LISTE DES SIGLES
AN
Assemblée Nationale
ANOCI
Agence pour l'organisation de l'OCI
CESTI
Centre d'Etude des Sciences Techniques de l'Information
FAL
Font pour l'alternance
FKA
Fondation Konrad Adenauer
HCA
Haut conseil de l'Audiovisuel
ONEL
Observatoire National des Elections
OSC
Organisation de la Société Civile
PDS
Parti Démocratique Sénégalais
PM
Premier Ministre
PS
Parti Socialiste
RTS
Radiodiffusion Télévision Sénégalaise
SC
Société Civile
INTRODUCTION GENERALE
Le début des années soixante voyait la plupart
des Etats africains accéder à la souveraineté
internationale. Cette autonomie est fortement marquée par des
bouleversements socio-politiques notamment l'avènement du modèle
étatique dans la gestion des sociétés africaines. Ce
modèle est un produit importé des sociétés
industrielles et une source de violences en Afrique. Fort de ce constat
plusieurs conceptions de l'Etat se retrouvent de plus en plus
institutionnalisées, et le vocabulaire étatique occupe la
sphère sociale. Le concept de démocratie en constitue le plus
fréquent dans le discours des nouveaux dirigeants des jeunes Etats.
Celui de société civile qui accompagne les transitions
démocratiques, occupe aussi une place non négligeable dans ce
nouveau vocabulaire politique, à coté d'autre comme la bonne
gouvernance ou encore le développement économique et social.
« Composée de tous les citoyens, et les
organisations que ces derniers se sont données librement en marge de
l'Etat et de la famille pour conférer d'avantage d'impact social de
rationalité, d'efficacité à leurs actions dans la
poursuite de leur but personnel »1(*), la société civile occupe une place de
plus en plus importante dans l'espace public. Son existence est
antérieure aux formes démocratiques modernes. Déjà
Hegel la définissait comme le terrain de rencontre
d'intérêts contradictoires et de marché c'est-à-dire
l'espace sociétal opposé à l'Etat. Là elle renvoie
à l'ensemble des citoyens se mouvant en dehors de l'Etat
considéré comme société à part. La
conception hégélienne retrouve celle de Karl MARX selon qui la
société civile serait un ensemble de relations
enchâssées dans le marché. Le développement des
conceptions de société civile est lié à la
tentative de produire une doctrine de l'autogestion en France. La formule
devient un emblème la gauche non communiste qui se distingue par son
refus d'attribuer un rôle essentiel à la nationalisation des
entreprises et par l'attention qu'elle porte aux mouvements sociaux. Cette
conception économique élude les autres domaines d'intervention de
la société civile. Son champ d'action touche l'espace public et
la culture politique.
Les acteurs qui donnent corps à la
société civile se trouvent en dehors de la politique, et sont
composés des intellectuels qui figurent en bonne place dans la
construction de son hégémonie. Elle est aussi composée de
« personnalités ou d'organisations non politiques ou
syndicales agissant dans un but non lucratif en matière humanitaire, de
droit de l'homme de démocratie et de développement
économique, culturel et social. »2(*)
Les organisations humanitaires comme la Croix Rouge (CR)
Caritas, Amnesty International, la RADDHO (Rencontre africaine de
défense des droits de l'homme), l'ONDH (membre de la
fédération internationale des ligues de droits de l'homme), les
ONG, la presse indépendante et les personnalités des professions
libérales tels les médecins, les chercheurs, les praticiens du
droit constituent une force sociale qui compte de plus en plus au plan national
et international. La société civile est
caractérisée par l'association volontaire, la base d'une vie
autonome au plan organisationnel et expressif. A la fois dépendante et
indépendante de l'Etat, la société civile demeure
tantôt partenaire du pouvoir politique tantôt source de contre
pouvoir en matière de démocratie.
En Afrique, la conception de la société civile
suscite encore de vives polémiques quant à sa position sur le
champ politique. Elle est marquée par un problème de conception
et de perception parmi les différents acteurs du jeu politique. A cette
difficulté de saisir le concept de société civile en
Afrique trois grandes questions interpellent le chercheur sur définition
de cette notion qui est en vogue dans les démocraties avancées,
mais qui connaît un réel problème d'implantation dans les
Etats africains aux expériences démocratiques encore faibles. Il
s'agit de sa définition, sa réalité et de sa transposition
au sud. Sa définition connaît un problème parce que les
spécialistes et les chercheurs ne sont toujours pas d'accord sur une
définition unique du concept. Les différentes approches renvoient
à des considérations particulières selon les
spécialistes et leurs expériences, les aires géographiques
et réalités politiques. La difficulté de sa
réalité et sa transposition est liée à son statut
de notion importée, mais aussi symbole d'une démocratie
poussée ce qui n'est pas toujours le cas dans le contexte africain.
Quoique sa définition paraisse problématique, il
existe un certain acquis en matière de réflexion sur la
société civile, acquis qui s'avère utile dans
l'étude des transitions démocratiques et de sa consolidation
dans les Etats du Tiers-Monde. Au Sénégal la
libéralisation de la vie politique amorcée dans les années
70 puis l'instauration du multipartisme intégral sous Abdou Diouf durant
les années 80 apportèrent des changements radicaux dans la vie
politique sénégalaise. Ces changements tout comme le
développement d'une presse critique et d'associations de défense
des droits de l'homme, l'émergence de syndicats et
l'institutionnalisation d'élections concurrentielles frayeront la voie
à une authentique société civile. Elle a pour
fonction :
De participer pleinement à la promotion d'une
citoyenneté active, exigeante et réceptive aux exigences de la
modernité politique et ouverte aux conditions de son adoption par des
sociétés qui aspirent à y accéder. Elle doit
à cet effet, entreprendre des actions résolues de sensibilisation
et d'éducation civique favorisant une meilleure gestion du projet
démocratique encore captif de la boulimie des
politiques3(*).
Par cette fonction, elle guide les populations à
s'approprier les mécanismes de la démocratie participative. Dans
ce domaine précis l'engagement de la société civile et son
dynamisme sont essentiels. Elle impulse les réformes nécessaires
et développe l'expertise indispensable dans la conception des
procédures et la conduite des démarches menant à une
nouvelle citoyenneté.
Ce point de vue normatif de la conception d'une
société civile authentique et idéale ne se traduit pas
toujours dans les pays en voie de développement où les
organisations de la société civile sont confrontées
à des problèmes de financement. Ne disposant pas toujours des
moyens de sa politique, la société civile
sénégalaise reste tributaire de la coopération
internationale et des conditionnalités des organisations partenaires et
de l'Etat. Ici on entend souvent par société civile les ONG et
d'autres mouvements sociaux qui leur sont presque connexes et sont pour la
plupart des organismes extérieurs au pouvoir politique. Ces structures
sont bien souvent impliquées dans la lutte pour la promotion des droits
de l'homme, des droits divers et particuliers et de la formation à la
culture démocratique.
Ce n'est pas suffisant pour conclure l'existence à
d'une société civile au sens classique du terme. Ces mouvements
sont souvent loin de produire une réelle influence dans les
sphères du politique et de développer des impacts certains sur la
conduite du projet démocratique national. La réalité est
que la société civile demeure encore à l'état
embryonnaire.
Nous considéreront dans ce travail que la
société civile est composée de l'ensemble des
organisations et des réseaux opérant à l'écart des
pouvoirs politiques et de l'Etat (exécutif législatif
judiciaire), mais collaborent et communiquent avec eux, en vue d'assurer une
meilleure gestion du projet démocratique.
Articuler la problématique de la société
civile et démocratie au Sénégal revient à
s'interroger si l'existence d'une société civile dynamique est
gage d'une démocratie saine ? Existe-t-il de démocratie
véritable sans société civile dynamique et
engagée ? Étudier la société civile
consisterait- il à l'opposer aux politiques, à l'Etat et ses
institutions? Souvent remise en question en Afrique il serait souhaite de
peindre l'idéale d'une société civile pour les populations
africaines, et pour le Sénégal qui a entrepris depuis longtemps
l'expérience de la démocratie. La Rencontre africaine de
défense des droits de l'homme et le Forum civil seront sans doute les
organisations sur lesquelles s'appuiera notre analyse.
L'articulation société civile et
démocratie trouve son importance dans le fait que la démocratie
est le régime vers lequel tendent la plupart des peuples. Elle permet
une meilleure participation des populations dans la gestion des affaires de la
cité. Amorcée par les théoriciens du contrat social que
sont Rousseau, Hobbes et Locke, la démocratie se consolidera au courant
du VIIIe siècle après les Révolution française et
anglaise. Elle est fondée sur la liberté individuelle et
l'égalité juridique, elle implique le suffrage universel, le
pluralisme et le relativisme politique. Selon Jean Leca elle est
« caractéristique des sociétés
admettant le libre jeu des idées politiques, économiques et
religieuses »4(*). Elle existe donc quand se crée un espace
politique qui protége les droits des citoyens de la toute puissance des
l'Etat. L'avènement de la société civile consacre alors la
fin du monopole des partis politique sur la vie publique, la fin de la
dialectique pouvoir-opposition et l'avènement d'une force sociale vive.
Cette force porteuse des préoccupations des citoyens s'érige
comme une opinion publique mure devant le pouvoir en place.
Il s'agira alors dans ce travail, d'identifier le rôle
de cette société dans le processus démocratique, mais
aussi dans quelle mesure constitue-t-elle un contre pouvoir et mieux un frein
aux dérives institutionnelles. En permettant l'implication des
citoyens, la gestion de la chose publique se retrouve au centre d'un nouvel
élan en faveur de la démocratisation des prises de
décision. Apres un retour sur la genèse de ce mouvement de la
société civile, nous analyserons sa transposition au contexte
africain et sénégalais et ses différentes composantes en
mettant l'accent sur son état embryonnaire. Nous axerons notre
réflexion sur le rôle de cette société dans le
processus démocratique actuel, son apport dans l'éveil des
consciences citoyennes et sa participation au processus électoral et aux
transitions démocratiques.
PREMIERE PARTIE :
L'EMERGENCE DE LA SOCIETE CIVILE A L'AUBE DES
TRANSISTIONS DEMOCRATIQUES
CHAPITRE I :
LA SOCIETE CIVILE : UN ACQUIS DEMOCRATIQUE
Section 1 : La société
civile : une notion transposée
La modernité politique en Afrique est marquée
entre autre par la transposition du modèle occidental de mode de
gouvernement et de gestion de l'Etat. Ainsi, à l'aube des transitions
démocratiques voit-on apparaître en Afrique des organisations de
la société civile fortement inspirées du modèle
occidental. La société civile en Afrique est fortement
marquée par son état embryonnaire qui fait d'elle une
spécificité par rapport aux autres
démocraties.
Paragraphe 1 : De l'état embryonnaire de la
société civile
La société civile nous apparaît comme
étant faite d'hommes et de femmes, de toutes conditions
organisées ou non qui, librement ou sous forme de publics variés,
s'engagent en toute responsabilité, face à l'Etat ou à
toute autre autorité reconnue, à prendre en charge la quête
de solutions de ce qui à leurs yeux et dans la cité constituent
des urgences non ou insuffisamment prises en compte. Il va de soi que la
société civile ne pourrait éclore que dans un
système démocratique où les citoyens expriment librement
leur point de vue face à la gestion du pouvoir. Ce type de gouvernement
étant nouveau en Afrique, la société civile qui accompagne
ces transitions y est encore jeune.
Elle apparaît donc, comme un processus
général d'appropriation, par les peuples et les citoyens d'un
pays, organisés en dehors de l'Etat et des autres cadres politiques
traditionnels de la politique, c'est-à-dire du droit à la
participation à l'activité publique pour la définition et
la détermination de leur condition générale d'existence.
Le fort taux d'analphabétisme en Afrique constitue un
frein à l'émergence d'une société civile dynamique,
où elle est souvent confondue à la société
politique, et à l'Etat. La démocratie qui est une notion
transposée dans nos systèmes politiques après les
indépendances est la condition première de l'émergence des
organisations de la société civile. Cette dernière
étant neuve et peu connue n'a pas fini de structurer en Afrique tous ses
contours. C'est pourquoi la société civile y éprouve une
difficulté d'émergence. Beaucoup de pays africains ont
sombré après les années soixante dans des régimes
dictatoriaux du fait de l'absence d'organisations de la société
civile, et de partis d'opposition.
Conçue dans les pays de tradition
démocratiques solides, le mouvement et l'idéologie qui
structurent la société civile y sont inconnus des populations,
contrairement aux pays africains dont les expériences
démocratiques sont encore faibles. Ces populations sont censées
être les avant-gardes et la composante de la société
civile.
Les membres des organisations de la société
civile éprouvent donc cette difficulté d'être
aperçus et acceptés comme défenseurs des
intérêts des citoyens face à la toute puissance de l'Etat.
Donc les organisations de la société civile éprouvent une
crise de légitimité au sein de la sphère publique. Point
de départ de la participation des citoyens à la vie politique, le
mouvement de la société civile constitue le fondement de la
démocratie, tandis qu'en Afrique et au Sénégal la gestion
du pouvoir politique reste à la seule appréciation des
politiques. Les populations à la base sont quant à elles,
réduites en simples observatrices de l'activité politique,
à la limite passives. Dans ces pays où la société
civile est encore embryonnaire, la présence des citoyens sur le champ
politique n'est remarquable que durant les périodes électorales.
Après une quarantaine d'années d'existence de
l'hégémonie de la démocratie chrétienne, les hommes
politiques italiens de tous les partis, ayant une crédibilité
dans l'opinion publique, comprenaient que le personnel dirigeant de l'Etat
avait besoin d'un sang nouveau, d'où l'appel à la
société civile, à des hommes et à des femmes qui
n'étaient des professionnels de la politique et avaient la
réputation d'être des citoyens et des citoyennes
éclairés et intègres. C'est dans cet ordre d'idées
qu'émerge la société civile en Afrique au début des
années 90.
.
C'est le jeu de la démocratie combiné avec celui
de la négociation qui, seul, permet à la fois l'expression
plurielle de la société civile et l'ajustement réciproque
des prétentions contradictoires des différents acteurs de
celle-ci engagés chacun dans une dynamique de défense de ce
qu'ils considèrent comme leurs droits, leurs intérêts,
leurs idéaux moraux. Or dans les pays où l'expression
démocratique est encore faible, les gouvernants sont le plus souvent
hostiles aux négociations, au dialogue entre les acteurs.
Pour ce qui est du Sénégal, sa culture politique
est un mélange de valeurs et de croyances, compensé par une
propension au débat, au jeu politique et par une conception du
pouvoir qui repose davantage sur l'interdépendance des acteurs
(même si ces relations sont inégales du fait notamment de manque
de maturité des organisations des sociétés civiles).
L'émergence de la société civile est
aussi freinée par le fait que les citoyens se trouvent
séparés de la sphère politique. Il existe un écart
énorme entre les organisations bureaucratiques de l'Etat et la
société civile.
