Sommaire :
Introduction
I° Partie. La reconnaissance de
l'universalité des droits de l'homme
Chapitre 1 : Les fondements de la
reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme
Section 1. La primauté de l'être humain abstrait
Section 2. L'Etat démocratique et libéral
Chapitre 2 : Les manifestations de la
reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme
Section 1. Les manifestations internes
Section 2. Les manifestations internationales
II° Partie. Les droits de l'homme, une
universalité fragile
Chapitre 1 : Les problèmes de
l'universalité des droits de l'homme
Section 1. Les divergences de classification des problèmes
Section 2. Les solutions proposées
Chapitre 2 : La démarcation des Etats
orientaux de la conception universelle des droits de l'homme
Section 1. La démarcation des Etats arabo musulmans de la
conception universelle des droits de l'homme
Section 2. Les autres figures de démarcation
Introduction
Les droits de l'homme sont un « ensemble de droits,
libertés et prérogatives reconnus aux hommes en tant que
tels »1(*), c'est-à-dire en leur seule qualité
d'être humain.
Mettant l'accent sur le fait que l'homme est un individu,
Jeanne Hersch considère les droits de l'homme comme « des
droits individuels, naturels, primitifs, absolus, primordiaux ou personnels. Ce
sont des facultés, des prérogatives morales que la nature
confère à l'homme en tant qu'être
intelligent »2(*). Quant à Vincensini, il considère
les droits de l'homme comme « des prérogatives
gouvernées par les règles reconnues par le droit constitutionnel
et le droit international qui visent à défendre les droits de la
personne dans leurs relations avec le pouvoir de l'Etat et avec les autres
personnes et qui tendent à promouvoir l'établissement des
conditions permettant de jouir effectivement de ces droits »3(*)
Il s'en déduit que les droits de l'homme sont des
facultés que tout être humain ou individu possède en toute
liberté et dont les violations ou tout refus à y satisfaire est
considéré comme illégaux parce que reconnus par la
collectivité. Ce sont aussi des standards fondamentaux, des
prérogatives morales ou des règles que la nature confère
à l'homme en tant qu'être doué d'intelligence auxquels
doivent se conformer la coexistence des sociétés et des
individus; qui sont la manifestation de sa personnalité et qui lui
permettent d'agir, de vivre, de se protéger. Les droits de l'homme sont
le fondement de la liberté, de la justice, de la paix et dont le respect
permet à l'homme de se développer.
Le fondement du respect des droits de l'homme est la
théorie du droit naturel dont l'idée en jeu est la
suivante : c'est en raison de la nature de l'homme, présente en
chaque individu dès sa naissance, que tous les êtres humains ont
des droits fondamentaux. Ces droits apparaissent comme des droits innés
et, en tant que tels, sont antérieurs à toute organisation
sociale et politique. Pour Blandine Kriegel, « la nature humaine
comporte des droits inaliénables. C'est la nature avec la loi,
c'est-à-dire un univers où l'exigence mathématique conduit
en même temps à définir des lois de rapport entre
êtres et à décrire l'égalité fondamentale des
conditions. Le fondement du respect des droits de l'homme est donc, ici, leur
caractère obligatoire et leur inhérence à la nature
humaine. Les droits de l'homme sont donc un droit naturel »4(*) .Cette influence du
« jus naturalisme » figure dans
un grand nombre de déclarations de la fin du XVIIIe
siècle, notamment, dans la Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen du 26 août 1789 qui dispose dans son préambule et ses
deux premiers articles que : « Les représentants du
peuple français, (...), considérant que l'ignorance ou le
mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics
et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une
déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et
sacrés de l'homme (...) ». « Article 1er - Les
hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Les distinctions
sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité
commune ». « Article 2 - Le but de toute association
politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de
l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la
sûreté et la résistance à
l'oppression »5(*)
Dans certains cas, cette nature de l'homme est
considérée comme le résultat d'une création divine,
c'est-à-dire une référence religieuse à
l'idée d'un être suprême. D'où la notion du
caractère sacré de la dignité de la personne humaine
créée à l'image de Dieu comme fondement du respect des
droits de l'homme. L'ensemble des droits de l'homme correspond donc à la
substance de la dignité de l'être humain compris dans son
intégrité, ils se réfèrent à la satisfaction
des besoins essentiels de l'homme, à l'exercice de ses libertés,
à ses rapports avec les autres personnes. Ce qui implique la lutte
contre toutes formes d'exploitation et de manipulation perpétrées
au détriment des hommes, non seulement dans les domaines social,
politique et économique, mais aussi sur les plans culturel,
idéologique et médical. Comprise par Emmanuel Kant comme
« ce qui est au-dessus de tout prix et n'admet nul
équivalent, n'ayant pas une valeur relative mais une valeur
absolue »6(*)et par Guimbo R. comme une « certaine
conception de soi qui s'oppose aux actes dégradants dont l'individu
serait responsable ou dont autrui se rendrait coupable à son
égard »7(*); la dignité inhérente à tous
les membres de la famille humaine a été reconnue par la
Communauté internationale comme fondement de la liberté, de la
justice et de la paix.
Les définitions déjà avancées
ci-dessus mettent toutes l'accent sur l'aspect universel des droits de l'homme,
mais que faut il entendre par universalité des droits de
l'homme ?
Selon Gregorio Peces Barba Martinez, cette notion couvre trois
choses distinctes qui sont toutes liées aux fondements des droits.
D'abord, sur un plan rationnel, l'universalité
désigne l'attribution des droits a tous les êtres humains
« ces droits sont rationnels et abstraits, en accord avec le fait
qu'ils sont attribues a tous les hommes et qu'ils sont porteurs d'une
prétention de validité générale du fait des
critères de moralité qui les fondent »8(*)
Sur un plan temporel, l'universalité repose sur le
caractère général et abstrait des droits de
l'homme, donc ces droits doivent être attribuées à l'homme
indépendamment du facteur historique. Enfin, sur le plan spatial, les
droits de l'homme doivent concerner toutes les sociétés
politiques sans exception.
L'auteur rappelle aussi que chaque composante de
l'universalité des droits de l'homme fait l'objet d'une étude par
ses spécialistes. A cet égard l'universalité au sens
rationnel fait l'objet d'une étude par les philosophes du droit,
l'universalité au sens temporel, fait l'objet d'une étude par les
historiens du droit, enfin l'universalité spatiale, celle-ci est le
centre d'intérêt des constitutionnalistes, des internationalistes
et des comparatistes.
S'agissant des divergences quant a l'emploi des termes
universalisme ou universalité, l'auteur signale que la doctrine utilise
parfois les deux termes indifféremment alors qu'il y a d'autres qui ne
les assimilent pas. Le professeur Gregorio Peces Barba Martinez, quant à
lui, affirme que l'universalisme des droits de l'homme, renvoie plus au premier
sens de l'universalité c'est-à-dire l'universalité au sens
rationnel. Toutefois, parler de l'universalité des droits de l'homme,
suppose que ces droits soient valides pour tous les hommes « mais
qui sont envisagés dans un contexte historique ou
géographique »9(*).
Faut il aussi préciser que, parler de
l'universalité temporelle, désigne le processus de
généralisation des droits de l'homme alors que traiter la
question de l'universalité spatiale revient nécessairement a
parler du processus d'internationalisation des droits de l'homme.
La question de l'universalité des droits de l'homme est
aujourd'hui au coeur du débat de nombreux chercheurs et penseurs de
sciences humaines et sociales, juristes, anthropologues, philosophes du droit,
historiens du droit, les comparatistes, les internationalistes et les
constitutionalistes...etc.
L'universalité des droits de l'homme fait aussi l'objet
d'une étude par les auteurs des manuels des droits et
libertés.
Au cours de ce travail nous allons étudier cette
question, seulement à partir des manuels des droits et libertés,
cependant la référence à certains ouvrages ou articles
qui n'entrent pas dans la catégorie des manuels demeure marginale par
rapport a notre objet principal.
Ce travail ne peut prétendre d'éclairer
totalement le lecteur sur la problématique de l'universalité des
droits de l'homme. Ce travail s'est heurté aux difficultés de
négligence de la question par certains auteurs des manuels des droits et
libertés, mais cela n'à pas empêcher de dégager
quelques approches et quelques prises de positions par certains d'entre eux sur
la question de l'universalité des droits de l'homme.
De plus l'ampleur et la complexité du sujet,
l'étendue de son champ, et le nombre d'écrits nouveaux touchant
à la problématique en question ont obligé à des
choix qui peuvent parfois paraître arbitraires: on pourra
légitimement reprocher la négligence de telle ou telle
référence, de telle ou telle question, qui auraient
été plus intéressantes que ceux qui ont été
retenues dans ce développement. Bref, il faut bien noter que ce travail
est loin de pouvoir rendre compte de la complexité du débat sur
l'universalité des droits de l'homme. Malgré ces limites, cette
recherche a pour objectif principal de concevoir la manière par laquelle
les auteurs des manuels des droits et libertés ont traité cette
problématique et la manière par laquelle ils ont
procédé pour étudier cette question.
Comment alors la question de l'universalité des droits
de l'homme était traitée dans les manuels relatifs aux droits et
libertés ?
Une étude approfondie de ces manuels, nous permet de
constater que cette universalité était envisagée à
partir de deux points de vue différents. D'une part
l'universalité des droits de l'homme, d'un point de vue de sa
destination. Cet angle nous permet de constater avec la doctrine que
l'universalité des droits de l'homme est reconnue aussi bien sur le plan
interne que sur le plan international, en effet les droits de l'homme
s'adressent à tous les hommes sans distinction10(*).
Témoigne sans doute, sur le plan international, la
prolifération des traités relatifs aux droits et libertés
qui est déjà une indication - relative - de la volonté des
Etats de les respecter. Cette obligation de respect concerne l'ensemble des
droits de l'homme d'origine coutumière ou conventionnelle, en prenant
comme point de départ l'article 55 de la Charte des Nations Unies11(*). La
reconnaissance des droits de l'homme et leur introduction dans l'ordre
juridique international font alors d'eux l'une des tâches prioritaires de
la communauté internationale. Les droits de l'homme sont
désormais un phénomène qui appartient au terroir de toutes
les nations de telle sorte qu'ils ne sont étrangers à aucune
culture. Les diversités culturelles sont considérées comme
un enrichissement de l'universalité. C'est ainsi que le professeur Paul
Gérard Pougoue parle de « l'universalisme
pluriel » pour dire que les droit de l'homme sont justement
le produit de plusieurs apports culturels non exclusifs les uns les autres. Et
au professeur Michel F. Sawadogo de renchérir :
« l'universalisme découle également de
l'enrichissement possible et souhaitable des droits de l'homme par toutes les
nations du monde »12(*). L'universalisme suppose
également que leur absence ou leur méconnaissance par l'Etat va
plus loin qu'une simple négation de la dignité humaine. Elle a sa
place aux racines même de la pauvreté et de la violence politique
qui sont le fléau du monde actuel. Cette conception élargie des
droits de l'homme constitue la pierre angulaire des activités des
Nations Unies considérées comme le catalyseur principal de la
promotion et de la protection des droits de l'homme et des libertés
fondamentales à l'échelle mondiale.
En effet, la création de l'Organisation des Nations
Unies à la Conférence de San Francisco depuis 1945 a rendu
effectif l'idéal de la promotion et de la
« protection » des droits de l'homme sur le plan universel.
Le juge Keba Mbaye définit, de ce fait, la protection comme étant
« tout système comportant, à l'occasion d'une ou de
plusieurs violations d'un principe ou d'une règle relatifs aux droits de
l'homme et édictés en faveur d'une personne ou d'un groupe de
personne, la possibilité pour l'intéressé de soumettre une
réclamation, de déclencher une mesure tendant à faire
cesser la ou les violations ou à assurer aux victimes une
réparation équitable »13(*). La protection des droits
de l'homme constitue alors la dimension spatiale de leur conquête. Ainsi,
le professeur DEGNI-SEGUI a-t-il pu écrire : « on est
passé de la protection nationale à la protection régionale
en passant par la protection universelle »14(*)
Au cours de ses dix premières années
d'existence, l'activité des Nations Unies dans ce domaine fut
essentiellement, mais non exclusivement, consacré à la
définition des « droits de l'homme » et des
« libertés fondamentales » et à
l'élaboration des normes et des principes généraux,
surtout par l'adoption des instruments internationaux de protection15(*).
Ainsi, dès le préambule de la Charte Constitutive, les Nations
Unies « proclament leur foi dans les droits fondamentaux de
l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans
l'égalité des droits de l'homme et de la femme, ainsi que des
nations, grandes et petites ». La volonté de
développer et d'encourager le respect des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, de faciliter leur jouissance est affirmée
sous formes diverses et à plusieurs reprises dans les dispositions de la
Charte des Nations Unies16(*).
Sur le plan interne, les constitutions nationales des Etats
mettent en avant les droits de l'homme. Tous les Etats reconnaissent la valeur
de ces droits et organisent les mécanismes nécessaires qui
garantissent leur respect. Par conséquent le rôle de la justice
constitutionnelle demeure principalement la défense de la transcendance
des droits de l'homme, le juge constitutionnel devient, à son tour, une
institution impérative. Sa mission en tant que juge qui contrôle
la constitutionnalité de la loi, est de sanctionner la
méconnaissance des droits fondamentaux de l'homme rien que ces droits
inviolables, sont placés au sommet de la hiérarchie des normes.
La légitimité de la justice constitutionnelle passe ainsi avant
tout par la protection de ceux-ci contre les possibles atteinte par le
législateur. La défense des droits de l'Homme est donc le
corollaire à la fonction d'identification en ce sens qu'elle permet de
rejoindre la finalité de la démocratie : un gouvernement par
le peuple, donc dans son intérêt et non pas dans celui du seul
gouvernant. Sous cet angle, la justice constitutionnelle trouve pleinement sa
justification au sein d'un État de droit.
L'autre point de vue envisagé par la doctrine sur la
question de l'universalité des droits de l'homme, est celui de leur
réception. En se plaçant de ce côté, on constate que
l'universalité des droits de l'homme demeure encore fragile.
La doctrine des droits et libertés affirme à cet
égard que « toute interrogation sur la possible
universalité des droits de l'homme conduit à affronter la
dialectique universalité/spécificité des droits de
l'homme, autrement dit a effectuer le constat de la coexistence des discours de
l'universel et de la pluralité »17(*)et d'ajouter que
« l'universalité des droits de l'homme renvoie davantage
à l'univers mental qu'à l'univers réel.
Affirmée par la Déclaration universelle de 1948, elle est pour
l'essentiel à construire »18(*), ou encore l'affirmation de
Patrick Wachsmann « les droits de l'homme sont un universalisme
(ils s'adressent à tous les hommes sans distinction), ils ne sont pas
universels »19(*)
Sans doute, la fragilité de l'universalité des
droits de l'homme est due à plusieurs facteurs, freins et obstacles.
Ces facteurs sont d'ordre théorique, culturel,
religieux et même des facteurs économiques et politiques.
Plusieurs juristes doutent aujourd'hui de
l'universalité des droits de l'homme, en effet la réception d'une
conception occidentale des droits de l'homme par les Etats du Sud n'est pas une
réception « normale ».
Certaines civilisations opposent encore leurs moeurs,
traditions et authenticités à l'universalité des droits de
l'homme.
Certains autres penseurs nous invite vivement à ne pas
prendre pour des universaux des prétentions à l'universel.
La remise en cause de l'universalité des droits de
l'homme tient aussi au mouvement de leur régionalisation. Ce
phénomène de régionalisation des droits de l'homme avait
manifesté une véritable démarcation des Etats orientaux de
la conception universelle des droits de l'homme.
Ces Etats, à travers leurs documents, ont manifeste une
hostilité a l'égard de l'Occident et par conséquent
à la conception voulue universelle par l'Organisation des Nations
Unies.
Entre ceux qui affirment la réalité de
l'universalité des droits de l'homme et ceux qui réclament son
hypocrisie, un autre courant de la doctrine propose des solutions, des
idées et des corrections, pourvue que l'universalité des droits
de l'homme devient un acquis plutôt qu'un requis.
Compte tenu des éléments qui viennent
d'être retracés, il est alors légitime d'exposer la
reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme (Partie I), avant
d'analyser la fragilité de cette universalité (Partie II)
I° Partie. La reconnaissance de l'universalité des droits de
l'homme
|
Pour étudier la question de la reconnaissance de
l'universalité des droits de l'homme, il est d'abord
impératif de s'interroger sur les fondements de cette
universalité, en d'autres termes d'analyser les principes et les raisons
servant de base à affirmer l'universalité des droits et
libertés.
Précisément, il est nécessaire de
chercher, en premier lieu, les fondements idéologiques de
l'universalité des droits de l'homme avant de chercher les affirmations
textuelles car « les textes sont des résultats.
Eux-mêmes ont leurs sources, à partir desquelles
s'interprète leur sens et se mesure leur
autorité »20(*) .
Une fois notre recherche des fondements est
opérée, il serait alors légitime de passer à une
analyse textuelle c'est-à-dire de concevoir l'universalité des
droits et libertés dans un standard positif. En effet une
règle de droit n'acquiert son caractère obligatoire que si elle
est posée, autrement dit elle doit être incorporée dans
un ordre juridique précis et selon des procédures
d'élaboration bien déterminées. Mais cette
positivisation des droits n'est pas sans danger sur les droits de
l'homme et par conséquent sur leur éventuelle universalité
puisque la définition même du concept
« universel » est tout à fait opposée au
processus de positivisation des droits de l'homme. Reprenant encore
une fois la définition de l'universalité des droits, du moins au
sens rationnel, celle-ci nécessite leur exclusion du cadre
juridique « ils n'ont donc pas à être
contextualisés ou aménagés en fonction de chaque
système juridique »21(*)
Par ailleurs, un autre courant de pensée prétend
que l'internationalisation des droits de l'homme (forme de
l'universalité spatiale), est signe et vecteur de leur
universalité22(*)
Compte tenu des éléments qui viennent
d'être retracés, il est alors légitime, avant d'exposer les
manifestations de l'universalité des droits de l'homme (chapitre 2), de
s'interroger sur les fondements de cette universalité (chapitre 1).
Chapitre 1 : Les fondements de la
reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme
Par fondement, on désigne les raisons légitimes,
les principes de base ayant aboutit à reconnaître un
système.
La doctrine des droits et libertés, plus
précisément les auteurs des manuels des droits de l'homme ont
fondé cette universalité sur l'Homme, autrement dit sur la
primauté de la personne humaine abstraite (section 1) mais on insiste
souvent sur une forme bien déterminée d'Etat, celle de l'Etat
démocratique et libéral (section 2)
Section 1. La primauté de l'être humain
abstrait
La définition de l'universalité
déjà avancée au niveau de notre introduction montre bien
cette dimension abstraite de l'être humain,
l'universalité rationnelle suppose par définition
l'attribution des droits à tous les hommes indépendamment de
leurs race, nationalité ou religion. Suivant le modèle de
Laporta, exposé par Grégorio Peces Barba Martinez,
l'universalité rationnelle ou l'universalisme des droits pose le
principe selon lequel « ... la condition d'être humain
suffit pour être titulaire des droits de l'homme quel que soit le
contexte et en toute circonstance »23(*). C'est en ce sens que
Jacques Mourgeon écrit « La reconnaissance de la
dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine
et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement
de la liberté, de la justice et de la paix dans le
monde »24(*).
Le professeur Frédéric Sudre reprend à son tour la
formulation de Jean Rivero en prévoyant
qu'« au coeur du concept de droits de l'homme, il y a
l'intuition de l'irréductibilité de l'être humain
à tout son environnement social »25(*). Allant dans ce sens, le
professeur Michel Levinet affirme que « la personne humaine
constitue la pierre angulaire de toute
société »26(*). Ainsi la primauté de l'être humain
constitue le premier fondement de l'universalité des droits de l'homme
en d'autres termes si l'homme est universel alors il est tout à fait
légitime que ses droits soient aussi universels.
Notre démarche serait alors d'exposer cette
primauté de la personne humaine d'abord d'un point de vue philosophique
(§. 1) ensuite d'un point de vue religieux (§.2)
§. 1. La primauté de l'être humain du
point de vue philosophique
La primauté de la personne humaine doit être
envisagée d'abord dans les philosophies antiques (A) ensuite
dans les philosophies modernes (B).
A-les philosophies antiques
La doctrine affirme que la reconnaissance de l'identité
de l'individu était peu évidente dans la
pensée du monde antique « ce qui importe c'est
l'indépendance de l'Etat et non celle de l'individu »27(*). La liberté
antique était une liberté participation, le citoyen était
apte a exercer toutes les fonctions, a participer a la formation de la loi
« elle consistait pour lui a pouvoir être tour a tout sujet
et gouvernant »28(*). Mais les grecs ne reconnaissent pas un
espace privé aux individus qui est protégé de
l'intervention des entreprises du pouvoir.
En témoigne les pratiques inhumaines exercées
dans la Grèce tel que l'esclavage, l'ostracisme de même que
l'élimination des nouveaux nés débiles. Le professeur
Michel Levinet, en exposant l'apport de la philosophie de l'age antique,
affirme que l'étude de cet apport ne doit pas conduire à des
«anachronismes»29(*) malgré le fait que les sophistes avaient
tenté de dissocier la personnalité individuelle des
caractères qui étaient ceux des citoyens en mettant en cause
l'ordre social. En effet, les sophistes ont rompu avec le monde unitaire qui
caractérisait la Grèce Antique « en laissant
entendre que les comportements humains sont indifférents aux dieux, dans
la mesure ou ceux-ci existent »30(*). Mais les sophistes ne vont pas jusqu'à fonder
sur l'essence même de l'être humain des droits
inaliénables.
La mort de Socrate explique clairement cette difficulté
d'affirmer une liberté autonomie au sens moderne du terme dans la
Grèce Antique. Ce qu'il faut signaler c'est que l'individualisme
marquant la modernité n'est pas encore conçu dans
l'antiquité, la société étant, au contraire,
marquée par une idéologie holiste. Mais la primauté de la
personne humaine ne trouve son plein effet que lorsqu'on lui
reconnaît une dignité qui doit être
inhérente à toute personne humaine. Le
concept dignité parait indissociable de l'idée de
l'universalité des doits de l'homme. Ce rapport étroit entre
dignité et universalité était souligné par le
professeur Louis Favoreu en disant qu'« en premier lieu, il a
fallu qu'émerge et s'enracine la prise en considération de la
dignité et de l'universalité de chaque être
humain »31(*),
et l'auteur de citer nombreux courants de la philosophie qui ont
contribué à l'émergence de la dignité de
l'être humain notamment le stoïcisme se présentant
comme une philosophie rationaliste qui se rattache à Héraclite
(idée d'un logos universel), au cynisme (Zénon de Kition fut
élève d'un philosophe cynique), et qui reprend certains aspects
de la pensée d'Aristote. Le stoïcisme « insiste sur
l'essence divine de l'homme et conçoit l'univers organisé selon
des principes d'harmonie universels, immuables auxquels les hommes doivent se
soumettre »32(*). L'idée fondamentale du stoïcisme, bien
développée par Zénon, Chrysippe et Cléanthe, c'est
l'idée d'une justice naturelle, d'un droit naturel qui a son
fondement dans l'essence même de l'homme et dans sa parenté avec
la divinité33(*). «La loi, disait Chrysippe, est la
reine de toutes les choses divines et humaines, l'arbitre du bien et du mal, du
juste et de l'injuste, la souveraine maîtresse des animaux sociables par
nature. Elle commande ce qui doit être fait et défend le
contraire». Les doctrines du stoïcisme sur la loi naturelle
trouvèrent à Rome, avec Cicéron qui
« développe l'idée d'un droit issu de la nature des
choses, présentant un caractère universel correspondant à
la société qui réunit les hommes entre
eux »34(*)
mais aussi avec Sénèque Marc Aurèle et Epictète et
Arrien.
