataa
25 E keccu.
- Eyyo.
Intermède.
- Mi?o yeewtude mo ?oo no Almaami Umaru
Hai?ri e Timmbo.
Mi?o yeewtude mo ?oo no Almaami Umaru
30 Ha?iri e Fuuta Jaloo.
- Naam.
- Ka?ko Almaami Umaru mo Almaami Abdul
-Naam.
-Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa
35 Mo Almaami Sori
O ha?u e Fuuta
Ley?e cappan?e tati e ley?e tati.
- Naam.
- Almaami Umaru mo Almaami Abdul
40 Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa
Mo Almaami Sori,
Ko Ka?ko wiyetee
Taara Nuuhu Sih e Maaliki Sih
-Eyyo.
45 -Nuuhu Sih ko ?e Almaami Sori
Baaya Sih ko ?e Baa Demmba
Taanu Fooduye Seeri e Fooduye Seydi.
-Naam.
Mo Jaasaano ko yaltuno e Kade.
20 -Car l'igname et l'or
Tout se déterre de la terre.
-Oui.
-Que les hommes s'asseyent donc et
écoutent [ce récit et] ce que tu joues,
Pour qu'ils se rendent compte que tous les hommes ne se valent
pas
25 À la fleur de leur âge!
-Oui.
Intermède.
-Je lui dis, ici, comment Almâmy10(*) Oumar
S'est illustré à Timbo.
Je lui dis, ici, comment Almâmy Oumar
30 S'est illustré au Foûta-Djalon.
-Oui.
-Lui, Almâmy Oumar, fils d'Almâmy
Abdoul,
-Oui.
-Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ,
35 Fils d'Almâmy Sory,
Il s'est illustré au Foûta
Contre trente-trois pays.
-Oui.
-Almâmy Oumar, fils d'Almâmy
Abdoul,
40 Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ,
Fils d'Almâmy Sory,
C'est lui qu'on appelle11(*)
Târa Noûhou Sy et Mâliki Sy.
-Oui.
45 -Noûhou Sy est de Almâmy Sory;
Bâya Sy est de Bah Demba.
Tânou Fôdouyé Sêry et
Fôdouyé Seydi.
-Oui.
-Le fils de Kadé [Almâmy Oumar] ne fut en
rien inférieur12(*)
à ses ancêtres..
50 -Naam.
Intermède.
-Ka?ko Almaami Umaru mo Almaami Abdul
Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa
Mo Almaami Sori
O na?i konu makko e Bokeeto
55 Konu Almaami Umaru boni.
-Naam.
-Ee miin haalan ma
Almaami Saamori o ha?idii e Porto
Duu?i sappo e jeetati,
60 Kono ko Ja?kee Waali Turuba?
No ?uri mo jogaade doole
-Eyyo
-Miin haalan maa!
Bukari Tammbaa no jogii doole,
65 Ko ayku Uamaru Tooroo?o
Ka?ko e toraare Alla makko
Nanngi Bukari Tammbaa,
Kono Ja?kee Waali no ?uri mo jogaade doole.
-Eyyo.
70 -Almaami Umaru mo Almaami Abdul
Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa
O na?i konu makko e Turuba?,
Konu Almaami Umaru boni.
-Eyyo.
75 -Hari wa?tii Ja?kee Waali
Iwde e nder leydi Turuba? ndi?
Ara nannga Ful?e Fuuta ?e? e nder Fuuta Jaloo
Ee o na?a o yeeyoya
Go??un ?u? o yaha
80 O ta?a ko'e muu?u?
O wa?a ka mbeembal13(*) makko yiite
Himo joggii biiniiri o tu?a ?o?,
Si wonii nebban ?a? sintii,
Ko ?u? ka?ko e ?eyngu makko ?e wujotoo.
50 -Oui.
Intermède.
Lui, Almâmy Oumar, fils d'Almâmy
Abdoul,
Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ,
Fils d'Almâmy Sory,
Il envoya son armée à Bokêto,
55 L'armée d'Almâmy Oumar fut
défaite.
-Oui.
-Eh! C'est moi qui te le dis!
Almâmy Sâmory s'est battu contre les
Blancs
Dix-huit années durant,
60 Mais Dianké Wâli de Tourouban14(*)
Est plus puissant que lui.
-Oui.
-C'est moi qui te le dis!
Boukari Tamba est puissant,
65 Mais c'est Cheikh Oumar de la lignée des
Torôbhé,
Qui, grâce à ses prières à Allah,
Arrêta Boukari Tamba,
Mais Dianké Wâli est plus puissant que lui.
-Oui.
70 Almâmy Oumar, fils d'Almâmy
Abdoul,
Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ.
Il envoya son armée à Tourouban15(*),
L'armée d'Almâmy Oumar fut
défaite.
-Oui.
75 -Il fut un temps où Dianké Wâli
Avait pris l'habitude de quitter le territoire du Tourouban.
Il venait ravir des Peuls du Foûta, au
Foûta-Djalon,
Et il allait les vendre.
Certains d'entre eux, lorsqu'il rentrait [à Tourouban],
80 Il leur tranchait les têtes
Et il les mettait dans son four conçu pour produire de
la graisse.
Il plaçait une bouteille en dessous,
Et de la graisse qui en suintait,
Lui et sa femme, ils s'en enduisaient [le corps et les
cheveux].
85 -Naam.
-Yiili Almaami Umaru mo Almaami Abdul
O na?i konu makko e Turuba?
Ee o? tuma konu makko kadi boni
-Naam.
90 -Ko Almaami yahduno o? tuma foppu muu?u?
Ka?ko Ja?kee Waali o wa?tini ka asfin maa
kuulin16(*).
-Naam
-O wa?ta henndaade
Ko'e Ful?e Fuuta ?ee,
95 O wa?a ?oggi o wennga e ?aawo tataaji makko ndi?.
Kala ka yaltir-?aa e leydi Turuba? ndi?
A yi'ay hoore Pullo Fuuta no leyleyta.
-Naam.
Intermède.
Ee Ka?ko Almaami Umaru, o joo?ii, o
miijii17(*),
100 O tawi o ha?idii e ley?e cappan?e tati e ley?e tati,
Ko Ka?ko Almaami Umaru fooli.
O tawi Ja?kee Waali
Faalaama mo bonnitande e Fuuta Jaloo.
Tawi le ?u? wanaa ko gasata.
105 -Eyyo.
Ko o? tuma ka?ko Almaami o seeni Dale?.
O tawi aykuujo o? Dale?.
O holli aykuujo o? Dale?.
O wi'i : «Mi?o faalaa ya torano la?
110 Rabbul sammawaati wa maa fi larli o?
Fii Ja?kee Waali Turuba?.
O tampinii Ful?e Fuuta ?e?».
Intermède.
Ka?ko Almaami Umaru, ?aa wonii o holli ?u? aykuujo o?,
aykuujo o? maaki : «Ee awa en ndaaray Alla».
115 Ko nde? ñannde ka?ko aykuujo o? o yee?i sookeeje
makko
E Rabbul sammawaati wa maa fi larli
Haa Allaahu lam?o on newnani mo;
Sabu hakkunde makko e Alla
Ko ridoo.
85 -Oui.
-Ensuite, Almâmy Oumar, fils
d'Almâmy Abdoul,
Il envoya son armée à Tourouban :
Son armée fut encore défaite.
-Oui.
90 -Tous ceux avec lesquels Almâmy Oumar
était parti,
Dianké Wâli les rendit commes des feuilles
dévorées par les termites18(*).
-Oui.
-Il avait l'habitude de prendre
Les têtes de ces Peuls du Foûta,
95 Qu'il suspendait à l'extérieur de sa
forteresse.
Ainsi d'où qu'on venait du pays de Tourouban,
On voyait ces têtes des Peuls du Foûta
se pendiller.
-Oui.
Intermède.
-Après, Almâmy Oumar, lui, il s'assit,
il réfléchit
100 Et il trouva que, s'être battu contre trente-trois
pays,
C'est toujours lui, Almâmy Oumar qui a vaincu.
Mais il trouva que Dianké Wâli
Voulait remettre en question son invincibilité
au Foûta-Djalon
Alors que cela n'était pas possible!
105 -Oui.
-C'est alors que l'Almâmy partit à
Dalen.
Il y trouva le cheikh19(*) de Dalen.
Il parla au cheikh de Dalen.
Il lui dit : « Je veux que tu implores pour moi
110 Le Seigneur des Cieux et de la Terre20(*),
Contre Dianké Wâli de Tourouban.
Il a fatigué les Peuls du Foûta ».
Intermède.
Quand Almâmy Oumar a consulté le docte
Le docte lui répondit : « D'accord, nous nous en
remettrons à Allah ».
115 C'est ce jour-là que le cheikh implora
Le Seigneur des Cieux et de la Terre21(*)
Jusqu'à ce qu'Allah, le Souverain,
l'exauçât
Car, grâce à sa piété, il n'y a entre
Allah et lui
Qu'un infime voile22(*).
120 O noddi Almaami Timmbo o maaki :
«Almaami, fewndo ?oo,
Saa moo?ii konu maa e Fuuta,
Fewndo ?oo saa yahii e leydi Ngaabu ndi? tu?
Alla okkete poolal.
125 Haøaa Ja?kee Waali».
-Naam.
Intermède.
-Ko nde? ñannde ka?ko Ja?kee Waali
Ka?ko kadi o moolii e sanamuuru makko ndu?.
O yi'i ko Ful?e Fuuta ?e?
130 Golli mo ko? fow.
Ee o ka?kiti jalee?e.
Ko nde? ñannde Tuura Saane noddi mo landii :
«Ee Ja?kee Waali ko hon ?u? jalataa?»
O wi»i : «Aa! ?ee Ful?e Fuuta no faala arde ka a?
gaa».
135 O wi'i : «?e moolike aykuujo ma??e o?».
O wi'i : «Kam?e fow e ko ?e moolii, fow muu?u?,
Mi yii ?e ka nder sanamuuru a? ?oo».
Hakkee ko ka?ko Ja?kee Waali ko o yawitii Ful?e Fuuta ?e?,
?aa o anndii Almaami Umaru no faalaa moo?de konu
140 Arana mo e nder Turuba?
O? tuma, o hendii njaareendi,
O loowi e tuuba makko mba? haa mba heewi
O joo?tii e hoore muu?u?, o wi'i
Ta Fuuta Jaloo ar
145 Tawa mo wonde ma ee, hay so o immike, wona o dogii.
Yo Alla danndu mo o dogude Pullo Fuuta
Ñaamoowo putee e jaabere.
Ee, ko wi'aynoo Pullo Fuuta :
Ko puloolu jaabere damoraa : ko
pullo ñaamoowo jaabere.
150 Ayi'i Turuba? ko e haala mandi?koore ma??e.
?e wii hakkee ko sa?ti
Saa hewtii ?o? a? kala e njoo?a maa
Haray fii muu?u? lannii.
Ko ?u? Mandi?koo ?e? wi'i :
120 [Après avoir imploré Allah], il appela
l'Almâmy de Timbo
Et lui dit : « Almâmy, en ce moment,
Si tu lèves tes armées au
Foûta-Djalon,
En ce moment, si seulement tu vas au pays du
Ngâbou23(*),
Allah t'offrira la victoire :
125 Tu vaincras Dianké Wâli ».
-Oui.
Intermède.
-Ensuite, c'est ce jour-là que Dianké
Wâli,
Lui aussi, implora son idole.
Il vit tout ce que les Peuls du Foûta
130 Avaient intrigué contre lui.
Alors il éclata de rire.
Ce jour-là, Toûra Sâné l'interpella
et lui demanda :
« Eh! Dianké Wâli, qu'est-ce qui te fait
rire? »
Il lui répondit : « Ah! Ces Peuls du Foûta
veulent venir chez moi, ici ».
135 Il dit : « Ils ont imploré leur Cheikh
Eux tous et tous ceux qu'ils ont implorés,
Tous ensemble, je les ai vus grâce à mon idole
qui se trouve ici ».
Dianké Wâli sous-estimait tant les Peuls du
Foûta,
Que lorsqu'il a su qu'Almâmy Oumar voulait lever
des troupes
140 Pour venir l'attaquer à Tourouban,
Il prit alors du sable,
Il en emplit son pantalon jusqu'à ras-bord
Puis il s'y assit et dit [qu'il a fait cela]
Pour éviter que le Foûta-Djalon en arrivant
145 Le trouve débout et dise par conséquent qu'il
est en train de fuir.
Puisse Allah le préserver de fuir devant un Peul du
Foûta,
Qui mange de la patate et du taro24(*).
Il désignait les Peuls du Foûta par :
« Les Peuls qui mangent du taro ».
150 Tu sais, « Tourouban » est un mot de leur
parler mandinko.
On raconte que le pays, « Tourouban », est
si dangereux
Que quand on y arrive avec ses provisions de voyage,
On s'expose à la mort.
Dans leur langue, les Mandingues expriment cela par
155 «Turoo banta».
Intermède.
-A nanii?
-Eyyo!
-Ko o? tuma ka?ko Almaami Umar o feewti Alfaa Ibraahiima,
Be? Alfaa Yaaya Labe
160 A yi'i yumma Alfaa Yaaya Labe ko e ngun konu woni ko o
nanngaa
Kumanco ko ?i??o Ja?kee Waali Turuba?
Ko o? jibini Alfaa Yaaya Labe.
O? tuma Almaami Umar o noddi Alfaa Ibraahiima
Mo Alfaa Saaliwu o maaki : «Mi?o faalaa yaa
jonnan
165 Feccere e Labe,
Ko koneeli a? Fuuta Jaloo ka?i moo?oo»
Ko nde? ñannde Alfaa Ibraahiima o maaki :
«Almaami Fuuta Jaloo
Ko e sooke25(*) mon woni.
170 Si ?a faalaa mi jonnete Labe fow».
Ko nde? ñannde o fecci e feccere Labe.
O wi'i : «Ndaarii ?o si tawii yonay
Ka koneeli maa ?i? daako».
Saa nanii Daaka Labe,
175 -Naam.
-Ee kaka o maakunoo ?o?
Ndaarii si tawii ?oo yonay
Ka koneeli moo?on ko daako,
Ko nii luttiri wi'aa Daaka Labe».
180 -Eyyo.
Intermède.
-Ko nde? ñannde ka?ko Almaami Umar, ee o maaki :
«Haa! Alfaa Ibraahiima
?oo yonay ka koneeli Fuuta Jaloo ka ?i daako».
Ko nde? ñannde muu?u?
155 « Touro banta 26(*)», c'est-à-dire
pays des malheurs.
Intermède.
-M'écoutes-tu?
-Oui !
-C'est alors qu'Almâmy Oumar regarda
Alfâ27(*)
Ibrâhîma,
Le père d'Aflâ Yâya de Labé.
160 Tu sais que la mère d'Alfâ Yâya de
Labé a été capturée pendant cette guerre-là
:
Koumantio [la mère d'Alfâ Yâya] est une fille
de Dianké Wâli.
C'est elle qui engendra Alfâ Yâya de Labé.
Alors, Almâmy Oumar interpella Alfâ
Ibrâhîma,
Le fils d'Alfâ Sâliou, et lui dit : « Je veux
que tu me donnes
165 Une moitié de Labé comme lieu de campement
Pour les troupes du Foûta-Djalon ».
C'est ce jour-là qu'Alfâ Ibrâhîma dit
:
« Almâmy du Foûta-Djalon,
Cela se trouve entre vos mains28(*).
170 Si tu veux, je te cède tout le Labé ».
C'est ce jour-là qu'il divisa en deux parties le
Labé.
Il dit : « Regarde ici, si ce lieu est assez vaste
Pour permettre à tes troupes d'y camper »,
Si tu entends l'expression Dâka Labé,
175 -Oui.
-Eh bien, c'est depuis ce jour où il a dit :
« Regarde ici, si ce lieu est assez vaste
Pour permettre à tes troupes d'y camper ».
Voilà comment le nom Dâka
Labé29(*) est
né.
180 -Oui.
Intermède.
-Alors, ce jour-là, Almâmy Oumar dit :
« Ah! Alfâ Ibrâhîma,
Ce lieu peut contenir les armées du
Foûta-Djalon ».
C'est ce jour-là
185 Almaami Umaru mo Almaami Abdul
Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa
Mo Almaami sori,
Ko ka?ko wi'etee :
Tooñataa yaafataako.
190 Leeter makko yahi e Ceerno mo Kaala.
Mo jaasaano ko funtunoo e Dalaba.
E Ceerno mo Kaala naati e Labe, nootii Almaami Umaru
Noddaandu makko e Labe.
-Naam.
195 -Almaami Umaru mo Almaami Abdul
Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa
Ko ka?ko wi'etee :
Tooñataa yaafataako.
Ee! o nuli miin haalan ma
200 E Fugummbaa
-Naam.
-Tawi e Alfaa Irayma30(*) Fugummbaa, niimata Seeriyaa?e.
Konu yalti e Fugummbaa nootii Almaami e Labe.
-Naam.
205 -Ka?ko Almaami Umar mo Almaami Abdul
Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa
Mo Almaami Sori
Ko ka?ko wi'etee :
Tooñataa yaafataako.
210 Leeter makko yottoyii e Ceerno Suleymaana mo Timmbi
Tunni
Mo jaasaano ko yaltunoo e Coro.
Miin haalan ma
Konu yalti e Timmbi naati e Labe.
-Eyyo.
215 -Ee Almaami Umaru mo Almaami Abdul
Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa
Mo Almaami Sori
Ka?ko wi'etee :
Tooñataa yaafataako.
185 Qu'Almâmy Oumar, fils d'Almâmy
Abdoul
Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ
Fils d'Almâmy Sory...
C'est lui qu'on appelle :
« Celui-qui-ne-provoque-pas-mais-qui-ne-pardonne-pas
».
190 Sa lettre parvint à l'érudit de
Kâla,
Qui ne fut en rien inférieur [à ses
ancêtres et] qui apparut à Dalaba.
L'érudit de Kâla entra dans Labé pour
répondre à d'Almâmy Oumar.
Il répondit à son appel à Labé.
-Oui.
195 -Almâmy Oumar, fils d'Almâmy
Abdoul,
Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ,
C'est lui qu'on appelle :
« Celui-qui-ne-provoque-pas-mais-qui-ne-pardonne-pas
».
Alors, il envoya un message, c'est moi qui te le dis,
200 À Fougoumbâ
-Oui.
Le message parvint à Alfâ Irayma de
Fougoumbâ, la perle des Sêriyâbhé.
Une armée sortit de Fougoumbâ et répondit
à l'appel de l'Almâmy à Labé.
-Oui.
205 -Almâmy Oumar, lui, fils
d'Almâmy Abdoul
Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ
Fils d'Almâmy Sory.
C'est lui qu'on appelle :
« Celui-qui-ne-provoque-pas-mais-qui-ne-pardonne-pas
».
210 Sa lettre parvint à Tierno31(*) Souleymane de Timbi
Tounni32(*)
Qui ne fut en rien inférieur [à ses
ancêtres et] qui apparut à Tioro.
C'est moi qui te le dis!
Une armée sortit de Timbi, entra dans Labé pour
répondre à l'Almâmy.
-Oui.
215 -Ensuite, Almâmy Oumar, fils
d'Almâmy Abdoul,
Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ,
Fils de Almâmy Sory,
C'est lui qu'on appelle :
« Celui-qui-ne-provoque-pas-mais-qui-ne-pardonne-pas
».
220 Leeter makko hewti e Maasi
Tawi Ceerno Abdul Rahmaani mo Maasi
Mo jaasaano ko yaltunoo hakkunde Guugu e Yeraa.
Konu yalti e Maasi
Nootii Almaami e Labe.
225 -Naam.
-Almaami Umar mo Almaami Abdul
Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa
Mo Almaami Sori
Ka?ko wi'etee :
230 Toooñataa yaafataako
Leeter makko yahi e Keebu
Tawoyi Modulla Boobo ka?ko jibini Ceerno Foodu
Ceerno Foodu Jibini Alfaa Ibraahiima Kaala
Mo Iloo mo Yala
235 Mo Jaaja mo Jaati Sammba.
Konu yalti e Keebu naati nootii Almaami Labe.
Intermède.
Almaami Umar mo Almaami Abdul,
Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa
Mo Almaami Sori
240 Leeter makko hewtoyi e Sigon, e Ceerno mo Sigon
Konu makko yalti e Sigon naati e Labe
Nootii noddaandu Almaami e Labe.
Intermède.
Almaami Umaru mo Almaami Abdul
Mo Baa Demba mo Karamoko Alfaa
245 Mo Almaami Sori,
Miin haalan ma,
Leeter makko yottoyii e Buruuji e Ceerno mo Buruuji
Konu makko yalti e Buruuji
- Naam
250 - Nootii Almaami e Labe.
- Naam.
-Almaami Umaru mo Almaami Abdul
Mo Baa Demmba, mo Karamoko Alfaa
Mo Almaami Sori,
220 Sa lettre arriva à Mâci.
Elle y trouva Tierno Abdoul Rahmâne de Mâci,
Qui ne fut en rien inférieur [à ses
ancêtres et] qui apparut entre Goûgou et Yerâ.
