La question des l'universalite des droits de l'homme dans les manuels relatifs aux droits et libertés( Télécharger le fichier original )par Mohamed Hedi SEHILI Université Montpellier 1 - Master recherche Droit constitutionnel et théorie du droit 2007 |
Sommaire :Introduction I° Partie. La reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme Chapitre 1 : Les fondements de la reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme Section 1. La primauté de l'être humain abstrait Section 2. L'Etat démocratique et libéral Chapitre 2 : Les manifestations de la reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme Section 1. Les manifestations internes Section 2. Les manifestations internationales II° Partie. Les droits de l'homme, une universalité fragile Chapitre 1 : Les problèmes de l'universalité des droits de l'homme Section 1. Les divergences de classification des problèmes Section 2. Les solutions proposées Chapitre 2 : La démarcation des Etats orientaux de la conception universelle des droits de l'homme Section 1. La démarcation des Etats arabo musulmans de la conception universelle des droits de l'homme Section 2. Les autres figures de démarcation IntroductionLes droits de l'homme sont un « ensemble de droits, libertés et prérogatives reconnus aux hommes en tant que tels »1(*), c'est-à-dire en leur seule qualité d'être humain. Mettant l'accent sur le fait que l'homme est un individu, Jeanne Hersch considère les droits de l'homme comme « des droits individuels, naturels, primitifs, absolus, primordiaux ou personnels. Ce sont des facultés, des prérogatives morales que la nature confère à l'homme en tant qu'être intelligent »2(*). Quant à Vincensini, il considère les droits de l'homme comme « des prérogatives gouvernées par les règles reconnues par le droit constitutionnel et le droit international qui visent à défendre les droits de la personne dans leurs relations avec le pouvoir de l'Etat et avec les autres personnes et qui tendent à promouvoir l'établissement des conditions permettant de jouir effectivement de ces droits »3(*) Il s'en déduit que les droits de l'homme sont des facultés que tout être humain ou individu possède en toute liberté et dont les violations ou tout refus à y satisfaire est considéré comme illégaux parce que reconnus par la collectivité. Ce sont aussi des standards fondamentaux, des prérogatives morales ou des règles que la nature confère à l'homme en tant qu'être doué d'intelligence auxquels doivent se conformer la coexistence des sociétés et des individus; qui sont la manifestation de sa personnalité et qui lui permettent d'agir, de vivre, de se protéger. Les droits de l'homme sont le fondement de la liberté, de la justice, de la paix et dont le respect permet à l'homme de se développer. Le fondement du respect des droits de l'homme est la théorie du droit naturel dont l'idée en jeu est la suivante : c'est en raison de la nature de l'homme, présente en chaque individu dès sa naissance, que tous les êtres humains ont des droits fondamentaux. Ces droits apparaissent comme des droits innés et, en tant que tels, sont antérieurs à toute organisation sociale et politique. Pour Blandine Kriegel, « la nature humaine comporte des droits inaliénables. C'est la nature avec la loi, c'est-à-dire un univers où l'exigence mathématique conduit en même temps à définir des lois de rapport entre êtres et à décrire l'égalité fondamentale des conditions. Le fondement du respect des droits de l'homme est donc, ici, leur caractère obligatoire et leur inhérence à la nature humaine. Les droits de l'homme sont donc un droit naturel »4(*) .Cette influence du « jus naturalisme » figure dans un grand nombre de déclarations de la fin du XVIIIe siècle, notamment, dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 qui dispose dans son préambule et ses deux premiers articles que : « Les représentants du peuple français, (...), considérant que l'ignorance ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme (...) ». « Article 1er - Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune ». « Article 2 - Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression »5(*) Dans certains cas, cette nature de