L'unité de la raison étant le point de
départ des stoïciens puisque « le fait que les Dieux
aient mis en l'homme la raison -qui les rapproche - leur permet de
s'élever par leurs propres moyens (la recherche, la philosophie, la
vertu) jusqu'à la connaissance des lois naturelles donc de la
justice »35(*).
Mais le stoïcisme n'a pas abouti à une reconnaissance de
droits individuels « innées » comme l'avait
expliqué Michel Villey en affirmant que « le
stoïcisme joue en dehors de la cité en dehors du Droit dans une
autre sphère de la vie »36(*).
Un autre courant de pensée avait
développé l'idée de l'universalité de l'être
humain c'est celui des nominalistes. L'apport de ce courant « tient
à ce qu'il conduit à envisager l'individu de manière
singulière, en considération seulement de lui-même et pour
lui-même, indépendamment notamment de toute
référence à un statut ou toute appartenance à un
groupe »37(*). La doctrine avait bien développé
l'apport de ce courant dans la réflexion sur l'existence d'un individu
libre par conséquent « du nominalisme naîtra une
conception du droit naturel qui entend se libérer de l'emprise
théologique alors même que destinée paradoxale de la
démarche franciscaine - pour Guillaume D'ockham comme pour John Duns
Scot, le droit divin positif (la loi divine) demeure la norme
suprême »38(*)
L'apport de la philosophie antique était
nécessaire mais il n'a pas aboutit à une véritable
reconnaissance de la primauté de l'individu, qui reste surtout la marque
de la modernité.
B- Les philosophies de l'age moderne
La doctrine affirme que « reposant sur la
valeur fondamentale de l'être humain, les droits de l'homme sont
habituellement présentés comme une conquête de la
modernité »39(*)
Pour cette raison, nous allons étudier l'apport de
certains philosophes dans la consécration du principe de la
primauté de la personne humaine.
Hobbes est un des premiers philosophes à introduire
l'idée d'un état de nature. L'état de nature
représente ce que serait l'homme en l'absence de tout pouvoir politique
et par conséquent de toute loi. Pour Hobbes, la plus forte des passions
est la peur de la mort, notamment de la mort violente infligée par
autrui, donc le droit de conserver sa vie est le premier droit
naturel.
Par conséquent « la finalité du
pacte social est d'aboutir à la sécurité
personnelle : c'est pour l'avoir que les hommes renoncent à la
violence qu'ils pouvaient exercer contre les autres hommes »40(*) . Donc l'état de
nature pour Hobbes correspond à un état de guerre
perpétuelle en effet pour ce philosophe « l'homme est un
loup pour l'homme »41(*)
Pour cette raison le pacte social parait indispensable pour
échapper de l'insécurité de l'état de nature vers
la paix de l'état social. Le pacte social est formulé de cette
manière « j'autorise cet homme ou cette assemblée
et lui abandonne mon droit de me gouverner moi-même, à la
condition que tu lui abandonne ton droit et que tu autorises toutes ses actions
de la même manière »42(*) Ce qu'il faut signaler c'est que cet état
de nature n'a, bien sûr, jamais existé mais est une
hypothèse philosophique féconde, une construction de l'esprit qui
vise à comprendre par différence ce que nous apporte l'existence
sociale. L'état de nature correspondrait en somme à l'homme
tel que Dieu l'a créé, ce qui suppose que l'entrée en
société procède d'un choix volontaire et ne soit pas le
produit d'une providence divine. Il faut signaler que la construction
théorique qu'est l'état de nature n'est jamais innocente et
implique la défense d'une certaine conception du droit. C'est parce que
cette conception n'est pas la même chez Hobbes que, par exemple, chez
Rousseau
ou Locke, que sa description de l'état de nature est aussi
très différente. D'autre part Hobbes
théorise en faveur de l'autoritarisme, en effet le Léviathan
qu'est le souverain ou ce dieu mortel est situé au dessus du contrat non
assujetti à ces termes.
Hobbes va jusqu'à assujettir l'Eglise elle-même
à la loi du souverain. La monarchie, que défend Hobbes,
n'écarte pas la possibilité de démocratie en effet
« de cette fondamentale loi de la nature, par laquelle il est
ordonné aux hommes de s'efforcer à la paix, dérive la
seconde loi : que l'on consente, quand les autres y consentent aussi,
à se dessaisir, dans toute la mesure ou l'on pensera que cela est
nécessaire à la paix et à sa propre défense, du
droit qu'on a sur toute chose ; et qu'on se contente d'autant de
liberté à l'égard des autres qu'on en concéderait
aux autres à l'égard de soi même. Car aussi longtemps que
chacun conserve ce droit de faire tout ce qu'il lui plait, tous le hommes sont
dans l'état de guerre.
Mais si les autres hommes ne veulent pas se dessaisir de
leur droit aussi bien que lui-même, nul homme n'a de raison de se
dépouiller du sien, car ce serait la s'exposer à la violence
plutôt que se disposer à la paix »42(*). Pour Thomas Hobbes, une
humanité livrée à elle-même, sans l'ordre social
aurait fini par disparaître. Ce qui va sauver l'homme c'est sa peur de
mourir et son instinct de conservation. L'homme comprend que pour
subsister il n'y a pas d'autre solution que de sortir de l'état de
nature.
D'autre part JJ Rousseau et Jean Locke,
souvent classés parmi les optimistes qui visent à limiter le
pouvoir, ont conçu le contrat social comme une garantie de la
liberté de l'homme contre le pouvoir. Les hommes vivent naturellement
libres : le passage donc de l'état de nature à l'état
de société vise à assurer un mieux être par le
contrat social.
Pour Locke dans l'état de nature, il existe un droit
naturel absolu celui de la conservation de soi mais aussi du désir et de
la recherche du bonheur « or la conservation et le bonheur
supposent la propriété car le droit de propriété
est un corollaire du droit fondamental à la conservation
individuelle »43(*). Donc le premier droit absolu et
inaliénable de la personne c'est le droit de se conserver lui-même
en partant du constat que la personne humaine prime les autres
êtres vivants. Mais le droit de conserver sa vie dépend
d'un autre droit indispensable à cette conservation ce droit c'est celui
de la propriété de ses biens. « Ainsi le droit
naturel de l'homme est le droit de propriété, autrement dit la
liberté de disposer comme il l'entend de ses biens propres
c'est-à-dire sa vie, sa liberté et ses richesses contre toutes
les entreprises, toutes les injures et tous les attentats des
autres ».
Contrairement à la pensée
de Hobbes ou l'état de nature est un état de guerre de tous
contre tous, Locke prévoit que dans l'état de nature les hommes
sont libres et égaux.
Ce qui implique dès lors le passage de l'état de
nature vers la société civile c'est d'obtenir ce qui à
l'état de nature, leur fait défaut donc pour obtenir la
sécurité : « La société
civile n'a donc d'autre but que d'assurer la sécurité de ses
membres et le peuple est en droit de juger si le pouvoir législatif ou
le Prince remplissent cette mission »
De même les conséquences du pacte social
tirées des deux pensées ne sont pas les mêmes, en effet
pour Locke, le pouvoir législatif ou le Prince ne sont pas totalement
libres mais ils sont liés par les termes du contrat. Donc devant la
nécessité d'assurer un arbitrage entre les droits et de garantir
la sécurité commune se forme l'institution politique sur un mode
contractuel reposant sur la confiance et fondé sur une mise en commun,
et à laquelle les individus transfèrent partiellement et
temporairement leurs droits : « On mesure ainsi à
plus d'un titre la place centrale occupée par l'idée des
droits de l'individu dans le schéma
Lockien »44(*)
Rousseau pense que dans le contrat social, les hommes ont
abandonné toute leur liberté originaire entre les mains du
souverain.
Selon lui si les hommes ont abandonné leur
indépendance c'est dans le but de voir s'accroître par la
protection sociale la sécurité de cette indépendance que
l'inorganisation originelle avait rendue précaire mais cette
contradiction apparente ne peut s'expliquer qu'en faisant appel a la notion de
volonté générale par conséquent, si l'homme demeure
libre, c'est parce que le souverain n'étant formé que des
particuliers qui le composent et chaque homme de par sa nature, partie du
souverain et donc la volonté générale ne peut être
que juste et bienfaisante.
L'idée de Rousseau parait compatible avec
l'instauration d'une démocratie directe puisque le peuple en
corps est appelé à voter les lois mais selon la doctrine cette
conception rousseauiste ne résout pas le problème des
minorités tout en insistant sur l'idée que la volonté
générale ne peut pas errer, pour cette raison Rousseau disait
« même que je me situe dans la minorité, je montre que
je n'ai pas une conscience claire de ce que veut la volonté
générale et que, par conséquent, je me suis
trompé »
Les idées de Rousseau avaient bien influencé la
déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
D'autres philosophes avaient contribué à
l'émergence de l'individualisme notamment Baruch Spinoza, l'auteur du
Tractatus theologico politicus, pour ce philosophe le droit au respect de la
vie n'est pas le seul droit inaliénable de la personne mais
« il importe aussi de rechercher les conditions politiques
permettant de se protéger du fanatisme et des conflits inter
communautaires »45(*) La conception de Spinoza demeure importante dans la
mesure ou il prône la séparation des Eglises et de l'Etat afin de
préserver la liberté de conscience, de pensée et de
d'opinion.
Kant dans sa philosophie ne prévoit il pas que
« l'humanité elle-même est une dignité; en
effet, l'homme ne peut être utilisé par aucun homme (ni par
autrui, ni par lui-même) simplement comme un moyen, mais toujours
être traité en même temps comme une fin, et c'est en cela
que consiste précisément sa dignité». Il disait
aussi : « Dans le règne des fins tout a un prix ou une
dignité. Ce qui a un prix peut être aussi bien remplacé par
quelque chose d'autre, à titre d'équivalent; au contraire, ce qui
est supérieur à tout prix, ce qui par suite n'admet pas
d'équivalent, c'est ce qui a une dignité »
Faut il aussi reconnaître l'apport des physiocrates qui
soutiennent l'idée d'un ordre naturel et essentiel dont les hommes se
borneraient à reconnaître les lois. Le respect de l'individu et de
ses droits constitue la base de la société et en particulier
parmi ces droits, la propriété, essence de l'ordre social.
En définitive, la primauté de la personne trouve
son plein effet dans la philosophie des modernes. Mais qu'en est il de l'apport
théologique en la matière ?
§. 2. La primauté de l'être humain du
point de vue religieux
L'universalité de l'être humain du point de vue
religieux ne peut se concevoir que dans les religions monothéistes.
Il faut par conséquent s'intéresser de l'apport du
Judaïsme ou l'ancien testament et de l'apport du Christianisme ou le
nouveau testament.
Ce qu'il faut souligner d'emblée c'est que notre
étude ne doit pas être au sens d'un exposé des origines
religieuses des droits et libertés mais plutôt au sens du message
universel tracé par ces trois grandes religions monothéistes
Le manuel « théorie générale
des droits et libertés » servira de base dans l'analyse de
l'apport théologique en ce qui est du message universel des droits et
libertés.
Dans un premier temps, on va exposer l'universalisme de
l'ancien testament (A), avant de s'interroger sur le message universel du
nouveau testament (B)
A- L'universalisme de l'ancien testament
En ce qui concerne l'apport de l'ancien testament, les auteurs
affirment que « le judaïsme a inventé la
première possibilité de l'universel avec la
représentation d'un dieu unique, éternel, transcendant, pur
esprit, impossible à nommer en raison de l'étendue et de
l'unicité de son pouvoir »46(*), et d'ajouter que
« le récit de la Genèse ou le Décalogue
s'adresse à tous. Ils valent identiquement pour chaque être
humain... »47(*)La notion de personne, fondée sur le
principe de la création de l'homme à l'image de dieu, implique
une injonction éthique comme ne pas tuer son prochain, en effet
« quiconque tue un homme tue un monde quiconque sauve un homme
sauve un monde ». On peut aussi prévoir les propos de
Dieu dans la Genèse en disant à Abraham qu'il serait le
père d'une multitude de nations De même que la justice
de Dieu atteindra aussi bien le peuple d'Israël infidèle que
les nations païennes.
Dieu est le seul Dieu de tous les peuples (Isaïe
45, 22-24) donc Dieu n'est pas le dieu d'Israël que s'il est le dieu de
tous les peuples de toutes les cultures de tous les temps.
Par conséquent la primauté de la personne
humaine trouve son plein fondement dans l'ancien testament. L'homme
crée à l'image de Dieu doit être concerné par le
salut et la miséricorde, par conséquent il est impératif
d'attribuer à cet homme les mêmes droits en raison de son
universalité et son unité. L'universalisme de
l'être humain est ensuite repris par le christianisme.
B- L'universalisme du nouveau testament
Le nouveau testament ou le christianisme consacre
à son tour le message universaliste de la personne humaine en effet
« chaque homme a une valeur sacrée pour Dieu ; tous
sont concernés par la grâce apportée par le
Christ »48(*)
Tout en soulignant les controverses doctrinales sur la
question de l'égalité, le professeur Michel Levinet affirme que
Jésus Christ « introduit d'abord une rupture avec les
traditions de son temps, fondées sur les distinctions sociales et le
mépris des catégories jugées
inférieures »49(*).
Le témoignage chrétien prend appui sur la
révélation de Dieu en Jésus-Christ, telle qu'en
témoigne justement la Bible. C'est en elle que l'on trouve notamment ces
célèbres paroles de l'apôtre Paul: "Désormais,
il n'y plus ni Juif, ni Grec; il n'y a plus ni esclave ni homme libre; il n'y a
plus l'homme et la femme; car tous sont un en Jésus-Christ" (Ga 3,28;
Col 3,11). Par là même s'énonce comme un principe
chrétien relatif au problème de l'universalité et du
respect des différences.
La portée universelle du propos est en effet d'une
exceptionnelle densité ("il n'y a plus de ségrégation" !);
mais elle ne prend appui que sur la particularité que marque le "en
Jésus Christ". Or dans ce "Jésus-Christ" s'affirment à la
fois une certaine vision de l'humanité des humains et son "incarnation"
dans un homme, une culture et une histoire spécifiques: Jésus de
Nazareth. Versant donc au forum de l'humanité en gestation leur propre
contribution, les témoins de Jésus Christ (individus et Eglises)
affirment leur convictions de ce que :
1. Ne participent à la communauté universelle
des humains que les cultures particulières qui se conçoivent dans
la communication, l'échange et la confrontation. Ces cultures -
sociétés et systèmes religieux et/ou politiques - se
comprennent et s'élaborent alors comme structurés par la parole.
On entend par là qu'elles font toujours prévaloir l'expression et
le dialogue sur l'enfermement et le mutisme, la négociation et la
recherche du compromis sur les déchaînements de la revanche et de
la violence permettant l'expression de toutes et de tous et en tenant compte
pour la mise en place d'une action commune.
En théologie chrétienne, ces divers
éléments se présentent comme les conséquences
concrètes et actuelles - sociopolitiques- de la confession selon
laquelle en Jésus-Christ, "la parole s'est faite chair et a
habité parmi nous". Mais dans le même temps, cette parole
n'énonce l'universalité que dans la figure d'une espérance
eschatologique.
2. De la même manière, on ne saurait transiger
sur le respect de la dignité de tous les humains et de tout humain
jusques et y compris des plus faibles et des plus petits d'entre eux. Certes,
la notion de dignité n'est pas d'une évidence absolue et l'on
peut comprendre qu'elle se décline de façon différente
selon les situations et les cultures. Du moins, sait-on - de façon quasi
immémoriale - ce qui est indigne et ce qu'on ne peut en aucun cas
accepter.
Le christianisme, pour sa part, voyant dans l'homme
Jésus de Nazareth (partageant la vie de tout humain, attaché
à une Croix et portant le triomphe de la vie au-delà même
des frontières de la mort), l'incarnation de Dieu Lui-même, a
quelque idée de ce qu'est la dignité et de ce qu'il convient en
son nom de ne jamais tolérer.
3. Il n'y a d'humanité et de culture au sens large que
là où est fait accueil à la
générosité et à la grâce,
que là où - à côté de l'économie
marchande et de la justice distributive - s'élabore une économie
du don - du gracieux et du beau, du généreux et du gratuit -, du
pardon et de l'amour. Or cette "économie" hors normes ne doit pas
simplement coexister à côté de l'économie marchande
et de la justice distributive, elle se doit de les bouleverser et de les
transcender sans fin, les conduisant à une manière de sublimation
- qui n'est autre que leur humanisation. Or là encore, le
christianisme en général, les Eglises de la Réforme en
particulier, peuvent apporter un témoignage tout à fait
spécifique. C'est alors en effet qu'ils donneront pleinement sens
à l'affirmation paulinienne selon laquelle c'est en Christ -en la
grâce dont il est le témoin privilégié, en la
dignité dont il est le révélateur à nul autre
pareil, en la parole offerte à toutes et à tous - que
s'énonce comme jamais le message inouï selon lequel "il n'y a
désormais plus ni Juif ni Grec, ni l'homme et la femme, ni esclave ni
homme libre" - alors même que chacun est appelé non à se
couper de ses racines (le Juif reste juif, le Grec reste grec)- mais à
développer la portée proprement universelle des
spécificités qui sont et demeurent les siennes.
La primauté de la personne humaine abstraite constitue
sans doute un fondement nécessaire de l'universalité des droits
de l'homme, toutefois cette universalité est fondée aussi sur
l'Etat démocratique et libéral. En conclusion, les droits de
l'homme ne peuvent s'universaliser que lorsque l'Etat démocratique et
libéral devient à son tour un modèle universel.
Section 2. L'Etat démocratique et libéral
La doctrine des droits et libertés a souvent
conditionné l'universalité des droits de l'homme par
l'universalité de la démocratie. La démocratie selon
Gilles Lebreton est « le système politique le plus apte
à protéger les libertés
publiques »50(*)
En effet, les droits de l'homme et les libertés
publiques reposent sur un choix de la société : le choix de
la démocratie libérale. Par conséquent « on
ne peut comprendre le problème de l'universalité des droits que
si l'on considère ceux-ci en lien direct avec l'Etat moderne lequel
s'est transformé en un phénomène
universel »51(*)
On s'interroge dans un premier temps sur les caractères
généraux de l'Etat démocratique et libéral (§.
1). Ensuite sur l'Etat de droit comme composante de la démocratie
libérale (§. 2)
§. 1. les caractères généraux de
l'Etat démocratique et libéral
Un Etat démocratique et libéral doit
reconnaître à ses individus des libertés individuelles et
politiques (A), consacre la primauté de la loi et la séparation
des pouvoirs (B) mais aussi exige de ses individus des conditions
particulières (C).
A- La reconnaissance des libertés individuelles et
politiques
Certains auteurs affirment que les libertés politiques
sont importantes dans la mesure ou elles permettent de garantir les
libertés individuelles.
En effet, selon Benjamin Constant, les libertés
politiques qui sont la liberté des Anciens se distinguent des
libertés individuelles, considérées comme la
liberté des modernes respectueuse de l'intériorité
irréductible de l'homme.
Mais ce que l'on constate aujourd'hui c'est que les
libertés politiques priment les libertés individuelles surtout
dans la transition démocratique des régimes d'Etat d'Europe de
l'Est puis de l'Afrique. De ce fait on accorde plus d'importance aux
élections libres et honnêtes, au pluralisme politique qu'aux
libertés individuelles. Mais certains auteurs mettent l'accent sur la
liberté de presse comme condition essentielle de toute
démocratie, conditionnant la promotion des droits de l'homme et des
libertés publiques par leur médiatisation. A cet égard, on
peut signaler la position de Claude Leclercq prétendant que
« la liberté est avant tout un problème de
formation. La défense et la promotion des droits de l'homme passe par
leur médiatisation »52(*).Le professeur Jean Rivero, tout en reconnaissant
le rôle des médias, affirmait que « l'arbitraire, la
torture, les discriminations raciales, les diverses formes
d'intolérance, qui étaient jadis considérés comme
des accidents regrettables peut être, mais inévitables, et dont
l'opinion qui d'ailleurs les ignorait le plus souvent, ne se préoccupait
guère, sont aujourd'hui, notamment grâce à
l'universalisation de l'information par les médias,
perçus et dénoncés comme des atteintes aux droits de
l'homme »53(*).
C'est en ce sens que l'assemblée générale
de l'organisation des nations unies proclamait la déclaration
universelle des droits de l'homme comme « un idéal a
atteindre afin que tous les individus et tous les organes de la
société ayant cette déclaration constamment a l'esprit
s'efforcent par l'enseignement et l'éducation de développer le
respect de ces droits et libertés et d'en assurer par des mesures
progressives d'ordre national et international, la reconnaissance et
l'application universelles et effectives »54(*)
La démocratie s'universalise aussi grâce au
rôle déterminant des organisations non gouvernementales comme le
comité international de la croix rouge, l'Amnesty international, la
commission internationale des juristes, les Hilsinki Watch Group, la
ligue internationale des droits de l'homme qui ne cessent de combattre pour la
promotion des droits de l'homme et des libertés dans le monde. Ces ONG
dénoncent les pratiques dégradantes et inhumaines commises par
certains régimes absolutistes, toutefois le rôle de ces
organisations reste, dans une large partie, relayé aux médias.
Enfin on peut dire avec Jean François Revel que cette
surveillance (par les médias et les ONG) contraint les dictatures.
S'agissant de la reconnaissance d'une sphère privée aux
individus, considérée comme une composante de la
démocratie, celle-ci représente aujourd'hui pour les Etats une
obligation et pour cette raison, les auteurs des droits et libertés
considèrent les droits de l'homme et les libertés publiques comme
une restriction de la souveraineté des Etats et nous pouvons
dire avec Claude Leclercq qu'« en raison de
l'accélération de la mondialisation, les souverainetés
nationales en matière politique, économique, stratégique
et de protection des droits de l'homme, se diluent en abandonnant du terrain.
De ce constat, il résulte que la liberté des individus et des
groupes grandit à l'échelle de la
planète »55(*)
L'Etat démocratique et libéral consacre aussi le
principe de la primauté de la loi et de la séparation des
pouvoirs.
B- la primauté de la loi et la séparation des
pouvoirs
Le respect de la loi passe certainement par le vote de cette
loi soit directement par le peuple (démocratie directe), soit par un
parlement élu par le peuple (démocratie indirecte) par
conséquent cette origine démocratique de la loi fonde la
confiance que la tradition libérale met en elle.
