CHAPITRE 3: Présentation de l'état de
l'art actuel des
méthodes d'évaluation de la
capacité de l'aire de
mouvement
3.1 Introduction
La détermination de la capacité d'un module de
stockage ne pose pas de gros problèmes. La capacité d'une citerne
est par exemple de 100 hectolitres. Par contre, il est plus délicat de
déterminer la capacité d'un module où s'écoulent
des flux, dès lors que la présentation de ces flux à
l'entrée du module ou du système est aléatoire. En effet,
et sauf cas irréaliste, il est toujours possible d'écouler une
quantité donnée. Cependant et suivant son importance, les
conditions et le temps dans lesquels elle va être écoulée
seront différents.
Dans ce chapitre, nous nous attellerons à dresser un
panorama des études disponibles sur les méthodes
d'évaluation de la capacité de l'aire de mouvement ou de l'un de
ses différents maillons.
3.2 Quelques modèles existants d'évaluation
de la capacité
i) Modèle proposé par la DGAC- STAC, France
Un modèle d'évaluation de la capacité
d'un système de piste a été proposé par le
STAC1. Le principe de calcul est basé sur l'application de la
théorie de files d'attente à une seule piste. Quatre types de
séquences d'opérations sont considérées :
atterrissage suivi d'atterrissage, atterrissage suivi de décollage,
décollage suivi d'atterrissage et décollage suivi de
décollage. La capacité horaire CH (nombre maximum moyen d'avions
par heure qui peuvent être servis par la piste) y est donnée par
la formule empirique:
CH =
2
1
tAA
pttpptp
2 + + - + -
()(1 ) (1 )
AD DADD
où p est la proportion d'atterrissages sur les
décollages ;
1 ex-STBA (Service Technique de Bases Aériennes,
France)
tAA (respectivement tAD, tDA et
tDD) est le temps moyen d'occupation de la piste pour une
opération atterrissage-atterrissage, (respectivement
atterrissage-décollage, décollage-atterrissage et
décollage-décollage).
Quelques valeurs standard pour tAA, tDD et CH sont :
- 60s» tAA » 150s
- 50s» tDD » 90s
- 30» CH » 80
Ce modèle ne prend pas en compte la distribution des
instants d'arrivée ou de départ des avions et est donc
très peu précis.
ii) Modèle de détermination de temps
d'attente
Des modèles issus de la théorie des files
d'attente [Ashford et Wright, 1979] permettent de tenir compte de la
variabilité des temps d'opération.
è Ainsi, supposant que la loi de présentation
des avions dans le système est poissonienne, que la politique de service
est de type `premier arrivé premier servi' (FCFS 1)
et que le système est à l'état stationnaire, on peut
alors appliquer la formule de Pollaczek-Khinchin [Hillier et Lieberman, 2001],
qui donne l'attente moyenne A dans le système :
2
A a
=. . ? + 2
2 1-s p L
sp
? 1
1 2
est le taux de saturation, 2 est le
où s = est le temps de service moyen,
2s
ñ==
p p
nombre moyen d'aéronefs qui demandent à être
servis par unités de temps, a est l'écart type du temps
de service de moyenne s.
Il ne peut y avoir d'état stationnaire que si
2? p, sinon l'attente est infinie.
1 :First Come, First Served
Figure 3: Attente moyenne théorique en fonction du
taux de saturation
è Il est possible de proposer des modèles
d'estimation des retards moyens beaucoup plus complexes sans que la
précision soit nécessairement meilleure, par exemple, le STBA
(1975) a proposé le modèle suivant :
An
()()()
2 ?
mtt
?
?ññññññ
-1-1?-
-1tt1?t ? -
t-1 ? ?
+ + ? ? +
? ?? + ??1 ??
22 2m22
22mmm ?
? ?
où : An est l'attente moyenne totale au cours de la
nième heure, m = 2n-1, n est le nombre d'heures dans le
même état,
2
t s, 2
= ? + 2 ó ?
? 1 ? ó est la variance du temps de service,
? ?
ñ = ëns, ën
est la demande pendant la nième heure, s est le
temps de service moyen.
A quelques facteurs près, toutes ces formules
présentent des similarités, elles relient par une relation
croissante le taux de saturation et le retard moyen. En se fixant de seuils
remarquables, on déduit les niveaux de capacité
opérationnelle et de capacité pratique comme l'indique cette
figure :
Figure 4:Relation entre le retard, la capacité
opérationnelle et la demande de trafic
Ainsi, se fixant un seuil d'attente de 4 minutes, le STBA
(1986) en déduisait la capacité pratique de la piste.