En Afrique et au Sénégal, la classe sociale ne
saisit pas toujours son rôle dans la gestion de l'Etat. Bien que la
démocratie représentative exige que le peuple
délègue ses pouvoirs à ses représentants,
censés défendre ses intérêts, les organisations de
la société civile participent à l'émergence d'une
gestion participative des affaires publiques.
Paragraphe 2 : le rôle des intellectuels dans
l'émergence de la société civile
La notion de société civile connaît
souvent des erreurs de qualification. La plupart des cas ce sont des sujets
isolés ou hâtivement organisés qui, spontanément,
s'autoproclament « société civile ». Parfois
aussi c'est une certaine presse qui, délibérément, baptise
un groupe ou une communauté sous la même appellation. La
désignation s'applique à un objet flou, une entité
collective à configuration vague, en fonction des circonstances
d'alliance, d'opposition ou de distanciation par rapport au jeu politique.
C'est ainsi qu'il apparaît malaisé de circonscrire avec
précision les vrais acteurs de la société civile.
Gramsci s'est intéressé de prés au
rôle des intellectuels dans la société, il se disait
notamment que tous les hommes sont des intellectuels, mais que tous n'ont pas
la fonction sociale d'intellectuel. La marque première de l'intellectuel
est un fait son engagement. Les intellectuels ne doivent pas se limiter
à la production de discours comme cela est encore très
fréquent au Sénégal, mais ils doivent s'impliquer dans
l'organisation de pratiques sociales, y comprise les pratiques politiques.
Ces intellectuels organiques ne décrivent pas simplement en fonction des
de règles scientifiques, mais expriment plutôt les
expériences et les sentiments que les masses ne pourraient pas exprimer
par elles-mêmes. La nécessité de créer une culture
propre aux travailleurs est à mettre en relation avec l'appel de Gramsci
pour un type d'éducation qui permette l'émergence d'intellectuels
qui partagent les passions des masses et formant ainsi l'ossature d'une vraie
société civile.
La théorie de l'hégémonie de Gramsci est
inséparable de sa conception de l'État capitaliste, dont il dit
qu'il dirige par la force et le consentement. L'État ne doit pas
être compris comme le seul gouvernement, Gramsci distingue deux grandes
parties : la « société politique », lieu
des institutions politiques et du contrôle constitutionnel légal
(la police, l'armée, le système légal) ; la
« société civile », que l'on désigne
habituellement comme la sphère privée ou non étatique, et
qui inclut l'économie. La première est régie par la force,
la seconde par le consentement. Gramsci précise cependant que cette
distinction est avant tout conceptuelle et que les deux sphères se
recoupent souvent.
Les intellectuels conçus comme la frange
éclairée de la société, constituent le socle de son
existence et de sa vitalité. « En s'inscrivant dans une
optique positive d'insertion et d'action sociales sous l'égide des
droits de l'homme de la personne, de l'Etat de droit, de la démocratie
en général, l'intellectuel africain s'engage aussi à
s'assurer une certaine représentativité afin de mieux
gérer sa condition et finaliser son action » 5(*).
L'intellectuel sénégalais et africain devra
compter avec le symbolisme mystico politique du pouvoir et en même temps
trouver une plus large représentativité_ hormis les partis
politiques_ dans les associations, clubs, cercle de réflexion ou courant
de pensée. Le débat intellectuel, la réflexion devra
être au centre des organisations de la société civile.
C'est la somme de ces réflexions et de ces débats qui tendront
à ramer à contre-courant, si besoin est, de l'Etat en tant
qu'instance de décision instance de décision.
Les intellectuels entrent alors en convergence avec d'autres
pôles d'influences sociaux affirmés dans leurs principes
apolitiques et jouant un rôle déterminant dans l'équilibre
des jeux et des enjeux publics. C'est ainsi que commerçants, artistes et
toutes les autres composantes de la société civile classiques
peuvent se voir rallier les intellectuels, ce aux fins d'une mise en commun de
leur pouvoir d'influence et de leur capacité d'action.
Par ailleurs, il n'est pas imaginable de réduire la
société civile au microcosme des groupes ou individualités
instruits, influents sous quelque rapport ou vivant un milieu urbain, avec la
constance de n'être pas impliqués dans le jeu politique, comme
cela peut être le cas pour les syndicats.
L'intelligentsia sénégalaise, appelée
dès les débuts de la colonisation groupe des
« évolués » a contribué à
façonner la société civile, porteuse des doléances
des populations. Ella a été à l'origine de tout un courant
d'idées qui, pour s'être installées dans la contradiction
et le conflit, sont devenues une dimension importante de la
société et de la culture sénégalaise.
L'école a joué aussi un rôle important
dans la formation de l'intellectuel. La pérennité de la
société civile doit passer par une scolarisation à
l'école des futurs héritiers Les intellectuels ne sauront
être en marge de la composition des acteurs de la société
civile. D'ailleurs, c'est dans les pays développés où
l'éducation des citoyens a acquis une certaine performance que les
organisations de la société civile connaissent un prestige
véritable. Ils se distinguent dès lors par leur implication dans
le tissu social.
Section II : Complémentarité entre la
societe civile et l'etat
La société civile ne saurait être
opposée de manière constante à l'Etat en tant
qu'incarnation du pouvoir politique. Elle n'est pas composée uniquement
d'organisations agissant dans un sens opposé à l'Etat. Etablir
une barrière entre société civile et Etat ne participe pas
à faire ressortir toute la quintessence de la notion de
société civile. Ainsi apparaît-elle est d'une comme part
partenaire de l'Etat et d'autre part lien entre l'administration centrale et
locale et les citoyens.
Paragraphe I : La société civile, un
partenaire de l'Etat
Le concept de société civile peut revêtir
une caractère politique dans la mesure où d'une façon ou
d'une autre elle a été référée au pouvoir
politique et à l'Etat, d'une manière générale
à la sphère politique. Cette connotation politique lui est
restée encore aujourd'hui tant au niveau du sens commun qu'à
celui des nouveaux théoriciens, la dimension opposition étant
privilégiée dans la plupart des cas. Dans le langage courant et
populaire l'expression société civile est utilisée par
opposition aux politiques dont on estime généralement qu'ils ont
fait faillite. Employée dans ce sens, elle a un caractère
informel et global.
D'une façon générale, tant au plan
populaire qu'au plan conceptuel et théorique, on insiste surtout sur ce
qu'elle a de formel. Elle désigne des associations, ou des groupes
organisés. Ceux-ci peuvent être de plusieurs sortes et avoir des
objectifs spécifiques, toutefois ils ont en commun de se situer d'une
manière ou d'une autre par rapport à l'Etat et d'une
manière générale au politique.
Ces organisations ne sont pas pour autant opposées
à l'Etat. La collaboration, le dialogue et la communication entre
représentants légitimes du pouvoir et les instances de la
société civile sont institutionnalisés et
représentent les modalités pratiques et usuelles de
règlement de conflit entre les groupes d'intérêt. L'Etat,
en tant qu'institutionnalisation du pouvoir, régule les rapports entre
les différentes organisations et les rapports entre lui-même et
ces organisations.
Le fait de considérer la société civile
comme opposée à l'Etat risque de la dénaturer. Ainsi,
l'Etat à son tour, pour asseoir une légitimité et apaiser
l'espace social sollicite la société civile plus proche des
citoyens que ce dernier, perçu depuis un centre plus ou moins
éloigné des réalités des populations surtout celles
rurales. Dans ce partenariat l'Etat laisse de vastes domaines de la vie des
gens, de sorte que ceux-ci puissent manifester soit pour soit contre ses
institutions, afin de promouvoir ensemble à la faveur de
l'économie de marché des chances égale de vie.
Ainsi Gheorghe FULGA précise que « la
collaboration entre l'Etat et les organisations non gouvernementales devient
ainsi un principe des sociétés démocratiques actuelles,
une garantie que le pouvoir prend en considération les
intérêts des citoyens et l'agenda réel de la
société. » 6(*)
Les régimes totalitaires, où la mainmise sur
l'ensemble des domaines de la vie sociale et sur la vie des individus, sont
définis aussi par le fait qu'ils bloquent ou détruisent les
formes de manifestation de la société civile. Par contre dans un
régime démocratique les rapports entre les deux sphères
prennent d'autres formes. Les institutions de l'Etat et les composantes de la
société civile collaborent et s'interpénètrent
souvent. Cette interpénétration favorise la mise sur pied des
institutions de dialogue social.
Les ressources de la vie associative active au sien de la
civilisation moderne, industrielle, diversifient le potentiel participatif des
individus dans un espace de complémentarité par rapport à
celui de l'Etat.
La société civile introduit une
normativité alternative qui amplifie les sources de cohésion
sociale et augmente le registre des choix individuels, en ce qui concerne les
modèles du comportement civique et communautaire. La
société civile ne peut être ni le résultat d'une
syndicalisation des segments sociaux, ni une généralisation de
l'esprit syndicaliste contrairement à une certaine perception globale
qui tend à l'opposer systématiquement à l'Etat. En tant
qu'effort organisationnel interne et construction du milieu civique et
communautaire, la société civile est le segment le plus actif et
plus responsable du tissu social qui s'affirme par une
présence réflexive et une implication conséquente dans
l'innovation structurelle et organisationnel de la société
humaine.
Ce rapprochement entre l'Etat et la société
civile la différencie des partis d'opposition plus enclins à
s'opposer catégoriquement aux tenants du pouvoir. La
société civile apparaît comme des structures plus flexibles
que les partis politiques ou les syndicats. Notons à ce niveau que
l'Etat peut passer par la société civile pour inviter les partis
qui lui sont opposés à des débats à
caractère national. La société civile peut être
collaborateur de l'Etat dans le cadre de la décentralisation, qui
appelle à une gestion participative des populations à la base.
Son rôle ici peut être perçu dans des campagnes de
sensibilisation par rapport au changement institutionnel. En guise d'exemple la
société civile sénégalaise a beaucoup
sensibilisé les citoyens dans le cadre de la politique de
décentralisation.
Ce rapprochement ce manifeste en outre aussi par une relation
entre l'Etat et la société civile. Cette relation a fait l'objet
de débats intenses à l'époque, surtout par les
orientations libérales qui ont toujours fait valoir la distinction entre
les domaines publics et privés. Dans les pays africains et notamment au
Sénégal ce rapprochement n'est pas toujours net du fait que les
multiples perceptions accordent un statut totalement contestataire à
la société civile. Elle est une sorte de négation du
politique et de ses acteurs. Il est fréquent de voir une personne se
réclamer de la société civile sous le seul argument
qu'elle ne partage pas les visions du pouvoir politique.
La société civile doit aider l'Etat en
étant un moteur de développement, mais aussi constituer un lien
entre l'Etat et les citoyens.
Paragraphe II : La Société Civile comme
relais entre l'Etat et les citoyens
Entre les citoyens et le pouvoir central il existe un
très grand écart. Cet état de fait est la marque
essentielle de la sacralité du pouvoir politique. De cet écart la
société civile, la société civile se place comme un
lien naturel. Les citoyens font accéder leurs revendications via les
organisations de la société civile. Dans un contexte
marqué par la faiblesse des partis de l'opposition, ce rôle de
relais reste renforcé. Les citoyens qui se détournent de plus en
plus des partis et hommes politiques manifestent la volonté de
transférer la prise en compte de leurs problèmes aux
organisations qui se meuvent en dehors des cadres des partis politiques.
C'est le rôle que jouent aujourd'hui de nombreuses ONG,
des organisations de défense des droits de l'homme.
L'Etat en revanche est obligé de passer par cette
même société civile pour une mise en oeuvre efficace de ses
politiques publiques. Quand la loi, instrument légitime et moyen
d'action du pouvoir s'avère insuffisante l'Etat fait appel à la
société civile comme secours du fait de sa capacité de
sensibilisation. Par exemple au Sénégal avec le vote de la loi
sur l'excision, les organisations de la société civile ont
joué un rôle important dans la campagne de sensibilisation pour
arrêter ce phénomène. Bien que la loi interdisant cette
pratique soit votée à l'Assemblée nationale et
promulguée, la pratique restait toujours dans les contrées les
plus éloignées. Ces populations ont trouvé avec les
organisations de la société civile des relais qui ont pu
sensibiliser sur la portée de la loi et les dangers de la pratique. Deux
logiques ont marqué le champ social avec cette loi. D'un coté les
mesures contraignantes de la loi, et de d'autre part la puissance persuasive de
la société civile.
La société civile joue un double rôle de
régulation de l'Etat et de la société, les acteurs et les
cadres organisationnels qui sont les moteurs de cette dynamique pouvant
être très variés, mais aussi changer d'une période
à une autre. Dans une société en mouvement où le
processus de construction de la nouvelle citoyenneté vient à
peine de commencer, la société civile doit s'exprimer
constamment, investir tous les domaines, les relier à l'activité
et à la vie de l'Etat, et faire valoir ainsi la sensibilité des
citoyens dans la définition des lois et règles.
En analysant le concept, l'avocat Ousmane SEYE
précise que :
La société civile doit avoir une
définition positive, c'est-à-dire active ; elle doit pouvoir
être le relais de cette société qu'elle prétend
représenter auprès des pouvoirs publics afin de satisfaire ses
exigences, elle doit prendre en charge les exigences de la citoyenneté
de la démocratie, et pourquoi pas du développement social,
culturel et économique. 7(*)
Dans ce rôle de relais la société civile
doit être mieux structurée. La spécificité des
sociétés civiles africaines c'est la multiplicité de leurs
organes. Les pouvoirs trouvent difficilement l'interlocuteur devant servir de
relais auprès des citoyens. Cet état de fait participe à
affaiblir les organisations de la société civile qui manquent
parfois de synergie dans leurs démarches et leurs combats.
Les deux parties trouvent leur compte dans ce partenariat.
D'une part l'Etat en sollicitant l'appui des organisations de la
société civile mais preuve d'efficacité dans sa politique,
et a plus de crédibilité aux yeux de la communauté
internationale. D'autre part, la société civile renforce sa
présence sur le terrain politique, ce qui participe à consolider
sa crédibilité au niveau national.
CHAPITRE DEUXIEME :
LES AMBIGUITES DE POSITIONNEMENT DE LA SOCIETE CIVILE
PAR RAPPORT AU POLITIQUE
SECTION I : LES DOMAINES D'INTERVENTION DE LA
SOCIETE CIVILE
La vague de démocratisation des sociétés
africaines, le triomphe sans cesse du libéralisme, a permis aux
organisations de la société civile d'agir sur plusieurs secteurs
de la vie publique. Dans une démocratie libérale,
caractérisée par l'économie de marché, le
développement de l'initiative privée est fortement
encouragé par les politiques. C'est dans ce contexte que la
société civile trouve sa place dans l'espace économique,
mais aussi dans l'espace politique poussant ainsi les gouvernants à
tenir compte de leurs points de vu dans l'élaboration des politiques
publiques infléchir sur certaines politiques publiques.
