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La question des l'universalite des droits de l'homme dans les manuels relatifs aux droits et libertés

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par Mohamed Hedi SEHILI
Université Montpellier 1 - Master recherche Droit constitutionnel et théorie du droit 2007
  

Disponible en mode multipage

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Sommaire :

Introduction

I° Partie. La reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme

Chapitre 1 : Les fondements de la reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme

Section 1. La primauté de l'être humain abstrait

Section 2. L'Etat démocratique et libéral

Chapitre 2 : Les manifestations de la reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme

Section 1. Les manifestations internes

Section 2. Les manifestations internationales

II° Partie. Les droits de l'homme, une universalité fragile

Chapitre 1 : Les problèmes de l'universalité des droits de l'homme

Section 1. Les divergences de classification des problèmes

Section 2. Les solutions proposées

Chapitre 2 : La démarcation des Etats orientaux de la conception universelle des droits de l'homme

Section 1. La démarcation des Etats arabo musulmans de la conception universelle des droits de l'homme

Section 2. Les autres figures de démarcation

Introduction

Les droits de l'homme sont un « ensemble de droits, libertés et prérogatives reconnus aux hommes en tant que tels »1(*), c'est-à-dire en leur seule qualité d'être humain.

Mettant l'accent sur le fait que l'homme est un individu, Jeanne Hersch considère les droits de l'homme comme « des droits individuels, naturels, primitifs, absolus, primordiaux ou personnels. Ce sont des facultés, des prérogatives morales que la nature confère à l'homme en tant qu'être intelligent »2(*). Quant à Vincensini, il considère les droits de l'homme comme « des prérogatives gouvernées par les règles reconnues par le droit constitutionnel et le droit international qui visent à défendre les droits de la personne dans leurs relations avec le pouvoir de l'Etat et avec les autres personnes et qui tendent à promouvoir l'établissement des conditions permettant de jouir effectivement de ces droits »3(*)

Il s'en déduit que les droits de l'homme sont des facultés que tout être humain ou individu possède en toute liberté et dont les violations ou tout refus à y satisfaire est considéré comme illégaux parce que reconnus par la collectivité. Ce sont aussi des standards fondamentaux, des prérogatives morales ou des règles que la nature confère à l'homme en tant qu'être doué d'intelligence auxquels doivent se conformer la coexistence des sociétés et des individus; qui sont la manifestation de sa personnalité et qui lui permettent d'agir, de vivre, de se protéger. Les droits de l'homme sont le fondement de la liberté, de la justice, de la paix et dont le respect permet à l'homme de se développer.

Le fondement du respect des droits de l'homme est la théorie du droit naturel dont l'idée en jeu est la suivante : c'est en raison de la nature de l'homme, présente en chaque individu dès sa naissance, que tous les êtres humains ont des droits fondamentaux. Ces droits apparaissent comme des droits innés et, en tant que tels, sont antérieurs à toute organisation sociale et politique. Pour Blandine Kriegel, « la nature humaine comporte des droits inaliénables. C'est la nature avec la loi, c'est-à-dire un univers où l'exigence mathématique conduit en même temps à définir des lois de rapport entre êtres et à décrire l'égalité fondamentale des conditions. Le fondement du respect des droits de l'homme est donc, ici, leur caractère obligatoire et leur inhérence à la nature humaine. Les droits de l'homme sont donc un droit naturel »4(*) .Cette influence du « jus naturalisme » figure dans un grand nombre de déclarations de la fin du XVIIIe siècle, notamment, dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 qui dispose dans son préambule et ses deux premiers articles que : « Les représentants du peuple français, (...), considérant que l'ignorance ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme (...) ». « Article 1er - Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune ». « Article 2 - Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression »5(*)

Dans certains cas, cette nature de l'homme est considérée comme le résultat d'une création divine, c'est-à-dire une référence religieuse à l'idée d'un être suprême. D'où la notion du caractère sacré de la dignité de la personne humaine créée à l'image de Dieu comme fondement du respect des droits de l'homme. L'ensemble des droits de l'homme correspond donc à la substance de la dignité de l'être humain compris dans son intégrité, ils se réfèrent à la satisfaction des besoins essentiels de l'homme, à l'exercice de ses libertés, à ses rapports avec les autres personnes. Ce qui implique la lutte contre toutes formes d'exploitation et de manipulation perpétrées au détriment des hommes, non seulement dans les domaines social, politique et économique, mais aussi sur les plans culturel, idéologique et médical. Comprise par Emmanuel Kant comme « ce qui est au-dessus de tout prix et n'admet nul équivalent, n'ayant pas une valeur relative mais une valeur absolue »6(*)et par Guimbo R. comme une « certaine conception de soi qui s'oppose aux actes dégradants dont l'individu serait responsable ou dont autrui se rendrait coupable à son égard »7(*); la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine a été reconnue par la Communauté internationale comme fondement de la liberté, de la justice et de la paix.

Les définitions déjà avancées ci-dessus mettent toutes l'accent sur l'aspect universel des droits de l'homme, mais que faut il entendre par universalité des droits de l'homme ?

Selon Gregorio Peces Barba Martinez, cette notion couvre trois choses distinctes qui sont toutes liées aux fondements des droits.

D'abord, sur un plan rationnel, l'universalité désigne l'attribution des droits a tous les êtres humains « ces droits sont rationnels et abstraits, en accord avec le fait qu'ils sont attribues a tous les hommes et qu'ils sont porteurs d'une prétention de validité générale du fait des critères de moralité qui les fondent »8(*)

Sur un plan temporel, l'universalité repose sur le caractère général et abstrait des droits de l'homme, donc ces droits doivent être attribuées à l'homme indépendamment du facteur historique. Enfin, sur le plan spatial, les droits de l'homme doivent concerner toutes les sociétés politiques sans exception.

L'auteur rappelle aussi que chaque composante de l'universalité des droits de l'homme fait l'objet d'une étude par ses spécialistes. A cet égard l'universalité au sens rationnel fait l'objet d'une étude par les philosophes du droit, l'universalité au sens temporel, fait l'objet d'une étude par les historiens du droit, enfin l'universalité spatiale, celle-ci est le centre d'intérêt des constitutionnalistes, des internationalistes et des comparatistes.

S'agissant des divergences quant a l'emploi des termes universalisme ou universalité, l'auteur signale que la doctrine utilise parfois les deux termes indifféremment alors qu'il y a d'autres qui ne les assimilent pas. Le professeur Gregorio Peces Barba Martinez, quant à lui, affirme que l'universalisme des droits de l'homme, renvoie plus au premier sens de l'universalité c'est-à-dire l'universalité au sens rationnel. Toutefois, parler de l'universalité des droits de l'homme, suppose que ces droits soient valides pour tous les hommes « mais qui sont envisagés dans un contexte historique ou géographique »9(*).

Faut il aussi préciser que, parler de l'universalité temporelle, désigne le processus de généralisation des droits de l'homme alors que traiter la question de l'universalité spatiale revient nécessairement a parler du processus d'internationalisation des droits de l'homme.

La question de l'universalité des droits de l'homme est aujourd'hui au coeur du débat de nombreux chercheurs et penseurs de sciences humaines et sociales, juristes, anthropologues, philosophes du droit, historiens du droit, les comparatistes, les internationalistes et les constitutionalistes...etc.

L'universalité des droits de l'homme fait aussi l'objet d'une étude par les auteurs des manuels des droits et libertés.

Au cours de ce travail nous allons étudier cette question, seulement à partir des manuels des droits et libertés, cependant la référence à certains ouvrages ou articles qui n'entrent pas dans la catégorie des manuels demeure marginale par rapport a notre objet principal.

Ce travail ne peut prétendre d'éclairer totalement le lecteur sur la problématique de l'universalité des droits de l'homme. Ce travail s'est heurté aux difficultés de négligence de la question par certains auteurs des manuels des droits et libertés, mais cela n'à pas empêcher de dégager quelques approches et quelques prises de positions par certains d'entre eux sur la question de l'universalité des droits de l'homme.

De plus l'ampleur et la complexité du sujet, l'étendue de son champ, et le nombre d'écrits nouveaux touchant à la problématique en question ont obligé à des choix qui peuvent parfois paraître arbitraires: on pourra légitimement reprocher la négligence de telle ou telle référence, de telle ou telle question, qui auraient été plus intéressantes que ceux qui ont été retenues dans ce développement. Bref, il faut bien noter que ce travail est loin de pouvoir rendre compte de la complexité du débat sur l'universalité des droits de l'homme. Malgré ces limites, cette recherche a pour objectif principal de concevoir la manière par laquelle les auteurs des manuels des droits et libertés ont traité cette problématique et la manière par laquelle ils ont procédé pour étudier cette question.

Comment alors la question de l'universalité des droits de l'homme était traitée dans les manuels relatifs aux droits et libertés ?

Une étude approfondie de ces manuels, nous permet de constater que cette universalité était envisagée à partir de deux points de vue différents. D'une part l'universalité des droits de l'homme, d'un point de vue de sa destination. Cet angle nous permet de constater avec la doctrine que l'universalité des droits de l'homme est reconnue aussi bien sur le plan interne que sur le plan international, en effet les droits de l'homme s'adressent à tous les hommes sans distinction10(*).

Témoigne sans doute, sur le plan international, la prolifération des traités relatifs aux droits et libertés qui est déjà une indication - relative - de la volonté des Etats de les respecter. Cette obligation de respect concerne l'ensemble des droits de l'homme d'origine coutumière ou conventionnelle, en prenant comme point de départ l'article 55 de la Charte des Nations Unies11(*). La reconnaissance des droits de l'homme et leur introduction dans l'ordre juridique international font alors d'eux l'une des tâches prioritaires de la communauté internationale. Les droits de l'homme sont désormais un phénomène qui appartient au terroir de toutes les nations de telle sorte qu'ils ne sont étrangers à aucune culture. Les diversités culturelles sont considérées comme un enrichissement de l'universalité. C'est ainsi que le professeur Paul Gérard Pougoue parle de « l'universalisme pluriel » pour dire que les droit de l'homme sont justement le produit de plusieurs apports culturels non exclusifs les uns les autres. Et au professeur Michel F. Sawadogo de renchérir : « l'universalisme découle également de l'enrichissement possible et souhaitable des droits de l'homme par toutes les nations du monde »12(*). L'universalisme suppose également que leur absence ou leur méconnaissance par l'Etat va plus loin qu'une simple négation de la dignité humaine. Elle a sa place aux racines même de la pauvreté et de la violence politique qui sont le fléau du monde actuel. Cette conception élargie des droits de l'homme constitue la pierre angulaire des activités des Nations Unies considérées comme le catalyseur principal de la promotion et de la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'échelle mondiale.

En effet, la création de l'Organisation des Nations Unies à la Conférence de San Francisco depuis 1945 a rendu effectif l'idéal de la promotion et de la « protection » des droits de l'homme sur le plan universel. Le juge Keba Mbaye définit, de ce fait, la protection comme étant « tout système comportant, à l'occasion d'une ou de plusieurs violations d'un principe ou d'une règle relatifs aux droits de l'homme et édictés en faveur d'une personne ou d'un groupe de personne, la possibilité pour l'intéressé de soumettre une réclamation, de déclencher une mesure tendant à faire cesser la ou les violations ou à assurer aux victimes une réparation équitable »13(*). La protection des droits de l'homme constitue alors la dimension spatiale de leur conquête. Ainsi, le professeur DEGNI-SEGUI a-t-il pu écrire : « on est passé de la protection nationale à la protection régionale en passant par la protection universelle »14(*)

Au cours de ses dix premières années d'existence, l'activité des Nations Unies dans ce domaine fut essentiellement, mais non exclusivement, consacré à la définition des « droits de l'homme » et des « libertés fondamentales » et à l'élaboration des normes et des principes généraux, surtout par l'adoption des instruments internationaux de protection15(*). Ainsi, dès le préambule de la Charte Constitutive, les Nations Unies « proclament leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des droits de l'homme et de la femme, ainsi que des nations, grandes et petites ». La volonté de développer et d'encourager le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de faciliter leur jouissance est affirmée sous formes diverses et à plusieurs reprises dans les dispositions de la Charte des Nations Unies16(*).

Sur le plan interne, les constitutions nationales des Etats mettent en avant les droits de l'homme. Tous les Etats reconnaissent la valeur de ces droits et organisent les mécanismes nécessaires qui garantissent leur respect. Par conséquent le rôle de la justice constitutionnelle demeure principalement la défense de la transcendance des droits de l'homme, le juge constitutionnel devient, à son tour, une institution impérative. Sa mission en tant que juge qui contrôle la constitutionnalité de la loi, est de sanctionner la méconnaissance des droits fondamentaux de l'homme rien que ces droits inviolables, sont placés au sommet de la hiérarchie des normes. La légitimité de la justice constitutionnelle passe ainsi avant tout par la protection de ceux-ci contre les possibles atteinte par le législateur. La défense des droits de l'Homme est donc le corollaire à la fonction d'identification en ce sens qu'elle permet de rejoindre la finalité de la démocratie : un gouvernement par le peuple, donc dans son intérêt et non pas dans celui du seul gouvernant. Sous cet angle, la justice constitutionnelle trouve pleinement sa justification au sein d'un État de droit.

L'autre point de vue envisagé par la doctrine sur la question de l'universalité des droits de l'homme, est celui de leur réception. En se plaçant de ce côté, on constate que l'universalité des droits de l'homme demeure encore fragile.

La doctrine des droits et libertés affirme à cet égard que « toute interrogation sur la possible universalité des droits de l'homme conduit à affronter la dialectique universalité/spécificité des droits de l'homme, autrement dit a effectuer le constat de la coexistence des discours de l'universel et de la pluralité »17(*)et d'ajouter que « l'universalité des droits de l'homme renvoie davantage à l'univers mental qu'à l'univers réel. Affirmée par la Déclaration universelle de 1948, elle est pour l'essentiel à construire »18(*), ou encore l'affirmation de Patrick Wachsmann « les droits de l'homme sont un universalisme (ils s'adressent à tous les hommes sans distinction), ils ne sont pas universels »19(*)

Sans doute, la fragilité de l'universalité des droits de l'homme est due à plusieurs facteurs, freins et obstacles.

Ces facteurs sont d'ordre théorique, culturel, religieux et même des facteurs économiques et politiques.

Plusieurs juristes doutent aujourd'hui de l'universalité des droits de l'homme, en effet la réception d'une conception occidentale des droits de l'homme par les Etats du Sud n'est pas une réception « normale ».

Certaines civilisations opposent encore leurs moeurs, traditions et authenticités à l'universalité des droits de l'homme.

Certains autres penseurs nous invite vivement à ne pas prendre pour des universaux des prétentions à l'universel.

La remise en cause de l'universalité des droits de l'homme tient aussi au mouvement de leur régionalisation. Ce phénomène de régionalisation des droits de l'homme avait manifesté une véritable démarcation des Etats orientaux de la conception universelle des droits de l'homme.

Ces Etats, à travers leurs documents, ont manifeste une hostilité a l'égard de l'Occident et par conséquent à la conception voulue universelle par l'Organisation des Nations Unies.

Entre ceux qui affirment la réalité de l'universalité des droits de l'homme et ceux qui réclament son hypocrisie, un autre courant de la doctrine propose des solutions, des idées et des corrections, pourvue que l'universalité des droits de l'homme devient un acquis plutôt qu'un requis.

Compte tenu des éléments qui viennent d'être retracés, il est alors légitime d'exposer la reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme (Partie I), avant d'analyser la fragilité de cette universalité (Partie II)

I° Partie. La reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme

Pour étudier la question de la reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme, il est d'abord impératif de s'interroger sur les fondements de cette universalité, en d'autres termes d'analyser les principes et les raisons servant de base à affirmer l'universalité des droits et libertés.

Précisément, il est nécessaire de chercher, en premier lieu, les fondements idéologiques de l'universalité des droits de l'homme avant de chercher les affirmations textuelles car « les textes sont des résultats. Eux-mêmes ont leurs sources, à partir desquelles s'interprète leur sens et se mesure leur autorité »20(*) .

Une fois notre recherche des fondements est opérée, il serait alors légitime de passer à une analyse textuelle c'est-à-dire de concevoir l'universalité des droits et libertés dans un standard positif. En effet une règle de droit n'acquiert son caractère obligatoire que si elle est posée, autrement dit elle doit être incorporée dans un ordre juridique précis et selon des procédures d'élaboration bien déterminées. Mais cette positivisation des droits n'est pas sans danger sur les droits de l'homme et par conséquent sur leur éventuelle universalité puisque la définition même du concept « universel » est tout à fait opposée au processus de positivisation des droits de l'homme. Reprenant encore une fois la définition de l'universalité des droits, du moins au sens rationnel, celle-ci nécessite leur exclusion du cadre juridique « ils n'ont donc pas à être contextualisés ou aménagés en fonction de chaque système juridique »21(*)

Par ailleurs, un autre courant de pensée prétend que l'internationalisation des droits de l'homme (forme de l'universalité spatiale), est signe et vecteur de leur universalité22(*)

Compte tenu des éléments qui viennent d'être retracés, il est alors légitime, avant d'exposer les manifestations de l'universalité des droits de l'homme (chapitre 2), de s'interroger sur les fondements de cette universalité (chapitre 1).

Chapitre 1 : Les fondements de la reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme

Par fondement, on désigne les raisons légitimes, les principes de base ayant aboutit à reconnaître un système.

La doctrine des droits et libertés, plus précisément les auteurs des manuels des droits de l'homme ont fondé cette universalité sur l'Homme, autrement dit sur la primauté de la personne humaine abstraite (section 1) mais on insiste souvent sur une forme bien déterminée d'Etat, celle de l'Etat démocratique et libéral (section 2)

Section 1. La primauté de l'être humain abstrait

La définition de l'universalité déjà avancée au niveau de notre introduction montre bien cette dimension abstraite de l'être humain, l'universalité rationnelle suppose par définition l'attribution des droits à tous les hommes indépendamment de leurs race, nationalité ou religion. Suivant le modèle de Laporta, exposé par Grégorio Peces Barba Martinez, l'universalité rationnelle ou l'universalisme des droits pose le principe selon lequel « ... la condition d'être humain suffit pour être titulaire des droits de l'homme quel que soit le contexte et en toute circonstance »23(*). C'est en ce sens que Jacques Mourgeon écrit  « La reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde »24(*). Le professeur Frédéric Sudre reprend à son tour la formulation de Jean Rivero en prévoyant qu'« au coeur du concept de droits de l'homme, il y a l'intuition de l'irréductibilité de l'être humain à tout son environnement social »25(*). Allant dans ce sens, le professeur Michel Levinet affirme que « la personne humaine constitue la pierre angulaire de toute société »26(*). Ainsi la primauté de l'être humain constitue le premier fondement de l'universalité des droits de l'homme en d'autres termes si l'homme est universel alors il est tout à fait légitime que ses droits soient aussi universels.

Notre démarche serait alors d'exposer cette primauté de la personne humaine d'abord d'un point de vue philosophique (§. 1) ensuite d'un point de vue religieux (§.2)

§. 1. La primauté de l'être humain du point de vue philosophique

La primauté de la personne humaine doit être envisagée d'abord dans les philosophies antiques (A) ensuite dans les philosophies modernes (B).

A-les philosophies antiques

La doctrine affirme que la reconnaissance de l'identité de l'individu était peu évidente dans la pensée du monde antique « ce qui importe c'est l'indépendance de l'Etat et non celle de l'individu »27(*). La liberté antique était une liberté participation, le citoyen était apte a exercer toutes les fonctions, a participer a la formation de la loi « elle consistait pour lui a pouvoir être tour a tout sujet et gouvernant »28(*). Mais les grecs ne reconnaissent pas un espace privé aux individus qui est protégé de l'intervention des entreprises du pouvoir.

En témoigne les pratiques inhumaines exercées dans la Grèce tel que l'esclavage, l'ostracisme de même que l'élimination des nouveaux nés débiles. Le professeur Michel Levinet, en exposant l'apport de la philosophie de l'age antique, affirme que l'étude de cet apport ne doit pas conduire à des «anachronismes»29(*) malgré le fait que les sophistes avaient tenté de dissocier la personnalité individuelle des caractères qui étaient ceux des citoyens en mettant en cause l'ordre social. En effet, les sophistes ont rompu avec le monde unitaire qui caractérisait la Grèce Antique « en laissant entendre que les comportements humains sont indifférents aux dieux, dans la mesure ou ceux-ci existent »30(*). Mais les sophistes ne vont pas jusqu'à fonder sur l'essence même de l'être humain des droits inaliénables.

La mort de Socrate explique clairement cette difficulté d'affirmer une liberté autonomie au sens moderne du terme dans la Grèce Antique. Ce qu'il faut signaler c'est que l'individualisme marquant la modernité n'est pas encore conçu dans l'antiquité, la société étant, au contraire, marquée par une idéologie holiste. Mais la primauté de la personne humaine ne trouve son plein effet que lorsqu'on lui reconnaît une dignité qui doit être  inhérente à toute personne humaineLe concept dignité parait indissociable de l'idée de l'universalité des doits de l'homme. Ce rapport étroit entre dignité et universalité était souligné par le professeur Louis Favoreu en disant qu'« en premier lieu, il a fallu qu'émerge et s'enracine la prise en considération de la dignité et de l'universalité de chaque être humain »31(*), et l'auteur de citer nombreux courants de la philosophie qui ont contribué à l'émergence de la dignité de l'être humain notamment le stoïcisme se présentant comme une philosophie rationaliste qui se rattache à Héraclite (idée d'un logos universel), au cynisme (Zénon de Kition fut élève d'un philosophe cynique), et qui reprend certains aspects de la pensée d'Aristote. Le stoïcisme « insiste sur l'essence divine de l'homme et conçoit l'univers organisé selon des principes d'harmonie universels, immuables auxquels les hommes doivent se soumettre »32(*). L'idée fondamentale du stoïcisme, bien développée par Zénon, Chrysippe et Cléanthe, c'est l'idée d'une justice naturelle, d'un droit naturel qui a son fondement dans l'essence même de l'homme et dans sa parenté avec la divinité33(*). «La loi, disait Chrysippe, est la reine de toutes les choses divines et humaines, l'arbitre du bien et du mal, du juste et de l'injuste, la souveraine maîtresse des animaux sociables par nature. Elle commande ce qui doit être fait et défend le contraire». Les doctrines du stoïcisme sur la loi naturelle trouvèrent à Rome, avec Cicéron qui « développe l'idée d'un droit issu de la nature des choses, présentant un caractère universel correspondant à la société qui réunit les hommes entre eux »34(*) mais aussi avec Sénèque Marc Aurèle et Epictète et Arrien.