l'homme est considérée comme le résultat d'une création divine, c'est-à-dire une référence religieuse à l'idée d'un être suprême. D'où la notion du caractère sacré de la dignité de la personne humaine créée à l'image de Dieu comme fondement du respect des droits de l'homme. L'ensemble des droits de l'homme correspond donc à la substance de la dignité de l'être humain compris dans son intégrité, ils se réfèrent à la satisfaction des besoins essentiels de l'homme, à l'exercice de ses libertés, à ses rapports avec les autres personnes. Ce qui implique la lutte contre toutes formes d'exploitation et de manipulation perpétrées au détriment des hommes, non seulement dans les domaines social, politique et économique, mais aussi sur les plans culturel, idéologique et médical. Comprise par Emmanuel Kant comme « ce qui est au-dessus de tout prix et n'admet nul équivalent, n'ayant pas une valeur relative mais une valeur absolue »6(*)et par Guimbo R. comme une « certaine conception de soi qui s'oppose aux actes dégradants dont l'individu serait responsable ou dont autrui se rendrait coupable à son égard »7(*); la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine a été reconnue par la Communauté internationale comme fondement de la liberté, de la justice et de la paix. Les définitions déjà avancées ci-dessus mettent toutes l'accent sur l'aspect universel des droits de l'homme, mais que faut il entendre par universalité des droits de l'homme ? Selon Gregorio Peces Barba Martinez, cette notion couvre trois choses distinctes qui sont toutes liées aux fondements des droits. D'abord, sur un plan rationnel, l'universalité désigne l'attribution des droits a tous les êtres humains « ces droits sont rationnels et abstraits, en accord avec le fait qu'ils sont attribues a tous les hommes et qu'ils sont porteurs d'une prétention de validité générale du fait des critères de moralité qui les fondent »8(*) Sur un plan temporel, l'universalité repose sur le caractère général et abstrait des droits de l'homme, donc ces droits doivent être attribuées à l'homme indépendamment du facteur historique. Enfin, sur le plan spatial, les droits de l'homme doivent concerner toutes les sociétés politiques sans exception. L'auteur rappelle aussi que chaque composante de l'universalité des droits de l'homme fait l'objet d'une étude par ses spécialistes. A cet égard l'universalité au sens rationnel fait l'objet d'une étude par les philosophes du droit, l'universalité au sens temporel, fait l'objet d'une étude par les historiens du droit, enfin l'universalité spatiale, celle-ci est le centre d'intérêt des constitutionnalistes, des internationalistes et des comparatistes. S'agissant des divergences quant a l'emploi des termes universalisme ou universalité, l'auteur signale que la doctrine utilise parfois les deux termes indifféremment alors qu'il y a d'autres qui ne les assimilent pas. Le professeur Gregorio Peces Barba Martinez, quant à lui, affirme que l'universalisme des droits de l'homme, renvoie plus au premier sens de l'universalité c'est-à-dire l'universalité au sens rationnel. Toutefois, parler de l'universalité des droits de l'homme, suppose que ces droits soient valides pour tous les hommes « mais qui sont envisagés dans un contexte historique ou géographique »9(*). Faut il aussi préciser que, parler de l'universalité temporelle, désigne le processus de généralisation des droits de l'homme alors que traiter la question de l'universalité spatiale revient nécessairement a parler du processus d'internationalisation des droits de l'homme. La question de l'universalité des droits de l'homme est aujourd'hui au coeur du débat de nombreux chercheurs et penseurs de sciences humaines et sociales, juristes, anthropologues, philosophes du droit, historiens du droit, les comparatistes, les internationalistes et les constitutionalistes...etc. L'universalité des droits de l'homme fait aussi l'objet d'une étude par les auteurs des manuels des droits et libertés. Au cours de ce travail nous allons étudier cette question, seulement à partir des manuels des droits et libertés, cependant la référence à certains ouvrages ou articles qui n'entrent pas dans la catégorie des