Paragraphe I : L'espace socio économique
L'intervention de la société civile dans
l'espace économique est une des caractéristiques des
sociétés à démocratie libérale. L'Etat
cède une partie importante de son champ d'action pour encourager les
citoyens à participer à la construction du pays.
La dimension économique des organisations de la
société civile est marquée au Sénégal par la
présence d'associations de femmes, de GIE (groupement
d'intérêt économique) de groupements de producteurs,
d'exploitants forestiers etc. Ces différentes franges de la
société constituent des poids économiques que l'Etat est
obligé de prendre en considération dans ses politiques sociales
et économiques. Ces forces sociales se substituent d'une part à
l'Etat et constituent des avants- garde de la santé économique du
pays qui dans une certaine mesure constitue le point de départ d'une
stabilité socio politique.
Depuis le début des années 90 on assiste au
Sénégal à l'émergence de conditions favorables
à l'intervention de la société civile dans l'espace
économique national. En effet, à la faveur du
désengagement de l'Etat, de l'accroissement de la pauvreté qui
est la résultante de mal gouvernance et des politiques d'ajustements
structurels des institutions de Bretton Wood, et qui favorise des initiatives
individuelles ou collectives, des individualités des associations des
ONG de diverses natures ont proliféré dans le paysage national
pour répondre à des besoins spécifiques qui sont non ou
mal pris en compte par les structures étatiques.
Ainsi, le libéralisme politique d'un côté,
et le libéralisme économique de l'autre, auxquels sont venus
s'ajouter la décentralisation, ont favorisé un boom d'initiatives
venant d'acteurs privés.
Avec le slogan moins d'Etat, mieux d'Etat apparu avec les
politiques d'ajustements structurels on a assisté à l'apparition
et à la consolidation d'organisations locales de développement.
Certains sont nés se dotant du statut de groupement
d'intérêt économique (GIE), d'organisation non
gouvernementale (ONG) etc. Et d'autres de type informel et traditionnel d'abord
et qui par la suite ont évolué vers des formes légales et
plus structurées. C'est le cas des organisations paysannes et des
coopératives villageoises évoluant dans le monde rural. Tout ceci
traduit le besoin des populations de se doter de cadres associatifs les plus
appropriés selon le contexte socio-politique du moment afin de mieux
participer au changement social et d'occuper de nouveaux espaces
d'expression.
Dans le contexte sénégalais
caractérisé par la massification de la pauvreté, de
l'analphabétisme les divisions ethniques, les discriminations
liées au sexe etc., la société civile en a fait un combat
global de relance de l'économie. Les GIE composés le plus souvent
d'association de femmes occupent une place importante dans la prise en compte
de la dimension genre. Ces organisations agissent dans une perspective de
défense des intérêts de la femme souvent
reléguée au second plan dans la lutte contre la
pauvreté.
La situation de la femme au Sénégal est peu
enviable. Elle est largement défavorisée par le système
socio culturel, économique et politique alors qu'elle doit être un
acteur économique et un agent incontournable du développement.
Cette prise de conscience des femmes qui constituent une frange importante de
la société civile est louable au regard de leur intervention dans
les PME. Dans ce cas le combat des femmes intellectuelles se mouvant dan la
société civile est salutaire et va à l'encontre de
l'idéologie dominante chez les sociétés patriarcales
rapportées par Christine Zoé NARE :
Selon l'idéologie propre aux sociétés
patriarcales, la subordination de la femme à l'homme ne devait pas
être économique, elle devait être juridique, sociale et
psychologique car l'image de la femme n'est valorisée que dans ses
fonctions de mère et d'épouse. Elle ne doit pas être
poussée à la réussite dans les domaines qui sont la chasse
gardée des hommes comme le domaine économique, public, les
sphères du pouvoir toute chose que la réussite dans le
système éducatif contribuerait à rendre
possible. 8(*)
C'est en participant activement au changement de ses
conditions d'existence matérielle que la femme modifie le sens du regard
que la société a sur elle. A ce titre K. Marx rappelle
que :
Les rapports juridique ainsi que les formes de l'Etat ne
peuvent pas eux-mêmes, ni par la prétendue évolution de
l'esprit humain, mais qu'ils prennent au contraire leurs racines dans les
conditions d'existence matérielles dont Hegel à l'exemple des
Anglais et Français du XVIIIe siècle comprend sous le nom de
société civile et que l'anatomie de la société
civile doit être recherchée à son tour dans
l'économie politique. 9(*)
Le poids économique de la société civile
favorise sa crédibilité face à la société
politique et renforce sa capacité d'action auprès des politiques
d'où la place prépondérante des femmes et des jeunes dans
la société civile sénégalaise car constituant la
majorité sociale.
L'économie informelle n'est pas seulement une
réaction aux insuffisances de l'économie officielle à
l'intérieur d'un pays quelconque. Elle devenue un processus une
réaction à ce que l'on appelle aujourd'hui mondialisation et qui
est un processus d'unification des marchés. A ce titre l'économie
informelle dans laquelle se meut la société civile du pays
participe partiellement à la défense des intérêts
nationaux battus en brèche par la mondialisation.
Dans le langage politique actuel la société
civile idéale se veut un ensemble harmonieux de citoyens conscients et
actifs. Cette conscience politique et cette activité civique s'opposent
au conditionnement qui provient inévitablement des institutions et de
l'Etat en particulier. La question de l'économie informelle et celle de
la société civile sont comparables parce que les deux expressions
renvoient à des pratiques de substitution. En effet, les échecs
de l'économie officielle se traduisent par un chômage massif et un
nombre croissant d'exclus dont les plus inventifs cherchent une solution de
substitution qui est aussi une solution de survie dans l'économie
informelle.
Par ailleurs après les échecs de la construction
du socialisme et de la marche au communisme occasionnés par la
montée en puissance du libéralisme, le recours à la
société civile comme une solution de substitution est
suggérée par le cours de l'histoire. A cet effet le discours du
président François Mitterrand tenue à la Baule en 1990
exhortait les Etats africains à prendre en compte toutes les composantes
de la société dans la lutte pour le développement.
Dans les recherches sur la nature et les causes de la richesse
des nations (1776), Adam Smith expose sa théorie d'une distinction
fondamentale entre le politique et l'économique, autrement dit l'Etat et
la société civile qui est le champ de rapports fondamentaux
engendrés entre les individus par les activités du commerce et de
l'industrie.
Selon Marx et Engels la société civile
embrasse l'ensemble des rapports matériels des individus à
l'intérieur d'un stade de développement déterminé
des forces productives. Elle embrasse l'ensemble de la vie commerciale et
industrielle d'une étape et déborde par là même
l'Etat et la nation ou société moderne, bien qu'elle doit par
ailleurs s'affirmer à l'extérieur comme nationalité et
à l'intérieur comme Etat.
La présence de la société civile dans le
terrain économique renvoie à la conception
hégélienne, théorisée par Dominique COLAS, de
bataille de l'intérêt privé individuel de tous contre tous,
de même que le conflit de cet intérêt avec les
intérêts particuliers et les dispositions de l'Etat. La
société civile serait dans ce cas un champ de bataille des
classes sociales et des divers groupes sociaux où ce qui est directement
en jeune sont non la politique comme à la fois système social et
résultat de celui-ci pour le contrôle du pouvoir que peut
conférer le profit, le gain l'argent et la maîtrise des diverses
ressources qui les génèrent
En définitive, malgré les nombreuses
décisions prises concernant la promotion économique des
organisations de la société civile, il reste beaucoup car leur
application n'est pas toujours effective intervient-elle dans le
domaine politique pour la promotion démocratique et économique.
Paragraphe II : L'espace politique
La société civile en tant que directrice des
consciences citoyennes investit, à coté de l'espace
économique, l'espace politique. Marqué par une
prééminence de l'Etat et des acteurs du jeu politique notamment
les partis politiques et les groupes de pressions, l'espace politique donne
à la société civile son champ d'action. Ainsi s'explique
l'association étroite entre démocratie et liberté
d'expression garantie par la présence d'une société civile
dynamique. Dans les pays sous-développés, à l'instar du
Sénégal, marqués par des expériences
démocratiques encore faibles, on a tenté de concevoir la
société en dehors de la sphère politique pour garder la
toute puissance de l'Etat. Les premiers dirigeants ont cherché d'abord
à consolider l'Etat-nation au détriment de l'ouverture
démocratique.
La société civile porte les demandes et les
revendications des citoyens et interpelle les décideurs publics. La
frontière entre la société civile et la
société politique (composée des pouvoirs institutionnels
liés à l'Etat les acteurs politique en compétition pour le
contrôle de celui-ci) n'est pas étanche ; elle est poreuse et
il y a par moments osmose entre les deux réalités surtout quand
les acteurs deviennent interchangeables ou présentent le même
profil et se référent ou aspirent aux mêmes idéaux
de base.
Cette absence de frontière entre la
société civile et la société politique, fait que
celle-ci peut apparaître aussi comme un lieu non seulement de refuge de
personnalités déçues de la classe politique, mais aussi
une stratégie de redéfinition des stratégies de
réappropriation par celle-ci du champ social à des fins de
renforcement de leur pouvoir de négociation face aux autres acteurs de
la classe politique. De ce fait la société civile court le risque
d'être le refuge d'hommes politiques ayant fini d'échouer dans la
compétition, or cet état fait n'est pas le but de la
société civile.
En investissant l'espace politique, elle cherche à
être plus influente auprès des pouvoirs politiques tout en
évitant d'être instrumentalisée par les partis
d'opposition. Courtisée par la classe politique qui cherche à
l'instrumentaliser du fait de la force sociale potentielle qu'elle peut
représenter, la société civile par prise de conscience de
cela et du fait qu'elle est source réelle de production d'une opinion
publique qui peut être forte sur des problèmes et situations
revêtant un intérêt pour le citoyen pour la nation, pour
l'Etat, va chercher à se réapproprier (elle-même) cette
force politiquement.
L'intervention de la société dans l'espace
politique se mesure dans ses prises de position tranchées sur les
problèmes sociaux ou d'intérêt national revêtant un
caractère politique certain, ce qui va contribuer à la fonder
comme un pôle aux yeux de la société politique.
Le champ social, avec l'avènement d'une
société civile forte qui y intervient, et s'y affirme
politiquement, devient du point de vue de l'intérêt qu'elle
représente dans l'émergence des mentalités,
l'équivalent du champ politique considéré jusque là
comme le seul pole de proposition et de lutte pour une telle perspective. Ce
rapprochement entre la société civile et la société
politique du point de vue de leur fonction de canalisation et de
représentation des aspirations des populations aux changements
s'expliquent par la grande similitude entre les itinéraires politiques
et sociaux des leaders de la société civile et ceux des
dirigeants politiques. Ces leaders ont en général
participé dans le passé aux mêmes luttes sociales,
aspiré aux mêmes idéaux pour une société plus
juste, subi les même répressions, toutes choses qui peuvent
contribuer à forger chez eux le même type de sensibilité.
La société civile se déploie alors
pleinement dans l'espace politique par la nature politique de ses
interventions. Il arrive toutefois que ce rapprochement entre les deux
réalités constitue un danger quand il facilite des alliances
entre partis politiques et organisation de la société civile.
Plus la société civile manifeste des apparences qui la
rapprochent à la société politique, plus sa
neutralité devient douteuse.
Avec l'avènement de la décentralisation la
présence de la société civile dans l'espace reste
primordiale. La décentralisation qui un processus par lequel l'Etat
central transfère aux collectivités locales des
compétences qui lui étaient anciennement dévolues et dont
la visée est de permettre une gestion performante des ressources
locales, constitue un terrain favorable au développement de la
société civile. La société civile et les citoyens
ont une plus grande visibilité des centres de décision dans le
contexte de la décentralisation, car ces derniers sont plus proches,
mais aussi plus nombreux et plus diversifiés.
Avec la décentralisation notamment le citoyen peut
multiplier ses intérêts et son attachement sur la gestion des
affaires de la cité, ce qui lui peut motiver davantage son engagement
personnel dans les affaires de celle-ci mais aussi il peut en raison de sa
proximité même des institutions influer sur les prises de
décisions. La société civile a davantage de raison et de
motifs de s'engager dans la vie de sa cité et a le sentiment que les
institutions locales sont à portée de sa main.
Ainsi, avec la décentralisation, la
société civile, du fait de la forte pression qu'elle constitue,
rencontre le plus de chance d'être prise au sérieux par les
institutions de l'Etat, les collectivités locales. Ces dernières
seront placées devant la double nécessité, pour gouverner,
de tenir compte des initiatives à la base et se servir de la
société civile comme relais politique ou alliée
auprès des populations locales.
La présence dans l'espace politique de la
société civile dans un contexte de décentralisation permet
à cette dernière d'amener plus facilement les autorités
à répondre aux attentes des populations par une prise en compte
de leurs doléances et leur traduction en mesures opératoires. A
ce niveau, la société civile se dote d'un cadre
stratégique d'échange et de concertation à
l'échelle locale. De ce point de vue, la décentralisation en
favorisant une prise en compte plus rapide des problèmes des groupes
sociaux par l'Etat et ses démembrements, participe à
l'émergence des conditions d'une bonne gouvernance qui constitue une des
priorités des organisation de la société civile et de leur
présence dans l'espace politique.
En plus du contexte de la décentralisation, les
conditionnements des bailleurs de fonds consolident la présence de la
société civile dans le terrain politique. Nouvelles
conditionnalités des bailleurs de fonds, nouvelles formes de partenariat
des politiques publiques, pilier de la bonne gouvernance, interlocutrices de la
communauté internationale, les organisations de la société
civile sont devenues à tous les niveaux incontournables dans le jeu
politique. L'évolution des relations entre l'Union européenne et
les pays africains renforce ce positionnement. Conçu par une
vitalité idéale, mais encore remise en cause dans les pays du
sud, comme facteur de bonne gouvernance, la prise en compte des OSC dans
l'élaboration des politiques sociales reste une nécessité.
Son renforcement assure une plus grande participation des pauvres aux avantages
de la croissance économique et du renforcement du tissu
démocratique.
Pour autant qu'elle intègre l'espace politique, la
société civile ne doit en aucun cas se fondre dans des calculs
politiciens en vue de mener ses activités. La crédibilité
de la société civile doit résider dans son apolitisme et
son autonomie de gestion.
SECTION II : LA SOCIETE CIVILE AUX ANTIPODES DES
CALCULS POLITICIENS.
La société se déploie dans le cadre de
l'espace politique. Elle y rencontre l'Etat et les autres acteurs politiques.
Au Sénégal face aux multiples crises occasionnées par la
pauvreté, cet espace politique perd de sa crédibilité
devant les citoyens abandonnés souvent à leur propre sort. Aux
yeux des citoyens cet espace est incapable d'apporter des réponses aux
différentes demandes sociales, constitue un cadre corrompu, favorable
à des calculs politique. La société civile qui s'y meut
n'est pour autant épargnée de ce risque.