L'unité de la raison étant le point de départ des stoïciens puisque « le fait que les Dieux aient mis en l'homme la raison -qui les rapproche - leur permet de s'élever par leurs propres moyens (la recherche, la philosophie, la vertu) jusqu'à la connaissance des lois naturelles donc de la justice »35(*). Mais le stoïcisme n'a pas abouti à une reconnaissance de droits individuels « innées » comme l'avait expliqué Michel Villey en affirmant que « le stoïcisme joue en dehors de la cité en dehors du Droit dans une autre sphère de la vie »36(*).

Un autre courant de pensée avait développé l'idée de l'universalité de l'être humain c'est celui des nominalistes. L'apport de ce courant « tient à ce qu'il conduit à envisager l'individu de manière singulière, en considération seulement de lui-même et pour lui-même, indépendamment notamment de toute référence à un statut ou toute appartenance à un groupe »37(*). La doctrine avait bien développé l'apport de ce courant dans la réflexion sur l'existence d'un individu libre par conséquent « du nominalisme naîtra une conception du droit naturel qui entend se libérer de l'emprise théologique alors même que destinée paradoxale de la démarche franciscaine - pour Guillaume D'ockham comme pour John Duns Scot, le droit divin positif (la loi divine) demeure la norme suprême »38(*)

L'apport de la philosophie antique était nécessaire mais il n'a pas aboutit à une véritable reconnaissance de la primauté de l'individu, qui reste surtout la marque de la modernité.

B- Les philosophies de l'age moderne

La doctrine affirme que « reposant sur la valeur fondamentale de l'être humain, les droits de l'homme sont habituellement présentés comme une conquête de la modernité »39(*)

Pour cette raison, nous allons étudier l'apport de certains philosophes dans la consécration du principe de la primauté de la personne humaine.

Hobbes est un des premiers philosophes à introduire l'idée d'un état de nature. L'état de nature représente ce que serait l'homme en l'absence de tout pouvoir politique et par conséquent de toute loi. Pour Hobbes, la plus forte des passions est la peur de la mort, notamment de la mort violente infligée par autrui, donc le droit de conserver sa vie est le premier droit naturel.

Par conséquent « la finalité du pacte social est d'aboutir à la sécurité personnelle : c'est pour l'avoir que les hommes renoncent à la violence qu'ils pouvaient exercer contre les autres hommes »40(*) . Donc l'état de nature pour Hobbes correspond à un état de guerre perpétuelle en effet pour ce philosophe « l'homme est un loup pour l'homme »41(*)

Pour cette raison le pacte social parait indispensable pour échapper de l'insécurité de l'état de nature vers la paix de l'état social. Le pacte social est formulé de cette manière « j'autorise cet homme ou cette assemblée et lui abandonne mon droit de me gouverner moi-même, à la condition que tu lui abandonne ton droit et que tu autorises toutes ses actions de la même manière »42(*) Ce qu'il faut signaler c'est que cet état de nature n'a, bien sûr, jamais existé mais est une hypothèse philosophique féconde, une construction de l'esprit qui vise à comprendre par différence ce que nous apporte l'existence sociale. L'état de nature correspondrait en somme à l'homme tel que Dieu l'a créé, ce qui suppose que l'entrée en société procède d'un choix volontaire et ne soit pas le produit d'une providence divine. Il faut signaler que la construction théorique qu'est l'état de nature n'est jamais innocente et implique la défense d'une certaine conception du droit. C'est parce que cette conception n'est pas la même chez Hobbes que, par exemple, chez Rousseau ou Locke, que sa description de l'état de nature est aussi très différente.
D'autre part Hobbes théorise en faveur de l'autoritarisme, en effet le Léviathan qu'est le souverain ou ce dieu mortel est situé au dessus du contrat non assujetti à ces termes.

Hobbes va jusqu'à assujettir l'Eglise elle-même à la loi du souverain. La monarchie, que défend Hobbes, n'écarte pas la possibilité de démocratie en effet « de cette fondamentale loi de la nature, par laquelle il est ordonné aux hommes de s'efforcer à la paix, dérive la seconde loi : que l'on consente, quand les autres y consentent aussi, à se dessaisir, dans toute la mesure ou l'on pensera que cela est nécessaire à la paix et à sa propre défense, du droit qu'on a sur toute chose ; et qu'on se contente d'autant de liberté à l'égard des autres qu'on en concéderait aux autres à l'égard de soi même. Car aussi longtemps que chacun conserve ce droit de faire tout ce qu'il lui plait, tous le hommes sont dans l'état de guerre.

Mais si les autres hommes ne veulent pas se dessaisir de leur droit aussi bien que lui-même, nul homme n'a de raison de se dépouiller du sien, car ce serait la s'exposer à la violence plutôt que se disposer à la paix »42(*). Pour Thomas Hobbes, une humanité livrée à elle-même, sans l'ordre social aurait fini par disparaître. Ce qui va sauver l'homme c'est sa peur de mourir et son instinct de conservation. L'homme comprend que pour subsister il n'y a pas d'autre solution que de sortir de l'état de nature.

D'autre part JJ Rousseau et Jean Locke, souvent classés parmi les optimistes qui visent à limiter le pouvoir, ont conçu le contrat social comme une garantie de la liberté de l'homme contre le pouvoir. Les hommes vivent naturellement libres : le passage donc de l'état de nature à l'état de société vise à assurer un mieux être par le contrat social.

Pour Locke dans l'état de nature, il existe un droit naturel absolu celui de la conservation de soi mais aussi du désir et de la recherche du bonheur « or la conservation et le bonheur supposent la propriété car le droit de propriété est un corollaire du droit fondamental à la conservation individuelle »43(*). Donc le premier droit absolu et inaliénable de la personne c'est le droit de se conserver lui-même en partant du constat que la personne humaine prime les autres êtres vivants. Mais le droit de conserver sa vie dépend d'un autre droit indispensable à cette conservation ce droit c'est celui de la propriété de ses biens. « Ainsi le droit naturel de l'homme est le droit de propriété, autrement dit la liberté de disposer comme il l'entend de ses biens propres c'est-à-dire sa vie, sa liberté et ses richesses contre toutes les entreprises, toutes les injures et tous les attentats des autres ».

Contrairement à la pensée de Hobbes ou l'état de nature est un état de guerre de tous contre tous, Locke prévoit que dans l'état de nature les hommes sont libres et égaux.

Ce qui implique dès lors le passage de l'état de nature vers la société civile c'est d'obtenir ce qui à l'état de nature, leur fait défaut donc pour obtenir la sécurité : « La société civile n'a donc d'autre but que d'assurer la sécurité de ses membres et le peuple est en droit de juger si le pouvoir législatif ou le Prince remplissent cette mission »

De même les conséquences du pacte social tirées des deux pensées ne sont pas les mêmes, en effet pour Locke, le pouvoir législatif ou le Prince ne sont pas totalement libres mais ils sont liés par les termes du contrat. Donc devant la nécessité d'assurer un arbitrage entre les droits et de garantir la sécurité commune se forme l'institution politique sur un mode contractuel reposant sur la confiance et fondé sur une mise en commun, et à laquelle les individus transfèrent partiellement et temporairement leurs droits : « On mesure ainsi à plus d'un titre la place centrale occupée par l'idée des droits de l'individu dans le schéma Lockien »44(*)

Rousseau pense que dans le contrat social, les hommes ont abandonné toute leur liberté originaire entre les mains du souverain.

Selon lui si les hommes ont abandonné leur indépendance c'est dans le but de voir s'accroître par la protection sociale la sécurité de cette indépendance que l'inorganisation originelle avait rendue précaire mais cette contradiction apparente ne peut s'expliquer qu'en faisant appel a la notion de volonté générale par conséquent, si l'homme demeure libre, c'est parce que le souverain n'étant formé que des particuliers qui le composent et chaque homme de par sa nature, partie du souverain et donc la volonté générale ne peut être que juste et bienfaisante.

L'idée de Rousseau parait compatible avec l'instauration d'une démocratie directe puisque le peuple en corps est appelé à voter les lois mais selon la doctrine cette conception rousseauiste ne résout pas le problème des minorités tout en insistant sur l'idée que la volonté générale ne peut pas errer, pour cette raison Rousseau disait « même que je me situe dans la minorité, je montre que je n'ai pas une conscience claire de ce que veut la volonté générale et que, par conséquent, je me suis trompé »

Les idées de Rousseau avaient bien influencé la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

D'autres philosophes avaient contribué à l'émergence de l'individualisme notamment Baruch Spinoza, l'auteur du Tractatus theologico politicus, pour ce philosophe le droit au respect de la vie n'est pas le seul droit inaliénable de la personne mais « il importe aussi de rechercher les conditions politiques permettant de se protéger du fanatisme et des conflits inter communautaires »45(*) La conception de Spinoza demeure importante dans la mesure ou il prône la séparation des Eglises et de l'Etat afin de préserver la liberté de conscience, de pensée et de d'opinion.

Kant dans sa philosophie ne prévoit il pas que « l'humanité elle-même est une dignité; en effet, l'homme ne peut être utilisé par aucun homme (ni par autrui, ni par lui-même) simplement comme un moyen, mais toujours être traité en même temps comme une fin, et c'est en cela que consiste précisément sa dignité». Il disait aussi : « Dans le règne des fins tout a un prix ou une dignité. Ce qui a un prix peut être aussi bien remplacé par quelque chose d'autre, à titre d'équivalent; au contraire, ce qui est supérieur à tout prix, ce qui par suite n'admet pas d'équivalent, c'est ce qui a une dignité »

Faut il aussi reconnaître l'apport des physiocrates qui soutiennent l'idée d'un ordre naturel et essentiel dont les hommes se borneraient à reconnaître les lois. Le respect de l'individu et de ses droits constitue la base de la société et en particulier parmi ces droits, la propriété, essence de l'ordre social.

En définitive, la primauté de la personne trouve son plein effet dans la philosophie des modernes. Mais qu'en est il de l'apport théologique en la matière ?

§. 2. La primauté de l'être humain du point de vue religieux

L'universalité de l'être humain du point de vue religieux ne peut se concevoir que dans les religions monothéistes. Il faut par conséquent s'intéresser de l'apport du Judaïsme ou l'ancien testament et de l'apport du Christianisme ou le nouveau testament.

Ce qu'il faut souligner d'emblée c'est que notre étude ne doit pas être au sens d'un exposé des origines religieuses des droits et libertés mais plutôt au sens du message universel tracé par ces trois grandes religions monothéistes

Le manuel « théorie générale des droits et libertés » servira de base dans l'analyse de l'apport théologique en ce qui est du message universel des droits et libertés.

Dans un premier temps, on va exposer l'universalisme de l'ancien testament (A), avant de s'interroger sur le message universel du nouveau testament (B)

A- L'universalisme de l'ancien testament

En ce qui concerne l'apport de l'ancien testament, les auteurs affirment que « le judaïsme a inventé la première possibilité de l'universel avec la représentation d'un dieu unique, éternel, transcendant, pur esprit, impossible à nommer en raison de l'étendue et de l'unicité de son pouvoir »46(*), et d'ajouter que « le récit de la Genèse ou le Décalogue s'adresse à tous. Ils valent identiquement pour chaque être humain... »47(*)La notion de personne, fondée sur le principe de la création de l'homme à l'image de dieu, implique une injonction éthique comme ne pas tuer son prochain, en effet « quiconque tue un homme tue un monde quiconque sauve un homme sauve un monde ». On peut aussi prévoir les propos de Dieu dans la Genèse en disant à Abraham qu'il serait le père d'une multitude de nations De même que la justice de Dieu atteindra aussi bien le peuple d'Israël infidèle que les nations païennes.

Dieu est le seul Dieu de tous les peuples (Isaïe 45, 22-24) donc Dieu n'est pas le dieu d'Israël que s'il est le dieu de tous les peuples de toutes les cultures de tous les temps.

Par conséquent la primauté de la personne humaine trouve son plein fondement dans l'ancien testament. L'homme crée à l'image de Dieu doit être concerné par le salut et la miséricorde, par conséquent il est impératif d'attribuer à cet homme les mêmes droits en raison de son universalité et son unité. L'universalisme de l'être humain est ensuite repris par le christianisme.

B- L'universalisme du nouveau testament

Le nouveau testament ou le christianisme consacre à son tour le message universaliste de la personne humaine en effet « chaque homme a une valeur sacrée pour Dieu ; tous sont concernés par la grâce apportée par le Christ »48(*)

Tout en soulignant les controverses doctrinales sur la question de l'égalité, le professeur Michel Levinet affirme que Jésus Christ « introduit d'abord une rupture avec les traditions de son temps, fondées sur les distinctions sociales et le mépris des catégories jugées inférieures »49(*).

Le témoignage chrétien prend appui sur la révélation de Dieu en Jésus-Christ, telle qu'en témoigne justement la Bible. C'est en elle que l'on trouve notamment ces célèbres paroles de l'apôtre Paul: "Désormais, il n'y plus ni Juif, ni Grec; il n'y a plus ni esclave ni homme libre; il n'y a plus l'homme et la femme; car tous sont un en Jésus-Christ" (Ga 3,28; Col 3,11).
Par là même s'énonce comme un principe chrétien relatif au problème de l'universalité et du respect des différences.

La portée universelle du propos est en effet d'une exceptionnelle densité ("il n'y a plus de ségrégation" !); mais elle ne prend appui que sur la particularité que marque le "en Jésus Christ". Or dans ce "Jésus-Christ" s'affirment à la fois une certaine vision de l'humanité des humains et son "incarnation" dans un homme, une culture et une histoire spécifiques: Jésus de Nazareth. Versant donc au forum de l'humanité en gestation leur propre contribution, les témoins de Jésus Christ (individus et Eglises) affirment leur convictions de ce que :

1. Ne participent à la communauté universelle des humains que les cultures particulières qui se conçoivent dans la communication, l'échange et la confrontation. Ces cultures - sociétés et systèmes religieux et/ou politiques - se comprennent et s'élaborent alors comme structurés par la parole. On entend par là qu'elles font toujours prévaloir l'expression et le dialogue sur l'enfermement et le mutisme, la négociation et la recherche du compromis sur les déchaînements de la revanche et de la violence permettant l'expression de toutes et de tous et en tenant compte pour la mise en place d'une action commune.

En théologie chrétienne, ces divers éléments se présentent comme les conséquences concrètes et actuelles - sociopolitiques- de la confession selon laquelle en Jésus-Christ, "la parole s'est faite chair et a habité parmi nous". Mais dans le même temps, cette parole n'énonce l'universalité que dans la figure d'une espérance eschatologique.

2. De la même manière, on ne saurait transiger sur le respect de la dignité de tous les humains et de tout humain jusques et y compris des plus faibles et des plus petits d'entre eux. Certes, la notion de dignité n'est pas d'une évidence absolue et l'on peut comprendre qu'elle se décline de façon différente selon les situations et les cultures. Du moins, sait-on - de façon quasi immémoriale - ce qui est indigne et ce qu'on ne peut en aucun cas accepter.

Le christianisme, pour sa part, voyant dans l'homme Jésus de Nazareth (partageant la vie de tout humain, attaché à une Croix et portant le triomphe de la vie au-delà même des frontières de la mort), l'incarnation de Dieu Lui-même, a quelque idée de ce qu'est la dignité et de ce qu'il convient en son nom de ne jamais tolérer.

3. Il n'y a d'humanité et de culture au sens large que là où est fait accueil à la générosité et à la grâce, que là où - à côté de l'économie marchande et de la justice distributive - s'élabore une économie du don - du gracieux et du beau, du généreux et du gratuit -, du pardon et de l'amour. Or cette "économie" hors normes ne doit pas simplement coexister à côté de l'économie marchande et de la justice distributive, elle se doit de les bouleverser et de les transcender sans fin, les conduisant à une manière de sublimation - qui n'est autre que leur humanisation.
Or là encore, le christianisme en général, les Eglises de la Réforme en particulier, peuvent apporter un témoignage tout à fait spécifique. C'est alors en effet qu'ils donneront pleinement sens à l'affirmation paulinienne selon laquelle c'est en Christ -en la grâce dont il est le témoin privilégié, en la dignité dont il est le révélateur à nul autre pareil, en la parole offerte à toutes et à tous - que s'énonce comme jamais le message inouï selon lequel "il n'y a désormais plus ni Juif ni Grec, ni l'homme et la femme, ni esclave ni homme libre" - alors même que chacun est appelé non à se couper de ses racines (le Juif reste juif, le Grec reste grec)- mais à développer la portée proprement universelle des spécificités qui sont et demeurent les siennes.

La primauté de la personne humaine abstraite constitue sans doute un fondement nécessaire de l'universalité des droits de l'homme, toutefois cette universalité est fondée aussi sur l'Etat démocratique et libéral. En conclusion, les droits de l'homme ne peuvent s'universaliser que lorsque l'Etat démocratique et libéral devient à son tour un modèle universel.

Section 2. L'Etat démocratique et libéral

La doctrine des droits et libertés a souvent conditionné l'universalité des droits de l'homme par l'universalité de la démocratie. La démocratie selon Gilles Lebreton est « le système politique le plus apte à protéger les libertés publiques »50(*)

En effet, les droits de l'homme et les libertés publiques reposent sur un choix de la société : le choix de la démocratie libérale. Par conséquent « on ne peut comprendre le problème de l'universalité des droits que si l'on considère ceux-ci en lien direct avec l'Etat moderne lequel s'est transformé en un phénomène universel »51(*)

On s'interroge dans un premier temps sur les caractères généraux de l'Etat démocratique et libéral (§. 1). Ensuite sur l'Etat de droit comme composante de la démocratie libérale (§. 2)

§. 1. les caractères généraux de l'Etat démocratique et libéral

Un Etat démocratique et libéral doit reconnaître à ses individus des libertés individuelles et politiques (A), consacre la primauté de la loi et la séparation des pouvoirs (B) mais aussi exige de ses individus des conditions particulières (C).

A- La reconnaissance des libertés individuelles et politiques

Certains auteurs affirment que les libertés politiques sont importantes dans la mesure ou elles permettent de garantir les libertés individuelles.

En effet, selon Benjamin Constant, les libertés politiques qui sont la liberté des Anciens se distinguent des libertés individuelles, considérées comme la liberté des modernes respectueuse de l'intériorité irréductible de l'homme.

Mais ce que l'on constate aujourd'hui c'est que les libertés politiques priment les libertés individuelles surtout dans la transition démocratique des régimes d'Etat d'Europe de l'Est puis de l'Afrique. De ce fait on accorde plus d'importance aux élections libres et honnêtes, au pluralisme politique qu'aux libertés individuelles. Mais certains auteurs mettent l'accent sur la liberté de presse comme condition essentielle de toute démocratie, conditionnant la promotion des droits de l'homme et des libertés publiques par leur médiatisation. A cet égard, on peut signaler la position de Claude Leclercq prétendant que « la liberté est avant tout un problème de formation. La défense et la promotion des droits de l'homme passe par leur médiatisation »52(*).Le professeur Jean Rivero, tout en reconnaissant le rôle des médias, affirmait que « l'arbitraire, la torture, les discriminations raciales, les diverses formes d'intolérance, qui étaient jadis considérés comme des accidents regrettables peut être, mais inévitables, et dont l'opinion qui d'ailleurs les ignorait le plus souvent, ne se préoccupait guère, sont aujourd'hui, notamment grâce à l'universalisation de l'information par les médias, perçus et dénoncés comme des atteintes aux droits de l'homme »53(*).

C'est en ce sens que l'assemblée générale de l'organisation des nations unies proclamait la déclaration universelle des droits de l'homme comme  « un idéal a atteindre afin que tous les individus et tous les organes de la société ayant cette déclaration constamment a l'esprit s'efforcent par l'enseignement et l'éducation de développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer par des mesures progressives d'ordre national et international, la reconnaissance et l'application universelles et effectives »54(*)

La démocratie s'universalise aussi grâce au rôle déterminant des organisations non gouvernementales comme le comité international de la croix rouge, l'Amnesty international, la commission internationale des juristes, les Hilsinki Watch Group, la ligue internationale des droits de l'homme qui ne cessent de combattre pour la promotion des droits de l'homme et des libertés dans le monde. Ces ONG dénoncent les pratiques dégradantes et inhumaines commises par certains régimes absolutistes, toutefois le rôle de ces organisations reste, dans une large partie, relayé aux médias.

Enfin on peut dire avec Jean François Revel que cette surveillance (par les médias et les ONG) contraint les dictatures. S'agissant de la reconnaissance d'une sphère privée aux individus, considérée comme une composante de la démocratie, celle-ci représente aujourd'hui pour les Etats une obligation et pour cette raison, les auteurs des droits et libertés considèrent les droits de l'homme et les libertés publiques comme une restriction de la souveraineté des Etats et nous pouvons dire avec Claude Leclercq qu'« en raison de l'accélération de la mondialisation, les souverainetés nationales en matière politique, économique, stratégique et de protection des droits de l'homme, se diluent en abandonnant du terrain. De ce constat, il résulte que la liberté des individus et des groupes grandit à l'échelle de la planète »55(*)

L'Etat démocratique et libéral consacre aussi le principe de la primauté de la loi et de la séparation des pouvoirs.

B- la primauté de la loi et la séparation des pouvoirs

Le respect de la loi passe certainement par le vote de cette loi soit directement par le peuple (démocratie directe), soit par un parlement élu par le peuple (démocratie indirecte) par conséquent cette origine démocratique de la loi fonde la confiance que la tradition libérale met en elle.

Au stade suivant, cette confiance dans la loi se matérialise dans la compétence traditionnellement reconnue au législateur en France pour adopter les textes garantissant les libertés publiques depuis la DDHC 1789.

Enfin, au niveau de la mise en oeuvre il faut respecter le principe de légalité qui suppose une soumission de l'administration aux normes juridiques supérieures.

Mais aujourd'hui la supériorité reconnue à la loi est partiellement remise en cause dans presque tous les systèmes politiques56(*) surtout par l'apparition d'un contrôle de constitutionnalité des lois, d'où la nouvelle figure du juge constitutionnel comme défenseur de la transcendance des droits de l'homme et par la suite comme gardien de la démocratie.