Au stade suivant, cette confiance dans la loi se
matérialise dans la compétence traditionnellement reconnue au
législateur en France pour adopter les textes garantissant les
libertés publiques depuis la DDHC 1789.
Enfin, au niveau de la mise en oeuvre il faut respecter le
principe de légalité qui suppose une soumission de
l'administration aux normes juridiques supérieures.
Mais aujourd'hui la supériorité reconnue
à la loi est partiellement remise en cause dans presque tous les
systèmes politiques56(*) surtout par l'apparition d'un contrôle de
constitutionnalité des lois, d'où la nouvelle figure du juge
constitutionnel comme défenseur de la transcendance des droits de
l'homme et par la suite comme gardien de la démocratie.
Le professeur Dominique Rousseau avait bien
développé cette idée en affirmant que
« la constitution- charte des droits et libertés,
réalise une nouvelle représentation de la démocratie, en
ce qu'elle opère, par rapport a l'ancienne, un double
déplacement : au profit des gouvernes qui acquièrent un
espace séparé et autonome de celui des gouvernants et au profit
du conseil constitutionnel qui devient la figure symbolique de la
démocratie constitutionnelle »57(*)C'est ainsi que dans son analyse du principe de
la séparation des pouvoirs prévu par l'article 16 de la DDHC
1789, Dominique Rousseau reprochait a la doctrine courante d'avoir eu une
conception étroite de l'article 16 en se limitant a la lecture de la
seule deuxième partie de l'article et d'avoir ignoré la
première qui serait sans doute complémentaire, voire même
nécessaire pour la compréhension du principe.
Dominique Rousseau présentait à cet
égard, les critiques adressées par la doctrine a la conception
classique de la séparation des pouvoirs notamment par Michel Troper,
pour qui, « ...ce principe (la séparation des
pouvoir) n'a inspiré aucune de nos
constitutions »58(*)
Ces critiques doctrinales avaient remis en cause la conception
classique de la séparation des pouvoirs et ont permis une nouvelle
lecture de l'article 16 donc une nouvelle conception de la constitution comme
garantie des droits des gouvernés de ce fait il faut
réfléchir la constitution non pas au sens d'une organisation des
pouvoirs, du statut des gouvernants mais d'accorder plus d'importance à
la première partie de l'article 16 DDHC 1789 qui met l'accent sur la
garantie des droits par la suite « assurer la
liberté politique des citoyens passe, non par une réflexion sur
la meilleure organisation des pouvoirs publics, mais par l'élaboration
d'une charte des libertés dont les citoyens pourront imposer le respect
aux gouvernants »59(*) et d'ajouter « renforcer la
démocratie implique que le texte constitutionnel s'intéresse
davantage aux droits des gouvernés qu'au statut des gouvernants, parte
et parle davantage du citoyen que des pouvoirs
publics »60(*)
Dominique Rousseau dans une nouvelle approche de la
constitution, la constitution charte jurisprudentielle des droits et
libertés, devient plus effective, surtout avec la mise en place d'un
mécanisme de sanction des organes de l'Etat.
Aujourd'hui le rôle du juge constitutionnel a
désormais changé, il apparaît plus comme gardien de la
démocratie par son contrôle de constitutionnalité des lois
mais la légitimité de ce rôle varie selon les approches
doctrinales. En effet, pour les positivistes, le juge constitutionnel
apparaît plus comme un gardien du droit positif donc comme un juge de
procédure « l'inconstitutionnalité d'une loi se
ramène toujours en dernière analyse a une
irrégularité de procédure »61(*)
De ce fait, le juge constitutionnel n'apparaît pas comme
un gardien effectif de la démocratie puisque la loi est valide du seul
fait qu'elle a respecté la procédure de son élaboration et
non en raison de son contenu.
Par opposition à cette approche positiviste, la
réponse jus naturaliste plaide en faveur d'un juge qui défend la
transcendance des droits de l'homme partant du constat que les droits de
l'homme et les libertés publiques ont un caractère
universel, intangible et transcendant.
En témoigne l'appellation de déclaration ou de
proclamation des textes de référence du juge constitutionnel dans
l'exercice de son contrôle (la déclaration des droits de l'homme
et du citoyen et le préambule de la constitution de 1946). Ces droits
sont naturels, antérieurs à la société et à
l'Etat, par conséquent le juge constitutionnel doit les
préserver, les défendre, voire même en sanctionner la
méconnaissance.
L'article 2 de la DDHC l'exprime clairement en
prévoyant que « le but de toute association
politique, est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de
l'homme »
Le courant jus naturaliste va même légitimer le
contrôle de la constitutionnalité des lois constitutionnelles,
cependant l'idée d'une supra constitutionnalité, du moins en
France, n'est pas admise par le juge constitutionnel , en témoigne sans
doute sa décision n° 2003-469 DC du 26 mars 200362(*).
D'autres conditions sont toutefois exigées des
titulaires des droits pour que l'on puisse parler d'un Etat démocratique
et libéral.
C- les conditions liées aux titulaires des droits
La démocratie est forcément liée à
un type de société bien déterminé, pour cette
raison certains auteurs exigent des titulaires des droits un certain niveau de
maturité.
Se basant sur les études de Karl Popper, le professeur
Michel Levinet rappelle les classifications des sociétés
établies par cet auteur. En effet, les sociétés humaines
sont reparties en deux catégories : les sociétés
ouvertes qui sont des sociétés libres et égalitaires,
où le critère de la vérité est la raison, où
l'individu est la valeur suprême, à l'opposé des
sociétés closes qui sont des sociétés tribales,
magiques et autoritaires soumises à des tabous religieux. Cet auteur
appelle à une lutte contre les philosophies historicistes qui, nous
reviendrons plus tard, représentent un obstacle face à la
tendance universaliste des droits de l'homme. Ces philosophies sont
conçues aux yeux de Popper comme « un lit de toutes les
tyrannies »63(*).
Un autre auteur avait, à son tour,
réfléchit sur le type de société adéquat
avec le modèle démocratique libéral c'est le fameux
Kelsen, ce dernier théorise en faveur de la relativité des
valeurs et des réalités. En effet « ce qui
caractérise l'idée démocratique c'est le relativisme,
à savoir l'idée que la connaissance humaine ne peut atteindre que
des vérités et des valeurs relatives »64(*). Les professeurs Robert
Charvin et Jean Jacques Sueur, traitant la question de la démocratie et
son articulation avec les libertés, affirment
qu' « il est communément admis que les
libertés publiques et la démocratie ne peuvent avoir d'existence
que lorsqu'un certain niveau de développement soit
atteint »65(*).Le régime des libertés publiques,
contrairement aux régimes dictatoriaux, est en relation étroite
avec le niveau d'industrialisation, le revenu par tête et le
taux d'analphabétisme ( la même position de Claude Leclercq).
Cette réflexion sur le type de société
adéquat avec le modèle démocratique libéral, est
nécessaire dans notre analyse de l'universalité des droits de
l'homme. En effet la crise des droits de l'homme était toujours
expliquée par la montée des intégrismes,
l'analphabétisme et les disparités économiques entre le
Nord et le Sud.
Faut il aussi rappeler que l'Etat démocratique et
libéral est un Etat de droit.
§. 2. l'Etat démocratique et libéral, un
Etat de droit
On s'interroge d'abord sur la saisine de la notion d'Etat de
droit par la doctrine (A) avant d'exposer la compatibilité de la seule
conception substantielle avec les droits de l'homme (B).
A- la saisine de la notion par la doctrine66(*)
La notion d'Etat de droit a pris naissance en Allemagne avec
la notion de Reichsstaat et a été emportée en France par
R. Carre de Malberg67(*)
dans sa contribution à la théorie générale de
l'Etat. Cet auteur définit l'Etat de droit par opposition à
l'Etat de police, pour lui, « l'Etat de police est celui dans lequel
l'autorité administrative peut, d'une façon
discrétionnaire et avec une liberté de décision plus ou
moins complète, appliquer aux citoyens toutes les mesures dont elle juge
utile de prendre par elle-même l'initiative, en vue de faire face aux
circonstances et d'atteindre à chaque moment les fins qu'elle se
propose »68(*). A l'inverse, l'Etat de droit est « un Etat
qui, dans ses rapports avec ses sujets et pour la garantie de leur statut
individuel, se soumet lui-même à un régime de droit, et
cela en tant qu'il enchaîne son action sur eux par des règles,
dont les unes déterminent les droits réservés aux
citoyens, dont les autres fixent par avance les voies et moyens qui pourront
être employés en vue de réaliser les buts étatiques
»69(*). Par
conséquent « Une distinction classique oppose État
de police et État de droit. Dans l'État de police, les
règles protectrices des libertés ne s'imposent qu'aux personnes
privées, alors que dans l'État de droit elles s'imposent aussi
aux pouvoirs publics. Les libertés publiques ne peuvent donc se
développer pleinement que dans un État de droit
(...) »70(*).
R. Carré De Malberg, utilisant sa méthode rigoureuse qui
consiste à s'en tenir qu'aux données fournies par le droit
positif (les trois lois constitutionnelles de 1875), il en déduit que la
France n'est pas un Etat de droit mais un Etat légal car les droits
naturels ne sont pas opposables au législateur et parce qu'il
n'existe pas une procédure juridictionnelle qui garantisse cette
opposabilité. La loi n'est pas soumise à la
constitution, et en raison de l'absence du juge constitutionnelle, il n'y a pas
d'Etat de droit. Le volontarisme de Malberg l'avait conduit à
définir l'Etat de droit comme un Etat qui s'autolimite volontairement,
il défend donc la doctrine de l'autolimitation issue des auteurs
Allemands comme Jellinek et Ihering. Dans sa pensée proprement
positiviste, l'Etat pour se consolider s'est institutionnalisé et s'est
doté d'une constitution c'est ainsi qu'il s'est autolimité.
L'Etat n'est pas la force, il est le facteur de limitation de la force, donc
pour s'organiser, il neutralise les forces concurrentes de sorte que personne
n'a le dernier mot. Il apparaît donc que la volonté subjective de
l'Etat est le critérium exclusif du droit.
Mais cette doctrine de l'autolimitation était
très critiquée par H. Kelsen et par Léon Duguit
Pour le premier, cette doctrine n'est pas tenable car elle
consiste à dire que le droit serait le fait brut de la
volonté. Pour Duguit, cette doctrine est faible puisqu'elle ne
met pas les gouvernés à l'abri des gouvernants. L'échec de
la doctrine de l'autolimitation est constaté a partir de la
réponse apportée par De Malberg aux critiques adressées
par ses concurrents puisque ce dernier affirme que l'Etat s'autolimite parce
qu'il a intérêt, c'est pour maintenir l'équilibre, l'Etat
offre le bon exemple aux gouvernés et les inviter donc a
l'obéissance or cette réponse qui repose sur
l'intérêt sort de la science du droit, c'est une réponse
politiste d'où la transgression des limites du positivisme. De plus, cet
auteur avait apporté un jugement de valeur en affirmant que certes,
juridiquement, il n' y a pas de limites a la volonté des gouvernants
mais après plus d'un siècle de libéralisme, on ne pourrait
pas comprendre que les gouvernants ignorent la noblesse de ces droits, cette
réponse enfreint sans doute les limites de la neutralité
axiologique et traduit l'échec de la doctrine de l'autolimitation.
Léon Duguit s'inscrit dans la liste des auteurs, qui
à la fin 19 siècle vont donner un coup d'arrêt au culte de
la loi. Il va livrer toute une étude contre la métaphysique
subjectiviste des lumières, son combat était contre le
légalisme fonde sur une métaphysique.
Léon Duguit va prôner la théorie de
l'hétérolimitation, sa méthode consiste a présenter
que les faits, rien que les faits et surtout elle consiste a nous
départir des idées conçues a priori avant toute
expérience, parmi ces idées, il y a l'idée de
volonté, de droit naturel subjectif.
L'homme, disait, naît membre d'une collectivité,
il a toujours vécu en société par la suite, le point de
départ de toute doctrine sur le fondement du droit doit être
l'homme naturel, celui-ci n'est pas l'être isole et libre des
philosophies des lumières mais c'est l'individu pris dans les liens de
solidarité sociale.
Duguit dit que non seulement la doctrine de droit subjectif
est absurde mais aussi elle est dangereuse, d'abord elle conduit a la tyrannie,
au totalitarisme en effet si l'on reconnaît des droits subjectifs aux
individus, il n'y a pas raison pour les reconnaître aux gouvernants et
surtout l'Etat
Ce que Duguit renonce c'est la notion de personne morale, pour
lui ces idées métaphysiques sont des masques,
procédés d'abstraction, pour faire passer la force.
Pour Duguit l'exaltation de la loi, des droits subjectifs,
risque d'imposer le chao et renforcer la souveraineté de l'Etat.
En effet, selon lui, l'Etat est un pur rapport de force (une
conception essentialiste de l'Etat), il va de soi donc que les gouvernants sont
du point de vue des faits plus forts que les gouvernes mais dans l'ordre du
droit ils sont égaux comme tout le monde.
Personne disait, ne peut imposer sa propre volonté a
autrui, le fait d'imposer sa volonté c'est un fait et non pas un droit.
Par conséquent, si les gouvernants sont comme tout le monde, alors ils
sont soumis au droit mais au droit objectif qui est
générée spontanément par la société
et ce droit objectif s'exprime en révélant des besoins de
solidarité, d'interdépendance et ces besoins sont quai
biologiques, elle sont de l'ordre de la science. Mais la doctrine de Duguit,
comme celle de Malberg, a échoué puisque derrière ce digne
label de cette règle scientifique, c'est le postula éthico
politique, derrière cette fâcheuse conséquence c'est la
subjectivité car elle cache une théorie de l'Etat providence, de
l'Etat socialiste. Enfin, H. Kelsen, tout en restant fidèle a sa
méthode, il a aboutit a une conclusion désenchantée
puisque pour lui tout Etat est un Etat de droit. Pour lui, il n'est pas utile
et même contraire à une vision scientifique de dire que l'Etat et
le droit sont séparés puisque cela consisterait à
hypostasier l'Etat. L'Etat dit, n'est rien d'autre qu'un ordre juridique
particulièrement centralisée qui permet de l'identifier par
rapport aux sociétés primitives et aussi les
sociétés internationales. Mais cette vision moniste de l'Etat et
du droit conduit a dire que même l'Etat nazi est un Etat de droit ce qui
aurait, sans doute, des conséquences perverses sur la démocratie,
les droits de l'homme et les libertés publiques.
En définitive, l'Etat de droit doit reposer sur une
conception substantielle afin de garantir l'effectivité des droits de
l'homme.
B. La conception substantielle, seule, garantit
l'effectivité des droits de l'homme
Pour Gilles Lebreton, l'Etat qui,
étant à la fois esclave et protecteur des libertés, tire
sa légitimité de son aptitude à les développer et
à s'y soumettre. Pour que cette « mission
soumission »71(*) caractéristique de l'Etat de droit
soit menée à bien, deux conditions doivent être
réunies. Il faut d'une part que l'action des gouvernants soit
enserrée dans une hiérarchie des normes, au sommet de
laquelle figure la déclaration des droits, d'autre part que
les juges soient suffisamment indépendants pour en
sanctionner la méconnaissance72(*)
Donc la déclaration des droits doit être
placée au sommet de la hiérarchie des normes afin de
préserver les droits de l'homme et les libertés publiques, mais
certains autres auteurs définissent l'Etat de droit comme suit :
« un système juridique présentant les
propriétés suivantes : 1/ des formulations de normes suffisamment
précises pour que leur application a) permette une orientation claire
aux destinataires, b) ne laisse que la plus faible place possible à
l'arbitraire et c) que l'on puisse vérifier la conformité de
l'application aux normes de référence ; 2/ des procédures
permettant de contrôler effectivement la conformité des normes
d'application aux normes de rang supérieur selon le rapport de
production. Il s'agit de caractéristiques (...) strictement formelles
et non du contenu souhaité de ces normes. »73(*)
Mais, si l'on considère l'Etat de droit comme un simple
agencement de normes, on risque de porter atteinte aux droits de l'homme et aux
libertés publiques et par conséquent de transgresser la
démocratie. Certains auteurs, se basant sur la neutralité
axiologique, refusent de donner au contenu de la règle juridique une
importance dans l'appréciation de sa validité.
Cette position est certes respectueuse de la logique
positiviste, toutefois elle risque de déroger à la
démocratie et de porter atteinte aux droits de l'homme. La
théorie pure du droit, formulée par Kelsen est l'exemple
emblématique de cet excès scolastique du positivisme, en effet sa
théorie lui a permis d'en déduire que tout Etat est un Etat de
droit.
Par opposition à cette conception purement formelle de
l'Etat de droit, une autre approche plaide en faveur d'un droit
apprécié substantiellement et non formellement, plus exactement
l'Etat de droit « suppose que le droit ne soit pas le droit de
n'importe quel Etat »74(*).
Le professeur Patrick Wachsmann affirme à cet
égard que « le concept Etat de droit repose sur la
conviction que l'individu est primordial et que l'Etat n'est légitime
qu'à la condition d'être ordonné à
l'épanouissement de cet individu »75(*). Donc l'Etat de droit doit
veiller à préserver les droits fondamentaux des individus en
tenant compte de leurs intérêts et de leur dignité. La
garantie des libertés constitue l'une des premières taches de
l'Etat de droit, notamment la liberté de la presse, de conscience, de
religion, d'opinion...etc.
Le juge constitutionnel dans cette conception substantielle de
l'Etat de droit doit veiller au respect de ces libertés et ce en
sanctionnant les lois qui pourraient les restreindre ou les limiter. Le juge
constitutionnel ne doit pas être un lit de justice, au contraire il doit
apprécier les lois substantiellement pour garantir leur
effectivité. La figure du juge constitutionnel doit changer avec cette
conception de l'Etat de droit, il devient un juge défenseur de la
transcendance des droits de l'homme et non seulement un gardien du droit
positif.
En définitive, la conception substantielle de l'Etat de
droit est la conception la plus adéquate avec le modèle
démocratique- libéral.
Chapitre 2 : Les manifestations de la
reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme
Envisager les manifestations de l'universalité des
droits de l'homme c'est se demander sur les affirmations de
l'universalité de ces droits et libertés.
Dans ce chapitre, on va étudier les manifestations de
l'universalité des droits de l'homme sur un plan interne (section 1)
avant d'envisage leur reconnaissance sur un plan international (Section
2).
Section 1. Les manifestations internes
Le concept d'universalité des droits trouve son origine
historique et philosophique lors de la rédaction de la
Déclaration des Droits de L'Homme et du Citoyen adoptée par
l'assemblée française le 26 Août 1789.Par la suite d'autres
textes internationaux et régionaux s'inspireront de la DDHC pour
proclamer officiellement l'universalité des droits de
l'homme.
Pour présenter les manifestations de
l'universalité des droits de l'homme sur le plan interne on doit d'abord
s'interroger sur l'universalité de la DDHC 1789 (§.1) toutefois en
la distinguant des textes anglo américains (§. 2)
§. 1. L'universalité de la DDHC 1789
La déclaration des droits de l'homme et du citoyen
avait sans doute une portée universelle, en effet cette
déclaration était « plus qu'une déclaration
de droit ; elle a élaboré tout un programme politique et
constitutionnel de la modernité dans lequel l'idée
d'universalité des droits occupe une place prédominante.
Les droits proclamés sont des droits naturels, inaliénables et
égaux pour tous. C'est de la que provient leur universalité
... »76(*)
Les auteurs des droits et libertés mettent souvent
l'accent sur le caractère universel de la
déclaration des droits de l'homme et du citoyen c'est ainsi que
Frédéric Sudre prévoit que « la
déclaration de 1789 n'est pas la déclaration des droits des
citoyens français mais elle vaut pour tous les
hommes »77(*)
La Déclaration du 26 août 1789 peut être
considérée comme le point de départ d'une nouvelle
conception du droit, de la loi et de la souveraineté nationale. Les
constituants français de 1789 ont voulu légiférer pour
l'humanité toute entière. Les principes de 1789 qui marquent
la conception du droit constitutionnel après la Révolution sont
ceux qui fondent encore aujourd'hui nos Etats de droit :
souveraineté de la loi, égalité de tous devant la loi,
garantie des libertés individuelles. De nature ambiguë, la DDHC
s'est progressivement ancrée dans le droit positif français avant
de s'insérer dans le « bloc de
constitutionnalité » sous la Ve République. Le
professeur JJ Israël affirmait que « la déclaration de
1789 eut incontestablement une portée universelle que n'avaient pas eue
les déclarations américaines »78(*).Ce caractère universel de la
déclaration s'explique par le poids de la France à la fin du
XVIII siècle, en effet la France était la première
puissance politique « occidentale pour des raisons
démographiques, économiques et culturelles »79(*). L'universalité de la DDHC de
1789 touche les trois piliers de l'universalité prise dans ses trois
dimensions, en effet « La déclaration française
s'adresse à l'humanité abstraite et intemporelle,
elle intéresse tous les hommes ; déclaration pour
tous les temps et tous les peuples, elle se veut
universelle »80(*)
Pour cette raison les droits proclamés sont ceux de
l'homme et du citoyen et non ceux des seuls citoyens français par
conséquent « ils valent pour tout être
humain »81(*)
Allant dans ce sens le professeur Michel Levinet reprend la
formulation du philosophe Georges Gusdorf en disant « de
même que l'Eternel a dicté sa loi à Moise au sommet de
Sinaï, les législateurs Français posent souverainement du
haut de leur empyrée les conditions de toute législation valable,
leur message ne s'adresse pas à une nation, il s'agit d'une encyclique
valable urbi et orbi, sans limitation d'espace ni de temps »82(*).
Faut il aussi préciser que cette prétention
à l'universalité apparaît lors des débats de
l'assemblée nationale, en effet, Le 20 Août, un
député affirme qu'une déclaration doit être de
tous les temps et de tous les peuples et rappelle "qu'il ne
s'agit pas ici de faire une déclaration des droits seulement pour la
France mais pour l'homme en général".
Cette volonté d'universalité se retrouve dans le
contenu même de la déclaration , le mot français n' y
apparaît qu' une seule fois à la première ligne du
préambule dans le but de marquer l' origine géographique de la
déclaration .Dans la suite du texte le titulaire des droits est toujours
désigné de façon abstraite : "l'homme ","le
citoyen","la nation";"la société","la volonté
générale".Voulant parler au nom de l'humanité, les
députés de 1789 doivent se borner à proclamer des grands
principes philosophiques suffisamment vagues pour être acceptés
partout. Ce caractère d'universalité a frappé les
imaginations et a été l'une des causes de la
célébrité immédiate et durable, dans le monde
entier de la déclaration de 1789, la déclaration sera d' ailleurs
source d'inspiration pour divers textes ayant trait au droit de l'homme aussi
bien dans le cadre d'instances internationales que régionales.