Paragraphe I : La dimension apolitique de la
société civile
La société civile se caractérise
fondamentalement par son apolitisme. L'apolitisme consiste à une
« attitude collective de refus de subordination de la part des
organisations ayant une action sociale (syndicats, organisations charitables)
aux partis politiques ; cette attitude ne constitue pas un refus
d'engagement politique individuel »10(*). Les organisations de la société
civile n'ont pas intérêt à s'identifier à un parti
ou une idéologie politique, pour assurer plus de
légitimité dans leur prise de position afin de veiller à
la prise en compte des revendications sociales. En s'alliant aux partis
politiques ou à la politique de l'Etat, la société civile
s'écarte de son objectif qui consiste à être un contre
pouvoir par rapport à l'Etat.
L'autre danger de la subordination reste la corruption par les
agents politiques des leaders de la société civile. Lorsque les
acteurs de la société civile sont soumis aux
conditionnalités des acteurs politiques, ils perdent leur
représentativité et peuvent être ainsi
déséquilibrés, basculés du coté de l'Etat et
détruire la condition d'existence de la société civile
voire de la démocratie.
Dans les pays du Tiers Monde, force est de reconnaître
que les organisations de la société civile, sont de plus en plus
tentées, du fait de la faiblesse de leurs moyens, de se rapprocher des
politiques. C'est ce qui fait que beaucoup d'observateur relativise l'existence
de la société civile, y compris au Sénégal.
La confusion entre société politique et
société civile jette les jalons d'un totalitarisme dans la mesure
où, dans ces pays les partis de l'opposition sont réduits au
silence du fait de la répression qu'ils subissent de la part de la
puissance étatique.
Dans un régime où les organisations de la
société civile ne gardent pas leur apolitisme, vis-à-vis
des politiques, le champ d'action des tenant du pouvoir s'agrandit et
surgissent avec lui les prémisses d'une toute puissance étatique.
La société civile cesse d'être dans ce cas un contre
pouvoir.
Dans un contexte de remise en cause de la
société politique eu égard à tous les échecs
que cette dernière a connus dans les pays du sud dans la prise en charge
des demandes sociales. La société civile apolitique garde une
image valorisante. La démocratie doit être représentative,
les forces politiques, les partis en particulier doivent être au service
d'intérêts sociaux et non pas se servir eux-mêmes. La
réalité est tout autre dans les pays africains et au
Sénégal. Dans ces pays la société civile du fait de
la faiblesse de ses moyens est souvent teintée d'appartenance politique.
Il n'est pas rare à cet effet de voir des acteurs de la
société civile intégrer la formation gouvernementale au
Sénégal. Dès lors, du fait des nombreux avantages qu'ils y
tirent, les acteurs tendent à estomper leur lutte pour la sauvegarde de
la démocratie.
A ce constat, la société politique engloutit
petit à petit la société civile porteuse des aspirations
des populations. Ainsi si le pouvoir politique ne rencontre pas de
frontière, il se dilate et affaiblit toutes les forces que la
société détenait pour limiter son pouvoir. Quand la
société civile se politise, les revendications et les
contestations des populations restent reléguées au second plan
par un Etat que la passivité des citoyens conforte dans ses positions.
Dans ce même ordre d'idées Alain Touraine précise
que :
Le problème le plus urgent est de diriger
vers le système politique les revendications et les contestations et les
utopies qui rendraient notre société plus consciente à la
fois de ses orientations et ses conflits. Nous souffrons presque partout d'un
manque de conflit, ce qui crée une ceinture de violence autour d'un
système politique qui se croit pacifier parce qu'il a transformé
ces revendications internes en menaces extérieures et parce qu'il est
plus préoccupé de sécurité que de justice et
d'adaptation que d'égalité.11(*)
En perdant sa dimension apolitique, la société
civile se fragilise et fragilise la démocratie quand ses observations ne
sont plus liées à l'intérêt général
des citoyens mais plutôt à une coloration politique.
« Il faut se demander en terme plus directement politique si les
idées et les forces politiques qui en appellent au peuple sont toujours
démocratiques(...) c'est au nom de la gauche, du peuple, de la classe
ouvrière, et de la démocratie elle-même que la
démocratie a été détruite. » 12(*)
La politisation et l'instrumentalisation fréquente en
Afrique a fini de jeter les jalons du pouvoir absolu des Etats. Ainsi le
pouvoir absolu utilise les individus et les communautés comme des
ressources et des instruments et non comme des ensembles possédant
autonomie de gestion et personnalité collective. L'appartenance
communautaire est la face défensive d'une conscience démocratique
si elle contribue à dégager l'individu d'une domination sociale
et politique. On parlerait de domination politique quand l'Etat absolutiste ne
rencontre pas de forces opposées qui pourraient l'arrêter.
Certains appellent « démocratique », la
priorité donnée aux réalités sociales sur les
réalités politiques ; d'autres, au contraire, affirment que
c'est dans l'action politique que se constituent démocratiquement le
lien social et donc l'identité collective. En fait, la démocratie
serait la complémentarité de ces deux affirmations ;
d'où l'importance des organisations de la société civile
à se saisir des réalités sociales et les porter aux
centres des décisions ; et ceci n'est possible qu'avec une
société civile apolitique et dynamique.
Aucun principe n'a d'importance plus centrale dans
l'idée démocratique que celui de la limitation de l'Etat, qui
doit respecter les droits humains fondamentaux. De plus, comment oublier que
l'adversaire principal de la démocratie dans les pays africains n'est
ni la monarchie ou la domination d'une oligarchie de propriétaire
fonciers et de féodaux, mais le totalitarisme présent en
l'absence d'une société civile dynamique ou en présence
d'une société civile politisée. La limitation du pouvoir
politique est née de l'alliance de droit naturel et celle de la
société civile, conçue au début comme la
société économique dont les acteurs revendiquent la
liberté d'entreprendre, d'échanger et d'exprimer leurs
idées. Sans cette liberté, l'idée des droits fondamentaux
serait restée purement critique.
De ce fait, le combat de la société civile pour
la promotion de la démocratie est incompatible avec l'identification de
la société civile à un parti politique ou une alliance
forte avec l'Etat. Si on confond la société politique avec la
société civile, on ne voit plus comment peut être
crée un ordre politique qui ne soit pas la simple reproduction des
intérêts de la classe dominante : la classe politique. Cette
confusion peut amener l'Etat à détenir seul la
responsabilité d'assurer l'unité de gestion de la
société. Et dans ce cas il reste peut de place à la
démocratie.
La séparation entre l'Etat, le système politique
et la société civile oblige à définir l'ordre
politique comme une médiation entre l'Etat et la société
civile. L'idéal apolitique de la société civile largement
contestée au Sénégal doit rester la pierre angulaire sur
laquelle doit s'articuler l'ensemble des déploiements de la
société civile. En plus de l'apolitisme, elle est doit être
fortement marquée par son autonomie de gestion.
Paragraphe II : L'autonomie de gestion des
organisations de la société civile
Les organisations de la société civile sont
caractérisées le pus souvent au Sénégal, par la
faiblesse de leurs moyens d'action constituant un handicap réel quant
à leur autonomie de gestion. La plupart des associations de type
formel, à ressources endogènes et aux capacités
d'autofinancement limitées tels les GIE et autres groupements
féminins courent dans les pays du sud le risque d'une soumission.
Politique. La recherche d'aides et de soutiens auprès des
autorités politiques explique d'une certaine manière cette
soumission au politique qui à la longue entraîne un silence
coupable de la part de ces organisations par rapport à la gestion
politique.
Le manque d'autonomie financière des organisations de
la société civile est à l'origine du clientélisme
et de la corruption politique fréquente dans les pays du sud. Dans un
pays gagné par la corruption des couches censées éclairer
l'opinion publique nationale, la démocratie y est sérieusement
menacée si elle n'est pas réduite à une conception
idéal mais impossible à réaliser.
Par contre, la plupart des ONG dont la source de financement
échappe à la maîtrise de l'Etat, sont potentiellement
épargnés de ce risque. Cependant le pouvoir d'entrave de l'Etat
sur ces dernières peut être élevé au moment de leur
constitution, car c'est l'Etat qui définit le système de
réglementation portant sur l'attribution des agréments et des
avantages fiscaux dont les ONG peuvent bénéficier.
Pour échapper aux pièges tendus des politiques,
les organisations de la société civile doivent mener des
politiques d'autofinancement. A ce titre une visite au niveau du siège
de la RADDHO (Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme)
sis Villa N° 4024 Amitié II Allées Seydou Nourou Tall
à Dakar nous a permis de savoir que cette ONG tire ses ressources des
activités d'impression et de photocopillage de document, de vente de
carte de membre, d'organisation d'activités lucratives (concerts...).
Même si ses activités n'assurent pas la prise en compte de la
totalité des activités de l'ONG, elle n'en est pas pour autant
dépendante des pouvoirs publics en place.
Longtemps caractérisé par le modèle du
jacobinisme français, le Sénégal connaît un retard
dans l'émergence d'une société civile autonome
libérée l'assistance étatique. De ce point de vue, les
organisations de société civile sénégalaise sont
fortement caractérisées par ce recours à l'aide et la
subvention étatique. Cette subordination ouvre la brèche pour
l'Etat ou le parti au pouvoir de nouer des alliances qui dans une certaines
mesure masque la capacité contestataire de la société
civile.
La société civile dans les pays du sud est
à l'instar de ces derniers qui attendent tout de l'extérieur,
avec parfois des mesures d'accompagnement contraignantes. La
société civile court ce même risque au plan interne face
à l'Etat qui cherche à toujours éteindre les foyers de
contestation susceptible de perturber sa politique.
En Occident, grâce à une forte position
d'autonomie et de contestation vis-à-vis du pouvoir politique, la
société civile fut à l'origine de grandes
révolutions démocratiques. La chute du Président Serbe
Milosevic en 2000, du régime de Géorgie en 2003, la
Révolution orange en novembre 2004 sont autant
d'évènements qui sont à verser au credo d'une
société civile autonome, qui doit s'inspirer les organisations
de la société civile africaines.
Selon Augustin LOADA dans ses « Réflexions
sur la société civile en Afrique : le Burkina Faso de
l'après Zongo », le régime de Compaoré pour
asseoir sa domination politique, s'est attelé à démanteler
l'opposition partisane et à neutraliser la société civile.
Mais cette stratégie s'est heurtée à la résistance
d'un certains nombre d'organisations et de leaders de la société
civile. Les ressources qui ont rendu possible cette indépendance
proviennent essentiellement de l'autonomie budgétaire ou
financière que lui garantissent certains bailleurs de fonds
séduits par leur crédibilité. Il est à noter aussi
les contributions et les solidarités existantes entre leurs nombreux
adhérents, l'existence de moyens d'informations propres et de
réseaux d'informateurs constitués de militants et sympathisants
issus à la fois de milieux intellectuels ou plus modestes. Fortes de
leur indépendance, ces organisations vont s'atteler à conserver
les espaces d'autonomie que le régime a bien voulu concéder
à la société civile.
Cette autonomie qui fait la spécificité des
sociétés civiles occidentales a été à la
faveur des transitions démocratiques comme le cas serbe et
géorgien et de leur consolidation. Les organisations de la
société civile africaines doivent aller dans le même sens
pour promouvoir les valeurs démocratiques en Afrique. Le
Sénégal a donné le ton en 2000 en réussissant une
alternance pacifique. Les observateurs internationaux, la presse nationale et
étrangère, ont reconnu l'élection présidentielle de
février mars 2000 a consacré de façon incontestable la
démocratie sénégalaise. Une démocratie qui s'est
manifestée de manière singulière et originale.
DEUXIEME PARTIE :
LA SOCIETE CIVILE ET LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE
PREMIER CHAPITRE
LE ROLE DE LA SOCIETE CIVILE DANS LE PROCESSUS
ELECTORAL
SECTION 1 : LA LUTTE POUR LA TRANSPARENCE
Dans une démocratie l'élection des
représentants du peuple constitue un moment majeur dans la vie de la
nation et de ses institutions. Elle (l'élection) appelle un choix des
représentants du peuple dans les instances de décision et les
habille de légitimité pour être les porteurs de voix et les
défenseurs des intérêts des populations. L'élection
suit un processus souvent long qui doit favoriser sa transparence. Les agents
de l'Etat ne doivent plus être les seuls à assurer la
préparation de l'élection. La société civile doit
être de plus en plus appelée à prendre part au processus
électoral. Sa présence sur le terrain se justifie par des soucis
de transparences des opérations, mais aussi par une volonté de
former et d'encadrer les populations sur les enjeux des élections.
L'élection dans certains pays d'Afrique est souvent un
moment de confrontations entre factions qui finissent par plonger le pays dans
le gouffre. De l'inscription aux listes électorales à la
proclamation des résultats, en passant par le jour du scrutin, des
contestations et des revendications d'opposants battus minent sensiblement
l'espace social.
Paragraphe 1 : La transparence: facteur de
stabilité sociopolitique
L'élection constitue un mode de désignation par
les citoyens de leurs représentants ou de leurs
délégués soit à l'échelon local, à
l'échelon national, soit dans le cadre professionnel. Elle constitue un
mode de participation du citoyen à la vie politique de son pays. La
transparence dans le processus électoral et dans l'organisation du
scrutin, confère une légitimité aux responsables
élus. L'importance des mécanismes d'accès aux positions de
pouvoir politique se mesure aux conflits qui marquent
régulièrement les élections dans les pays africains depuis
le début des années 90. La réitération du principe
électif dans plusieurs pays consacre la reconnaissance de
l'élection comme unique moyen légitime d'accession au pouvoir.
La survie du principe électif indique que les acteurs
politiques sur le continent, par conviction, nécessité ou
convenance, semblent accepter d'entrer, même à reculons, dans
l'ère démocratique. En organisant des élections
pluralistes, à périodicité fixe et à dates
convenues, ils acceptent en effet de confronter leurs différences, selon
une règle commune, la méthode démocratique.
Au Sénégal comme dans le reste des pays
africains les élections cessent d'être ce que « Max
Weber appelait des chances de puissances »13(*), mais l'occasion de conflits
internes qui déchirent l'unité nationale au grand dam des
populations. Ces dernières sont victimes d'une mise à
l'écart dans le déroulement du processus électoral, mais
payent les conséquences désastreuses des affrontements dont elles
ne sont pas à l'origine.
Le début des années 1990 voit émerger
dans les pays africains des organisations s'impliquant de plus en plus dans
l'organisation et la tenue d'élections libres et transparentes. L'action
des organisations de la société civile a été
marquée par « une intensification des luttes et une
contestation de plus en plus violente des systèmes autoritaires (...)
ces mouvements ont mis dans la rue des capitales et principales villes
africaines de nouvelles procédures de mobilisations et une nouvelle
thématique idéologique »14(*)
La plupart des régimes africains connaissent une crise
de légitimité du fait des irrégularités qui ont
entaché les élections de certains chefs d'Etat. Avec
l'avènement du multipartisme dans les années 80 au
Sénégal, l'expérience d'élections pluralistes a
souvent été accompagnée de violences
post-électorales notamment celles de 1988 et 1993. Les élections
de 1993 verront l'assassinat du Vice-président du conseil
constitutionnel de l'époque, Me Babacar SEYE. Ces violences sont souvent
attribuées aux partis d'oppositions dont le plus représentatif
est le PDS créé en 1976 par Me Abdoulaye Wade. Ce parti est
soutenu par des mouvements issus de la société. Le plus souvent
ses soutiens sont des désespérés issus de milieux
défavorisés et prêts en à découdre avec le
régime en place. Ces mouvements sont essentiellement des mouvements
urbains animés par des jeunes chômeurs, des enseignants des
élèves et étudiants, des journalistes...