Ces modèles ne peuvent tenir compte de façon
précise de la configuration des pistes et des conditions réelles
de trafic. En effet ces modèles ne prennent en compte qu'un nombre
limité de facteurs parmi une multitude de facteurs qui influent sur la
capacité du système de pistes et considère un état
stationnaire du système, ce qui ne correspond pas à une situation
de fonctionnement habituel.
Compte tenu des limites des modèles ci-dessus,
différents auteurs se sont intéressés à
évaluer la capacité aéroportuaire à partir de
données statistiques de ses activités.
iii) Une approche statistique globale
En général, les études
développées dans un sens statistique ont un caractère
global compte tenu de la forte interaction entre les flux d'arrivée et
de départ sur une ou plusieurs pistes. Il serait difficile d'en
séparer les causes et les conséquences sur la capacité de
chacun.
Nous citons ainsi l'approche statistique globale
présentée par Gilbo (1993). La méthode utilisée
consiste à estimer la courbe de capacité de l'aéroport en
considérant conjointement le nombre d'arrivées et de
départs par période de 15 minutes. Cette méthode est
fondée sur l'hypothèse selon laquelle pendant la période
considérée, les arrivées et les départs
observés pendant les heures de pointe reflètent la performance de
l'aéroport à son niveau maximum de capacité. Par
conséquent, la courbe enveloppant les données observées
est considérée comme une évaluation de la capacité
de l'aéroport. Les données observées sont
organisées selon les conditions de fonctionnement de l'aéroport
afin de fournir des courbes de capacité pour différentes
conditions spécifiques associées à des configurations de
piste et de conditions météorologiques différentes. On
suppose que l'aéroport utilise un ensemble limité de
configurations de pistes avec une fréquence suffisante pour retirer des
données statistiques en nombre suffisant afin d'estimer valablement les
courbes de capacité. Les conditions atmosphériques sont
groupées par catégories opérationnelles, reflétant
ainsi les limitations conventionnelles de visibilité et de plafond. Des
courbes de capacité peuvent alors être obtenues pour ces
différentes conditions atmosphériques. La méthode
considère à la fois le planning des
arrivées/départs et l'ensemble des arrivées et des
départs observés pendant des intervalles de 15 minutes sur une
longue période (par exemple un mois ou plus). Les coordonnées de
chaque point montrent le nombre d'arrivées et de départs
effectués pendant le même intervalle de 15 minutes. La courbe de
capacité est estimée en traçant une enveloppe convexe et
linéaire par morceaux, pour couvrir l'ensemble de ces points. On en
déduit une relation implicite reliant le nombre maximum de
départs possibles au nombre d'arrivées.
Figure 5: Estimation de la capacité pratique selon
Gilbo
La méthode précédente proposée
par Gilbo élimine certaines valeurs extrêmes observées qui
reflètent des événements rares pendant lesquels un
aéroport fonctionne au-delà de ses limites opérationnelles
normales, c'est-à-dire pendant une période de temps très
courte, dans des conditions pouvant éventuellement mettre en jeu la
sécurité des opérations. Les critères de rejet sont
:
- la proximité des observations extrêmes aux
observations les plus fréquentes
- la fréquence relative de ces observations
extrêmes.
Dans son approche, Gilbo ne tient pas compte du fait que
très souvent les atterrissages présentent un caractère
prioritaire par rapport aux décollages. Aussi semble-t-il judicieux
d'établir pour un niveau d'atterrissage donné la distribution des
fréquences de décollage des aéronefs.
iv) Le Modèle ASAC de l'évaluation de la
capacité de piste de la NASA
La NASA, dans le cadre de l'étude ASAC1, a
développé un modèle pour l'évaluation de la
capacité associée aux pistes d'un aéroport. Ce
modèle est destiné à estimer la capacité d'un
aéroport en fonction des conditions météorologiques, des
procédures de gestion du trafic, de la demande du trafic et du niveau
d'équipement de l'aéroport. La capacité est
représentée comme la frontière de Pareto des flux des
départs et des arrivées par période de temps. La
durée de cette période peut varier de 15 à 60 minutes.
Cette frontière est la limite supérieure au delà de
laquelle les nombres de départs et d'arrivées ne peuvent plus
être augmentés simultanément.
Afin de procéder au calcul de la capacité, les
paramètres pij, le temps moyen entre deux opérations ýij ,
l'écart type du temps inter-opérations, où le premier
avion est de type i et le deuxième est de type j, sont définis.