La déclaration proclame ainsi dans son
préambule que « les représentants du peuple
français ... ont résolu d'exposer, dans une déclaration
solennelle les droits naturels, inaliénables et sacrés de
l'homme ». La déclaration des droits de l'homme et du
citoyen s'est inspirée des philosophes des lumières,
ainsi les droits proclamés sont des droits naturels qui marquent
l'individualisme. Par conséquent la déclaration des
droits de l'homme et du citoyen consacre dans ses articles les idées de
Montesquieu notamment le principe de séparation des pouvoirs mais aussi
elle s'inspire des idées de Rousseau puisque la loi est devenue
l'expression de la volonté générale de même que la
consécration du principe de l'égalité.
§. 2. Les traits distinctifs de la DDHC par rapport
aux autres déclarations de droits
On procède dans cette section à une étude
comparative entre la DDHC et la Déclaration Américaine d'une part
(A), et la DDHC et les textes Anglais d'autre part (B).
A- Par rapport à la déclaration
Américaine
La doctrine des droits et libertés avait rappelé
les traits distinctifs de la DDHC par rapport aux autres déclarations de
droit formulées par les Américains, cette distinction est
nécessaire dans la mesure ou elle nous permet de montrer la
spécificité du texte français.
Le texte français comme nous l'avons déjà
signale avait un caractère abstrait, en effet l'homme vise par la DDHC
n'est pas situe au contraire les droits naturels et sacres reconnus par cette
déclaration visent l'humanité toute entière,
l'humanité prise dans sa totale abstraction.
A l'oppose, les textes Américains étaient
plutôt concrets « dans la mesure ou elles visent a
préciser les droits reconnus, leurs modalités d'exercice, en
définissent minutieusement les procèdes judiciaires a même
de les garantir (par exemple le jugement par jury) ainsi que les
procèdes politiques afin d'éviter le despotisme (fréquence
des élections) »83(*)
Le professeur Michel Levinet reprend les formulations du
professeur Jacques Godechot dans laquelle il soulignait la différence
entre les textes américains et la DDHC en effet si « les
premiers, tout imprègnes de pragmatisme, sont conçus pour
être invoques devant les tribunaux par les citoyens
lésés ; ils proclament les droits du citoyen de la Virginie
ou de Massachusetts. La déclaration française, au contraire se
veut universelle. Elle a subi l'influence des philosophes du XVIII
siècle, et surtout de Locke, de Voltaire, de
Rousseau »84(*)Une autre différence peut être
soulignée à cet égard et qui est relative a la nature des
déclarations. En effet la DDHC avait une nature théiste autrement
dit elle ne se base pas sur la volonté divine par opposition la
déclaration d'indépendance Américaine qui s'ouvre
à cette formule: «We hold these truths to be self-evident: That
all men are created equal; that they are endowed by their Creator with
certain unalienable rights; that among these are life, liberty, and the
pursuit of happiness". Dieu figure donc dans la Déclaration, et,
d'une certaine manière, c'est lui qui dit le droit. (C'est
l'autorité divine qui crée la loi), le droit naturel a
été créé par Dieu et se trouve
nécessairement conforme à sa volonté. C'est donc
l'autorité de Dieu qui crée la norme. Les rédacteurs de la
Déclaration de 1789 ont, quant à eux, usé d'une
formulation plus ambiguë, puisque ce texte est adopté " en
présence et sous les auspices de l'Etre Suprême ". Il est en
quelque sorte théiste et non déiste. Il reconnaît ainsi la
nécessité de la foi, sans pour autant la rattacher à une
religion révélée, car l'Etre suprême est un
être de raison. On peut certes y voir la volonté de
neutralité de l'Etat qui ne doit imposer aucune religion. Mais on peut
également déceler dans cette formulation une autre conception du
droit naturel, inhérent à la nature humaine et non pas issu de la
divinité. « Dieu est peut être observateur, il n'est
pas créateur de la norme »85(*).
Qu'en est il, alors de la spécificité de la DDHC
1789 par rapport aux textes Anglais ?
B- Par rapport aux textes Anglais
En Angleterre la reconnaissance des libertés
était étroitement liée à « l'histoire
du peuple Anglais d'une part, à son empirisme d'autre
part »86(*).Les textes britanniques reconnaissent certains
droits et libertés a titre d'exemple le droit a un procès
équitable prévu par la Magna Carta 1215 a cet effet
« aucun homme libre ne sera arrête ou emprisonné ou
dépouillé ou mis hors la loi ou exile et il ne lui sera fait
aucun dommage, si ce n'est en vertu d'un jugement légal de ses pairs ou
en vertu des lois de pays » De même que des garanties
contre les arrestations arbitraires dans la pétition of Rights, la
sûreté individuelle dans l'Habeas corpus Act, la liberté
des élections et l'interdiction d'infliger des peines cruelles et
inusitées ou des amendes excessives dans le Bill of Rights. Mais ce
qu'il faut signaler, c'est que ces grands textes avaient méconnus
certaines libertés fondamentales comme la justice de classe de
même que le travail des enfants outre l'exclusion des catholiques des
fonctions publiques jusqu'en 1829.Le professeur Patrick Wachsmann affirme a cet
égard que « le texte ne délivre aucun message
universel : il règle pragmatiquement un problème
anglais, sans faire appel a autre chose qu'a des titres
historiques »87(*) Le professeur Michel Levinet met à son
tour l'accent sur la spécificité des textes Anglais et leur
liaison étroite à l'histoire du peuple Anglais, pour lui
« les textes britanniques sont donc de l'ordre du constat, ils
constituent un procès verbal de fin de conflit entre le monarque et les
chambres »88(*)
Pour cette raison les textes Anglais ne peuvent guère
être conçus comme universels et par conséquent ils se
distinguent de la DDHC qui, comme nous l'avons signale, n'avait ni une histoire
ni un territoire propre.
Les droits de l'homme, après leur reconnaissance sur le
plan interne, ont connu un mouvement d'internationalisation très
remarquable.
Section 2. Les manifestations internationales
Etudier la question des manifestations de
l'universalité des droits sur un plan international, revient
nécessairement a étudier le phénomène de
l'internationalisation des droits de l'homme, en effet les droits de l'homme
à partir de la fin de la deuxième guerre mondiale ont connu une
expansion qui a dépassé les frontières pour imposer une
sorte de morale commune à tous les hommes quelque soit leurs
origines.
Aujourd'hui, « l'universalité des droits
de l'homme est devenue réalité non pas au sens ou ils seraient
désormais universellement reconnus et respectes, mais au sens ou la
revendication des droits s'est diffusée à l'ensemble de la
planète »89(*)
Le professeur Patrick Wachsmann, en étudiant la
question de l'universalité des droits de l'homme, se demande s'il
« n'existe pas une déclaration universelle des droits de
l'homme adoptée sans opposition par l'assemblée
générale de l'organisation des nations unies (mais avec
l'abstention de l'union soviétique et des autres Etats du bloc
socialiste, mécontents de l`absence de toute mention du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes) et des pactes internationaux
adoptés, eux aussi à l'unanimité, ouverts à tout
Etat et massivement ratifiés ? »90(*). Pour certains autres,
l'internationalisation des droits de l'homme est à la fois
« le signe et le vecteur de leur
universalisation »91(*). Allant dans ce sens Louis Favoreu
prévoit que « la proclamation des droits de l'homme dans
des textes internationaux est sans doute à la fois le signe de leur
reconnaissance et la revendication de leur
universalité »92(*)
Compte tenu des éléments qui viennent
d'être retracés, il est nécessaire de s'interroger sur les
normes internationales reconnaissant l'universalité des droits de
l'homme (§.1), ensuite sur l'internationalisation des mécanismes de
protection des droits de l'homme (§. 2).
§. 1. les normes internationales
Les premières initiatives de la communauté
internationale ne visent pas à protéger les droits de l'homme en
général, mais des catégories de personnes
particulièrement vulnérables.
Sous l'impulsion d'Henri Dunant, fondateur de la Croix-Rouge,
les principaux Etats européens signent en 1864 un texte qui inaugure le
développement futur du droit humanitaire : la Convention de
Genève sur la protection des blessés en temps de guerre. Le droit
humanitaire va par la suite se développer en cherchant à
réglementer la conduite des hostilités, notamment pour
éviter les souffrances et destructions inutiles.
Malgré cette inspiration spécifique, en mettant
l'accent sur l'importance de la personne humaine et la nécessité
de la protéger contre les Etats, il préfigure le système
normatif qui sera mis en place ultérieurement pour assurer la protection
internationale des droits de l'Homme.
Le constat de l'inaction de la Communauté
internationale face aux atrocités commises pendant la seconde guerre
mondiale est l'une des raisons du changement qui s'opère à partir
de 1945. Les droits de l'homme sont désormais placés au centre
des préoccupations des Nations Unies, auxquelles la Charte de San
Francisco assigne la mission de développer et d'encourager
« le respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales pour tous... ».
L'un des premiers actes de l'ONU est de décider, de
rédiger une Déclaration, qui sera finalement adoptée par
l'Assemblée générale le 10 décembre 1948.
La Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH)
constitue la première étape d'un processus appelé à
se poursuivre et à s'amplifier, avec l'adoption d'instruments
internationaux de plus en plus nombreux et impliquant un nombre croissant
d'Etats.
L'article premier de la Déclaration universelle dit que
: " Tous les hommes naissent libres et égaux en dignité
et en droits. Ils sont doués de conscience et doivent agir les uns
envers les autres dans un esprit de fraternité ".
Le caractère "universel" de la Déclaration
adoptée en 1948 était un point sur lequel le représentant
de la France à la Commission des droits de l'homme insistait93(*). Ce
texte avait en effet d'abord été conçu comme une
Déclaration internationale. Il devait être une proclamation faite
par des représentants d'Etats, ce qui liaient les droits de l'homme
à une conception interétatique de la société
universelle réduite à l'état de communauté
juridique "internationale". L'Assemblée lui a ainsi
conféré l'appellation de "Déclaration
Universelle", indiquant par là qu'elle émanait de la
Communauté juridiquement organisée de tous les peuples du genre
humain et qu'elle exprimait les aspirations communes à tous les
hommes94(*).
"Cette reconnaissance à tout être humain, en
tout lieu et à toute époque, d'un minimum consistant de droits
fondamentaux jette la base d'un nouveau droit commun international: en ce sens,
le droit international des droits de l'homme prétend exprimer des
valeurs -la dignité de l'homme, l'égalité des hommes- qui
constituent un fonds commun à toutes les civilisations et à
toutes les religions. L'atteste le rayonnement de la [Déclaration] qui
va irradier à la fois les législations nationales (certains Etats
nouveaux l'incorporerons dans leurs constitutions: Indonésie,
Costa-Rica, Haïti) et les textes internationaux."95(*)L'essentiel de la pensée de René
Cassin sur la nature des droits de l'homme était contenu dans la
Déclaration, c'est en partie parce qu'elle ne venait pas choquer sa
conception de l'universalité. Il expliquait que
l'aspect universel de la Déclaration tenait à ce qu'elle ne vise
pas l'Etat comme le constant et seul débiteur de la protection des
droits de l'homme, un homme qu'il voulait ériger en sujet du droit
international.
La DUDH, formellement, n'est qu'une résolution de
l'Assemblée générale : elle exprime l'accord des
Etats sur « un idéal commun à atteindre par tous
les peuples », comme l'énonce son préambule, mais
elle est dépourvue de caractère obligatoire. On insiste
volontiers sur la force morale qui lui est attachée, sur sa valeur de
symbole.
Mais sa portée ne se limite pas à cette force
morale : d'une part parce que certains Etats l'ont incorporée
à leur Constitution ; d'autre part parce que ses dispositions ont
été presque intégralement reprises dans les deux pactes de
196696(*), aujourd'hui
ratifiés par plus de 140 Etats. Enfin, une partie de la doctrine estime
que les principes énoncés par la Déclaration ont acquis la
valeur de normes coutumières, donc opposables aux Etats.
Donc, le souci de dépasser le stade de la
« déclaration des droits » contenue dans la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, poussa les
rédacteurs de cet instrument à la compléter avec
l'adoption de véritables traités relatifs aux droits et
libertés : le Pacte relatif aux droits civils et politiques et le
Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
adoptés et ouverts à la signature le 16 décembre 1966 par
la Résolution 2200 A (XXI). Avec l'entrée en vigueur de ces deux
Pactes (le 3 janvier 1976 pour le second et le 23 mars de la même
année pour le second), plusieurs dispositions de la Déclaration
Universelle ont acquis une force obligatoire pour les Etats. En effet, les deux
Pactes possèdent en eux un caractère obligatoire qui s'impose aux
seules parties contractantes. Les Pactes jumeaux
constituent, avec la Déclaration Universelle et les deux Protocoles
facultatifs relatifs aux droits civils et politiques, la « Charte
internationale des droits de l'homme ». Ainsi, le droit international des droits de l'homme
à vocation universelle a été élaboré.
La Charte internationale des droits de l'homme a posé
les normes essentielles en vue de la protection des droits fondamentaux.
L'élaboration de ces normes est considérée comme la
première étape de l'action engagée par l'ONU Toutefois,
«Ces pactes s'ils maintiennent le principe d'universalité ils
rompent avec celui de l'indivisibilité des droits de l'homme
puisqu'ils traitent séparément les droits de la
première et de la deuxième
génération »97(*)
Depuis 1948, on assiste à une
« mondialisation » des droits de l'homme. Cette
mondialisation peut s'observer au travers de l'existence d'un grand nombre de
conventions internationales98(*).
Toutefois l'universalité des droits de l'homme ne
trouve son effectivité que si l'on organise des mécanismes
internationaux de protection de ces droits.
§. 2. L'internationalisation des mécanismes de
protection des droits de l'homme
On s'intéresse dans cette partie à
l'étude des affirmations sur la scène internationale des
mécanismes de protection des droits de l'homme.
Le professeur Frederic Sudre affirme que « La
justiciabilité de la règle conditionne l'efficacité de la
garantie et de sa sanction. Aucune protection internationale des droits de
l'homme ne peut être sérieusement mise en oeuvre si elle ne
s'accompagne pas des mécanismes juridictionnels
appropriés »99(*).
Les mécanismes de contrôle de l'application des
traités internationaux en matière de protection des droits de
l'Homme ont été développés au sein du
système des Nations Unies. Les Etats Parties aux dits traités,
ont l'obligation principale de mettre en application les droits fondamentaux
prévus par les textes.
En identifiant les techniques de protection mises en place
dans le cadre de l'O.N.U, on remarque qu'il est difficile d'organiser au niveau
international de véritables sanctions juridiques. Les techniques
politiques de contrôle et les mécanismes de protection non
juridictionnels jouent un rôle plus important. De plus, il est inutile de
multiplier au sein des organisations internationales ou régionales les
techniques de contrôle, surtout lorsque les sanctions qui sont
prévues n'ont qu'un effet relativement modeste.
Plusieurs procédures ont été mises en
place permettant l'examen de communications interétatiques et de
communications individuelles. La procédure qui nous intéresse le
plus en l'espèce, est celle applicable aux deux Pactes internationaux de
1966 ; c'est à dire la procédure d'examen sur rapport
étatique qui procède de la notion de dialogue entre un ensemble
d'experts indépendants provenant de régions et de systèmes
juridiques différents et une délégation composée de
représentants de l'Etat Partie concerné. Une telle
procédure, délibérément non accusatoire, permet
à la communauté internationale d'influencer directement sur la
rédaction de textes de Lois, de Règlements ou la mise en pratique
des normes nationales.
Plusieurs normes internationales affirment qu'il incombe aux
gouvernements de prévenir et de sanctionner les violations des droits de
l'Homme lorsqu'elles sont commises sur leur territoire. Elargir la
responsabilité implique non seulement de s'intéresser à ce
que font les gouvernements, mais aussi à ce qu'ils ne font pas pour
promouvoir les droits de l'Homme et pour prévenir les violations de ces
droits. Cet élargissement va expliquer la relativisation du corpus
juridique de l'universalité des droits de l'Homme.
Parlant du rejet de l'autorité ou la
méconnaissance des mécanismes de garantie, certains Etats se sont
montrés moins coopératifs et opposés à ces
procédures qui n'ont en fait qu'une valeur relative. Beaucoup
dépend de la bonne volonté des Etats. Il
est, en effet bien rare qu'un Etat, de l'avis Du professeur Gilbert Guillaume,
accepte volontairement de voir contester son action dans le domaine des droits
de l'homme où qu'il conteste le comportement d'un autre Etat en pareil
domaine100(*). Cela se manifeste par la répugnance
instinctive ou consciente à l'égard de tout mécanisme
supranational de contrôle dont le point de départ est la
ratification même des instruments internationaux relatifs aux droits de
l'homme101(*).
Le professeur Paul Tavernier trouve,
en effet, intéressant de s'interroger sur le sort réservé
à ces instruments, notamment le Pacte international relatif aux droits
civils et politiques dans sa longue marche vers l'universalité et de
l'avenir qui lui est réservé en se basant sur les études
du professeur Jacques Mourgeon. Le constat qui en est fait est que l'avenir du
Pacte est incertain à cause de l'indifférence,
l'hostilité, le dédain des Etats. En effet, à la fin de la
81e Session du Comité des droits de l'homme qui s'est tenue
du 5 au 30 juillet 2004, 153 sont parties au Pacte tandis que 104 seulement
sont parties au premier Protocole et 53 au second (sur la peine de mort). L'acceptation par les Etats des obligations
découlant du Pacte est donc loin d'atteindre l'universalité car
une partie non négligeable de la communauté internationale
demeure à l'écart du système conventionnel qui ne peut,
dès lors, être considéré comme reflétant
l'état du droit coutumier. Même les Etats initiateurs
n'échappent pas à l'attitude de réticence. Tel est le cas
des Etats Unis qui n'ont toujours pas ratifié les Protocoles se
rapportant au Pacte relatif aux droits civils et politiques, la France dont le
Conseil d'Etat n'avait pas suivi les conclusions du commissaire du gouvernement
Philippe Martin sur le fait que les principes du droit international
correspondaient exactement à ceux du droit interne en matière
d'égalité à propos de l'affaire Doukoure 102(*) ; ce qui a contredit la position prise par le
Comité des droits de l'homme dans l'affaire Gueye ,
conséquence d'un nationalisme orgueilleux.
Cet état des choses constitue un véritable
modèle suivi par les « petits Etats ». Comme l'avait
écrit le professeur Paul Tavernier, il s'agit d'un vaste débat,
Certes, qui ne sera pas clos de sitôt. Toutefois, dans cette perspective,
il peut être intéressant d'observer quelle a été
l'attitude des États arabes vis à vis des textes adoptés
au sein de l'Organisation des Nations Unies en matière de droits de
l'homme. Lors de l'adoption de la Déclaration universelle, la position
des six États arabes membres à l'époque des Nations Unies
révélait une certaine diversité: quatre voix en faveur
(Égypte, Irak, Liban et Syrie), une opposition (Arabie Saoudite) et une
absence au vote (Yémen). Ces positions doivent être
appréciées par rapport au contexte de l'époque. Si Paul
Tavernier semble lier le vote positif de l'Égypte et du Liban à
leur participation active à la rédaction de la Déclaration
et celui de l'Arabie saoudite et du Yémen à des
considérations religieuses, aucune raison n'est donnée quant
à l'adhésion de l'Irak et de la Syrie dont il faudrait rechercher
l'explication non seulement dans les options modernistes de ces deux pays, mais
aussi dans leur caractère multiconfessionnel (Chrétiens, Juifs,
Chiites et Alaouites coexistant avec une majorité Sunnite).
C'est une explication tout aussi valables pour l'Égypte et le Liban. Le
fait qu'aucun vote négatif arabe n'ait été
répertorié lors de l'adoption par l'Assemblée
générale des Nations Unies des deux Pactes de 1966 s'expliquerait
pour l'auteur par l'absence de toute référence à la
religion contrairement à ce qui s'était fait dans la
Déclaration de 1948. Mais, Paul Tavernier nous précise que la
signature des Pactes ne signifie pas pour autant une adhésion aux
mécanismes de contrôle révélant une
« certaine méfiance de la part des États arabes,
à l'égard des procédures de mise en oeuvre des deux
Pactes, et notamment du Pacte relatif aux droits civils et politiques qui a le
mérite d'avoir prévu la création d'un Comité des
droits de l'homme », constatant toutefois que cette
méfiance « est moins systématique que celle
d'autres groupes d'États ». Il est vrai que si
l'adhésion de l'Algérie, de la Libye et de la Somalie au
Protocole 1 du Pacte sur les droits civils et politiques (1989) fut
significative à l'époque, la suite des événements a
mis en exergue son coté paradoxal. Les problèmes de mise en
oeuvre des deux Pactes s'expliqueraient par la « difficile
conciliation » entre les impératifs de la
Chariaâ et les normes universelles des droits de
l'homme. Ainsi, les États arabes ont fréquemment recours à
des réserves ou des déclarations interprétatives pour
limiter le champ d'application des normes onusiennes dans les domaines qui
relèvent totalement ou partiellement de la loi islamique. Toutefois
même dans ce domaine il n'y a pas une position unifiée des pays
arabes, certains plus que d'autres insistant sur les prescriptions de la
Chariaâ. C'est une question complexe qui
révèle l'absence de consensus parmi les juristes musulmans qui a
pour conséquence on le voit de créer une situation complexe ou
prévaut un double système de normes au champ d'application
imprécis car investissant pratiquement toutes les branches du droit
(civil, pénal, constitutionnel).
C'est dans ce sens aussi que la
Tunisie, même si elle a reconnu la valeur et l'importance des instruments
internationaux en les ayant ratifié sans restriction ni réserve,
limite par exemple la pleine application de ces instruments. En effet, ce
dernier pays n'a jamais ratifié le Protocole additionnel au Pacte pour
ne pas se soumettre au contrôle du Comité des droits de l'homme,
n'a jamais pu procéder à la publication dans le journal officiel
pour ne pas susciter l'attention et l'intérêt de la doctrine et
des défenseurs des droits humains. Les raisons des réticences
sont liées aux facteurs religieux sur l'égalité des sexes
(homme femme).103(*)
Il est une autre plaie qui affecte l'action des
mécanismes de protection des droits de l'homme et par ricochet, leur
universalité : ce sont les réserves. En effet, les
réticences à l'égard du Pacte se sont manifesté par
l'adoption des réserves de fond refusant ou minimisant ainsi leurs
obligations et à marginaliser le contrôle universel des droits de
l'homme104(*). Fruit d'une certaine méfiance à
l'égard de l'originalité de l'instrument universel, les
réserves font montre d'une réelle hostilité qui,
globalement, limite l'avancée des droits de l'homme. Ces réserves
sont de différentes natures. Certaines concernent les modes de
règlement des différends pouvant naître de l'application ou
de l'interprétation des conventions. Elles ont été souvent
présentées lors des ratifications. D'autres, les plus importantes
et les plus nombreuses, portent sur les droits qui ont été
consacrés par les conventions, en somme sur l'objet des conventions.
Toutes les réserves ou déclarations sont normalement, et du point
de vue du droit international, utilisées pour garantir le plus
d'adhésion aux instruments internationaux et s'assurer de la jouissance
par les personnes de l'intégralité des droits qu'ils consacrent.