Ainsi, à la suites des élections du 28
Février 1988, des émeutes ont éclaté ; ce qui
portera un coup dur à la démocratie comme l'indique Alioune
Badara DIOP« la vitrine démocratique
sénégalaise a été brisée de façon
récurrente, sous les coups de boutoirs de la colère, de la
frustration du désespoir et sans doute de l'impuissance sociologique des
adversaires de Abdou DIOUF à faire basculer la majorité des
électeurs à leur profit : l'alternance. »
15(*)
L'image démocratique du Sénégal,
modèle pour l'Afrique a été entachée par ces
événements. L'opposition qui dénonçait la fraude a
intensifié sa campagne pour une réforme du code électoral.
On assiste en 1991 à la restauration du poste de PM que le
président avait supprimé après les élections de
1983 pour renforcer son contrôle direct sur le gouvernement. Avec les
actions conjuguées de la société civile et de l'opposition
la réforme du code électoral a été effective. Cette
réforme a porté ses fruits avec les élections de 1993
puisque le PS obtiendra 58,4 pour cent des votes, le score le plus faible
enregistré par le parti depuis l'indépendance. Malgré ces
modifications l'espace politique sénégalais n'est pas devenu pour
autant stable.
L'excuse absolutoire de l'opposition
sénégalaise qui a régulièrement affronté la
répression policière et les tribunaux, avec les épisodes
tragiques des émeutes post-électorales de 1988 et 1993, est
invariable : les résultats officiels ne reflètent pas la
réalité des rapports de force réels qui lui serait
favorable. La violence électorale est une forme de violence politique
suscitée par la conquête du pouvoir. L'Etat est à la fois
ambition et cible. Ambition de pouvoir du candidat aux suffrages, il redevient,
dès que celui-ci est battu, l'exutoire cathartique des partisans
frustrés.16(*)
Le rôle de la société civile ne doit pas
consister à se rallier derrière un opposant pour combattre un
régime donné. Elle doit plutôt être impliquée
en amont du processus électoral en encourageant les populations à
s'inscrire sur les listes électorales, éclairer les citoyens sur
les projets des différents candidats en vue de favoriser des choix
rationnels.
La mise sur pied de l'ONEL en 1998 dont les membres sont issus
de la société civile a permis la tenue d'élections
transparentes et apaisées en 1998 et 2000. L'ONEL a été
impartial, même si l'opposition se montrait sceptique et pensait à
une utilisation de cette dernière par le PS pour truquer les
élections de 2000.
La société civile a investi en outre le domaine
médiatique. En 1994, une étape importante a été
franchie en matière de démocratie et d'un plus large pluralisme
institutionnel avec la création des chaînes de radios
privées. Ces radios comme sud FM et Walfadjri, ont produit un grand
nombre d'émission en langues locales. Ces émissions ont permis
à la population analphabète d'avoir accès à
l'information et à participer au débat politique. Ces
débats longtemps tenus en langue française, dans la chaîne
officielle, la RTS, laisse la majorité de la population dans un manque
d'informations.
Le dialogue politique permanent entre les acteurs du jeu
politique et les organisations de la société civile, participe de
la transparence des élections et par ailleurs la stabilité du
champ social. Cette médiation a permis une gestion concertée de
l'Etat notamment dans l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques
publiques. La mission de la société civile est surtout la
recherche de la stabilité politique et de la cohésion nationale
d'une démocratie. En amont du processus électoral, les
organisations de la société civile, pour le compte de la
transparence, des principes de régularité des listes
électorales, des règles de convocation des du corps
électoral, des formalités des scrutins. La démocratie
électorale est encadrée par tout un arsenal de dispositions
juridiques, d'où une épineuse question : celle des rapports
qui se nouent, au coeur de la concurrence électorale, entre droit et
pratique, norme et déviance, loyauté et intérêt.
La stabilité politique reste largement tributaire du
dialogue national, à l'image de l'expérience des
conférences nationales qui ont consacré la démocratie
béninoise. La société civile doit être au coeur de
ce dialogue entre les différentes composantes de la nation.
Paragraphe 2 : Le maintien
du dialogue politique
L'espace sociopolitique sénégalais est
marqué par une hétérogénéité des
acteurs : les tenants du pouvoir, les partis d'opposition et les
mouvements de la société civile. Cette dernière constitue
la pierre angulaire du dialogue politique entre les acteurs. Le dialogue
politique doit s'imposer comme instrument privilégié pour
résoudre les problèmes sociaux et asseoir une démocratie
et un espace politique apaisé. Il doit être permanent durant tout
le processus électoral. Il permet d'éviter les crises inutiles
par la recherche du consensus et d'éviter les désaccords.
Au Sénégal la RADDHO a joué un rôle
essentiel allant dans le sens du maintien du dialogue politique. Elle a servi
de médiatrice lors du différend qui opposa le Président de
la République et le Président de l'Assemblée Nationale
suite à la convocation des autorités de l'ANOCI par la commission
des finances de l'AN. Le maintien de relations consensuelles entre ces deux
institutions de la République, est plus que bénéfique pour
le bon fonctionnement de la démocratie et le respect du principe de la
séparation des pouvoirs, consacré dans la constitution
sénégalaise de 2001.
La RADDHO s'est érigée en rempart contre toutes
éventuelles irrégularités pour les élections
locales qui devaient avoir lieu au mois de Mai 2008. Face au report des
élections locales, décrété de façon
unilatérale, le dialogue politique au Sénégal s'est
révélé inexistant. A ce report s'ajoute la dissolution de
certaines collectivités jadis dirigées par des opposants. Cette
dissolution a eu des conséquences au plan social par des manifestations
des militants mécontents de la décision qui ne parait pas avoir
de justification valable. La démocratie participative en a subi les
contrecoups.
La Rencontre de Défense des Droits de l'Homme s'est par
ailleurs réjouie de la tenue du dialogue politique entre le pouvoir et
l'opposition, pour y avoir travaillé pendant près d'un an, avec
d'autres partenaires dans le cadre du Pacte républicain. Le dialogue
politique revêt beaucoup d'aspects positifs. Il contribue à
apaiser le climat politique. En Afrique la plupart du temps l'élection a
lieu dans un climat politique tendu, avec une absence totale du moindre
dialogue entre acteurs. Ce climat est peu propice à la tenue
d'élections calmes, transparentes, libres et démocratiques. Il
favorise des violences post-électorales qui ont fini de miner la
quasi-totalité des pays africains.
Le manque de dialogue entre les différents acteurs du
jeu politique, laisse présager des élections truquées
à l'avance. La conséquence qui en découle est les
violences notées après les scrutins, qui se terminent par
d'importantes pertes en vies humaines, des dégâts matériels
incalculables, des violences qui mettent l'économie du pays et ses
institutions au chaos. L'apport de la société civile est plus que
nécessaire en vue de dégrossir le contentieux
préélectoral. Les élections dernières
élections présidentielles au Kenya de 2008 en sont une parfaite
illustration.
Le dialogue participe de la restauration de la confiance des
acteurs politiques par rapport au processus électoral. Les partis de
l'opposition sont toujours suspicieux surtout quand le débat politique
et contradictoire manque au sein de l'espace politique. Au
Sénégal entre 1998 et 2000 les débats politiques ont connu
une montée en puissance avec la supervision du HCA. C'est le
résultat de ces dialogues qui ont notamment été à
l'origine de la création de l'ONEL.
Cette structure avait pour mission de superviser le processus
électoral dans toutes ses phases et de veiller à ce qu'il se
déroule en conformité avec la loi, de manière à
garantir aux électeurs et aux candidats en présence le libre
exercice de leurs droits. C'est ainsi qu'en cas de non respect des dispositifs
législatifs et réglementaires relatifs à une
autorité administrative, elle invitera celle-ci à prendre les
mesures correctives nécessaires et proposera le cas
échéant des sanctions contre le fonctionnaire ou l'agent de
l'Etat responsable. Elle pouvait, en cas de besoin, saisir les juridictions
compétentes de tel manquement et de ceux qui sont commis par les partis
politiques, les candidats ou les électeurs.
Les membres de l'institution, au nombre de neuf, ont
été choisis dans le consensus parmi les Sénégalais
connus pour leur indépendance, leur intégrité morale, leur
honnêteté intellectuelle, leur neutralité et leur
objectivité. La société civile a été
sollicitée pour remplir cette fonction hautement républicaine.
L'avènement d'une telle structure du dialogue permanent entre
société civile, pouvoir et opposition a conduit le
Sénégal sur un chemin sûr menant à une alternance
apaisée et le triomphe de la démocratie.
Après l'an 2000, on note une régression du
débat et dialogue politique au Sénégal. Ce manque de
dialogue a fortement alourdi le climat politique de ces dernières
années. Dès lors une gestion unilatérale des appareils
idéologiques de l'Etat par les seuls tenants du pouvoir exacerbe les
critiques des oppositions et des honnêtes citoyens épris de
démocratie.
On note aussi des prises de décisions
unilatérales sur des questions sensibles allant dans le sens de la vie
politique de la nation : couplage et découplage des
élections, adoption du quart bloquant, prolongation du mandat des
députés, report des élections locales de Mai 2008,
dissolution de certaines collectivités locales remplacées par des
délégations spéciales.
Dès lors le Sénégal donne l'impression,
après quelques années glorieuses en matière de
démocratie, d'un Etat fonctionnant beaucoup plus à l'arbitraire,
ayant recours plus la force qu'au droit, du fait de la réaction de la
justice caractérisée par la déresponsabilisation. Rarement
on aura vu autant de décisions de la justice, sur des questions
stratégiques et fondamentales, marquées par l'incompétence
des tribunaux (prolongation du mandat des députés, affaire
Hussein Habré, recours de l'opposition relatif aux membres de la CENA,
violences faites sur des leaders politiques ; le cas de Talla Sylla par
exemple....).
A ce titre il urge de restaurer la dignité,
l'indépendance et l'impartialité de la justice, seule garante de
l'existence d'un Etat de droit. Le dialogue politique vise à promouvoir
les bonnes décisions qui permettent de dégrossir les points de
contentieux et de consolider la confiance des acteurs. Par ailleurs, il
favorise les conditions d'une compétition à armes égales
dans tous les domaines, mais aussi un égal accès des partis
politiques (pouvoir et opposition) aux médias publics et privés,
notamment la télévision et le financement des partis
représentés à l'Assemblée Nationale.
D'autres avantages sont aussi à envisager allant dans
le sens de crédibiliser et dépolitiser les institutions
judiciaires ; en veillant scrupuleusement au respect de la
séparation des pouvoirs. En fin il est nécessaire de retenir de
retenir que le dialogue permet de susciter le débat d'idées sur
les programmes, les visions du monde et les attentes des
Sénégalais en matière de démocratie. C'est la seule
manière d'éviter que la fraude ne prenne la pas sur la
transparence et que la problématique du processus n'occulte d'autre
questions essentielles, parmi lesquelles la refondation de l'Etat et des ses
institutions, de manière à éviter les dérives sur
lesquelles la société civile semble impuissante et sur lesquelles
les citoyens dissertent sans fin. Le dialogue reste l'instrument social de
participation des populations au processus électoral et par delà
le levier de l'émergence d'une conscience citoyenne, fondement d'une
démocratie participative.
SECTION 2 : LA FORMATION ET L'ENCADREMENT DES
POPULATIONS
« Les élections, qui permettent la
compétition entre partis, constituent une pratique nécessaire au
bon fonctionnement de la démocratie. Elles donnent au peuple la
possibilité de choisir librement ses dirigeants en fonction de leur
valeur ».17(*) Cette liberté de choix
déclinée par Marie Soleil Frère reste largement tributaire
d'une rationalité qui ne sera effective qu'avec la formation et
l'encadrement des populations par une forte sensibilisation et un éveil
des consciences. Ce rôle jadis dévolu aux partis politiques
connaît une insuffisance en Afrique du fait de la faiblesse des partis
politiques, plus enclins aux luttes pour la conquête du pouvoir
plutôt qu'à la formation des populations à la
citoyenneté. Ce vide doit être récupéré par
les organisations de la société civile, du fait de leur
proximité avec le milieu social.
Paragraphe 1 : La sensibilisation pour une culture
démocratique
Il est difficile de concevoir une démocratie où
toutes les composantes de la société ne seraient pas au
même niveau d'informations et d'intériorisation des principes et
des pratiques démocratiques. Le principal obstacle à la
démocratie en Afrique est la communication politique, qui crée un
grand écart entre l'élite dirigeante et le
« bas » (Bayart). Constitué en majorité
d'analphabètes, ces populations ne sont pas toujours à même
de déchiffrer l'actualité politique, qui se vit en langue
officielle : le Français.
C'est là le sens qu'il faut accorder à
l'avènement en 1994 de la presse privée. Par le biais de cette
presse, la société civile sensibilise au maximum les populations
par l'intermédiaire des langues locales. La presse privée
constitue une frange de la société civile qui a permis de marquer
une étape importante dans la consolidation des acquis
démocratiques résultant de l'avènement du multipartisme.
On note une multitude d'émissions à la faveur desquelles, les
populations sont informées et sensibilisées. Ces dernières
en revanche donnent leur impression et leur point de vue sur la gestion des
affaires publiques. Ces émissions à l'instar de « wakh
sa khalat » (exprimer son point de vue) ou en « avis
d'expert » touche une large couche de la société.
De nombreux citoyens manifestent leur participation à
la vie de la nation que lors des consultations électorales. Par
delà l'investissement des médias, les organisations de la
société civile doivent mener des politiques de proximité,
en ayant des comités de quartier et des relayeurs. A ce titre, les ASC
(Associations Sportives et Culturelles), les comités de femmes et les
Foyers de jeunes restent des forces potentielles avec lesquelles les
organisations de la société civile doivent entrer en
étroite connexion. A défaut ces structures sont
récupérées par les politiciens qui finissent par les
détourner de leur mission sociale, au profit de la politique.
En admettant avec les tenants de l'école que le choix
de l'électeur est déterminé par une influence, la
sensibilisation en amont des populations est plus que nécessaire pour
mitiger les influences reçues durant les campagnes. A ce niveau, les
obstacles rencontrés par la société civile sont nombreux
dans un espace social où elle est encore mal perçue.