Une armée sortit de Mâci et entra dans
Labé
Pour répondre à l'appel de
l'Almâmy.
225 -Almâmy Oumar, fils d'Almâmy
Abdoul,
Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ,
Fils d'Almâmy Sory.
C'est lui qu'on appelle :
«Celui-qui-ne-provoque-pas-mais-qui-ne-pardonne-pas ».
230 Sa lettre partit à Kêbou.
Elle y trouva Mo Doulla Bôbo, c'est lui qui engendra
Tierno Fôdou.
Tierno Fôdou engendra Alfâ Ibrâhîma
Kâla,
Fils de Ilô, fils de Yala,
Fils de Diâdia, fils de Samba, l'Aïeul.
235 Une armée sortit de Kêbou et entra dans
Labé
Pour répondre à l'appel de
l'Almâmy.
Intermède.
Almâmy Oumar, fils d'Almâmy
Abdoul,
Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ,
Fils d'Almâmy Sory,
240 Sa lettre parvint à Sigon, au docte de Sigon.
Une armée sortit de Sigon et entra dans Labé
Pour répondre à l'appel de
l'Almâmy.
Intermède.
Almâmy Oumar, fils d'Almâmy
Abdoul,
Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ,
245 Fils d'Almâmy Sory,
C'est moi qui te le dis!
Sa lettre parvint à Bouroûdji au docte de
Bouroûdji.
Une armée sortit de Bouroûdji et entra dans
Labé
-Oui.
250 -Pour répondre à l'appel de
l'Almâmy.
-Oui.
-Almâmy Oumar, fils d'Almâmy
Abdoul,
Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ,
Fils d'Almâmy Sory,
255 Miin haalan ma!
Leeter makko yottoyii e Koyi?
Tawi ayku Saaliwu Ballaa mo Koyi?
Ka?ko jibini Ceerno Ibraahiima
Ceerno Ibraahiima jibini Alfaa Abdul Rahmaani Koyi?
260 Ko jaasaano ko yaltunoo Aynde Ballaa.
-Naam.
Intermède.
-Ee, ?aa wonii leeter Almaami
Yottike e Koyi?
Almaami, ee,...
265 O? tuma, ka?ko ayku Saaliwu Ballaa janngi leeter
Almaami Timmbo.
O nodditi Demmbuu?e Koyi?
O nodditi Kulunnankee?e Sempi
O nodditi Kulunnakee?e Ballaa.
-Naam.
270 -O wi'i : «Almaami Timmbo torike e? ?oo faabo.
Himo fokkiti Turuba?
Himo torii konu e Koyi? ko faaboo mo e Turuba?».
-Eyyo.
Intermède.
Ko nde? ñannde ka?ko aykuujo o? o maaki :
275 «E hoore ko Almaami o? Timmbo nuli e mee?e? koo,
Kono mi anndii teddungal yaltay woni e Koyi?».
?e maaki : «Aa ayku !»
?e wi'i : «ko honno teddungal yaltirta e Koyi??»
Woo : «E nder Koyi? hannde
280 Mi maraa ko faaboyoo Almaami Timmbo
Mi maraa ee! mo mi inna ?oo mi?o jonnude konu
Ko faaboyoo Almaami Timmbo e Labe».
O maaki : «Jaka mi anndii Koyi?,
Teddungal yaltay woni Koyi?».
285 -Naam.
-Ko nde? ñannde
Taalibaa?een33(*) ?e wi'i : «Haa!»
?ee wi'i : «Huunde fow ko muy?e Alla».
?e naati kalwa34(*),
255 C'est moi qui te le dis!
Sa lettre parvint à Koyin.
Elle y trouva Cheikh35(*) Sâliou Ballah de Koyin.
C'est lui qui engendra Tierno Ibrâhîma.
Tierno Ibrâhîma engendra Alfâ Abdoul
Rahmâne de Koyin,
260 Qui ne fut en rien inférieur [à ses
ancêtres et] qui apparut dans la vallée de
[Ballah.
-Oui
Intermède.
-Et après que la lettre de l'Almâmy
Fut parvenue à Koyin,
L'Almâmy, euh!...
265 Alors, Cheikh Sâliou Ballah lut sa lettre.
Il convoqua les Demboûbhé de Koyin.
Il convoqua les Demboûbhé de Sempi.
Il convoqua les Koulounankêbhé de
Ballah.
-Oui.
270 -Il dit : « L'Almâmy de Timbo sollicite
notre aide de l'aide.
Il s'apprête à aller à la guerre
d'extermination des Mandingues.
Il quémande des troupes à Koyin pour le secourir
dans cette guerre ».
-Oui.
Intermède.
-C'est, ce jour-là que le docte [Cheikh Sâliou
Ballah] dit :
275 « À propos de la demande que
l'Almâmy de Timbo nous a adressée,
Je sais donc que l'honneur est sur le point de sortir de Koyin
».
L'assemblée lui dit : « Oh! Cheikh! »
Elle reprit : « Comment l'honneur sortira-t-il de Koyin?
»
Il répondit : « À Koyin, aujourd'hui,
280 Je n'ai pas quelqu'un à envoyer pour aller secourir
l'Almâmy de Timbo;
Je n'ai pas hélas! quelqu'un ici à qui confier
les troupes
Pour aller secourir le souverain de Timbo à Labé
».
Il dit : « Je sais donc, ô Assemblée de
Koyin!
Que l'honneur est sur le point de quitter Koyin ».
285 -Oui.
-C'est ce jour-là
Que les doctes dirent : « Ah! »
Ils dirent : « De toute chose Allah est le Souverain
décréteur ».
Ils entrèrent dans une retraite mystique.
290 ?e fewti Rabbul samaawaati wa larli
Haa Allaahu lam?o o? holli ?e
Ko hollata ?e kon.
Allaahu lam?o on holli ?e
Wonde ma teddungal waawa yaltude e Koyi?.
Intermède.
295 -Naam.
-Ee o? tuma...
-Naam.
-?aa wonii ?e naati kalwa, ?e yaltii,
?e noddi aykuujo o? ?e maaki :
300 «Menen, me? yi'aali dey teddungal
Yaltude e Koyi?, a? ayku!»
?e wi'i : «Kono ko ho? ?u? Alla
Holli men e nder kalwa amen o??»
Woo :«Ko ho? ?u? woni ko Allaahu lam?o o? holli meen, an
aykuujo o??
305 Ko yaa nodditu ge?al?e maa ?e?,
Defanaa ?e ñiiri
?etaa kural ukkaa ka hakkunde ñiiri
Nodditaa ge?al?e maa ?e? wi'aa yo ?e joo?o ?e ñaama.
Kala ?i??o maa hawrodir?o e kural ngal,
310 Ko o? ?o? tawetee e jihaadi ndin Turuba?».
-Goonga!
Intermède.
-Ko nde? ñannde ka?ko aykuujo o?...
Ee laati o yeddaali.
O moo?ti ge?al?e makko ?e?.
315 Ñiiri defaa.
Kural ?a?aa wa?aa ka hakkunde ñiiri
Maafe o? hibbaa e hoore mu'u?.
O nodditi ge?al?e makko ?e? fow.
Miin haalan maa
320 Koyi? no renndi.
Ee ?e joo?ii ka mbatirdu aykuujo o?
?e ñaami ñiiri ndi?.
Kono hay gooto e ma??e hoy?aali wonde ma
Go??u? no e nder ndii ñiiri.
325 -Naam.
Intermède.
-Ko nde? ñannde muu?u?...
-Eyyo.
-?aa wonii ge?al?e makko ?e?, huu?ii ñiiri ndi?
?e ñaami wa?todude e taaniraawo makko o? Alfaa
Abdul Rahmaani Koyi?
290 Ils implorèrent le Seigneur des Cieux et de la
Terre
Jusqu'à ce qu'Allah, le Souverain,
Leur montrât ce qu'Il devait leur montrer.
Allah, le Souverain, leur montra alors
Que l'honneur ne pouvait pas sortir de Koyin.
295 -Oui.
Intermède.
-Eh! en ce temps-là...
-Oui.
-Après qu'ils furent entrés dans une retraite
mystique, qu'ils en furent sortis,
Ils appelèrent le docte et lui dirent :
300 « Certes, nous, nous n'avons pas vu
L'honneur sortir de Koyin ».
Ils dirent : « Mais, qu'est-ce que Allah
Nous a montré au cours de notre retraite mystique?
»
Ils dirent : « Qu'est-ce que Allah, le Souverain, nous a
révélé ? »
305 Ils renchérirent en disant : « Il faut
réunir tes fils,
Leur préparer un plat,
Prendre une balle et l'introduire au milieu du plat;
Convoquer après tes fils et leur dire de s'asseoir et de
manger.
N'importe lequel de tes fils qui trouvera alors la balle,
310 C'est celui-là qui doit participer au djihad
à Tourouban ».
-C'est vrai!
Intermède.
-C'est ce jour-là que le docte...
Eh! il se trouve qu'il ne désapprouva pas [cet avis].
Il réunit ses fils.
315 On prépara un repas,
On chercha une balle et on l'enfouit au milieu du plat,
On versa la sauce dessus
Puis on appela tous ses fils.
C'est moi qui te le dis!
320 Toute la province de Koyin était réunie
Dans la grande case de conseil du docte.
Les fils de celui-ci commencèrent à manger le plat
qui leur a été préparé,
Mais, personne d'entre eux ne soupçonnait
Que quelque chose était enfoui dans le plat.
325 -Oui.
Intermède.
-Ensuite, ce jour-là...
-Oui.
-Assis autour du plat, les fils du docte mangèrent le
plat
En compagnie de son petit-fis, Abdoul Rahmâne de
Koyin.
[...]
Turuba? Kansala, soninkeya la ba?o36(*)
Sana Kouyaté, bande n° 569 du RDD, NCAC,
1979.
Transcrit par Mamadou Tangara.
Biri? Mandankoolu borita, Ì taata bambu Fuuta le la.
Alimaame Bubakari naata naa leetaroo safe na? Janke Waali ye.
A ko a ye : «Iye ñi? nu me? nu kelendi,
ñi? nu mu Musimimoolu le ti. de ! Ima? ke kaafiroo ti.
Bari isi fere ke iye i la fe?olu dii i la. Kaatu ifela Ì
borita, Ì naata nna bankoo ka? ja?».
Janke Waali ko : «Nte du? ma? alo? ka a fo iye
Manda kele. Bari kome? saayin? nna kanta
mansoolu le ye a ke, woto nte le ye a ke. Ali a fo a ye ko nte te
wo ke la, nna kanta mansoolu
ye saatewo me? kele i ye a teyi i ye naafuloo me? soto jee, nte
?a wo kii Fuuta ».
A ye kuma sa?arabaa laa wo nooto, nte te ndaa te seyi wo ka?.
I ye alifaa ne? kumoo me? na, miskinoo buka seyi wo ka?.
Alimaame Bubakari ye a lo? keloo te bayila.
A ye I paree.
Sanjii saba a be I pareela.
Aye moroolu sifaa-wo-sifaa kili.
Fe?-wo-fe? ni? waliyoo le mu a ye akili.
I ko ate fa?o mu waliyoo le ti.
Fo tooñaa le mu foo tooñaa nte? Mma? alo?.
Aye atara ama? Kaabu muta noo.
A naata wolii kili? kili, Kulla.
A ye a tara dindi?o le mu. Bari a ye a tara wolii baa.
A ye a tara ama? sii kuloo ka? foloo fa?, bari a ye a tara a la
woliyaa fintita.
A naata wo kili fo Timbo a ko :
«Nte de! Nlafita taala Kaabu, kataa Janke Waali ka?. Bari
n?a akataa ñaa-woo-randi? ñaama
mma? Kaabu je noo kaatumoo to, akuwoo ye njaakali baake. Maluta
ñi? diiwaani woro
wuloo bee ye a moyi ka a fo ko nte ko mbita nño? keke
mansoo kamma, mma? n aa haañi taala
wo ye mmalu».
A ko a ye : «Dii!»
A ko : «Haa!»
A ko a ye : «Nsi nlaa nsi asita aarijumoo suuto, tene?o
fana? n?a alsitakaari, juntoo ye naa
Kotente n?a alasitakaari. Ni? Alla ye kuuwo me? tandi na jee, nsi
a fo i ye».
A ko : «Bisimilayi».
Jumoo naata a ye akuwo lasitakaari.
Alla ye kuwo me? itadi a la jee, aye a safe.
Tene?o naata, a ye akuwoo lasitakaari.
Alla ye me? itandi la jee a ye a safe.
Jumoo naata kotenke a ye akuwo lasitakaari.
Alla ye kuwoo me? itandi a la ye a safe.
Fanoo keta a taata mansa kewoo ka?, Alaji Bubakari.
A ko a ye ko isi ila kuntii?olu bee kili. Alla ye me? diinna n?a
a fo a li ye.
I ye mansa tabuloo maa na?,
Ì benta.
A ko : « Alifaa Buraima!»
Wo le mu Alifaa Yaaya faama ti.
A keta wo le tiloo la.
Wolu le naata a keloo to.
Alifaa Buraima wole maabeeta akeloo to.
A ko aye : «Alla ye me? nu tandi nna, ni? suuto saboolu bee
wole mu jumoo suutoo, ani?
Tene?o suutoo ani? jumoo suutoo kotenke :
§ Kaabu muuto kaatumoo to, duniyaa to fe?-fe? ne ma? feeyaa
me? ye asii.
§ Janke Waali ni? a la moolu, mutoo kaatumoo to fe?-fe? ma?
feeyaa me? ya asii.
§ Bari Janke Waali mutoo kaatumoo la, ani? Kaabu bankoo
fe?-fe? ma? koleyaa
Kono me? ye wo sii.
Ì ye akumoo sindi ñooma.
Ì ye asindi Alimaama Bubakari ma.
A ko : «Eh ! Mma? a la kumoo moyi. A la a fo
a ye aseyin ka? m ma? a la kumoo moyi».
A ko : «Nko Janke Waali mutoo katumoo la ani? a la
moolu fe?-fe? ma? feeyaa me? ye wo
Sii duniyaa kono. Bari nko Kaabu bankoo wo mutoo kaatumoo la fe?
kole? fanar, te duniyaa
Me? ye wo sii».
A ye a fo ko siñaa saba.
Alimaame Bubakari ko ama? a la kumoo moyi.
Alifaa Buraima ko a ye : « Nte ?a a la kumoo
moyi le. Ni? mo oye kumoo fo i ye, I ka
añininka le».
I ko a ye saayi? n?e iñininka mune ye afeyaandi ani? mune
akoleyaandi.
A ko : «Nlafita jee le la. Kaabu mutoo katumoo la
moori-wo-moori ye wo fo i ye ama? ke
Annabiyoomoo ti, ama? ke Rasul ti, fo malayiko le ye a fo I ye
ba?, ama? ke malayika ti. Alla
Fa?o ye me? yaamari a jiita na?, men kio i ye ko asi Kaabu muta
noo kaatumoo la ama? ani?
Fuuta bee ke kaatumoo kilin? ti, amaari ye faniyaa le fo, wo le
ye akoleyaandi. Afeeyaa dulaa
Mu wo dulaa doo ti, akoleyaa dulaa mu dulaa doo ti. Kaabu ibe
Alimaame Bubakari ni? Janke
Waali bee le ku?o keka kaatum kili?, na ani? fe?-fe? abitaa la
ani? a be me? tarala abee be
kela kaatume kilin? ne ti.
Aaah! Bari Alla ye me? tandi nna, nte ma? jo?olu je silo ka?
de ! N?a jo?olu je le me? nu
bita laakira de!
Bari je?olu me? nu be bola Kaabu iminaa Fuuta jo?yaa la, Alla ma?
wolu itandi nna. Wo le
ye akoleyaandi».
Ì ko : «Bisimilayi».
A ko : «Saayi? adookuwoo ke, Kaabu Tiramaka?o bee ye amoyi
ko nte Alimaame Bubakari
ko mbitaa la Janke Waali ka?. Nni? n?a abaayi, Kaabu be si a fo
ko silata, biri? ja? fo tiliboo
abee si a fo ko nsilata. Fuuta ñi? diiwaani worowuloo bee
ye amoyi ko nte ko mbitaa Janke
Waali ka?, nte ma? na haañi nnaata wo silo baayi, Fuuta
bee si afo nsilata le».
A ko a ye : «Nsi adookuwoo noo le, ni? isi njoo noo jo? keme
la».
A ko a ye : «Ni? i ye adookuwoo ke nsi jo? ta? keme jo? ta?
luulu.N?a ninsi keme laa aka? I la
maafe?o».
A ye akuwoo dooku sanji kili? a be adookuwoo la.
Wo le keta Janke Waali mansayaa sanji muwa? ni? kili? ti.
A ye akuwoo dookuu sanji kili?, fo a ye ibandi.
A ye akuwoo duwaa fo a ye ibandi.
A ko a ye : «Saayi? ali bitaa sula wule?o ñini? la,
sula wule?o ku? kili? taala wuloo kono
akendoo. Ate bu? na kidi l a, a te lapila doko la a te seyila fa?
na. Akendoo, ali ye asamba na?.
Alimaame Bubakari feri?ta jo?olu ku? na.
Ini? sulawule? keme naata.
abee kendo.
Moroo ko I ye mbe sulari? ne la. Ì ye sula wule? ku? kili?
taala juubee me? ku?o bee
daakaata fo ifunkulata bure?!
I ye safoo kara fataroo kono, i ye afandi iye julu koyoo siti a
la. I ye asiti sula wule?o ka?o to.
A ko a ye : «Kansala! Taa fo Kansala».
A ye wule?o ye silabaa muta biri? Timbo fo Kansala.
A ye tatoolu fara fo banta? juwoo me? be loori? tatoolu teema.
A banta? juwoo ma? wara bake de! Ni? ama? faa, biri? ñi?
keloo keta mma? taa Kaabu. Fo
saayi? asitara jee ba? mma? alo?.
Sula wule?o tataa sele wo banta?o le santo ka?. Kana? kataa sii
saatewo teema, taata woro
wuloo be daame? to. Wo ni? Mu?ñini?o te kili? ti.
A ye añaa sura.
Ì ko : «La ilaa lahi! Fuuta la koritewo le mu
ñi?. Ñi? be faala le, a li n?a a fa!»
Wo lu? I ye sula wule?o bu? kidoo la fo tiloo boyita moo la kesoo
ma? ajolo?.
Adu? ama? jamfa santo.
Moo kili? be jee to, wo keta hakilimaa ti. Wo ko iye ko muna
Ì te kiila kii la Kakumba ba?
Ya Musa ye.
Ì ye kiila kii Ya Musa ye.
Ya Musa naata.
Ì ko a ye : «Fuuta la koritewo le mu ñi?
ti».
Ì ko : «Bari biri? kumu? mbe abu? hakiloo
doyaata, a ko ni? hakili doyaa nte sulawule?o ye
silo muta na? biri? Fuuta fo a naata a dunta na? Kaabu Tiramaka?o
ka? fo Kansala.
Ali namuna? wo bu? na kidoo la, safoo le be aka?o to
Moroolu bie a li bulu.
Ali sele ali ey sula wule?o jindi.
Ali ye safoo firi? aka?o to, n?a akara?.
Nni? a ye atara sula wule?o ñaata faala le. Asi faa.
Ni? ama? ña? faa la. Akana faa.
Ì ko hani.
Ñimu ka?o jaata le de ! Sooninkewo.
Ì ko fo iye afaa doro?.
A ko iye : «Ali kana a faa de».
Ì ko fo Ì ye a faa.
A ko iye : «Woto ali ma? ña? nna nkili la. Kaatu nte
Mbembaa ni? Tiramaka? ne jiita ñoola
adu? wo buka asooso... Mmamaalu ñolu fana? tarata wo le
to. Nfaalu fana? seyita wo le do.
Nte fana? ni? alitolu le be kafurri? Janke Waali tolota lu? me?
na ntele ye apredi. Saayin? ni?
nte ko a li ye kuu me? na a li kanaa ake. Ali ko fo ali ye wo ke
adu? ntolu le mu a li la moroo
ti, wo le ye atinna nko a li ye wo to ali ma? ña? na
nkili la. Adu? ali ma? filii Kaabu loo ñala.
Kaabu ma? lo ntolu la kebaalu kooma kaatu itolu le jiita na?
ñoola ja?.
Hani wo Ì ma? so?.
Tili woro wula Ì be sula wule?o bu?a suuto ni? tiloo.
Kese ma? amaa.
Ya Musa ko iye koni !
A ko : «Sooninkeyaa mu hakilint?yaa baa le ti. Ali fata sula
wule?o ma ali sele ali ye
ajuubee, ali ye safee firi? aka?o to».
Ì ma? so?.
Ì ko fo Ì ye a faa doro?.