Elles représentent donc des exceptions admises, acceptées
à l'encontre du principe général des ratifications totales
et sans réserves105(*)
Mais, en vertu de l'article 2(1)(d) de la Convention de Vienne
sur le droit des traités de 1969, la définition et la
délimitation des conditions de leur utilisation sont
déterminées. Pourtant, malgré ces restrictions, la
majorité d'Etats a formulé les réserves au moment de la
ratification ou de l'adhésion aux conventions sur les droits de l'homme
en entravant, de ce fait, l'application universelle ou intégrale suite
au refus d'accepter certaines de leurs dispositions. A titre illustratif, en
effet, les Etats Unis ont formulé les réserves à propos de
la peine de mort106(*) ; la Norvège, le Royaume-Uni, la Suisse,
la Suède, le Danemark, la Finlande, l'Irlande, l'Islande, le Luxembourg
et le Malte qui sont hostiles à l'article 20(1) qui interdit toute
propagande en faveur de la guerre ont ainsi émis des réserves
à ce sujet107(*). Tous les Etats arabes, dont la Tunisie, ont
formulé des réserves au moment de la ratification ou de
l'adhésion à ces conventions en matière de la
reconnaissance des droits universels des femmes en raison de la
prédominance d'un ordre social inégalitaire conformément
à l'interprétation de l'Islam108(*).
Pour cette raison, et pour d'autres, l'universalité des
droits de l'homme reste encore fragile.
II° Partie. Les droits de l'homme, une universalité
fragile.
|
Sans doute l'universalité des droits de l'homme demeure
encore fragile, dans notre première partie, on a
analysé la reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme
et ce en réfléchissant d'abord sur les fondements de cette
universalité et en deuxième temps sur les affirmations de cette
universalité.
Mais il parait que notre réflexion était dans un
sens unique. En effet l'examen des manuels des droits et libertés nous
permet de déduire que La « mondialisation » des
droits de l'Homme n'est pas, à elle seule, gage
d'universalité : encore faut-il que cette diffusion
planétaire résulte d'une adhésion partagée et non
de l'imposition à l'ensemble du monde d'une conception qui serait en
réalité purement occidentale109(*).
Plus précisément notre réflexion dans
cette partie doit être au sens de la réception des droits de
l'homme et non pas au sens de leur destination.
Cette distinction était soulignée par la
doctrine des droits et libertés notamment par le professeur Patrick
Wachsmann qui avait affirmé que « les droits de l'homme
sont [donc] un universalisme, ils s'adressent a tous mais ils ne sont pas
universels »110(*)
Le professeur Frederic Sudre partage l'avis de Patrick
Wachsmann en déclarant à son tour qu'il est plus
juste de dire que les droits de l'homme sont un universalisme sans
pour autant être universels. Certes la ratification de la DUDH par les
différents Etats était massive, mais
« l'unanimité masque toujours des
arrière-pensées et révèle en l'espèce qu'il
est de bon ton dans la société internationale de proclamer son
attachement aux droits de l'homme, alors même qu'on les bafoue
quotidiennement »111(*).
Certains autres affirment, a tort ou a raison, que
l'internationalisation des droits de l'homme (la forme spatiale de
l'universalité des droits de l'homme), est une politique112(*) et non pas une
réalité prétendant que les seuls droits
incontestablement universels sont les droits économiques et sociaux.
Aujourd'hui, l'universalité des droits de l'homme se
heurte à des limites, des obstacles, des résistances, des freins.
Ces obstacles sont nécessairement liés à la nature
même de la DUDH qui comme l'avait explique le professeur Frederic Sudre
était « avant tout l'expression de l'individualisme
occidental »113(*)
Même si, l'universalité des droits de l'homme est
reconnue, ça n'empêche que ces droits sacrés sont toujours
méconnus en pratique et cette méconnaissance est aussi
universelle114(*) .
Compte tenu des éléments qui viennent
d'être retracés, il est alors légitime de s'interroger sur
les problèmes de l'universalité des droits de l'homme (Chapitre
1), avant de s'interroger sur la problématique de la démarcation
des Etats orientaux de la conception universelle des droits de l'homme
(Chapitre 2).
Chapitre 1 : Les problèmes de
l'universalité des droits de l'homme
Les auteurs des manuels des droits et libertés
reconnaissent tous que l'universalité des droits de l'homme se heurte
à des problèmes, toutefois l'on peut enregistrer des divergences
dans la classification de ces problèmes (Section 1), sans pour autant
passer sous silence les solutions qui ont été avancées par
certains d'entre eux (Section 2)
.
Section 1. Les divergences de classification des
problèmes
Certains auteurs mettent l'accent sur les problèmes
théoriques de l'universalité des droits de l'homme (§. 1),
d'autres s'intéressent plus aux problèmes d'ordre culturel et
religieux d'une part (§. 2) et aux problèmes d'ordre
économique et politique d'autre part (§. 3)
§. 1. Les problèmes d'ordre théorique
Les droits de l'homme, issus de l'humanisme laïc et du
jus naturalisme rationaliste, ont connu de multiples critiques qui ont
révélé parfois leurs incertitudes méthodologiques
et attaqué leur fondement.
Certes la doctrine des droits et libertés avait
développé ces critiques, toutefois le cadre de l'analyse
diffère d'un auteur a un autre néanmoins certains auteurs avaient
considéré ces critiques comme nécessaires pour comprendre
l'universalité des droits de l'homme.
Reposant sur la classification faite par Gregorio Peces Barba
Martinez, on peut distinguer a cet égard les critiques externes,qui
rejettent complètement les droits de l'homme (A), des critiques internes
qui acceptent leur fondement, leur idéologie mais qui proposent des
corrections (B).
A - les critiques externes
Ce que l'on doit souligner d'emblée, c'est que la
remise en cause des droits de l'homme est en même temps une condamnation
de leur éventuelle universalité.
Les critiques externes des droits de l'homme, ont
été formulé d'abord par les traditionalistes qui,
des la naissance des droits de l'homme dans la déclaration des droits de
l'homme et du citoyen ont conteste leur idéologie. Les traditionalistes
avaient critiqué les droits de l'homme issus de la modernité des
leur mise en place par les philosophes des lumières. La première
était formulée par Burke, ce dernier critiquait la
méconnaissance par les révolutionnaires français, du poids
et de la réalité de la tradition. De même, le
caractère abstrait et métaphysique des droits
proclamés seraient ils d'une quelconque utilité pour la vie
quotidienne des français ? Pour lui « le gouvernement
des peuples n'est pas établi en vertu de droits naturels qui peuvent
exister et qui existent en effet indépendamment de lui ; et qui
dans cet état d'abstraction, présentent beaucoup plus de
clarté et s'approchent bien plus près de la perfection :
mais c'est justement cette perfection abstraite qui fait leur défaut
pratique (...). Comme les libertés et les restrictions varient avec les
époques et les circonstances et qu'elles admettent les unes comme les
autres une infinité de modifications, il n'existe pour les
définir aucune règle abstraite ; et rien n'est si sot que
d'en discuter en pure théorie »115(*). Ces critiques
adressées au modèle rationaliste des lumières doivent
être prises en considération disait Gregorio Peces Barba Martinez,
en particulier a ses excès scolastiques, pour pouvoir fonder
l'universalité des droits de l'homme. Les idées de
Edmund Burke vont avoir un écho en 1795 surtout avec Joseph de
Maistre qui affirmait dans ses considérations sur la France que
« la constitution de 1795, tout comme ses aînées,
est faite pour l'homme or il n' y a point d'homme dans le monde. J'ai vu
dans ma vie des, Français, des Italiens, des Russes, etc. ; je sais
même grâce a Montesquieu, qu'on peut être persan : mais
quant a l'homme, je déclare ne l'avoir rencontre de ma vie ; s'il
existe, c'est bien a mon insu »116(*). Joseph de Maistre dans sa
logique traditionaliste, mettait l'accent sur le facteur culturel comme
fondement de tout Etat poussant en même temps toute abstraction qui peut
être faite a cet égard. Une telle approche serait sans
doute une condamnation de l'universalité des droits de l'homme puisque,
comme nous l'avons déjà signale, l'universalité des droits
de l'homme repose sur la primauté de l'être humain
abstrait. Joseph De Maistre dans sa conception tout a fait
conservatrice, rejette l'idéologie individualiste qui marquait la
révolution française toutefois en insistant surtout sur les
devoirs de l'homme envers Dieu. Faut il aussi rappeler a cet égard la
position de l'Eglise catholique tout a fait opposée a cette
idéologie révolutionnaire des droits de l'homme et rappeler que
le 10 mars 1791, Pie VI avait adressé des critiques radicales a la DDHC
1789, en effet le pape dénonçait « cette
liberté absolue ...qui accorde cette licence de penser, de dire,
d'écrire et même de faire imprimer en matière de religion,
tout ce que peut faire suggérer l'imagination la plus dereglee ;
droits monstrueux qui parait cependant a l'assemblée résulter de
l'égalité et de la liberté naturelle a tous les
hommes »117(*). Le professeur Jacques Morange expliquait que cette
contestation de l'église catholique était essentiellement une
hostilité d'ordre philosophique en effet l'église reprochait aux
principes de 1789 d'être « a la fois a l'origine des
événements révolutionnaires et d'être destines a se
substituer au dogme catholique »118(*).
Une telle attitude de l'Eglise avait influence les
idées des légitimistes de la monarchie qui avaient a leur tour
dénonce ces principes au nom de la doctrine traditionaliste.
Le professeur Gregorio Peces barba Martinez en étudiant
la position de l'Eglise catholique au XIX siècle affirme que cette
conception conservatrice « contredit la volonté
d'innocence historique de l'Eglise qui affirme aujourd'hui avoir
été toujours favorable aux droits de
l'homme »119(*).
Une autre critique, formulée par le Romantisme
« avec Moser, Herder ou Schelling, l'Ecole Historique ou les
philosophies cycliques de l'histoire avec Spengler, Toynbee, Schubart et
même Max Scheller... »120(*)
Rappelons aussi l'affirmation révolutionnaire de Michel
Foucault : « l'homme est mort ; seuls existent des
hommes dans des cultures déterminées »121(*), le relativisme de Foucault
l'avait conduit a remettre en cause l'idée même de droits de
l'homme, pour lui « l'homme est une invention, dont
l'archéologie de notre pensée montre aisément la date
récente. Et peut être la fin prochaine »122(*), et d'ajouter que
l'homme s'effacerait, comme à la limite de la mer un visage de
sable123(*).
Les critiques communautaristes peuvent être inclus dans
la série négationniste des droits de l'homme, en effet ces
postions communautaristes remettent en cause le caractère universel et
abstrait des droits de l'homme dans la mesure ou ils prétendent que les
destinataires des valeurs ne sont pas les individus mais les
sociétés politiques, et de ce fait le facteur temporel et spatial
sont pertinents en l'espèce. Bref, « l'idée
d'humanité et d'universalité de l'histoire surgit en un lieu
déterminé, l'Europe, et a une époque
déterminée, les XVIII et XIX
siècles »124(*). Certainement, ces critiques relativistes,
malgré leur extinction, nous permettent de comprendre les défis
actuels de l'universalité sachant que ces critiques se basent toutes sur
le facteur culturel qui représente aujourd'hui le défi majeur
face à l'universalité des droits de l'homme. Lévi- Strauss
n'affirme t il pas dans « Race et Histoire »
qu' « il n'y a pas et ne peut y avoir de civilisation
mondiale dans le sens absolu que l'on accorde à ce terme, car la
civilisation implique la coexistence de cultures qui offrent le maximum de
diversités entre elles »125(*), Lévi- Strauss
accusera l'humanité de s'installer dans la mono culture,
s'apprêtant à produire une civilisation de masse126(*).
Ces critiques remettent en cause les droits de l'homme et par
conséquent leur éventuelle universalité sans pour autant
donner des alternatives. Pour cette raison, il est nécessaire
d'envisager les critiques internes.
B- les critiques internes
Face aux excès scolastiques du modèle
démocratique et libéral, des critiques constructives ont
été apporté par le courant positiviste, par le courant
historique (modéré), par le courant réaliste et on doit
aussi prévoir la critique marxiste des droits de l'homme. La correction
positiviste porte sur l'aspect jus naturaliste sur lequel reposent les droits
de l'homme, ce courant opère une distinction classique entre le droit et
la morale.
Selon cette doctrine, le droit ne devient effectif qu'au
moment de son incorporation dans l'ordre juridique, qu'au moment de sa
positivisation ; cette correction est une réponse contre la
doctrine qui affirme que les droits ne doivent pas être
contextualisés ou aménagés en fonction de chaque ordre
juridique.
Mais la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen127(*),
elle-même conditionne l'existence d'une constitution par la garantie des
droits et la séparation des pouvoirs.
Bref les droits, avant leur incorporation, demeurent des
prétentions morales dépouillées de tout effet
contraignant.
Une autre correction est proposée par le courant
historique qui insiste sur la pertinence du facteur historique dans
l'identification des droits de l'homme, en effet ce courant tente de corriger
le caractère abstrait et intemporel des droits de l'homme.
Ce courant rappelle que « la raison est toujours
située dans l'histoire et qu'en l'occurrence ; le facteur
historique est décisif pour les droits de
l'homme »128(*)
Les droits de l'homme datent de la modernité,
dès lors les facteurs économiques et sociaux culturels sont
pertinents quant à l'émergence de ces droits (idem pour le
facteur politique).
S'agissant de la critique réaliste des droits de
l'homme, celle-ci s'attaque à l'universalité spatiale ou au
processus d'internationalisation des droits de l'homme, en
réalité ce courant a toujours buté sur les
problèmes de pauvreté, d'analphabétisme, de faim et
surtout l'inexistence de régimes politiques démocratiques qui
peuvent garantir les droits fondamentaux de l'homme.
Enfin, la critique marxiste, malgré son échec,
demeure importante dans la mesure où elle avait attaqué le
caractère formel des droits reconnus dans la DDHC 1789.
La conception marxiste « se veut
à la fois destructive et constructive. Destructive parce qu'elle entend
démontrer que la conception occidentale n'aboutit qu'à des
libertés formelles, c'est-à-dire illusoires [et] constructive
parce qu'elle prétend les remplacer par des libertés
réelles »129(*). En effet, le marxisme est un
matérialisme, la critique rejette absolument et catégoriquement
la notion de droits individuels considérés, comme des limites au
pouvoir étatique. « Fondée sur la lutte
des classes qui serait le moteur de l'histoire, la doctrine marxiste affirme
que la notion de droits individuels abstraits marque le pouvoir de la classe
dominante sur les classes dominées pour cette raison la doctrine
marxiste oppose l'existence de libertés
concrètes »130(*). Par conséquent, seul le régime
collectiviste permet la mise à disposition des citoyens des moyens
propres a la réalisation de ces libertés concrètes.
Ainsi les droits de l'homme de la DDHC 1789, ne sont rien
d'autre, sous leur apparence immuable et universaliste, que des armes dont se
dote la bourgeoisie capitaliste.
Plus précisément, les droits reconnus par la
déclaration ne sont que le reflet idéologique de l'infrastructure
économique de la fin du XVIII siècle et « grâce
à la Révolution de 1789, la superstructure s'adapte à
l'infrastructure »131(*). Pour cette raison, la doctrine marxiste en
déduit que les droits proclamés ne sont réels que pour une
classe bien déterminée de la société (la
bourgeoisie) et illusoires voire même formelles pour les autres
classes.
Bref, les droits naturels de la Révolution de 1789,
sont les droits de l'homme égoïste, de l'homme séparé
de l'homme et non pas l'homme situé dans une collectivité.
Mais l'échec de la doctrine marxiste tient a ce qu'elle
n'a réussi a instaurer ni des libertés abstraites ni des
libertés concrètes et quant au principe de
l'égalité, prôné par cette doctrine, il s'est
ramené à la coexistence et à la confrontation de deux
classes : l'appareil du parti et de l'Etat, et la population
entièrement obéissante et asservie.
Au delà des problèmes théoriques de
l'universalité des droits de l'homme, aujourd'hui cette
universalité se trouve menacée par des oppositions d'ordre
culturel et religieux.
§. 2. les problèmes d'ordre culturel et
religieux
Contrairement à la thèse de la
réalité de l'universalité des droits de l'homme, certains
auteurs affirment, aujourd'hui, que l'universalisme des droits de l'homme est
une politique132(*). En témoigne « La
volonté des grandes puissances occidentales d'imposer à tous les
Etats du monde, quelles que soient leur culture et leurs conditions sociale,
les mêmes valeurs et les mêmes moyens d'y parvenir, s'identifie au
plan international a la politique du parti unique dans l'ordre
interne »133(*). En effet, affirmer l'universalité des
droits de l'homme, revient nécessairement a affirmer
l'universalité de la conception occidentale de ces droits pour cette
raison le professeur Frederic Sudre prévoit qu'une telle affirmation ne
peut que nourrir le grief d'occidentalo- centrisme et l'auteur d'ajouter que
le concept d'universalité des droits de l'homme n'est pas universel
et n'est pas admis par tous134(*). Le doute a l'égard de
l`universalité des droits de l'homme se trouve aussi chez le professeur
Antonio Cassese qui affirmait que « l'universalité est,
au moins pour l'instant, un mythe [et] non seulement les droits de l'homme sont
respectes différemment dans différents pays, mais ils sont aussi
conçus différemment »135(*). Le professeur Louis
Favoreu, se basant sur les travaux comparatifs de l'anthropologie politique et
de l'ethnologie, avait constaté a quel point l'individualisme parait
spécifique du monde occidental et de conclure que « les
données culturelles et religieuses apparaissent parfois (du moins dans
certaines prétentions) comme des obstacles a la réception
« normale » des droits de l'homme et, en toute
hypothèse, comme une justification des adaptations dont ils font l'objet
(...) »136(*)
L'Occident, lui-même, avait parfois
instrumentalisé les droits de l'homme en vue d'ériger son
modèle en un modèle universel, sans prendre soin des
spécificités de « l'autre », son ambition
universaliste donc « ne consiste plus a composer mais a
vaincre ; elle vise désormais a ériger la conception
occidentale en modèle universel »137(*)
Cette politique de l'occident est sans doute repoussée
par le communisme chinois de même que l'intégrisme musulman
puisque pour eux ces droits servent de couverture a l'impérialisme
d'une économie qui a réussi à s'imposer mais a quel
prix ?138(*)
Par conséquent « le caractère
universaliste des droits de l'homme a éveille la crainte d'un
impérialisme culturel [et] prétendre accorder les droits de
l'homme a tous les individus dans le monde peut conduire a un excès de
tolérance a l'égard de cette tendance [que peut avoir] la
culture européenne a piétiner les cultures qui ne partagent pas
la même conception du bien être et de la justice
sociale »139(*)
De fait, les droits de l'Homme ont été parfois
dénoncés, dans une perspective
« tiers-mondiste », comme une invention de l'Occident,
reflétant, jusque dans leur prétention à se
présenter comme universels, l'ethnocentrisme occidental, voire comme une
forme de néocolonialisme idéologique.
Plus récemment, une nouvelle forme de contestation est
venue des pays asiatiques qui, par delà tout ce qui les sépare
sur les plans idéologique et religieux, mettent en avant les valeurs
centrales de la culture asiatique : primauté de la famille,
soumission de l'individu au groupe, respect des hiérarchies, attachement
au consensus excluant l'expression d'opinions divergentes.
Ces valeurs constituent autant de caractéristiques qui
traduisent une vision holiste de la société, guère
compatible avec la reconnaissance aux individus de droits opposables à
la collectivité.
La contestation n'a toutefois pas débouché sur
la dénonciation des grands instruments internationaux : au
contraire, lors de la conférence de Vienne sur les droits de l'Homme, en
1993, tous les Etats ont accepté de signer l'Acte final dans lequel on
pouvait lire : « ... il est du devoir des Etats, quel qu'en soit
le système politique, économique et culturel, de promouvoir et de
protéger tous les droits de l'homme et toutes les libertés
fondamentales. »
Un consensus semble se dessiner sur la question de
l'universalité des droits de l'Homme. Demeure néanmoins
l'opposition radicale de certains pays musulmans pour lesquels l'islam est
incompatible avec la reconnaissance de l'égalité des sexes, d'une
part, de la liberté de conscience, d'autre part.
§ 3. Les problèmes d'ordre politique et
économique
Outre les données culturelles et religieuses, certains
auteurs évoquent des obstacles d'ordre politique et économique
face à l'universalité des droits de l'homme.
Les grands écarts au niveau du développement
entre pays riches du Nord et pays pauvres du Sud, sont sans doute le plus grand
obstacle à l'universalisation des droits de l'homme et des
libertés publiques. Le sous-développement, la pauvreté
expliquent largement les grandes difficultés d'extension et de
pénétration des droits de l'homme et des libertés
publiques au Sud, sauf pour les libertés économiques qui sont
désormais pratiquement consacrées par tous. Mais
l'universalisation des droits de l'homme dépend aussi d'une politique
mondiale de développement, de coopération et de redistribution de
richesses au profit du Sud, ce n'est pas le cas de l'actuel mondialisation
capitaliste qui aggrave les inégalités et joue aussi en partie
contre l'universalisation des droits de l'homme et des libertés
publiques.
Le professeur Dominique Turpin, tout en affirmant que
l'universalité des droits de l'homme demeure un acquis intangible,
rappelle la position des Etats pauvres dans la déclaration de la
Malaisie, le 28.07.1997. Ces Etats pensent, qu'élaborée
par les grandes puissances, qui ne comprenaient pas les
besoins de pays pauvres, « elle ne prend pas en compte leurs
aspirations (droits de l'homme de la troisième
génération, impact de la mondialisation,
etc.) »140(*)
Certains autres auteurs, tel Claude Leclercq, soutiennent que
les libertés de type occidental ne peuvent être
véritablement garanties dans des Etats sous développés.
En effet, la pauvreté et le sous développement
sont souvent un prétexte pour justifier la négation des droits de
l'homme et des libertés publiques et la justification du despotisme ou
la dictature politique. Et cette tendance est parfois soutenue par l'occident,
elle cache souvent des intérêts économiques et politiques
ou encore du mépris ou du désespoir a l'égard des
sociétés du sud, ces intérêts se traduisent par des
politiques différenciées « deux poids, deux
mesures » selon les pays en matière de droits de l'homme et
des libertés publiques. Les intérêts politiques et
stratégiques font qu'on soutient, on ferme les yeux sur les violations
des droits de l'homme à Israël ou en Turquie, alors qu'on
dénonce la dictature en Iraq ou à Cuba. De même les
intérêts pétroliers et économiques font aussi que
les Etats-Unis ont toujours soutenu des Etats aussi rétrogradés
en matière de droits de l'homme comme l'Arabie Saoudite.
S'agissant des problèmes d'ordre politique, certains
Etats pensent que les droits de l'homme constituent un instrument qui
légitime la force et l'intervention dans les territoires des Etats
jugés absolutistes par les puissances de l'occident.