Le professeur Dominique Rousseau avait bien développé cette idée en affirmant que « la constitution- charte des droits et libertés, réalise une nouvelle représentation de la démocratie, en ce qu'elle opère, par rapport a l'ancienne, un double déplacement : au profit des gouvernes qui acquièrent un espace séparé et autonome de celui des gouvernants et au profit du conseil constitutionnel qui devient la figure symbolique de la démocratie constitutionnelle »57(*)C'est ainsi que dans son analyse du principe de la séparation des pouvoirs prévu par l'article 16 de la DDHC 1789, Dominique Rousseau reprochait a la doctrine courante d'avoir eu une conception étroite de l'article 16 en se limitant a la lecture de la seule deuxième partie de l'article et d'avoir ignoré la première qui serait sans doute complémentaire, voire même nécessaire pour la compréhension du principe.

Dominique Rousseau présentait à cet égard, les critiques adressées par la doctrine a la conception classique de la séparation des pouvoirs notamment par Michel Troper, pour qui, « ...ce principe (la séparation des pouvoir) n'a inspiré aucune de nos constitutions »58(*)

Ces critiques doctrinales avaient remis en cause la conception classique de la séparation des pouvoirs et ont permis une nouvelle lecture de l'article 16 donc une nouvelle conception de la constitution comme garantie des droits des gouvernés de ce fait il faut réfléchir la constitution non pas au sens d'une organisation des pouvoirs, du statut des gouvernants mais d'accorder plus d'importance à la première partie de l'article 16 DDHC 1789 qui met l'accent sur la garantie des droits par la suite « assurer la liberté politique des citoyens passe, non par une réflexion sur la meilleure organisation des pouvoirs publics, mais par l'élaboration d'une charte des libertés dont les citoyens pourront imposer le respect aux gouvernants »59(*) et d'ajouter « renforcer la démocratie implique que le texte constitutionnel s'intéresse davantage aux droits des gouvernés qu'au statut des gouvernants, parte et parle davantage du citoyen que des pouvoirs publics »60(*)

Dominique Rousseau dans une nouvelle approche de la constitution, la constitution charte jurisprudentielle des droits et libertés, devient plus effective, surtout avec la mise en place d'un mécanisme de sanction des organes de l'Etat.

Aujourd'hui le rôle du juge constitutionnel a désormais changé, il apparaît plus comme gardien de la démocratie par son contrôle de constitutionnalité des lois mais la légitimité de ce rôle varie selon les approches doctrinales. En effet, pour les positivistes, le juge constitutionnel apparaît plus comme un gardien du droit positif donc comme un juge de procédure « l'inconstitutionnalité d'une loi se ramène toujours en dernière analyse a une irrégularité de procédure »61(*)

De ce fait, le juge constitutionnel n'apparaît pas comme un gardien effectif de la démocratie puisque la loi est valide du seul fait qu'elle a respecté la procédure de son élaboration et non en raison de son contenu.

Par opposition à cette approche positiviste, la réponse jus naturaliste plaide en faveur d'un juge qui défend la transcendance des droits de l'homme partant du constat que les droits de l'homme et les libertés publiques ont un caractère universel, intangible et transcendant.

En témoigne l'appellation de déclaration ou de proclamation des textes de référence du juge constitutionnel dans l'exercice de son contrôle (la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le préambule de la constitution de 1946). Ces droits sont naturels, antérieurs à la société et à l'Etat, par conséquent le juge constitutionnel doit les préserver, les défendre, voire même en sanctionner la méconnaissance.

L'article 2 de la DDHC l'exprime clairement en prévoyant que  « le but de toute association politique, est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme »

Le courant jus naturaliste va même légitimer le contrôle de la constitutionnalité des lois constitutionnelles, cependant l'idée d'une supra constitutionnalité, du moins en France, n'est pas admise par le juge constitutionnel , en témoigne sans doute sa décision n° 2003-469 DC du 26 mars 200362(*).

D'autres conditions sont toutefois exigées des titulaires des droits pour que l'on puisse parler d'un Etat démocratique et libéral.

C- les conditions liées aux titulaires des droits

La démocratie est forcément liée à un type de société bien déterminé, pour cette raison certains auteurs exigent des titulaires des droits un certain niveau de maturité.

Se basant sur les études de Karl Popper, le professeur Michel Levinet rappelle les classifications des sociétés établies par cet auteur. En effet, les sociétés humaines sont reparties en deux catégories : les sociétés ouvertes qui sont des sociétés libres et égalitaires, où le critère de la vérité est la raison, où l'individu est la valeur suprême, à l'opposé des sociétés closes qui sont des sociétés tribales, magiques et autoritaires soumises à des tabous religieux. Cet auteur appelle à une lutte contre les philosophies historicistes qui, nous reviendrons plus tard, représentent un obstacle face à la tendance universaliste des droits de l'homme. Ces philosophies sont conçues aux yeux de Popper comme « un lit de toutes les tyrannies »63(*).

Un autre auteur avait, à son tour, réfléchit sur le type de société adéquat avec le modèle démocratique libéral c'est le fameux Kelsen, ce dernier théorise en faveur de la relativité des valeurs et des réalités. En effet « ce qui caractérise l'idée démocratique c'est le relativisme, à savoir l'idée que la connaissance humaine ne peut atteindre que des vérités et des valeurs relatives »64(*). Les professeurs Robert Charvin et Jean Jacques Sueur, traitant la question de la démocratie et son articulation avec les libertés, affirment qu' « il est communément admis que les libertés publiques et la démocratie ne peuvent avoir d'existence que lorsqu'un certain niveau de développement soit atteint »65(*).Le régime des libertés publiques, contrairement aux régimes dictatoriaux, est en relation étroite avec le niveau d'industrialisation, le revenu par tête et le taux d'analphabétisme ( la même position de Claude Leclercq).

Cette réflexion sur le type de société adéquat avec le modèle démocratique libéral, est nécessaire dans notre analyse de l'universalité des droits de l'homme. En effet la crise des droits de l'homme était toujours expliquée par la montée des intégrismes, l'analphabétisme et les disparités économiques entre le Nord et le Sud.

Faut il aussi rappeler que l'Etat démocratique et libéral est un Etat de droit.

§. 2. l'Etat démocratique et libéral, un Etat de droit

On s'interroge d'abord sur la saisine de la notion d'Etat de droit par la doctrine (A) avant d'exposer la compatibilité de la seule conception substantielle avec les droits de l'homme (B).

A- la saisine de la notion par la doctrine66(*)

La notion d'Etat de droit a pris naissance en Allemagne avec la notion de Reichsstaat et a été emportée en France par R. Carre de Malberg67(*) dans sa contribution à la théorie générale de l'Etat. Cet auteur définit l'Etat de droit par opposition à l'Etat de police, pour lui, « l'Etat de police est celui dans lequel l'autorité administrative peut, d'une façon discrétionnaire et avec une liberté de décision plus ou moins complète, appliquer aux citoyens toutes les mesures dont elle juge utile de prendre par elle-même l'initiative, en vue de faire face aux circonstances et d'atteindre à chaque moment les fins qu'elle se propose »68(*). A l'inverse, l'Etat de droit est « un Etat qui, dans ses rapports avec ses sujets et pour la garantie de leur statut individuel, se soumet lui-même à un régime de droit, et cela en tant qu'il enchaîne son action sur eux par des règles, dont les unes déterminent les droits réservés aux citoyens, dont les autres fixent par avance les voies et moyens qui pourront être employés en vue de réaliser les buts étatiques »69(*). Par conséquent « Une distinction classique oppose État de police et État de droit. Dans l'État de police, les règles protectrices des libertés ne s'imposent qu'aux personnes privées, alors que dans l'État de droit elles s'imposent aussi aux pouvoirs publics. Les libertés publiques ne peuvent donc se développer pleinement que dans un État de droit (...) »70(*). R. Carré De Malberg, utilisant sa méthode rigoureuse qui consiste à s'en tenir qu'aux données fournies par le droit positif (les trois lois constitutionnelles de 1875), il en déduit que la France n'est pas un Etat de droit mais un Etat légal car les droits naturels ne sont pas opposables au législateur et parce qu'il n'existe pas une procédure juridictionnelle qui garantisse cette opposabilité. La loi n'est pas soumise à la constitution, et en raison de l'absence du juge constitutionnelle, il n'y a pas d'Etat de droit. Le volontarisme de Malberg l'avait conduit à définir l'Etat de droit comme un Etat qui s'autolimite volontairement, il défend donc la doctrine de l'autolimitation issue des auteurs Allemands comme Jellinek et Ihering. Dans sa pensée proprement positiviste, l'Etat pour se consolider s'est institutionnalisé et s'est doté d'une constitution c'est ainsi qu'il s'est autolimité. L'Etat n'est pas la force, il est le facteur de limitation de la force, donc pour s'organiser, il neutralise les forces concurrentes de sorte que personne n'a le dernier mot. Il apparaît donc que la volonté subjective de l'Etat est le critérium exclusif du droit.

Mais cette doctrine de l'autolimitation était très critiquée par H. Kelsen et par Léon Duguit

Pour le premier, cette doctrine n'est pas tenable car elle consiste à dire que le droit serait le fait brut de la volonté. Pour Duguit, cette doctrine est faible puisqu'elle ne met pas les gouvernés à l'abri des gouvernants. L'échec de la doctrine de l'autolimitation est constaté a partir de la réponse apportée par De Malberg aux critiques adressées par ses concurrents puisque ce dernier affirme que l'Etat s'autolimite parce qu'il a intérêt, c'est pour maintenir l'équilibre, l'Etat offre le bon exemple aux gouvernés et les inviter donc a l'obéissance or cette réponse qui repose sur l'intérêt sort de la science du droit, c'est une réponse politiste d'où la transgression des limites du positivisme. De plus, cet auteur avait apporté un jugement de valeur en affirmant que certes, juridiquement, il n' y a pas de limites a la volonté des gouvernants mais après plus d'un siècle de libéralisme, on ne pourrait pas comprendre que les gouvernants ignorent la noblesse de ces droits, cette réponse enfreint sans doute les limites de la neutralité axiologique et traduit l'échec de la doctrine de l'autolimitation.

Léon Duguit s'inscrit dans la liste des auteurs, qui à la fin 19 siècle vont donner un coup d'arrêt au culte de la loi. Il va livrer toute une étude contre la métaphysique subjectiviste des lumières, son combat était contre le légalisme fonde sur une métaphysique.

Léon Duguit va prôner la théorie de l'hétérolimitation, sa méthode consiste a présenter que les faits, rien que les faits et surtout elle consiste a nous départir des idées conçues a priori avant toute expérience, parmi ces idées, il y a l'idée de volonté, de droit naturel subjectif.

L'homme, disait, naît membre d'une collectivité, il a toujours vécu en société par la suite, le point de départ de toute doctrine sur le fondement du droit doit être l'homme naturel, celui-ci n'est pas l'être isole et libre des philosophies des lumières mais c'est l'individu pris dans les liens de solidarité sociale.

Duguit dit que non seulement la doctrine de droit subjectif est absurde mais aussi elle est dangereuse, d'abord elle conduit a la tyrannie, au totalitarisme en effet si l'on reconnaît des droits subjectifs aux individus, il n'y a pas raison pour les reconnaître aux gouvernants et surtout l'Etat

Ce que Duguit renonce c'est la notion de personne morale, pour lui ces idées métaphysiques sont des masques, procédés d'abstraction, pour faire passer la force.

Pour Duguit l'exaltation de la loi, des droits subjectifs, risque d'imposer le chao et renforcer la souveraineté de l'Etat.

En effet, selon lui, l'Etat est un pur rapport de force (une conception essentialiste de l'Etat), il va de soi donc que les gouvernants sont du point de vue des faits plus forts que les gouvernes mais dans l'ordre du droit ils sont égaux comme tout le monde.

Personne disait, ne peut imposer sa propre volonté a autrui, le fait d'imposer sa volonté c'est un fait et non pas un droit. Par conséquent, si les gouvernants sont comme tout le monde, alors ils sont soumis au droit mais au droit objectif qui est générée spontanément par la société et ce droit objectif s'exprime en révélant des besoins de solidarité, d'interdépendance et ces besoins sont quai biologiques, elle sont de l'ordre de la science. Mais la doctrine de Duguit, comme celle de Malberg, a échoué puisque derrière ce digne label de cette règle scientifique, c'est le postula éthico politique, derrière cette fâcheuse conséquence c'est la subjectivité car elle cache une théorie de l'Etat providence, de l'Etat socialiste. Enfin, H. Kelsen, tout en restant fidèle a sa méthode, il a aboutit a une conclusion désenchantée puisque pour lui tout Etat est un Etat de droit. Pour lui, il n'est pas utile et même contraire à une vision scientifique de dire que l'Etat et le droit sont séparés puisque cela consisterait à hypostasier l'Etat. L'Etat dit, n'est rien d'autre qu'un ordre juridique particulièrement centralisée qui permet de l'identifier par rapport aux sociétés primitives et aussi les sociétés internationales. Mais cette vision moniste de l'Etat et du droit conduit a dire que même l'Etat nazi est un Etat de droit ce qui aurait, sans doute, des conséquences perverses sur la démocratie, les droits de l'homme et les libertés publiques.

En définitive, l'Etat de droit doit reposer sur une conception substantielle afin de garantir l'effectivité des droits de l'homme.

B. La conception substantielle, seule, garantit l'effectivité des droits de l'homme

Pour Gilles Lebreton, l'Etat qui, étant à la fois esclave et protecteur des libertés, tire sa légitimité de son aptitude à les développer et à s'y soumettre. Pour que cette « mission soumission »71(*) caractéristique de l'Etat de droit soit menée à bien, deux conditions doivent être réunies. Il faut d'une part que l'action des gouvernants soit enserrée dans une hiérarchie des normes, au sommet de laquelle figure la déclaration des droits, d'autre part que les juges soient suffisamment indépendants pour en sanctionner la méconnaissance72(*)

Donc la déclaration des droits doit être placée au sommet de la hiérarchie des normes afin de préserver les droits de l'homme et les libertés publiques, mais certains autres auteurs définissent l'Etat de droit comme suit : «  un système juridique présentant les propriétés suivantes : 1/ des formulations de normes suffisamment précises pour que leur application a) permette une orientation claire aux destinataires, b) ne laisse que la plus faible place possible à l'arbitraire et c) que l'on puisse vérifier la conformité de l'application aux normes de référence ; 2/ des procédures permettant de contrôler effectivement la conformité des normes d'application aux normes de rang supérieur selon le rapport de production. Il s'agit de caractéristiques (...) strictement formelles et non du contenu souhaité de ces normes. »73(*)

Mais, si l'on considère l'Etat de droit comme un simple agencement de normes, on risque de porter atteinte aux droits de l'homme et aux libertés publiques et par conséquent de transgresser la démocratie. Certains auteurs, se basant sur la neutralité axiologique, refusent de donner au contenu de la règle juridique une importance dans l'appréciation de sa validité.

Cette position est certes respectueuse de la logique positiviste, toutefois elle risque de déroger à la démocratie et de porter atteinte aux droits de l'homme. La théorie pure du droit, formulée par Kelsen est l'exemple emblématique de cet excès scolastique du positivisme, en effet sa théorie lui a permis d'en déduire que tout Etat est un Etat de droit.

Par opposition à cette conception purement formelle de l'Etat de droit, une autre approche plaide en faveur d'un droit apprécié substantiellement et non formellement, plus exactement l'Etat de droit « suppose que le droit ne soit pas le droit de n'importe quel Etat »74(*).

Le professeur Patrick Wachsmann affirme à cet égard que « le concept Etat de droit repose sur la conviction que l'individu est primordial et que l'Etat n'est légitime qu'à la condition d'être ordonné à l'épanouissement de cet individu »75(*). Donc l'Etat de droit doit veiller à préserver les droits fondamentaux des individus en tenant compte de leurs intérêts et de leur dignité. La garantie des libertés constitue l'une des premières taches de l'Etat de droit, notamment la liberté de la presse, de conscience, de religion, d'opinion...etc.

Le juge constitutionnel dans cette conception substantielle de l'Etat de droit doit veiller au respect de ces libertés et ce en sanctionnant les lois qui pourraient les restreindre ou les limiter. Le juge constitutionnel ne doit pas être un lit de justice, au contraire il doit apprécier les lois substantiellement pour garantir leur effectivité. La figure du juge constitutionnel doit changer avec cette conception de l'Etat de droit, il devient un juge défenseur de la transcendance des droits de l'homme et non seulement un gardien du droit positif.

En définitive, la conception substantielle de l'Etat de droit est la conception la plus adéquate avec le modèle démocratique- libéral.

Chapitre 2 : Les manifestations de la reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme

Envisager les manifestations de l'universalité des droits de l'homme c'est se demander sur les affirmations de l'universalité de ces droits et libertés.

Dans ce chapitre, on va étudier les manifestations de l'universalité des droits de l'homme sur un plan interne (section 1) avant d'envisage leur reconnaissance sur un plan international (Section 2).

Section 1. Les manifestations internes

Le concept d'universalité des droits trouve son origine historique et philosophique lors de la rédaction de la Déclaration des Droits de L'Homme et du Citoyen adoptée par l'assemblée française le 26 Août 1789.Par la suite d'autres textes internationaux et régionaux s'inspireront de la DDHC pour proclamer officiellement l'universalité des droits de l'homme.

Pour présenter les manifestations de l'universalité des droits de l'homme sur le plan interne on doit d'abord s'interroger sur l'universalité de la DDHC 1789 (§.1) toutefois en la distinguant des textes anglo américains (§. 2)

§. 1. L'universalité de la DDHC 1789

La déclaration des droits de l'homme et du citoyen avait sans doute une portée universelle, en effet cette déclaration était « plus qu'une déclaration de droit ; elle a élaboré tout un programme politique et constitutionnel de la modernité dans lequel l'idée d'universalité des droits occupe une place prédominante. Les droits proclamés sont des droits naturels, inaliénables et égaux pour tous. C'est de la que provient leur universalité ... »76(*)

Les auteurs des droits et libertés mettent souvent l'accent sur le caractère universel de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen c'est ainsi que Frédéric Sudre prévoit que « la déclaration de 1789 n'est pas la déclaration des droits des citoyens français mais elle vaut pour tous les hommes »77(*)

La Déclaration du 26 août 1789 peut être considérée comme le point de départ d'une nouvelle conception du droit, de la loi et de la souveraineté nationale. Les constituants français de 1789 ont voulu légiférer pour l'humanité toute entière.
Les principes de 1789 qui marquent la conception du droit constitutionnel après la Révolution sont ceux qui fondent encore aujourd'hui nos Etats de droit : souveraineté de la loi, égalité de tous devant la loi, garantie des libertés individuelles.
De nature ambiguë, la DDHC s'est progressivement ancrée dans le droit positif français avant de s'insérer dans le « bloc de constitutionnalité » sous la Ve République. Le professeur JJ Israël affirmait que « la déclaration de 1789 eut incontestablement une portée universelle que n'avaient pas eue les déclarations américaines »78(*).Ce caractère universel de la déclaration s'explique par le poids de la France à la fin du XVIII siècle, en effet la France était la première puissance politique « occidentale pour des raisons démographiques, économiques et culturelles »79(*). L'universalité de la DDHC de 1789 touche les trois piliers de l'universalité prise dans ses trois dimensions, en effet « La déclaration française s'adresse à l'humanité abstraite et intemporelle, elle intéresse tous les hommes ; déclaration pour tous les temps et tous les peuples, elle se veut universelle »80(*)

Pour cette raison les droits proclamés sont ceux de l'homme et du citoyen et non ceux des seuls citoyens français par conséquent « ils valent pour tout être humain »81(*)

Allant dans ce sens le professeur Michel Levinet reprend la formulation du philosophe Georges Gusdorf en disant « de même que l'Eternel a dicté sa loi à Moise au sommet de Sinaï, les législateurs Français posent souverainement du haut de leur empyrée les conditions de toute législation valable, leur message ne s'adresse pas à une nation, il s'agit d'une encyclique valable urbi et orbi, sans limitation d'espace ni de temps »82(*).

Faut il aussi préciser que cette prétention à l'universalité apparaît lors des débats de l'assemblée nationale, en effet, Le 20 Août, un député affirme qu'une déclaration doit être de tous les temps et de tous les peuples et rappelle "qu'il ne s'agit pas ici de faire une déclaration des droits seulement pour la France mais pour l'homme en général".

Cette volonté d'universalité se retrouve dans le contenu même de la déclaration , le mot français n' y apparaît qu' une seule fois à la première ligne du préambule dans le but de marquer l' origine géographique de la déclaration .Dans la suite du texte le titulaire des droits est toujours désigné de façon abstraite : "l'homme ","le citoyen","la nation";"la société","la volonté générale".Voulant parler au nom de l'humanité, les députés de 1789 doivent se borner à proclamer des grands principes philosophiques suffisamment vagues pour être acceptés partout. Ce caractère d'universalité a frappé les imaginations et a été l'une des causes de la célébrité immédiate et durable, dans le monde entier de la déclaration de 1789, la déclaration sera d' ailleurs source d'inspiration pour divers textes ayant trait au droit de l'homme aussi bien dans le cadre d'instances internationales que régionales.

La déclaration proclame ainsi dans son préambule que  « les représentants du peuple français ... ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme ». La déclaration des droits de l'homme et du citoyen s'est inspirée des philosophes des lumières, ainsi les droits proclamés sont des droits naturels qui marquent l'individualisme. Par conséquent la déclaration des droits de l'homme et du citoyen consacre dans ses articles les idées de Montesquieu notamment le principe de séparation des pouvoirs mais aussi elle s'inspire des idées de Rousseau puisque la loi est devenue l'expression de la volonté générale de même que la consécration du principe de l'égalité.

§. 2. Les traits distinctifs de la DDHC par rapport aux autres déclarations de droits

On procède dans cette section à une étude comparative entre la DDHC et la Déclaration Américaine d'une part (A), et la DDHC et les textes Anglais d'autre part (B).

A- Par rapport à la déclaration Américaine

La doctrine des droits et libertés avait rappelé les traits distinctifs de la DDHC par rapport aux autres déclarations de droit formulées par les Américains, cette distinction est nécessaire dans la mesure ou elle nous permet de montrer la spécificité du texte français.

Le texte français comme nous l'avons déjà signale avait un caractère abstrait, en effet l'homme vise par la DDHC n'est pas situe au contraire les droits naturels et sacres reconnus par cette déclaration visent l'humanité toute entière, l'humanité prise dans sa totale abstraction.