A ko iye : «Woto ali ma? ña? na nkilila de! Ni? ali
ye alo? ali sinaa nsooso. Mu? diyaata ali
ye, ali ko ali be wo le ke la, wo to ali ma? ña? na nkili
la».
A korita i la.
Tiloo seyi?ja?o, alansaroo la kesoo ye sula wule?o ma.
A boyita, iye safoo firi? aka?o to.
Ya Musa ye safoo kar?.
A kumboota.
Ì ko aye : «Ika mune kumboo?»
A ko iye : «Ntolu la mansayaa banta le. Alitolu le mu ntolu
la mansoolu ti, ntolu le mu alitolu
la mooroolu ti, nko ali ye ali kana sula wule?o faa nkorita a li
la. Mu? be saferi? ja? ñi? sula
wule?o ni? a yeloo bonta Kansala kono, Kansala be tumbu? na le.
Bari ni? ali taata safee firi?
sula wule?o ka?o to moo ma? a faa, mansa te Kansala teyi noola.
Moo-wo-moo te Kaabu
mara la. N?a a fo a li ye nkorita a li la».
Ì ko : «Aah ! Kansala ma? loo ñi?
kama ka a fo ko a be teyila le. Ntolu ma? Alla daami
Duniyaa kiroo ye Kansala tara loori?. Bari nko le ko kidoo te ja?
teyila».
Ì taata i ye a fo Janke Waali ye.
Ya Musa ko a ye ko : «I la moolu ye me?
ke... !»
A ko a ye ko : «Isawoo nte, n?a kibaaroo me? fo wo le binaa.
Hani a li si kumoo wuli kili? ne
Fo, fo ñi? sula wule?o yeloo ye bo? doro?.
N?a sarrtoo me? fo wo le siita».
Dandarilaa le te a noola fo a ye ke. Ntoloola lu? me? na n?a me?
fo wo le be naa ka?.
Fe?o-wo-fe?o ni? Kaabu Tiramaka? di?o le mu a fo i ye ibee ye
paree».
I ye kiila kii fo Sinn.
I ye kiila kii fo Mandina.
I ye kiila kii fo Duma Sansa?.
Kara-wo-kara ni? aye atara Kaabu le ye amara kiila tataa abee
to.
Bari a ye atara Fuuta ye ikoo dindi kaatumoo la.
Ni? a ya atara won te Fuuta ni? Kaabu te kele noo la.
Kaabu le ye Fuuta noo.
Ni? ama? ke Araboolu ti Kaabu le ye bankoolu bee noo.
Bari a ye atara i ye idammalu koo dindi mooroolu yaa.
Faadi? keloolu be idammalu teema, kili? ma? kanu kotenke.
Fuuta ye keloo dadaa, kari woro wulaa Ì be keloo dadaa
la.
Fo Ì ye ibandi keke dadaa la.
A naata woliyoo kili
A ko a ye : «Saayi? n?a mbandi keloo dadaa la
le».
A ko a ye : «Bisimilay».
Mo wuli muwa? ni? lulu wo be saferi? ne, doolu ko fo wuli ta?
saba ni? wulu luulu fo wuli
tu? naani bari m ma? wo je saferi?. I ko me? naata, kaatu I ko
moo wuli muwa? ni? luulu
Fuuta di? kendoo me? afa? bo ko ñi? Kaabu keloo te foola
nko. Doolu ko akaaña?ta moo
Wuli ta? ani? luluu, doo ko wuli muwa? ani? luulu, bari mma? wo
je bukoo to de, kaatu, n?a a
lo? asiyaata wo ti le.
Wo woliyoo, biri? keloo be wuli la, a loota silo ye ñi?
suma?loo.
Janke Waali te moo ndi ti de! Moo baa le mu !
Ni? me? naata : «Iko aue Fuuta bankoo bii».
Iye abii I ye a ke suma?loo kono.
Asi a fo iye ko : «Ni? ali ye ilaa daame?, ni? ali ye ali la
faanoolu feenee, ali ye ñi? bankoo
Bii ali ya ayuru-yuru faanoo ka?, isi ilaa aka?».
Moo-moo ni? ibitaa la kumo fulata la.
Walii ba le be Ì bulu.
A ye lonoo le sotoo.
A ko iye : «Janni? ali be futa la, suuta-wo-suuta
ni? I la mooroolu ye lasitakaaroo ke, Ì be ali
je la Fuuta bankoo le ka?. Ali ye bankoo me? bitaa la te?
Ì be karila a li je la wo ke ka?
A sitara ali tolu wulita ali si itarendi».
Fuuta bee ni« wo bankoo le naata.
Ì wulita.
I la wuloo tili ta? i? fuloo, wo tumoo tili woro wula be ini?
Kansala teema. Janke Waali ko I
ye tabuloo kosi,
Balaba Tinkidaa taata.
Puropana taata.
Tumanna taata.
Saama ma? so? na taata.
Turuba? Kansala : La fin du monde
animiste.
Sana Kouyaté, bande n° 569 du RDD, NCAC,
1979.
Traduit par Mamadou Tangara.
Après la fuite des habitants de Manda ils se mirent sous
la protection du Fuuta.
Almamy Boubakary envoya une lettre à Dianké
Wally.
Dans la lettre il lui dit : « Les hommes que vous
avez combattu [à Manda] sont des
musulmans. Ils ne sont pas des mécréants. Par
conséquent, je vous suggère de faire tout pour
leur rendre leurs biens. Ils se sont réfugiés sur
mon territoire, donc sous ma protection ».
Dianké Wallu répondit : « Moi je ne
sais pas que Manda a été attaqué. Mais, puisque c'est
l'oeuvre de mes gouverneurs, j'en assume l'entière
responsabilité. Dites à l'Almamy que je
n'accepterai pas sous quelque condition que ce soit d'envoyer au
Fuuta le butin provenant
d'une campagne militaire de mes gouverneurs ».
Il y ajouta des paroles injurieuses que ma bouche n'osera pas
répéter. Quand on insulte un
Dignitaire, le commun des mortels se doit de ne pas revenir sur
une telle parole.
Almamy Boubakary savait que la guerre ne pouvait pas être
évitée.
Il se prépara en conséquence.
Il se prépara durant trois années.
Il fit venir toutes sortes de marabouts.
Il fit appel à tous les waliyous37(*).
On affirme que Almamy Boubakary lui-même était un
grand waliyou.
Est-ce la vérité ou pas ? Je ne le sais
pas.
Il essaya en vain de saisir le Kaabu sur le plan mystique.
Pour ce faire, il fit venir un saint homme d'Allah du nom de
Koulla.
Ce Koulla était un enfant. Mais c'était un grand
waliyou.
Koulla n'était pas encore installé sur la peau de
prière comme Calife, mais sa connaissance
ses sciences mystiques était connue de tous.
Almamy Boubakary le fit venir jusqu'à Timbo et lui
dit :
« Moi, j'aimerai me lancer à l'assaut du Kaabu
pour combattre Dianké Wally. J'ai essayé tous
les moyens possibles pour connaître l'issue de la guerre
à travers la divination, mais je
n'arrive pas à voir le Kaabu. Cela m'inquiète
énormément. J'ai honte qu'on sache dans les
sept provinces sous mon autorité que j'ai envisagé
d'attaquer un chef de guerre comme moi et
que je n'ose pas le faire. C'est une honte pour
moi ».
Koulla rétorqua : « Ah
bon ! »
Almamy Boubakary : « Oui ».
Koulla : « Nous pouvons aller dormir. Durant ma
retraite je consulterai le Tout-Puissant la
nuit du vendredi38(*), la nuit du lundi39(*) et la nuit du jeudi en huit. Tout ce qu'Allah me
montrera, je le dirai ».
Almamy Boubakary : « Bisimilahi ».
Le vendredi arriva, Koulla consulta le Tout-Puissant.
Il marqua sur papier ce qu'Allah lui a montré.
Le vendredi en huit arriva, Koulla consulta le Tout-Puissant.
Il marqua sur papier ce qu'Allah lui a montré.
Le matin du vendredi en huit, il se rendit chez le Roi El hajk
Boubakary.
Il lui demanda de convoquer tous ses gouverneurs afin qu'il
puisse leur revéler cequ'Allah lui
a donné comme informations.
Le tambour royal retentit.
Tout le monde répondit à l'appel.
Koulla dit : « Alfa
Bourahima ! »
Alfa Bourahima est le père de Alfa Yaya.
C'était sous son soleil qu'a eu lieu cet
événement.
Ce sont les hommes de Alfa Bourahima qui sont allés
guerroyer.
Alfa Bourahima participa en personne.
Koulla leur dit : Allah m'a montré pendant des trois
nuits de retraite, à savoir la nuit du
vendredi, la nuit du lundi et la nuit du vendredi en
huit :
§ Qu'il n'y a rien de plus facile que de
jeter un sort contre le Kaabu.
§ Qu'il n'y a rien de plus facile que de
jeter un sort à Dianké Wally et ses hommes.
§ Mais il n'y a rien de plus difficile que
de jeter à Dianké Wally et ses hommes
dans le monde d'ici-bas.
§ Oui, jeter un sort à Dianké Wally et ses
hommes, il n'y a rien de plus facile dans le
monde d'ici bas ».
L'assemblée se passa l'information de bouche à
oreille.
L'information parvint à l'oreille de l'Almamy
Boubakary.
Il (Almamy Boubakary) dit : « Quoi, je n'ai
pas bien entendu des paroles. Dites lui de les répéter. Je ne les
ai pas entendues ».
Koulla répéta : « Je dis qu'il
n'y a rien de plus facile que de jeter un sort à
Dianké Wally et ses
hommes dans le monde d'ici bas. Mais il n'y a
rien de plus difficile que de jeter un sort à
Dianké Wally et ses hommes dans le monde
d'ici-bas ».
Il répéta ses paroles trois fois.
Almamy Boubakary dit qu'il n'a pas entendu les paroles de
Koulla.
Alfa Bourahima dit : « Moi, j'ai entendu ses
paroles. Quand un homme énonce une parole, il faut lui demander la
signification ».
Koulla répondit : « J'aimerais bien le
savoir. Quelque soit le marabout qui vous dira qu'il
peut jeter un sort au Kaabu sans toucher le Fuuta, il vous aura
menti. A moins qu'il soit un des
envoyés d'Allah ou Rassoul40(*) lui-même ou le
porte-parole d'un ange, ou un ange à qui
Allah a donné l'ordre de descendre sur terre. Quiconque,
à part ceux que je viens de citer, qui
vous dira qu'il peut jeter un sort sur Kaabu, il vous aura menti,
s'il ne vous dit pas que les
forces mystiques affecteront le Fuuta de la même
façon que le Kaabu. La difficulté de la tâche
se trouve à ce niveau et la facilité de
l'entreprise se trouve au même niveau.
Pour réussir ce travail, on est obligé de mettre
Almamy Boubakary et Dianké Wally ainsi que
tous ceux qui partiront à la guerre et ceux qu'ils
trouveront sur leur chemin, dans le même
kaatumoo41(*). Les effets n'épargneront personne.
Il faut noter que dans ce qu'Allah m'a montré en vision,
je n'ai pas vu de captifs [venant ici].
J'ai vu les hommes marchant vers l'au-delà.
Aaah ! Mais Allah ne m'a pas montré des captifs
venant au Kaabu pour être réduits en
esclavage au Fuuta.
Voilà ce qui rend difficile le fait de jeter un sort au
Kaabu ».
L'assemblée dit : « Bissimilahi42(*) ».
Almamy Boubakary lui dit : « Maintenant, je vous
demande de faire le travail. Le Kaabu-
Tiramakhan est au courant du fait que moi Almamy Boubakary j'ai
décidé d'attaquer Dianké
Wally. Si je reviens sur ma décision, tout le Kaabu dira
que j'ai pris peur. D'ici jusqu'au
Soleil Levant, tout le monde dira que j'ai eu peur.
Toutes les sept provinces du Fuuta ont
été informées du fait que je vais attaquer
Dianké Wally.
Si je ne pars, le fait de revenir sur ma décision sera
interprété par tout le Fouta comme de la
peur ».
Koulla lui dit : « Je peux faire le travail, si
vous me donnez cent esclaves ».
Almamy Boubakary lui répondit : « Si vous
faites le travail, je vous donnerai cent cinquante
Esclaves et j'y ajouterai cent boeufs pour votre
nourriture ».
Pendant une année entière, Koulla ne se consacra
qu'au travail de Almamy Boubakary.
Dianké Wally était à son
vingt-et-unième année de règne.
Pendant une année, Koulla ne travailla que sur la guerre
que le Fuuta planifiait.
Koulla termina le travail et fit des prières pour avoir la
bénédiction d'Allah.
Il dit aux Peuls : « Maintenant, allez me chercher
un singe rouge43(*). Un
patatas solitaire. Un
singe rouge vivant. On ne doit ni lui tirer dessus, ni le frapper
avec un bâton encore moins le
blesser avec une machette. Amenez le moi vivant ».
Almamy Boubakary hurla les ordres destinés aux
esclaves.
Ces derniers revinrent à la maison avec cent
patatas ;
Tous vivants.
Koulla choisit parmi les patatas solitaires un qui avait le cul
chauve et poussiéreux.
Un gris-gris fut cousu dans un tissu de coton blanc tissé
et on y mit deux fils blancs. Le gris-
fris fut attaché au cou du singe rouge.
Le marabout lui dit en peul :
« Kansala ! Va jusqu'à Kansala ».
Le singe rouge suivit la voie principale de Timbo jusqu'à
Kansala.
Il passa à travers les forteresses jusqu'au fromager qui
était situé au milieu des [sept]
forteresses [de Kansala].
Le fromager en question n'était pas énorme. Je ne
sais, s'il n'est pas mort. Car depuis cette
guerre44(*),
je ne suis pas allé au Kaabu. Je ne sais pas s'il y est toujours.
Le patatas est allé se placer sur ce fromager. [L'arbre]
était en plein milieu de la cité.
L'endroit où se trouvaient les sept
forteresses. La forteresse de Mu?ñini? était à
part.
Le singe rouge fixa les Kaabunke droit dans les yeux.
Les animistes s'exclamèrent : « La illaa
lahi, cette chose est un koritewoo45(*) envoyé par le
Fuuta. Ce singe rouge doit mourir.
Tuons-le ! »
Ce jour-là, les animistes du Kaabu passèrent toute
la journée à tirer sur le patatas. Mais
aucune balle ne réussit à faire tomber le singe.
Pourtant le patatas ne s'était pas placé
très haut.
Il y avait parmi les tireurs un homme assez intelligent qui leur
proposa d'envoyer quelqu'un à
Kankumba pour faire venir [le marabout] Ya Moussa.
Un émissaire partit chercher Ya Moussa.
Ya Moussa arriva.
Il leur dit que : « Ceci est un koritewoo
très dangereux du Fuuta ».
Les animistes : « Depuis hier nous ne faisons que
tirer sur ce patatas sans pouvoir le
toucher ».
Ya Moussa : « Il faut avouer que vous ne faites
pas preuve de discernement. Sinon, comment
un patatas peut prendre la route du Fuuta jusqu'au
Kaabu-Tiramakhan, au coeur de Kansala ?
Avant de lui tirer dessus avec vos fusils, il y a un gris-gris
autour de son cou.
Vous avez vos marabouts.
Montez sur l'arbre, faites descendre le singe rouge.
Détachez le gris-gris qu'il a autour du cou et
nous en décoderons les écritures.
Si le patatas doit être tué. Il le sera.
Si le patatas ne doit pas être tué. Il ne le sera
pas ».
Les Kaabunkee refusèrent d'écouter [les
paroles du marabout].
Les animistes sont des gens difficiles à convaincre.
Ils défendaient mordicus qu'il fallait tuer le
patatas.
Ya Moussa leur dit : « Ne le tuez
pas ».
Les animistes étaient convaincus que le patatas devait
être tué.
Ya Moussa leur dit : « Alors, il
ne fallait pas me faire venir. Tiramakhan est ici avec mon
aïeul et il n'a jamais mis en doute ses paroles...Nos grands
parents ont suivi cette ligne tracée
par les ancêtres fondateurs. Nos pères leur ont
emboité le pas. Moi, je suis de la même génération
que vous. Le jour où Dianké Wally a été
couronné, c'est moi qui lai préparé sur
le plan mystique. Si moi je vous conseille de ne pas faire
quelque chose et vous insistez pour
le faire, alors que nous [lettrés musulmans]46(*) sommes vos marabouts, vous
auriez dû ne pas
me faire venir. Pourtant vous ne pouvez pas faire fi du
rôle de nos ancêtres dans la fondation
du Kaabu. Car nos ancêtres [animistes et musulmans] sont
tous venus ensemble ici et au
même moment ».
Malgré tous les conseils de Ya Moussa les
Kaabunkee refusèrent d'obtempérer.
Pendant sept jours de jour comme de nuit, ils tirèrent sur
le patatas.
Aucune balle ne l'atteignit ;
Ya Moussa n'en revenait pas.
Il disait : « Etre animiste, c'est vraiment
manquer de discernement. Laissez le patatas
tranquille. Montez [plutôt] sur l'arbre pour voir.
Détachez le gris-gris autour de so cou ».
Ils réfusèrent en bloc.
Ils insistaient sur la nécessité de tuer le singe
rouge.
Ya Moussa répéta : « Vous ne devriez
pas m'appeler, si vous saviez que vous n'allez pas
m'écouter. Vous ne faites que vous plaît. Alors, il
ne fallait pas m'appeler ».
Ya Moussa essaya en vain de les convaincre.
Au huitième jour, à l'heure de la prière de
Asr47(*), le patatas fut
atteint d'une balle.
Il tomba.
Les Kaabunkee détachèrent le gris-gris
autour de son cou.
Ya Moussa décoda les signes gravés sur le
gris-gris.
Il pleura.
On lui demanda : « Pourquoi
pleurez-vous ? »
Ya Moussa : « Notre règne est fini.
Vous êtes nos gouvernants. Nous sommes vos marabouts.
Je vous ai dit de ne pas tuer le patatas. Je n'ai pas pu vous
convaincre du bien fondé de mes
arguments. I écrit sur ce gris-gris que si le sang de ce
singe rouge se verse à Kansala, la cité
périclitera. Si vous aviez détaché le
gris-gris autour du cou du patatas sans qu'il ne soit tué,
aucun ro ne réussirait à détruire Kansala.
Personne ne pourrait placer Kansala sous son joug ;
Je vous ai dit ce qu'il fallait faire, personne n'a voulu
écouter ».
Les animistes, exaspérés par les paroles du
marabout, lui dirent : « Aah ! La cité de
Kansala
n'a pas été fondée pour être
détruite par la guerre. Nous ne souhaitons pas non plus que la
cité
de Kansala soit là jusqu'à la fin du monde. Mais,
nous nous disons que personne ne soumettra
Kansala par la force du fusil ».
Dianké Wally fut informé de la situation.
Ya Moussa dit au Ñaanco : « Ce que
vos hommes ont fait... ! »
Dianké Wally [ne le laissa pas terminer] il dit :
« C'est indépendant de leur volonté. Mes
prédictions sont sur le point de se réaliser.
Même si vous aviez prononcé mille paroles, il
fallait que le sang de ce singe soit versé.
Le moment est venu pour que mes prédictions se
réalisent.
Aucun avertissement ne pouvait les arrêter. Il fallait que
le sang de ce singe soit versé ;
Les prédictions que nous avons faites le jour de notre
couronnement vont se réaliser bientôt.
Dites à tous les enfants du Kaabu-Tiramakhan de se
préparer à la guerre ».
Un émissaire fut envoyé jusqu'au Sine.
Un émissaire fut envoyé jusqu'à Mandina.
Un émissaire fut envoyé jusqu'à Duma
Sansa?.
Un émissaire fut envoyé à tous les coins du
territoire sous l'autorité du Kaabu ;
Mais il se trouvait hélas que le Fouta avait réussi
à les monter les uns contre les autres grâce
au pouvoir des forces mystiques.
Le Fuuta n'aurait jamais pu combattre [le Kansala] sans
l'intervention des forces mystiques qui
l'appuyaient.
Le Kaabu est plus fort que le Fuuta.
A part les Arabes, le Kaabu est plus fort que toutes les
nations.
Mais il se trouvait que les Kaabunke étaient
remontés les uns contre les autres des
prières des marabouts [Peuls].
Une guerre intestine motivée par la jalousie et la
rivalité entre demi-frères les minait de
l'intérieur.
Personne n'aimait plus personne.
Le Fuuta prépara la guerre.
La veillée d'armes du Fuuta dura sept lunes48(*).
Après avoir fini les préparatifs de guerre, ils
demandèrent au Saint homme d'Allah [Koulla]
de venir.
Ils l'informèrent en ces termes :
« Maintenant vous avons terminé nos préparatifs pour
aller en guerre ».
Le Saint homme dit : « Bissimilahi ».