Les professeurs Robert Charvin et Jean Jacques Sueur
affirmaient qu' « il y a une contradiction entre l'affirmation de
l'universalisme des droits de l'homme tels qu'ils sont consacrés dans
les déclarations et les pactes internationaux et le droit
d'ingérence messianique revendiqué par les grandes
puissances »141(*), les grandes puissances occidentales qui
rêvaient d'une universalité des droits de l'homme, eux-mêmes
les bafouent et les méconnaissent. Ainsi les Etats-Unis n'ont toujours
pas ratifié le pacte des Nations Unis relatif aux droits
économiques et sociaux de 1966 ni les protocoles se rapportant au pacte
relatif aux droits civils et politiques, ni la convention relative au statut
des réfugiés de 1951.
Quant a la France, elle a mis vingt quatre ans pour ratifier
la convention européenne des droits de l'homme signée en 1950 et
entrée en vigueur en 1953.
Jean Rivero prévoyait que « tout aussi
universelle que leur reconnaissance dans les textes est leur
méconnaissance dans les faits »142(*) Et d'ajouter que
« les Etats dans lesquels la sûreté est
assurée et les libertés vécues ne couvrent qu'une
étroite surface dans la planète »143(*)
Ainsi, le maintien de ces pratiques indignes, avait permis a
la doctrine de se demander sur les raisons du maintien de telles pratiques,
notamment le professeur Patrick Wachsmann qui affirmait que « la
non universalité du respect des droits de l'homme étant
hélas évidente, on est conduit a se demander s'il s'agit la de
retards accidentels au sein d'un processus menant au triomphe universel
des droits de l'homme ou au contraire de signe de la persistance de
doctrines profondément négatrices de ces droits mais
soucieuses, en raisons des contraintes de la société
internationale et du poids des opinions publiques, de sauvegarder les
apparences »144(*)
Entre la thèse du retard et la thèse de
négation, une autre critique frappe l'universalité des droits de
l'homme, celle relative à la nature de l'ordre universel voulu par
l'occident. Certains auteurs posent la problématique en ces
termes : « Est il possible de tenir a la fois
l'indivisibilité des droits de l'homme en même temps que leur
universalité sur toute la surface du globe ? »145(*) Pour Xavier Dijon, les
Etats occidentaux ne retiennent qu'une idée étroite des droits de
l'homme, l'occident tient plus à l'universalité des droits civils
et politiques qu'aux droits spécifiques y compris les droits sociaux et
économiques. En témoigne le contenu du
préambule de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales qui prévoyait :
« résolus, en tant que gouvernements d'Etats
européens, animes d'un même esprit et possédant un
patrimoine commun d'idéal et de traditions politiques, de respect de la
liberté et de prééminence du droit, a prendre les mesures
propres a assurer la garantie de certains des droits énoncés dans
la déclaration universelle». L'auteur signalait l'ignorance
des droits économiques et sociaux par cette déclaration ce qui
justifie bien une tendance vers la protection des seuls droits civils et
politiques dits les droits de la « première
génération ». Si l'intention de l'occident est celle
d'une protection des seuls droits civils et politiques, alors il est impossible
de dire que tous les droits de l'homme sont universels. D'une manière
plus claire une telle affirmation aurait sans doute comme conséquence
soit de porter atteinte au principe de l'indivisibilité des droits de
l'homme soit à leur universalité.
Face à ces obstacles, la doctrine avait formulée
des solutions en vue de consolider l'effectivité de
l'universalité des droits de l'homme.
Section 2. Les solutions proposées pour une
universalité effective des droits de l'homme
Certaines solutions visent l'universalité des droits
civils et politiques ; dits les droits libertés (§. 1.),
d'autres intéressent l'universalité des droits spécifiques
(§. 2).
§. 1. l'universalité des droits
-libertés
Pour construire l'universalité des droits de l'homme,
certains auteurs nous proposent de partir de la moralité qui les fonde.
Le professeur Frederic Sudre prévoit a cet égard que
« cette reconnaissance a tout être humain, en tout lieu et
a toute époque, d'un minimum consistant de droits fondamentaux
jette la base d'un nouveau droit commun international : en ce sens, le
droit international des droits de l'homme prétend exprimer des
valeurs- la dignité de l'homme, l'égalité
des hommes- qui constituent un fond commun a toutes les civilisations et a
toutes les religions »146(*). De cette affirmation, il est clair que les droits
fondamentaux de l'homme doivent être respectés partout, sans
aucune exception, puisque ces droits sont le fondement de l'humanité.
Les droits de l'homme sont donc des prétentions morales
justifiées qui se convertissent en droits quand elles intègrent
le droit positif147(*).
Une distinction doit être faite a cet égard entre
les droits- libertés d'une part et les droits créances d'autre
part, en d'autre termes pour préserver l'universalité des droits-
libertés, il nous faut partir de la moralité
générale qui les fonde toutefois, s'agissant des droits
créances, ces derniers doivent être conçus
concrètement et doivent viser des catégories de personnes bien
déterminées (droits de la femme, de l'enfant, des usagers...).
S'agissant de l'universalité des droits et
libertés, celle-ci doit être basée sur l'homme
abstrait « l'homo iuridicus » et non pas sur
l'homme concret ; l'universalité est formulée
« a partir d'une vocation morale unique, commune a tous les
hommes : ceux-ci doivent être considérés comme des
fins et non comme des moyens, ils doivent avoir des conditions de vie sociale
qui leur permettent de choisir librement leurs plans de vie (leur
éthique privée) »148(*)
Cette moralité qui va fonder l'universalité des
droits de l'homme doit être reconnue pour tous les hommes, a n'importe
quel moment de l'histoire ; une moralité, qui au fil du temps va
assurer la permanence des droits de l'homme, leur cohérence avec
l'historicité et la variabilité de certaines prétentions
morales.
C'est un seuil minimum de droits fondamentaux qui doit
s'imposer sur toute la surface du globe indépendamment des facteurs
culturels et religieux pour une simple et pure raison ; toutes les
cultures et toutes les religions du monde reconnaissent la valeur de ces
droits.
Le professeur Jean Rivero mettait l'accent sur l'aspect moral
qui caractérise les droits de l'homme en affirmant que
« les droits de l'homme définissent aujourd'hui une sorte
de morale officielle commune à la quasi totalité des
Etats. Rares sont, dans le monde, ceux qui osent se réclamer d'une
autre éthique »149(*), et d'ajouter que , certes les droits de l'homme ne
sont ni plus ni moins respectés dans le monde, toutefois les
dénonciations de cette méconnaissance ont permis de
dégager un élément positif consistant à dire que
« le simple fait que des actes qui relevaient du seul jugement
politique, relèvent aujourd'hui d'un jugement moral constitue un
progrès déterminant [et] la censure morale est
une première et indispensable étape vers l'effectivité de
la censure juridique »150(*).
Pour les auteurs « l'éthique
publique de la modernité, des lumières, valorise
l'universalité, reposant sur les valeurs fondamentales que défend
l'idée de dignité humaine qui s'exprime dans un certain concept
de l'homme : c'est [...] un être moral et de fins, qui construit son
propre idéal de vie, sa propre moralité privée en
coexistence avec les autres »151(*)
Sans doute, cette moralité ne trouve sa pleine
effectivité que dans une organisation sociale démocratique et
pour cette raison la démocratie, à son tour, doit s'ériger
en un modèle universel. Le professeur Gregorio Peces, voulant
défendre sa thèse du triptyque, souligne que
l'universalité temporelle n'est possible que si l'on considère
les droits de l'homme comme le fruit de la modernité et le fait
d'affirmer que les droits de l'homme sont un concept historique n'est pas
incompatible avec le principe d'universalité de la moralité
fondamentale de la dignité humaine.
S'agissant de l'universalité spatiale, celle-ci
devient une finalité à atteindre, par conséquent
« elle doit dépasser les nationalismes, les
particularismes et les théories qui veulent que l'Etat soit la seule
juridiction compétente sur le territoire
national »152(*)
Plus concrètement, l'universalité spatiale des
droits de l'homme doit se fonder essentiellement sur le droit international des
droits de l'homme, ce dernier doit couvrir tous les régimes
politiques du monde, sans pour autant se convertir en un instrument qui
légitime la violence et l'intervention dans d'autres territoires.
L'universalité des droits de l'homme, pour se
construire, elle doit prendre en compte les spécificités
culturelles des autres Etats et des autres civilisations. Elle constitue un
processus de construction permanente dans le creuset des cultures qui sont
elles mêmes en évolution constante »153(*). Elle doit
reconnaître la valeur des cultures non occidentales et une prise en
compte des cultures juridiques étrangères154(*).
Elle doit résulter non de la diffusion d'un
modèle unique mais de « l'émergence en divers
points d'une même volonté de reconnaître des droits communs
à tous les êtres humains »155(*)
Bref, l'universalité des droits de l'homme doit se
construire dans la pluralité des cultures et non pas dans la
monoculture.
Mais qu'en est t il de l'universalité des droits
spécifiques de l'homme ?
§. 2. l'universalité des droits
spécifiques
Les droits spécifiques, contrairement aux droits-
libertés s'adressent à des titulaires spécifiques et non
à des titulaires généraux. En effet « le
processus de spécification suppose la formulation des droits qui
s'adressent a des titulaires qui n'entrent plus dans le générique
homo iuridicus »156(*)
Les droits spécifiques intéressent des individus
qui sont dans une position inférieure par rapport à la
majorité des citoyens. Les droits de l'homme dans ce cadre deviennent
plus adéquats avec les droits des citoyens. En effet le rôle de
l'Etat dans cette conception devient plus effectif, c'est pour cette raison,
les droits spécifiques trouvent leur plein fondement dans l'Etat social
et démocratique ou même dans l'Etat libéral mais non pas au
sens classique ni même au sens néolibéral.
Selon cette doctrine, l'Etat ne doit pas viser
l'égalité comme un point de départ, mais comme un point
d'arrivée et pour cette raison qu'on parle d'une discrimination positive
ou de l'égalité par différenciation. L'Etat doit traiter
les inégaux de manière inégale en vue de réaliser
l'équité. Les titulaires de ces droits sont en situation
d'infériorité culturelle, physique, sociale et c'est
précisément cette spécificité qui les
différencie des autres individus et appelle à une discrimination
positive.
Mais, des difficultés peuvent être
soulevées à cet égard et qui sont relatifs a la crise de
l'Etat social. En effet l'Etat social souffre le déficit lié aux
demandes excessives des titulaires de ces droits. Le professeur Gregorio Peces
signale à cet égard que si l'Etat, dans le cadre de l'exercice
des droits spécifiques, y compris les droits économiques et
sociaux, traite tous les individus d'une manière égale, cela
débouchera immédiatement sur des conséquences injustes.
D'une manière plus expresse, l'égalité devient un moyen
pour maintenir l'inégalité.
Le fait d'attribuer ces droits à l'ensemble des
individus, revient à élargir leur champ pour viser des personnes
qui n'ont pas besoin de ces droits « pour le plein
développement de leur personnalité », par
conséquent ces droits ne seraient universels ni au départ ni
à l'arrivée.
Mais cette proposition doctrinale nécessite un
rôle plus effectif de la part des autorités administratives, ces
dernières doivent consolider leurs moyens de contrôle, de
vérification en vue d'échapper aux tentatives de fraude qui
peuvent avoir lieu, essentiellement par des individus qui ne sont pas en
situation de besoin. Une telle approche présente un double
intérêt d'une part, s'agissant des titulaires des droits
spécifiques (au sens large), ces derniers vont devenir à long
terme, après la satisfaction de leurs besoins, en situation égale
par rapport aux autres individus, d'autre part, s'agissant de l'Etat garant de
ces droits, ce dernier aurait plus de chances pour subsister et lutter contre
le manque de ressources ; la cause principale de sa crise. Le professeur
Gregorio Peces signale à cet égard que « le
maintien des demandes assorti d'une limitation des titulaires [...], peut
permettre de relancer et renforcer l'Etat social »157(*)
L'universalité des droits spécifiques, y compris
des droits économiques et sociaux ne peut en aucun cas être
assimilée a l'universalité des droits libertés, dans la
mesure où cette dernière nécessite que
l'égalité soit postulée des le départ alors que la
première doit atteindre l'égalité entre les individus a
l'arrivée.
En toute hypothèse, la doctrine affirme aujourd'hui que
les seuls droits qui sont universels sont les droits économiques et
sociaux, ces droits qui sont mis en avant par les Etats orientaux et parfois
ignorés par les droits occidentaux.
Les problèmes de l'universalité des droits de
l'homme, exposés ci-dessus avaient sans doute comme conséquence
une démarcation des Etats orientaux de la conception universelle des
droits de l'homme.
Chapitre 2 : La démarcation des Etats
orientaux de la conception universelle des droits de l'homme
Certains auteurs pensent que la proclamation régionale
des droits de l'homme a des effets ambivalents en effet « elle
peut permettre d'assurer une grande effectivité des droits
proclamés, comme le montrent les exemples européen et
américain [mais] elle peut aussi marquer une prise de distance par
rapport a la conception universaliste des droits de l'homme en insistant sur
les particularismes culturels »158(*)
Aujourd'hui, c'est le monde arabo musulman qui illustre le
plus de résistances à l'universalité des droits de l'homme
(Section 1), mais la doctrine avait aussi abordé d'autres figures de
démarcations (Section 2).
Section 1. La conception arabo musulmane des droits de
l'homme
Dans cette partie, on s'intéresse à
l'étude des fondements du particularisme des Etats arabo musulmans
(§. 1), ensuite sur les manifestations du particularisme (§. 2).
§. 1. Les fondements du particularisme des Etats arabo
musulmans
Il y'a un consensus dans la doctrine des droits et
libertés sur les particularismes arabo musulmans s'agissant des droits
de l'homme. En effet, les Etats arabo musulmans continuent à affirmer
leur opposition à la conception universelle des droits de l'homme,
prétendant que ces droits sont purement occidentaux et de ce fait il
n'est pas utile d'en adhérer.
Selon Gilles Lebreton « la conception
occidentale des libertés, que défend désormais la
déclaration, n'est pas parvenue pour autant à s'ériger en
modèle universel. L'Islam intégriste continue en effet
à défendre sa propre conception, qu'il juge bafouée
par la déclaration de 1948. L'Iran estime ainsi que la
déclaration doit être modifiée, le document
laïc et occidental doit faire place à un instrument qui soit mieux
accepté universellement »159(*)
Conscient des particularismes islamiques, Samuel Huntington,
affirme que le renouveau de l'Islam est la manifestation la plus puissante de
l'antioccidentalisme dans les sociétés musulmanes ; ce n'est
pas un rejet de la modernité mais de l'Occident, de la culture
laïque. Rejet appelé "l'Occidentoxication ". Sorte de
déclaration d'indépendance culturelle vis à vis de
l'Occident, mais une affirmation claire : " Nous serons
modernes, mais nous ne serons pas vous "160(*). En effet l'Islam est,
aujourd'hui, le plus grand rival de la conception individualiste des droits de
l'homme, voulant s'ériger en modèle universel.
Les professeurs Bertrand Mathieu et Michel Verpeaux
affirmaient à cet égard que la conception
individualiste des droits de l'homme, issue dans son acception
universaliste de la Déclaration de 1948, est cependant
essentiellement issue des Etats occidentaux. Elle « est ainsi
partiellement remise en cause (...) par certains Etats arabes qui ne
reconnaissent pas l'autonomie et l'égalité entre tous les
individus ».161(*) En Islam, les droits de l'homme trouvent leur
origine dans la volonté divine, non pas dans la volonté des
hommes, en effet selon certains penseurs « l'islam a donné
à l'humanité un code idéal des droits de l'homme il y a 14
siècles »162(*). Le professeur Claude Leclercq affirmait qu'en
Islam, « le droit et la morale trouvent leur source profonde dans
la religion révélée principalement par le Coran au
début du VII siècle »163(*). Allant dans ce sens, mais
avec plus de clarté, le professeur Michel Levinet analyse les fondements
du particularisme islamique c'est ainsi qu'il aborde la problématique de
l'interprétation de la révélation coranique, les
divergences d'interprétation du texte coranique sont dues
essentiellement a la complexité de la langue arabe164(*).Le professeur Michel Levinet
traite les points sur lesquels la pensée musulmane était en
désaccord et notamment la question du califat. Le premier calife Ab Bakr
avait mis l'accent sur ce point en affirmant que le calife est un calife du
prophète et non pas un calife de dieu. Cette confusion entre
calife de Dieu et calife du prophète avait des conséquences sur
la nature du gouvernement en Islam puisque, certains Etats islamiques refusent
de dissocier pouvoir temporel du pouvoir spirituel. Donc le premier
fondement du particularisme islamique est sans doute la mauvaise lecture du
texte fondateur qui est le Coran.
Mais un autre courant de pensée prétend que le
Coran lui-même avait établi une distinction entre les deux
pouvoirs, le grand théologien et le juriste d'Al Azhar Ali Abderraziq
avait rappelé que « le prophète était un
guide spirituel et non un roi du monde »165(*) :
« Rappelle ! Tu n'es la que pour rappeler la parole de Dieu.
Tu n'as nulle autorité contraignante à exercer sur
eux ».
L'autre fondement du particularisme islamique est celui de la
distinction entre dar al islam et dar al harb cette distinction est
soulignée dans le Coran qui affirme « combattez ceux qui
ne croient pas en Dieu, ni au jour dernier ni qui n'interdisent ce
qu'interdisent Dieu et son Envoyé, et qui parmi ceux qui ont reçu
l'Ecriture, ne suivent pas la religion du vrai- et cela jusqu'à ce
qu'ils paient d'un seul mouvement une capitation en signe
d'humilité »166(*)
Le professeur Michel Levinet soulignait la relation entre
cette distinction et la notion de Jihad de même que la
problématique de savoir la nature du djihad en d'autres termes de savoir
si le Jihad désigné est le Jihad guerrier ou le Jihad spirituel.
Mais si l'on adopte la conception sophiste du jihad (c'est-à-dire le
jihad guerrier) on aura du mal à comprendre le commandement
divin par lequel il affirmait : « pas de
contrainte en matière de foi ». A cet égard le
professeur Gilles Lebreton voit dans l'intégrisme musulman, le danger
face a l'universalité des droits de l'homme en effet le fondamentalisme
refuse totalement les droits de l'homme qui ne trouvent pas leur source dans le
commandement divin. Le fondamentalisme est une sorte
d'intégrisme qui n'est pas propre a l'islam mais inhérent a
toutes les religions et chacune a ses intégristes et le problème
de l'intégrisme c'est d'abord l'affirmation de la pureté
intrinsèque des dogmes religieux, leur caractère essentialiste et
leur vérité mais aussi le soucis de les préserver,
conserver tel qu'ils sont hérites du passe donc rejeter sans discussion
rationnelle tout ce qui peut les contredire, les altérer.
L'intégrisme se politise aussi et il est connu sous le
nom d'islamisme .On peut donner une définition simple :
c'est tout courant qui prône l'application du pouvoir de la charia pour
lui il ne peut y avoir un islam foi sans islam loi. La charia c'est un
ensembles de normes sociales, obligatoires auxquelles tout musulman doit
être soumis. L'islamisme appelle a l'instauration de l'Etat islamique
c'est-à-dire une cite régie par la charia et non par le droit
positif qui est une oeuvre humaine discutable, variable et relative, alors que
la charia elle est sacrée, transcendante, immuable et éternelle.
L'intégrisme à son tour est divisé en deux
courants :
Le premier, le plus ancien rejette catégoriquement la
modernité et ses valeurs corollaires dont le principe même de
liberté et les droits de l'homme. Ces valeurs sont
considérées étrangères à l'islam et à
la charia pour cette raison ils sont incompatibles par conséquent si
l'homme à des droits c'est uniquement en vertu de la volonté
divine et dans le cadre et les limites de la charia. Une deuxième
tendance dite de l'islamisation de la modernité et des droits de
l'homme. L'islamisme devient plus subtil, ici les valeurs de
libertés et droits de l'homme ne sont pas apparemment rejetés
mais on soutient déjà qu'ils sont des valeurs islamiques.
Certains autres auteurs avaient établi une distinction
entre l'intégrisme musulman et l'Islam évolutionniste qui, selon
Gilles Lebreton, accepte les libertés publiques en procédant
à une lecture plus souple du Coran ainsi que ces Etats
« croient possible de dégager un esprit de la charia
qui serait différent à sa lettre et dont les principes
s'accorderaient avec le respect de la conception
occidentale ».167(*) En fait ce courant cherche a moderniser
l'islam, il cherche aussi une conciliation entre l'islam et les droits de
l'homme mais il reconnaît implicitement qu'il y a une contradiction entre
les deux toutefois en soulignant tout ce qui dans l'islam va dans le sens de la
liberté des droits de l'homme notamment le verset « pas de
contrainte en matière de foi » pour cela il prône
l'interprétation ouverte et créatrice pour adapter l'islam
a l'évolution et a la modernité.
Ce courant a connu un grand succès et sa plus grande
influence en Tunisie depuis 1956 surtout avec l'adoption du code du statut
personnel qui reste unique dans le monde arabo musulman. En
réalité ce courant a toujours buté sur le
problème de la séparation du temporel et du spirituel
qui est l'obstacle insurmontable a la conciliation.
Reste à savoir comment le monde arabo musulman avait
manifesté ses spécificités.
§. 2. les manifestations du particularisme
Le monde arabo musulman, dans le but de se démarquer de
la conception universelle des droits de l'homme, avait élaboré un
corpus qui lui est propre et qui ne manque pas de spécificités
par rapport a la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Certains auteurs ont pris le soin de rappeler ces documents et
de soulever leurs spécificités par rapport a la
déclaration universelle des droits de l'homme mais d'autres auteurs
avaient seulement signale ce mouvement de régionalisation des droits de
l'homme sans pour autant l'analyser. Afin de préciser cette
démarcation du monde arabo musulman par rapport a la déclaration
universelle des droits de l'homme, il est nécessaire de rappeler d'abord
les caractéristiques de la charte arabe des droits de l'homme, avant de
souligner les spécificités des documents islamiques.
Dans le cadre de La ligue des Etats arabes, le document le
plus important demeure la Charte arabe des droits de l'homme de 1994. La Charte
n'est pas, à l'heure actuelle, entrée en vigueur ; c'est une
proclamation des droits civils et politiques, et de certains droits
économiques sociaux et culturels. La Commission arabe permanente des
droits de l'Homme de la Ligue arabe a recommandé à la Ligue arabe
d'approuver ce texte jugé comme non contraire à la
Déclaration du Caire. Dans ce document arabe, la référence
à l'Islam est moins prononcée que dans les documents
islamiques. La Charte de la Ligue arabe exprime dans son
préambule sa volonté de concrétiser
« les principes éternels définis par le droit
musulman et par les autres religions divines sur la fraternité et
l'égalité entre les hommes ». Cependant la charte
reconnaît des libertés individuelles sans prévoir des
limites. Par exemple, dans son Article 26
« Toute personne a droit à la liberté de
religion, de pensée et d'opinion ». Elle dit aussi dans
son préambule vouloir réaffirmer "les principes de la Charte
des Nations-Unies, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
et des deux Conventions des Nations-Unies relatives aux droits
économiques, sociaux et culturels et aux droits civils et
politiques... ".