Les campagnes de sensibilisation des OSC doivent avoir pour
effet de faire comprendre aux citoyens, surtout en milieu rural, les
différentes phases du processus de vote. Il n'est pas rare, à ce
niveau, de voir, dans un bureau de vote, un électeur non averti faire
appel à une tierce personne pour se faire guider afin d'accomplir son
devoir civique. Cet électeur peut, dans ce cas, recevoir de la part de
son guide une influence de dernière minute, ce qui peut porter une
atteinte à la démocratie qui veut que le choix soit d'abord libre
et indépendant.
L'éclosion des moyens de communication a permis
d'uniformiser les attentes et les aspirations des populations en matière
de liberté d'expression. Longtemps confiné dans un monolithisme
bloquant, le système d'information en Afrique ressemble à une
boîte à échos du parti au pouvoir, souvent unique dans le
paysage politique et n'ayant rien de démocratique.
La libéralisation politique de ces dernières
années a conduit à des changements fort heureux. Ainsi les OSC y
trouvent un moyen pour instaurer un débat d'idées porteur de
message à l'endroit des populations laissées souvent à la
périphérie de la vie politique nationale. Avec le
développement des émissions interactives, les fonctions
d'information, d'éducation et de communication se trouvent
renforcées. Le développement des médias a sorti beaucoup
d'acteurs potentiels du jeu sociopolitique de leur mutisme. Il s'agit de ces
groupes d'individus issus de la société civile, longtemps
enfermés dans la réflexion confidentielle. A ce titre les
médias constituent des relais et des partenaires au développement
de la démocratie, à coté des organisations de la
société civile.
En raison de la complexité du processus
démocratique dans les pays africains, caractérisés par un
fort taux d'analphabétisme, les OSC se doivent de diffuser des
informations régulières, soutenues et accessibles à tous
à travers le pays afin de sortir les populations, censées choisir
les dirigeants politiques, de l'obscurantisme politique qui a longtemps eu des
effets négatifs sur le fonctionnement démocratique.
La reprise du contenu des émissions, par des
associations communautaires de base lors des causeries populaires, ou au cours
de session de formation des adultes dans le monde rural ou même en ville,
est un excellent moyen de multiplier l'impact de la sensibilisation sur les
populations. Les populations alphabétisées pourront aider
à la diffusion des idéaux de droit de l'homme et de
démocratie, à travers les multiples relations (familiales,
syndicales et culturelles) du tissu social.
Il est clair que le combat pour la démocratie doit
nécessairement commencer par la base, les populations locales qui font
et défont par la magie de la carte d'électeur, les régimes
et leurs gouvernements. C'est ce combat de la sensibilisation que les OSC
doivent d'abord remporter. Si les régimes dictatoriaux ont
proliféré en Afrique, c'est parce que les dirigeants totalitaires
ont d'abord joué sur la conscience des peuples en y instaurant le culte
de l'obéissance au tyran pour ensuite dépouiller les populations
de toute capacité de remise en question de quoi que se soit. Le
rôle des SC sénégalaise doit être le même
aujourd'hui, en inculquant aux populations les référentiels
nécessaires au culte démocratique.
D'autres formes de communications sont aussi à la
disposition de la SC pour ses campagnes de sensibilisation. Il s'agit entre
autres des pétitions, pour recueillir le maximum de signatures et
d'adhérents à une action menée. L'organisation de
séminaires et d'ateliers rentre aussi dans la volonté de la SC
de favoriser la démocratie en s'assurant d'abord de la fiabilité
du processus électoral. En outre des séries de rencontres sont
organisées notamment avec les populations en milieu rural et les
mouvements de femmes et de jeunes en milieu urbain.
En somme, pour une démocratie viable, le partenariat
entre OSC et presse est plus que nécessaire, c'est dans ce sens qu'on
perçoit la grande importance de la coopération entre la fondation
Konrad Adenauer avec le CESTI lors de l'événement
démocratique majeur : l'alternance de 2000. La FKA coopère
avec le CESTI à cause du rôle que la presse joue dans tout pays
moderne, un rôle d'information, de sensibilisation et de conscientisation
citoyenne. Avec son offre d'informations et d'opinions, la presse veut mettre
le citoyen en mesure de comprendre et de contrôler l'action des
parlements, des gouvernements et des administrations. Un journalisme
professionnel et engagé contribue donc de façon très
concrète et très efficace à la prise de conscience
citoyenne.
Paragraphe 2 : De l'éveil d'une conscience
citoyenne
La démocratie reste largement tributaire d'une prise de
conscience citoyenne des populations. Cette prise de conscience suppose que
chaque individu soit conscient de son rôle dans l'élaboration
d'une démocratie viable. Elle reflète la participation active de
toutes les composantes de la société. Les OSC doivent beaucoup
apporter à l'élaboration de cette conscience qui par ailleurs
stimule la participation citoyenne.
Le citoyen est une personne qui a, vis-à-vis de la
collectivité dans laquelle il vit, à la fois des devoirs et des
droits. Il doit respecter les règles d'utilités communes, mais il
participe à l'élaboration de ces règles. Cette combinaison
des droits et des devoirs vaut aussi en matière de démocratie.
Agir en citoyen pour le respect de la démocratie c'est agir ensemble. La
conscience collective peut et doit exiger une bonne gouvernance. En
effet, dans un régime de démocratie, les citoyens pour
défendre eux-mêmes leurs libertés et leurs vigilances
à la gestion publique, disposent de l'auto proclamation, au-delà
de la résistance à l'oppression et du droit de pétition.
Il y a auto proclamation des libertés lorsqu'une liberté est
utilisée pour défendre une autre. Ainsi la liberté
d'expression a joué un rôle majeur, plus discret certes mais plus
efficace sur le long terme dans la sensibilisation de l'opinion publique et
dans l'émergence d'une conscience citoyenne forte.
Ainsi les gouvernants ne doivent plus être les seuls
responsables de la mise sur pied du processus démocratique et de sa
pérennisation. Les Etats africains souffrent de ce déficit
d'engagement collectif. Le peuple, souverain, tend à observer le plus
souvent une attitude passive et spectatrice par rapport à la vie de la
nation. On note une forte extension du champ d'action des tenants du pouvoir
qui ne rencontrent d'opposition que quelques partis politiques anéantis
par la faiblesse de leurs moyens, et sont incapables d'arrêter les
dérives.
La prise de conscience doit pousser le peuple à savoir
qu'il est détenteur de la souveraineté, qu'il
délègue à ses représentants qui l'exercent à
son nom. Par l'entremise de la SC, le peuple doit veiller à la garantie
des processus électoraux, point de départ de la
démocratie.
Dans le contexte de système représentatif
défaillant où sont plongés les pays africains, le
contrôle des populations et leur totale adhésion au processus
démocratique est plus que nécessaire. Le parlement qui est
censé défendre les intérêts des populations est
largement fragilisé par une forte mainmise de l'exécutif. Au
Sénégal cette main mise s'explique par l'impressionnant nombre
des projets de lois (émanant du gouvernement) comparé aux
propositions de lois (venant des parlementaires).
La détérioration du tissu
socio-économique au Sénégal ces vingt dernières
années a plongé le pays dans une situation dramatique, qui
connaîtra son apogée avec la dévaluation du franc CFA. Elle
aura intensément aggravé le sort des populations, en devenant un
facteur d'exacerbation des difficultés et des tensions, rendant ainsi la
société plus vulnérable à la corruption politique
et économique.
On note de plus en plus avec l'émergence de la
société civile un sursaut de prise de conscience citoyenne. Les
difficultés de la vie quotidienne ont induit des stratégies de
survie, dont la saturation articulée aux multiples dysfonctionnements
aura largement contribué à la maturation de certains segments de
la population. Cette ont pris conscience des limites objectives des
institutions sociales, des pouvoirs politiques et syndicaux et des structures
associatives, à prendre convenablement en charge ses aspirations et ses
préoccupations.
Les limites objectives des rapports d'assistance et des liens
qu'avait instaurés l'Etat avec les populations ont
généré en leur sein un sursaut citoyen à travers
une plus grande implication d'une bonne partie d'entre elles dans une
mobilisation populaire et dans des initiatives individuelles et collectives.
C'est dans ce contexte :
Les femmes et les jeunes -des entités sociales qui
ont toujours été, bien qu'à des degrés
différents, présentes et impliquées dans toutes les luttes
au Sénégal -ont fait preuve d'une grande détermination et
ont ainsi été, à l'intérieur comme à
l'extérieur des partis politique, parmi les principaux acteurs des
transformations en cours notamment l'alternance de Mars 2000.
18(*)
Aujourd'hui cet électorat doit rester serein et
vigilant et veiller plus que jamais, avec la même détermination,
à ce que les nouvelles autorités respectent la démocratie
qu'il a contribué à instaurer dans un pays marqué par 40
ans de règne du PS.
Les populations ont mis dans cette dynamique des circuits
informels et des logiques de survie et ont fini par comprendre avec le temps,
qu'elles pouvaient infléchir le cours des choses par une plus grande
détermination et par une implication citoyenne. Elles ont
décidé grâce à la mobilisation de la
société civile, des syndicats, de divers mouvements sociaux et de
leaders d'opinion, relayés par les médias.
Cette prise de conscience collective et républicaine a
permis de mettre en 2000 un processus électoral transparent, et une
participation massive qui a conduit le Sénégal vers une
alternance pacifique et historique. Ainsi, selon Mamadou Mbodj :
L'alternance politique et le départ du
président Abdou Diouf dans des conditions démocratique traduisent
le fait que le pays a atteint l'âge de la maturité
républicaine et devra faire ses preuves pour asseoir, développer
cette maturité. 19(*)
L'émergence de la conscience citoyenne apparaît
aussi dans le rapport entre le citoyen et le pouvoir politique d'une part, et
entre ce même citoyen et certains cercles religieux. Dans la
période de campagne pour l'élection présidentielle de
Février -Mars 2000, une bonne partie du peuple sénégalais
semblait avoir rompu avec la vision obscurantiste qui concevait le pouvoir
politique comme une affaire des dieux, et dès lors, le pouvoir spirituel
n'avait plus à interférer dans ses rapports avec ce même
pouvoir politique. Celui-ci est désormais considéré sinon
perçu comme comptable de son action et de sa gestion, tandis que le
pouvoir religieux est de plus en plus invité à se cantonner
à la vie religieuse et à la spiritualité. Les connexions
et interaction politico-religieuses sont de plus en plus
décriées.
Cette invitation est perçue au Sénégal,
lors des élections de 2000, par le refus des citoyens des consignes de
vote qui étaient largement en faveur du candidat Diouf battu au second
tour. En outre les velléités d'émancipation des femmes de
la tutelle des hommes, et celle des jeunes du carcan du groupe familial sont
vécus comme de véritables obstacles à la liberté
d'initiatives et d'éveil de conscience.
La plupart des groupes et associations produits par cette
trajectoire, sont négligés dans les grandes constructions
épistémologiques et idéologiques sur les transitions
démocratiques. On privilégie plutôt (comme dans
l'utilisation africaniste du concept de société civile) les
acteurs qui affrontent l'État au détriment des groupes et
associations qui se cantonnent au niveau local et qui ont un impact
considérable sur la vie et la survie des communautés, sans
prendre part aux luttes pour le contrôle du pouvoir et des moyens
d'enrichissement.
La nouvelle conjoncture économique a provoqué,
selon plusieurs observateurs, l'entrée fracassante sur la scène
politique et économique africaine de nouveaux acteurs, exclus du jeu
politique pendant au moins trois décennies : les jeunes et surtout les
femmes qui réinventent, en marge de la scène politique ou au
coeur des dispositifs partisans, des affiliations contraires au sectarisme des
organisations ethnico-religieuses des élites politiques, afin de
recréer un tissu social solidaire face aux logiques de fragmentation.
Les jeunes, tout comme les femmes, du fait même de leur exclusion, durant
la période nationaliste élaborent désormais des
activités communautaires construites sur des dynamiques d'inclusion, de
contrôle et de responsabilités , qui jurent avec les idiomes et du
nationalisme et des nouveaux discours sur la gouvernance et la
démocratie.
Chapitre 2 :
LA SOCIETE CIVILE DANS LES TRANSITIONS
DEMOCRATIQUES
SECTION 1 : LA SOCIETE CIVILE FACE AUX DEFIS
DEMOCRATIQUES
Une réflexion sur les transitions démocratiques
nécessite avant tout un minimum de clarification conceptuelle. De nos
jours, le mot
« démocratisation » est devenu un label presque
banal que nous donnons à tout ce qui est bon et souhaitable pour le
public. Que l'entrée des facultés soit maintenant ouverte
à tout le monde et nous concluons par exemple que les études
universitaires se « démocratisent ». Il est pourtant
difficile de s'exprimer autrement lorsqu'il s'agit de considérer le
passage d'une forme de gouvernement non démocratique à une autre,
cette fois-ci démocratique dans un pays donné. Dans ce cas
précis, le terme de démocratisation se comprend par exception
dans sa signification exacte qui est politique. Elle se rapporte au processus
d'établissement d'un régime pluraliste ainsi qu'à son
résultat apprécié tant au niveau de son enracinement
durable que de son authenticité en matière de respect de la
volonté populaire et des droits de l'homme. Ce passage à la
démocratie, perçu sous le vocable de transition
démocratique s'est effectué dans la plupart des Etats africains
autour de l'année 1990 dans un contexte marqué par la fin de la
bipolarisation du monde et surtout du triomphe de la démocratie
libérale.
La démocratie suggère alors à la fois
l'idée d'un projet de société, pour plus et mieux de
libertés, et d'une dynamique politique dans la construction d'un cadre
institutionnel de son éclosion. Les OSC ont un rôle important
à jouer dans ce projet qui consiste à enraciner la
démocratie, en s'érigeant d'abord en contre pouvoir et ensuite
à lutter contre les dérives institutionnelles.
Paragraphe 1 La société civile comme contre
pouvoir
Depuis le début des années 90, en Afrique noire
francophone, la vie politique ainsi entendue, revêt d'une part des traits
familiers parce que propres aux systèmes politiques démocratiques
et pluralistes comme, par exemple, la reconnaissance de la compétition
électorale comme mode de régulation du jeu politique. D'autre
part, elle présente des éléments qui participent des
processus d'inventions démocratiques propres aux sociétés
africaines, traduisant à la fois leur nature de démocraties
émergentes et des moments spécifiques de passage de
l'autoritarisme à la démocratie, comme, par exemple, le
phénomène des conférences nationales, le soudain
bourgeonnement des partis politiques. Cette vie politique se caractérise
ainsi par des métamorphoses ou des mutations surprenantes, par exemple
l'irruption de nouveaux acteurs, comme les médias privés, mais
aussi par des pesanteurs d'un autre âge politique, comme la continuelle
présence des militaires.