Selon certains qui citent des sources écrites, les Peuls
étaient vingt cinq mille, d'aures
Évoquent le chiffre de trente cinq mille. Mais je l'ai vu
écrit nulle part. On parle de vingt cinq
mille dignes fils du Fouta qui se sont présentés de
façon volontaire pour ne pas rater cette
guerre contre le Kaabu. Il y a d'autres sources qui disent que le
nombe de combattants
s'élèvaient à quinze mille hommes, d'aures
mentionnent le chiffre de vingt cinq mille. Je ne l'ai
pas vu écrit dans un livre. Néanmoins je sais que
les hommes du Fuuta étaient plus nombreux
que ça.
Au moment du déclenchement de la guerre, le Saint homme se
plaça d'un côté de la route et
l'Almamy Boubakary se positionna sur le côté
opposé.
Le waliyou demanda à chacun [des parents]
d'amener un récipient.
En quittant le Fuuta pour marcher sur le Kaabu chacun des
combattants devait se munir d'un
récipient.
Dianké Wally n'appartient pas au commun des
mortels ! C'est un homme extraordinaire !
Le waliyou dmanda à tous ceux qui se
présentaient devant lui : « Prenez le sable du
Fuuta ».
Ils en prenaient et le mettaient dans leur récipient.
Le waliyou leur dit : « A l'endroit
où vous allez dormir, une fois que vous aurez étalé
votre
pagne sur le sol, prenez un peu de ce sable et mettez-en partout
sur le pagne et couchez-vous
dessus ».
L'information fut transmise à tous les combattants.
Les Peuls avaient de grands marabouts maîtres dans les
sciences mystiques.
Il était doté de beaucoup de pouvoirs sur le plan
mystique.
Il dit aux Peuls : « Tant que vous ne serez pas
devant les portes de Kansala, les marabouts (du
Kaabu) ne pourront pas vous voir à travers la divination.
Chaque nuit ils vous verront sur la
terre du Fuuta. Ils seront induits en erreur grâce au sable
que vous aurez pris avec vous. Ils
continueront à vous voir sur le sol du Fuuta, alors que
vous êtes déjà en marche [vers le
Kaabu]. Ainsi vous allez pouvoir les prendre par
surprise ».
Tout le Fuuta prit le sable du pays avec lui.
[Les troupes Peuls] partirent à l'assaut du Kaabu.
Au douzaine our de leur départ du Fuuta, au moment
où il ne restait pls que sept jours de
marche pour atteindre Kansala, Dianké Wally donna l'ordre
de faire retentir le tambour royal.
Le tambour royal résonna.
Balaba Tinkida se rendit à Kansala.
Puropana se rendit à Kansala.
Tumana se rendit à Kansala.
[...]
I. LES OUVRAGES THÉORIQUES :
Résumé de l'ouvrage : Les
épopées d'Afrique noire de Lilyan Kesteloot et de Bassirou
Dieng (1997), Karthala, éditions UNESCO.
Vaste panorama dont l'arrière-fond est
coloré de vapeurs éclaircissantes49(*), Les épopées d'Afrique noire
fait l'archéologie de l'immense paysage épique du continent,
allant de la Mauritanie au Cap et du Golfe de Guinée aux confins
orientaux. Subdivisé en trois parties, l'ouvrage effectue une
chevauchée dans les épopées à travers des concepts
forts, justes et accessibles.
Il dresse d'abord une théorie littéraire sur
le genre. En effet, après avoir rappelé les traits
spécifiques de l'épopée dans la tradition
médiéviste50(*); après avoir critiqué les
critères établis par Zumthor, Finnegan et Christiane Seydou, il
dégage les traits principaux qui définissent véritablement
l'épopée en Afrique : ton élevé et solennel,
clamé et scandé; début surabondant de la parole; ampleur
du récit; rythme; contenu. Sur la base de ces traits, sur d'autres
considérations et en s'inspirant des modèles de Madelénat
(modèle mythologique, modèle homérique et modèle
historique), il dresse une typologie « approximative » des
épopées africaines articulée en quatre groupes :
1) L'épopée royale ou
dynastique : élaboré par les
« sociétés organisées en royaumes
hiérarchisés en caste » (p. 40), ce type de textes est
illustré par les épopées sur Soundiata, Samory, Bademba,
Samba Guéladio Diégui, Silâmaka, Hambodêdio, le
Kajoor, le Koussa, le Ségou, le Rwanda.
2) L'épopée corporative. Elle
concerne les pêcheurs, les chasseurs et les pasteurs. Les exemples sont :
le « Pekaan » des pêcheurs du fleuve
Sénégal, les épopées des pasteurs du Diolof,
l'épopée Haoussa Gana Gari, l'épopée Maure
Heunoune, les récits des chasseurs mandingues...
3) L'épopée religieuse.
Produite par les populations islamisées, l'épopée dite
religieuse porte sur des figures prophétique ou sainte
(l'épopée de la vie de Mahomet, l'épopée d'Elhadj
Omar).
4) L'épopée mythologique
clanique. Faite par les « sociétés
structurées en clans, lignages, et chefferies » (p. 47), ce
genre de récit est illustré par le Mvet d'Afrique
centrale, le Mwindo des Banyanga, le Moni Mambou des
Pendé, etc.
Par ailleurs, c'est la formation d'artistes
spécialisés préposés à la récitation,
à la mémorisation, à la conservation... qui explique
l'existence des oeuvres épiques qui, le plus souvent, sont
composées sur des schémas d'abord appris et ensuite
retravaillés et enrichis par les griots, et dont l'énonciation et
le contexte de production peuvent varier d'une aire culturelle à une
autre. Ces oeuvres véhiculent, entre autres, des thèmes
politiques, mythiques et historiques.
L'ouvrage dans ses deuxième et
troisième parties passe en revue les récits épiques
d'Afrique occidentale, d'Afrique centrale et orientale dans un regroupement
basé sur des critères ethniques. C'est pourquoi on trouve dans
les récits épiques d'Afrique occidentale : les
épopées mandingues, soninké, wolof, sérère,
peules, zarma-songhaï-haoussa. Dans la troisième partie, ce sont
les épopées claniques des régions forestières, les
épopées royales et religieuses de l'Afrique centrale et orientale
qui sont répertoriées.
Les épopées d'Afrique noire, menant de
pair théorie et pratique, c'est à la fois une théorie et
une anthologie épiques.
L'ouvrage s'inscrit en droite ligne par rapport à
notre orientation de recherche principalement axée sur
l'épopée. Aussi, dans l'ensemble, nous intéresse-t-il
à plus d'un titre. La première partie traitant de
l'épopée et des théories littéraires est celle qui
contient plus d'éléments à travers lesquels nous pourrons
approfondir notre analyse de l'épopée sur laquelle nous
travaillons. À travers cette partie, en effet, nous percevons dans une
large mesure les invariants communs tant aux épopées
médiévales qu'africaines. Ceci nous permet donc
d'appréhender le récit qui nous concerne avec une
sensibilité (littéraire) plus forte parce que nourrie des apports
fécondants issus des zones épiques aussi diverses que celles de
l'Occident et celles d'Afrique Noire.
Outre ces intérêts certains, nous ne pouvons
terminer cette lecture critique des Épopées d'Afrique
noire sans donner notre sentiment sur l'esprit de modestie et de prudence
qui anime les deux auteurs de l'ouvrage malgré leur
notoriété certaine. Pour preuve, nous pensons à l'une des
phrases par lesquelles ils ferment le chapitre 4 intitulé Essai de
typologie des épopées africaines, à savoir :
« Nous ne prétendons pas avoir clos de cette manière la
typologie des épopées africaines. Il en existe peut-être
d'autres ». Certainement! Et cette affirmation a tellement retenu
notre attention que, lorsqu'ils écrivaient leur ouvrage (pensons-nons),
ils ne soupçonnaient guère que des sociétés comme
le Fouta-Djalon aient produit des récits épiques, mais
malgré tout, avec la prudence caractéristique du bon chercheur,
ils n'ont pas exclu d'éventuelles découvertes.
Résumé de l'ouvrage : Critique de la
raison orale (les pratiques discursives en Afrique Noire) de
Mamoussé Diagne (2005), CELTHO-IFAN-KARTHALA.
Critique de la raison orale, articulée
autour de la dialectique du verbe dans l'oralité, du mémorable et
de l'immémorial, part d'une problématique générale
qui tente de comprendre les procédés que les civilisations
africaines mettent en jeu pour véhiculer leurs messages, et, partant,
détermine les incidences notables de « l'orature »
sur les pratiques discursives.
Pour cerner cette problématique, Mamoussé
Diagne analyse d'abord les pratiques de l'oral et les procédés
discursifs dans les sociétés africaines. Il affirme que le
procédé de dramatisation51(*) constitue le point nodal d'où partent les
pratiques discursives (plus particulièrement le conte) dont l'objectif
est de prendre en charge le réel et le surréel par l'entremise de
la mise en forme, la transmission et la conservation du savoir.
Par ailleurs, pour échapper à
l'éternel ennemi de l'oralité (l'absence de support
matériel de fixation), les griots ou « maîtres de la
parole » procèdent à l'édification du
mémorable qui s'effectue au moyen du grossissement, de l'intervention du
merveilleux, et dont le rôle est d'arracher les faits et personnages
illustres à la quotidienneté, si ce n'est simplement à la
banalité quotidienne, qui risque de les fondre dans les
fondrières de l'oubli et donc les entraîner à la
disparition. L'épopée, oeuvre par excellence qui prise le
mémorable, vise à donner une lecture de l'histoire « en
des termes de significations plus qu'en termes de faits » (p. 432),
à mettre en scène certains faits et événements de
la communauté concernée dans une perspective historique.
Le procédé de dramatisation et l'initiation
sont les remparts que la civilisation de l'oralité érige contre
l'envahissement de l'oubli.
En outre, après avoir fait un distinguo
sémantique entre mythe et légende, l'auteur a montré que
le mythe narre le temps des origines (« le temps d'avant le temps
ordinaire des hommes » p. 561) et qu'il se déploie dans
l'espace de l'initiation.
L'initiation, ou voyage dans l'univers des signes et des
symboles, passant du décodage « de l'enclos du
sens » à l'accès de la signifiance, a pour objectif la
connaissance profonde. Kaïdara et Koumen d'Amadou
Hampâté Bâ sont de très bels exemples du parcours
initiatique ou herméneutique à travers lequel le postulant
accède à la sagesse (Hammadi rencontre Kaïdara en personne;
Silé découvre le nom secret du bovidé hermaphrodite).
Le chemin de l'initiation qui s'effectue non seulement sur
le plan de l'univers des signes, mais aussi sur celui de leur envers, est
« à la fois comme mode de gestion d'un savoir supérieur
et comme limite du dicible » (p.442).
En tant que tel, l'ouvrage Critique de la raison
orale qui s'attache, comme l'affirme son préfacier Bonaventure
Mvé-Ondo, à spécifier l'interrogation : « Et
s'il y avait au coeur même de l'oralité, quelque chose comme une
écriture? », présente de nombreux intérêts
pour notre thèse.
En particulier, la deuxième partie (Les
mémorables, pour que le temps suspende son vol) traitant de la
question de l'oralité et de la temporalité, de
l'édification du mémorable, des usages du passé et de
l'anamnèse reconstructive, recèle des éclairages
très intéressants en corrélation directe avec certains de
nos sous-points, notamment : l'étude du temps et des
intermèdes musicaux, épopée et histoire, et
épopée comme expression de l'identité
nationale.
Le traitement fait aussi du temps dans l'oralité,
des stratégies pour l'édification du mémorable nous
permettra d'élargir et d'approfondir notre réflexion sur le
récit qui nous occupe.
L'autre intérêt de cet ouvrage pour notre
sujet de recherche réside dans la richesse de sa bibliographie qui
présente une multitude d'ouvrages aussi riches que variés sur la
littérature orale, ou sur la civilisation de l'oralité.
Il faut remarquer cependant que la première
partie de Critique de la raison orale, essentiellement axée sur
la « dramatisation de l'idée » et la
troisième partie orientée sur l'initiation ne présentent
pas d'intérêts certains voire un certain intérêt pour
notre thèse.
L'ouvrage de Mamoussé Diagne n'en demeure pas
moins intéressant dans la mesure où il refuse et combat la
conception normativiste procédant à « l'arraisonnement
de la raison parle le seul mode de la pensée écrite52(*) » et à
affirmer en le démontrant tout au long du texte que la dramatisation est
le mode d'expression principal des civilisations de l'oralité.
Résumé de l'ouvrage théorique :
L'épopée de Daniel Madelénat (1986), Paris,
PUF.
L'épopée en tant que parole, action,
séquence de thèmes est un genre codifié dont la structure
peut cependant varier d'un auteur à un autre. Elle peut
s'accroître et s'amplifier par des additions (de vers, d'épisodes,
de motifs) auxquelles procèdent le barde ou l'aède. Ce sont le
mode narratif du discours et les critères génériques du
genre qui déterminent la polysémie des termes
épopée, épique, héroïque et
geste. L'épopée, narration au ton grave se
caractérisant par une action collective et des thèmes
héroïques, est « un genre de la tradition
occidentale » (p. 74).
Le genre épique peut se subdiviser en trois
modèles : mythologique, homérique et historique.
Le modèle mythologique mettant en scène des
êtres surnaturels (des doublures des dieux) saturés du divin et
« nostalgiques de l'immortalité » se
caractérise par la complexité de l'action, l'ampleur des vers, la
variété du style et le poids du mythe.
Le modèle homérique se définit par une
action simple entre hommes et dieux qui gardent leur caractère propre.
Les héros de ce type d'épopée dépassent en
« dignité morale » (p. 159) les dieux qui sont
dévalorisés ou profanés.
Le dernier modèle (historique), lui, se distingue
par le fait qu'il ne confond pas hommes et dieux et que, plaçant les
valeurs humaines au devant, il se rapproche de l'histoire du Moyen Age, et se
réalise principalement dans le monde germanique (La Chanson de
Nibelungen et Kudrun). La chanson de geste, marquée par
une certaine instabilité formelle, réinterprète l'histoire
et le mythe par la bipolarisation religieuse et la transformation de
l'échec en victoire (La Chanson de Roland en est un exemple
typique). Les plus anciennes chansons de geste sont La Chanson de
Roland, Gormont, Isembart (seconde moitié du XIè
siècle), la Chanson de Guillaume (première
moitié du XIIè siècle).
Ces différents modèles se retrouvent dans
d'autres cultures comme en Afrique, dans le monde celtique où on note
une composition et une hybridation des modèles.
L'évolution des civilisations occidentales, la
centralisation politique, la laïcisation de la pensée et la
libération de l'art ont imposé au genre épique une
variation des modèles. Pour éviter les déviances,
l'épopée s'est à la fois ouverte éclectiquement et
s'est fermée pour se conserver. Son adaptation s'est
opérée au moyen de l'amplification, de l'allégorie, de la
surcharge épisodique et de l'intériorisation
(« l'action devient psychologique » p. 187). Elle a subi
cependant une parodie : l'épopée animalière, par exemple,
caricature ruse et combats dans la geste de Renart.
En outre, dans l'Antiquité gréco-latine,
Homère suscite l'admiration chez les Grecs et influence fortement les
Latins (l'Énéide qui fait un retour à l'orthodoxie
d'Homère).
Au Moyen Age, la chanson de geste connaît des
dérives. D'abord, l'épopée médiévale devient
arborescente avec des ramifications historique, chronique, romanesque.
Ensuite, l'inflation (accroissement de la quantité des vers,
l'allongement de la laisse et la multiplication des épisodes et des
thèmes) revêt un caractère général à
travers les oeuvres (La Chanson de Roland, La Chanson de Guillaume,
etc.) sauf en Espagne où l'épopée, quoique originale,
reste sobre et brève. Avec la Renaissance et le néo-classicisme
arrive la période des synthèses (La Divine
comédie de Dante, Les Tragiques
d'Aubigné, La Henriade de Voltaire...).
Au XIXè siècle,
l'épopée est, d'une part, marquée par quelques petites
mutations et métamorphoses allant de la néo-épopée
à l'épopée mineure (la petite épopée) via
l'épopée humanitaire et, d'autre part, avant de
disparaître, elle est récupérée par l'industrie
culturelle et la politique.
L'ouvrage théorique de Madelénat a retenu
notre attention dans le cadre de ce travail parce que d'abord il nous semble
être une très belle étude sur l'épopée, ses
invariances, ses genèses et affinités, ses modèles et
évolutions, et que par conséquent, il recoupe dans une large
mesure un certain nombre d'aspects de notre problématique de
thèse.
Ainsi les chapitres I, II, et III de la première
partie traitant respectivement de la parole épique, de la composition et
de l'action, et des personnages et des thèmes, nous informent sur la
manière d'analyser avec pertinence ces différents aspects qu'on
retrouve dans le récit qui fait l'objet de notre thèse. La
deuxième partie aussi n'est pas en reste car elle nous permet
d'éclairer l'épopée à la lumière de
l'histoire et du mythe, et que, détaillant les rapports entre guerriers
et valeurs aristocratiques, elle nous suggère d'envisager ceux qui
existent, d'une part, entre les guerriers peuls et l'idéal nanthioya
(l'aristocratie guerrière du Ngâbou).
Les caractères généraux qui
définissent le modèle historique médiéval, à
savoir, entre autres, la réduction du merveilleux au profit de valeurs
proprement humaines, l'affiliation à l'histoire, nous semblent
pertinentes et extensibles à certaines épopées
ouest-africaines.
C'est fort de ces constats - et surtout de
l'intérêt particulier pour notre thèse - qu'un de nos choix
fut porté à l'ouvrage de Daniel Madelénat.
II. LES ARTICLES :
Résumé de l'article
« Épopée et identité : exemples
africains » (1988), Christiane Seydou in Journal des
africanistes, Volume 58, n° 1.
L'Afrique offre un champ d'exploration
privilégié pour l'étude de l'épopée
malgré le fait que l'Occident ait longtemps nié l'existence de ce
genre sur le continent. L'épopée peut y être saisie en
situation parce qu'elle reste une parole vivante. Les traits spécifiques
qui le définissent sont : l'association obligatoire de la parole
épique à un instrument spécifique; la transgression comme
ressort de toute l'action épique et la fonction réactualisatrice
de l'identité du groupe.
L'épopée sert à faire une communion
entre les membres de la communauté en exaltant son histoire, sa
conscience et son identité distinctive.
En Afrique centrale, chez les Fang, la récitation
du mvet (l'instrument qui désigne l'épopée)
alternant des épisodes narratifs qui relatent la lutte entre les
Immortels et les Mortels avec des interludes lyriques, a pour fonction de
renforcer la cohésion du groupe par le biais de ce fameux instrument qui
est « la voix des origines » (p. 9). Ici, la transgression
consiste à rompre la ligne de partage qui existe entre Immortels et
Mortels.
Chez les Nyanga du Zaïre, l'épopée a
une vocation sacralisante qui se traduit par une projection idéologique
et mythique de leur histoire; projection dont le but est de solidifier leur
identité unificatrice.
En Afrique de l'Ouest, l'épopée
malinké de Soundiata, de par ses références historique et
mythique, constitue « une sorte de compendium de toute [la]
société et de toute [la] culture » (p. 15) mandingues.
Elle cristallise autour de la figure de Soundiata le nationalisme et
l'idéologie de la société. C'est pourquoi d'ailleurs, elle
justifie l'histoire par le mythe et la culture, et la société
mandingue par l'histoire. Cette épopée a été
composée pour « ranimer les ferments d'unité du peuple
mandingue » (p. 15).
Il apparaît ainsi d'abord que le mvet,
partant d'une cosmogonie originelle, représente l'image d'une
« méta-société; que l'épopée
malinké, ancrée dans le mythe et l'histoire, fait la caution de
la société, et qu'ensuite le griot manding est socialement
institué tandis que le barde de l'Afrique Centrale, lui, est
« sacralisé par une initiation ou une inspiration
divine » (p. 17).
Le traitement que l'épopée opère
du mythe et surtout de l'histoire montre la conception que les civilisations
à tradition orale ont de l'histoire; parce que manipulée par
l'épopée, l'histoire ne prend son sens dans cette perspective
que lorsqu'elle intègre le passé au présent, et de ce
point de vue, elle n'est « ni archivage neutre du passé, ni
réflexion analytique objective » (p. 17).
Au Macina, chez les Peuls, l'épopée,
vraisemblablement empruntée aux Bambara, tire son substrat de l'histoire
de l'empire du Macina fondé par Sékou Amadou. Mémoire
d'une époque capable de se prêter à la critique historique,
l'épopée, ici, incarne au plus haut point les vertus cardinales
du pulaaku53(*) :
réserve, fierté, bravoure, maîtrise absolue de soi, sens
aigu de la liberté...
La particularité de cette épopée peule
est qu'elle laisse le soin au héros de se définir lui-même
dans ses actes et ses attitudes et qu'elle se caractérise aussi par une
intériorisation visant à signifier un trait de caractère
propre aux valeurs de la culture et de civilisation peules.