La fonction de distribution des temps inter opérations N(t, p,
ý), est supposée suivre une loi normale. Le temps moyen entre
deux arrivées est alors donné par :
P AA t= ?? PP i N t ,
ì , ó
() j ( ij ij ) ij
où Pi est la proportion d'avions de type i dans
le flot des arrivants.
L'estimation du nombre d'arrivées sur la piste pendant une
heure est alors donnée par l 'expression :
60
M
??
PiPj ij
ì
ij
Cette formule donne la valeur de la capacité
associée à la situation où on considère uniquement
des arrivées. Les départs seront alors insérées
dans le flux des arrivées de manière aléatoire. La
fonction de distribution du temps disponible pour effectuer cette insertion est
donnée par :
p p N ? ì ìì ì ó
óóó?
?? - - - +++
2 2 2 2
j ij RRc,ijRRc
i ??
A DAD
ptRRc() ---= ?? AD i j
En augmentant progressivement le nombre de départs on
obtient une série de points qui décrivent la courbe de
capacité.
1 Aviation System Analysis Capability
Ce modèle de capacité ne peut avoir qu'un
caractère indicatif ; il sera difficile de l'utiliser pour
évaluer l'influence de tel ou tel paramètre ou de telle ou telle
modification d'une procédure opérationnelle sur la
capacité du système de pistes. On peut ainsi considérer
qu'avec ce modèle, on atteint la limite de ce que la théorie peut
apporter pour évaluer la capacité d'un système de
pistes.
v) Méthode analytique proposé par le docteur
Antonio A. Trani1
Le principe de cette méthode est de partir du temps
minimum qui sépare le traitement de deux avions consécutifs par
le système de piste. La capacité cherchée sera alors
l'inverse de ce temps minimal. Elle s'appuie à la fois, sur les
performances des avions en approche et au départ, sur les
séparations réglementaires et sur les catégories de
turbulence de sillage. Ces données seront déterminées en
tenant compte de la composition de trafic.
Cette méthode suppose deux hypothèses :
- La configuration ouverte (Opening case) : la vitesse
d'approche Vi de l'aéronef i de tête est supérieure
à celle de l'aéronef j (vitesse Vj) qui le suit en approche, Vi
>Vj Le temps minimal qui sépare deux arrivées
consécutives est : )
ä
1 1
T=+ã-
ij (
ij V V V
j j i
Figure 6: Configuration ouverte.
1 Virginia Polytechnic Institute and State University, US.
- La configuration fermée (Closing case) : la vitesse
d'approche Vi de l'aéronef i de tête est inférieure
à celle de l'aéronef j (vitesse Vj) qui le suit en approche, Vi
< Vj. Le temps minimal qui sépare deux arrivées
ä
consécutives est : T=
ij
ij V
j
Figure 7: Configuration fermée.
Finalement un temps minimal moyen de séparation entre
deux arrivées consécutives est calculé en tenant compte de
la probabilité d'occurrence des deux configurations cidessus. Pour la
piste destinée à l'arrivée uniquement, la capacité
sera donnée par :
C1 =
Tij
Dans le cas d'une piste destinée à
l'atterrissage et au décollage, la méthode consiste à voir
combien de départs il est possible d'insérer entre les
arrivées ; soit n ce nombre. On aura :
C +
= 1
n
Tij
Cette méthode nous paraît satisfaisante. Cependant,
les hypothèses (minima) prises en compte ne s'appliquent directement pas
au cas des aéroports ASECNA.
Une des méthodes d'évaluation de la capacité
de piste que nous allons proposer consistera à adapter ce modèle
de Trani aux terrains ASECNA (Voir partie II).
vi) Méthode par simulation
Une autre approche de l'évaluation de la
capacité est possible en essayant de modéliser directement les
processus physiques mis en jeu, notamment avec leurs aléas et leur
caractère non stationnaire. Suivant le degré de détail
avec lequel les flux d'aéronefs sont appréhendés par les
modèles de simulation, on discernera des modèles de type
macroscopique.
vii) Quelques outils existants de calculs de
capacités et de simulations
Des outils d'évaluation de la capacité existent
:
- des outils algorithmiques dédiés à la
détermination de la capacité aéroportuaire ou de l'un des
maillons de l'aéroport (The FAA Airfield Capacity Model, CAMACA) ;
- des outils de simulation dédiés à la
détermination de la capacité aéroportuaire ou de l'un des
maillons de l'aéroport (ARCTerm, SIMMOD, RAMS+Sol, TAAM, OPAL) ;
- des outils de simulation généralistes (AUTOMOD,
FLOWSIM).
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