manuels demeure marginale par rapport a notre objet principal. Ce travail ne peut prétendre d'éclairer totalement le lecteur sur la problématique de l'universalité des droits de l'homme. Ce travail s'est heurté aux difficultés de négligence de la question par certains auteurs des manuels des droits et libertés, mais cela n'à pas empêcher de dégager quelques approches et quelques prises de positions par certains d'entre eux sur la question de l'universalité des droits de l'homme. De plus l'ampleur et la complexité du sujet, l'étendue de son champ, et le nombre d'écrits nouveaux touchant à la problématique en question ont obligé à des choix qui peuvent parfois paraître arbitraires: on pourra légitimement reprocher la négligence de telle ou telle référence, de telle ou telle question, qui auraient été plus intéressantes que ceux qui ont été retenues dans ce développement. Bref, il faut bien noter que ce travail est loin de pouvoir rendre compte de la complexité du débat sur l'universalité des droits de l'homme. Malgré ces limites, cette recherche a pour objectif principal de concevoir la manière par laquelle les auteurs des manuels des droits et libertés ont traité cette problématique et la manière par laquelle ils ont procédé pour étudier cette question. Comment alors la question de l'universalité des droits de l'homme était traitée dans les manuels relatifs aux droits et libertés ? Une étude approfondie de ces manuels, nous permet de constater que cette universalité était envisagée à partir de deux points de vue différents. D'une part l'universalité des droits de l'homme, d'un point de vue de sa destination. Cet angle nous permet de constater avec la doctrine que l'universalité des droits de l'homme est reconnue aussi bien sur le plan interne que sur le plan international, en effet les droits de l'homme s'adressent à tous les hommes sans distinction10(*). Témoigne sans doute, sur le plan international, la prolifération des traités relatifs aux droits et libertés qui est déjà une indication - relative - de la volonté des Etats de les respecter. Cette obligation de respect concerne l'ensemble des droits de l'homme d'origine coutumière ou conventionnelle, en prenant comme point de départ l'article 55 de la Charte des Nations Unies11(*). La reconnaissance des droits de l'homme et leur introduction dans l'ordre juridique international font alors d'eux l'une des tâches prioritaires de la communauté internationale. Les droits de l'homme sont désormais un phénomène qui appartient au terroir de toutes les nations de telle sorte qu'ils ne sont étrangers à aucune culture. Les diversités culturelles sont considérées comme un enrichissement de l'universalité. C'est ainsi que le professeur Paul Gérard Pougoue parle de « l'universalisme pluriel » pour dire que les droit de l'homme sont justement le produit de plusieurs apports culturels non exclusifs les uns les autres. Et au professeur Michel F. Sawadogo de renchérir : « l'universalisme découle également de l'enrichissement possible et souhaitable des droits de l'homme par toutes les nations du monde »12(*). L'universalisme suppose également que leur absence ou leur méconnaissance par l'Etat va plus loin qu'une simple négation de la dignité humaine. Elle a sa place aux racines même de la pauvreté et de la violence politique qui sont le fléau du monde actuel. Cette conception élargie des droits de l'homme constitue la pierre angulaire des activités des Nations Unies considérées comme le catalyseur principal de la promotion et de la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'échelle mondiale. En effet, la création de l'Organisation des Nations Unies à la Conférence de San Francisco depuis 1945 a rendu effectif l'idéal de la promotion et de la « protection » des droits de l'homme sur le plan universel. Le juge Keba Mbaye définit, de ce fait, la protection comme étant « tout système comportant, à l'occasion d'une ou de plusieurs violations d'un principe ou d'une règle relatifs aux droits de l'homme et édictés en faveur d'une personne ou d'un groupe de personne, la possibilité pour l'intéressé de soumettre une réclamation, de déclencher une mesure tendant à faire cesser la ou les