Comme la démocratie, la transition démocratique
est le type même de concept dont le parcours théorique demeure
encore ambigu et contradictoire. En effet, ce qu'on qualifie sous le vocable de
transition démocratique a fait l'objet de plusieurs
études théoriques et suscité des espoirs depuis
près de trente ans avec la chute de la dictature franquiste en Espagne,
la disparition des régimes militaires en Amérique Latine et
surtout avec l'effondrement du bloc communiste et les vagues d'ouverture
démocratique en Afrique dans les années 1990. Conçu au départ pour rendre compte d'une
manière théorique du passage à la démocratie
d'un nombre croissant des pays du sud et de l'est au cours des années
1980 et ceci, dans le sillage des démocratisations ibériques, le
concept se présentait alors comme contingent avec des limites
spatio-temporelles. Mais avec les vagues de
démocratisation des années 1990 dont la plupart se sont vite
essoufflées ou ont régressé, les transitologues ont peu
à peu étoffé le concept en intégrant une dimension
temporelle dans l'analyse du processus. La doctrine
actuelle de la transition démocratique est orientée
vers l'analyse de ses consolidations avec un accent particulier mis sur les
facteurs sociaux internes et externes susceptibles d'influencer le processus.
La transition démocratique s'analyse donc en une extension
progressive du principe de citoyenneté à un nombre plus vaste de
participants et/ou à un champ politique plus vaste dans la perspective
d'une prise de décision collective ou par l'intermédiaire des
représentants élus. Ce passage s'effectue en différentes
phases : élections, consolidation et institutionnalisation.
Il faut préciser pour lever toute équivoque que
la SC en s'érigeant en contre pouvoir n'a pas vocation à
s'opposer aux tenants du pouvoir, comme le ferait un parti d'opposition. La SC
a ici comme mission de servir de pouvoir social pour mieux contrôler
l'action du pouvoir politique.
L'élection présidentielle de Février -
Mars 2000 qui s'est soldée par la victoire du candidat Wade au
2e tour constitue un cas tout à fait exceptionnel. Sous la
surveillance de l'Observatoire Nationale des Elections (ONEL), de l'organe de
régulation des médias, et des observateurs internationaux, dont
la francophonie, des médias privés et publics nationaux et
étrangers. Cette élection s'est déroulée dans la
concertation entre tous les acteurs du processus électoral, dans le
calme et dans la démocratie. Ceci ne signifie pour autant que des
améliorations ne sont pas à apporter à la transition
démocratique. A ce titre les OSC doivent veiller à l'exercice du
pouvoir en se constituant en contre pouvoir afin d'éviter la gestion
solitaire du pouvoir et d'assurer pleinement la participation totale des
populations.
Selon le Professeur Assane SECK, la SC a permis l'ouverture
démocratique intégrale au Sénégal. Il note
que :
Toute l'agitation qui s'en prenait si violemment aux
barons n'était que l'expression de l'ouverture démocratique que
connaît le Sénégal. Face à cet acquis capital, on
doit reconnaître que si le parti unique donne au gouvernant une
dangereuse illusion de quiétude comme celle de la chaudière
active fermée (...), la démocratie, elle, fournit à tous
les moyens d'une contestation salutaire. 20(*)
En plus Alain Touraine reprend, dans Qu'est-ce que la
démocratie, Ostrogorski en précisant notamment « La
fonction des politiques de masses dans une démocratie n'est pas de
gouverner, elle n'en sera probablement jamais capable... c'est toujours une
petite minorité qui gouvernera, en démocratie aussi bien en
autocratie. La propriété naturelle de tout pouvoir est de se
concentrer, c'est comme la loi de gravitation de l'ordre social. Mais il faut
que la minorité dirigeante soit tenue en échec. La fonction des
masses en démocratie n'est pas de gouverner mais d'intimider les
gouvernants. » 21(*)
Les élites, en s'emparant des armes du colonisateur,
avaient aussi hérité ou reproduit le modèle
constitutionnel de la métropole coloniale, mais privé de son
esprit et de son contexte. Cette appropriation malhabile a favorisé
l'entrée de l'Afrique dans l'autoritarisme sous ses différentes
formes : (monopartisme, coups d'Etat militaires, patrimonialisme,
présidence à vie etc.). Cet autoritarisme trouvait sa
justification dans la volonté des premiers dirigeants à
construire l'Etat nation et du projet développementaliste sacrifiant la
démocratie véritable, qui est le pouvoir du peuple, sur l'autel
des tyrans et des dictateurs libéraux, socialistes et marxistes de la
postcolonie.
C'est au détour de cet échec postcolonial que
les mouvements réellement démocratiques et populaires
essaimèrent dans la plupart des pays africains à partir des
mouvements sociaux issus de la SC, des revendications. Ces mouvements sont de
véritables forces sociales qui servent de contre pouvoir. Ces
contestations, dans la formulation politique exigèrent une
économie nationale saine et adaptée au système mondial en
place, une bonne gouvernance, de nouvelles institutions et le choix libre de
leurs représentants. Ils réclament donc la participation de
toutes les forces de la nation à la chose publique.
Les OSC se sont érigées en contre pouvoir en
remettant en question les régimes à leur place. Ces mouvements,
rejetant le constitutionalisme des « pères de la
nation », réclament un Etat de droit et la démocratie
depuis le lendemain des indépendances. La vie associative contribue
davantage à faire reculer l'autoritaire, l'arbitraire et se traduit par
des pressions efficaces en faveur de la démocratie et de la bonne
gouvernance.
Dans ce contexte politique sénégalais
marqué par une promotion de la démocratie et de la bonne
gouvernance, qui sont devenus non seulement des conditionnalités des
institutions financières internationales, mais une exigence sociale, la
SC doit s'ériger en quatrième pouvoir pour que se réalise
cet idéal de gestion démocratique, et pouvoir par la même
occasion lutter contre les dérives institutionnelles émanant des
tenants du pouvoir.
Paragraphe 2 : La société civile face
aux dérives institutionnelles
Le système institutionnel sénégalais
laisse entrevoir un régime de type présidentiel, puis
présidentialiste. Sur ce point, il n'y a pas de différences
marquées entre les deux périodes que nous avons
distinguées depuis l'indépendance. Quant à
l'Assemblée, après avoir été une chambre
d'enregistrement, elle est aujourd'hui, par la présence en sein de
quelques députés de l'opposition une tribune politique, mais ses
capacités d'initiative en matière législative ou de
contrôle du gouvernement sont extrêmement faibles.
Cette faiblesse de l'institution parlementaire souvent
subordonnée au pouvoir exécutif ouvre la brèche aux
dérives institutionnelles venant de l'exécutif. Ce chevauchement
entre ces deux pouvoirs marque un frein au principe de séparation des
pouvoirs et au-delà un frein à la démocratie et à
la bonne gouvernance. Au Sénégal, bien que la bonne gouvernance
soit érigée en principe constitutionnel, son effectivité
reste sujette à caution du fait de la toute puissance de
l'exécutif.
Le parlement qui est censé contrôler l'action du
gouvernement reste affaibli par les majorités mécaniques,
où beaucoup de députés pensent devoir leur sort beaucoup
plus au président de la République qu'au peuple qui les a
mandatés. Les parlementaires sont plus prompts à rendre service
à ce dernier, histoire de rendre hommage à celui qui a
été à l'origine de leur investiture. Les
intérêts du peuple étant tout simplement
relégués au second plan voire négligés. En
l'absence d'un contrôle parlementaire adéquat, le pouvoir
exécutif tend alors à devenir autoritaire au grand dam de la
démocratie et du peuple.
On constate après l'avènement de l'alternance
une quasi concentration des pouvoirs au niveau de la présidence de la
république, le parti au pouvoir et le gouvernement. Il est arrivé
au Sénégal après l'alternance que le président de
la république s'immisce et prend les devant sur des questions qui
relèvent du domaine parlementaire ou judiciaire. La brouille qui a suivi
la convocation du président de l'ANOCI par la commission des finances de
l'Assemblée Nationale (AN) a témoigné de la limite du
principe de séparation des pouvoirs au Sénégal, et des
multiples dérives émanant de l'exécutif. Cette brouille
témoigne encore de la fragilité du système
démocratique et des institutions politiques au Sénégal.
Quant au pouvoir judiciaire, il apparaît lui aussi
soumis aux pouvoir exécutif, même si par rapport à d'autres
Etats africains il semble jouir d'une certaine marge de manoeuvre. A ce titre
Coulon en citant Sheldon Gellar souligne que « les tribunaux ont
rarement statué à l'encontre du gouvernement sur les importants
problèmes constitutionnels et lors des procès
politiques. » 22(*)
L'instrumentalisation de la justice s'est accrue d'une
manière importante au Sénégal ces dernières
années. Le cas de Idrissa Seck, ancien premier ministre avec les
« chantiers de Thiès, ville dont il est le maire, en constitue
un exemple. Tout laisse à voir une emprise des aspects politiques sur le
droit dans cette nébuleuse. La justice sénégalaise en a
beaucoup perdu de sa crédibilité du moment où
jusqu'à l'heure où nous sommes, le peuple n'est édifier
sur ce problème sensible qui est le détournement de
déniés publics. Ce problème qui a tenu en haleine le
Sénégal et les Sénégalais pendant plusieurs
années témoigne de la main mise de l'exécutif sur le
judiciaire. Ceci est d'autant plus évident qu'à la veille des
élections présidentielles du 27 Février 2007, ont
entendait le Chef de l'Etat sur les antennes de la télévision
nationale déclarer que son ancien PM est innocent et qu'il accepte de
revenir au bercail qu'est le PDS.
Le président de la république s'est ainsi
substitué à la haute cour de justice en donnant le verdict de
cette affaire.
La situation qui prévaut actuellement au
Sénégal est selon Mamadou Dia « La
matérialisation d'un état de fait qui trouve son origine dans la
constitution de 2001, laquelle a engendré un bonapartisme personnaliste,
sans équivalent historique».23(*) Sous l'euphorie de l'alternance de 2001, le
Sénégal adopte par voie référendaire une nouvelle
constitution qui à tous les égards, renforce les pouvoirs du
président de la république, mais aussi participe à une
concentration excessive de tous les droits entre les mains de
l'exécutif. Ceci a conduit à une véritable centralisation
du pouvoir, qui par ailleurs, a débouché sur une paralysie dans
le fonctionnement normal des institutions républicaines.
.
Le rôle de la SC devrait être dans ce cas de
figure de sensibiliser les populations en amont sur les dispositions de la
nouvelle constitution qu'elles étaient appelées à adopter
par référendum. Ainsi quelques années seulement
après l'alternance, nous constatons que les nouveaux dirigeants, loin de
se préoccuper à rétablir les bases institutionnelles d'une
véritable démocratie pour le Sénégal, se sont
évertués, au contraire à tenter de renforcer le pouvoir du
président, devenu aujourd'hui quasi monopolistique, sur l'ensemble de
l'appareil d'Etat. Cette entreprise a commencé par une
accélération de la transhumance politique, ouvertement
encouragée par d'importants secteurs du parti au pouvoir. Cette
dernière n'est rien d'autre que le résultat de manoeuvres
politiciennes encouragées pour permettre le repêchage des battus
de la dernière élection présidentielle, à condition
qu'ils viennent renforcer le clan présidentiel, ce qui a, du reste,
contribué à l'assombrissement des horizons de la
révolution populaire et démocratique du 19 mars 2000.
SECTION 2 : La section civile face à la
corruption politique
« Que se passe-t-il lorsque les acteurs
politiques ne sont pas soumis aux demandes des acteurs sociaux et ......
leur représentativité ? Ils peuvent, aussi
déséquilibrés, basculer du côté de l'Etat et
déduire la première condition d'existence de la
démocratie, la limitation de son pouvoir »24(*). Ce constat de Alain Touraine
s'applique parfaitement aux démocraties africaines où on note une
crise de la représentativité mais aussi une insatisfaction des
demandes sociales.
Paragraphe. 1 : La crise de la
représentativité
On note de plus en plus dans l'espace politique
sénégalais une crise de la représentativité
démocratique. Cette crise est due à la faiblesse des partis
politiques d'opposition et de leur manque d'organisation. Force est de
souligner que les partis politiques ne remplissent pas le contrat qui les lie
avec les citoyens.
Il apparaît nettement aux yeux de l'observateur de la
vie politique sénégalaise que le régime en place est le
fruit d'une unité de partis ressemblés en 1999 dans la
« coalition pour l'alternance » qui a permis avec un
programme commun, une stratégie commune et un candidat commun, le
ballottage du premier tour des élections de février 2000 puis
cette coalition s'est transformée en Front pour l'alternance (FAL) au
second tour du scrutin, pour assurer le triomphe de l'alternance, en faisant
bloc le 19 mars autour du candidat Abdoulaye Wade.
Depuis lors, les masses populaires sont confinées dans
un oubli des dirigeants politiques et chefs de partis qui, dans les moments de
pré campagne et de campagne électorale, avaient fait la promesse
d'une amélioration des conditions de vie sociale des
Sénégalais. Ces promesses tournaient autour de la création
d'emplois, de subventions aux producteurs dans le monde rural, d'appui aux
éleveurs et agriculteurs, de l'accès des femmes au poste de haute
responsabilité...
Aujourd'hui, force est des constater que les conditions de vie
de ces populations qui ont conduit ces dirigeants de partis politiques au
pouvoir, se dégradent de plus en plus par l'accentuation de la
pauvreté surtout en milieu rural. Ces masses sont tentées de
porter peu d'égard à la chose politique au Sénégal
et on note un désaveu dans la plupart des discours des
Sénégalais. Ce désaveu se manifeste par une attitude des
populations à mettre tous les dirigeants et leurs partis dans le
« même sac ». Les dirigeants sont alors perçus
ici comme des « traîtres » qui ne respectent pas
leurs promesses. Le manque d'intérêt des citoyens vis-à-vis
de la chose politique porte un coup dur à la démocratie
participative.
C'est dans ce contexte de divorce entre le citoyen et les
partis politiques censés défendre leurs intérêts que
doit se jauger l'action des organisations de la société civile en
faveur des populations. N'ayant de moyens économiques suffisants pour
faire face aux crises, les organisations de la société civile
doivent peser de leur poids pour pousser les gouvernants à revoir leurs
politiques sociales. La société civile n'ayant pas pour vocation
la conquête du pouvoir à l'image des partis politiques doit
chercher à redonner espoir à la population
désemparée par cette crise de la représentation. Ce
rôle prométhéen peut sembler d'emblée difficile du
fait de la faiblesse des moyens dont disposent ces organisations.
Pour apporter sa partition à ce combat citoyen, la
société civile aura ici la vocation d'amener les populations
à ne pas placer entièrement leur sort aux dirigeants politiques.
Des actions incitant à l'initiative privée doivent être
menées pour sortir la population de la paupérisation et consacrer
leur indépendance financière vis-à-vis des hommes
politiques.
Par ces actions, la société civile contribuera
à freiner le clientélisme, la corruption et le népotisme
dans le champ politique sénégalais. Ces attitudes portent un coup
dur à la démocratie car ne conférant par la
rationalité du choix de l'électeur. Quelques années
après l'avènement de l'alternance, les populations ont senti la
faiblesse sur laquelle sont bâti les partis politiques qui devaient
prendre en charge leurs revendications. Tout d'abord, on assiste à
l'éclatement du FAL (front pour l'alternance) composé de
plusieurs partis politiques qui avaient contribué à
l'avènement de l'alternance.