A l'oppose, les textes Américains étaient plutôt concrets « dans la mesure ou elles visent a préciser les droits reconnus, leurs modalités d'exercice, en définissent minutieusement les procèdes judiciaires a même de les garantir (par exemple le jugement par jury) ainsi que les procèdes politiques afin d'éviter le despotisme (fréquence des élections) »83(*)

Le professeur Michel Levinet reprend les formulations du professeur Jacques Godechot dans laquelle il soulignait la différence entre les textes américains et la DDHC en effet si « les premiers, tout imprègnes de pragmatisme, sont conçus pour être invoques devant les tribunaux par les citoyens lésés ; ils proclament les droits du citoyen de la Virginie ou de Massachusetts. La déclaration française, au contraire se veut universelle. Elle a subi l'influence des philosophes du XVIII siècle, et surtout de Locke, de Voltaire, de Rousseau »84(*)Une autre différence peut être soulignée à cet égard et qui est relative a la nature des déclarations. En effet la DDHC avait une nature théiste autrement dit elle ne se base pas sur la volonté divine par opposition la déclaration d'indépendance Américaine qui s'ouvre à cette formule: «We hold these truths to be self-evident: That all men are created equal; that they are endowed by their Creator with certain unalienable rights; that among these are life, liberty, and the pursuit of happiness". Dieu figure donc dans la Déclaration, et, d'une certaine manière, c'est lui qui dit le droit. (C'est l'autorité divine qui crée la loi), le droit naturel a été créé par Dieu et se trouve nécessairement conforme à sa volonté. C'est donc l'autorité de Dieu qui crée la norme. Les rédacteurs de la Déclaration de 1789 ont, quant à eux, usé d'une formulation plus ambiguë, puisque ce texte est adopté " en présence et sous les auspices de l'Etre Suprême ". Il est en quelque sorte théiste et non déiste. Il reconnaît ainsi la nécessité de la foi, sans pour autant la rattacher à une religion révélée, car l'Etre suprême est un être de raison. On peut certes y voir la volonté de neutralité de l'Etat qui ne doit imposer aucune religion. Mais on peut également déceler dans cette formulation une autre conception du droit naturel, inhérent à la nature humaine et non pas issu de la divinité. « Dieu est peut être observateur, il n'est pas créateur de la norme »85(*).

Qu'en est il, alors de la spécificité de la DDHC 1789 par rapport aux textes Anglais ?

B- Par rapport aux textes Anglais

En Angleterre la reconnaissance des libertés était étroitement liée à « l'histoire du peuple Anglais d'une part, à son empirisme d'autre part »86(*).Les textes britanniques reconnaissent certains droits et libertés a titre d'exemple le droit a un procès équitable prévu par la Magna Carta 1215 a cet effet « aucun homme libre ne sera arrête ou emprisonné ou dépouillé ou mis hors la loi ou exile et il ne lui sera fait aucun dommage, si ce n'est en vertu d'un jugement légal de ses pairs ou en vertu des lois de pays » De même que des garanties contre les arrestations arbitraires dans la pétition of Rights, la sûreté individuelle dans l'Habeas corpus Act, la liberté des élections et l'interdiction d'infliger des peines cruelles et inusitées ou des amendes excessives dans le Bill of Rights. Mais ce qu'il faut signaler, c'est que ces grands textes avaient méconnus certaines libertés fondamentales comme la justice de classe de même que le travail des enfants outre l'exclusion des catholiques des fonctions publiques jusqu'en 1829.Le professeur Patrick Wachsmann affirme a cet égard que « le texte ne délivre aucun message universel : il règle pragmatiquement un problème anglais, sans faire appel a autre chose qu'a des titres historiques »87(*) Le professeur Michel Levinet met à son tour l'accent sur la spécificité des textes Anglais et leur liaison étroite à l'histoire du peuple Anglais, pour lui « les textes britanniques sont donc de l'ordre du constat, ils constituent un procès verbal de fin de conflit entre le monarque et les chambres »88(*)

Pour cette raison les textes Anglais ne peuvent guère être conçus comme universels et par conséquent ils se distinguent de la DDHC qui, comme nous l'avons signale, n'avait ni une histoire ni un territoire propre.

Les droits de l'homme, après leur reconnaissance sur le plan interne, ont connu un mouvement d'internationalisation très remarquable.

Section 2. Les manifestations internationales

Etudier la question des manifestations de l'universalité des droits sur un plan international, revient nécessairement a étudier le phénomène de l'internationalisation des droits de l'homme, en effet les droits de l'homme à partir de la fin de la deuxième guerre mondiale ont connu une expansion qui a dépassé les frontières pour imposer une sorte de morale commune à tous les hommes quelque soit leurs origines.

Aujourd'hui, « l'universalité des droits de l'homme est devenue réalité non pas au sens ou ils seraient désormais universellement reconnus et respectes, mais au sens ou la revendication des droits s'est diffusée à l'ensemble de la planète »89(*)

Le professeur Patrick Wachsmann, en étudiant la question de l'universalité des droits de l'homme, se demande s'il « n'existe pas une déclaration universelle des droits de l'homme adoptée sans opposition par l'assemblée générale de l'organisation des nations unies (mais avec l'abstention de l'union soviétique et des autres Etats du bloc socialiste, mécontents de l`absence de toute mention du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes) et des pactes internationaux adoptés, eux aussi à l'unanimité, ouverts à tout Etat et massivement ratifiés ? »90(*). Pour certains autres, l'internationalisation des droits de l'homme est à la fois « le signe et le vecteur de leur universalisation »91(*). Allant dans ce sens Louis Favoreu prévoit que « la proclamation des droits de l'homme dans des textes internationaux est sans doute à la fois le signe de leur reconnaissance et la revendication de leur universalité »92(*)

Compte tenu des éléments qui viennent d'être retracés, il est nécessaire de s'interroger sur les normes internationales reconnaissant l'universalité des droits de l'homme (§.1), ensuite sur l'internationalisation des mécanismes de protection des droits de l'homme (§. 2).

§. 1. les normes internationales

Les premières initiatives de la communauté internationale ne visent pas à protéger les droits de l'homme en général, mais des catégories de personnes particulièrement vulnérables.

Sous l'impulsion d'Henri Dunant, fondateur de la Croix-Rouge, les principaux Etats européens signent en 1864 un texte qui inaugure le développement futur du droit humanitaire : la Convention de Genève sur la protection des blessés en temps de guerre. Le droit humanitaire va par la suite se développer en cherchant à réglementer la conduite des hostilités, notamment pour éviter les souffrances et destructions inutiles.

Malgré cette inspiration spécifique, en mettant l'accent sur l'importance de la personne humaine et la nécessité de la protéger contre les Etats, il préfigure le système normatif qui sera mis en place ultérieurement pour assurer la protection internationale des droits de l'Homme.

Le constat de l'inaction de la Communauté internationale face aux atrocités commises pendant la seconde guerre mondiale est l'une des raisons du changement qui s'opère à partir de 1945. Les droits de l'homme sont désormais placés au centre des préoccupations des Nations Unies, auxquelles la Charte de San Francisco assigne la mission de développer et d'encourager « le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous... ».

L'un des premiers actes de l'ONU est de décider, de rédiger une Déclaration, qui sera finalement adoptée par l'Assemblée générale le 10 décembre 1948.

La Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) constitue la première étape d'un processus appelé à se poursuivre et à s'amplifier, avec l'adoption d'instruments internationaux de plus en plus nombreux et impliquant un nombre croissant d'Etats.

L'article premier de la Déclaration universelle dit que : " Tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ".

Le caractère "universel" de la Déclaration adoptée en 1948 était un point sur lequel le représentant de la France à la Commission des droits de l'homme insistait93(*). Ce texte avait en effet d'abord été conçu comme une Déclaration internationale. Il devait être une proclamation faite par des représentants d'Etats, ce qui liaient les droits de l'homme à une conception interétatique de la société universelle réduite à l'état de communauté juridique "internationale". L'Assemblée lui a ainsi conféré l'appellation de "Déclaration Universelle", indiquant par là qu'elle émanait de la Communauté juridiquement organisée de tous les peuples du genre humain et qu'elle exprimait les aspirations communes à tous les hommes94(*).

"Cette reconnaissance à tout être humain, en tout lieu et à toute époque, d'un minimum consistant de droits fondamentaux jette la base d'un nouveau droit commun international: en ce sens, le droit international des droits de l'homme prétend exprimer des valeurs -la dignité de l'homme, l'égalité des hommes- qui constituent un fonds commun à toutes les civilisations et à toutes les religions. L'atteste le rayonnement de la [Déclaration] qui va irradier à la fois les législations nationales (certains Etats nouveaux l'incorporerons dans leurs constitutions: Indonésie, Costa-Rica, Haïti) et les textes internationaux."95(*)L'essentiel de la pensée de René Cassin sur la nature des droits de l'homme était contenu dans la Déclaration, c'est en partie parce qu'elle ne venait pas choquer sa conception de l'universalité. Il expliquait que l'aspect universel de la Déclaration tenait à ce qu'elle ne vise pas l'Etat comme le constant et seul débiteur de la protection des droits de l'homme, un homme qu'il voulait ériger en sujet du droit international.

La DUDH, formellement, n'est qu'une résolution de l'Assemblée générale : elle exprime l'accord des Etats sur « un idéal commun à atteindre par tous les peuples », comme l'énonce son préambule, mais elle est dépourvue de caractère obligatoire. On insiste volontiers sur la force morale qui lui est attachée, sur sa valeur de symbole.

Mais sa portée ne se limite pas à cette force morale : d'une part parce que certains Etats l'ont incorporée à leur Constitution ; d'autre part parce que ses dispositions ont été presque intégralement reprises dans les deux pactes de 196696(*), aujourd'hui ratifiés par plus de 140 Etats. Enfin, une partie de la doctrine estime que les principes énoncés par la Déclaration ont acquis la valeur de normes coutumières, donc opposables aux Etats.

Donc, le souci de dépasser le stade de la « déclaration des droits » contenue dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, poussa les rédacteurs de cet instrument à la compléter avec l'adoption de véritables traités relatifs aux droits et libertés : le Pacte relatif aux droits civils et politiques et le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adoptés et ouverts à la signature le 16 décembre 1966 par la Résolution 2200 A (XXI). Avec l'entrée en vigueur de ces deux Pactes (le 3 janvier 1976 pour le second et le 23 mars de la même année pour le second), plusieurs dispositions de la Déclaration Universelle ont acquis une force obligatoire pour les Etats. En effet, les deux Pactes possèdent en eux un caractère obligatoire qui s'impose aux seules parties contractantes. Les Pactes jumeaux constituent, avec la Déclaration Universelle et les deux Protocoles facultatifs relatifs aux droits civils et politiques, la « Charte internationale des droits de l'homme ». Ainsi, le droit international des droits de l'homme à vocation universelle a été élaboré.

La Charte internationale des droits de l'homme a posé les normes essentielles en vue de la protection des droits fondamentaux. L'élaboration de ces normes est considérée comme la première étape de l'action engagée par l'ONU Toutefois, «Ces pactes s'ils maintiennent le principe d'universalité ils rompent avec celui de l'indivisibilité des droits de l'homme  puisqu'ils traitent séparément les droits de la première et de la deuxième génération »97(*)

Depuis 1948, on assiste à une « mondialisation » des droits de l'homme. Cette mondialisation peut s'observer au travers de l'existence d'un grand nombre de conventions internationales98(*).

Toutefois l'universalité des droits de l'homme ne trouve son effectivité que si l'on organise des mécanismes internationaux de protection de ces droits.

§. 2. L'internationalisation des mécanismes de protection des droits de l'homme

On s'intéresse dans cette partie à l'étude des affirmations sur la scène internationale des mécanismes de protection des droits de l'homme.

Le professeur Frederic Sudre affirme que « La justiciabilité de la règle conditionne l'efficacité de la garantie et de sa sanction. Aucune protection internationale des droits de l'homme ne peut être sérieusement mise en oeuvre si elle ne s'accompagne pas des mécanismes juridictionnels appropriés »99(*).

Les mécanismes de contrôle de l'application des traités internationaux en matière de protection des droits de l'Homme ont été développés au sein du système des Nations Unies. Les Etats Parties aux dits traités, ont l'obligation principale de mettre en application les droits fondamentaux prévus par les textes.

En identifiant les techniques de protection mises en place dans le cadre de l'O.N.U, on remarque qu'il est difficile d'organiser au niveau international de véritables sanctions juridiques. Les techniques politiques de contrôle et les mécanismes de protection non juridictionnels jouent un rôle plus important. De plus, il est inutile de multiplier au sein des organisations internationales ou régionales les techniques de contrôle, surtout lorsque les sanctions qui sont prévues n'ont qu'un effet relativement modeste.

Plusieurs procédures ont été mises en place permettant l'examen de communications interétatiques et de communications individuelles. La procédure qui nous intéresse le plus en l'espèce, est celle applicable aux deux Pactes internationaux de 1966 ; c'est à dire la procédure d'examen sur rapport étatique qui procède de la notion de dialogue entre un ensemble d'experts indépendants provenant de régions et de systèmes juridiques différents et une délégation composée de représentants de l'Etat Partie concerné. Une telle procédure, délibérément non accusatoire, permet à la communauté internationale d'influencer directement sur la rédaction de textes de Lois, de Règlements ou la mise en pratique des normes nationales.

Plusieurs normes internationales affirment qu'il incombe aux gouvernements de prévenir et de sanctionner les violations des droits de l'Homme lorsqu'elles sont commises sur leur territoire. Elargir la responsabilité implique non seulement de s'intéresser à ce que font les gouvernements, mais aussi à ce qu'ils ne font pas pour promouvoir les droits de l'Homme et pour prévenir les violations de ces droits. Cet élargissement va expliquer la relativisation du corpus juridique de l'universalité des droits de l'Homme.

Parlant du rejet de l'autorité ou la méconnaissance des mécanismes de garantie, certains Etats se sont montrés moins coopératifs et opposés à ces procédures qui n'ont en fait qu'une valeur relative. Beaucoup dépend de la bonne volonté des Etats. Il est, en effet bien rare qu'un Etat, de l'avis Du professeur Gilbert Guillaume, accepte volontairement de voir contester son action dans le domaine des droits de l'homme où qu'il conteste le comportement d'un autre Etat en pareil domaine100(*). Cela se manifeste par la répugnance instinctive ou consciente à l'égard de tout mécanisme supranational de contrôle dont le point de départ est la ratification même des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme101(*).

Le professeur Paul Tavernier trouve, en effet, intéressant de s'interroger sur le sort réservé à ces instruments, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques dans sa longue marche vers l'universalité et de l'avenir qui lui est réservé en se basant sur les études du professeur Jacques Mourgeon. Le constat qui en est fait est que l'avenir du Pacte est incertain à cause de l'indifférence, l'hostilité, le dédain des Etats. En effet, à la fin de la 81e Session du Comité des droits de l'homme qui s'est tenue du 5 au 30 juillet 2004, 153 sont parties au Pacte tandis que 104 seulement sont parties au premier Protocole et 53 au second (sur la peine de mort). L'acceptation par les Etats des obligations découlant du Pacte est donc loin d'atteindre l'universalité car une partie non négligeable de la communauté internationale demeure à l'écart du système conventionnel qui ne peut, dès lors, être considéré comme reflétant l'état du droit coutumier. Même les Etats initiateurs n'échappent pas à l'attitude de réticence. Tel est le cas des Etats Unis qui n'ont toujours pas ratifié les Protocoles se rapportant au Pacte relatif aux droits civils et politiques, la France dont le Conseil d'Etat n'avait pas suivi les conclusions du commissaire du gouvernement Philippe Martin sur le fait que les principes du droit international correspondaient exactement à ceux du droit interne en matière d'égalité à propos de l'affaire Doukoure 102(*) ; ce qui a contredit la position prise par le Comité des droits de l'homme dans  l'affaire Gueye , conséquence d'un nationalisme orgueilleux.

Cet état des choses constitue un véritable modèle suivi par les « petits Etats ». Comme l'avait écrit le professeur Paul Tavernier, il s'agit d'un vaste débat, Certes, qui ne sera pas clos de sitôt. Toutefois, dans cette perspective, il peut être intéressant d'observer quelle a été l'attitude des États arabes vis à vis des textes adoptés au sein de l'Organisation des Nations Unies en matière de droits de l'homme. Lors de l'adoption de la Déclaration universelle, la position des six États arabes membres à l'époque des Nations Unies révélait une certaine diversité: quatre voix en faveur (Égypte, Irak, Liban et Syrie), une opposition (Arabie Saoudite) et une absence au vote (Yémen). Ces positions doivent être appréciées par rapport au contexte de l'époque. Si Paul Tavernier semble lier le vote positif de l'Égypte et du Liban à leur participation active à la rédaction de la Déclaration et celui de l'Arabie saoudite et du Yémen à des considérations religieuses, aucune raison n'est donnée quant à l'adhésion de l'Irak et de la Syrie dont il faudrait rechercher l'explication non seulement dans les options modernistes de ces deux pays, mais aussi dans leur caractère multiconfessionnel (Chrétiens, Juifs, Chiites et Alaouites coexistant avec une majorité Sunnite). C'est une explication tout aussi valables pour l'Égypte et le Liban. Le fait qu'aucun vote négatif arabe n'ait été répertorié lors de l'adoption par l'Assemblée générale des Nations Unies des deux Pactes de 1966 s'expliquerait pour l'auteur par l'absence de toute référence à la religion contrairement à ce qui s'était fait dans la Déclaration de 1948. Mais, Paul Tavernier nous précise que la signature des Pactes ne signifie pas pour autant une adhésion aux mécanismes de contrôle révélant une « certaine méfiance de la part des États arabes, à l'égard des procédures de mise en oeuvre des deux Pactes, et notamment du Pacte relatif aux droits civils et politiques qui a le mérite d'avoir prévu la création d'un Comité des droits de l'homme », constatant toutefois que cette méfiance « est moins systématique que celle d'autres groupes d'États ».  Il est vrai que si l'adhésion de l'Algérie, de la Libye et de la Somalie au Protocole 1 du Pacte sur les droits civils et politiques (1989) fut significative à l'époque, la suite des événements a mis en exergue son coté paradoxal. Les problèmes de mise en oeuvre des deux Pactes s'expliqueraient par la « difficile conciliation » entre les impératifs de la Chariaâ  et les normes universelles des droits de l'homme. Ainsi, les États arabes ont fréquemment recours à des réserves ou des déclarations interprétatives pour limiter le champ d'application des normes onusiennes dans les domaines qui relèvent totalement ou partiellement de la loi islamique. Toutefois même dans ce domaine il n'y a pas une position unifiée des pays arabes, certains plus que d'autres insistant sur les prescriptions de la Chariaâ.  C'est une question complexe qui révèle l'absence de consensus parmi les juristes musulmans qui a pour conséquence on le voit de créer une situation complexe ou prévaut un double système de normes au champ d'application imprécis car investissant pratiquement toutes les branches du droit (civil, pénal, constitutionnel).

C'est dans ce sens aussi que la Tunisie, même si elle a reconnu la valeur et l'importance des instruments internationaux en les ayant ratifié sans restriction ni réserve, limite par exemple la pleine application de ces instruments. En effet, ce dernier pays n'a jamais ratifié le Protocole additionnel au Pacte pour ne pas se soumettre au contrôle du Comité des droits de l'homme, n'a jamais pu procéder à la publication dans le journal officiel pour ne pas susciter l'attention et l'intérêt de la doctrine et des défenseurs des droits humains. Les raisons des réticences sont liées aux facteurs religieux sur l'égalité des sexes (homme femme).103(*)

Il est une autre plaie qui affecte l'action des mécanismes de protection des droits de l'homme et par ricochet, leur universalité : ce sont les réserves. En effet, les réticences à l'égard du Pacte se sont manifesté par l'adoption des réserves de fond refusant ou minimisant ainsi leurs obligations et à marginaliser le contrôle universel des droits de l'homme104(*). Fruit d'une certaine méfiance à l'égard de l'originalité de l'instrument universel, les réserves font montre d'une réelle hostilité qui, globalement, limite l'avancée des droits de l'homme. Ces réserves sont de différentes natures. Certaines concernent les modes de règlement des différends pouvant naître de l'application ou de l'interprétation des conventions. Elles ont été souvent présentées lors des ratifications. D'autres, les plus importantes et les plus nombreuses, portent sur les droits qui ont été consacrés par les conventions, en somme sur l'objet des conventions. Toutes les réserves ou déclarations sont normalement, et du point de vue du droit international, utilisées pour garantir le plus d'adhésion aux instruments internationaux et s'assurer de la jouissance par les personnes de l'intégralité des droits qu'ils consacrent. Elles représentent donc des exceptions admises, acceptées à l'encontre du principe général des ratifications totales et sans réserves105(*)

Mais, en vertu de l'article 2(1)(d) de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, la définition et la délimitation des conditions de leur utilisation sont déterminées. Pourtant, malgré ces restrictions, la majorité d'Etats a formulé les réserves au moment de la ratification ou de l'adhésion aux conventions sur les droits de l'homme en entravant, de ce fait, l'application universelle ou intégrale suite au refus d'accepter certaines de leurs dispositions. A titre illustratif, en effet, les Etats Unis ont formulé les réserves à propos de la peine de mort106(*) ; la Norvège, le Royaume-Uni, la Suisse, la Suède, le Danemark, la Finlande, l'Irlande, l'Islande, le Luxembourg et le Malte qui sont hostiles à l'article 20(1) qui interdit toute propagande en faveur de la guerre ont ainsi émis des réserves à ce sujet107(*). Tous les Etats arabes, dont la Tunisie, ont formulé des réserves au moment de la ratification ou de l'adhésion à ces conventions en matière de la reconnaissance des droits universels des femmes en raison de la prédominance d'un ordre social inégalitaire conformément à l'interprétation de l'Islam108(*).

Pour cette raison, et pour d'autres, l'universalité des droits de l'homme reste encore fragile.

II° Partie. Les droits de l'homme, une universalité fragile.

Sans doute l'universalité des droits de l'homme demeure encore fragile, dans notre première partie, on a analysé la reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme et ce en réfléchissant d'abord sur les fondements de cette universalité et en deuxième temps sur les affirmations de cette universalité.