violations ou à assurer aux victimes une réparation équitable »13(*). La protection des droits de l'homme constitue alors la dimension spatiale de leur conquête. Ainsi, le professeur DEGNI-SEGUI a-t-il pu écrire : « on est passé de la protection nationale à la protection régionale en passant par la protection universelle »14(*) Au cours de ses dix premières années d'existence, l'activité des Nations Unies dans ce domaine fut essentiellement, mais non exclusivement, consacré à la définition des « droits de l'homme » et des « libertés fondamentales » et à l'élaboration des normes et des principes généraux, surtout par l'adoption des instruments internationaux de protection15(*). Ainsi, dès le préambule de la Charte Constitutive, les Nations Unies « proclament leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des droits de l'homme et de la femme, ainsi que des nations, grandes et petites ». La volonté de développer et d'encourager le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de faciliter leur jouissance est affirmée sous formes diverses et à plusieurs reprises dans les dispositions de la Charte des Nations Unies16(*). Sur le plan interne, les constitutions nationales des Etats mettent en avant les droits de l'homme. Tous les Etats reconnaissent la valeur de ces droits et organisent les mécanismes nécessaires qui garantissent leur respect. Par conséquent le rôle de la justice constitutionnelle demeure principalement la défense de la transcendance des droits de l'homme, le juge constitutionnel devient, à son tour, une institution impérative. Sa mission en tant que juge qui contrôle la constitutionnalité de la loi, est de sanctionner la méconnaissance des droits fondamentaux de l'homme rien que ces droits inviolables, sont placés au sommet de la hiérarchie des normes. La légitimité de la justice constitutionnelle passe ainsi avant tout par la protection de ceux-ci contre les possibles atteinte par le législateur. La défense des droits de l'Homme est donc le corollaire à la fonction d'identification en ce sens qu'elle permet de rejoindre la finalité de la démocratie : un gouvernement par le peuple, donc dans son intérêt et non pas dans celui du seul gouvernant. Sous cet angle, la justice constitutionnelle trouve pleinement sa justification au sein d'un État de droit. L'autre point de vue envisagé par la doctrine sur la question de l'universalité des droits de l'homme, est celui de leur réception. En se plaçant de ce côté, on constate que l'universalité des droits de l'homme demeure encore fragile. La doctrine des droits et libertés affirme à cet égard que « toute interrogation sur la possible universalité des droits de l'homme conduit à affronter la dialectique universalité/spécificité des droits de l'homme, autrement dit a effectuer le constat de la coexistence des discours de l'universel et de la pluralité »17(*)et d'ajouter que « l'universalité des droits de l'homme renvoie davantage à l'univers mental qu'à l'univers réel. Affirmée par la Déclaration universelle de 1948, elle est pour l'essentiel à construire »18(*), ou encore l'affirmation de Patrick Wachsmann « les droits de l'homme sont un universalisme (ils s'adressent à tous les hommes sans distinction), ils ne sont pas universels »19(*) Sans doute, la fragilité de l'universalité des droits de l'homme est due à plusieurs facteurs, freins et obstacles. Ces facteurs sont d'ordre théorique, culturel, religieux et même des facteurs économiques et politiques. Plusieurs juristes doutent aujourd'hui de l'universalité des droits de l'homme, en effet la réception d'une conception occidentale des droits de l'homme par les Etats du Sud n'est pas une réception « normale ». Certaines civilisations opposent encore leurs moeurs, traditions et authenticités à l'universalité des droits de l'homme. Certains autres penseurs nous invite vivement à ne pas prendre pour des universaux des prétentions à l'universel. La remise en cause de l'universalité des droits de l'homme tient aussi au mouvement de leur régionalisation. Ce phénomène de régionalisation des droits de l'homme avait manifesté une véritable démarcation des Etats orientaux de la conception universelle des droits