À l'issue de cette étude, on voit que les
épopées mythologiques sont produites par les
sociétés polyarchiques et que les épopées
historiques, elles, naissent plutôt dans des sociétés
structurées en royaumes ou empires. On note in fine le poids
culturel considérable qu'a l'épopée dans les civilisations
africaines.
Cet article de Christiane Seydou dont les études
sur les Peuls sont plus que pénétrantes et pertinentes est
très instructif pour notre thèse. En particulier, les analyses
faites sur l'épopée peule du Macina nous permettent de scruter,
de plonger à fond pour mieux examiner certaines parties de notre
thèse : le chapitre I de la troisième partie (La question de
l'identité et de l'altérité) et les points :
épopée et histoire, épopée et
généalogie du chapitre III intitulé
L'épopée ou confluence des genres.
Résumé de l'article : « Notes
sur les procédés poétiques dans la littérature des
Peuls du Foûta-Djalon », SOW Alfâ Ibrâhîm
(1965) dans Cahiers d'Études Africaines, n° 19, Paris,
Mouton et Co. 1965, pp. 370-387.
La poésie des Peuls du Foûta-Djalon, par
son inspiration et sa forme, reste très fortement liée à
la poésie arabe. Écrite soit en langue arabe, soit en langue
peule, la littérature, au Foûta-Djalon, est avant tout
« une littérature nationale, pieuse et
édifiante » (p. 370); elle traduit les aspirations profondes
et les rapports au monde des Peuls. Certains auteurs comme Tierno Sâdou
Dalen, auteur de Nahaw fulfulde ou Traité de Grammaire et
de Versification Peules, ont écrit des traités de
versification pour donner une assise théorique à la
poésie.
Étant à la fois une affaire d'usage et de
tradition, la poésie peule est fondée sur la succession des
syllabes longues et des syllabes brèves, et elle est quantitative.
Dans le vers qui est composé de deux
hémistiches d'égales longueur et de durée, les rejets sont
proscrits d'un vers à un autre, mais tolérés à
l'intérieur d'un même vers. Le vers est plutôt
mesuré, cadencé et musical et non syllabique. Les principaux
mètres que l'on trouve sont le Kâmil, le Bâsil, le
Sari', le Wâfir, le Rajâz et le Mutaqârib.
Par l'étymologie même, le poète
(yimoowo) se dit chanteur, et le poème (gimol,
gim?i au pluriel) est avant tout une voix agréable au coeur et
douce à l'oreille.
Pour véhiculer leurs messages, les poètes
(et écrivains) usent d'artifices poétiques non seulement sur le
système vocalique mais aussi sur le système consonantique. Il
s'agit à chaque fois d'allonger les voyelles simples, d'établir
des assimilations vocaliques ou consonantiques pour produire des effets
phonétiques et sémantiques.
Le rythme et l'harmonie permettent de définir
les contours de la poésie peule. Le rythme se caractérise par
l'alternance et la quantité syllabique, le choix des mots et leurs liens
internes, l'accent d'intensité syllabique et l'accent des
séquences rythmiques, et enfin l'ordre des mots dans le vers.
L'harmonie découle des effets obtenus à travers
le rythme, comme cela transparaît dans l'analyse des poèmes de
Tierno Alliou Boûba Ndiang, Tierno Abdourahmane, Tierno Djâwo
Pellel et Tierno Mouhammadou Samba Mombéyâ.
Par ailleurs, la rime est codifiée. Elle doit
être un phonème final, placé au deuxième
hémistiche, qui reste le même dans tout le poème. Elle peut
être vocalique (a, o, u, i, e) ou consonantique (l, il,
el, ol, al, ul).
Enfin, notons que l'harmonie initiative est
utilisée comme procédé poétique majeur capable de
produire d'heureuses impressions. Elle est très perceptible dans le
poème intitulé Hymne à la Paix et au
Foûta-Djalon de Tierno Abdourahmane, où l'écoulement
continu de l'eau, le bruissement des rivages et l'écho des chutes sont
suggérés par l'allongement et la fréquence des voyelles
(i, o, u et a) et la répétition de la
conjonction de coordination (e) et du possessif (mu'un).
Ces divers procédés poétiques
montrent certains aspects de la richesse du Pulaar que l'artiste par son talent
met à profit « pour exprimer l'expérience humaine de la
vie dans toute la plénitude de sa complexité » (p.
387).
L'intérêt de l'article de Sow Alfâ
Ibrâhîm dont nous avons fait ici le résumé
réside dans le fait que l'analyse qu'il a faite des
procédés poétiques dans la littérature des Peuls du
Foûta-Djalon concerne aussi dans une large mesure l'épopée
d'Abdoul Rahmâne. En effet, quoique épopée, le
récit n'en demeure pas moins poétique. À maints endroits
du récit, le griot procède de la même manière que
les poètes. Il use d'une multitude d'artifices poétiques ou
rhétoriques. C'est à ce titre que l'analyse de Sow peut nous
servir à faire ressortir tous les aspects et toutes les
subtilités poétiques, stylistiques de l'épopée.
Résumé de l'article :
« Mode d'expression poétique et stratification sociale dans
l'État théocratique du Fouta Djallon » de Alpha
Ousmane Barry (2004), Semen, 18 : De la culture orale
à la production écrite : Littératures africaines,
Presses universitaires France-Comtoises, pp. 135-148.
L'analyse portant sur le rapport entre la stratification
sociale au Fouta Djallon et le mode d'expression poétique examine le
débat né autour de la problématique de la parole et de
l'écriture; problématique qui consiste à se demander entre
les genres oraux et les productions écrites en langues
étrangères qui est digne de porter le titre de
littérature(s) africaine(s). La littérature africaine comprend
non seulement les productions orales, mais aussi les productions
écrites.
Le Fouta Djallon est une région montagneuse ayant
d'immenses plateaux et de nombreux cours-d'eau. Les Peuls s'y sont
établis dès le XVè siècle sous la
direction de Koly Tenguela. Ils y fondèrent ensuite une
théocratie dont l'épanouissement favorisa la naissance de
nombreux centres culturels et la production d'une abondante littérature
qualifiée tantôt « d'Islam noir »,
tantôt de « littérature arabo-islamique d'expression
peule ». (p. 137)
Au point de vue des structures politiques, on note à
la tête de l'État, l'Almami (Chef du pouvoir central),
ensuite au niveau des provinces, il y a les lam?e diiwe et enfin le
pouvoir administratif dirigé par les hooree?e leydi.
Quant à la société, elle se compose des couches suivantes
: les quatre lignées patrilinéaires et aristocratiques (Bah,
Diallo, Barry et Sow), les hommes libres ou rim?e, les artisans
(ñeeñu?e) et les captifs (haa?e).
Dans les productions orales, les ressources expressives de
la langue s'y manifestent par l'allitération, la
régularité de certaines occurrences et les manipulations
morphosyntaxiques. On peut dire, par ailleurs, que la production
poétique va de la poésie didactique à la poésie
mystique, de l'oraison à l'élégie, de l'apologue au
prône, de la satire à l'épopée.
Outre les ressources expressives, les oeuvres orales
présentent des caractéristiques phonétiques, stylistiques
d'une haute qualité esthétique et littéraire comme on peut
le remarquer à travers les textes de la version peule de la loi de
Talion, les jeux verbaux des enfants, le poème dit
hirdé jimbé.
La littérature orale se subdivise en
genre profane ou populaire et en genre sacré ou
ésotérique. Ces différents genres se différencient
par les thèmes traités. Le genre ésotérique est
centré sur la protection du bovidé. Le genre épique
concerne la poésie généalogique ou asko, les
hauts faits de courage et de bravoure (Samba Danna le fameux chasseur) et les
faits historiques mémorables de héros nationaux.
En Afrique, au Fouta-Djalon en particulier plusieurs
canaux sont mis à profit par les « auteurs » pour
exprimer leurs pensées et leurs sentiments. Ces canaux sont l'expression
de la richesse, de la vitalité et de la variété de la
littérature orale.
La lecture critique de l'article de A. O. Barry appelle de
notre part quelques remarques :
La transcription de certains passages en Pulaar ne
répond pas aux normes conventionnelles de la langue. On trouve,
éparpillés à travers l'article, deux systèmes de
transcription : diiwè, hooree?e, leydi, maw?è
(p. 139), etc. Parfois, d'ailleurs, les mots sont mal
transcrits : rundè au lieu de runnde, ?ee?u?e
à la place de ñeeñu?e (p. 140), mbutoori
(p123) au lieu de buutoori, junna (p.143) à la
place de jonna... Par ailleurs, le verbe appeler
devrait se mettre à la troisième personne du pluriel dans la
phrase : « Certains auteurs qualifient cette poétique
d'Islam noir; tandis que d'autres l'appele tout simplement
littérature arabo-islamique d'expression peule ». (p.
137)
On peut, en outre, critiquer le concept d'Islam
noir utilisé pour qualifier la littérature écrite en
caractères arabes, ou ajami. L'Islam noir, titre de
l'ouvrage de Vincent Monteil (Paris, Seuil, 1966), désigne la coloration
bien particulière et bien propre que revêt l'Islam en Afrique
Noire. C'est, autrement dit, la coloration issue du contact de l'Islam et des
religions traditionnelles, l'animisme notamment, qui fait que l'Islam de
l'Afrique Noire se distingue de l'Islam saoudien ou iranien, même si le
dogme qu'ils ont en commun reste inchangé.
Nonobstant ces critiques, l'étude de A. O. Barry
reste quand même intéressante. Les poèmes sur les jeux
verbaux des enfants, la version peule de la loi de Talion, le hirdé
jimbé54(*)
sont autant d'extraits que nous pouvons utiliser en guise d'illustration
dans notre thèse qui, à l'heure ou nous écrivons ceci,
pourrait englober un domaine plus vaste : les traditions orales du
Foûta-Djalon. Au cas où notre thèse évoluera dans
cette direction, l'article de Barry nous sera d'une grande utilité parce
qu'il nous permettra d'élargir la typologie des genres oraux du
Fouta-Djalon.
I.
LES COMPTES RENDUS :
1. COMPTE RENDU DU SÉMINAIRE DE M. BASSIROU
DIENG.
La problématique du séminaire de Bassirou
Dieng porte sur le rapport entre oralité et écriture. Le
séminaire s'est déroulé en deux temps. D'abord il a
été question de la littérature et du lieu. Selon le
professeur , en effet, « Les logiques d'expansion des
littératures locales en Afrique ne sont pas nécessairement
coordonnées aux aires linguistiques, aux aires culturelles, aux
territoires nationaux » parce qu'on note « une mise en
connexion des dynamiques littéraires avec les données physiques,
humaines et historiques », et que, ajoute-t-il, « il s'agit
ici de remettre en perspective les littératures africaines du point de
vue des dynamiques de production locale, en tenant en compte de
l'ancrage territorial » (document inédit distribué par
le professeur Dieng pendant une séance de ce séminaire).
Une telle perspective consiste à envisager les
littératures africaines en montrant que :
- L'imbrication entre l'oralité et l'écriture
fait naître de nouvelles formes d'oralité faisant place à
la médiation écrite (poésie urbaine, romans
radiodiffusés, cinéma et vidéosphère,
théâtre, forum).
- Le comparatisme interlinguistique peut s'appuyer sur la
coexistence de plusieurs langues.
- L'articulation du livre et des productions scripturales -
affiches, livrets, presse, inscriptions peut déboucher sur des nouveaux
horizons.
Cette question de l'oralité et de l'écriture
débouche aussi sur celle de l'intertextualité dans les oeuvres
autant écrites qu'orales. Selon B. Dieng, en effet, « Traiter
de l'intertextualité des oeuvres orales et des oeuvres écrites,
et lier cette question aux aires culturelles procèderait d'un
questionnement à double articulation de prime abord. Il s'agirait, d'une
part, de l'ancrage géographique de l'oeuvre littéraire et,
d'autre part, de l'inscription de l'oralité dans
l'écriture55(*) ».
Il nous a détaillé ensuite le modèle
de la communication orale à travers les systèmes pulaar
et wolof tels que Ibrahima Wane les a établis dans sa
thèse de troisième cycle (Chanson moderne et modèle de
communication orale, Dakar, FLSH, 2003).
Dans la littérature pulaar, ou
plutôt peule, il y a les formes corporatives
(Pekaan, Dillere, Gummbalaa, Yelaa, Fantang, Keroode, Naale),
les formes communes ou populaires (Janti, Daarol, Tindol,
Cifti, Pulareeje, Jaraale, Noddol, Jaargol, Mallol, Leele, Lengui),
les formes islamiques (Beyti, Giiri, Qasida,
Taarikh).
Chez les Wolof, la typologie s'articule autour
des genres narratifs (Cosan, Woy maam, Woy jaloore,
Qasida, Léeb, Maye), des genres formulaires
(Léebu, Cax) et des genres poétiques
(Ndëpp, Gumbe, Baaw-naam, Taajaboon, Xas, Ngomaar, Kasak ou Woyu
mbaar, Njam, Ceet, Xaxar, Laabaam, Bëkëtë, Woyu tool, Semb,
Kañu, Jat, Lamb, Bakk(u), Tagg, Taaxuraam, Mband, Laawaan, Taasu,
Taalif, Jang).
Après, on a abordé les cadres de
production urbains qui comprennent : les manifestations festives, les
performances ludiques, les compétitions sportives, la scène
politique, la sphère religieuse, le circuit commercial.
Par ailleurs, le système de l'oralité se
fonde, selon Bassirou Dieng, sur une technique de communication dont la
visée est la transmission du patrimoine culturel. Ce système se
base essentiellement sur la rétention et la transmission qui se font
respectivement par le biais d'une mémoire institutionnalisée et
la parole proférée.
La mémoire institutionnalisée est
représentée par les dépositaires-transmetteurs, encore
appelés griots, sages, ou initiés, qui se repartissent en non
professionnels et en professionnels. Les non-professionnels produisent des
oeuvres qui se situent plutôt du côté du divertissement
comme les contes, les proverbes, les formules élémentaires, alors
que les professionnels, eux, détenteurs de la mémoire officielle,
leurs oeuvres concernent aussi bien les genres dits profanes que les genres
sacrés.
Grâce à la parole proférée,
diseurs et auditeurs se retrouvent ensemble, pour la transmission et la
réception du message. Au-delà de cette communication, la parole
proférée permet aux membres de la société de
communier ensemble.
En outre, il fut procédé à l'examen
de la relation entre littérature orale et société.
L'idée générale de cette question est que, d'une part, la
littérature orale, à travers des réalités
historique et culturelle de la société, rend compte des
institutions, des systèmes des valeurs, de la vision du monde propre
à une société (Document inédit intitulé
L'oralité distribué par le professeur Dieng, p. 3).
D'autre part, la littérature orale peut
être l'expression des idées et sentiments qui fustigent des
comportements jugés dévoyés par rapport à la
morale.
La seconde partie du séminaire portait sur les
exposés présentés par les différents
étudiants sur la base d'une liste d'ouvrages ayant traits à la
problématique. Voilà de façon succincte le compte rendu du
séminaire qui a été animé et
particulièrement très enrichissant.
2. COMPTE RENDU DU SÉMINAIRE DE M. AMADOU
LY.
Le séminaire de M. Amadou Ly, axé sur la
problématique : relations sud/nord : incompréhension?
(traitement littéraire de la question), a fait l'objet de trois
sortes de séances : la première séance est essentiellement
orientée sur la mise au point de la question à travers
l'histoire, la deuxième a fait l'objet d'échanges très
fructueux entre étudiants, cinéastes et écrivains, et
enfin la troisième s'est déroulée sous forme
d'exposés présentés par les étudiants du
séminaire.
En effet, l'intervention de Ly a consisté
d'abord à préciser que la question du regard de l'autre est
délicate et complexe, et qu'elle est le plus souvent le reflet des
cultures et des civilisations en contact. Autrement dit, l'on regarde l'autre
avec ses yeux, ou pour dire mieux les yeux de sa culture, de sa civilisation.
C'est ce qui fait d'ailleurs qu'un tel regard se trouve être quelque peu
orienté, et que chacun croît que c'est lui qui est au centre du
monde.
Par ailleurs, il existe trois sortes de regards : un
regard objectif qui voit l'autre comme un alter ego; un regard
rejetant et repoussant qui n'accepte pas la différence et enfin un
regard sympathique qui se montre tendre à l'égard de l'autre
malgré qu'il soit différent.
Les relations sud/nord, ou si l'on veut nord/sud,
diversement traités par les auteurs, font l'objet d'une
littérature abondante. Ainsi, au nord, la production littéraire
en la matière peut partir de Montaigne (Le Cannibale, le
repentir) au discours de Sarkozy en passant par Voltaire (Le
huron), Pierre Loti (Portrait d'un spahi), Odile Tobmer (Du
racisme français), etc. Au sud, entre autres, on peut citer les
oeuvres suivantes : Discours sur le colonialisme (Césaire),
Oui mon commandant (Hampathé Bâ), Noirs dans les
camps nazis (Serge Bilé), Le viol de l'imaginaire (Aminata
Traoré), Heurts et malheurs. Des rapports Europe-Afrique Noire dans
l'histoire moderne XV-XVIIIè siècle (B. Matys), L'Europe
et nous (Rabemananjara), Bamako, Paris, New-York (Mantia
Diawara), L'Afrique répond à Nicola Sarkozy (collectif),
etc.
Le professeur a pris soin de nous préciser
qu'à côté de ces productions, il y a une autre qui est
issue du métissage culturel, comme Mémoires d'une peau
(William Sassine), Nini ou la mulâtresse du Sénégal
(A. Sadji), Douceurs du bercail (A.S. Fall), Mal de peau
(Ilboudo)...
En général, l'ensemble de ces oeuvres
traduit soit la volonté de domination, soit l'incapacité à
prendre l'autre comme soi parce qu'il est différent, soit la
contestation de la manière dont on est regardé, soit le malaise
existentiel né de l'appartenance ambivalente à deux
cultures...
Abordant un des contours de l'incompréhension
qu'on observe entre le nord et le sud, M. Ly nous a expliqué par quelle
manière Vladmir Jankélévich a tenté de comprendre
le malentendu. Selon cet auteur « Le malentendu n'est pas seulement
une erreur impalpable en sa source, c'est encore une erreur
invétérée et durable en ses conséquences. Pour
qu'il y ait malentendu il faut, non seulement avoir mal compris, mais encore ne
pas s'en apercevoir tout de suite, ou du moins (si on trouve quelque
intérêt à perpétuer l'équivoque) faire
semblant de ne pas s'en apercevoir tout de suite. Le malentendu est un ordre,
et un ordre créateur d'institutions56(*) ».
La méconnaissance à partir de laquelle
naît le malentendu peut s'observer dans quatre cas : Premièrement,
« les deux partenaires se méconnaissent mutuellement. [...]
L'auditeur a mal compris alors que son interlocuteur se croît bien
compris; dans la mesure où il ne remarque pas la méprise, ce
dernier se méprend donc aussi57(*) ». Deuxièment, l'un des deux
partenaires seulement se méprend. Celui qui ne s'est pas mépris
peut soit faire prendre conscience à son partenaire sa situation ou son
état; dans ce cas il brise le cercle qui les sépare; soit il le
laisse dans sa méprise, et dans ce cas le malentendu devient
tromperie58(*).
Troisièment, « c'est la fausse dupe qui a conscience d'une
équivoque à exploiter, et qui feint de mécomprendre, le
partenaire se trouvant mécompris à son insu59(*) ». Enfin le
quatrième cas, Jankélévich le qualifie de fausse situation
et l'explicite ainsi : « Je te comprends, et je sais que tu me
comprends, comme tu comprends toi-même que tu es compris60(*) ».
La dissolution des malentendus passe
nécessairement, selon Jankélévich, par le dialogue, la
médiation du langage.
En ce qui concerne les échanges avec certains
cinéastes et écrivains, M. Ly nous amené Awam Amkpa, Ben
Diogoye Bèye et Mantia Diawara, tous auteurs et professeurs dans des
universités aux Etas-Unis. Cette séance, qui a duré tout
un après-midi, a réuni ces auteurs, les étudiants du DEA
de Ly et ceux du DEA du Département de Philosophie. Les thèmes
débattus portaient sur le rôle des intellectuels de la diaspora et
leur intégration, l'engagement de l'écrivain, la question des
langues nationales, l'intégration et l'unité africaine... Sur la
question du rôle des intellectuels de la diaspora, les trois auteurs
étaient d'accord sur le fait que leur installation aux Etas-Unis ne
signifiait pas qu'ils aient tourné le dos à l'Afrique : en
faisant découvrir les aspects des cultures et des civilisations
africaines aux américains, ils servent l'Afrique. Le
sénégalais Ben Diogoye Bèye avait un avis très
tranché sur les langues nationales : dans un pays plurilingue, il faut,
estime-t-il, imposer la langue majoritaire. Mantia Diawara, dont le livre
Bamako-Paris-New York est centré sur la problématique
du séminaire de DEA nous a fait part de ses impressions d'intellectuel
vivant dans les capitales étrangères : en étant à
Paris, c'est comme si New-York lui manquait, et à Bamako, il
éprouve la même chose.
