INTRODUCTION 2
PREMIERE PARTIE
LE PROJET CBTAHA :
CONTEXTE, CONCEPTION ET MISE EN OEUVRE
CHAPITRE I : Le contexte du projet 6
CHAPITRE II : La conception du projet 19
CHAPITRE III : La mise en oeuvre du projet 25
DEUXIEME PARTIE
LES ELEMENTS DE DURABILITE DU PROJET
CHAPITRE I : Les principes directeurs du projet
34
CHAPITRE II : Réalisations encours du
projet 45
CHAPITRE III : Evaluation à
mi-parcours du projet 54
CONCLUSION 62
"Tamghart izdmen tarf n ighrem or tazdigh"
Traduction : "la femme qui coupe du bois aux alentours
du douar n'y demeure pas"
Adage berbère local
INTRODUCTION
La Convention sur la diversité biologique (CDB),
signée à Rio lors du Sommet de la terre en 1992, a
illustré la volonté d'une régulation internationale pour
répondre à un problème d'environnement global :
l'érosion de la biodiversité. La Convention propose l'abandon de
la notion de patrimoine mondial de l'humanité en reconnaissant la
souveraineté des Etats et en tentant de définir les droits
d'usage et d'accès, avec la généralisation des droits de
propriété intellectuelle sur le vivant qui deviennent des outils
de conservation de la biodiversité.
La CDB préconise la coopération internationale pour
promouvoir la conservation de la biodiversité et l'utilisation durable
de ses composantes. Son article 5 dicte que :" Chaque Partie
contractante, dans la mesure du possible et selon qu'il conviendra,
coopère avec d'autres Parties contractantes, directement, ou le cas
échéant, par l'intermédiaire d'organisations
internationales compétentes, dans des domaines ne relevant pas de la
juridiction nationale et dans d'autres domaines d'intérêt mutuel,
pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité
biologique". Elle s'inspire, ainsi, de l'article 7 de la déclaration de
Rio qui invite les Etats à coopérer dans un esprit de partenariat
mondial en vue de conserver, de protéger et de rétablir la
santé et l'intégrité de l'écosystème
terrestre.
La mise en oeuvre de la convention est confiée à
une conférence des parties instituée pour cet effet. L'organe
chargé de financement est le fonds pour l'environnement mondial FEM. Il
aide les pays en développement à oeuvrer en faveur de
l'Environnement Mondial. Mais la responsabilité de conservation ne se
limite pas aux seuls acteurs internationaux.
Il incombe à chacun d'agir. Chaque personne, agissant
individuellement, en association avec d'autres personnes ou au titre de sa
participation à la vie politique, s'efforcera d'assurer la conservation
de la nature1(*). Le
principe 22 de la déclaration de Rio stipule que :" Les populations
et communautés autochtones et les autres collectivités locales
ont un rôle vital à jouer dans la gestion de l'environnement et le
développement du fait de leurs connaissances du milieu et de leurs
pratiques traditionnelles. Les Etats devraient reconnaître leur
identité, leur culture et leurs intérêts, leur accorder
tout l'appui nécessaire et leur permettre de participer efficacement
à la réalisation d'un développement durable".
Diversité biologique et diversité culturelle sont
étroitement liées. Le souci de préserver la
biodiversité rejoint souvent celui de maintenir les savoir-faire et les
traditions locales. Ce à quoi se réfère la Convention avec
son article 8j qui fait obligation aux Etats de «respecter,
préserver et maintenir les connaissances, innovations et pratiques des
communautés locales et autochtones».2(*) A cette échelle se construit une imbrication
forte avec la biodiversité à travers des activités et
modes de vie distinctifs en harmonie avec l'environnement qualifiés
communément de durables. Parmi ceux-ci on trouve la transhumance et le
pastoralisme.
Les systèmes pastoraux locaux sont très
hétérogènes et couvrent toute la gamme des systèmes
agro-pastoraux aux systèmes entièrement nomades. Ils
possèdent une caractéristique commune, à savoir la
mobilité du bétail. Il s'agit là, la chose est
avérée, d'un mécanisme approprié de gestion
adaptative des écosystèmes en non-équilibre. Lorsque rien
ne s'y oppose, il se traduit par une conservation de la biodiversité et
par une gestion durable des terres. Lorsqu'il est sujet à diverses
contraintes, changements d'utilisation des terres et de régime de
propriété foncière, et désincitatifs politiques, il
aboutit à un grave surpâturage et à une sérieuse
dégradation des terres.3(*)
L'UICN reconnaissant la valeur et l'importance des modes de vie
traditionnels et des pratiques des peuples qui leur permettent de vivre en
harmonie avec l'environnement recommande : « que les
gouvernements préservent et encouragent les modes de vie traditionnels
et les coutumes qui permettent aux communautés rurales et urbaines de
vivre en harmonie avec leur environnement ».4(*)
Le Maroc qui connaissait une pratique à grande
échelle de ces activités les voit menacées de disparition.