Mais il parait que notre réflexion était dans un sens unique. En effet l'examen des manuels des droits et libertés nous permet de déduire que La « mondialisation » des droits de l'Homme n'est pas, à elle seule, gage d'universalité : encore faut-il que cette diffusion planétaire résulte d'une adhésion partagée et non de l'imposition à l'ensemble du monde d'une conception qui serait en réalité purement occidentale109(*).

Plus précisément notre réflexion dans cette partie doit être au sens de la réception des droits de l'homme et non pas au sens de leur destination.

Cette distinction était soulignée par la doctrine des droits et libertés notamment par le professeur Patrick Wachsmann qui avait affirmé que « les droits de l'homme sont [donc] un universalisme, ils s'adressent a tous mais ils ne sont pas universels »110(*)

Le professeur Frederic Sudre partage l'avis de Patrick Wachsmann en déclarant à son tour qu'il est plus juste de dire que les droits de l'homme sont un universalisme sans pour autant être universels. Certes la ratification de la DUDH par les différents Etats était massive, mais « l'unanimité masque toujours des arrière-pensées et révèle en l'espèce qu'il est de bon ton dans la société internationale de proclamer son attachement aux droits de l'homme, alors même qu'on les bafoue quotidiennement »111(*).

Certains autres affirment, a tort ou a raison, que l'internationalisation des droits de l'homme (la forme spatiale de l'universalité des droits de l'homme), est une politique112(*) et non pas une réalité prétendant que les seuls droits incontestablement universels sont les droits économiques et sociaux.

Aujourd'hui, l'universalité des droits de l'homme se heurte à des limites, des obstacles, des résistances, des freins. Ces obstacles sont nécessairement liés à la nature même de la DUDH qui comme l'avait explique le professeur Frederic Sudre était « avant tout l'expression de l'individualisme occidental »113(*)

Même si, l'universalité des droits de l'homme est reconnue, ça n'empêche que ces droits sacrés sont toujours méconnus en pratique et cette méconnaissance est aussi universelle114(*) .

Compte tenu des éléments qui viennent d'être retracés, il est alors légitime de s'interroger sur les problèmes de l'universalité des droits de l'homme (Chapitre 1), avant de s'interroger sur la problématique de la démarcation des Etats orientaux de la conception universelle des droits de l'homme (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Les problèmes de l'universalité des droits de l'homme

Les auteurs des manuels des droits et libertés reconnaissent tous que l'universalité des droits de l'homme se heurte à des problèmes, toutefois l'on peut enregistrer des divergences dans la classification de ces problèmes (Section 1), sans pour autant passer sous silence les solutions qui ont été avancées par certains d'entre eux (Section 2)

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Section 1. Les divergences de classification des problèmes

Certains auteurs mettent l'accent sur les problèmes théoriques de l'universalité des droits de l'homme (§. 1), d'autres s'intéressent plus aux problèmes d'ordre culturel et religieux d'une part (§. 2) et aux problèmes d'ordre économique et politique d'autre part (§. 3)

§. 1. Les problèmes d'ordre théorique

Les droits de l'homme, issus de l'humanisme laïc et du jus naturalisme rationaliste, ont connu de multiples critiques qui ont révélé parfois leurs incertitudes méthodologiques et attaqué leur fondement.

Certes la doctrine des droits et libertés avait développé ces critiques, toutefois le cadre de l'analyse diffère d'un auteur a un autre néanmoins certains auteurs avaient considéré ces critiques comme nécessaires pour comprendre l'universalité des droits de l'homme.

Reposant sur la classification faite par Gregorio Peces Barba Martinez, on peut distinguer a cet égard les critiques externes,qui rejettent complètement les droits de l'homme (A), des critiques internes qui acceptent leur fondement, leur idéologie mais qui proposent des corrections (B).

A - les critiques externes

Ce que l'on doit souligner d'emblée, c'est que la remise en cause des droits de l'homme est en même temps une condamnation de leur éventuelle universalité.

Les critiques externes des droits de l'homme, ont été formulé d'abord par les traditionalistes qui, des la naissance des droits de l'homme dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ont conteste leur idéologie. Les traditionalistes avaient critiqué les droits de l'homme issus de la modernité des leur mise en place par les philosophes des lumières. La première était formulée par Burke, ce dernier critiquait la méconnaissance par les révolutionnaires français, du poids et de la réalité de la tradition. De même, le caractère abstrait et métaphysique des droits proclamés seraient ils d'une quelconque utilité pour la vie quotidienne des français ? Pour lui « le gouvernement des peuples n'est pas établi en vertu de droits naturels qui peuvent exister et qui existent en effet indépendamment de lui ; et qui dans cet état d'abstraction, présentent beaucoup plus de clarté et s'approchent bien plus près de la perfection : mais c'est justement cette perfection abstraite qui fait leur défaut pratique (...). Comme les libertés et les restrictions varient avec les époques et les circonstances et qu'elles admettent les unes comme les autres une infinité de modifications, il n'existe pour les définir aucune règle abstraite ; et rien n'est si sot que d'en discuter en pure théorie »115(*). Ces critiques adressées au modèle rationaliste des lumières doivent être prises en considération disait Gregorio Peces Barba Martinez, en particulier a ses excès scolastiques, pour pouvoir fonder l'universalité des droits de l'homme. Les idées de Edmund Burke vont avoir un écho en 1795 surtout avec Joseph de Maistre qui affirmait dans ses considérations sur la France que « la constitution de 1795, tout comme ses aînées, est faite pour l'homme or il n' y a point d'homme dans le monde. J'ai vu dans ma vie des, Français, des Italiens, des Russes, etc. ; je sais même grâce a Montesquieu, qu'on peut être persan : mais quant a l'homme, je déclare ne l'avoir rencontre de ma vie ; s'il existe, c'est bien a mon insu »116(*). Joseph de Maistre dans sa logique traditionaliste, mettait l'accent sur le facteur culturel comme fondement de tout Etat poussant en même temps toute abstraction qui peut être faite a cet égard. Une telle approche serait sans doute une condamnation de l'universalité des droits de l'homme puisque, comme nous l'avons déjà signale, l'universalité des droits de l'homme repose sur la primauté de l'être humain abstrait. Joseph De Maistre dans sa conception tout a fait conservatrice, rejette l'idéologie individualiste qui marquait la révolution française toutefois en insistant surtout sur les devoirs de l'homme envers Dieu. Faut il aussi rappeler a cet égard la position de l'Eglise catholique tout a fait opposée a cette idéologie révolutionnaire des droits de l'homme et rappeler que le 10 mars 1791, Pie VI avait adressé des critiques radicales a la DDHC 1789, en effet le pape dénonçait « cette liberté absolue ...qui accorde cette licence de penser, de dire, d'écrire et même de faire imprimer en matière de religion, tout ce que peut faire suggérer l'imagination la plus dereglee ; droits monstrueux qui parait cependant a l'assemblée résulter de l'égalité et de la liberté naturelle a tous les hommes »117(*). Le professeur Jacques Morange expliquait que cette contestation de l'église catholique était essentiellement une hostilité d'ordre philosophique en effet l'église reprochait aux principes de 1789 d'être «  a la fois a l'origine des événements révolutionnaires et d'être destines a se substituer au dogme catholique »118(*).

Une telle attitude de l'Eglise avait influence les idées des légitimistes de la monarchie qui avaient a leur tour dénonce ces principes au nom de la doctrine traditionaliste.

Le professeur Gregorio Peces barba Martinez en étudiant la position de l'Eglise catholique au XIX siècle affirme que cette conception conservatrice « contredit la volonté d'innocence historique de l'Eglise qui affirme aujourd'hui avoir été toujours favorable aux droits de l'homme »119(*).

Une autre critique, formulée par le Romantisme « avec Moser, Herder ou Schelling, l'Ecole Historique ou les philosophies cycliques de l'histoire avec Spengler, Toynbee, Schubart et même Max Scheller... »120(*)

Rappelons aussi l'affirmation révolutionnaire de Michel Foucault : « l'homme est mort ; seuls existent des hommes dans des cultures déterminées »121(*), le relativisme de Foucault l'avait conduit a remettre en cause l'idée même de droits de l'homme, pour lui « l'homme est une invention, dont l'archéologie de notre pensée montre aisément la date récente. Et peut être la fin prochaine »122(*), et d'ajouter que l'homme s'effacerait, comme à la limite de la mer un visage de sable123(*).

Les critiques communautaristes peuvent être inclus dans la série négationniste des droits de l'homme, en effet ces postions communautaristes remettent en cause le caractère universel et abstrait des droits de l'homme dans la mesure ou ils prétendent que les destinataires des valeurs ne sont pas les individus mais les sociétés politiques, et de ce fait le facteur temporel et spatial sont pertinents en l'espèce. Bref, « l'idée d'humanité et d'universalité de l'histoire surgit en un lieu déterminé, l'Europe, et a une époque déterminée, les XVIII et XIX siècles »124(*). Certainement, ces critiques relativistes, malgré leur extinction, nous permettent de comprendre les défis actuels de l'universalité sachant que ces critiques se basent toutes sur le facteur culturel qui représente aujourd'hui le défi majeur face à l'universalité des droits de l'homme. Lévi- Strauss n'affirme t il pas dans « Race et Histoire » qu' « il n'y a pas et ne peut y avoir de civilisation mondiale dans le sens absolu que l'on accorde à ce terme, car la civilisation implique la coexistence de cultures qui offrent le maximum de diversités entre elles »125(*), Lévi- Strauss accusera l'humanité de s'installer dans la mono culture, s'apprêtant à produire une civilisation de masse126(*).

Ces critiques remettent en cause les droits de l'homme et par conséquent leur éventuelle universalité sans pour autant donner des alternatives. Pour cette raison, il est nécessaire d'envisager les critiques internes.

B- les critiques internes

Face aux excès scolastiques du modèle démocratique et libéral, des critiques constructives ont été apporté par le courant positiviste, par le courant historique (modéré), par le courant réaliste et on doit aussi prévoir la critique marxiste des droits de l'homme. La correction positiviste porte sur l'aspect jus naturaliste sur lequel reposent les droits de l'homme, ce courant opère une distinction classique entre le droit et la morale.

Selon cette doctrine, le droit ne devient effectif qu'au moment de son incorporation dans l'ordre juridique, qu'au moment de sa positivisation ; cette correction est une réponse contre la doctrine qui affirme que les droits ne doivent pas être contextualisés ou aménagés en fonction de chaque ordre juridique.

Mais la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen127(*), elle-même conditionne l'existence d'une constitution par la garantie des droits et la séparation des pouvoirs.

Bref les droits, avant leur incorporation, demeurent des prétentions morales dépouillées de tout effet contraignant.

Une autre correction est proposée par le courant historique qui insiste sur la pertinence du facteur historique dans l'identification des droits de l'homme, en effet ce courant tente de corriger le caractère abstrait et intemporel des droits de l'homme.

Ce courant rappelle que « la raison est toujours située dans l'histoire et qu'en l'occurrence ; le facteur historique est décisif pour les droits de l'homme »128(*)

Les droits de l'homme datent de la modernité, dès lors les facteurs économiques et sociaux culturels sont pertinents quant à l'émergence de ces droits (idem pour le facteur politique).

S'agissant de la critique réaliste des droits de l'homme, celle-ci s'attaque à l'universalité spatiale ou au processus d'internationalisation des droits de l'homme, en réalité ce courant a toujours buté sur les problèmes de pauvreté, d'analphabétisme, de faim et surtout l'inexistence de régimes politiques démocratiques qui peuvent garantir les droits fondamentaux de l'homme.

Enfin, la critique marxiste, malgré son échec, demeure importante dans la mesure où elle avait attaqué le caractère formel des droits reconnus dans la DDHC 1789.

 La conception marxiste « se veut à la fois destructive et constructive. Destructive parce qu'elle entend démontrer que la conception occidentale n'aboutit qu'à des libertés formelles, c'est-à-dire illusoires [et] constructive parce qu'elle prétend les remplacer par des libertés réelles »129(*). En effet, le marxisme est un matérialisme, la critique rejette absolument et catégoriquement la notion de droits individuels considérés, comme des limites au pouvoir étatique. « Fondée sur la lutte des classes qui serait le moteur de l'histoire, la doctrine marxiste affirme que la notion de droits individuels abstraits marque le pouvoir de la classe dominante sur les classes dominées pour cette raison la doctrine marxiste oppose l'existence de libertés concrètes »130(*). Par conséquent, seul le régime collectiviste permet la mise à disposition des citoyens des moyens propres a la réalisation de ces libertés concrètes.

Ainsi les droits de l'homme de la DDHC 1789, ne sont rien d'autre, sous leur apparence immuable et universaliste, que des armes dont se dote la bourgeoisie capitaliste.

Plus précisément, les droits reconnus par la déclaration ne sont que le reflet idéologique de l'infrastructure économique de la fin du XVIII siècle et « grâce à la Révolution de 1789, la superstructure s'adapte à l'infrastructure »131(*). Pour cette raison, la doctrine marxiste en déduit que les droits proclamés ne sont réels que pour une classe bien déterminée de la société (la bourgeoisie) et illusoires voire même formelles pour les autres classes.

Bref, les droits naturels de la Révolution de 1789, sont les droits de l'homme égoïste, de l'homme séparé de l'homme et non pas l'homme situé dans une collectivité.

Mais l'échec de la doctrine marxiste tient a ce qu'elle n'a réussi a instaurer ni des libertés abstraites ni des libertés concrètes et quant au principe de l'égalité, prôné par cette doctrine, il s'est ramené à la coexistence et à la confrontation de deux classes : l'appareil du parti et de l'Etat, et la population entièrement obéissante et asservie.

Au delà des problèmes théoriques de l'universalité des droits de l'homme, aujourd'hui cette universalité se trouve menacée par des oppositions d'ordre culturel et religieux.

§. 2. les problèmes d'ordre culturel et religieux

Contrairement à la thèse de la réalité de l'universalité des droits de l'homme, certains auteurs affirment, aujourd'hui, que l'universalisme des droits de l'homme est une politique132(*). En témoigne « La volonté des grandes puissances occidentales d'imposer à tous les Etats du monde, quelles que soient leur culture et leurs conditions sociale, les mêmes valeurs et les mêmes moyens d'y parvenir, s'identifie au plan international a la politique du parti unique dans l'ordre interne »133(*). En effet, affirmer l'universalité des droits de l'homme, revient nécessairement a affirmer l'universalité de la conception occidentale de ces droits pour cette raison le professeur Frederic Sudre prévoit qu'une telle affirmation ne peut que nourrir le grief d'occidentalo- centrisme et l'auteur d'ajouter que le concept d'universalité des droits de l'homme n'est pas universel et n'est pas admis par tous134(*). Le doute a l'égard de l`universalité des droits de l'homme se trouve aussi chez le professeur Antonio Cassese qui affirmait que « l'universalité est, au moins pour l'instant, un mythe [et] non seulement les droits de l'homme sont respectes différemment dans différents pays, mais ils sont aussi conçus différemment »135(*). Le professeur Louis Favoreu, se basant sur les travaux comparatifs de l'anthropologie politique et de l'ethnologie, avait constaté a quel point l'individualisme parait spécifique du monde occidental et de conclure que « les données culturelles et religieuses apparaissent parfois (du moins dans certaines prétentions) comme des obstacles a la réception « normale » des droits de l'homme et, en toute hypothèse, comme une justification des adaptations dont ils font l'objet (...) »136(*)

L'Occident, lui-même, avait parfois instrumentalisé les droits de l'homme en vue d'ériger son modèle en un modèle universel, sans prendre soin des spécificités de « l'autre », son ambition universaliste donc « ne consiste plus a composer mais a vaincre ; elle vise désormais a ériger la conception occidentale en modèle universel »137(*)

Cette politique de l'occident est sans doute repoussée par le communisme chinois de même que l'intégrisme musulman puisque pour eux ces droits servent de couverture a l'impérialisme d'une économie qui a réussi à s'imposer mais a quel prix ?138(*)

Par conséquent « le caractère universaliste des droits de l'homme a éveille la crainte d'un impérialisme culturel [et] prétendre accorder les droits de l'homme a tous les individus dans le monde peut conduire a un excès de tolérance a l'égard de cette tendance [que peut avoir] la culture européenne a piétiner les cultures qui ne partagent pas la même conception du bien être et de la justice sociale »139(*)

De fait, les droits de l'Homme ont été parfois dénoncés, dans une perspective « tiers-mondiste », comme une invention de l'Occident, reflétant, jusque dans leur prétention à se présenter comme universels, l'ethnocentrisme occidental, voire comme une forme de néocolonialisme idéologique.

Plus récemment, une nouvelle forme de contestation est venue des pays asiatiques qui, par delà tout ce qui les sépare sur les plans idéologique et religieux, mettent en avant les valeurs centrales de la culture asiatique : primauté de la famille, soumission de l'individu au groupe, respect des hiérarchies, attachement au consensus excluant l'expression d'opinions divergentes.

Ces valeurs constituent autant de caractéristiques qui traduisent une vision holiste de la société, guère compatible avec la reconnaissance aux individus de droits opposables à la collectivité.

La contestation n'a toutefois pas débouché sur la dénonciation des grands instruments internationaux : au contraire, lors de la conférence de Vienne sur les droits de l'Homme, en 1993, tous les Etats ont accepté de signer l'Acte final dans lequel on pouvait lire : « ... il est du devoir des Etats, quel qu'en soit le système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales. »

Un consensus semble se dessiner sur la question de l'universalité des droits de l'Homme. Demeure néanmoins l'opposition radicale de certains pays musulmans pour lesquels l'islam est incompatible avec la reconnaissance de l'égalité des sexes, d'une part, de la liberté de conscience, d'autre part.

§ 3. Les problèmes d'ordre politique et économique

Outre les données culturelles et religieuses, certains auteurs évoquent des obstacles d'ordre politique et économique face à l'universalité des droits de l'homme.

Les grands écarts au niveau du développement entre pays riches du Nord et pays pauvres du Sud, sont sans doute le plus grand obstacle à l'universalisation des droits de l'homme et des libertés publiques. Le sous-développement, la pauvreté expliquent largement les grandes difficultés d'extension et de pénétration des droits de l'homme et des libertés publiques au Sud, sauf pour les libertés économiques qui sont désormais pratiquement consacrées par tous. Mais l'universalisation des droits de l'homme dépend aussi d'une politique mondiale de développement, de coopération et de redistribution de richesses au profit du Sud, ce n'est pas le cas de l'actuel mondialisation capitaliste qui aggrave les inégalités et joue aussi en partie contre l'universalisation des droits de l'homme et des libertés publiques.

Le professeur Dominique Turpin, tout en affirmant que l'universalité des droits de l'homme demeure un acquis intangible, rappelle la position des Etats pauvres dans la déclaration de la Malaisie, le 28.07.1997. Ces Etats pensent, qu'élaborée par les grandes puissances, qui ne comprenaient pas les besoins de pays pauvres, « elle ne prend pas en compte leurs aspirations (droits de l'homme de la troisième génération, impact de la mondialisation, etc.) »140(*)

Certains autres auteurs, tel Claude Leclercq, soutiennent que les libertés de type occidental ne peuvent être véritablement garanties dans des Etats sous développés.

En effet, la pauvreté et le sous développement sont souvent un prétexte pour justifier la négation des droits de l'homme et des libertés publiques et la justification du despotisme ou la dictature politique. Et cette tendance est parfois soutenue par l'occident, elle cache souvent des intérêts économiques et politiques ou encore du mépris ou du désespoir a l'égard des sociétés du sud, ces intérêts se traduisent par des politiques différenciées « deux poids, deux mesures » selon les pays en matière de droits de l'homme et des libertés publiques. Les intérêts politiques et stratégiques font qu'on soutient, on ferme les yeux sur les violations des droits de l'homme à Israël ou en Turquie, alors qu'on dénonce la dictature en Iraq ou à Cuba. De même les intérêts pétroliers et économiques font aussi que les Etats-Unis ont toujours soutenu des Etats aussi rétrogradés en matière de droits de l'homme comme l'Arabie Saoudite.

S'agissant des problèmes d'ordre politique, certains Etats pensent que les droits de l'homme constituent un instrument qui légitime la force et l'intervention dans les territoires des Etats jugés absolutistes par les puissances de l'occident.

Les professeurs Robert Charvin et Jean Jacques Sueur affirmaient qu' « il y a une contradiction entre l'affirmation de l'universalisme des droits de l'homme tels qu'ils sont consacrés dans les déclarations et les pactes internationaux et le droit d'ingérence messianique revendiqué par les grandes puissances »141(*), les grandes puissances occidentales qui rêvaient d'une universalité des droits de l'homme, eux-mêmes les bafouent et les méconnaissent. Ainsi les Etats-Unis n'ont toujours pas ratifié le pacte des Nations Unis relatif aux droits économiques et sociaux de 1966 ni les protocoles se rapportant au pacte relatif aux droits civils et politiques, ni la convention relative au statut des réfugiés de 1951.

Quant a la France, elle a mis vingt quatre ans pour ratifier la convention européenne des droits de l'homme signée en 1950 et entrée en vigueur en 1953.

Jean Rivero prévoyait que « tout aussi universelle que leur reconnaissance dans les textes est leur méconnaissance dans les faits »142(*) Et d'ajouter que « les Etats dans lesquels la sûreté est assurée et les libertés vécues ne couvrent qu'une étroite surface dans la planète »143(*)

Ainsi, le maintien de ces pratiques indignes, avait permis a la doctrine de se demander sur les raisons du maintien de telles pratiques, notamment le professeur Patrick Wachsmann qui affirmait que « la non universalité du respect des droits de l'homme étant hélas évidente, on est conduit a se demander s'il s'agit la de retards accidentels au sein d'un processus menant au triomphe universel des droits de l'homme ou au contraire de signe de la persistance de doctrines profondément négatrices de ces droits mais soucieuses, en raisons des contraintes de la société internationale et du poids des opinions publiques, de sauvegarder les apparences »144(*) 

Entre la thèse du retard et la thèse de négation, une autre critique frappe l'universalité des droits de l'homme, celle relative à la nature de l'ordre universel voulu par l'occident. Certains auteurs posent la problématique en ces termes : « Est il possible de tenir a la fois l'indivisibilité des droits de l'homme en même temps que leur universalité sur toute la surface du globe ? »145(*) Pour Xavier Dijon, les Etats occidentaux ne retiennent qu'une idée étroite des droits de l'homme, l'occident tient plus à l'universalité des droits civils et politiques qu'aux droits spécifiques y compris les droits sociaux et économiques. En témoigne le contenu du préambule de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui prévoyait : « résolus, en tant que gouvernements d'Etats européens, animes d'un même esprit et possédant un patrimoine commun d'idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit, a prendre les mesures propres a assurer la garantie de certains des droits énoncés dans la déclaration universelle». L'auteur signalait l'ignorance des droits économiques et sociaux par cette déclaration ce qui justifie bien une tendance vers la protection des seuls droits civils et politiques dits les droits de la « première génération ». Si l'intention de l'occident est celle d'une protection des seuls droits civils et politiques, alors il est impossible de dire que tous les droits de l'homme sont universels. D'une manière plus claire une telle affirmation aurait sans doute comme conséquence soit de porter atteinte au principe de l'indivisibilité des droits de l'homme soit à leur universalité.