Enfin, le séminaire a fait l'objet des
séances d'exposés de deux sortes : un exposé sur la
problématique de la thèse et un autre cette fois-ci écrit
sur un ouvrage traitant du thème des relations sud/nord.
Ce séminaire a été, comme on le
voit, marqué par de multiples échanges qui ont été
très riches d'enseignements et ont satisfait la curiosité de plus
d'un.
II. LES EXPOSÉS :
II. 1 EXPOSÉ N° 1 (SÉMINAIRE DE
M. BASSIROU DIENG)
L'oralité dans En attendant le
vote des bêtes sauvages d'Ahmadou Kourouma.
La question de l'oralité, ou du moins la dimension
orale occupe une place centrale dans le roman de Kourouma. L'oeuvre constitue
une symbiose parfaitement réussie de l'oral et de l'écrit,
démontrant par là, s'il en est besoin, que les deux genres ne
s'excluent pas; au contraire, ils peuvent cohabiter harmonieusement au sein
d'une même oeuvre.
Notre exposé intitulé : «
L'oralité dans En attendant le vote des bêtes sauvages
d'Ahmadou Kourouma » tourne autour d'une
problématique essentielle : le rapport entre l'oralité et
l'écriture; autrement dit, on se demande comment l'oralité se
manifeste-t-elle dans le romanesque? Comment Kourouma procède-t-il pour
écrire l'oralité?
Pour cerner et analyser cette problématique notre
propos s'articulera sur deux points : le mode d'énonciation et
la structure du roman et les éléments
empruntés aux genres oraux.
I- LE MODE D'ÉNONCIATION ET LA STRUCTURE DU
ROMAN.
La question du mode d'énonciation
est très importante dans la distinction entre les genres
littéraires aussi bien écrits qu'oraux. Aussi porte-t-on toujours
un regard attentif aux modalités énonciatives, aux instances
narratives, aux fonctions des personnages, etc. Le roman de Kourouma est une
oeuvre où le griot, figure traditionnelle de la parole, prend toute sa
place. Le mode d'énonciation du roman de Kourouma est le reflet du
schéma de la transmission des valeurs culturelles traditionnelles. La
veillée, en Afrique, était l'un des meilleurs moments pour
l'apprentissage et la transmission des savoirs. C'est l'un des moments aussi
des fameuses palabres. La veillée s'oppose ainsi à la
journée qui est consacrée aux différents travaux qui
ponctuent la vie [traditionnelle]. C'est pourquoi « La transmission
des valeurs culturelles africaines, note Tijani, constitue l'un des principaux
objectifs des longues soirées de contes dans la plupart des
sociétés traditionnelles. Dans les romans de Kourouma, le lecteur
remarque également le souci de l'auteur de transmettre les valeurs
culturelles malinké à travers un style de narration qui
s'apparente à celui d'un conteur traditionnel et se caractérise
par la mise en abîme des paroles de la vie africaine, l'emploi des
proverbes et des expressions africaines ainsi que le recours à la
répétition et à la reprise61(*) ».
C'est à travers donc l'utilisation, l'appropriation
de cette figure de la parole que le roman acquiert toutes ses
caractéristiques orales. Et, comme le note Ibrahima Wane
« l'écrivain s'approprie véritablement l'art du
récit oral. Kourouma semble s'inscrire cette fois-ci dans
« l'architextualité62(*) » car avec cette fiction, il va
au-delà de l'absorption d'éléments du conte, du mythe ou
de l'épopée, c'est le récit traditionnel qui sert de
modèle de composition même du roman63(*) ». Le fait d'avoir
donné la parole à une tierce personne, en l'occurrence le griot,
fait de Kourouma un conteur plus qu'un romancier. « C'est en conteur,
écrit Mufutau A. Tijani, que Kourouma nous livre, sans
hésitation, toutes les péripéties qui ont jalonné
la vie et le règne de Koyaga64(*) ».
Le titre En attendant le vote des bêtes sauvages
fait penser plutôt à un conte, une légende, un mythe,
une épopée... qu'à un roman même s'il rappelle un
peu le titre de la pièce de théâtre de Samuel Becket :
En attendant Godot65(*). « Le vote des bêtes
sauvages » ressortit en effet beaucoup plus du conte que du roman.
Plus qu'un roman, l'ouvrage est « un récit purificatoire
appelé en malinké un donsomana. C'est une geste. Il est
dit par un sora accompagné par un répondeur
cordoua » (p. 10).
La dimension orale du roman se révèle à
travers sa structure. Au lieu de chapitres usuellement consacrés, le
roman se compose de veillées subdivisées en sous-parties
désignées par des proverbes. La veillée II, par exemple,
commence par une partie nommée par ce proverbe : « Quand on
voit les souris s'amuser sur la peau du chat, on mesure le défi que la
mort peu nous infliger » (p. 67).
En plus de cela, notons que la veillée est le moment
pendant lequel certains genres oraux étaient dits dans les
sociétés africaines traditionnelles. Le conte, certains
récits initiatiques... ne sont réactualisés que la nuit
pendant des veillées qui se veulent solennelles. Les actualiser en
dehors de leur moment précis serait un acte de profanation qui peut
même amener, à l'encontre du contrevenant, une sanction humaine ou
« divine ». En attendant le vote des bêtes
sauvages a, selon son auteur, été dit durant six nuits
pendant lesquelles le sora [le narrateur ] a raconté les six
veillées dans une ambiance aussi solennelle que celle de
l'énonciation de l'épopée, ou de certains récits
initiatiques.
Par l'utilisation des préludes musicaux, le roman
se révèle épique. Rappelons que le roman ne
s'élabore pas avec un accompagnement musical. Ceci est une
caractéristique et une propriété essentiellement
épiques. De ce point de vue En attendant le vote des bêtes
sauvages peut être considéré comme un roman
épique pour plusieurs raisons. Chaque veillée commence par un
prélude musical et se termine par une pause. La veillée V, par
exemple, s'ouvre par : « Le sora pince la cora; le cordoua se livre
à une dance débridée... » (p. 267) et elle se
termine par : « Le fleuve finit toujours dans la mer. Arrêtons
là nous aussi cette cinquième veillée... » (p.
327). Quant aux sous-parties, elles se terminent toujours par une pause : par
exemple, la sous-partie 14 de la veillée IV s'achève ainsi :
« Le sora arrête de conter, donne un intermède musical
et récite trois proverbes sur le pouvoir » (p. 210) tandis que
celle qui suit la sous-partie 15 se clôt par : « Quel que soit
l'entrain du frappeur de tam-tam, le danseur de temps en temps s'interrompt
pour souffler. Faisons comme lui et réfléchissons à trois
proverbes sur le pouvoir [...] » (p. 226).
Par ailleurs, Ahmadou Kourouma lui-même
reconnaît la dimension épique de son roman. Dans une interview
accordée à Thibault le Renard et Comi M. Toulabor66(*), à la question :
« Qu'est-ce qui vous a incité à utiliser cette
trame narrative [c'est-à-dire un récit épique qui se
déroule en six veillées] où « les maîtres
de la parole » semblent pouvoir proférer à la face des
puissants tout ce qu'ils ont envie de leur dire? » (p. 1) il
répond : « Ce genre de récit me permettait d'abord de
faire vivre une technique de narration qui est sur le point de
disparaître. Le soir, dans les villages malinké, les griots des
chasseurs viennent raconter le donsomana : la vie des chasseurs, leur
lutte magique contre les animaux et les fauves, supposés posséder
de la magie. La chasse est donc une lutte entre des magiciens. Le donsomana est
principalement constitué de récits de chasse. Il raconte rarement
la vie d'une personne. Les histoires de vie étant importantes chez les
Malinké, j'ai adapté la technique du donsomana à mon
roman » (p. 1).
Dans le mode d'énonciation, il y a l'ouverture qu'on
peut appeler protocole énonciatif. En général, la plupart
des récits épiques s'ouvrent par un protocole énonciatif,
où le conteur légitime sa parole parce qu'il est
l'autorité reconnue et investie par la communauté. À
quelques exceptions près, on y trouve énoncés :
l'identité du conteur, sa ou ses fonctions, l'objectif de
l'énonciation, le destinataire de l'énonciation, le
contexte...
Dans En attendant le vote des bêtes sauvages
la veillée I s'ouvre par un texte qui fonctionne exactement comme le
protocole énonciatif des récits (épiques). Pour bien faire
ressortir la consonance orale, ou épique du roman, écoutons ce
que dit, d'une part, Bingo, le narrateur et, d'autre part, Djéli Mamadou
Kouyaté dans Soundjata ou l'épopée mandingue. Le
narrateur de En attendant le vote des bêtes sauvages dit ceci :
« Votre nom : Koyaga! Votre totem : faucon! Vous
êtes soldat et président. [...] Voilà que le soleil
à présent commence à disparaître derrière les
montagnes. C'est bientôt la nuit. Vous avez convoqué les sept
plus prestigieux maîtres parmi la foule des chasseurs accourus. Ils sont
là assis en rond et en tailleur, autour de vous. Ils ont tous leur
tenue de chasse [...] Vous, Koyaga, trônez dans le fauteuil au centre du
cercle. Maclédio, votre ministre de l'Orientation, est installé
à votre droite. Moi, Bingo, je suis le sora; je louange, chante
et joue de la cora. Un sora est un chantre, un aède qui dit les
exploits des chasseurs et encense les héros chasseurs. Retenez mon nom
de Bingo, je suis le griot musicien de la confrérie des chasseurs.
L'homme à ma droite, le saltimbanque accoutré dans ce costume
effarant, avec la flûte, s'appelle Tiécoura. Tiécoura est
mon répondeur. Un sora se fait toujours accompagné par un
apprenti appelé répondeur. [...] Nous voilà donc tous
assis sous l'apatame du jardin de votre résidence. Tout est donc
prêt, tout le monde est en place. Je dirai le récit purificatoire
de votre vie de maître chasseur et de dictateur. Le récit
purificatoire est appelé en malinké un donsomana. C'est
une geste. Il est dit par un sora accompagné par un répondeur
cordoua. Un cordoua est un initié en phase purificatoire, en
phase cathartique. Tiécoura est un cordoua et comme tout cordoua il fait
le bouffon, le pitre, le fou. Il se permet tout et il n'y a rien qu'on ne lui
pardonne pas » (p.10-11).
De son côté, Djéli Mamadou
Kouyaté dit :
« Je suis griot. C'est moi Djeli Mamadou
Kouyaté, fils de Bintou Kouyaté et de Djeli Kedian
Kouyaté, maître dans l'art de parler. Depuis des temps
immémoriaux les Kouyaté sont au service des princes Kéita
du Manding : nous sommes les sacs à parole, nous sommes les sacs qui
renferment des secrets plusieurs fois séculaires. L'Art de parler n'a
pas de secret pour nous; sans nous les noms des rois tomberaient dans l'oubli,
nous sommes la mémoire des hommes; par la parole nous donnons vie aux
faits et gestes des rois devant les jeunes générations.
Je tiens ma science de mon père Djeli Kedian qui la
tient aussi de son père; l'Histoire n'a pas de mystère pour nous;
nous enseignons au vulgaire ce que nous voulons bien lui enseigner, c'est nous
qui détenons les clefs des douze portes du Manding.[...] J'ai
enseigné à des rois l'Histoire de leurs ancêtres afin que
la vie des Anciens leur serve d'exemple, car le monde est vieux, mais l'avenir
sort du passé.
Ma parole est pure et dépouillée de tout
mensonge; c'est la parole de mon père; c'est la parole du père de
mon père. Je vous dirai la parole de mon père telle que je l'ai
reçue; les griots de roi ignorent le mensonge. Quand une querelle
éclate entre tribus, c'est nous qui tranchons le différend car
nous sommes les dépositaires des serments que les Ancêtres ont
prêtés.
Écoutez ma parole, vous qui voulez savoir; par ma
bouche vous apprendrez l'Histoire du Manding » (p. 9-10).
Comme on le voit, les deux textes s'ouvrent de la
même manière. Dans l'un et l'autre texte, on retrouve les
éléments constitutifs du protocole énonciatif ci-dessus
énumérés.
D'autres textes épiques, comme l'épopée
du Foûta-Djalon, les récits de Ségou, comme Biton et
les génies de La Geste de Ségou67(*), ont, eux aussi, une
ouverture similaire.
II- LES ÉLÉMENTS EMPRUNTÉS AUX
GENRES ORAUX.
Dans le roman En attendant le vote des bêtes
sauvages on retrouve beaucoup d'éléments appartenant
communément au genre épique. Parmi ces éléments, on
peut citer, entre autres, la généalogie, l'exagération, le
merveilleux, les chants ou hymnes et les proverbes.
-LA GÉNÉALOGIE.
La généalogie est très importante dans
le genre épique. L'épopée en tant que
récit « qui développe un thème
historique ou légendaire et célèbre les actions d'un
héros exemplaire ou les hauts faits d'un groupe68(*) », fait un recours
presque systématique à la généalogie pour dresser
une ascendance toute noble et prestigieuse aux personnages exaltés.
Ainsi Koyaga est issu d'un père et d'une mère
hors du commun : il a donc une ascendance glorieuse comme cela
transparaît dans ces deux passages consacrés à son
père et à sa mère :
« Tchao, votre père, lutta dans toutes les
montagnes, derrière tous les fortins, des saisons et saisons sans qu'une
fois un autre lutteur parvint à mettre sa nuque au sol. Manquant
d'égal dans les montagnes, il descendit dans les plaines, défia
les Peuls, les Mossis, les Malinkés...
Chez aucune race de cette terre africaine il ne rencontra non
plus de challenger. Les griots le louèrent, le
célébrèrent et lui apprirent que les Français
cherchaient et payaient les héros lutteurs ». (p. 13)
Pour la mère de Koyaga, Bingo dit :
« Jamais plus les montagnards ne connaîtront
une femme qui égale Nadjouma. Elle était belle-elle reste belle.
Elle était courageuse-elle reste courageuse. Elle est intelligente.
Dire...Dire! Nous, soras, n'avons que des mots et aucun n'arrive à dire
les totalités de Nadjouma. Elle restera pour toutes les femmes
africaines un modèle, une perpétuelle source d'inspiration [...]
Elle fut la championne de lutte des montagnes et elle mourra sans qu'aucune
femme réussisse à mettre sa nuque par terre » (p.
41).
Ces passages nous font penser d'abord aux
généalogies flatteuses faites par Djéli Mamadou
Kouyaté dans Soundjata ou l'épopée mandingue,
d'après lequel : « Bilali Bounama, l'Ancêtre des
Kéita, était un fidèle serviteur du prophète
Mouhammadou » (p. 14) et dont un des descendants, en l'occurrence
« Lahilatoul Kalabi fut le premier prince noir à venir faire
le pèlerinage à la Mecque » (p. 14). On songe ensuite
aux généalogies des familles dynastiques du royaume
théocratique du Foûta-Djalon; généalogies faites par
les griots peuls, notamment Farba Seck qui, dans la généalogie
épique des Almâmis de la maison des Soriyâ, dit :
« Habîballâhi était Arabe.
Moûça-Habîballâhi était
Arabe.
Bâna-Moûça était Arabe.
Eli Bâna-Moûça était Arabe.
Manti-Âli était Arabe.
Hammé-Manti, celui-là engendra
Dâwoûda-Hammé,
[...]69(*) » (p. 55).
La généalogie de Koyaga montre ainsi la
tonalité épique du roman; tonalité qui se manifeste aussi
par l'exagération.
-L'EXAGÉRATION OU L'ENFLURE
ÉPIQUE.
Ayant pour objet des hauts faits historiques ou
légendaires de grands personnages, l'épopée est par
excellence le genre de l'exagération, des grossissements et des
enflures. En attendant le vote des bêtes sauvages, aussi
étonnant que cela paraisse, fourmille de ce type de discours
hyperboliques. Entre autres exagérations contenues dans le roman, citons
quelques cas :
Dans la prison de l'administration coloniale, le père
de Koyaga, Tchao qui « aurait dû crever dans un délai de
trois semaines [...] survécut trois mois » et
« avant d'expirer, de rendre l'une après l'autre ses
nombreuses âmes de paléonigritiques, chanta et prophétisa.
À l'endroit des Français, il formula des maléfices plus
gros que le Fouta-Djalon » (p. 19).
Mais de toutes les exagérations que nous avons
relevées, celle de la page 22 est la plus emblématique. Dans
cette page, en effet, on lit ceci :
« La gestation d'un bébé dure neuf
mois; Nadjouma porta son bébé douze mois entiers. Une femme
souffre du mal d'enfant au plus deux jours; la maman de Koyaga peina en
gésine pendant une semaine entière. Le bébé des
humains ne se présente pas plus fort qu'un bébé
panthère; l'enfant de Nadjouma eut le poids d'un lionceau. Quelles
étaient l'humanité, la vérité, la nature de cet
enfant?
Tout le monde le sut quand la maman put s'en libérer
et que l'enfant tomba sur le sol à l'aurore.
Les animaux aussi surent que celui qui venait de voir le
jour était prédestiné à être le plus grand
tueur de gibier parmi les chasseurs. Des mouches tsé-tsé
partirent des lointaines brousses et des montagnes et foncèrent sur le
bébé. Par poignées, Koyaga, vous avez écrasé
les glossines dans vos mains. À quatre pattes, vous n'avez
laissé vie sauve à aucun des poussins et margouillats qui
picorèrent dans vos plats de bébé. Quand vous avez eu cinq
ans, les rats perdirent la sécurité de la tranquillité
dans leurs trous; vous fûtes un grand et habile attrapeur de rats. Les
tourterelles ne jouirent plus de repos sur les branches des arbres; »
(p. 22).
Replacées dans un autre contexte, ces
exagérations deviennent irrationnelles et invraisemblables, mais dans le
cadre épique, elles sont logiques et vraisemblables parce que se
rapportant à une histoire qui n'est pas d'une personne ordinaire.
Tout de même, on ne peut pas ne pas se demander comment
de telles affirmations sont-elles possibles? Pour une hypothèse simple,
mais à nos yeux bien fondée, on peut dire que l'enfantement d'une
personne de la trempe de Koyaga, qui, après Ramses II et Soundiata,
restera le plus grand chasseur de l'humanité, doit être
entouré de circonstances particulières plus grandioses que celles
de celui d'un homme ordinaire. Véritablement, Koyaga, par son profil et
son itinéraire, est un héros épique, ou plutôt
« une réincarnation du héros épique »
pour reprendre l'expression d'Ibrahima Wane70(*). Le grossissement des affirmations enflées
d'aura et teintées d'une certaine vraisemblance permet de rehausser et
d'amplifier les valeurs du héros.
Par ailleurs, le roman est traversé par quelque
chose qui, même si elle peut paraître vraisemblable, frise
néanmoins l'inexplicable, l'incroyable : le merveilleux.
-LE MERVEILLEUX.
Grâce aux pouvoirs magiques détenus par sa
mère et par son marabout, Koyaga est un personnage de démesure
capable de choses prodigieuses. Par quatre fois, en effet, des actes
dépassant la simple bravoure sont réalisés.
Premièrement, « quand les Viéts investirent le PK 204,
Koyaga avec toute la magie enseignée par sa mère se transforma en
un puissant hibou nocturne. Sur l'aile gauche, il embarque les
prostituées. Sur l'aile droite, il accepte une cinquantaine de
tirailleurs montagnards avec leur armement. Les Viéts n'y voient que de
la fumée. Près de l'aéroport de Hanoi, il débarque
tout son monde [...] » (p. 40).
Deuxièment, c'est par des opérations
extraordinaires que Koyaga est parvenu à tuer les quatre bêtes
sauvages : la panthère, le buffle noir, l'éléphant et le
caïman. Pour illustrer notre propos, citons le combat qui opposa Koyaga au
caïman. Ce combat est un combat de monstres rivalisant de secrets
magiques. Lorsque Koyaga tire une balle sur le caïman sacré,
« elle ricoche sur le plan de l'eau, se transforme en boule de feu et
se retourne contre Koyaga qui ne l'évite qu'en se muant en crabe enfoui
dans le sable. Le feu allume un incendie de brousse sur la rive. Koyaga sort de
son avatar et, une seconde fois, tire sur la bête. Cette fois la balle
jaillit de l'eau en serpent volant et fonce sur Koyaga qui l'esquive en se
muant en ver de terre. Le serpent continue sa lancée et
s'anéantit dans les flammes du feu de brousse qui fait rage sur la rive.
La bête, confiante en ses sortilèges, émerge des eaux, se
montre sur la grève dans toute sa monstruosité et défie
encore Koyaga :
-Je te mangerai! hurle-t-elle en claquant ses crocs.