Les raisons de cette tendance sont multiples dont la principale est la
sédentarisation. Ses efforts pour les relancer se définissent en
l'élaboration d'une stratégie et d'un plan d'action national en
vue de la conservation et l'utilisation durable des ressources biologiques,
l'amélioration des connaissances scientifiques à travers la
recherche et la formation et la mise en place d'indicateurs de surveillance et
de suivi de l'état des écosystèmes et de la
diversité biologique. La stratégie et le plan d'action portent
également sur la formation et l'éducation, le renforcement du
cadre législatif et réglementaire et la coopération
internationale dans ce domaine. Conformément à la CDB, le Maroc a
également mis en place un centre d'échange d'informations sur la
biodiversité qui a pour objectifs notamment de faciliter l'accès
à l'information et la communication, promouvoir la collaboration et la
coopération de la communauté scientifique, les
départements ministériels, les ONG(s), les groupements
professionnels et ce sur le plan national et international.
Son engagement s'est concrétisé par
l'élaboration d'une étude nationale sur la biodiversité
présentant un état des lieux exhaustif de la flore et de la faune
nationales. Cette étude est d'une grande importance pour la conception
de projets susceptibles d'être proposés au financement du fonds
pour l'environnement mondiale (FEM5(*)).
Dans ce cadre, le FEM a financé plusieurs projets en
partenariat avec le gouvernement du Maroc. Parmi ceux-ci on trouve
l'étude et la stratégie citées ci-dessus, le projet
MEDWETCOAST pour la conservation des zones humides et des
écosystèmes côtiers de la région
Méditerranéenne, le projet des aires protégées, le
projet de la conservation de la biodiversité du parc national du bas
Draa et le projet de la conservation de la biodiversité par la
transhumance dans le versant sud de Haut Atlas (CBTHA)...
Le projet CBTHA vise à rendre à la transhumance ses
lettres de noblesses dans une région connue depuis longtemps par ce mode
de production. La transhumance s'est avérée être une
adaptation durable à l'environnement, avec en même temps un impact
sur la flore au point que le développement durable de nombreuses
espèces de faune et de flore et des écosystèmes des terres
sèches dépend du pâturage.
Les différentes études nationales sur l'état
de l'environnement préviennent que la poursuite des tendances actuelles
implique :
· Une dégradation des milieux
végétaux par le surpâturage et les coupes pour le bois de
feu, liée à une tendance à la sédentarisation des
usagers.
· Une dégradation supplémentaire ou un
anéantissement des formations arborées et arbustives
relictuelles, due à une surexploitation pour le bois de feu.
· Des menaces importantes sur les massifs forestiers
résiduels (en particulier dans les Gorges du Mgoun et les Igoudlane
n'Aït Zarhar), en cas d'exploitation commerciale intensive, comme l'a
montré l'exemple d'autres massifs déjà
sévèrement dégradés ou même quasiment
disparus (Iguernan, Gorges de l'Assif Imsker)
· Un fort risque de disparition d'espèces
animales, en particulier les espèces de grande taille
emblématiques, en particulier le gypaète barbu, la gazelle de
Cuvier, et le mouflon à manchettes...
La zone du projet souffre également de la
dégradation du milieu et des ressources naturelles issu du
développement incontrôlé d'opérations de mise en
valeur agricole (défrichements) des espaces pastoraux et une tendance
générale à la réduction de la mobilité du
cheptel.
Ce diagnostic alarmant justifie la mise en place du projet de la
conservation de la biodiversité par la relance de la transhumance. Il
s'aligne sur les orientations aussi bien nationales qu'internationales en
matière de conservation de la biodiversité et de lutte contre la
désertification et l'atténuation de la pauvreté. Il
s'appuie, essentiellement, sur les savoirs locaux pour enclencher une dynamique
régionale dans la gestion des ressources naturelles et considère
la transhumance comme un outil approprié de la gestion durable des
ressources pastorales. Il place aussi la mobilité du cheptel et la
transhumance au centre de programme de développement humain durable.
En effet, la transhumance est une activité de
société à la fois économique, culturelle et
conservatrice de la biodiversité. C'est pourquoi le projet tente de
trouver un équilibre écologique et économique entre les
systèmes de production intensifs et ceux extensifs.
Le projet prévoit d'adopter une approche innovatrice de
développement rural durable basée sur une exploitation
rationnelle des ressources naturelles disponibles qui permettrait la
conservation de la biodiversité des écosystèmes et de la
faune sauvage et l'encouragement des systèmes d'élevage
mobiles.