de l'homme. Ces Etats, à travers leurs documents, ont manifeste une hostilité a l'égard de l'Occident et par conséquent à la conception voulue universelle par l'Organisation des Nations Unies. Entre ceux qui affirment la réalité de l'universalité des droits de l'homme et ceux qui réclament son hypocrisie, un autre courant de la doctrine propose des solutions, des idées et des corrections, pourvue que l'universalité des droits de l'homme devient un acquis plutôt qu'un requis. Compte tenu des éléments qui viennent d'être retracés, il est alors légitime d'exposer la reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme (Partie I), avant d'analyser la fragilité de cette universalité (Partie II)
Pour étudier la question de la reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme, il est d'abord impératif de s'interroger sur les fondements de cette universalité, en d'autres termes d'analyser les principes et les raisons servant de base à affirmer l'universalité des droits et libertés. Précisément, il est nécessaire de chercher, en premier lieu, les fondements idéologiques de l'universalité des droits de l'homme avant de chercher les affirmations textuelles car « les textes sont des résultats. Eux-mêmes ont leurs sources, à partir desquelles s'interprète leur sens et se mesure leur autorité »20(*) . Une fois notre recherche des fondements est opérée, il serait alors légitime de passer à une analyse textuelle c'est-à-dire de concevoir l'universalité des droits et libertés dans un standard positif. En effet une règle de droit n'acquiert son caractère obligatoire que si elle est posée, autrement dit elle doit être incorporée dans un ordre juridique précis et selon des procédures d'élaboration bien déterminées. Mais cette positivisation des droits n'est pas sans danger sur les droits de l'homme et par conséquent sur leur éventuelle universalité puisque la définition même du concept « universel » est tout à fait opposée au processus de positivisation des droits de l'homme. Reprenant encore une fois la définition de l'universalité des droits, du moins au sens rationnel, celle-ci nécessite leur exclusion du cadre juridique « ils n'ont donc pas à être contextualisés ou aménagés en fonction de chaque système juridique »21(*) Par ailleurs, un autre courant de pensée prétend que l'internationalisation des droits de l'homme (forme de l'universalité spatiale), est signe et vecteur de leur universalité22(*) Compte tenu des éléments qui viennent d'être retracés, il est alors légitime, avant d'exposer les manifestations de l'universalité des droits de l'homme (chapitre 2), de s'interroger sur les fondements de cette universalité (chapitre 1). Chapitre 1 : Les fondements de la reconnaissance de l'universalité des droits de l'hommePar fondement, on désigne les raisons légitimes, les principes de base ayant aboutit à reconnaître un système. La doctrine des droits et libertés, plus précisément les auteurs des manuels des droits de l'homme ont fondé cette universalité sur l'Homme, autrement dit sur la primauté de la personne humaine abstraite (section 1) mais on insiste souvent sur une forme bien déterminée d'Etat, celle de l'Etat démocratique et libéral (section 2) Section 1. La primauté de l'être humain abstrait La définition de l'universalité déjà avancée au niveau de notre introduction montre bien cette dimension abstraite de l'être humain, l'universalité rationnelle suppose par définition l'attribution des droits à tous les hommes indépendamment de leurs race, nationalité ou religion. Suivant le modèle de Laporta, exposé par Grégorio Peces Barba Martinez, l'universalité rationnelle ou l'universalisme des droits pose le principe selon lequel « ... la condition d'être humain suffit pour être titulaire des droits de l'homme quel que soit le contexte et en toute circonstance »23(*). C'est en ce sens que Jacques Mourgeon écrit « La reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde »24(*). Le professeur Frédéric Sudre reprend à son tour la formulation de Jean Rivero en prévoyant qu'« au coeur du concept de droits de l'homme, il y a l'intuition de l'irréductibilité de l'être humain à tout son environnement social »25(*). Allant dans ce sens, le professeur Michel Levinet affirme que « la personne humaine constitue la pierre angulaire de toute société »26(*). Ainsi la primauté de l'être humain constitue le premier fondement de l'universalité des droits de l'homme en d'autres termes si l'homme est universel alors il est tout à fait légitime que ses droits soient aussi universels. Notre démarche serait alors d'exposer cette primauté de la personne humaine d'abord d'un point de vue philosophique (§. 