Ce fut une faute fatale; elle exposait son flanc. Le
chasseur paléo s'extrait de son avatar, vise le bas du ventre non
couvert par les carapaces et fait feu. La bête veut regagner les eaux. En
se retournant, elle découvre sa gorge non protégée par des
carapaces, autre partie molle dans laquelle le chasseur, fils de la femme nue,
décharge son arme. Le monstre mortellement touché voltige et
culbute sur le dos dans les eaux les pattes en l'air. Le héros
d'Indochine, le tireur d'élite, par trois fois encore vise et fait feu
dans les côtes, dans le sternum. Il remet son fusil en
bandoulière, s'accroupit derrière un tronc pour assister à
l'agonie du géant » (p. 74-75).
Troisièment, pour aller à la capitale de la
République du Golfe (le Togo) sans être pris par la patrouille
systématique faite par les agents du président Fricassa Santos,
Koyaga, dans le train, « récite une des prières
magiques que le marabout lui a apprises : il se transforme en un coq blanc. Le
Haoussa voit le coq sous son banc; il le croit échappé d'un de
ses paniers. Vigoureusement le marchand se saisit du coq, l'enfouit et
l'enferme dans le panier » (p. 90).
Enfin quatrièment, c'est le président Fricassa
Santos cette fois-ci qui produit le merveilleux :
« Mystérieusement et brusquement un
tourbillon de vent se déclenche, naît au milieu du jardin de la
Résidence. Le tourbillon soulève feuilles et poussière,
parcourt le jardin de la Résidence d'ouest en est et poursuit sa folle
course dans la cour voisine, dans l'enceinte de l'ambassade des USA. Koyaga
comprend tout de suite que le grand initié Fricassa Santos s'est
transformé en vent pour se réfugier dans l'ambassade »
(p. 99).
Par ailleurs, on peut dire que le combat qui a eu lieu
entre Koyaga et le président Fricassa Santos est un combat épique
qui rappelle justement un autre combat épique. « L'assaut
final, remarque Ibrahima Wane, est d'ailleurs une reconstitution de l'acte par
lequel Soundjata Kéita est venu à bout de Soumaoro Kanté
lors de la célèbre bataille de Krina71(*) ».
Le merveilleux plus fréquent dans le genre oral,
l'épopée, le conte, le mythe notamment, se trouve ainsi
très présent dans le roman. Son emploi est à chaque fois
lié à un personnage exceptionnel.
Ordinairement dans le roman, on expose les
différentes facettes des caractères des personnages. Les actes
héroïques, merveilleux habituellement sont du ressort de
l'épopée. Vu sous ces deux angles, En attendant le vote des
bêtes sauvages nous apparaît comme un roman au coeur de
l'épique.
-LES CHANTS OU LES HYMNES.
Le chant de par son essence est oral. Il est
particulièrement prisé par l'épopée. Christiane
Seydou fait remarquer à juste titre que « La musique est,
d'évidence, le premier élément essentiel commun à
toutes les épopées africaines [...] c'est d'ailleurs souvent
l'instrument de musique qui donne son nom au genre : hoddu (luth
à trois ou quatre cordes) pour l'épopée peule,
mvet (harpe-luth) pour l'épopée de l'Est72(*) ». Des
récits comme Soundjatou, Samba Guélâdiégui, etc,
emploient le chant et les hymnes. Le roman de Kourouma, à l'instar de
ces récits, en fait usage. On relève quatre chants ou hymnes : le
Nyama tutu, le chant des coqs de pagode, la Bibi mansa,
l'hymne de l'aigle royal, le donso Kaw dunun Kan, la voix du tambour
des grands chasseurs dont voici un extrait :
« Ô gens d'ici!
Entendez-vous l'hymne?
Entendez-vous l'hymne du maître des buffles?
Entendez-vous l'hymne du maître des
éléphants,
Entendez-vous l'hymne du maître des grands
chasseurs?
.................................................................................
(p. 313).
On a enfin le dayndyon, « appelé
force de l'âme, l'hymne de la vaillance, de la
témérité pour le chasseur ayant un gibier noir à
son tableau de chasse; par la suite il est devenu l'hymne de
l'héroïsme en toutes circonstances :
Danse, écoute le dayndyon,
L'hymne des héros,
L'hymne du malheur.
Il retentit quand le chasseur frappe de malheur,
Ou que le malheur l'a frappé.
[...]
Il est dansé par des tueurs de fauves
intraitables. Il es dansé par des tueurs de fauves
irréductibles » (p. 314).
La particularité de ces chants, c'est que, une fois
proférés, ils cessent d'être des chants, ils deviennent des
hymnes guerriers, des forces agissantes et irrésistibles pour la
personne à qui ils sont destinés. C'est ce qui fait que, lorsque
Balla Fasséké s'est introduit dans la chambre la plus
secrète du palais de Soumaoro et qu'il s'est mis à jouer du
xylophone, « Tout semblait prendre vie aux accents de cette musique
magique : les neuf têtes de morts reprirent leur forme terrestre, elles
battaient des paupières en écoutant le grave « air des
Vautours »; de la jarre le serpent, la tête posée sur le
rebord, semblait écouter73(*) ».
-LES PROVERBES.
L'utilisation massive des proverbes est
l'une des caractéristiques orales de ce roman. Kourouma a ponctué
son oeuvre d'une multitude de proverbes. Ceux-ci touchent à divers
thèmes comme le respect de la tradition, le pouvoir, la mort, etc. Ils
portent en eux la quintessence de la parole et la puissance du verbe. En
suspendant le récit, ils permettent au lecteur, ou du moins à
l'auditeur de prendre une distance pour réfléchir, penser ce qui
est dit en corrélation avec les proverbes qui, de ce fait, fonctionnent
comme des miroirs où réfléchit la narration sous une forme
condensée. Dans la tradition orale, l'emploi des proverbes est essentiel
: ne dit-on pas que « Le proverbe est le cheval de la parole; quand
la parole se perd, c'est grâce au proverbe qu'on la retrouve »
(p. 42).
En outre, il faut aussi noter, d'une part, que du point de
vue de son organisation interne, En attendant le vote des bêtes
sauvages se lit comme une épopée. La structure canonique de
l'épopée, -naissance-enfance-formation ou initiation-exil ou
voyage-retour-combat-intronisation ou fin-, est celle qui organise l'aventure
de Koyaga. En effet, Koyaga après une enfance marquée par des
prodiges, comme nous l'avons vu un peu plus haut, a eu un itinéraire
semblable à celui du héros épique : les
pérégrinations qu'il a faites en Indochine, en France, un peu
partout en Afrique correspondent à l'initiation et à l'exil
tandis que son retour dans la République du Golfe, sa prise
héroïque du pouvoir se rapportent aux deux avant-dernières
étapes de l'itinéraire épique, à savoir, le retour
et le combat. Quant à la fin, elle correspond à la perte du
pouvoir de Koyaga dans des circonstances chaotiques, apocalyptiques et
merveilleuses dignes des contes ou mythes eschatologiques. Dans les
dernières pages du roman, en effet, on assiste à un incroyable
déferlement d'êtres vivants de toutes sortes dont il impossible
de dénombre le nombre. D'autre part, vu les empreintes orales du roman
et le style de l'auteur, on peut dire que Kourouma est « un conteur
traditionnel sous la peau d'un romancier74(*) ».
Enfin, En attendant le vote des bêtes sauvages
est, tant par son mode d'énonciation, sa structure que par les
nombreux éléments empruntés aux genres oraux, une oeuvre
qui concilie l'oralité à l'écriture. Le roman est donc,
pourrait-on dire, une expérience où, l'auteur a
procédé à l'écriture de l'oralité en ayant
conféré une double face au narrataire et au récepteur.
Selon Ibrahima Wane, « La recréation par le roman de la
performance orale sert une technique de construction du statut de
l'énonciateur mais aussi du destinataire. La transcription d'une
séance de narration a la particularité de postuler d'office deux
types de récepteurs : les destinataires fictifs qui sont l'auditoire des
griots et le public réel constitué par les lecteurs du
roman75(*) ».
Ce mariage réussi entre l'écriture et
l'oralité aura été pour Kourouma un moyen de fixer
l'oralité par le truchement de l'écriture. Il a réussi
ainsi à sauvegarder de la disparition beaucoup de traits de la tradition
orale malinké qui, comme toutes les autres traditions orales
africaines, est menacée de toutes parts.
Et c'est là une expérience de bon aloi qu'il
faut prendre en compte pour sauvegarder et promouvoir l'oralité
menacée par la primauté de l'écrit et par
l'hégémonie de plus en plus grandissante des nouvelles
technologies de l'information et de la communication.
II. 2 : EXPOSÉ N°2 (SÉMINAIRE
DE M. AMADOU LY)
LE REGARD D'AIMÉ CÉSAIRE DANS LE
DISCOURS SUR LE COLONIALISME.
Les rapports sud/nord suscitent chez les auteurs depuis
longtemps, pour ne pas dire depuis toujours différents points de vue
quant à la perception que les uns et les autres se font mutuellement.
La question de ces relations a fait et fait couler beaucoup d'encre chez les
écrivains au point qu'on dispose en la matière une
littérature abondante. Le Discours sur le colonialisme fait
partie de ces oeuvres qui traitent ce sujet.
Envisager la problématique des relations sud/nord
chez Césaire consiste à s'interroger sur les rapports entre
colonisation et civilisation, colonisateurs et
colonisés. C'est, en outre, examiner les affirmations des
auteurs occidentaux.
Avant d'entrer au coeur du sujet, il nous semble utile de
dire quelques mots sur la démarche de l'auteur. La démarche de
Césaire est hautement logique et scientifique : il part de trois
présupposés ou du moins trois prémisses76(*) suivis d'un fait77(*) et aboutit à une
conclusion78(*).
L'argumentaire dans son ensemble fonctionne comme une réfutation
très élaborée où l'auteur démonte avec une
grandiloquence de bon aloi le système mensonger de l'Occident à
l'égard du Sud.
1. COLONISATION ET CIVILISATION.
Selon Césaire le « mensonge principal
à partir duquel prolifère tous les autres » part du
rapport établi entre les deux termes. Ce rapport procède
« d'une hypocrisie collective, habile à mal poser les
problèmes pour mieux légitimer les odieuses solutions qu'on leur
apporte » (p. 8). Pour démontrer le caractère
spécieux et faux de cette relation, il prend d'abord le soin de dire ce
que n'est pas la colonisation et ce qu'elle est ensuite.
Pour lui, il s'agit d'admettre que la colonisation n'est
« ni évangélisation, ni entreprise philanthropique, ni
volonté de reculer les frontières de l'ignorance, de la maladie,
de la tyrannie, ni élargissement de Dieu, ni extension du
Droit » (p.8).
Elle n'est rien d'autre, affirme Césaire qu'une
entreprise « de l'aventurier et du pirate, de l'épicier en
grand et de l'armateur, du chercheur d'or et du marchand, de l'appétit
et de la force, avec, derrière, l'ombre portée, maléfique,
d'une forme de civilisation qui, à un moment de son histoire, se
constate obligée, de façon interne, d'étendre à
l'échelle mondiale la concurrence de ses économies
antagonistes » (p.8-9). Ailleurs, il dira : « À mon tour
de poser une équation : colonisation =chosification. [...]
On me parle de civilisation, je parle de
prolétarisation et de mystification » (p.19-21).
Il ressortit ainsi que des équations
malhonnêtes : « christianisme = civilisation; paganisme =
sauvagerie [...] ne pouvaient [...] s'ensuivre [que] d'abominables
conséquences colonialistes et racistes, dont les victimes devaient
être les Indiens, les Jaunes, les Nègres » (p. 9). Donc,
« l'entreprise coloniale est, au monde moderne, ce que
l'impérialisme romain fut au monde antique : préparateur du
Désastre et fourrier de la Catastrophe » (p.
55).
Quant à la civilisation occidentale,
Césaire ne mâche pas ses mots à son encontre. Fondée
sur le régime capitaliste, selon lui, « elle est incapable de
fonder un droit des gens, comme elle s'avère impuissante à fonder
une morale individuelle » (p. 13). Et l'humanisme dont elle se targue
n'est rien qu'un « pseudo-humanisme [qui] rappétit les droits
de l'homme » parce qu'il a eu « une conception
étroite et parcellaire, partielle et partiale et, tout compte fait,
sordidement raciste » (pp. 12-13).
Il apparaît enfin que le rapport entre colonisation
et civilisation ne vise rien d'autre qu'à légitimer la
volonté des européens d'exploiter le reste du monde comme cela
transparaît dans cette conclusion de Césaire : « Et je
dis que de la colonisation à la civilisation, la distance est infinie;
que, de toutes les expéditions coloniales accumulées, de tous les
statuts coloniaux élaborés, de toutes les circulaires
ministérielles expédiées, on ne saurait réussir une
seule valeur humaine » (p. 10).
La question des relations sud/nord s'appréhende
aussi par le biais du rapport qui existe entre colonisateurs et
colonisés.
2. COLONISATEURS ET COLONISÉS.
Les Occidentaux ayant délibérément
posé des « équations malhonnêtes » et ne
jouant presque jamais franc jeux, c'est tout à fait
compréhensible qu'entre les peuples colonisés et eux il y ait des
rapports d'oppresseurs et d'oppressés. C'est ainsi qu'on a,
« partout où il y a, face à face, colonisateurs et
colonisés, la force, la brutalité, la cruauté, le sadisme,
le heurt et, en parodie de la formation culturelle, la fabrication hâtive
de quelques milliers de fonctionnaires subalternes, de boys, d'artisans,
d'employés de commerce et d'interprètes nécessaires
à la bonne marche des affaires » (p. 19).
Allant plus avant, Césaire ajoute : «
Entre colonisateurs et colonisés, il n'y a de place que pour la
corvée, l'intimidation, la pression, la police, l'impôt, le vol,
le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la
morgue, la suffisance, la muflerie, des élites
décérébrées, des masses avilies.
Aucun contact humain, mais des rapports de domination et de
soumission qui transforment l'homme colonisateur en pion, en adjudant, en
garde-chiourme, en chicote et l'homme indigène en instrument de
production » (p. 19).
Donc entre Nord et Sud, les rapports (à tout le
moins tels qu'ils exprimés dans le Discours) sont pour le moins
inhumains au point qu'on n'a pas l'impression d'avoir deux groupes humains en
contact. Aussi Césaire qualifie-t-il les Occidentaux de
« sadiques », de « tortionnaires », de
« colons flagellants », d' « académiciens
goitreux endollardés de sottises », d'
« ethnographes métaphysiciens et dogoneux », d'
« intellectuels jaspineux, sortis puants de la cuisse de
Nietzsche », d' « endormeurs », de
« mystificateurs ... (p. 31).
Cette féroce diatribe définit ainsi le
regard que porte le négro-africain, descendant d'anciens esclaves.
3. LES AUTEURS OCCIDENTAUX79(*).
Il faut préciser que cette partie étant
consacrée à la critique que Césaire fait des écrits
de certains auteurs occidentaux, nous n'examinons que quelques uns. À
travers cet examen ressortira le regard du Nord vers le Sud, et de la critique
de Césaire celle du Sud vers le Nord.
Parmi les nombreux auteurs qui ont émis des
jugements pour le moins critiquables, Césaire commence par celui qui est
le plus emblématique, le plus illustratif de la pensée
occidentale et qui a bouleversé les consciences au XXè
siècle : Hitler.
Hitler porte à l'égard de tout ce qui est
étranger à sa race un regard discriminatoire et
foncièrement raciste : « Nous aspirons, écrit-t-il, non
pas à l'égalité, mais à la domination. [...] Il ne
s'agit pas de supprimer les inégalités parmi les hommes, mais de
les amplifier et d'en faire une loi » (p. 13, Discours).
Après Hitler, Césaire rapporte les dires du
philosophe idéaliste Renan qui a fait dans son ouvrage La
réforme intellectuelle et morale une distinction des races sur des
critères dont lui seul connaît la provenance. D'après lui,
« une race de travailleurs de la terre, c'est le nègre; [...]
une race de maîtres et de soldats, c'est la race
européenne » (p. 14). Un tel regard montre la conception
égocentriste du monde occidental à l'encontre de tout ce qui
n'est pas sien. Certains auteurs élaborent les théories les plus
audacieuses pour légitimer les sauvageries et barbaries du vieux
continent sur les peuples extra-européens. C'est le cas du colonel
Montagnac, un des conquérants d'Algérie, qui affirmait que
« Pour chasser les idées qui m'assiègent quelquefois,
je fais couper des têtes, non pas des têtes d'artichauts, mais bien
des têtes d'hommes » (p. 16).
D'autres auteurs vont encore plus loin dans cette folie
d'écrire du n'importe quoi sur les autres sans autre but autre que de se
faire valoir injustement et de légitimer leurs bestialités. On a
Lapouge, Faguet, Jules Romains (de l'Académie française et de la
Revue des Deux Mondes) qui écrivaient respectivement :
« Il ne faut pas oublier que
[l'esclavage] n'a rien de plus anormal que la domestication du cheval ou du
boeuf » (p. 27).
« Après tout, la civilisation n'a jamais
été faite jusqu'à présent que par des
Blancs... » (p. 28).
« La race noire n'a encore donné, ne donnera
jamais un Einstein, un Stravinsky, un Gershwin » (p. 28).
Adjoignons, pour être complet, à ces trois
auteurs ci-dessus, Roger Caillois dont Césaire nous résume ici
la doctrine d'après laquelle « l'Occident a inventé la
science. Que seul l'Occident sait penser; qu'aux limites du monde occidental
commence le ténébreux royaume de la pensée primitive,
laquelle, dominée par la notion de participation, incapable de logique,
est le type même de la fausse pensée » (p. 49).
À l'instar de Gobineau qui disait : « Il
n'est d'histoire que blanche » (p. 51), R. Caillois ajoute :
« Il n'est d'ethnographie que blanche » (p.51).
Voilà les différents contours du regard
humaniste de l'Occident qui traite l'autre d'inférieur, d'animal et qui
de ce fait lui dénie la moindre capacité à créer,
à inventer...
Contre ces allégations Césaire avance des
arguments massue : « Là-dessus on sursaute. [...] Il reste,
bien sûr, quelques menus faits qui résistent. Savoir l'invention
de l'arithmétique et de la géométrie par les
Égyptiens. Savoir la découverte de l'astronomie par les
Assyriens. Savoir la naissance de la chimie chez les Arabes. Savoir
l'apparition du rationalisme au sein de l'Islam à une époque
où la pensée occidentale avait l'allure furieusement
prélogique » (p. 49-50).
Terminons ce panorama sur les écrits de certains
occidentaux par le cas d'un de leur éminent penseur, en l'occurrence
Mannoni qui affirmait « que la colonisation est fondée en
psychologie; qu'il y a de par le monde des groupes d'hommes atteints, on ne
sait comment, d'un complexe qu'il faut bien appeler complexe de la
dépendance, que ces groupes sont psychologiquement fais pour être
dépendants; [...] que ce cas est celui de la plupart des peuples
colonisés, des Malgaches en particulier » (p. 38).
Il faut noter que si les auteurs qui pensent de la
façon que nous venons de voir sont nombreux, il existe cependant un
petit nombre d'écrivains ou de penseurs qui portent des jugements sains
et objectifs, soit en reconnaissant les tares de l'Occident, soit en mettant en
avant les valeurs des autres, en particulier les Noirs. C'est ainsi que
Baudelaire affirmait que « Tout en ce monde [occidental] sue le crime
: le journal, la muraille et le visage de l'homme » (p.44). De son
côté, Descartes écrit que : « la raison...est
tout entière en chacun » et « qu'il n'y a du plus ou
du moins qu'entre les accidents et non point entre les formes ou nature des
individus d'une même espèce » (p. 33). Enfin Frobenius
martèle : « Civilisés jusqu'à la moelle des os!
L'idée du nègre barbare est une invention
européenne » (p. 30).
Au vu de ce qui précède, il apparaît,
d'une part, que le regard des Occidentaux est orienté pour justifier
leur entreprise de domination et d'exploitation du Sud, et, d'autre part, que
celui de Césaire est plutôt un regard critique de
dénonciation : un réquisitoire. Persuadé « que
les colonisations passent, que les nations ne sommeillent qu'un temps et que
les peuples demeurent » (p. 21), Aimé Césaire porte
aussi et surtout un regard de dépassement véritablement
tourné vers l'avenir. C'est un regard d'un grand humaniste qui constate
et dénonce les abus de l'histoire et qui - et c'est la
magnanimité de Césaire - se projette vers un
« vivre-ensemble » harmonieux où les peuples se
respectent et se « tutoient » non pas avec des
qualificatifs racistes, mais avec des qualificatifs tout simplement humains.
Le Discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire,
malgré sa virulence affichée et son caractère
apologétique, lance aussi un appel fraternel pour « une
nouvelle société », un nouveau monde : «
Nous ne sommes pas les hommes du « ou ceci ou cela. Pour nous, le
problème n'est pas d'une utopique et stérile tentative de
réduplication, mais d'un dépassement. Ce n'est pas une
société morte que nous voulons faire revivre. Nous laissons cela
aux amateurs d'exotisme. [...] C'est une société nouvelle qu'il
nous faut, avec l'aide de tous nous frères esclaves, créer, riche
de toute la puissance productive moderne, chaude de toute la fraternité
antique » (p. 29).