Face à ces obstacles, la doctrine avait formulée des solutions en vue de consolider l'effectivité de l'universalité des droits de l'homme.

Section 2. Les solutions proposées pour une universalité effective des droits de l'homme

Certaines solutions visent l'universalité des droits civils et politiques ; dits les droits libertés (§. 1.), d'autres intéressent l'universalité des droits spécifiques (§. 2).

§. 1. l'universalité des droits -libertés

Pour construire l'universalité des droits de l'homme, certains auteurs nous proposent de partir de la moralité qui les fonde. Le professeur Frederic Sudre prévoit a cet égard que « cette reconnaissance a tout être humain, en tout lieu et a toute époque, d'un minimum consistant de droits fondamentaux jette la base d'un nouveau droit commun international : en ce sens, le droit international des droits de l'homme prétend exprimer des valeurs- la dignité de l'homme, l'égalité des hommes- qui constituent un fond commun a toutes les civilisations et a toutes les religions »146(*). De cette affirmation, il est clair que les droits fondamentaux de l'homme doivent être respectés partout, sans aucune exception, puisque ces droits sont le fondement de l'humanité. Les droits de l'homme sont donc des prétentions morales justifiées qui se convertissent en droits quand elles intègrent le droit positif147(*).

Une distinction doit être faite a cet égard entre les droits- libertés d'une part et les droits créances d'autre part, en d'autre termes pour préserver l'universalité des droits- libertés, il nous faut partir de la moralité générale qui les fonde toutefois, s'agissant des droits créances, ces derniers doivent être conçus concrètement et doivent viser des catégories de personnes bien déterminées (droits de la femme, de l'enfant, des usagers...).

S'agissant de l'universalité des droits et libertés, celle-ci doit être basée sur l'homme abstrait  « l'homo iuridicus » et non pas sur l'homme concret ; l'universalité est formulée « a partir d'une vocation morale unique, commune a tous les hommes : ceux-ci doivent être considérés comme des fins et non comme des moyens, ils doivent avoir des conditions de vie sociale qui leur permettent de choisir librement leurs plans de vie (leur éthique privée) »148(*)

Cette moralité qui va fonder l'universalité des droits de l'homme doit être reconnue pour tous les hommes, a n'importe quel moment de l'histoire ; une moralité, qui au fil du temps va assurer la permanence des droits de l'homme, leur cohérence avec l'historicité et la variabilité de certaines prétentions morales.

C'est un seuil minimum de droits fondamentaux qui doit s'imposer sur toute la surface du globe indépendamment des facteurs culturels et religieux pour une simple et pure raison ; toutes les cultures et toutes les religions du monde reconnaissent la valeur de ces droits.

Le professeur Jean Rivero mettait l'accent sur l'aspect moral qui caractérise les droits de l'homme en affirmant que « les droits de l'homme définissent aujourd'hui une sorte de morale officielle commune à la quasi totalité des Etats. Rares sont, dans le monde, ceux qui osent se réclamer d'une autre éthique »149(*), et d'ajouter que , certes les droits de l'homme ne sont ni plus ni moins respectés dans le monde, toutefois les dénonciations de cette méconnaissance ont permis de dégager un élément positif consistant à dire que « le simple fait que des actes qui relevaient du seul jugement politique, relèvent aujourd'hui d'un jugement moral constitue un progrès déterminant [et] la censure morale est une première et indispensable étape vers l'effectivité de la censure juridique »150(*).

Pour les auteurs « l'éthique publique de la modernité, des lumières, valorise l'universalité, reposant sur les valeurs fondamentales que défend l'idée de dignité humaine qui s'exprime dans un certain concept de l'homme : c'est [...] un être moral et de fins, qui construit son propre idéal de vie, sa propre moralité privée en coexistence avec les autres »151(*)

Sans doute, cette moralité ne trouve sa pleine effectivité que dans une organisation sociale démocratique et pour cette raison la démocratie, à son tour, doit s'ériger en un modèle universel. Le professeur Gregorio Peces, voulant défendre sa thèse du triptyque, souligne que l'universalité temporelle n'est possible que si l'on considère les droits de l'homme comme le fruit de la modernité et le fait d'affirmer que les droits de l'homme sont un concept historique n'est pas incompatible avec le principe d'universalité de la moralité fondamentale de la dignité humaine.

S'agissant de l'universalité spatiale, celle-ci devient une finalité à atteindre, par conséquent « elle doit dépasser les nationalismes, les particularismes et les théories qui veulent que l'Etat soit la seule juridiction compétente sur le territoire national »152(*)

Plus concrètement, l'universalité spatiale des droits de l'homme doit se fonder essentiellement sur le droit international des droits de l'homme, ce dernier doit couvrir tous les régimes politiques du monde, sans pour autant se convertir en un instrument qui légitime la violence et l'intervention dans d'autres territoires.

L'universalité des droits de l'homme, pour se construire, elle doit prendre en compte les spécificités culturelles des autres Etats et des autres civilisations. Elle constitue un processus de construction permanente dans le creuset des cultures qui sont elles mêmes en évolution constante »153(*). Elle doit reconnaître la valeur des cultures non occidentales et une prise en compte des cultures juridiques étrangères154(*).

Elle doit résulter non de la diffusion d'un modèle unique mais de « l'émergence en divers points d'une même volonté de reconnaître des droits communs à tous les êtres humains »155(*)

Bref, l'universalité des droits de l'homme doit se construire dans la pluralité des cultures et non pas dans la monoculture.

Mais qu'en est t il de l'universalité des droits spécifiques de l'homme ?

§. 2. l'universalité des droits spécifiques

Les droits spécifiques, contrairement aux droits- libertés s'adressent à des titulaires spécifiques et non à des titulaires généraux. En effet « le processus de spécification suppose la formulation des droits qui s'adressent a des titulaires qui n'entrent plus dans le générique homo iuridicus »156(*)

Les droits spécifiques intéressent des individus qui sont dans une position inférieure par rapport à la majorité des citoyens. Les droits de l'homme dans ce cadre deviennent plus adéquats avec les droits des citoyens. En effet le rôle de l'Etat dans cette conception devient plus effectif, c'est pour cette raison, les droits spécifiques trouvent leur plein fondement dans l'Etat social et démocratique ou même dans l'Etat libéral mais non pas au sens classique ni même au sens néolibéral.

Selon cette doctrine, l'Etat ne doit pas viser l'égalité comme un point de départ, mais comme un point d'arrivée et pour cette raison qu'on parle d'une discrimination positive ou de l'égalité par différenciation. L'Etat doit traiter les inégaux de manière inégale en vue de réaliser l'équité. Les titulaires de ces droits sont en situation d'infériorité culturelle, physique, sociale et c'est précisément cette spécificité qui les différencie des autres individus et appelle à une discrimination positive.

Mais, des difficultés peuvent être soulevées à cet égard et qui sont relatifs a la crise de l'Etat social. En effet l'Etat social souffre le déficit lié aux demandes excessives des titulaires de ces droits. Le professeur Gregorio Peces signale à cet égard que si l'Etat, dans le cadre de l'exercice des droits spécifiques, y compris les droits économiques et sociaux, traite tous les individus d'une manière égale, cela débouchera immédiatement sur des conséquences injustes. D'une manière plus expresse, l'égalité devient un moyen pour maintenir l'inégalité.

Le fait d'attribuer ces droits à l'ensemble des individus, revient à élargir leur champ pour viser des personnes qui n'ont pas besoin de ces droits « pour le plein développement de leur personnalité », par conséquent ces droits ne seraient universels ni au départ ni à l'arrivée.

Mais cette proposition doctrinale nécessite un rôle plus effectif de la part des autorités administratives, ces dernières doivent consolider leurs moyens de contrôle, de vérification en vue d'échapper aux tentatives de fraude qui peuvent avoir lieu, essentiellement par des individus qui ne sont pas en situation de besoin. Une telle approche présente un double intérêt d'une part, s'agissant des titulaires des droits spécifiques (au sens large), ces derniers vont devenir à long terme, après la satisfaction de leurs besoins, en situation égale par rapport aux autres individus, d'autre part, s'agissant de l'Etat garant de ces droits, ce dernier aurait plus de chances pour subsister et lutter contre le manque de ressources ; la cause principale de sa crise. Le professeur Gregorio Peces signale à cet égard que « le maintien des demandes assorti d'une limitation des titulaires [...], peut permettre de relancer et renforcer l'Etat social »157(*)

L'universalité des droits spécifiques, y compris des droits économiques et sociaux ne peut en aucun cas être assimilée a l'universalité des droits libertés, dans la mesure où cette dernière nécessite que l'égalité soit postulée des le départ alors que la première doit atteindre l'égalité entre les individus a l'arrivée.

En toute hypothèse, la doctrine affirme aujourd'hui que les seuls droits qui sont universels sont les droits économiques et sociaux, ces droits qui sont mis en avant par les Etats orientaux et parfois ignorés par les droits occidentaux.

Les problèmes de l'universalité des droits de l'homme, exposés ci-dessus avaient sans doute comme conséquence une démarcation des Etats orientaux de la conception universelle des droits de l'homme.

Chapitre 2 : La démarcation des Etats orientaux de la conception universelle des droits de l'homme

Certains auteurs pensent que la proclamation régionale des droits de l'homme a des effets ambivalents en effet « elle peut permettre d'assurer une grande effectivité des droits proclamés, comme le montrent les exemples européen et américain [mais] elle peut aussi marquer une prise de distance par rapport a la conception universaliste des droits de l'homme en insistant sur les particularismes culturels »158(*)

Aujourd'hui, c'est le monde arabo musulman qui illustre le plus de résistances à l'universalité des droits de l'homme (Section 1), mais la doctrine avait aussi abordé d'autres figures de démarcations (Section 2).

Section 1. La conception arabo musulmane des droits de l'homme

Dans cette partie, on s'intéresse à l'étude des fondements du particularisme des Etats arabo musulmans (§. 1), ensuite sur les manifestations du particularisme (§. 2).

§. 1. Les fondements du particularisme des Etats arabo musulmans

Il y'a un consensus dans la doctrine des droits et libertés sur les particularismes arabo musulmans s'agissant des droits de l'homme. En effet, les Etats arabo musulmans continuent à affirmer leur opposition à la conception universelle des droits de l'homme, prétendant que ces droits sont purement occidentaux et de ce fait il n'est pas utile d'en adhérer.

Selon Gilles Lebreton « la conception occidentale des libertés, que défend désormais la déclaration, n'est pas parvenue pour autant à s'ériger en modèle universel. L'Islam intégriste continue en effet à défendre sa propre conception, qu'il juge bafouée par la déclaration de 1948. L'Iran estime ainsi que la déclaration doit être modifiée, le document laïc et occidental doit faire place à un instrument qui soit mieux accepté universellement »159(*)

Conscient des particularismes islamiques, Samuel Huntington, affirme que le renouveau de l'Islam est la manifestation la plus puissante de l'antioccidentalisme dans les sociétés musulmanes ; ce n'est pas un rejet de la modernité mais de l'Occident, de la culture laïque. Rejet appelé "l'Occidentoxication ". Sorte de déclaration d'indépendance culturelle vis à vis de l'Occident, mais une affirmation claire : "  Nous serons modernes, mais nous ne serons pas vous "160(*). En effet l'Islam est, aujourd'hui, le plus grand rival de la conception individualiste des droits de l'homme, voulant s'ériger en modèle universel.

Les professeurs Bertrand Mathieu et Michel Verpeaux affirmaient à cet égard que la conception individualiste des droits de l'homme, issue dans son acception universaliste de la Déclaration de 1948, est cependant essentiellement issue des Etats occidentaux. Elle « est ainsi partiellement remise en cause (...) par certains Etats arabes qui ne reconnaissent pas l'autonomie et l'égalité entre tous les individus ».161(*) En Islam, les droits de l'homme trouvent leur origine dans la volonté divine, non pas dans la volonté des hommes, en effet selon certains penseurs « l'islam a donné à l'humanité un code idéal des droits de l'homme il y a 14 siècles »162(*). Le professeur Claude Leclercq affirmait qu'en Islam, « le droit et la morale trouvent leur source profonde dans la religion révélée principalement par le Coran au début du VII siècle »163(*). Allant dans ce sens, mais avec plus de clarté, le professeur Michel Levinet analyse les fondements du particularisme islamique c'est ainsi qu'il aborde la problématique de l'interprétation de la révélation coranique, les divergences d'interprétation du texte coranique sont dues essentiellement a la complexité de la langue arabe164(*).Le professeur Michel Levinet traite les points sur lesquels la pensée musulmane était en désaccord et notamment la question du califat. Le premier calife Ab Bakr avait mis l'accent sur ce point en affirmant que le calife est un calife du prophète et non pas un calife de dieu. Cette confusion entre calife de Dieu et calife du prophète avait des conséquences sur la nature du gouvernement en Islam puisque, certains Etats islamiques refusent de dissocier pouvoir temporel du pouvoir spirituel. Donc le premier fondement du particularisme islamique est sans doute la mauvaise lecture du texte fondateur qui est le Coran.

Mais un autre courant de pensée prétend que le Coran lui-même avait établi une distinction entre les deux pouvoirs, le grand théologien et le juriste d'Al Azhar Ali Abderraziq avait rappelé que « le prophète était un guide spirituel et non un roi du monde »165(*) : « Rappelle ! Tu n'es la que pour rappeler la parole de Dieu. Tu n'as nulle autorité contraignante à exercer sur eux ».

L'autre fondement du particularisme islamique est celui de la distinction entre dar al islam et dar al harb cette distinction est soulignée dans le Coran qui affirme « combattez ceux qui ne croient pas en Dieu, ni au jour dernier ni qui n'interdisent ce qu'interdisent Dieu et son Envoyé, et qui parmi ceux qui ont reçu l'Ecriture, ne suivent pas la religion du vrai- et cela jusqu'à ce qu'ils paient d'un seul mouvement une capitation en signe d'humilité »166(*)

Le professeur Michel Levinet soulignait la relation entre cette distinction et la notion de Jihad de même que la problématique de savoir la nature du djihad en d'autres termes de savoir si le Jihad désigné est le Jihad guerrier ou le Jihad spirituel. Mais si l'on adopte la conception sophiste du jihad (c'est-à-dire le jihad guerrier) on aura du mal à comprendre le commandement divin par lequel il affirmait : « pas de contrainte en matière de foi ». A cet égard le professeur Gilles Lebreton voit dans l'intégrisme musulman, le danger face a l'universalité des droits de l'homme en effet le fondamentalisme refuse totalement les droits de l'homme qui ne trouvent pas leur source dans le commandement divin. Le fondamentalisme est une sorte d'intégrisme qui n'est pas propre a l'islam mais inhérent a toutes les religions et chacune a ses intégristes et le problème de l'intégrisme c'est d'abord l'affirmation de la pureté intrinsèque des dogmes religieux, leur caractère essentialiste et leur vérité mais aussi le soucis de les préserver, conserver tel qu'ils sont hérites du passe donc rejeter sans discussion rationnelle tout ce qui peut les contredire, les altérer.

L'intégrisme se politise aussi et il est connu sous le nom d'islamisme .On peut donner une définition simple : c'est tout courant qui prône l'application du pouvoir de la charia pour lui il ne peut y avoir un islam foi sans islam loi. La charia c'est un ensembles de normes sociales, obligatoires auxquelles tout musulman doit être soumis. L'islamisme appelle a l'instauration de l'Etat islamique c'est-à-dire une cite régie par la charia et non par le droit positif qui est une oeuvre humaine discutable, variable et relative, alors que la charia elle est sacrée, transcendante, immuable et éternelle. L'intégrisme à son tour est divisé en deux courants :

Le premier, le plus ancien rejette catégoriquement la modernité et ses valeurs corollaires dont le principe même de liberté et les droits de l'homme. Ces valeurs sont considérées étrangères à l'islam et à la charia pour cette raison ils sont incompatibles par conséquent si l'homme à des droits c'est uniquement en vertu de la volonté divine et dans le cadre et les limites de la charia. Une deuxième tendance dite de l'islamisation de la modernité et des droits de l'homme. L'islamisme devient plus subtil, ici les valeurs de libertés et droits de l'homme ne sont pas apparemment rejetés mais on soutient déjà qu'ils sont des valeurs islamiques.

Certains autres auteurs avaient établi une distinction entre l'intégrisme musulman et l'Islam évolutionniste qui, selon Gilles Lebreton, accepte les libertés publiques en procédant à une lecture plus souple du Coran ainsi que ces Etats « croient possible de dégager un esprit de la charia qui serait différent à sa lettre et dont les principes s'accorderaient avec le respect de la conception occidentale ».167(*) En fait ce courant cherche a moderniser l'islam, il cherche aussi une conciliation entre l'islam et les droits de l'homme mais il reconnaît implicitement qu'il y a une contradiction entre les deux toutefois en soulignant tout ce qui dans l'islam va dans le sens de la liberté des droits de l'homme notamment le verset « pas de contrainte en matière de foi » pour cela il prône l'interprétation ouverte et créatrice pour adapter l'islam a l'évolution et a la modernité.

Ce courant a connu un grand succès et sa plus grande influence en Tunisie depuis 1956 surtout avec l'adoption du code du statut personnel qui reste unique dans le monde arabo musulman. En réalité ce courant a toujours buté sur le problème de la séparation du temporel et du spirituel qui est l'obstacle insurmontable a la conciliation.

Reste à savoir comment le monde arabo musulman avait manifesté ses spécificités.

§. 2. les manifestations du particularisme

Le monde arabo musulman, dans le but de se démarquer de la conception universelle des droits de l'homme, avait élaboré un corpus qui lui est propre et qui ne manque pas de spécificités par rapport a la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Certains auteurs ont pris le soin de rappeler ces documents et de soulever leurs spécificités par rapport a la déclaration universelle des droits de l'homme mais d'autres auteurs avaient seulement signale ce mouvement de régionalisation des droits de l'homme sans pour autant l'analyser. Afin de préciser cette démarcation du monde arabo musulman par rapport a la déclaration universelle des droits de l'homme, il est nécessaire de rappeler d'abord les caractéristiques de la charte arabe des droits de l'homme, avant de souligner les spécificités des documents islamiques.

Dans le cadre de La ligue des Etats arabes, le document le plus important demeure la Charte arabe des droits de l'homme de 1994. La Charte n'est pas, à l'heure actuelle, entrée en vigueur ; c'est une proclamation des droits civils et politiques, et de certains droits économiques sociaux et culturels. La Commission arabe permanente des droits de l'Homme de la Ligue arabe a recommandé à la Ligue arabe d'approuver ce texte jugé comme non contraire à la Déclaration du Caire. Dans ce document arabe, la référence à l'Islam est moins prononcée que dans les documents islamiques. La Charte de la Ligue arabe exprime dans son préambule sa volonté de concrétiser « les principes éternels définis par le droit musulman et par les autres religions divines sur la fraternité et l'égalité entre les hommes ». Cependant la charte reconnaît des libertés individuelles sans prévoir des limites. Par exemple, dans son Article 26 « Toute personne a droit à la liberté de religion, de pensée et d'opinion ». Elle dit aussi dans son préambule vouloir réaffirmer "les principes de la Charte des Nations-Unies, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et des deux Conventions des Nations-Unies relatives aux droits économiques, sociaux et culturels et aux droits civils et politiques... ".

La charte arabe des droits de l'homme, ne représente pas en fait, une véritable démarcation par rapport a la conception universelle des droits de l'homme.

S'agissant de la Déclaration islamique universelle des droits de l'Homme, adoptée par le conseil islamique en Europe (un des satellites de l'UNESCO) en 1981, par M. Salem Azzam, secrétaire général du conseil islamique. Cette Déclaration est d'initiative privée. Les droits définis dans cette Déclaration, reprennent l'essentiel des droits reconnus dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, mais aussi ceux des Pactes internationaux de 1966 relatifs aux droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, ainsi que ceux envisagés dans le projet du troisième Pacte relatif aux droits de solidarité. Cette Déclaration manifeste a plusieurs reprises sa démarcation par rapport a la conception universelle des droits de l'Homme en basant les droits proclamés sur la volonté de Dieu. "  Les droits de l'Homme, dans l'Islam, sont fortement enracinés dans la conviction de Dieu, et Dieu seul, est l'auteur de la Loi et la source de tous les droits de l'Homme. "

De même que "  ...Cette Déclaration des droits de l'Homme donne une puissante impulsion aux populations musulmanes pour rester fermes et défendre avec courage et résolution les droits qui leur ont été conférés par Dieu. ". Cette référence a la volonté divine comme la seule source des droits de l'homme contredit les fondements de la conception occidentale qui, comme nous l'avons déjà rappelé, émane de l'humanisme laïc et du jus naturalisme rationnel. Dans l'esprit des rédacteurs de la Déclaration, dans le Coran et la Sunnah, il existe déjà un système bien élaboré de droits moraux, par conséquent il est inutile de chercher ailleurs une conception qui serait étrange à l'Islam. En effet " Allah a donné à l'humanité, par ses révélations dans le saint Coran et la Sunnah de son saint prophète Mahomet, un cadre juridique et moral durable permettant d'établir et de réglementer les institutions et les rapports humains ; ... ". L'examen du contenu de la Déclaration, montre bien la nécessite d'exercer les droits dans le cadre et les limites fixés par la loi islamique, c'est-à-dire la charia de Dieu. La Déclaration affirme dès son introduction son attachement aux préceptes de l'Islam. Son champ d'application est défini par une appartenance religieuse. L'article 12 relatif au "droit à la liberté de croyance, de pensée et de parole " dispose :

" a) Toute personne a le droit d'exprimer ses pensées et ses convictions dans la mesure où elle reste dans les limites prescrites par la Loi. Par contre, personne n'a le droit de faire courir des mensonges ni de diffuser des nouvelles susceptibles d'outrager la décence publique, ni de se livrer à la calomnie ou à la diffamation ni de nuire à la réputation d'autres personnes.

d) Il ne doit y avoir aucun obstacle à la propagation de l'information dans la mesure où elle ne met pas en danger la sécurité de la société ou l'Etat et reste dans les limites imposées par la Loi. "

Il ne fait aucun doute que "la Loi", est la Loi islamique imposant la volonté de Dieu

Le fait que dans cette Déclaration, les droits de l'Homme en Islam se fondent sur la volonté divine, montre la volonté de ces auteurs de se démarquer des autres textes internationaux de protection universelle des droits de l'Homme. Les bases et les objectifs de cette Déclaration islamique universelle des droits de l'Homme se retrouvent dans la Déclaration du Caire de 1990.Cette Déclaration, déclaration du Caire sur les droits de l'homme en Islam, ne manque pas, a son tour, de proclamer la spécificité de la conception islamique en matière de droits de l'homme et des libertés publiques. En effet ce document revendique pleinement sa qualité d'instrument de préservation de l'identité religieuse168(*)

Le texte conditionne l'exercice des droits et libertés par les limites de la charia. La référence à cette notion est omniprésente. A titre d'exemple l'article 12 « Tout homme a droit, dans le cadre de la Charria, à la liberté de circuler et de choisir son lieu de résidence à l'intérieur ou à l'extérieur de son pays. S'il est persécuté, il a le droit de se réfugier dans un autre pays. Le pays d'accueil se doit de lui accorder asile et d'assister sa sécurité, sauf si son exil est motivé par un crime qu'il aurait commis en infraction aux dispositions de la Charria »

L'exemple de l'article 22 « a) Tout homme a le droit d'exprimer librement son opinion pourvu qu'elle ne soit pas en contradiction avec les principes de la Charria.
b) Tout homme a le droit d'ordonner le bien et de proscrire le mal, conformément aux préceptes de la Charia. ».