1) ensuite d'un point de vue religieux (§.2) §. 1. La primauté de l'être humain du point de vue philosophiqueLa primauté de la personne humaine doit être envisagée d'abord dans les philosophies antiques (A) ensuite dans les philosophies modernes (B). * 1 GRAWITZ (Madeleine), Lexique des sciences sociales, 7e Edition, Paris, Dalloz, 2000, p135 * 2 HERSCH (Jeanne) (sous la dir.), Le droit d'être un homme. Anthologie mondiale de la liberté, Paris, JCL/Unesco, 1990, p 129 * 3 VINCENSINI (J.J.), Le livre des droits de l'homme, Paris, Ed. Robert Laffont, 1985, p 12 * 4 KRIEGEL (Blandine), Cours de philosophie politique, Paris, Librairie Générale Française, 1996, pp 118-119 * 5 RIALS (S), La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Paris, Hachette (Pluriel), 1988, p 492 * 6 KANT (Emmanuel), Fondement de la métaphysique des moeurs, Paris, Ladrange, 1993, p 76 * 7 GUIMBO(R) In MORIN (Jean-Yves) (Sous la dir.), Les droits fondamentaux, Paris, Bruylant, 1997, p 73 * 8 Gregorio (P), Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ, 2004, p. 271 * 9 Ibid * 10 WACHSAMANN (P). Les droits de l'homme, 4e éd. - Paris : Dalloz, 2002, p. 50 * 11 ALLAND (Denis), Droit international public, Paris, PUF, Collection Droit Fondamental, 2000, p. 577 * 12 POUGOUE (Paul Gérard) et SAWADOGO F.(Michel) cités par BAGORO BESSOLE (René), La protection des droits de l'homme dans la Charte Africaine des droits de l'homme, Mémoire DEA, Chaire Unesco des Droits de la Personne et de la Démocratie, Université d'Abomey-Calavi, Cotonou, 2001-2002, p. 79 * 13 MBAYE (Keba), Les droits de l'homme en Afrique, Paris, Pédone, 1992, p 76 * 14 DEGNI-SEGUI (René), Les droits de l'homme en Afrique noire francophone : Théories et réalités, Abidjan, Imprimob, 1997, pp 4-5 * 15 Nation Unis, l'ONU pour tous. Ce qu'il faut savoir de l'ONU, de ses travaux, de son évolution pendant les 20 premières années (1945-1965), 8e Edition, New York, Service d'information, 1968, p 148 * 16 Par exemple, dans l'article premier qui traite des buts et des principes de l'organisation ; dans l'article 62, concernant le Conseil économique et social, et dans l'article 76 sur les fins essentielles du régime international de tutelle. Dans l'article 56, tous les membres de l'ONU s'engagent à agir, tant conjointement que séparément, en coopération avec l'organisation en vue d'atteindre certains buts énumérés à l'article 55, notamment, la promotion du « respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ». A l'article 68, le Conseil économique et social est habilité à instituer des commissions « pour les question économiques et sociales et le progrès des droits de l'homme » In Nations Unies, Mécanisme des droits de l'Homme, Op.Cit., p 4 * 17 Levinet (M), Théorie générale des droits et libertés, Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 163 * 18 Mireille Delmas (M), trois défis pour un droit mondial, Seuil, 1998, pp. 25-26. * 19 Les droits de l'homme, Dalloz, Coll « Connaissance du droit », 4 ed, 2002, p. 45. * 20 Michel Villey, cité par LEVINET (M.). Théorie générale des droits et libertés. - Bruxelles : Bruylant, 2006, p. 161 * 21 Gregorio (P), Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ, 2004, p. 272 * 22 LOCHAK (D). Les droits de l'homme, éditions la Découverte, 2005, p. 49 * 23 Théorie générale des droits fondamentaux, LGDJ, 2004, p. 272 * 24 Les droits de l'homme, 2e Edition, Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1981, p 54. * 25 Frédéric Sudre, Droit international et européen des droits de l'Homme, PUF, Droit fondamental, 2001, p. 43 * 26 Levinet (M), Théorie générale des droits et libertés, Bruxelles : Bruylant, 2006, p.164 |
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