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Cet article est mis
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http://www.politique-africaine.com/numeros/pdf/075178.pdf
Dictionnaire de l'Académie française, version
informatique en ligne sur le site : http://www.academie-française.fr.
* 1Le manque d'implication
effective des autorités en faveur de l'enseignement et de la promotion
de la littérature orale (une très belle amorce avait pourtant
été effectuée en la matière après
l'indépendance de la Guinée en 1958), le
désintérêt de plus en plus grandissant qu'ont les jeunes
pour les études littéraires, le manque de moyen de certains
chercheurs...sont, nous semble-t-il, les raisons qui expliquent le fait que
certaines régions soient peu connues dans certains domaines de la
recherche littéraire.
* 2Diallo, Amadou Oury,
L'épopée d'Abdoul Rahmâne du Foûta-Djalon :
histoire et épopée, UCAD, FLSH, Département de
Lettres Modernes, 2006-2007.
* 3Nous avons respecté les
consignes relatives au nombre de pages requis, à savoir, une
à deux pages par document, deux à trois pages pour
le résumé ou compte rendu de chaque séminaire.
* 4Par syncope,
c'est-à-dire retranchement de syllabes ou de lettres au milieu d'un
mot, le griot ne prononce pas le y du mot wiyi. Il
procède ainsi à maintes reprises dans le récit. Nous
indiquons à travers les procédés phonétiques
empruntés au français comment certains mots ont
évolué jusqu'à être prononcés de telle ou
telle manière. Aussi les termes syncope, apocope,
aphérèse...reviendront souvent dans les notes du texte
pulaar. De tels procédés en général
permettent, d'une part, d'alléger la prononciation et, d'autre part, de
créer d'autres mots qui ont le plus souvent le même sens que
« les mots de base ». Ils sont utilisés tant
à l'oral qu'à l'écrit, mais c'est au niveau de
l'écrit qu'on perçoit nettement les effets stylistiques que les
auteurs produisent. Alfâ Ibrâhîm Sow a fait en la
matière une étude intitulée « Notes sur les
procédés poétiques dans la littérature des Peuls du
Foûta-Djalon », parue dans les Cahiers d'Études
Africaines, n° 19, Paris, Mouton et co.1965, pp. 370-387. Il y
explique, par exemple, que le mot baaba an, mon père,
peut être écrit ou prononcé en baaba an ou en
baaban selon que l'on veut avoir une voyelle longue et deux
brèves ou uniquement deux voyelles longues ( Sow, op. cit, p.
374).
* 5On a le même
procédé que pour le mot wiyi.
* 6Il s'agit là du
répondeur.
* 7Le griot a employé
le mot « Mista » de l'Anglais
« Mister ». C'est une habitude au Foûta-Djalon de
désigner ainsi des personnes qui ont séjourné au Liberia
ou en Sierra Léone. En pulaar, on devrait dire : Moodi
qui signifie usuellement
« monsieur », « seigneur »,
« honorable ». Dans un registre soutenu, il s'appliquait
aux notables; cette dernière acception est peu usitée de nos
jours. Selon notre ancien professeur de géographie du Lycée
Oustoya de Pita en République de Guinée, M. Mamadou Sâliou
Baldé, rencontré à Pita au mois de janvier 2008, ce
récit a été enregistré pendant un hirde,
ou veillée, organisé par Mista Diâby qui souhaitait
entendre Farba Ndjâla sur l'histoire du Foûta-Djalon.
* 8
« Oui » est la réplique de l'accompagnateur (Farba
Abâssi). Cette réplique est essentielle pour montrer au conteur
qu'on écoute et qu'on s'intéresse à son récit,
d'une part, et qu'on partage ou confirme ce qu'il dit, notamment lorsqu'il
pose une question, d'autre part. Le procédé est identique
à celui qui est utilisé dans l'interprétation et
l'exégèse du Coran. Dans ce récit, la réplique est
exprimée au moyen des mots : Naam (d'origine arabe),
Eyyo et Goonga. Les deux premiers termes sont à peu
près synonymes, et le troisième est plutôt employé
pour acquiescer à une affirmation ou répondre à une
interrogation. Comme cette réplique est récurrente (elle revient
après presque chaque verset et parfois divise le verset) et un peu
ennuyeuse, nous avons jugé nécessaire de ne retenir que quelques
uns : ceux qui ont une incidence dans le récit, en particulier,
lorsque le conteur s'adresse à son accompagnateur; cela permet une
meilleure lisibilité du texte et évite de prendre certaines
réponses du répondeur pour celles des protagonistes du
récit. Nous avons cependant laissé tels quels les
« oui » des deux premières pages pour permettre au
lecteur de se faire une idée de leur trop grande récurrence. Le
fait que l'accompagnateur dit souvent « oui » au conteur
oblige celui-ci à reprendre le fils de son récit en
désignant les personnes dont il parlait par les pronoms personnels
sujets; pronoms qu'on a du mal parfois à identifier. Par souci de
clarté, nous supprimons dans la traduction aussi ces pronoms en les
remplaçant par les noms propres des personnes. Il en va de même
pour les « il dit ».
* 9Le récit est
ponctué par des intermèdes musicaux dont la tonalité
varie. À chaque fois qu'elle change, nous l'indiquons en
l'interprétant.
* 10
Almâmy est le titre par lequel on désignait les
souverains du Foûta-Djalon. Il vient de l'arabe al-imaam qui
veut dire : celui qui dirige la prière, le commandeur des croyants.
L'appellation s'est tellement généralisée qu'elle
occultait parfois le nom de la personne. Dans cette épopée,
à chaque fois que le terme Almâmy ne sera pas
suivi par un nom, on doit comprendre qu'il s'agit de Almâmy Oumar,
souverain régnant à l'époque de la confrontation.
* 11C'est-à-dire
qu'il est l'arrière-petit fils de Târa Noûhou Sy et de
Mâliki Sy. Ce dernier est le père de Almâmy
Sory-le-Grand, deuxième souverain du Foûta et ancêtre de la
famille dynastique Soriyâ. Pour plus de détails
sur la généalogie de ces personnages voir notre Mémoire de
Maîtrise, L'épopée d'Abdoul Rahmâne du
Foûta-Djalon : histoire et épopée, Université
Cheikh Anta Diop de Dakar, FLSH, Département de Lettres Modernes,
2006-2007, Quatrième partie : histoire et épopée, chapitre
trois : les généalogies, pp. 233-235.
* 12Mot à mot : qui
ne fut pas moins valeureux, vaillant... que...; autrement dit, qui est aussi
digne que. Jaasaano vient du verbe jaasude ou
jaasugol : être, devenir moins valeureux, vaillant...que. Quand
on dit de quelqu'un : Ko a jassu?o, cela veut dire qu'il est
inférieur à un autre, qu'il est moins que rien.
Kadé est le nom affectif des filles ou femmes qui s'appellent
Kadiatou.
* 13Mbeembal,
ou beembal masc.,beembe, mbeembe,
plur.désigne un récipient qui sert à garder
des choses précieuses. C'est une « sorte de grand vase en argile,
façonné dans la case d'habitation, et servant à mettre en
sûreté les choses précieuses auxquelles on ne touche que
rarement», d'après Henri Gaden dans Dictionnaire
Peul-Français, fascicule I et II, Université de Dakar, IFAN,
1972, p. 37. Beembal peut aussi désigner un four
crématoire.
* 14Dianké Wâli
est le dernier roi du Ngâbou. Tourouban ou tourban signifie en
Mandingue la catastrophe, l'extermination de la race (mandingue). Les
Mandingues disent tourouban kélo : la semence (de la
nanthioya, l'aristocratie guerrière du Ngâbou) est finie,
c'est-à-dire qu'il n'y a plus de moyen de reproduction, la chute de
Kansala ayant été une catastrophe qui a entraîné la
fin du royaume. C'est là une allusion à la chute de Kansala, la
capitale du Ngâbou. Dans la traduction, nous utilisons tantôt le
nom Tourouban tantôt ce qu'il signifie.
* 15Par la passé les
Almâmy du Foûta-Djalon et les rois du Ngâbou se sont fait la
guerre plusieurs fois.
* 16Nous mettons en italique
tous les passages qui ne sont pas dits en langue pulaar et indiquons
les langues de ces dits passages dans le texte français.
* 17On attendait
miijitii.
* 18Passage du Coran :
Sourate Al-Fil (L'éléphant), verset cinq.
* 19Cheikh est,
selon A. I. Sow, « le titre reconnu par l'opinion publique à
un tierno de grande érudition et passé maître dans la
connaissance du droit et de la théologie de l'Islam. Le cheikh est un
érudit, un docte musulman de grande réputation »
(Chroniques et récits du Foûta-Djalon, Paris,
Klinscksieck, 1968, p. 8).
* 20Passage très
récurrent dans le Coran que le griot emploie maintes fois dans ce
récit. C'est une périphrase pour désigner Allah.
* 21Idem pour la note
précédente.
* 22Il est donc parvenu
à se rapprocher de très près de Dieu au point qu'il n'y a
entre eux que l'épaisseur d'un infime voile.
* 23Les Peuls disent
Ngâbou, les Mandingues ou Mandinkos et les Auteurs portugais
Kâbou, les Sérères et les Chercheurs
Gâbou.
* 24Ce verset revient
souvent. C'est par lui que les Sébhé se moquent des
Peuls du Foûta. Ils disent par ailleurs que le Peul ne connaît rien
d'autre que le taro chaud, et ignore la viande. Aussi est-il physiquement
petit et faible, disent-ils.
* 25Vocabulaire de
déférence. Le terme familier est junngo.
* 26Touro
banta signifie en mandingue : « il n'y a plus de
semence ». Voir la note 67 du texte français.
* 27Alfâ est
un titre qui vient de l'arabe al-fahim ou al-fagih, celui qui
a compris, celui qui a de grandes connaissances en droit. Tierno Diallo note
que « dans presque toutes les provinces, le titre alfa a
glissé du religieux au politique à l'exception de celle de Timbi.
Là, le titre politique des chefs de la province et de ses sous-provinces
était cerno [...] » in Les Institutions
politiques du Fuuta-Dyalon au XIXè siècle,
Initiations et Études Africaines, n° XXVIII, Dakar-IFAN, 1972, p.
161.
* 28Autrement dit cela
dépend de toi. On note dans ce verset et dans le suivant une variation
dans l'emploi des pronoms personnels : « vous » et
« tu »; ce passage du vouvoiement au tutoiement nous semble
curieux dans la mesure où le vouvoiement est de rigueur au
Foûta-Djalon à chaque fois qu'on s'adresse à une personne
plus âgée ou à une autorité (politique ou
religieuse).
* 29Dâka
Labé signifie : le campement de Labé, le lieu de
séjour; l'expression désigne le nom d'un quartier de la
préfecture de Labé.
* 30Irayma est un
nom qui vient de Ibraahiima : on remarque qu'il y a eu syncope du
b et du h et simplification de la géminée
aa. Peut-être que c'est la géminée ii qui
a donné le y de Irayma.
* 31Tierno
désigne le titre que portaient les chefs de la province de Timbi Tounni.
Il désigne en outre un lettré qui a étudié,
récité, traduit et commenté le Coran (Ceerno ko
janngu?o hunnji firi tafsiri Alqur'aana).
* 32Nom d'une des neuf
provinces du Foûta. Il tire son origine dans la guerre que les Peuls
musulmans avaient menée contre les païens. Selon Karamoko
Salmâna de Pita, le nom Timbi Tounni signifie :
« j'ai commencé à les [les païens] convertir.
(Durand, Osvald, « Moeurs et institutions d'une famille du cercle de
Pita », Bulletin du Comité d'Etudes Historiques et
Scientifiques de l'A.O.F., 1929, t. 12, Paris, Larose, (pp. 1-85), p.
8.
* 33Taalibe, sing,
taalibaa?e, plur : disciple suivant l'enseignement d'un
maître; synonyme de almuudo, almu?e. Par extension, il
désigne le maître.
* 34 Le kalwa ou
xalwa est une retraite au cours de laquelle on fait des prières
spéciales en vue d'une consultation divine pour une affaire
déterminée. Il diffère de la retraite rituelle dite
ufnagol, qui consiste à s'isoler provisoirement pour des
raisons religieuses ou politiques. Selon Tierno Mouhammadou
Samba-Mombéyâ dans Le Filon du bonheur éternel,
Paris, Armand Colin, col. Classiques Africains, 1971, pp. 72-73, « le
reclus se retire pour accomplir des oeuvres : Ufnii?o ko
lun?itanii?o dewal ».
* 35Cheikh est,
selon A. I. Sow, « le titre reconnu par l'opinion publique à
un tierno de grande érudition et passé maître dans la
connaissance du droit et de la théologie de l'Islam. Le cheikh est un
érudit, un docte musulman de grande réputation »
(Chroniques et récits du Foûta-Djalon, Paris,
Klinscksieck, 1968, p. 8.
* 36 Nous reproduisons
cette partie du récit telle quelle se trouve dans la thèse de
Tangara ; les deux textes (mandingue et français) sont
disposés séparément. Nous avons toutefois rectifié
certaines erreurs (d'accord, de ponctuation...). Les rectifications sont
signalées par l'écriture en gras.
* 37 Soufis, maîtres dans
l'art des sciences mystiques de l'Islam.
* 38 Correspondant à la
nuit du jeudi selon la perception mandingue.
* 39 Nuit du dimanche.
* 40 Le prophète Mohamed
(P.S.L)
* 41 Les signes cabalistiques
par lesquels on fait le maraboutage.
* 42 « Qu'il en soit
ainsi » dans ce contexte.
* 43 Un singe rouge.
* 44 Guerre
d'indépendance menée par le PAIGC contre le Portugal en
Guinée-Bissau.
* 45 Gris-gris très
puissant qui selon l'imaginaire populaire peut atteindre un homme à
distance.
* 46 Les marabouts mandingues
étaient respectés et vivaient en harmonie avec les animistes
mandingues.
* 47 Vers 17 heures.
* 48 Sept mois.
* 49La théorie
littéraire.
* 50Ces traits sont :
« poème narratif; imitation d'actions de haute morale;
composé autour d'une action « entière et
complète, ayant un commencement et une fin »; ampleur du
poème; composition étendue ; multiplicité et
variété des épisodes; péripéties
merveilleuses et pathétiques; utilisation du mettre héroïque
(hexamètre), élocution » (p. 21).
* 51Le procédé
de dramatisation est « un ensemble de pratiques au moyen desquelles
une idée s'élabore et se transmet, se reçoit et se
conserve », Diagne, Mamoussé (2005) Critique de la raison
orale (les pratiques discursives en Afrique Noire), CELTHO-IFAN-KARTHALA,
p. 26.
* 52Bonaventure
Mvé-Ondo, « Préface » (pp. 5-10), p.
9. dans Critique de la raison orale...
* 53Manière d'être
idéale et distinctive du Peul.
* 54À titre d'exemple,
nous donnons ici le poème intitulé « la soirée
dansante au rythme du tam-tam ». Nous avons rectifié la
traduction de dewro : à la place de copie, nous avons mis
copine.
1. Lewru ndun no sayyitaa// 5. Samba Juma
e Saatenen
2. wengaa// dow dow to weeyo 6. Nodditii
fijoo?e ?en
3. kammu ngun no ?enkitaa 7. Siran Sitan e
Kumba Korka
4. Leele no teeri amoowo 8. Wontiri ?un jinda fatwa
9. Hande Kadi ko hirde jimbe 13. Kunnakiti ko tikka sooyi
10. Hirde tama e hirde sanje 14. ?un alaa ko yeddu maa
11. Gooto kala e dewro mu'un 15. Mi weddoto ngol jooni jooni
12. Fottoyen ka ndantahun 16. Dewro tuma nde yolli?a
17. Samba Tenen tappu tii?a 20. Donkin-Dane-mawna-inde
18. Manga Sabu no hirsi 21. Lewru ndun no sayyitaa mbeewa
19. Hande ko fijo cuule julde 22. Kammu ngun no ?enkitaa
Traduction : La lune est balayée,
suspendue très haut dans l'éther. Le ciel est astiqué. La
clarté de la lune défie le danseur. Samba Juma et Saatenen
convient leurs invités à la réjouissance. Sira Sitan et
Kumba Korka s'activent à vérifier tous les détails de
l'organisation. Aujourd'hui encore c'est jour de danse au son du tam-tam, aux
tambourins et aux crécelles. Chacun avec sa copi[n]e, convergeons tous
vers l'espace public. Il ne fait l'objet d'aucun doute que Tikka soyi
est un habit à la mode. Lorsque nous serons entrés dans la
transe, je jetterai très haut mon mouchoir de tête. Samba Tenen
active-toi dans la percussion. Manga Sabu a abattu une chèvre pour la
circonstance. Aujourd'hui c'est jour de réjouissance pour l'excision de
Julde. Donkin-Dane-grand personnage illustre. (Semen, op, cit. , p.
144)
* 55 Dieng, Bassirou (1991),
« Les genres narratifs et les phénomènes intertextuels
dans l'espace soudanais (mythes, épopées et romans) »
in Annales de le Faculté des Lettres et Sciences et Humaines,
n° 31, (pp. 77-93), p. 77.
*
56Jankélévich, Vladmir (1980), Le Je-ne-sais-quoi
et le Presque-rien (2.La méconnaissance/Le malentendu), Paris,
Seuil, col. Essai, p. 211.
* 57Jankélévich,
Vladmir (1980), op. cit., p. 212.
* 58Ibid, p. 213.
* 59Ibid, p. 214.
* 60Ibidem.
* 61Tijani, Mufutau
Adebowale (2004), « Ahmadou Kourouma : un conteur traditionnel sous
la peau d'un romancier », Semen, 18 : De la culture orale
à la production écrite : Littératures africaines, (pp.
105-115), p. 107.
* 62GENETTE, Gérard,
« Introduction à l'architexte », in COLLECTIF,
Théorie des genres, Paris, Seuil, 1986, p. 89-159. Genette
définit l'architextualité comme « cette relation
d'inclusion qui unit chaque texte aux divers types de discours auxquels il
ressortit [...] » (p. 157).
* 63WANE, Ibrahima
« Transgressions, concessions et conciliations ou
l'altérité dans En attendant le vote des bêtes
sauvages d'Ahmadou Kourouma », Éthiopiques,
numéro 75 Littérature, philosophie et art 2ème
semestre 2005, p. 1. Les pages que nous donnons dans cette étude
correspondent à celles de l'article mis en ligne : elles
différent donc de celles de l'article qui a été
publié dans la revue Éthiopiques.
* 64Tijani, Mufutau
Adebowale (2004), op. cit., Semen, 18, p. 108.
* 65Paris, Éditions
de Minuit, 1952.
*
66www.politique-africaine.com/numeros/pdf/075178.pdf
* 67Dumestre, Gérard
(1979), Paris, Armand Colin, classiques africains.
* 68Dictionnaire de
l'Académie française, version informatique en ligne sur le site :
www.academie-francaise.fr
* 69Farba Seck,
« Les Almâmis de la maison des Soriyâ », Sow
Alfâ Ibrâhîm (1968), Chroniques et récits du
Foûta-Djalon, Paris, Klincksieck, (pp. 54-83), p. 55.
* 70Article, op. cit.,
p. 1.
* 71 Idem, p. 2.
* 72Seydou, Christiane (1983),
« Réflexions sur les structures narratives du texte
épique. L'exemple des épopées peule et
bambara », L'Homme, vol 23, n° 3, (pp. 41-54), p.
43.
* 73 Niane, Djibril Tamsir
(1960), Soundjatou ou l'épopée mandingue, Paris,
Présence Africaine, p. 75.
* 74 Cf. L'article de Tijani,
Semen, 18, op. cit.
* 75WANE, Ibrahima, op.
cit., p. 3. Voir la note 3.
* 76« Une
civilisation qui s'avère incapable de résoudre les
problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation
décadente.
Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses
problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte.
Une civilisation qui ruse avec ses principes est une
civilisation moribonde », Césaire, Aimé (1955)
Discours sur le colonialisme, Paris, Présence Africaine, p.
7.
* 77« Le fait est
que la civilisation dite « européenne » [...] est
incapable de résoudre les deux problèmes majeurs auxquels son
existence a donné naissance : le problème du prolétariat
et le problème colonial; [...] impuissante à se
justifier. ». Césaire, A., op. cit, p. 7
* 78« L'Europe
est indéfendable ». Ibidem.
* 79Les numéros de
pages de cette partie renvoient à celles du Discours de
Césaire et non aux oeuvres des auteurs.
* 80 Cette bibliographie
concerne à la fois le présent mémoire et la thèse
de doctorat.
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