Du côté de l'opposition le CPC (cadre permanent
de concertation des partis de l'opposition) peine à faire bloc contre
les tenants du pouvoir. Finalement les populations se retrouvent dans le
dilemme et ont toute la difficulté du monde pour savoir
« où donner de la tête ». A cela s'ajoute une
société civile qui n'est pas toujours ressentie à la base.
Dans ce climat politique désordonné, les masses
populaires ont besoin de l'unité des dirigeants surtout ceux de
l'opposition car à l'heure où nous sommes, les artisans de
l'alternance n'ont pas répondu aux attentes portées sur eux en
2000. Les Sénégalais ne veulent plus de politique faite
d'irresponsabilité, de gabegie, d'incompétence, de magouilles
dans les affaires de l'Etat, de détournement des deniers publics et
d'injustice dans toutes les sphères de la vie nationale.
Le peuple est encore aujourd'hui plus exigeant, aspire
à davantage d'actions communes et concrètes, et formule l'espoir
de voir ses préoccupations sociales prises en charge par les tenants du
pouvoir. La société civile doit être le
porte-étendard de ces préoccupations, et, à travers des
campagnes médiatiques, des pétitions et d'autres formes de
participations politiques, les porter au niveau des décideurs
publics.
Par cette démarche participative la
société civile aurait participé à la consolidation
de l'image de la démocratie dans ce pays, qui après les euphories
du début des années 2000 continue encore d'être
citée comme exemple de démocratie en Afrique et dans le monde.
La crise de la représentativité est
accentuée par les nombreuses transhumances notées à la
veille de l'alternance. Avec ce phénomène on assiste à la
fragilisation de l'opposition. Les transhumants font grossir les rangs du PDS
et vont être à l'origine de beaucoup de problèmes internes.
« Les nouveaux venus » seront à l'origine des
velléités de positionnement à l'intérieur du parti
contre les « militants de première heure ». Le
parti a connu des déchirures au niveau de toutes les instances et les
batailles entre frères libéraux minent le parti.
Son secrétaire général, par ailleurs
président de la république, s'est plus donné la peine de
régler les crises internes de son parti que d'apporter des
réponses concrètes aux véritables attentes des
populations.
La forte transhumance témoigne de la
« fin » où de l'inexistence même des
idéologies au sein du parti. Par ailleurs, leur mission de socialisation
politique reste faible, voire inexistante d'où la nécessaire
implication des acteurs de la société civile, pour un changement
des mentalités, pour un culture de la démocratie, pour un
éveil des consciences et une volonté commune de participation
populaire.
Paragraphe 2 : Les partis politiques : entre
oligarchie et insatisfaction des demandes sociales
La corruption politique qui affecte lourdement la
démocratie prend le plus souvent source au sein des partis politiques.
Face à la conjonction sociale actuelle du Sénégal,
caractérisée par une forte accentuation de la pauvreté,
des attentes aux droits de l'homme et de la mauvaise gouvernance. Les leaders
politiques n'inspirent plus confiance aux masses populaires. Leur rôle
comme l'entend Philippe Brand, « les représentants parlent
et agissent au nom d'autres individus enfermés dès lors dans un
statut beaucoup plus passif. Représenter c'est donc au sens le plus
large du terme, tenir lieu de ... ; être là à la
place de ... c'est aussi exercer au nom d'autrui une fonction de clarification
de ses intérêts et aspirations, voie de direction d'un
groupe »25(*). Ce rôle s'effrite à mesure qu'ils
durent à la tête des partis et que s'accentue leur agissement
clientéliste.
On constate une oligarchie au sein des partis politique en
Afrique du fait de la lancinante question du renouvellement des leaders. Cette
question du renouvellement des leaders au sein des partis corrobore le
problème du renouvellement des élites nationales.
Les partis politiques sont régis par des
séquences chroniques auxquelles correspondent des
caractéristiques politiques propres. (Tableau)
La lecture du tableau nous permet de constater que les partis
se construisent, se consolident, vieillissent. La quatrième phase est
celle de reconstruction par le renouvellement des instances, ou le parti
disparaît.
Séquence chronique
|
Caractéristiques politiques
|
Phase 1
Construction
|
_Ferveur militante.
_Forte inclination au débat d'idée.
_Cercle dirigeant en équilibre fluide.
_Jeunesse relative des leaders.
|
Phase 2
Consolidation
|
_Succès électoraux.
_Nouveaux militants préoccupés
d'efficacité.
_Renforcement de l'emprise sur le parti des élus ou le
cas échéant des responsables gouvernementaux.
_Stabilisation des luttes au sein du cercle dirigeant.
|
Phase 3
Vieillissement
|
_Stagnation électorale.
_Dépérissement des débats d'idée
interne.
_Fossilisation des luttes au sein du cercle dirigeant.
_Vieillissement biologique des leaders.
|
Phase 4
Reconstruction ou échec des tentatives de
renouvellement.
|
_Déclin électoral.
_Emergence au sein du parti de courants.
_Contestation ouverte du leadership institué.
_Renversement de l'équipe dirigeante ou nécrose
du parti.
|
Source : Philippe Brand, Sociologie politique,
huitième édition, LGDJ 2006.
La longévité des dirigeants politiques à
la tête des partis a fini par ébranler les bases
démocratiques qui devaient régir le fonctionnement de ces
derniers. Il s'ensuit des déchirures à l'intérieur et des
crises qui finiront par reléguer les préoccupations des
populations au second plan.
Dans ce contexte de troubles internes les organisations de la
société civile doivent jouer un rôle salvateur pour la
protection de la démocratie et la prise en charge des demandes sociales.
Au Sénégal, les partis d'opposition affaiblis par ces crises
n'ont pas réussi à construire un bloc fiable capable de faire
face au pouvoir afin de garantir la démocratie. D'ailleurs, le manque
d'organisation, les querelles internes de positionnement qui
caractérisent les partis de l'opposition sénégalaise a
poussé le chef de l'Etat à les qualifier, souvent dans ses
discours, « d'opposition de salle ». Cette formule traduit
le léger poids que représentent ceux-ci à ses yeux. En
outre, cette formule prouve que le parti au pouvoir avec à sa tête
le chef de l'Etat n'est pas inquiété par son opposition. C'est ce
qui explique sans doute le néo-patrimonialisme constaté dans la
gestion de l'Etat sénégalais au lendemain de l'alternance.
L'espace politique sénégalais laisse entrevoir
alors une insatisfaction des demandes sociales d'une part, mais aussi un retour
du néo-patrimonialisme d'autre part dus à la faiblesse des partis
d'opposition et des moyens d'action des OSC. La corruption qui connu son
paroxysme au lendemain de l'alternance eu égard aux nombreuses
transhumances notées, mine la démocratie. La corruption favorise
la satisfaction de l'intérêt personnel au détriment de
l'intérêt collectif.
Aussi, le forum civil, qui est membre de Aid-Transparency
international s'illustre dans ses combats contre la corruption. Il mène
des enquêtes et publie des rapports sur l'état de la corruption au
Sénégal. Les études menées par le forum civil se
limitent à l'administration publique. Mais d'autres formes de corruption
existent à d'autres niveaux de la société.
Il est impossible de parler de démocratie sans
opposition crédible et républicaine. Cette opposition doit
être un cadre permanent d'observation et d'évaluation des actions
des gouvernants. Il n'est point de démocratie aussi sans une implication
totale de toutes les composantes de la nation à la gestion des affaires
publiques. La gestion participative est aussi incontournable en matière
de démocratie.
Il est en outre impossible d'envisager la démocratie
sans une société civile dynamique comme l'affirme fort
élogieusement Tocqueville « il n'y a pas de
démocratie sans une société civile dynamique. Mais il n'y
pas de société civile dynamique sans l'engagement personnel des
citoyens libres et responsables »26(*). Dans ce contexte politique marqué par le
pluralisme et l'échec des partis politiques dans la prise en charge des
préoccupations des citoyens, nul doute que le dynamisme de la
société civile est devenu un donnée avec laquelle doit
compter toute stratégie de consolidation de la démocratie.
L'heure est à la réinvention d'une
société civile capable de constituer un véritable
contre-pouvoir, vecteur de sensibilisation. La société civile
indépendamment des partis politiques instaure des cadres permanents de
dialogue afin d'instituer la démocratie véritable.
La lutte pour le renforcement et la permanence de la
liberté d'expression est une donne de la lutte pour la démocratie
et des droits de l'homme. A ce niveau l'avènement de la presse
privée est salutaire.
L'alternance est une « expérience cruciale »
en politique, où elle accomplit la justice démocratique. Elle
seule permettra de mettre fin à la transition en cours en Afrique,
c'est-à-dire indiquera clairement que celle-ci a enfin
véritablement résolu de prendre place dans le train de la
démocratie, constatée depuis le début des années
1990. Elle est donc le grand défi politique à relever,
à terme, contre les conservatismes en tous genres qui ont, pour la
plupart, leur centre au coeur du puissant dispositif du capitalisme
monopolistique international, où ils inspirent, structurent et
participent diversement, voire arment nombre de coups d'Etat,dans des Etats
sans personnalité souveraine et affaiblis par la mauvaise gouvernance
qui a appelé les politiques d'ajustement structurel, dans le dos de la
mondialisation positive qui, a contrario, presse les dictatures
à lâcher prise, en particulier par la conditionnalité de
l'aide au développement - de la démocratie, entendu en un sens
global qui comprend tous les aspects sous lesquels les membres d'une
société sont appelés à s'épanouir ou tous
les droits auxquels ils aspirent.
N'ayant pour vocation de conquérir le pouvoir, la
société civile doit intensifier ses sensibilisations afin
d'instaurer le culte et la culture démocratique dans ce pays qui est
souvent pris comme exemple en Afrique et dans le monde.
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES GENERAUX
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démocratie ? , Fayard 1994
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Paris la Découverte 1998
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sénégalaise, bilan d'une expérience, 1992
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Kartala, 2002
Serigne DIOP « La transition démocratique, l'exemple
du Sénégal» in l'Afrique en transition vers le pluralisme
politique.
REVUES
Madeleine GRAWITZ et Jean LECA Traité de science
politique, Tome 2, Les régimes Politique africaine :
Sénégal la démocratie à
l'épreuve
Revue sénégalaise de sociologie N° 2/3 Janvier
1998/
.
TABLE DES MATIERES
IN
MEMORIUM..........................................................................................I
DEDICACES...............................................................................................II
REMERCIEMENTS.....................................................................................III
LISTE DES
ABREVIATIONS...........................................................................1
INTRODUCTION
GENERALE.........................................................................2
PREMIERE PARTIE
L'EMERGENCE DE LA SOCIETE CIVILE A L'AUBE DES TRANSITIONS
DEMOCRATIQUES......................................................................................8
CHAPITRE PREMIER
LA SOCIETE CIVILE : UN ACQUIS
DEMEOCRATIQUE.......................................9
Section 1 LA SOCIETE CIVILE : UNE NOTION
TRANSPOSEE ..............................10
Paragraphe1De l'état embryonnaire de la
société
civile...............................................10
Paragraphe 2 le rôle des intellectuels dans
l'émergence de la société civile.....................13
SECTION 2 : COMPLÉMENTARITÉ ENTRE LA
SOCIETE CIVILE ET L'ETAT............................16
Paragraphe 1 : La société civile, un
partenaire de l'Etat.............................................16
Paragraphe 2 : La Société Civile comme relais
entre l'Etat et les citoyens......................19
CHAPITRE DEUXIEME
LES AMBIGUITES DE POSITIONNEMENT DE LA SOCIETE CIVILE PAR
RAPPORT AU
POLITIQUE..........................................................................................21
SECTION I : LES DOMAINES D'INTERVENTION DE LA SOCIETE
CIVILE..............22
Paragraphe I : L'espace socio
économique............................................................22
Paragraphe II : L'espace
politique.....................................................................27
SECTION 2: LA SOCIETE CIVILE AUX ANTIPODES DES CALCULS
POLITICIENS...31
Paragraphe I : La dimension apolitique de la
société civile.........................................31
Paragraphe II : L'autonomie de gestion des organisations
de la société civile...................35
DEUXIEME
PARTIE
LA SOCIETE CIVILE ET LA DEMOCRATIE
PARTICIPATIVE..............................38
CHAPITRE PREMIER
LE ROLE DE LA SOCIETE CIVILE DANS LE PROCESSUS
ELECTORAL................39
SECTION 1 : LA LUTTE POUR LA
TRANSPARENCE.........................................40
Paragraphe 1 : La transparence: facteur de
stabilité sociopolitique................................40
Paragraphe 2 : Le maintien du dialogue
politique ...................................................44
SECTION 2 : LA FORMATION ET L'ENCADREMENT DES
POPULATIONS.............48
Paragraphe 1 : La sensibilisation pour une culture
démocratique..................................48
Paragraphe 2 : De l'éveil d'une conscience
citoyenne...............................................52
CHAPITRE DEUXIEME
LA SOCIETE CIVILE DANS LES TRANSITIONS
DEMOCRATIQUES.....................56
SECTION 1 : LA SOCIETE CIVILE FACE AUX DEFIS
DEMOCRATIQUES..............57
Paragraphe 1 La société civile comme contre
pouvoir .............................................57
Paragraphe 2 : La société civile face aux
dérives institutionnelles ................................61
SECTION 2 : LA SECTION CIVILE FACE À LA CORRUPTION
POLITIQUE..............................64
Paragraphe. 1 : La crise de la
représentativité.........................................................64
Paragraphe 2 : Les partis politiques : entre
oligarchie et insatisfaction
des demandes sociales
...................................................................................67
BIBILOGRAPHIE.......................................................................................71
TABLE DES
MATIERE................................................................................74
* 1 NIANG (A), « La
société civile une réalité sociale en
question » in Revue sénégalaise de sociologie N
2-3 ; UGB St Louis dec 2000 P 34
* 2 SECK (A)
Sénégal, émergence d'une démocratie moderne
1945-2005 Paris karthala 2005, P 198
* 3 Coulibaly A L, Une
démocratie prise en otage par ses élites, Dakar Sentinelles
2006 P 225
* 4 Jean Leca « la
démocratie à l'épreuve des pluralismes »in Revue
française de science politique, Année 1996, Volume 46,
Numéro 2
* 5 O. Diagne.
« L'intellectuel et la société civile » :
revue sénégalaise de sociologie
* 6 G. Fulga.
Connaissance sociale et pouvoir politique. Paris : l'Harmattan,
2005. p. 215
* 7 O.
SEYE. « Pour une définition de la société
civile » : Sud W.E N° 1164 du 22/02/97. P.
12
* 8 C Z Nare.
«Être femme intellectuelle en Afrique : de la persistance
culturelle » : Afrique et développement, vol
XXII 1997. p.70. cité par Mamadou el Bachir Kanouté dans
Revue sénégalaise de sociologie N° 2-3 janvier
1998. p289
* 9 (K), Marx.
Contribution à la critique de l'économie politique.
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