Une autre disposition suscite l'attention, c'est l'article 10 prévoyant que « L'Islam est la religion de l'innéité. Aucune forme de contrainte ne doit être exercée sur l'homme pour l'obliger à renoncer à sa religion pour une autre ou pour l'athéisme ; il est également défendu d'exploiter à cette fin sa pauvreté ou son ignorance »

Ce constat nous permet de déduire qu'il est impossible de fonder des droits de l'homme sur une volonté autre que la volonté de Dieu.

Les professeurs Jacques Fialaire et Eric Mondielli affirmaient à cet égard que l'universalisme des droits de l'homme reste relatif puisque les sources d'inspiration des déclarations divergent ; les déclarations islamiques fondent les droits de l'homme « dans la conviction que Dieu seul est l'auteur de la loi et la source de tous les droits de l'homme, ce qui sous entend que le caractère démocratique ou non du régime est secondaire »169(*)

En définitive, la démarcation des Etats arabo musulman de la conception universelle des droits de l'homme est manifeste et de ce point de vue, l'universalité des droits de l'homme reste encore fragile.

Mais la civilisation arabo musulmane n'était pas la seule à opposer ses moeurs, sa religion et traditions à la conception universelle des droits de l'homme. En effet, d'autres figures de démarcation avaient été rappelées par les auteurs des droits et libertés.

Section 2. Les autres figures de démarcation

On s'intéresse à cet égard à l'étude de la conception Africaine des droits de l'homme (§. 1) avant de s'interroger sur la conception Asiatique (§. 2).

§. 1. La conception Africaine des droits de l'homme

Le continent africain fournit le troisième exemple de régionalisation des droits de l'homme après la protection européenne des droits de l'homme et la proclamation américaine.

Adoptée à Nairobi par la Conférence de l'OUA, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples du 27 juin 1981, souvent dite Charte de Banjul, constitue un apport important au développement du droit régional africain et comble une lacune essentielle en matière de proclamation des droits de l'homme. Bien que le seuil d'entrée en vigueur ait été placé très haut (ratification de la majorité absolue des 50 Etats membres, à l'époque, de l'OUA), la Charte est entrée en vigueur le 21 octobre 1986 (53 ratifications au 1er juillet 2004).

La Charte accorde une attention prioritaire aux droits des peuples : « La réalité et le respect des droits du peuple doivent nécessairement garantir les droits de l'homme ». Il faut y voir d'abord la survivance de l'anticolonialisme et de la nécessité de lutter contre les derniers bastions coloniaux. Selon les auteurs, L'introduction de ce concept est paradoxale, dans la mesure où la décolonisation est pratiquement achevée sur le continent africain : or le droit des peuples est conçu comme un droit à la sécession, auquel la pratique de l'OUA est totalement hostile au nom des principes de l'intangibilité des frontières et de l'intégrité territoriale. Les dispositions de la Charte relatives au droit des peuples sont aussi l'expression la plus achevée de la tendance moderne à la collectivisation des droits de l'homme, déjà évoquée. A cet égard, la Charte présente la singularité de faire cohabiter des concepts apparemment antinomiques : individu et peuple, droits individuels et droits collectifs, droits de la « troisième génération » et droits classiques. L'intérêt principal de la Charte se situe dans la conception africaine de l'homme. M'Baye (K) affirme que cette « culture africaine traditionnelle était incompatible avec l'idée de droits individuels contre la société et le pouvoir politique en tant qu'elle absorbe l'individu dans un réseau dense de liens familiaux et sociaux, y compris dans le passe, dont le totem serait l'archétype »170(*).C'est dans cette conception africaine de l'homme que les Etats africains marquent leur originalité et réaffirment leur attachement aux traditions et à la civilisation africaine. La conception européenne des droits de l'homme ne se retrouve pas dans l'Afrique traditionnelle où l'individu « absorbé par l'archétype du totem, de l'ancêtre commun ou du génie protecteur, se fond dans le groupe »171(*). Selon la conception sociale africaine, l'individu est enserré dans un réseau dense de liens avec ses parents, sa famille son groupe ethnique mais aussi les vivants et les morts, la matière et l'esprit. L'individu est inconcevable comme être singulier : il existe par le groupe et s'accomplit dans le groupe, qui est à la fois condition matérielle de son existence, cadre naturel de son épanouissement et finalité de son accomplissement. Les rapports entre l'individu et le groupe, loin d'être antagonistes, sont dominés par l'idée d'accord et d'harmonie.

L'impact juridique de cette conception sociale est l'existence de droits et de devoirs de l'individu vis-à-vis de la communauté et réciproquement. Le Préambule de la Charte établit ainsi une relation dialectique entre les droits et les devoirs (« la jouissance des droits et libertés implique l'accomplissement des devoirs de chacun ») et la Charte énonce le devoir de solidarité sociale », ancré dans le respect des valeurs fondamentales de la culture africaine. Les droits individuels énoncés présentent peu de particularités par rapport à ceux proclamés dans des instruments similaires. Il convient toutefois de noter que le droit au respect de la vie privée ou la liberté syndicale ne sont pas protégés par la Charte alors que le droit à l'égal accès aux biens et services publics est, pour la première fois, consacré par un instrument conventionnel.

La doctrine signale à cet égard qu'il est difficile d'apprécier l'impact de la Charte africaine sur le droit interne des Etats membres.

La charte africaine des droits de l'homme reconnaît sa dette à la conception universelle des droits de l'homme. En témoigne les termes de son préambule prévoyant : « en tenant dûment compte de la charte des nations unies et de la déclaration universelle des droits de l'homme »

Et d'ajouter : « les droits fondamentaux de l'être humain sont fondés sur les attributs de la personne humaine ». Mais il parait, dans la conception africaine des droits de l'homme, que ces droits sont inséparables des droits des peuples, de même que les droits de l'homme sont inséparables de ses devoirs envers la famille. La conception africaine place au centre du système le groupe donc la tribu et non pas l'individu ce qui représentait effectivement une dérogation a la conception occidentale a tendance universelle.

Le professeur Michel Levinet partage l'avis de Jacques Mourgeon quant à l'ambiguïté du droit des peuples proclamé dans la charte, plus précisément de savoir si ce droit conditionne le droit des individus ou pas.

Une autre problématique a été soulevée par la doctrine des droits et libertés relative cette fois ci au contenu du droit au développement en effet ce contenu doit être apprécié en tenant compte de l'universalité, de la primauté de la personne humaine qui est le sujet central du développement et « si le développement facilite la jouissance de tous les droits de l'homme, l'insuffisance du développement ne peut être invoquée pour justifier une limitation des droits de l'homme internationalement reconnus »172(*)

En effet lies aux droits de l'homme, objets d'une instrumentalisation par les Etats, les droits du peuple ne sont pas des droits de l'homme. Ils ne conduisent pas les Etats africains à l'instauration d'une société démocratique, condition essentielle de l'effectivité des droits et libertés. Le professeur Claudio Zanghi rappelle qu' « exister en Afrique, signifie renoncer a l'être individuel, particulier, compétitif, égoïste, agressif, conquérant, etc. pour être et vivre ensemble avec les autres dans la paix et l'harmonie avec les vivants, avec les morts, avec le milieu naturel et avec les esprits qui le peuplent et l'animent »173(*)

En définitive, cette conception africaine des droits de l'homme est en partie contradictoire dans son idéologie à la conception universelle.

Qu'en est il alors de la conception asiatique des droits de l'homme ?

§. 2. La conception Asiatique des droits de l'homme

La doctrine des droits et libertés n'avait pas analysé profondément les spécificités de la conception asiatique des droits de l'homme pourtant cette conception représente une véritable démarcation par rapport a la déclaration universelle des droits de l'homme et traduit la fragilité de l'universalité a l'heure actuelle.

Néanmoins, certains auteurs avaient mis l'accent sur les valeurs qui marquent l'identité asiatique et empêchent la réception « normale » de la conception occidentale, et l'on peut déduire que les Etats asiatiques défendent une dimension plus cosmologique du monde174(*).

En effet, dans le communique de gouvernement a Singapour en 1991 sur les valeurs partagées ou dans la déclaration commune a Bangkok en 1993, l'argument de la spécificité confucéenne de l'Asie est très présent175(*). Les dirigeants des États asiatiques comme Singapour, la Malaisie et la Chine critiquent la conception occidentale des droits de l'Homme comme un instrument de l'hégémonie de l'Occident. Ils subordonnent les libertés au développement économique, et qualifient le discours sur les droits de l'Homme d'« impérialisme culturel », à la manière du « choc de civilisations » défini par Samuel Huntington176(*).

Mais, en réalité, les valeurs asiatiques177(*) opposées à la conception occidentale des droits de l'homme cachent des gouvernements autoritaires qui, au nom de ces valeurs, renoncent à la démocratie. Le professeur Michel Levinet prévoit à cet égard que « sans doute, l'invocation des valeurs asiatiques peut se muer en un outil politique au service d'une élite qui détient le pouvoir politique et économique »178(*). Plusieurs gouvernements asiatiques, tout en se déclarant pourtant favorables au concept des droits de l'Homme et à son universalité, ont « cherché à redéfinir cette notion en mettant en question son applicabilité universelle dans des contextes culturels, économiques et sociaux divers. En somme, les participants ont souligné tant la diversité que l'universalité des droits de l'Homme ». Singapour a mis en exergue le fait que la reconnaissance universelle des droits de l'Homme pouvait s'avérer nocive si l'universalisme servait à refuser ou masquer la réalité de la diversité. De ce fait, l'universalité des droits de l'homme est acceptée mais avec des réserves, ce qui permet de parler d'une acceptation conditionnelle de l'universalité par les élites asiatiques. S'agissant des déclarations formulées par les Etats Asiatiques, on peut citer la Déclaration de Bangkok, adoptée lors de la Conférence régionale sur les droits de l'Homme réunie dans cette ville du 29 mars au 2 avril 1993, deux mois avant la Conférence de Vienne.

Certes, la Déclaration de Bangkok a réaffirmé le principe que tous les droits de l'Homme sont universels, toutefois, elle n'a pas manqué de souligner l'importance de la prise en compte des particularités nationales et régionales ainsi que les contextes historique, culturel et religieux.

La doctrine avait mis l'accent aussi sur les obstacles de la prise en compte de l'universalité des droits de l'homme par les Etats asiatiques, et à cet égard on peut citer la religion Bouddhiste ; le fruit d'une méditation transcendantale individuelle parfaitement accomplie.

Claude Leclercq prévoit que « le bouddhisme est universel, au même titre que la théorie des droits de l'homme, des droits naturels, posés par les écrits des auteurs occidentaux et dans les déclarations des droits d'origine européenne et américaine »179(*)

Par conséquent, les sympathisants de cette religion refusent d'adhérer a la conception occidentale des droits de l'homme et ce afin d'atteindre le Nirvana, le monde de la libération.

Faut il aussi ajouter que cette religion qui se veut mondiale, s'attaque aux religions monothéistes et en particulier au christianisme, ce qui justifie clairement le refus de tout commandement venant de l'occident. D'autres facteurs freinent l'acception de la conception occidentale, marquée par une idéologie individualiste, notamment la tradition de l'obéissance à la famille, à la communauté, aux autorités et à l'empereur. Ajoutons à ces facteurs, le système des Castes ou les intouchables en Inde, tout a fait contradictoire au principe de l'égalité, considéré comme un principe transversal en droit international. Le système des castes implique que chacun occupe une place assignée par la naissance et, partant, légitime les pires discriminations180(*). A cet égard le professeur Norbert Roland affirme que « pour les orientaux et la pensée confucéenne, l'homme doit vivre en harmonie avec ses semblables et le reste du monde, grâce a l'éducation, l'observation des rites, la recherche des arrangements et du compromis. Le droit en tant que système de régulation sociale jouit de peu d'estime ; la notion de droits subjectifs a peu de sens dans ces sociétés où les statuts ont une grande importance ; le recours au juge pour trancher un conflit est un signe presque infamant d'échec. On comprend des lors que tout système de déclaration de droits soit fort difficile à implanter dans cette partie du monde »181(*). De plus, il est presque impossible, souligne la doctrine, de parler des droits de l'homme en Chine, en effet le pays le plus peuple de la planète exerce des pratiques attentatoires aux droits de l'homme.

La réponse asiatique aux critiques sur les violations des droits de l'Homme prend la forme d'un réquisitoire contre l'Occident. Le concept des droits de l'Homme est considéré comme une invention occidentale et une abstraction à base culturelle imposée par un hégémon occidental vis-à-vis d'un monde peu enthousiaste.

Les valeurs partagées sont énumérées dans la déclaration de Bangkok comme suit : la nation avant la communauté, la société avant l'individu ; la famille comme unité fondamentale de la société ; le soutien communautaire et le respect pour l'individu ; le consensus et non pas le conflit ; l'harmonie raciale et religieuse. L'ordre public et la stabilité politique priment sur les droits individuels et la démocratie libérale. Les normes sociales collectives ont tendance à surpasser l'individualisme à l'oeuvre dans les sociétés démocratiques libérales. La démocratie est précieuse uniquement si elle débouche sur les autres gains sociaux préférés (ordre public et prospérité économique) ; elle n'est pas une fin en soi. La « démocratie à l'asiatique » repose sur le consensus social et la confiance en l'autorité. À cet égard, l'école singapourienne note l'incompatibilité entre les valeurs asiatiques et la démocratie libérale.

La primauté de la subsistance sur la liberté est un élément constitutif de la Déclaration de Bangkok. Cette approche réaffirme « l'interdépendance et l'indivisibilité des droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques, et la nécessité d'accorder la même importance à toutes les catégories de droits de l'homme » (article 10). Cependant, l'ordre dans lequel les droits sont énumérés indique la supériorité des droits de deuxième génération. La justification avancée par les relativistes est que le progrès économique et social facilite la tendance croissante vers la démocratie ainsi que la promotion et la protection des droits de l'homme. Prôner la division culturaliste est nuisible. La géopolitique orientaliste fournit un bon exemple de la perception du « choc de civilisations » défini par Samuel Huntington. Celui-ci considère l'Asie comme une connexion confucéenne islamique et une menace pour le monde judéo-chrétien des démocraties occidentales. À la lumière de la remise en question des valeurs asiatiques, il est impératif de repenser le modèle théorique culturaliste de Huntington.

Le ralliement au concept des valeurs asiatiques apparaît comme une tentative de créer un cadre idéologique pour justifier l'existence d'un gouvernement autoritaire. Il est clair que la rhétorique sur les valeurs asiatiques et la dichotomie des positions prises par les dirigeants au sein de la région montrent que le débat est privé de socle culturel mais, au contraire riche de notions idéologiques. « L'explication culturelle fondée sur « une identité asiatique » semble prématurée et reflète les aspirations de certains dirigeants asiatiques plutôt que les prédispositions culturelles des peuples d'Asie »182(*)

Conclusion générale :

En abordant cette étude portant sur la question de l'universalité des droits de l'homme dans les manuels relatifs aux droits et libertés, le principal souci était celui de démontrer la manière selon laquelle les auteurs ont abordé la problématique.

On a pu enregistrer trois points essentiels :

S'agissant de la densité de la matière dans les manuels, on a constaté au cours de notre recherche, que certains auteurs ont pris le soin d'analyser profondément le problème de l'universalité des droits de l'homme, tan disque d'autres, n'ont pas su estimer la valeur de la question. La question était, dans ces manuels, marginalisée voire même ignorée et pour cette raison, la référence à certains manuels, lors de notre analyse, était minime.

S'agissant des préoccupations des auteurs, on a constaté au cours de notre recherche que certains auteurs avaient réfléchi sur les fondements de l'universalité des droits de l'homme, plus exactement sur les fondements de la reconnaissance de cette universalité et les fondements de son rejet par certains Etats. Et si l'on adopte la classification établie par le professeur Gregorio Peces Barba Martinez, on peut dire que ces auteurs ont réfléchi sur l'universalité rationnelle des droits de l'homme.

D'autres auteurs s'intéressaient plutôt aux aspects techniques qui assurent cette universalité.

Le cas des internationalistes et des constitutionalistes. Ces derniers réfléchissaient sur le rôle de la justice constitutionnelle dans la préservation de la démocratie et des droits de l'homme.

Les internationalistes se sont intéressés plus aux aspects techniques, aux instruments et aux mécanismes de protection des droits de l'homme à l'échelle internationale. Bref, ces auteurs abordaient la problématique de l'universalité spatiale (ou cosmopolite) des droits de l'homme.

S'agissant des prises de position à l'égard de l'universalité des droits de l'homme, on a constaté que la quasi totalité de la doctrine avait dégagé les obstacles qui freinent le mouvement de l'universalisation des droits de l'homme, néanmoins, des divergences ont été enregistrées lors de la classification de ces problèmes.

Pour certains, il était nécessaire de rappeler les problèmes d'ordre théorique face à l'universalité des droits de l'homme, partant du constat que la compréhension de la question n'est possible que si l'on aborde ces contestations.

Pour d'autres la classification était surtout de deux sortes, l'une portait sur des problèmes d'ordre culturel et religieux, l'autre sur des problèmes d'ordre politique et économique.

Une partie de la doctrine voit dans l'universalité des droits de l'homme une réalité. A l'opposé, certains autres prétendent que cette universalité était plutôt une hypocrisie.

Entre ceux qui réclament la réalité de l'universalité des droits de l'homme et ceux qui prétendent son hypocrisie, d'autres auteurs avaient réfléchi sur les solutions qui peuvent résoudre les divers problèmes de l'universalité des droits de l'homme.

Enfin, un consensus sur la problématique de l'universalité des droits de l'homme, demeure une chose difficile, puisque « L'idée d'universalité (...) n'a pas elle-même, d'universalité »183(*).

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages

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.

2. OUVRAGES SPECIAUX

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DEGNI-SEGUI (René), Les droits de l'homme en Afrique noire francophone : Théories et réalités, Abidjan, Imprimob, 1997

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KANT (Emmanuel), Fondement de la métaphysique des moeurs, Paris, Ladrange, 1993

KRIEGEL (Blandine), Cours de philosophie politique, Paris, Librairie Générale Française, 1996

LOCHAK (D). Les droits de l'homme, éditions la Découverte, 2005

MBAYE (Keba), Les droits de l'homme en Afrique, Paris, Pédone, 1992

Mireille Delmas (M), trois défis pour un droit mondial, Seuil, 1998

RIALS (S), La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Paris, Hachette (Pluriel), 1988

VINCENSINI (J.J.), Le livre des droits de l'homme, Paris, Ed. Robert Laffont, 1985

WACHSAMANN (P). Les droits de l'homme, 4e éd. - Paris : Dalloz, 2002

Articles

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Blanchot (Hervé), le jihad et les valeurs universelles, Annuaire de l'Afrique du Nord, XXXIII (1994), Ed. C.N.R.S, pp.25ss

CHEKIR (Hafidha), « Universalité et spécificité : autour des droits des femmes en Tunisie », Center for philosophy of international Law and global politics, JURA GENTIUM, s.d.