La charte arabe des droits de l'homme, ne représente
pas en fait, une véritable démarcation par rapport a la
conception universelle des droits de l'homme.
S'agissant de la Déclaration islamique
universelle des droits de l'Homme, adoptée par le conseil
islamique en Europe (un des satellites de l'UNESCO) en 1981, par M. Salem
Azzam, secrétaire général du conseil islamique. Cette
Déclaration est d'initiative privée. Les droits définis
dans cette Déclaration, reprennent l'essentiel des droits reconnus dans
la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, mais aussi
ceux des Pactes internationaux de 1966 relatifs aux droits civils, politiques,
économiques, sociaux et culturels, ainsi que ceux envisagés dans
le projet du troisième Pacte relatif aux droits de solidarité.
Cette Déclaration manifeste a plusieurs reprises sa démarcation
par rapport a la conception universelle des droits de l'Homme en basant les
droits proclamés sur la volonté de Dieu. " Les droits
de l'Homme, dans l'Islam, sont fortement enracinés dans la conviction
de Dieu, et Dieu seul, est l'auteur de la Loi et la source de
tous les droits de l'Homme. "
De même que " ...Cette
Déclaration des droits de l'Homme donne une puissante
impulsion aux populations musulmanes pour rester fermes et défendre
avec courage et résolution les droits qui leur ont été
conférés par Dieu. ". Cette référence
a la volonté divine comme la seule source des droits de l'homme
contredit les fondements de la conception occidentale qui, comme nous l'avons
déjà rappelé, émane de l'humanisme laïc et du
jus naturalisme rationnel. Dans l'esprit des rédacteurs de la
Déclaration, dans le Coran et la Sunnah, il existe déjà un
système bien élaboré de droits moraux, par
conséquent il est inutile de chercher ailleurs une conception qui serait
étrange à l'Islam. En effet " Allah a donné
à l'humanité, par ses révélations dans le saint
Coran et la Sunnah de son saint prophète Mahomet, un cadre juridique et
moral durable permettant d'établir et de réglementer les
institutions et les rapports humains ; ... ". L'examen du
contenu de la Déclaration, montre bien la nécessite d'exercer les
droits dans le cadre et les limites fixés par la loi islamique,
c'est-à-dire la charia de Dieu. La Déclaration affirme dès
son introduction son attachement aux préceptes de l'Islam. Son champ
d'application est défini par une appartenance religieuse. L'article 12
relatif au "droit à la liberté de croyance, de pensée
et de parole " dispose :
" a) Toute personne a le droit d'exprimer ses
pensées et ses convictions dans la mesure où elle reste dans
les limites prescrites par la Loi. Par contre, personne n'a le droit de
faire courir des mensonges ni de diffuser des nouvelles susceptibles d'outrager
la décence publique, ni de se livrer à la calomnie ou à la
diffamation ni de nuire à la réputation d'autres
personnes."
d) Il ne doit y avoir aucun obstacle à la
propagation de l'information dans la mesure où elle ne met pas en danger
la sécurité de la société ou l'Etat et reste
dans les limites imposées par la Loi. "
Il ne fait aucun doute que "la Loi", est la Loi
islamique imposant la volonté de Dieu
Le fait que dans cette Déclaration, les droits de
l'Homme en Islam se fondent sur la volonté divine, montre la
volonté de ces auteurs de se démarquer des autres textes
internationaux de protection universelle des droits de l'Homme. Les bases
et les objectifs de cette Déclaration islamique universelle des droits
de l'Homme se retrouvent dans la Déclaration du Caire de 1990.Cette
Déclaration, déclaration du Caire sur les droits de l'homme en
Islam, ne manque pas, a son tour, de proclamer la spécificité de
la conception islamique en matière de droits de l'homme et des
libertés publiques. En effet ce document revendique pleinement sa
qualité d'instrument de préservation de l'identité
religieuse168(*)
Le texte conditionne l'exercice des droits et libertés
par les limites de la charia. La référence à cette notion
est omniprésente. A titre d'exemple l'article 12 « Tout
homme a droit, dans le cadre de la Charria, à la liberté
de circuler et de choisir son lieu de résidence à
l'intérieur ou à l'extérieur de son pays. S'il est
persécuté, il a le droit de se réfugier dans un autre
pays. Le pays d'accueil se doit de lui accorder asile et d'assister sa
sécurité, sauf si son exil est motivé par un crime qu'il
aurait commis en infraction aux dispositions de la
Charria »
L'exemple de l'article 22 « a)
Tout homme a le droit d'exprimer librement son opinion pourvu qu'elle ne
soit pas en contradiction avec les principes de la
Charria. b) Tout homme a le droit d'ordonner le bien et de
proscrire le mal, conformément aux préceptes de la
Charia. ».
Une autre disposition suscite l'attention, c'est l'article 10
prévoyant que « L'Islam est la religion de
l'innéité. Aucune forme de contrainte ne doit être
exercée sur l'homme pour l'obliger à renoncer à sa
religion pour une autre ou pour l'athéisme ; il est également
défendu d'exploiter à cette fin sa pauvreté ou son
ignorance »
Ce constat nous permet de déduire qu'il est impossible
de fonder des droits de l'homme sur une volonté autre que la
volonté de Dieu.
Les professeurs Jacques Fialaire et Eric Mondielli affirmaient
à cet égard que l'universalisme des droits de l'homme reste
relatif puisque les sources d'inspiration des déclarations
divergent ; les déclarations islamiques fondent les droits
de l'homme « dans la conviction que Dieu seul est l'auteur de la
loi et la source de tous les droits de l'homme, ce qui sous entend que le
caractère démocratique ou non du régime est
secondaire »169(*)
En définitive, la démarcation des Etats arabo
musulman de la conception universelle des droits de l'homme est manifeste et de
ce point de vue, l'universalité des droits de l'homme reste encore
fragile.
Mais la civilisation arabo musulmane n'était pas la
seule à opposer ses moeurs, sa religion et traditions à la
conception universelle des droits de l'homme. En effet, d'autres figures de
démarcation avaient été rappelées par les auteurs
des droits et libertés.
Section 2. Les autres figures de démarcation
On s'intéresse à cet égard à
l'étude de la conception Africaine des droits de l'homme (§. 1)
avant de s'interroger sur la conception Asiatique (§. 2).
§. 1. La conception Africaine des droits de
l'homme
Le continent africain fournit le troisième exemple de
régionalisation des droits de l'homme après la protection
européenne des droits de l'homme et la proclamation américaine.
Adoptée à Nairobi par la Conférence de
l'OUA, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples du 27 juin
1981, souvent dite Charte de Banjul, constitue un apport important au
développement du droit régional africain et comble une lacune
essentielle en matière de proclamation des droits de l'homme. Bien que
le seuil d'entrée en vigueur ait été placé
très haut (ratification de la majorité absolue des 50 Etats
membres, à l'époque, de l'OUA), la Charte est entrée en
vigueur le 21 octobre 1986 (53 ratifications au 1er juillet 2004).
La Charte accorde une attention prioritaire aux droits des
peuples : « La réalité et le respect des
droits du peuple doivent nécessairement garantir les droits de
l'homme ». Il faut y voir d'abord la survivance de
l'anticolonialisme et de la nécessité de lutter contre les
derniers bastions coloniaux. Selon les auteurs, L'introduction de ce concept
est paradoxale, dans la mesure où la décolonisation est
pratiquement achevée sur le continent africain : or le droit des
peuples est conçu comme un droit à la sécession, auquel la
pratique de l'OUA est totalement hostile au nom des principes de
l'intangibilité des frontières et de l'intégrité
territoriale. Les dispositions de la Charte relatives au droit des peuples sont
aussi l'expression la plus achevée de la tendance moderne à la
collectivisation des droits de l'homme, déjà
évoquée. A cet égard, la Charte présente la
singularité de faire cohabiter des concepts apparemment
antinomiques : individu et peuple, droits individuels et droits
collectifs, droits de la « troisième
génération » et droits classiques.
L'intérêt principal de la Charte se situe dans la conception
africaine de l'homme. M'Baye (K) affirme que cette « culture
africaine traditionnelle était incompatible avec l'idée de droits
individuels contre la société et le pouvoir politique en tant
qu'elle absorbe l'individu dans un réseau dense de liens familiaux et
sociaux, y compris dans le passe, dont le totem serait
l'archétype »170(*).C'est dans cette conception africaine de l'homme que
les Etats africains marquent leur originalité et réaffirment leur
attachement aux traditions et à la civilisation africaine. La
conception européenne des droits de l'homme ne se retrouve pas dans
l'Afrique traditionnelle où l'individu « absorbé
par l'archétype du totem, de l'ancêtre commun ou du génie
protecteur, se fond dans le groupe »171(*). Selon la conception sociale
africaine, l'individu est enserré dans un réseau dense de liens
avec ses parents, sa famille son groupe ethnique mais aussi les vivants et les
morts, la matière et l'esprit. L'individu est inconcevable comme
être singulier : il existe par le groupe et s'accomplit dans le
groupe, qui est à la fois condition matérielle de son existence,
cadre naturel de son épanouissement et finalité de son
accomplissement. Les rapports entre l'individu et le groupe, loin d'être
antagonistes, sont dominés par l'idée d'accord et d'harmonie.
L'impact juridique de cette conception sociale est l'existence
de droits et de devoirs de l'individu vis-à-vis de la communauté
et réciproquement. Le Préambule de la Charte établit ainsi
une relation dialectique entre les droits et les devoirs (« la
jouissance des droits et libertés implique l'accomplissement des devoirs
de chacun ») et la Charte énonce le devoir de
solidarité sociale », ancré dans le respect des valeurs
fondamentales de la culture africaine. Les droits individuels
énoncés présentent peu de particularités par
rapport à ceux proclamés dans des instruments similaires. Il
convient toutefois de noter que le droit au respect de la vie privée ou
la liberté syndicale ne sont pas protégés par la Charte
alors que le droit à l'égal accès aux biens et services
publics est, pour la première fois, consacré par un instrument
conventionnel.
La doctrine signale à cet égard qu'il est
difficile d'apprécier l'impact de la Charte africaine sur le droit
interne des Etats membres.
La charte africaine des droits de l'homme reconnaît sa
dette à la conception universelle des droits de l'homme. En
témoigne les termes de son préambule prévoyant :
« en tenant dûment compte de la charte des nations unies et
de la déclaration universelle des droits de l'homme »
Et d'ajouter : « les droits fondamentaux de
l'être humain sont fondés sur les attributs de la personne
humaine ». Mais il parait, dans la conception africaine des
droits de l'homme, que ces droits sont inséparables des droits des
peuples, de même que les droits de l'homme sont inséparables de
ses devoirs envers la famille. La conception africaine place au centre du
système le groupe donc la tribu et non pas l'individu ce qui
représentait effectivement une dérogation a la conception
occidentale a tendance universelle.
Le professeur Michel Levinet partage l'avis de Jacques
Mourgeon quant à l'ambiguïté du droit des peuples
proclamé dans la charte, plus précisément de savoir si ce
droit conditionne le droit des individus ou pas.
Une autre problématique a été
soulevée par la doctrine des droits et libertés relative cette
fois ci au contenu du droit au développement en effet ce contenu doit
être apprécié en tenant compte de l'universalité, de
la primauté de la personne humaine qui est le sujet central du
développement et « si le développement facilite la
jouissance de tous les droits de l'homme, l'insuffisance du
développement ne peut être invoquée pour justifier une
limitation des droits de l'homme internationalement
reconnus »172(*)
En effet lies aux droits de l'homme, objets d'une
instrumentalisation par les Etats, les droits du peuple ne sont pas des droits
de l'homme. Ils ne conduisent pas les Etats africains à l'instauration
d'une société démocratique, condition essentielle de
l'effectivité des droits et libertés. Le professeur Claudio
Zanghi rappelle qu' « exister en Afrique, signifie renoncer
a l'être individuel, particulier, compétitif, égoïste,
agressif, conquérant, etc. pour être et vivre ensemble avec les
autres dans la paix et l'harmonie avec les vivants, avec les morts, avec le
milieu naturel et avec les esprits qui le peuplent et
l'animent »173(*)
En définitive, cette conception africaine des droits de
l'homme est en partie contradictoire dans son idéologie à la
conception universelle.
Qu'en est il alors de la conception asiatique des droits de
l'homme ?
§. 2. La conception Asiatique des droits de l'homme
La doctrine des droits et libertés n'avait pas
analysé profondément les spécificités de la
conception asiatique des droits de l'homme pourtant cette conception
représente une véritable démarcation par rapport
a la déclaration universelle des droits de l'homme et traduit la
fragilité de l'universalité a l'heure actuelle.
Néanmoins, certains auteurs avaient mis l'accent sur
les valeurs qui marquent l'identité asiatique et empêchent la
réception « normale » de la conception occidentale,
et l'on peut déduire que les Etats asiatiques défendent une
dimension plus cosmologique du monde174(*).
En effet, dans le communique de gouvernement a Singapour en
1991 sur les valeurs partagées ou dans la déclaration commune a
Bangkok en 1993, l'argument de la spécificité confucéenne
de l'Asie est très présent175(*). Les dirigeants des États asiatiques comme
Singapour, la Malaisie et la Chine critiquent la conception occidentale des
droits de l'Homme comme un instrument de l'hégémonie de
l'Occident. Ils subordonnent les libertés au développement
économique, et qualifient le discours sur les droits de l'Homme d'«
impérialisme culturel », à la manière du
« choc de civilisations » défini par Samuel
Huntington176(*).
Mais, en réalité, les valeurs
asiatiques177(*)
opposées à la conception occidentale des droits de l'homme
cachent des gouvernements autoritaires qui, au nom de ces valeurs, renoncent
à la démocratie. Le professeur Michel Levinet prévoit
à cet égard que « sans doute, l'invocation des
valeurs asiatiques peut se muer en un outil politique au service d'une
élite qui détient le pouvoir politique et
économique »178(*). Plusieurs gouvernements asiatiques, tout en se
déclarant pourtant favorables au concept des droits de l'Homme et
à son universalité, ont « cherché
à redéfinir cette notion en mettant en question son
applicabilité universelle dans des contextes culturels,
économiques et sociaux divers. En somme, les participants ont
souligné tant la diversité que l'universalité des droits
de l'Homme ». Singapour a mis en exergue le fait que la
reconnaissance universelle des droits de l'Homme pouvait s'avérer nocive
si l'universalisme servait à refuser ou masquer la réalité
de la diversité. De ce fait, l'universalité des droits de l'homme
est acceptée mais avec des réserves, ce qui permet de parler
d'une acceptation conditionnelle de l'universalité par les élites
asiatiques. S'agissant des déclarations formulées par les Etats
Asiatiques, on peut citer la Déclaration de Bangkok, adoptée lors
de la Conférence régionale sur les droits de l'Homme
réunie dans cette ville du 29 mars au 2 avril 1993, deux mois avant la
Conférence de Vienne.
Certes, la Déclaration de Bangkok a
réaffirmé le principe que tous les droits de l'Homme sont
universels, toutefois, elle n'a pas manqué de souligner l'importance de
la prise en compte des particularités nationales et régionales
ainsi que les contextes historique, culturel et religieux.
La doctrine avait mis l'accent aussi sur les obstacles de la
prise en compte de l'universalité des droits de l'homme par les Etats
asiatiques, et à cet égard on peut citer la religion
Bouddhiste ; le fruit d'une méditation transcendantale individuelle
parfaitement accomplie.
Claude Leclercq prévoit que « le
bouddhisme est universel, au même titre que la théorie des droits
de l'homme, des droits naturels, posés par les écrits des auteurs
occidentaux et dans les déclarations des droits d'origine
européenne et américaine »179(*)
Par conséquent, les sympathisants de cette religion
refusent d'adhérer a la conception occidentale des droits de l'homme et
ce afin d'atteindre le Nirvana, le monde de la libération.
Faut il aussi ajouter que cette religion qui se veut mondiale,
s'attaque aux religions monothéistes et en particulier au christianisme,
ce qui justifie clairement le refus de tout commandement venant de l'occident.
D'autres facteurs freinent l'acception de la conception occidentale,
marquée par une idéologie individualiste, notamment la tradition
de l'obéissance à la famille, à la communauté, aux
autorités et à l'empereur. Ajoutons à ces facteurs, le
système des Castes ou les intouchables en Inde, tout a fait
contradictoire au principe de l'égalité, considéré
comme un principe transversal en droit international. Le système des
castes implique que chacun occupe une place assignée par la naissance
et, partant, légitime les pires discriminations180(*). A cet égard le
professeur Norbert Roland affirme que « pour les orientaux
et la pensée confucéenne, l'homme doit vivre en harmonie avec ses
semblables et le reste du monde, grâce a l'éducation,
l'observation des rites, la recherche des arrangements et du compromis. Le
droit en tant que système de régulation sociale jouit de peu
d'estime ; la notion de droits subjectifs a peu de sens dans ces
sociétés où les statuts ont une grande importance ;
le recours au juge pour trancher un conflit est un signe presque infamant
d'échec. On comprend des lors que tout système de
déclaration de droits soit fort difficile à implanter dans cette
partie du monde »181(*). De plus, il est presque impossible, souligne la
doctrine, de parler des droits de l'homme en Chine, en effet le pays le plus
peuple de la planète exerce des pratiques attentatoires aux droits de
l'homme.
La réponse asiatique aux critiques sur les violations
des droits de l'Homme prend la forme d'un réquisitoire contre
l'Occident. Le concept des droits de l'Homme est considéré comme
une invention occidentale et une abstraction à base culturelle
imposée par un hégémon occidental
vis-à-vis d'un monde peu enthousiaste.
Les valeurs partagées sont
énumérées dans la déclaration de Bangkok comme suit
: la nation avant la communauté, la société avant
l'individu ; la famille comme unité fondamentale de la
société ; le soutien communautaire et le respect pour l'individu
; le consensus et non pas le conflit ; l'harmonie raciale et religieuse.
L'ordre public et la stabilité politique priment sur les droits
individuels et la démocratie libérale. Les normes sociales
collectives ont tendance à surpasser l'individualisme à l'oeuvre
dans les sociétés démocratiques libérales. La
démocratie est précieuse uniquement si elle débouche sur
les autres gains sociaux préférés (ordre public et
prospérité économique) ; elle n'est pas une fin en soi. La
« démocratie à l'asiatique » repose sur le consensus
social et la confiance en l'autorité. À cet égard,
l'école singapourienne note l'incompatibilité entre les valeurs
asiatiques et la démocratie libérale.
La primauté de la subsistance sur la liberté est
un élément constitutif de la Déclaration de Bangkok. Cette
approche réaffirme « l'interdépendance et
l'indivisibilité des droits économiques, sociaux,
culturels, civils et politiques, et la nécessité
d'accorder la même importance à toutes les
catégories de droits de l'homme » (article 10).
Cependant, l'ordre dans lequel les droits sont énumérés
indique la supériorité des droits de deuxième
génération. La justification avancée par les relativistes
est que le progrès économique et social facilite la tendance
croissante vers la démocratie ainsi que la promotion et la protection
des droits de l'homme. Prôner la division culturaliste est nuisible. La
géopolitique orientaliste fournit un bon exemple de la perception du
« choc de civilisations » défini par Samuel Huntington.
Celui-ci considère l'Asie comme une connexion confucéenne
islamique et une menace pour le monde judéo-chrétien des
démocraties occidentales. À la lumière de la remise en
question des valeurs asiatiques, il est impératif de repenser le
modèle théorique culturaliste de Huntington.
Le ralliement au concept des valeurs asiatiques apparaît
comme une tentative de créer un cadre idéologique pour justifier
l'existence d'un gouvernement autoritaire. Il est clair que la
rhétorique sur les valeurs asiatiques et la dichotomie des positions
prises par les dirigeants au sein de la région montrent que le
débat est privé de socle culturel mais, au contraire riche de
notions idéologiques. « L'explication culturelle
fondée sur « une identité asiatique » semble
prématurée et reflète les aspirations de certains
dirigeants asiatiques plutôt que les prédispositions culturelles
des peuples d'Asie »182(*)
Conclusion générale :
En abordant cette étude portant sur la question de
l'universalité des droits de l'homme dans les manuels relatifs aux
droits et libertés, le principal souci était celui de
démontrer la manière selon laquelle les auteurs ont abordé
la problématique.
On a pu enregistrer trois points essentiels :
S'agissant de la densité de la
matière dans les manuels, on a constaté au cours de
notre recherche, que certains auteurs ont pris le soin d'analyser
profondément le problème de l'universalité des droits de
l'homme, tan disque d'autres, n'ont pas su estimer la valeur de la question. La
question était, dans ces manuels, marginalisée voire même
ignorée et pour cette raison, la référence à
certains manuels, lors de notre analyse, était minime.
S'agissant des préoccupations des
auteurs, on a constaté au cours de notre recherche que certains
auteurs avaient réfléchi sur les fondements de
l'universalité des droits de l'homme, plus exactement sur les fondements
de la reconnaissance de cette universalité et les fondements de son
rejet par certains Etats. Et si l'on adopte la classification établie
par le professeur Gregorio Peces Barba Martinez, on peut dire que ces auteurs
ont réfléchi sur l'universalité rationnelle des droits
de l'homme.
D'autres auteurs s'intéressaient plutôt aux aspects
techniques qui assurent cette universalité.
Le cas des internationalistes et des constitutionalistes. Ces
derniers réfléchissaient sur le rôle de la justice
constitutionnelle dans la préservation de la démocratie et des
droits de l'homme.
Les internationalistes se sont intéressés plus aux
aspects techniques, aux instruments et aux mécanismes de protection des
droits de l'homme à l'échelle internationale. Bref, ces auteurs
abordaient la problématique de l'universalité spatiale (ou
cosmopolite) des droits de l'homme.
S'agissant des prises de position à
l'égard de l'universalité des droits de l'homme, on a
constaté que la quasi totalité de la doctrine avait
dégagé les obstacles qui freinent le mouvement de
l'universalisation des droits de l'homme, néanmoins, des divergences ont
été enregistrées lors de la classification de ces
problèmes.
Pour certains, il était nécessaire de rappeler les
problèmes d'ordre théorique face à l'universalité
des droits de l'homme, partant du constat que la compréhension de la
question n'est possible que si l'on aborde ces contestations.
Pour d'autres la classification était surtout de deux
sortes, l'une portait sur des problèmes d'ordre culturel et religieux,
l'autre sur des problèmes d'ordre politique et économique.
Une partie de la doctrine voit dans l'universalité des
droits de l'homme une réalité. A l'opposé, certains autres
prétendent que cette universalité était plutôt une
hypocrisie.
Entre ceux qui réclament la réalité de
l'universalité des droits de l'homme et ceux qui prétendent son
hypocrisie, d'autres auteurs avaient réfléchi sur les solutions
qui peuvent résoudre les divers problèmes de
l'universalité des droits de l'homme.
Enfin, un consensus sur la problématique de
l'universalité des droits de l'homme, demeure une chose difficile,
puisque « L'idée d'universalité (...) n'a pas
elle-même, d'universalité »183(*).
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Table des matières
Introduction.....................................................................p
1
Partie I. La reconnaissance de l'universalité
des droits de l'homme
.........................................................................p
8
Chapitre I : les fondements de la reconnaissance de
l'universalité des droits de
l'homme..............................................................................p10
Section.1 La primauté de l'être humain abstrait
................................p10
§. 1. La primauté de l'être
humain du point de vue
philosophique.......................................................p11
A. les philosophies antiques
....................................p11
B. Les philosophies de l'age moderne
...............................p13
§ 2 - La primauté de l'être humain
du point de vue
religieux...................................................p16
A. L'universalisme de l'ancien
testament................................................................P17
B. L'universalisme du nouveau
testament......................................................P17
Section.2 L'Etat démocratique et
libéral..............................................p19
§ 1 - les caractères généraux de l'Etat
démocratique et
libéral...............................................................p20
A La reconnaissance des libertés individuelles et
politiques..........................................p20
B. la primauté de la loi et la
séparation des pouvoirs ...................p21
C. les conditions liées aux titulaires des
droits ...................24
§ 2 - l'Etat démocratique et libéral, un Etat
de droit .....................25
A. la saisine de la notion par la
doctrine..............................................p25
B. La conception substantielle, seule, garantit
l'effectivité des droits de
l'homme.............................................p27
Chapitre II les manifestations de la reconnaissance de
l'universalité des droits de
l'homme............................................p30
Section.1 Les manifestations
internes...............................................p30
§ 1 - L'universalité de la DDHC
1789...................................................p30
§ 2 - Les traits distinctifs de la DDHC par
rapport aux autres déclarations de
droit...............................................p32
A- Par rapport a la déclaration
Américaine.....................................p32
B- Par rapport aux textes Anglais
.....................................p34
Section.2 Les manifestations
internationales.........................p34
§ 1 - les normes
internationales...................................................................p35
§ 2 - L'internationalisation des mécanismes
de protection des droits de
l'homme.................................................p38
Partie II Les droits de l'homme, une universalité
fragile...............p43
Chapitre I Les problèmes de l'universalité
des droits de
l'homme.........................................................p46
Section 1 Les divergences de classification des
problèmes.........................................................p46
§ 1 - Les problèmes d'ordre
théorique.................................................................p46
A les critiques externes
.....................................p47
B les critiques internes
..............................p49
§ 2 les problèmes d'ordre culturel et religieux
..................p51
§ 2 Les problèmes d'ordre politique et
économique ..................p53
Section 2 Les solutions proposées pour une
universalité effective des droits de
l'homme.........................................................p55.
§ 1 - l'universalité des droits -libertés
....................................p55
§ 2 - l'universalité des droits spécifiques
............................p57
Chapitre II La démarcation des Etats orientaux de
la conception universelle des droits de
l'homme.................................................p60
Section 1 La conception arabo musulmane des droits de
l'homme....................................p60
§ 1 - Les fondements du particularisme des Etats arabo
musulmans....................................p60
§ 2 - les manifestations du particularisme
............................p63
Section 2 - Les autres figures de
démarcation....................................p66
§ 1 - La conception Africaine des droits de l'homme
....................................p66
§ 2 - La conception Asiatique des droits de
l'homme....................................p69
Conclusion
générale...........................................................................p72
Bibliographie.................................................................................p
75
Table des
matières...........................................................................p
78
* 1 GRAWITZ (Madeleine), Lexique
des sciences sociales, 7e Edition, Paris, Dalloz, 2000, p135
* 2 HERSCH (Jeanne) (sous la
dir.), Le droit d'être un homme. Anthologie mondiale de la
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* 3 VINCENSINI (J.J.), Le livre
des droits de l'homme, Paris, Ed. Robert Laffont, 1985, p 12
* 4 KRIEGEL (Blandine), Cours de
philosophie politique, Paris, Librairie Générale
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* 5 RIALS (S), La
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Paris, Hachette
(Pluriel), 1988, p 492
* 6 KANT (Emmanuel), Fondement
de la métaphysique des moeurs, Paris, Ladrange, 1993, p 76
* 7 GUIMBO(R) In MORIN
(Jean-Yves) (Sous la dir.), Les droits fondamentaux, Paris, Bruylant, 1997, p
73
* 8 Gregorio (P), Théorie
générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ, 2004, p. 271
* 9 Ibid
* 10 WACHSAMANN (P). Les droits
de l'homme, 4e éd. - Paris : Dalloz, 2002, p. 50
* 11 ALLAND (Denis), Droit
international public, Paris, PUF, Collection Droit Fondamental, 2000, p. 577
* 12 POUGOUE (Paul
Gérard) et SAWADOGO F.(Michel) cités par BAGORO BESSOLE
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droits de l'homme, Mémoire DEA, Chaire Unesco des Droits de la Personne
et de la Démocratie, Université d'Abomey-Calavi, Cotonou,
2001-2002, p. 79
* 13 MBAYE (Keba), Les droits
de l'homme en Afrique, Paris, Pédone, 1992, p 76
* 14 DEGNI-SEGUI (René),
Les droits de l'homme en Afrique noire francophone : Théories et
réalités, Abidjan, Imprimob, 1997, pp 4-5
* 15 Nation Unis, l'ONU pour
tous. Ce qu'il faut savoir de l'ONU, de ses travaux, de son évolution
pendant les 20 premières années (1945-1965), 8e
Edition, New York, Service d'information, 1968, p 148
* 16 Par exemple, dans
l'article premier qui traite des buts et des principes de l'organisation ;
dans l'article 62, concernant le Conseil économique et social, et dans
l'article 76 sur les fins essentielles du régime international de
tutelle. Dans l'article 56, tous les membres de l'ONU s'engagent à agir,
tant conjointement que séparément, en coopération avec
l'organisation en vue d'atteindre certains buts énumérés
à l'article 55, notamment, la promotion du « respect universel
et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour
tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ».
A l'article 68, le Conseil économique et social est habilité
à instituer des commissions « pour les question
économiques et sociales et le progrès des droits de
l'homme » In Nations Unies, Mécanisme des droits de l'Homme,
Op.Cit., p 4
* 17 Levinet (M),
Théorie générale des droits et libertés, Bruxelles
: Bruylant, 2006, p. 163
* 18 Mireille Delmas (M), trois
défis pour un droit mondial, Seuil, 1998, pp. 25-26.
* 19 Les droits de l'homme,
Dalloz, Coll « Connaissance du droit », 4 ed, 2002,
p. 45.
* 20 Michel Villey, cité
par LEVINET (M.). Théorie générale des droits et
libertés. - Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 161
* 21 Gregorio (P),
Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ,
2004, p. 272
* 22 LOCHAK (D). Les droits de
l'homme, éditions la Découverte, 2005, p. 49
* 23 Théorie
générale des droits fondamentaux, LGDJ, 2004, p. 272
* 24 Les droits de l'homme,
2e Edition, Paris, PUF, « Que sais-je ? »,
1981, p 54.
* 25 Frédéric
Sudre, Droit international et européen des droits de l'Homme, PUF, Droit
fondamental, 2001, p. 43
* 26 Levinet (M),
Théorie générale des droits et libertés, Bruxelles
: Bruylant, 2006, p.164
* 27 Levinet (M),
Théorie générale des droits et libertés Bruxelles :
Bruylant, 2006, p. 166
* 28 Robert (J) et Duffar (J).
Droits de l'homme et libertés fondamentales, Montchrestien, 7ème
éd., 1999, p 39
* 29 Levinet (M),
Théorie générale des droits et libertés Bruxelles :
Bruylant, 2006, p. 166
* 30 Leclercq (C.),
Libertés publiques, Litec, 2003, p. 13
* 31 Favoreu (L) et alii Droit
des libertés fondamentales -3ème éd. 2005 -Dalloz, p.14
* 32 LEVINET (M.).
Théorie générale des droits et libertés. -
Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 178
* 33 Ibid
* 34 Ibid, pp.178-179
* 35 Ibid, p.179
* 36 Ibid
* 37 Ibid
* 38 Ibid
* 39 Ibid
* 40 Ibid
* 41 ISRAEL (J.-J.), Droit des
libertés fondamentales, LGDJ, 1998, p. 68
* 42 Hobbes Léviathan
chapitre XIV
* 43 Levinet (M),
Théorie générale des droits et libertés Bruxelles :
Bruylant, 2006, p. 184
* 44 Favoreu L. et alii Droit
des libertés fondamentales -3ème éd. 2005 -Dalloz, p 17
* 45 Levinet (M),
Théorie générale des droits et libertés Bruxelles :
Bruylant, p. 187
* 46 Levinet (M),
Théorie générale des droits et libertés Bruxelles :
Bruylant, 2006, p. 171
* 47 Ibid
* 48 Ibid
* 49 Ibid
* 50 G. Lebreton :
Libertés publiques et droits de l'homme, Armand Colin, Coll. U, 1995, p.
33
* 51 Gregorio (P),
Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ,
2004, p.
* 52 Leclercq (C.),
Libertés publiques, Litec, 2003, p. 11
* 53 Rivero J. Moutouh H Les
libertés publiques - PUF - Thémis - t.1, 9e éd.,
p.109/110
* 54 Ibid
* 55 Leclercq (C.),
Libertés publiques, Litec, 2003, p. 11
* 56 Une exception peut
être soulevée s'agissant du Royaume Uni ou le dogme de la
souveraineté de la loi a subsisté
* 57 Rousseau (D), Droit du
contentieux constitutionnel - Montchrestien - 6ème éd.- 2001,
p.489
* 58 Ibid, p.490
* 59 Ibid
* 60 Ibid
* 61 Charles Eisenmann, la
justice constitutionnelle et la haute cour constitutionnelle d'Autriche,
Economica, 1986, p.17
* 62
« Considérant que la compétence du Conseil
constitutionnel est strictement délimitée par la
Constitution ; qu'elle n'est susceptible d'être
précisée et complétée par voie de loi organique que
dans le respect des principes posés par le texte constitutionnel ;
que le Conseil constitutionnel ne saurait être appelé à se
prononcer dans d'autres cas que ceux qui sont expressément prévus
par ces textes »
* 63 Levinet (M),
Théorie générale des droits et libertés Bruxelles :
Bruylant, 2006, p. 191
* 64 Ibid
* 65 Droits de l'homme et
libertés de la personne, Litec, 2000, p. 29
* 66 Alexandre Viala, cours de
théories du contentieux constitutionnel, Master 2 recherche : droit
constitutionnel et théorie du droit, année 2006/2007.
* 67 Positiviste Etatique
* 68 J. Chevalier, L'Etat de
droit, Editions Montchrestien, Coll. Clefs, 3ème édition, 1999,
p.154
* 69 Ibid
* 70 G. Lebreton :
Libertés publiques et droits de l'homme, Armand Colin, Coll. U, 1995,
page 24
* 71 Gilles Lebreton,
libertés publiques et droits de l'homme, Paris, Armand Colin, Coll. U,
1995, p. 24
* 72 Ibid
* 73 Lebreton (G) et alii :
Droit constitutionnel, Dalloz, Coll. Précis, 2001, page. 81
* 74 Levinet (M),
Théorie générale des droits et libertés Bruxelles :
Bruylant, p. 210
* 75 Ibid
* 76 Gregorio (P),
Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ,
2004, p. 274
* 77 SUDRE F. Droit
européen et international des droits de l'homme, 7ème éd,
2005, p. 43
* 78 MORANGE J. Droits de
l'Homme et libertés publiques. - PUF - Droit fondamental - 5ème
éd. 2000, p. 27
* 79 Ibid
* 80 Ibid
* 81 Ibid
* 82 LEVINET (M.).
Théorie générale des droits et libertés. -
Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 195
* 83 LEVINET (M.).
Théorie générale des droits et libertés. -
Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 196
* 84 Ibid
* 85 Roselyne Lettron, Annuaire
français de relations internationales, pp. 145
* 86 MORANGE J. Droits de
l'Homme et libertés publiques. - PUF - Droit fondamental - 5ème
éd. 2000, p. 25
* 87 WACHSMANN P.
Libertés publiques - 4ème éd. - 2002 - Dalloz, p. 16
* 88 LEVINET (M.).
Théorie générale des droits et libertés. -
Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 198
* 89 LOCHAK (D). Les droits de
l'homme, éditions la Découverte, 2005, p. 49
* 90 WACHSAMANN (P). Les droits
de l'homme, 4e éd. - Paris : Dalloz, 2002, p. 39
* 91 LOCHAK (D). Les droits de
l'homme, éditions la Découverte, 2005, p. 49
* 92 Favoreu L. et alii Droit
des libertés fondamentales -3ème éd. 2005 -Dalloz, p.
40
* 93 Voir pp. 276 à 283
du Recueil des cours de l'Académie de droit international de
l'année 1951.
* 94 Mentionnons simplement que
pour certains, les droits de l'homme étaient et demeurent le reflet
d'une conception de l'universalité. "Au demeurant, le nombre
important d'hommes et de femmes qui quotidiennement combattent, au péril
de leur liberté et de leur vie, pour faire plier les dictatures partout
dans le monde est le plus irrécusable des témoignages en faveur
de l'universalisme des droits de l'homme. Mais en déduire
l'universalité de ces derniers serait prendre ses rêves
(occidentaux) pour la réalité (mondiale)". "Le constat de
l'absence d'universalité n'implique évidemment aucune
capitulation devant les assassins en puissance." V. Patrick Wachsmann, pp. 42
et 46.
* 95 SUDRE F. Droit
européen et international des droits de l'homme, 7ème éd,
2005, p. 42.
* 96 Pacte international des
droits civils et politiques et Pacte international sur les droits
économiques, sociaux et culturels
* 97 XAVIER (D).
Droit
naturel: Les questions du droit Tome I, PUF, 1998, p 527
* 98 Hormis les deux pactes,
les autres conventions (Convention de Genève sur les
réfugiés de 1951, Convention contre la torture de 1984, etc.)
visent soit des atteintes spécifiques aux droits de l'homme, soit des
catégories de personnes qui risquent plus que d'autres d'être
victimes de discriminations ou d'atteintes à leurs droits fondamentaux.
* 99 SUDRE (F), Droit
international et européen des droits de l'homme, 3e Edition,
Paris, PUF, 1989, p.13
* 100 GUILLAUME (Gilbert),
« La cour Internationale de justice et les droits de
l'homme » In Revue Droits Fondamentaux, N°1, juillet
décembre 2001 (
www.droits-fondamentaux.org/
)
* 101 CHARVIN (R.), SUEUR
(J.-J.), Droits de l'homme et libertés de la personne, Litec, 2000,
p.46-67
* 102 TAVERNIER (Paul)
« Destin du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques vingt ans après son entrée en vigueur »,
Pouvoir et liberté, Etudes offertes à Jacques Mourgeon, pp
479-493
* 103 CHEKIR (Hafidha),
« Universalité et spécificité : autour des
droits des femmes en Tunisie », Center for philosophy of
international Law and global politics, JURA GENTIUM, s.d. (
http://dexl.tsd.unifi.it/juragentium/en/index.htm
* 104 DHOMMEAUX (Jean),
« Les Etats parties à la Convention européenne des
droits de l'homme et le Comité des droits de l'homme de l'ONU : de
la cohabitation du système universel de protection des droits de l'homme
avec le système européen » In Liber Amicorum
Marc-André Eissen, Bruxelle/Paris, Bruylan/LGDJ, 1995, p120
* 105 CHEKIR (Hafidha),
Op.Cit.
* 106 SCHABAS A. (William),
« Les réserves des Etats Unis au Pacte international relatif
aux droits civils et politique en ce qui concerne la peine de mort »,
in Revue Universelle des droits de l'homme, vol.6, n° 4-6, septembre 1994.
pp137-150
* 107 TRAVERNIER (Paul),
Op.Cit., p482
* 108 CHERIK (Hafidha),
Op.Cit
* 109 LOCHAK (D). Les droits
de l'homme, éditions la Découverte, 2005, p. 58
* 110 WACHSAMANN (P). Les
droits de l'homme, 4e éd. - Paris : Dalloz, 2002, p. 50
* 111 WACHSAMANN (P). Les
droits de l'homme, 4e éd. - Paris : Dalloz, 2002, p. 39
* 112 CHARVIN (R.), SUEUR
(J.-J.), Droits de l'homme et libertés de la personne, Litec, 2000, p.
60
* 113 SUDRE (F.), Droit
international et européen des droits de l'Homme, PUF, Droit fondamental,
2000, p. 44
* 114 RIVERO J. ET MOUTOUH H
Les libertés publiques - PUF - Thémis - t.1, 9e éd., 2003,
p. 110
* 115 Gregorio (P),
Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ,
2004, p. 276
* 116 LEVINET (M.).
Théorie générale des droits et libertés. -
Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 204
* 117 MORANGE (J.), Droits de
l'homme et libertés fondamentales, PUF, 2000, p. 64
* 118 Ibid
* 119 Gregorio (P),
Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ,
2004, p. 276
* 120 Ibid, p. 277
* 121 Cité par Gregorio
(P), Théorie générale des droits fondamentaux, Paris,
LGDJ, 2004, p.278
* 122 Ibid
* 123 Ibid
* 124 Gregorio (P),
Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ,
2004, pp. 277/ 278
* 125 Ibid, p278
* 126 Tristes tropiques, Plon,
Paris, p.27
* 127 Article 16 de la DDHC
1789 « Toute Société dans laquelle la garantie des
Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs
déterminée, n'a point de Constitution »
* 128 Gregorio (P),
Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ,
2004, p. 279
* 129 LEBRETON (G.),
Libertés publiques et droits de l'Homme, Colin, 2003, p. 103
* 130 Leclercq (C.),
Libertés publiques, Litec, 2003, p. 16
* 131 LEBRETON (G.),
Libertés publiques et droits de l'Homme, Colin, 2003, p. 104
* 132 CHARVIN (R.), SUEUR
(J.-J.), Droits de l'homme et libertés de la personne, Litec, 2000, p.
161
* 133 Ibid
* 134 SUDRE (F.), Droit
international et européen des droits de l'Homme, PUF, Droit fondamental,
2001, p. 44
* 135 Cité par Levinet
(M), Théorie générale des droits et libertés
Bruxelles : Bruylant, p. 204
* 136 Favoreu L. et alii,
Droit des libertés fondamentales -3ème éd. 2005 -Dalloz,
p. 53
* 137 LEBRETON (G.),
Libertés publiques et droits de l'Homme, Colin, 2003, p. 129
* 138 Xavier (D).
Droit
naturel: Les questions du droit Tome I, PUF, 1998, p. 527
* 139 Gregorio (P),
Théorie générale des droits fondamentaux, LGDJ, 2004, p.
278
* 140 TURPIN D.
Libertés publiques et droits fondamentaux -Seuil -éd. 2004, p.
17
* 141 CHARVIN (R.), SUEUR
(J.-J.), Droits de l'homme et libertés de la personne, Litec, 2000, p.
61
* 142 Rivero J. ET Moutouh H,
Les libertés publiques - PUF - Thémis - t.1, 9e éd., 2003,
p. 109
* 143 Ibid
* 144 WACHSAMANN (P). Les
droits de l'homme, 4e éd. - Paris : Dalloz, 2002, p. 40
* 145 XAVIER (D).
Droit
naturel: Les questions du droit Tome I, PUF, 1998, p. 526
* 146 SUDRE (F.), Droit
international et européen des droits de l'Homme, PUF, Droit fondamental,
2001, p. 44
* 147 Gregorio (P),
Théorie générale des droits fondamentaux, LGDJ, 2004, p.
281
* 148 Ibid, p. 282
* 149 Rivero J. ET Moutouh H,
Les libertés publiques - PUF - Thémis - t.1, 9e éd., 2003,
p. 108/109
* 150 Ibid p 110
* 151 Gregorio (P),
Théorie générale des droits fondamentaux, LGDJ, 2004, p.
282
* 152 Ibid, p. 283
* 153 Jean Bernard Marie,
cité par LEVINET (M.). Théorie générale des droits
et libertés. - Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 207
* 154 LEVINET (M.).
Théorie générale des droits et libertés. -
Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 207
* 155 Mireille (D), Trois
défis pour un droit mondial, Le Seuil, Coll.
« Essais », 1998, p.25.
* 156 Gregorio (P),
Théorie générale des droits fondamentaux, LGDJ, 2004, p.
283
* 157 Gregorio (P),
Théorie générale des droits fondamentaux, LGDJ, 2004, p.
289
* 158 Lochak (D). Les droits
de l'homme, éditions la Découverte, 2005, p. 55
* 159 LEBRETON (G.),
Libertés publiques et droits de l'Homme, Colin, 2003, p. 129
* 160 Le choc des
civilisations (traduction française, Odile Jacob, 1997)
* 161 MATHIEU B. et VERPEAUX
M. Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux - 2002 - LGDJ, p. 13
* 162 Leclercq (C.),
Libertés publiques, Litec, 2003, p. 17
* 163 Ibid
* 164 En effet le texte
coranique est susceptible de plusieurs interprétations, il ouvre
à la problématique herméneutique, pour cette raison ce
texte était parfois instrumentalisé pour servir les
intérêts de chaque école islamique.
* 165 LEVINET (M.).
Théorie générale des droits et libertés. -
Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 227
* 166 Ibid
* 167 LEBRETON (G.),
Libertés publiques et droits de l'Homme, Colin, 2003, p.120
* 168 LEVINET
(M.).Théorie générale des droits et libertés. -
Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 236
* 169 MONDIELLI (E), FIALAIRE
(J), droits fondamentaux et libertés publiques, Ellipses, 2005, p.
43.
* 170 Favoreu L. et alii Droit
des libertés fondamentales -3ème éd. 2005 -Dalloz, p.
53
* 171 M'Baye (K), Les droits
de l'homme en Afrique, Pedone, 2e édition, 2002, p.95
* 172 LEVINET
(M.).Théorie générale des droits et libertés. -
Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 217
* 173 Ibid
* 174 MATHIEU B. et VERPEAUX
M. Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux - 2002 - LGDJ, p. 13
* 175 Favoreu L. et alii Droit
des libertés fondamentales -3ème éd. 2005 -Dalloz, p. 51
* 176 Le choc des
civilisations (traduction française, Odile Jacob, 1997)
* 177 La notion trouve son
origine à Singapour à la fin des années 1980 et au
début 1990 quand le premier ministre Lee Kwan Yew et ses ministres ont
réfléchi sur l'identité de leur Etat Cité et aux
moyens de la renforcer.
* 178 LEVINET (M.).
Théorie générale des droits et libertés. -
Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 220
* 179 Leclercq (C.),
Libertés publiques, Litec, 2003, p. 18
* 180 LEVINET (M.).
Théorie générale des droits et libertés. -
Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 222
* 181 Ibid
* 182 Maria Linda Tinio.
Préface de Boutros Boutros-Ghali. Editions l'Harmattan, Paris, in Les
enjeux de l'universel ,
http://www.ldh-france.org/media/hommeslibertes/doss3_128.pdf
* 183 Dominique Colas,
Sciences et différence: la question des droits de l'homme et
l'anthropologie, in Les valeurs de la révolution devant la science
actuelle, Presses universitaires de Nancy, 1990, p.73
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