Le projet CBTHA est un exemple de la coopération
internationale pour la conservation de la biodiversité. Pour le
présenter on essayera, dans une première partie, de s'apercevoir
du contexte où il a vu le jour, de sa formulation selon les
recommandations du FEM et de sa mise en oeuvre pour la concrétisation de
ses objectifs.
On tentera ensuite, dans une deuxième partie, de
détecter les éléments de durabilité du projet. Il
s'agira de ses principes directeurs, de ses réalisations et de son
évaluation. Cet essai s'inspirera des principes de droit international
de l'environnement et des fondements du développement durable.
LE PROJET CBTAHA :
CONTEXTE, CONCEPTION ET MISE EN OEUVRE
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« Au-delà du contrat moral qui nous lie
à Dieu, au-delà du contrat social conclu avec les hommes, nous
devons à présent conclure un contrat éthique et politique
avec la nature, avec la Terre à laquelle nous devons notre existence et
qui nous donne la vie. Pour les Anciens [ . . . ] la nature
était le domaine où demeuraient des divinités qui avaient
imparti à la forêt, au désert et aux montagnes une
personnalité qui imposait l'adoration et le respect. La Terre avait une
âme. Retrouver cette âme, lui insuffler une nouvelle vie, c'est
cela l'essence de ce que nous attendons de Rio. »
Boutros Boutros Ghali
|
La stratégie mondiale de la conservation, dont une
première version fut publiée en 1980, deux ans avant la
conférence de Stockholm, est un événement important dans
la prise de conscience internationale. Elle adopte une vision globale de la
dynamique de la biodiversité dans ses relations avec la
société. Elle pose clairement que la conservation de la nature a
pour finalité la satisfaction des besoins humains et doit donc tenir
compte des contraintes économiques et sociales.
Il apparaît qu'une protection durable de la
biodiversité est indissociable du développement humain et donc de
la lutte contre la pauvreté. Les projets rentrant dans ce cadre doivent
concilier, sur un même espace, des objectifs de conservation et du
développement économique. Les moyens et les champs d'action se
différent mais l'objectif reste le même.
Le projet CBTHA adhère à ce concept et tente de
sauvegarder la biodiversité tout en proposant des solutions alternatives
permettant à la population locale de gérer rationnellement les
ressources naturelles. Il adopte une démarche intégrant la
gestion des terres pastorales et la conservation dans écosystème
qui se repose sur le pâturage. Il prévoit, d'en tirer soit au
niveau planétaire que national, des avantages pour l'environnement
mondial tout en assurant la viabilité et la pérennité du
projet au niveau local.
Afin de présenter le projet CBTHA, on essayera de
répondre aux questions suivantes : Le projet est-il
justifiable ? Est-il éligible ? Comment concrétise t-il
la coopération internationale ? A-t-il définit des objectifs
à atteindre ? A-t-il une stratégie d'action ?
LES ELEMENTS DE DURABILITE DU PROJET
"L'avenir n'est pas ce qui va arriver
mais ce que nous allons faire"
(Henri Bergson)
Les projets de FEM s'inspirent de principe 15 de la
déclaration de Rio qui conditionne la protection de l'environnement par
l'application des mesures de précaution. Ils essaient de mettre en place
des initiatives locales d'atténuation des menaces de la
dégradation de la biodiversité qui « résultent
en bonne part d'un modèle de développement nuisible pour
l'environnement et d'un manque de moyens pour le protéger 6(*)». Ils se déploient
pour « éviter toute activité qui causera des dommages
irréversibles à la nature7(*) ».
L'action de protection de la biodiversité
« permet de suivre l'évolution des besoins, des valeurs et des
styles de vie de la population locale. Les habitants ont ainsi le sentiment de
contrôler leur propre vie. En outre, travaillant ensemble à des
projets qu'ils ont contribué à planifier et dans lesquels ils ont
un intérêt à long terme, les habitants développent
un sentiment de fierté communautaire »8(*).
Ces projets « devraient amplifier et stabiliser la
population active locale en créant des emplois sur place et
accroître le niveau de participation de la collectivité
concernée à la prise de décisions 9(*)».
Le projet CBTHA regroupe ces suggestions et essaie à sa
manière de les satisfaire. Il est guidé dans son action par des
principes directeurs. Ce sont des éléments du tableau de bord du
projet qui permettront l'application de sa stratégie. Cette
dernière s'appuie sur une gestion participative et durable des terres
collectives.
Un ensemble d'actions et de projets ont été
initié pour améliorer et préserver le bien-être des
populations et le bon état des écosystèmes. Ils touchent
à toutes les activités susceptibles de porter atteinte à
la richesse de la biodiversité locale. Il s'agit
d' « éliminer les modes de production et de consommation
non viables », de soutenir les activités
génératrices de revenus, de créer des réserves
naturelles, de responsabiliser les touristes, de réglementer
l'activité pastorale,...
La durabilité de ces actions dépend de l'adoption
d'un système de suivi-évaluation. Ce système permettra de
détecter les performances du projet et ses défaillances afin de
renforcer les premières et corriger les secondes. Le but est de faire du
projet un modèle durable et reproductible.
Conclusion
« ............ »
Il est à signaler que la recherche universitaire est le
grand absent dans la conception, la réalisation et le
suivi-évaluation de ce genre de projets. Les points de vue et les
fondements théoriques des scientifiques et des théoriciens dans
différentes disciplines liées au développement durable ne
circulent, malheureusement, que dans la sphère des universités.
L'ouverture de celles-ci sur leur entourage est revendiquée et la
sollicitude des responsables des projets de leurs savoirs est
recommandée. Ce partenariat permettra de consolider la
coopération internationale dans ce cadre et perfectionner les
résultats de ces projets.
Le débat fait naître d'autres concepts et d'autres
approches. Ainsi, sur la base de la définition de développement
durable issue de rapport Brundtland les interprétations vont diverger
sur les conceptions des relations entre les humains et la nature. D'un
coté les tenants de la "durabilité forte", pour qui les
espèces et les écosystèmes ne sont pas
remplaçables, et pour qui la durabilité impose la conservation
intégrale de la nature. De l'autre, les tenants de la "durabilité
faible", pour lesquels le progrès technique permet de substituer des
produits à une nature qui n'est plus indispensable10(*).
L'évaluation de la durabilité, chose à
laquelle le projet CBTHA n'a pas prêté beaucoup d'attention, est
de nature préventive et inclut systématiquement la prise en
compte des incidences sur l'environnement, le social, le culturel, le spatial
et l'économique11(*).
Il s'avère important que "...pour faciliter
l'évaluation de leurs résultats et faire mieux connaître
leurs activités, tous les organes du système devraient être
tenus de rédiger et de publier des rapports périodiques sur les
initiatives qu'ils ont prises pour exécuter le programme...12(*)".
Que l'on se situe au niveau national ou au niveau international,
on se rend compte que l'évaluation environnementale traduit la recherche
d'une meilleure protection de l'environnement, mais aussi le besoin de
concilier intérêt économique et intérêt
écologique.13(*)
En outre, l'expérience montre que les projets qui
fonctionnent avec les institutions locales et les régimes des
propriétés communes requièrent beaucoup de temps de
« mise en route » pour que le processus de planification et
de développement participatifs soit adéquat et efficace.
L'extension de la durée du projet est une option à laquelle il
s'avère important de s'investir étant donné que la
majorité des actions du projet traîne à s'achever.
A une année de la clôture du projet plusieurs
questions doivent trouver de réponses si on veut que cette politique de
FEM se prolonge et ce genre de projet se reproduise partout dans le
monde :
· quel est l'inventaire des actions FEM jusqu'à
présent ? et quelle est leur évaluation ?
· a-t-on pu adopter une approche au développement
plus participative dans ces actions ?
· a-t-on réussi à concilier les besoins en
développement des populations locales avec les impératifs de la
conservation de la biodiversité ?
* 1Charte mondiale de la nature
adoptée le 28 Octobre 1982.
* 2Hufty M., "La gouvernance
internationale de la biodiversité", revue Etudes internationales,
2001.
* 3 Dryland development center,
bref document sur "la promotion d'un environnement favorable à
l'amélioration des systèmes pastoraux", FEM/PNUD.
* 4 Résolution
12ème assemblée générale de l'UICN
réunie à Kinshasa Zaïre, septembre 1975.
* 5 Le fonds pour
l'environnement mondial est crée en 1991. Il finance les coûts
additionnels de la prise en compte de l'environnement global par les pays en
voie de développement. Il est géré conjointement par la
banque mondiale, le PNUE et le PNUD. En 1999, le conseil du FEM a donné
à d'autres institutions telles que : FAO, ONUDI, BERD, FIDA...la
possibilité de collaborer aux projets FEM.
* 6 Agenda 21, chapitre
18.45.
* 7 La charte mondiale de la
nature (11.a), 1982.
* 8 DUNSTER, J.,» Concepts
Underlying a Community Forest», dans Forest Planning Canada, vol.
5, no 6, 1989.
* 9 Taylor, D.M., `État
de choc : la société canadienne et l'environnement'', CRDI
canada, 1995.
* 10 Weber J., op.cit.
* 11 waaub J-P, "Evaluation et
developpment durable", UQAM, 2005.
* 12 Agenda 21, chapitre
38.4.
* 13 Nanfah
S.P.J.,"L'évaluation environnementale dans les conventions
internationales relatives a l'environnement", master DICE.
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