DHOMMEAUX (Jean), « Les Etats parties à la Convention européenne des droits de l'homme et le Comité des droits de l'homme de l'ONU : de la cohabitation du système universel de protection des droits de l'homme avec le système européen » In Liber Amicorum Marc-André Eissen, Bruxelles/Paris, Bruylant /LGDJ, 1995, p120

Nation Unis, l'ONU pour tous. Ce qu'il faut savoir de l'ONU, de ses travaux, de son évolution pendant les 20 premières années (1945-1965), 8e Edition, New York, Service d'information, 1968

GUILLAUME (Gilbert), « La cour Internationale de justice et les droits de l'homme » In Revue Droits Fondamentaux, N°1, juillet décembre 2001

SCHABAS A. (William), « Les réserves des Etats Unis au Pacte international relatif aux droits civils et politique en ce qui concerne la peine de mort », in Revue Universelle des droits de l'homme, vol.6, n° 4-6, septembre 1994. pp137-150

TAVERNIER (Paul) « Destin du Pacte international relatif aux droits civils et politiques vingt ans après son entrée en vigueur », Pouvoir et liberté, Etudes offertes à Jacques Mourgeon, pp 479-493

Documents

Charte de la Ligue arabe, 1993, Aldeeb Abu-Sayed (Sami A.), les musulmans face aux droits de l'Homme, religion § droit § politique. Etude et documents, Bochum, Winkler, 1994, p. 505s

Déclarations de l'Organisation de la Communauté Islamique de 1979; 1981 et 1990, Aldeeb Abu-Sayed (Sami A.), les musulmans face aux droits de l'Homme, religion § droit § politique. Etude et documents, Bochum, Winkler, 1994

"Déclaration islamique universelle des droits de l'Homme", Aldeeb Abu-Sayed (Sami A.), les musulmans face aux droits de l'Homme, religion § droit § politique. Etude et documents, Bochum, Winkler, 1994

Les enjeux de L'universel, www.ldh-france.org/media/hommeslibertes/doss3_128.pdf

Recueil des cours de l'Académie de droit international de l'année 1951

( http://dexl.tsd.unifi.it/juragentium/en/index.htm

Table des matières

Introduction.....................................................................p 1

Partie I. La reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme .........................................................................p 8

Chapitre I : les fondements de la reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme..............................................................................p10

Section.1 La primauté de l'être humain abstrait ................................p10

§. 1. La primauté de l'être humain du point de vue philosophique.......................................................p11

A. les philosophies antiques ....................................p11

B. Les philosophies de l'age moderne ...............................p13

§ 2 - La primauté de l'être humain du point de vue religieux...................................................p16

A. L'universalisme de l'ancien testament................................................................P17

B. L'universalisme du nouveau testament......................................................P17

Section.2 L'Etat démocratique et libéral..............................................p19

§ 1 - les caractères généraux de l'Etat démocratique et libéral...............................................................p20

A La reconnaissance des libertés individuelles et politiques..........................................p20

B. la primauté de la loi et la séparation des pouvoirs ...................p21

C. les conditions liées aux titulaires des droits ...................24

§ 2 - l'Etat démocratique et libéral, un Etat de droit .....................25

A. la saisine de la notion par la doctrine..............................................p25

B. La conception substantielle, seule, garantit l'effectivité des droits de l'homme.............................................p27

Chapitre II les manifestations de la reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme............................................p30

Section.1 Les manifestations internes...............................................p30

§ 1 - L'universalité de la DDHC 1789...................................................p30

§ 2 - Les traits distinctifs de la DDHC par rapport aux autres déclarations de droit...............................................p32

A- Par rapport a la déclaration Américaine.....................................p32

B- Par rapport aux textes Anglais .....................................p34

Section.2 Les manifestations internationales.........................p34

§ 1 - les normes internationales...................................................................p35

§ 2 - L'internationalisation des mécanismes de protection des droits de l'homme.................................................p38

Partie II Les droits de l'homme, une universalité fragile...............p43

Chapitre I Les problèmes de l'universalité des droits de l'homme.........................................................p46

Section 1 Les divergences de classification des problèmes.........................................................p46

§ 1 - Les problèmes d'ordre théorique.................................................................p46

A les critiques externes .....................................p47

B les critiques internes ..............................p49

§ 2 les problèmes d'ordre culturel et religieux ..................p51

§ 2 Les problèmes d'ordre politique et économique ..................p53

Section 2 Les solutions proposées pour une universalité effective des droits de l'homme.........................................................p55.

§ 1 - l'universalité des droits -libertés ....................................p55

§ 2 - l'universalité des droits spécifiques ............................p57

Chapitre II La démarcation des Etats orientaux de la conception universelle des droits de l'homme.................................................p60

Section 1 La conception arabo musulmane des droits de l'homme....................................p60

§ 1 - Les fondements du particularisme des Etats arabo musulmans....................................p60

§ 2 - les manifestations du particularisme ............................p63

Section 2 - Les autres figures de démarcation....................................p66

§ 1 - La conception Africaine des droits de l'homme ....................................p66

§ 2 - La conception Asiatique des droits de l'homme....................................p69

Conclusion générale...........................................................................p72

Bibliographie.................................................................................p 75

Table des matières...........................................................................p 78

* 1 GRAWITZ (Madeleine), Lexique des sciences sociales, 7e Edition, Paris, Dalloz, 2000, p135

* 2 HERSCH (Jeanne) (sous la dir.), Le droit d'être un homme. Anthologie mondiale de la liberté, Paris, JCL/Unesco, 1990, p 129

* 3 VINCENSINI (J.J.), Le livre des droits de l'homme, Paris, Ed. Robert Laffont, 1985, p 12

* 4 KRIEGEL (Blandine), Cours de philosophie politique, Paris, Librairie Générale Française, 1996, pp 118-119

* 5 RIALS (S), La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Paris, Hachette (Pluriel), 1988, p 492

* 6 KANT (Emmanuel), Fondement de la métaphysique des moeurs, Paris, Ladrange, 1993, p 76

* 7 GUIMBO(R) In MORIN (Jean-Yves) (Sous la dir.), Les droits fondamentaux, Paris, Bruylant, 1997, p 73

* 8 Gregorio (P), Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ, 2004, p. 271

* 9 Ibid

* 10 WACHSAMANN (P). Les droits de l'homme, 4e éd. - Paris : Dalloz, 2002, p. 50

* 11 ALLAND (Denis), Droit international public, Paris, PUF, Collection Droit Fondamental, 2000, p. 577

* 12 POUGOUE (Paul Gérard) et SAWADOGO F.(Michel) cités par BAGORO BESSOLE (René), La protection des droits de l'homme dans la Charte Africaine des droits de l'homme, Mémoire DEA, Chaire Unesco des Droits de la Personne et de la Démocratie, Université d'Abomey-Calavi, Cotonou, 2001-2002, p. 79

* 13 MBAYE (Keba), Les droits de l'homme en Afrique, Paris, Pédone, 1992, p 76

* 14 DEGNI-SEGUI (René), Les droits de l'homme en Afrique noire francophone : Théories et réalités, Abidjan, Imprimob, 1997, pp 4-5

* 15 Nation Unis, l'ONU pour tous. Ce qu'il faut savoir de l'ONU, de ses travaux, de son évolution pendant les 20 premières années (1945-1965), 8e Edition, New York, Service d'information, 1968, p 148

* 16 Par exemple, dans l'article premier qui traite des buts et des principes de l'organisation ; dans l'article 62, concernant le Conseil économique et social, et dans l'article 76 sur les fins essentielles du régime international de tutelle. Dans l'article 56, tous les membres de l'ONU s'engagent à agir, tant conjointement que séparément, en coopération avec l'organisation en vue d'atteindre certains buts énumérés à l'article 55, notamment, la promotion du « respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ». A l'article 68, le Conseil économique et social est habilité à instituer des commissions « pour les question économiques et sociales et le progrès des droits de l'homme » In Nations Unies, Mécanisme des droits de l'Homme, Op.Cit., p 4

* 17 Levinet (M), Théorie générale des droits et libertés, Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 163

* 18 Mireille Delmas (M), trois défis pour un droit mondial, Seuil, 1998, pp. 25-26.

* 19 Les droits de l'homme, Dalloz, Coll  « Connaissance du droit », 4 ed, 2002, p. 45.

* 20 Michel Villey, cité par LEVINET (M.). Théorie générale des droits et libertés. - Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 161

* 21 Gregorio (P), Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ, 2004, p. 272

* 22 LOCHAK (D). Les droits de l'homme, éditions la Découverte, 2005, p. 49

* 23 Théorie générale des droits fondamentaux, LGDJ, 2004, p. 272

* 24 Les droits de l'homme, 2e Edition, Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1981, p 54.

* 25 Frédéric Sudre, Droit international et européen des droits de l'Homme, PUF, Droit fondamental, 2001, p. 43

* 26 Levinet (M), Théorie générale des droits et libertés, Bruxelles : Bruylant, 2006, p.164

* 27 Levinet (M), Théorie générale des droits et libertés Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 166

* 28 Robert (J) et Duffar (J). Droits de l'homme et libertés fondamentales, Montchrestien, 7ème éd., 1999, p 39

* 29 Levinet (M), Théorie générale des droits et libertés Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 166

* 30 Leclercq (C.), Libertés publiques, Litec, 2003, p. 13

* 31 Favoreu (L) et alii Droit des libertés fondamentales -3ème éd. 2005 -Dalloz, p.14

* 32 LEVINET (M.). Théorie générale des droits et libertés. - Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 178

* 33 Ibid

* 34 Ibid, pp.178-179

* 35 Ibid, p.179

* 36 Ibid

* 37 Ibid

* 38 Ibid

* 39 Ibid

* 40 Ibid

* 41 ISRAEL (J.-J.), Droit des libertés fondamentales, LGDJ, 1998, p. 68

* 42 Hobbes Léviathan chapitre XIV

* 43 Levinet (M), Théorie générale des droits et libertés Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 184

* 44 Favoreu L. et alii Droit des libertés fondamentales -3ème éd. 2005 -Dalloz, p 17

* 45 Levinet (M), Théorie générale des droits et libertés Bruxelles : Bruylant, p. 187

* 46 Levinet (M), Théorie générale des droits et libertés Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 171

* 47 Ibid

* 48 Ibid

* 49 Ibid

* 50 G. Lebreton : Libertés publiques et droits de l'homme, Armand Colin, Coll. U, 1995, p. 33

* 51 Gregorio (P), Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ, 2004, p.

* 52 Leclercq (C.), Libertés publiques, Litec, 2003, p. 11

* 53 Rivero J. Moutouh H Les libertés publiques - PUF - Thémis - t.1, 9e éd., p.109/110

* 54 Ibid

* 55 Leclercq (C.), Libertés publiques, Litec, 2003, p. 11

* 56 Une exception peut être soulevée s'agissant du Royaume Uni ou le dogme de la souveraineté de la loi a subsisté

* 57 Rousseau (D), Droit du contentieux constitutionnel - Montchrestien - 6ème éd.- 2001, p.489

* 58 Ibid, p.490

* 59 Ibid

* 60 Ibid

* 61 Charles Eisenmann, la justice constitutionnelle et la haute cour constitutionnelle d'Autriche, Economica, 1986, p.17

* 62 « Considérant que la compétence du Conseil constitutionnel est strictement délimitée par la Constitution ; qu'elle n'est susceptible d'être précisée et complétée par voie de loi organique que dans le respect des principes posés par le texte constitutionnel ; que le Conseil constitutionnel ne saurait être appelé à se prononcer dans d'autres cas que ceux qui sont expressément prévus par ces textes »

* 63 Levinet (M), Théorie générale des droits et libertés Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 191

* 64 Ibid

* 65 Droits de l'homme et libertés de la personne, Litec, 2000, p. 29

* 66 Alexandre Viala, cours de théories du contentieux constitutionnel, Master 2 recherche : droit constitutionnel et théorie du droit, année 2006/2007.

* 67 Positiviste Etatique

* 68 J. Chevalier, L'Etat de droit, Editions Montchrestien, Coll. Clefs, 3ème édition, 1999, p.154

* 69 Ibid

* 70 G. Lebreton : Libertés publiques et droits de l'homme, Armand Colin, Coll. U, 1995, page 24

* 71 Gilles Lebreton, libertés publiques et droits de l'homme, Paris, Armand Colin, Coll. U, 1995, p. 24

* 72 Ibid

* 73 Lebreton (G) et alii : Droit constitutionnel, Dalloz, Coll. Précis, 2001, page. 81

* 74 Levinet (M), Théorie générale des droits et libertés Bruxelles : Bruylant, p. 210

* 75 Ibid

* 76 Gregorio (P), Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ, 2004, p. 274

* 77 SUDRE F. Droit européen et international des droits de l'homme, 7ème éd, 2005, p. 43

* 78 MORANGE J. Droits de l'Homme et libertés publiques. - PUF - Droit fondamental - 5ème éd. 2000, p. 27

* 79 Ibid

* 80 Ibid

* 81 Ibid

* 82 LEVINET (M.). Théorie générale des droits et libertés. - Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 195

* 83 LEVINET (M.). Théorie générale des droits et libertés. - Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 196

* 84 Ibid

* 85 Roselyne Lettron, Annuaire français de relations internationales, pp. 145

* 86 MORANGE J. Droits de l'Homme et libertés publiques. - PUF - Droit fondamental - 5ème éd. 2000, p. 25

* 87 WACHSMANN P. Libertés publiques - 4ème éd. - 2002 - Dalloz, p. 16

* 88 LEVINET (M.). Théorie générale des droits et libertés. - Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 198

* 89 LOCHAK (D). Les droits de l'homme, éditions la Découverte, 2005, p. 49

* 90 WACHSAMANN (P). Les droits de l'homme, 4e éd. - Paris : Dalloz, 2002, p. 39

* 91 LOCHAK (D). Les droits de l'homme, éditions la Découverte, 2005, p. 49

* 92 Favoreu L. et alii Droit des libertés fondamentales -3ème éd. 2005 -Dalloz, p. 40

* 93 Voir pp. 276 à 283 du Recueil des cours de l'Académie de droit international de l'année 1951.

* 94 Mentionnons simplement que pour certains, les droits de l'homme étaient et demeurent le reflet d'une conception de l'universalité. "Au demeurant, le nombre important d'hommes et de femmes qui quotidiennement combattent, au péril de leur liberté et de leur vie, pour faire plier les dictatures partout dans le monde est le plus irrécusable des témoignages en faveur de l'universalisme des droits de l'homme. Mais en déduire l'universalité de ces derniers serait prendre ses rêves (occidentaux) pour la réalité (mondiale)". "Le constat de l'absence d'universalité n'implique évidemment aucune capitulation devant les assassins en puissance." V. Patrick Wachsmann, pp. 42 et 46.

* 95 SUDRE F. Droit européen et international des droits de l'homme, 7ème éd, 2005, p. 42.

* 96 Pacte international des droits civils et politiques et Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels

* 97 XAVIER (D). Droit naturel: Les questions du droit Tome I, PUF, 1998, p 527

* 98 Hormis les deux pactes, les autres conventions (Convention de Genève sur les réfugiés de 1951, Convention contre la torture de 1984, etc.) visent soit des atteintes spécifiques aux droits de l'homme, soit des catégories de personnes qui risquent plus que d'autres d'être victimes de discriminations ou d'atteintes à leurs droits fondamentaux.

* 99 SUDRE (F), Droit international et européen des droits de l'homme, 3e Edition, Paris, PUF, 1989, p.13

* 100 GUILLAUME (Gilbert), « La cour Internationale de justice et les droits de l'homme » In Revue Droits Fondamentaux, N°1, juillet décembre 2001 ( www.droits-fondamentaux.org/ )

* 101 CHARVIN (R.), SUEUR (J.-J.), Droits de l'homme et libertés de la personne, Litec, 2000, p.46-67

* 102 TAVERNIER (Paul) « Destin du Pacte international relatif aux droits civils et politiques vingt ans après son entrée en vigueur », Pouvoir et liberté, Etudes offertes à Jacques Mourgeon, pp 479-493

* 103 CHEKIR (Hafidha), « Universalité et spécificité : autour des droits des femmes en Tunisie », Center for philosophy of international Law and global politics, JURA GENTIUM, s.d. ( http://dexl.tsd.unifi.it/juragentium/en/index.htm

* 104 DHOMMEAUX (Jean), « Les Etats parties à la Convention européenne des droits de l'homme et le Comité des droits de l'homme de l'ONU : de la cohabitation du système universel de protection des droits de l'homme avec le système européen » In Liber Amicorum Marc-André Eissen, Bruxelle/Paris, Bruylan/LGDJ, 1995, p120

* 105 CHEKIR (Hafidha), Op.Cit.

* 106 SCHABAS A. (William), « Les réserves des Etats Unis au Pacte international relatif aux droits civils et politique en ce qui concerne la peine de mort », in Revue Universelle des droits de l'homme, vol.6, n° 4-6, septembre 1994. pp137-150

* 107 TRAVERNIER (Paul), Op.Cit., p482

* 108 CHERIK (Hafidha), Op.Cit

* 109 LOCHAK (D). Les droits de l'homme, éditions la Découverte, 2005, p. 58

* 110 WACHSAMANN (P). Les droits de l'homme, 4e éd. - Paris : Dalloz, 2002, p. 50

* 111 WACHSAMANN (P). Les droits de l'homme, 4e éd. - Paris : Dalloz, 2002, p. 39

* 112 CHARVIN (R.), SUEUR (J.-J.), Droits de l'homme et libertés de la personne, Litec, 2000, p. 60

* 113 SUDRE (F.), Droit international et européen des droits de l'Homme, PUF, Droit fondamental, 2000, p. 44

* 114 RIVERO J. ET MOUTOUH H Les libertés publiques - PUF - Thémis - t.1, 9e éd., 2003, p. 110

* 115 Gregorio (P), Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ, 2004, p. 276

* 116 LEVINET (M.). Théorie générale des droits et libertés. - Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 204

* 117 MORANGE (J.), Droits de l'homme et libertés fondamentales, PUF, 2000, p. 64

* 118 Ibid

* 119 Gregorio (P), Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ, 2004, p. 276

* 120 Ibid, p. 277

* 121 Cité par Gregorio (P), Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ, 2004, p.278

* 122 Ibid

* 123 Ibid

* 124 Gregorio (P), Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ, 2004, pp. 277/ 278

* 125 Ibid, p278

* 126 Tristes tropiques, Plon, Paris, p.27

* 127 Article 16 de la DDHC 1789 « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution »

* 128 Gregorio (P), Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ, 2004, p. 279

* 129 LEBRETON (G.), Libertés publiques et droits de l'Homme, Colin, 2003, p. 103

* 130 Leclercq (C.), Libertés publiques, Litec, 2003, p. 16

* 131 LEBRETON (G.), Libertés publiques et droits de l'Homme, Colin, 2003, p. 104

* 132 CHARVIN (R.), SUEUR (J.-J.), Droits de l'homme et libertés de la personne, Litec, 2000, p. 161

* 133 Ibid

* 134 SUDRE (F.), Droit international et européen des droits de l'Homme, PUF, Droit fondamental, 2001, p. 44

* 135 Cité par Levinet (M), Théorie générale des droits et libertés Bruxelles : Bruylant, p. 204

* 136 Favoreu L. et alii, Droit des libertés fondamentales -3ème éd. 2005 -Dalloz, p. 53

* 137 LEBRETON (G.), Libertés publiques et droits de l'Homme, Colin, 2003, p. 129

* 138 Xavier (D). Droit naturel: Les questions du droit Tome I, PUF, 1998, p. 527

* 139 Gregorio (P), Théorie générale des droits fondamentaux, LGDJ, 2004, p. 278

* 140 TURPIN D. Libertés publiques et droits fondamentaux -Seuil -éd. 2004, p. 17

* 141 CHARVIN (R.), SUEUR (J.-J.), Droits de l'homme et libertés de la personne, Litec, 2000, p. 61

* 142 Rivero J. ET Moutouh H, Les libertés publiques - PUF - Thémis - t.1, 9e éd., 2003, p. 109

* 143 Ibid

* 144 WACHSAMANN (P). Les droits de l'homme, 4e éd. - Paris : Dalloz, 2002, p. 40

* 145 XAVIER (D). Droit naturel: Les questions du droit Tome I, PUF, 1998, p. 526

* 146 SUDRE (F.), Droit international et européen des droits de l'Homme, PUF, Droit fondamental, 2001, p. 44

* 147 Gregorio (P), Théorie générale des droits fondamentaux, LGDJ, 2004, p. 281

* 148 Ibid, p. 282

* 149 Rivero J. ET Moutouh H, Les libertés publiques - PUF - Thémis - t.1, 9e éd., 2003, p. 108/109

* 150 Ibid p 110

* 151 Gregorio (P), Théorie générale des droits fondamentaux, LGDJ, 2004, p. 282

* 152 Ibid, p. 283

* 153 Jean Bernard Marie, cité par LEVINET (M.). Théorie générale des droits et libertés. - Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 207

* 154 LEVINET (M.). Théorie générale des droits et libertés. - Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 207

* 155 Mireille (D), Trois défis pour un droit mondial, Le Seuil, Coll. « Essais », 1998, p.25.

* 156 Gregorio (P), Théorie générale des droits fondamentaux, LGDJ, 2004, p. 283

* 157 Gregorio (P), Théorie générale des droits fondamentaux, LGDJ, 2004, p. 289

* 158 Lochak (D). Les droits de l'homme, éditions la Découverte, 2005, p. 55

* 159 LEBRETON (G.), Libertés publiques et droits de l'Homme, Colin, 2003, p. 129

* 160 Le choc des civilisations (traduction française, Odile Jacob, 1997)

* 161 MATHIEU B. et VERPEAUX M. Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux - 2002 - LGDJ, p. 13

* 162 Leclercq (C.), Libertés publiques, Litec, 2003, p. 17

* 163 Ibid

* 164 En effet le texte coranique est susceptible de plusieurs interprétations, il ouvre à la problématique herméneutique, pour cette raison ce texte était parfois instrumentalisé pour servir les intérêts de chaque école islamique.

* 165 LEVINET (M.). Théorie générale des droits et libertés. - Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 227

* 166 Ibid

* 167 LEBRETON (G.), Libertés publiques et droits de l'Homme, Colin, 2003, p.120

* 168 LEVINET (M.).Théorie générale des droits et libertés. - Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 236

* 169 MONDIELLI (E), FIALAIRE (J), droits fondamentaux et libertés publiques, Ellipses, 2005, p. 43.

* 170 Favoreu L. et alii Droit des libertés fondamentales -3ème éd. 2005 -Dalloz, p. 53

* 171 M'Baye (K), Les droits de l'homme en Afrique, Pedone, 2e édition, 2002, p.95

* 172 LEVINET (M.).Théorie générale des droits et libertés. - Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 217

* 173 Ibid

* 174 MATHIEU B. et VERPEAUX M. Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux - 2002 - LGDJ, p. 13

* 175 Favoreu L. et alii Droit des libertés fondamentales -3ème éd. 2005 -Dalloz, p. 51

* 176 Le choc des civilisations (traduction française, Odile Jacob, 1997)

* 177 La notion trouve son origine à Singapour à la fin des années 1980 et au début 1990 quand le premier ministre Lee Kwan Yew et ses ministres ont réfléchi sur l'identité de leur Etat Cité et aux moyens de la renforcer.

* 178 LEVINET (M.). Théorie générale des droits et libertés. - Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 220

* 179 Leclercq (C.), Libertés publiques, Litec, 2003, p. 18

* 180 LEVINET (M.). Théorie générale des droits et libertés. - Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 222

* 181 Ibid

* 182 Maria Linda Tinio. Préface de Boutros Boutros-Ghali. Editions l'Harmattan, Paris, in Les enjeux de l'universel , http://www.ldh-france.org/media/hommeslibertes/doss3_128.pdf

* 183 Dominique Colas, Sciences et différence: la question des droits de l'homme et l'anthropologie, in Les valeurs de la révolution devant la science actuelle, Presses universitaires de Nancy, 1990, p.73






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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway